Travail de Fin d`Études

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Travail de Fin d`Études
Travail de Fin d’Études :
La prise en charge des familles en Réanimation...
Naomi Riou
16 mai 2014
Sous la direction de : Madame Patricia Perret
Promotion 2011-2014
IFSI J.LEPERCQ
42 Bis rue du Professeur Grignard
69007 Lyon
Travail de Fin d’Études :
UE 3.4 : Initiation à la démarche de recherche
UE 5.6 : Analyse de la qualité et traitements des données scientifiques
et professionnelles
La prise en charge des familles en Réanimation...
Naomi Riou
16 mai 2014
Sous la direction de : Madame Patricia Perret
Promotion 2011-2014
IFSI J.LEPERCQ
42 Bis rue du Professeur Grignard
69007 Lyon
« Tout homme bien portant est un malade qui s'ignore ».
Docteur Claude Bernard dans Knock, pièce de théâtre de Jules Romains
Remerciements
Je souhaite tout d'abord remercier ma directrice de recherche mais également référente
pédagogique Patricia Perret pour sa disponibilité et son soutien à l'élaboration de ce travail de
fin d'études et lors de cette troisième et dernière année.
Je remercie aussi toute l'équipe pédagogique de l'IFSI J.LEPERCQ ainsi que Laurence Auray
pour son temps et sa précieuse aide.
Je souhaite également remercier l'équipe de Sainte Philomène de l'Hôpital de Fourvière avec
qui j'ai travaillé, qui m'a soutenue lors de mes examens, concours et mémoire. Ils m'ont fait
confiance et j'ai ainsi pu grandir professionnellement.
Je remercie tous les services et professionnels qui m'ont ouvert leurs portes et ont partagé leur
expérience pour m'aider dans ce travail.
Merci à mes amis de promotion, ou d'ailleurs, ainsi que ma famille pour m'avoir encouragé et
pour avoir cru en moi durant ces trois années.
Enfin, je souhaite remercier la bonne étoile de mon père qui l'a fait rester auprès de moi et qui
m'a fait prendre conscience de l'aide dont on a besoin lorsque l'on se retrouve de l'autre côté
de la barrière. Sans toi, je ne serais pas là où je suis aujourd'hui. Merci.
1
Sommaire
Remerciements.........................................................................................................................p.1
Introduction..............................................................................................................................p.3
1 ) Situation de départ............................................................................................................. p.4
2 )Phase pré-exploratoire........................................................................................................ p.8
2.1 ) Synthèse de la phase pré exploratoire.......................................................................p.14
3 ) Cadre Conceptuel..............................................................................................................p.15
3.1 ) La Réanimation..........................................................................................................p.15
3.1.1 ) Le service de réanimation.....................................................................................p.15
3.1.2 ) L’infirmier de réanimation....................................................................................p.16
3.2 ) La relation d'aide........................................................................................................p.16
3.2.1 ) La relation d'aide thérapeutique avec les patients et la famille............................p.16
3.2.2 ) Les limites de la relation d'aide............................................................................p.17
3.3 ) La place de la famille dans le soin.............................................................................p.18
3.3.1 ) La famille..............................................................................................................p.18
3.3.2 ) La place de la famille dans un service de réanimation.........................................p.18
3.4 ) L'accompagnement de la famille...............................................................................p.19
3.4.1 ) L'accompagnement de la famille en fin de vie.....................................................p.19
3.4.2 ) L'accompagnement de la fin de vie en réanimation..............................................p.20
3.5 ) La communication.....................................................................................................p.21
3.5.1 ) La communication avec les proches en réanimation............................................p.21
3.5.2 ) La communication dans le cadre de l'urgence......................................................p.23
4 ) Objectifs de recherche......................................................................................................p.24
5 ) L'enquête de terrain...........................................................................................................p.25
5.1 ) L'outil de recherche....................................................................................................p.25
5.2 ) Le choix des infirmiers..............................................................................................p.25
5.3 ) Le déroulement des entretiens...................................................................................p.26
6 ) Analyse corrélative...........................................................................................................p.27
6.1 ) Comparaisons des réponses.......................................................................................p.27
6.2 ) Confrontation des entretiens avec les recherches......................................................p.31
6.2.1) Les moyens mis à disposition dans le service......................................................p.31
6.2.1.1 ) Les moyens à disposition pour les familles....................................................p.31
6.2.1.2 ) Les ressources auxquelles font appel les infirmiers.......................................p.32
6.2.2 ) Les difficultés rencontrées par les infirmiers......................................................p.33
6.2.3 ) Les familles et leur accompagnement dans le service de réanimation...............p.34
6.2.3.1 ) L' accompagnement des familles...................................................................p.34
6.2.3.2 ) L'attitude des infirmiers et leurs compétences …..........................................p.35
7) Synthèse de l'analyse.........................................................................................................p.38
Conclusion.............................................................................................................................p.40
Bibliographie.........................................................................................................................p.41
Annexes.................................................................................................................................p.43
2
Introduction
Après une situation vécue lors d'un de mes stages en deuxième année en soins intensifs, j'ai
décidé d'éclairer ma vision sur ce que j'avais trouvé manquant. En effet, lors de
l'hospitalisation d'un patient dans le coma suite à un arrêt cardio-respiratoire, j'avais eu très
peu de liens avec sa famille qui se déchirait sous mes yeux. J'ai donc décidé de rechercher
quel aurait été un accompagnement adéquat pour ces proches dans cette situation brutale. J'ai
souhaité me cibler sur un service de réanimation, dont ce patient faisait partie en premier lieu.
Je vais donc dans un premier temps, détailler cet événement si particulier qui m'a frappé. Puis,
faire des recherches en lien avec le sujet de l'accompagnement de la famille.
Ensuite, des concepts seront mis en évidence après cette phase d'exploration pour ainsi
énoncer des objectifs de recherche.
Par la suite, je vais effectuer une enquête de terrain auprès d'infirmiers exerçant en
réanimation afin d'apporter des éléments nouveaux.
Enfin, je vais donc pouvoir faire émerger une analyse corrélative entre mes recherches et mon
enquête. Je pourrai faire une synthèse de ce que j'ai pu retenir pour me questionner de
nouveau sur un thème sous-jacent et d'élaborer une hypothèse de résolution.
3
1) Situation de départ
Lors de ma deuxième année, j'étais en stage pendant cinq semaines dans une Unité de Soins
Intensifs Cardiologiques. Les pathologies les plus récurrentes du service sont l' Infarctus du
myocarde, l’œdème Aigu Pulmonaire et l'arrêt cardio-respiratoire. A leur arrivée, les patients
sont généralement envoyés en urgence en salle de coronarographie pour subir une
angioplastie par ballonet ou stent. Le motif principal de cet examen est le Syndrome
Coronarien Aigu avec sus décalage du segment ST qui est l'obstruction complète d'une artère
coronaire par un thrombus, formé par l'athérosclérose. Cette obstruction complète est une
urgence cardiologique car elle peut entraîner une nécrose irréversible du myocarde (infarctus)
et ainsi conduire à la mort. La coronarographie permet de déterminer la présence ou l'absence
d'une maladie coronaire essentiellement obstructive et ainsi d'agir en conséquence.
Je me suis intéressée au cas de M. Bertrand1 âgé de 53 ans, kinésithérapeute de profession,
arrivé dans le service par le Samu pour arrêt cardio-respiratoire. Il avait pour seul antécédent
le tabagisme actif. Il était marié et avait quatre enfants d'un premier mariage. La relation entre
belle-mère et enfants ne se passait pas toujours bien.
Il a arrêté de respirer devant son associé et ce dernier l'a massé immédiatement après avoir
appelé le Samu. Il a continué le massage pendant quelques minutes jusqu'à ce que M. Bertand
réussisse à faire à nouveau des mouvements respiratoires. En réalité, il s'agissait de gasps. Les
gasps sont des mouvements respiratoires qui traduisent une souffrance cérébrale dus au
manque d'oxygène. Ils sont présents dans 40 % des arrêts cardiaques 2 venant de se produire et
sont très souvent confondus avec une reprise de la respiration. Lorsque le Samu est arrivé, il
présentait une cyanose faciale et une mydriase arréactive. Les médecins ont diagnostiqué un
arrêt cardio-respiratoire d'origine cardiovasculaire et l'ont adressé à l'Unité de Soins Intensifs
Cardiologiques.
Arrivé dans le service, il a subi une coronarographie avec deux poses de stents et a été mis
sous protocole hypothermique pendant 24h. Ce protocole sert à mettre au repos les fonctions
neurologiques afin de les préserver en abaissant la température du corps entre 32 et 34 °C.
Ceci permet de diminuer les dépenses énergétiques, la consommation d’oxygène et la
production de CO2 de tous les organes. Ses équipements étaient nombreux :Voie Veineuse
Centrale, cathéter artériel, sonde à demeure, sonde naso-gastrique, intubation oro-trachéale
avec ventilation contrôlée... Je n'avais jamais connu de service où le patient était autant
1 Nom d'emprunt
2 Source: http://www.fedecardio.org/1vie3gestes/
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surveillé et « branché ». Il était ce que l'on peut appeler « un patient de réanimation ».
Six jours après son arrivée, la levée du protocole hypothermique et des sédations a entraîné
des myoclonies. Ces mouvements musculaires sont involontaires et ressemblent à des
convulsions. M. Bertrand était pyrétique à cause d'une pneumopathie de ventilation et était
traité par antibiotiques. Il était stable au niveau hémodynamique. Le problème principal était
neurologique car le premier électro-encéphalogramme présentait un aspect de coma profond
arréactif et un indice sur le score de l'échelle de coma de Glasgow de 3 sur 15 (voir annexe I).
Un indice égal à 3 est le score le plus bas et correspond à une mort cérébrale mais le pronostic
de la personne ne peut se baser uniquement sur ce résultat.
Puis, il a eu son deuxième électro-encéphalogramme qui a présenté une activité d'aspect
péjoratif et une réactivité nulle à tous les modes de stimulation tels que l'appel de son nom,
flash de lumières ou encore des bruits... Le diagnostic de coma a été confirmé à l'aide de
deux électro-encéphalogrammes dits « plats ». En fin de journée, il commençait à se
déstabiliser sur le plan tensionnel, il avait une tension artérielle de 85/42.
La famille de M. Bertrand était très présente. Sa femme venait à chaque créneau de visite
alors que ce service de soins intensifs avait des horaires de visite restreints et n'autorisait que
deux personnes par chambre. Ses quatre fils d'une vingtaine d'années venaient aussi tour à
tour. Le plus âgé n'avait pas parlé à son père depuis un an après une dispute et ressentait
énormément de culpabilité, il était à l'étranger et était rentré dès l'annonce de l'accident de son
père. Deux fils étaient tristes, un autre était énervé et tapait contre les murs... La femme nous
disait qu'il fallait à tout prix sauver son mari car il avait lui, sauvé des vies. Les quatre fils et
la belle-mère ne s'entendaient pas et cela n'arrangeait pas la cohabitation lors des visites. Je
n'ai pas réussi à trouver ma place dans cette situation car même pour l'équipe la prise en
charge était difficile : il fallait sans cesse répéter qu'il devait y avoir seulement deux personnes
dans la chambre. Le discours de l'épouse m'a oppressée, je réfléchissais à mes actes et soins
davantage que pour d'autres patients. S'ils me posaient des questions sur l'évolution de M.
Bertrand, je les dirigeais vers l'infirmier ou le médecin. Je n'osais pas répondre au risque de
me tromper. C'est la première fois lors d'un stage où je me suis identifiée à un patient et sa
famille, car non seulement le patient était issu d'une profession paramédicale, mais ses enfants
avaient mon âge et M.Bertrand avait celui de mes parents.
C'est cet aspect d'une personne dans le coma qui m'a interpellé : sa famille. Lorsque l'on
s'occupe d'une personne inconsciente, nous ne devons pas oublier qu'il a eu une vie, avec des
proches, une famille. Et qu'eux aussi ont la nécessité d'être « pris en charge » après une
5
annonce si brutale du pronostic engagé de leur proche. A l'âge de M. Bertrand, aucune
personne de son entourage n'était préparée à son arrêt cardio-respiratoire. Ce fut un
foudroiement dans la famille. Le lendemain, un entretien s'est réalisé avec la cadre du service
et un médecin cardiologue pour aborder la question de limitation thérapeutique. Ils n'ont pas
cherché à s'acharner. Les procédures concernant les limitations thérapeutiques sont discutées
en amont en équipe pluridisciplinaire : médecins réanimateurs et cardiologues, internes,
oncologues, cadre de santé, infirmie(è)r(e)s, aide-soignant(e)s, infirmier technique peuvent
donner leur avis sur la question. Ensuite, la famille est informée des prises de décision de
l'équipe et choisissent en général de se mettre en accord avec elle. Enfin, les objectifs de la
décision de limitation et arrêt des thérapeutiques doivent être atteints. Cela consiste à avoir
une approche organisée, humaine et technique tout en respectant les choix du patient, s'il en a
exprimé, et de sa famille. Les traitements peuvent être interrompus ou adaptés mais les soins,
comme ceux de conforts ou afin d' atténuer la douleur par exemple, sont toujours maintenus.
Pour la plupart des patients, le consensus entre équipe et famille est obtenu. Si ce n'est pas le
cas, une réunion de négociation est organisée afin de convaincre la famille que la décision est
prise dans l'intérêt du patient et qu'aucune chance de survie n'est possible. Les entretiens avec
la famille sont réalisés à leur demande ou lors de changements significatifs de l'état du patient.
Suite à la limitation thérapeutique de M.Bertrand, les traitements médicamenteux ont été
arrêtés et M.Bertrand est décédé pendant la nuit. L'équipe présente a rapporté l'attitude de la
famille durant ce moment difficile. Elle s'est énervée dans le couloir puis est partie après le
décès sans en informer le personnel.
6
Constats et problématiques soulevés par cette situation :
–
Les difficultés de communication entre les soignants et la famille (horaires de visites,
restriction des visiteurs...).
–
La place à tenir en tant qu'infirmier dans une situation où une famille est déchirée par
une annonce brutale.
–
L'identification de l'infirmier à la situation du patient et/ou de la famille.
Je me pose donc de nombreuses questions :
–
Quel est le comportement à avoir, les mots qui doivent-être utilisés par un infirmier ?
–
Existe-t-il réellement une conduite à tenir de la part d'un infirmier dans ces situations ?
–
Des aides/outils sont-ils présents dans les services pour aiguiller l'infirmier ?
–
A quelles difficultés se heurtent-les infirmiers ?
Je peux ainsi établir une question profane :
Quel est le rôle de l'infirmier auprès de ces familles qui viennent d'apprendre que le
pronostic vital de leur proche est engagé ?
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2 ) Phase pré-exploratoire
En arrivant dans l'univers de la réanimation et des soins intensifs, j'ai pu renforcer mes
connaissances sur la prise en charge d'un patient inconscient : soins d'hygiène, pathologies,
traitements, législation, avec un service sans cesse rythmé de sonneries et bips vitaux. J'ai
rencontré mes premiers patients dans le coma et forcément avec eux une famille souvent
brisée par la tragédie d'un récent accident. Étant stagiaire, j'étais fixée sur mes objectifs de
stages techniques. Pourtant j'avais oublié l'aspect familial du patient. Je n'avais pas encore
réalisé que je m'occupais d'une personne à part entière avec une famille, un métier, des
souvenirs, un passé plutôt que d'un être fait de chair raccordée à une multitude de machines.
De très nombreux soins étaient effectués et peu de temps était consacré aux visites des
familles : les horaires étaient limités. Les familles rencontraient la cadre de santé
principalement pour être informées des décisions des réunions pluridisciplinaires.
Je n'ai pas été présente lors des entretiens concernant M. Bertrand et je n'ai eu donc aucune
notion de l'accompagnement des familles et de l'annonce d'une limitation thérapeutique. Bien
sûr, lors de l'hospitalisation, la famille a dû bénéficier d'une prise en charge spécifique mais
elle n'était pas évidente. On parle souvent des soins palliatifs pour accompagner le patient et
sa famille dans la fin de vie, mais on oublie qu'il n'y a pas que dans ces lieux que l'on décède.
C'est pourquoi je souhaite m'interroger et rechercher comment sont et pourraient être prises en
charge les familles des patients en soins intensifs.
 La loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie,
J.O.R.F. n°95 du 23 avril 2005, évoque : « Le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à
ses derniers moments, assurer par des soins et des mesures appropriés la qualité d'une vie qui
prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage ». " Réconforter son
entourage" est ce que je veux approfondir, pourtant cette loi fait référence au médecin et non
à l'infirmier. Cependant, la famille est aussi proche du médecin que de l'infirmier et,
l'accompagnement, tel qu'il est évoqué, pourrait être du rôle de l'infirmier. En effet la
compétence 6 de la profession d'infirmier « Communiquer et conduire une relation dans un
contexte de soins » a comme critères : « Rechercher et instaurer un climat de confiance avec
la personne soignée et son entourage en vue d'une alliance thérapeutique » et « Identifier les
besoins spécifiques de relation et de communication en situation de détresse, de fin de vie, de
deuil, de déni, de refus, conflit et agressivité ». Le deuil est une des notions présentes dans ma
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situation d'appel. Quand doit-on commencer à dire aux familles de « faire leur deuil » ? Doiton en parler si l'avenir et le réveil sont incertains ? Doit-on les laisser espérer un réveil ou
justement commencer à parler du pire en évoquant un éventuel décès ?
Je souhaite travailler sur cette étape où la prise en charge est la plus floue pour moi, le
moment où le patient est dans le coma et lorsqu'on ne connaît pas son avenir. Avant de
commencer à parler de limitation thérapeutique, après avoir annoncé l'accident tragique de
leur proche, prendre en charge la famille du malade est nécessaire.

Dans son étude, Mourir à l'hôpital , la sociologue et chercheuse, Nancy Kentish-Barnes,
décrit huit mois passés dans quatre services de réanimation. Elle a suivi médecins, infirmières
et familles de patients, observé les gestes et les comportements, écouté les discussions, assisté
aux prises de décisions. Elle a constaté que chaque équipe affronte seule la fin de vie et
développe sa propre perception du processus de mort, définissant comment et jusqu'où
impliquer les proches, choisissant, enfin, la meilleure manière de faire mourir les patients. De
nombreux témoignages de familles ont pu la faire avancer dans son analyse et elle est
parvenue à reconnaître des phases et des étapes que les proches rencontrent.
Nancy KENTISH-BARNES, Mourir à l'hôpital, Paris VIe, Éditions du Seuil, 2008, page 100 :
On distingue généralement quatre étapes dans le cheminement des familles : le choc initial
laisse peu à peu la place à une période d'adaptation puis de recherche de sens. Cette
recherche de sens s'accompagne le plus souvent d'une période d'espoir -parfois vain- qui
permet au proche de se réapproprier le malade et de le réinscrire dans une histoire
personnelle et non plus uniquement médicale et technique. Enfin, le proche éprouve le besoin
de trouver de nouveau, un équilibre -certes fragile, mais nécessaire à la gestion de la vie de
tous les jours. L'absence de compréhension du processus, alliée à l'absence de sens et au
sentiment de vide, rend plus complexe le deuil des familles.
Ces étapes sont-elles systématiques ? Je me pose la question si dans ces phases, une place est
réservée à l'infirmière. Peut-être est-elle l'initiatrice elle-même de ces étapes et de
l'entendement par la famille . Un témoignage présent dans cette étude m'a particulièrement
marqué :
Ibid, page 149 :
Je pense que le plus dur en réa, c'est la relation avec les familles . Les patients, bon, c'est un
peu égoïste, mais généralement ils ne parlent pas, il y a très peu de contact avec eux à part le
regard, etc., alors que les familles, c'est des gens comme toi et moi, il n'y a pas qu'une
expression qui passe par les yeux, ça passe par la parole, les pleurs, les expressions, plein de
choses, et ça, c'est le plus dur à gérer je pense. [...] (infirmier, 31 ans, Sainte-Claire)
La question que cet infirmier soulève est l'attitude à adopter face à tous ces
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« bouleversements » que traversent les familles. On ne sait jamais comment se comporter
avec elles, doit-on leur sourire ? Doit-on avoir l'air triste ? Doit-on aller vers la famille ?
Trouver les bons mots n'est pas toujours évident et il nécessite selon l'auteur un travail sur soi
et une certaine confiance. Les jeunes infirmiers n'en sont pas toujours dotés. En effet, cette
relation entraîne sans cesse une remise en question de ses capacités relationnelles et c'est
pourquoi elle peut devenir fatigante. Comment donc adopter une attitude professionnelle et
aidante sans nuire à son bien-être personnel ?

Un article éclaire ma réflexion: « La place de la famille en service de réanimation »
publié dans la revue Soins n°756 en juin 2011. Le concept de la présence de la famille en
service de réanimation a pris naissance au Foote Hospital de Jackson dans le Michigan. Les
soignants ont établi un constat : la place de la famille est nécessaire car la séparation entraînait
des crises d'hystérie, des attaques de panique, des agressions verbales et/ou physiques envers
les soignants. Une étude a été réalisée par la suite avec dix-huit familles dont leur proche avait
été intégré en réanimation cardio-pulmonaire. 72% des personnes interrogées souhaitent être
présentes au cours des manœuvres de réanimation. Suite à ce constat, un programme
d'accompagnement des familles d'une personne dans un état grave a été mis en place par les
soignants. Pourtant, en 2007 une étude a révélé que seulement 5 % des services d'urgence et
de réanimation ont élaboré au cours des vingt dernières années, un protocole ou un référentiel
de prise en charge de la famille au cours des manœuvres de réanimation dans leurs unités de
soins. De plus, selon le tableau de l'article « Limitation des thérapeutiques actives en
réanimation », en France seulement 50 % des familles étaient impliquées dans les décisions
des limitations et arrêts des thérapeutiques contre plus de 90% au Royaume-Uni, au Canada
ou encore aux États-Unis.
Lors de mes recherches, j'ai eu souvent l'occasion de rencontrer l'étude « Famiréa » comme
référence. Cette étude a été établie par Elie Azoulay, médecin anesthésiste-réanimateur en
1999 auprès de quarante-trois services de réanimation de France. Le thème est la présence des
proches en service de réanimation et la population interrogée était de neuf-cent vingt familles.
Trois grands critères ont été nécessaires pour effectuer l'étude : la compréhension des
informations délivrées, la satisfaction vis-à-vis de la qualité des soins et de l'accueil, et
l'importance des symptômes d'anxiété et de dépression. La compréhension et la satisfaction
des proches semblent nécessaires à un climat propice à l'accompagnement de la famille. Ainsi,
des interactions avec l'équipe peuvent être faites pour discuter ensemble des volontés du
10
patient. Les attentes de la famille peuvent être mesurées grâce aux quatorze critères de
Molter3 répartis en quatre groupes:
–
La qualité de l'accueil à l'arrivée des familles en réanimation ;
–
La qualité de la communication entre les soignants et la famille ;
–
L'empathie exprimée par les soignants envers les familles ;
–
Le sentiment d'isolement lors des visites et dans la salle d'attente.
Cette étude révèle que dans ce contexte de stress aigu, 81,1% des époux ont des signes
d'anxiété et 47,3% d'entre eux présentent des signes de dépression avec un degré plus ou
moins important.
Appuyée sur d'autres études, cette recherche révèle des points essentiels. Les familles
souhaitent une information personnalisée et fidélisée des soignants afin d'éviter de recevoir
des informations contradictoires. De plus, les familles souhaiteraient avoir un avis extérieur
de leur médecin traitant (s'il en existe un), un généraliste ou un spécialiste qui connaît le
patient et la dynamique familiale. Il pourrait apporter un avis extérieur, favoriser la
communication et argumenter à la famille l'avis des réanimateurs. Cela soulève la question
d'une intervention d'un tiers pour l'information de la famille. Enfin, la place des conjoints est
remise en cause. Ils peuvent être sollicités dans les prises de décisions et la compréhension
des informations alors que, comme nous l'avons vu, les conjoints sont les plus touchés par les
symptômes anxieux ou dépressifs parmi les proches.

Hospitalisé en réanimation, le patient est dans le coma, il ne peut mettre en mots ses
souhaits et désirs. C'est pour cela que l'équipe, sans avis (consentement) contraire du patient,
s'adresse directement aux proches. Dans ce cas, les rapports du médecin sont encadrés par la
procédure collégiale et le principe de collégialité. De plus, il est nécessaire de rechercher si le
patient a rédigé des directives anticipées et désigné une personne de confiance. La décision
sera dirigée dans la même perspective que les demandes du patient et avec la recherche de
consentement de la personne de confiance. Selon la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé, toute personne majeure peut rédiger des directives
anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives
indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la
limitation ou l’arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment. La personne de
confiance est un porte parole de la personne en fin de vie. Cela consiste à désigner une
3
Proposés en 1979 et retenus en 1994 par la SCCM (Society of Critical Care Medicine : Équivalent de la société américaine de
réanimation).
11
personne de son vivant pour qu’à un moment donné elle puisse porter témoignage de sa
conviction personnelle. Un parent, un proche ou le médecin traitant peut être la personne de
confiance. Elle peut accompagner le malade dans ses démarches et l’assister aux entretiens
médicaux. Cette désignation est faite par écrit. Ce sont les « proches » auxquels je m'intéresse.

Un éclaircissement m'a été apporté par « Réanimation et coma » qui traite d'un nouvel
aspect du soin en réanimation : celui du soin psychique. L'ouvrage concerne le vécu du patient
ainsi que les implications pour les différents partenaires : les équipes soignantes et les
proches. Il propose d'utiliser un soin psychique, indispensable au sein de la démarche
thérapeutique hospitalière. Cette clinique demande aux proches « d'avoir une notion du
monde si insoupçonnable du réanimé, pour leur permettre à nouveau de penser, parler,
rétablir des liens avec le patient : mais aussi avec eux-mêmes dans leur solitude ». L'auteur
définit le soin à proposer à la famille du patient.
Michèle GROSCLAUDE, Réanimation et coma : Soins psychique et vécu du patient, Paris,
Masson, 2002, page 58 :
Du côté des proches, le soin implique un accueil attentif, humain et averti de leurs capacités
de compréhension de l'information (amoindries par le bouleversement d'une situation
impensable), de leur dépendance au discours médical et soignant, de leur sensibilité plus
grande à la voix, au geste, et à l'expression générale du discours mais aussi à certains termes
plus qu'à leur contenu. Il appelle à accepter sans juger des comportements parfois
incompréhensibles au premier abord (par exemple, la valeur défensive de l'évitement ou de
la froideur affichée de certains proches).
L'accompagnement des familles est récurrent dans les préoccupations des soignants et est
considéré comme « complexe et lourd ». Les compétences du soignant doivent correspondre à
des exigences de disponibilité, de savoir-faire et surtout d'humanité.

L'article « Limitations des thérapeutiques actives en réanimation » paru en 2006 dans la
Revue des Maladies Respiratoires étudie les impacts des décisions de limitation
thérapeutique. Une prise de conscience par les équipes soignantes à effectuer une « bonne
mort » a été constatée. Ils assurent donc aux patients et à leur famille accompagnement,
réassurance, déculpabilisation, confort et dignité.
La bioéthique, dont la notion est fondamentale dans la prise de décision de fin de vie
comprend quatre principes fondateurs : bienfaisance, non malfaisance, autonomie et justice.
L'attitude de bienfaisance est liée à la famille. Elle précise qu'il est nécessaire d'avoir des
rapports étroits et privilégiés avec les proches. La présence continue de la famille, si elle le
12
souhaite, est donc nécessaire. La pratique de tout rite religieux doit également être rendue
possible.
L'attitude bienfaisante consiste à donner aux proches les moyens de comprendre les décisions,
de répondre à leurs attentes, parfois les anticiper et comme nous avons vu précédemment dans
l'étude « Famiréa », avoir conscience des troubles anxieux et dépressifs qui peuvent entraver
une prise de décision optimale. La non-malveillance comprend une communication intensive
avec la famille par une approche multi-disciplinaire et/ou une consultation d'éthique, pour lui
donner le choix de partager la prise de décision, de respecter le désir de ne pas en prendre et
d'arriver à la convaincre de privilégier un traitement de confort. La qualité de l'information
doit être optimale car l'implication de la famille dans le processus décisionnel peut encourir le
risque d'engendrer un stress post-traumatique et un deuil pathologique.
Les études générales ont cherché à comprendre les conséquences de la réanimation chez les
familles. Elles ont permis de mettre en évidence : la volonté de la famille de ne pas voir le
patient souffrir et le manque quantitatif ou qualitatif d' informations. Concernant le processus
décisionnel, les familles ont des attentes majeures (voir annexe II) : un processus bien
expliqué, sa réalisation comme il a été prévu, que le patient soit confortable, la possibilité
d'exprimer ses émotions et que l'intimité de la famille soit respectée. Ici encore, le fait de
répondre aux besoins religieux et spirituels a été souligné.
Les processus décisionnels servent à renforcer la communication entre famille et équipe. Au
cours de ces conférences, le terme de mort doit être abordé et les circonstances de survenue
explicitées aux familles. Les soignants doivent laisser le temps à la famille de parler et
exprimer leurs ressentis, mais également anticiper les questions qu'elle n'oserait pas aborder.
Les soignants doivent accompagner les familles et leur faire comprendre que la décision prise
est pour le patient et qu'ils n'ont pas à culpabiliser d'avoir partagé les décisions. La
compassion et la compréhension sont primordiales dans la communication.
Enfin, afin de donner aux proches un sentiment de confort, d'intimité et d'utilité, ils peuvent
s'impliquer dans les soins : toilettes, massages ou encore traitements contre la douleur. La
demande majeure des familles est aussi de favoriser la communication par le toucher, le
parler, les photos, la musique... Il ne faut pas oublier de respecter les silences et encore une
fois, lutter contre tout sentiment de culpabilité, de remords et de regrets ressentis par la
famille.
13
2.1 ) Synthèse de la phase pré-exploratoire
Les recherches que j'ai pu effectuées m'ont permises de cibler mon sujet, mon cadre
conceptuel ainsi que les attentes de mon enquête. Les thèmes ont été l'accompagnement de la
famille, l'attitude à adopter de la part de l'infirmière, la question du deuil à aborder ou non,
une information fiable et précise demandée par la famille, la population cible : les proches
dont la personne de confiance, les compétences que l'infirmier doit avoir et enfin les
processus décisionnels.Nous pouvons retenir que la présence de la famille est très importante.
A partir de ces recherches je peux formuler ma question de départ :
Quel est le rôle infirmier, dans l'accompagnement d'une famille dont le proche,
hospitalisé en réanimation, a son pronostic vital engagé ?
14
3) Cadre conceptuel
3.1 ) La Réanimation
3.1.1 ) Le service de réanimation
Selon le Larousse médical, la réanimation est l'ensemble des moyens mis en œuvre soit pour
pallier la défaillance aiguë d'une ou de plusieurs fonctions vitales, dans l'attente de la
guérison, soit pour surveiller des malades menacés de telles défaillances du fait d'une maladie,
d'un traumatisme ou d'une intervention chirurgicale. La réanimation n'est pas sans risque, elle
agit souvent entre la vie et la mort. Les décisions sont prises individuellement selon l'histoire
du malade, la nature de sa maladie et ses probabilités de guérison. Cette spécialité suscite de
nombreuses réflexions d'ordre professionnel et éthique sur ses limites, la finalité des soins ou
l'acharnement thérapeutique. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, « la réanimation est
l’ensemble des moyens, dispensés par des médecins
spécialisés (réanimateurs) permettant de rétablir ou surveiller les fonctions vitales
momentanément défaillantes et compromises mettant directement en jeu le pronostic vital,
susceptibles de survenir au cours de traumatisme, de situation médicale aiguë ou
chirurgicale. Elle implique un monitorage continu des fonctions vitales et le cas échéant, le
recours à des méthodes de suppléance (transfusion de dérivés sanguins, remplissage
vasculaire, ventilation mécanique, hémodialyse, circulation extracorporelle, etc)». Les
pathologies qui nécessitent une hospitalisation en réanimation sont nombreuses : états de
chocs, comas, insuffisances organiques aiguës, décompensations de maladies chroniques,
hémorragies, intoxications, infections sévères, périodes post-opératoire de chirurgies lourdes,
etc. De plus, le service de réanimation a besoin d'un grand nombre de professionnels
médicaux et paramédicaux compétents et performants.
La réanimation ne saurait être confondue avec les soins intensifs ou la surveillance continue,
même si, elle apparaît cependant indissociable de la surveillance continue et des soins
intensifs. Selon la circulaire N°DHOS/SDO/2003/413 du 27 août 2003 relative aux
établissements de santé publics et privés pratiquant la réanimation, les soins intensifs et la
surveillance continue, un service de réanimation doit avoir plusieurs critères :
- des locaux spécialement aménagés, avec une norme de lits entre huit et vingt
suivant la taille du service ;
- du matériel spécialisé ;
- une proximité d’un plateau technique important et complet ;
- une permanence médicale 24/24 h, qualifiée et spécifique, c’est-à-dire ayant en
15
charge uniquement les malades de la structure de réanimation ;
- une permanence soignante assurée par du personnel expérimenté en nombre
suffisant et affecté exclusivement au service ou à l’unité ;
3.1.2 ) L'infirmier de réanimation
L'infirmier en réanimation est avant tout un infirmier diplômé d'état avec la formation initiale
de base enseignée par les Instituts de Formation en Soins Infirmiers. Il n'existe pas de
spécialisation ou de formation particulière. Néanmoins, être infirmier en réanimation
nécessite des compétences particulières qui sont citées dans le référentiel de compétences de
l'infirmière de réanimation : accompagnement des patients en situation de détresse vitale et de
ses proches, connaître la prise en charge des nombreuses pathologies de réanimation
(insuffisances cardiaque et respiratoire, polytraumatisme...), connaître la prise en charge d'un
patient en fin de vie en réanimation, d'un patient en situation de prélèvement de multiorganes, identifier et prévenir les risques, etc. Être infirmier en réanimation signifie d'être
toujours alerte, il faut comprendre et réagir vite dans des situations vitales. Il a comme
compétence d'accompagner le patient ainsi que sa famille. Il doit maîtriser ses connaissances,
apporter une information fiable et vérifiée, communiquer avec la famille, rester accessible et
être conscient de l'importance de la présence de la famille.
Les professionnels de réanimation sont régulièrement confrontés au coma et ainsi à la
limitation thérapeutique. Il y a un consensus de l'équipe où parfois la famille peut participer
afin de prendre la meilleure décision possible pour le patient.
3.2 ) La relation d'aide
3.2.1 ) La relation d'aide thérapeutique avec les patients et la famille
La relation d'aide est une relation consciente et réfléchie, qui s'inscrit dans une démarche
d'accompagnement, résultant d'une analyse d'une situation de soins et s'inscrit dans un projet
thérapeutique. Elle s'appuie sur :
–
L'écoute active : est centrée sur ce qui est vécu par le patient. Le soignant doit
comprendre l'autre sans chercher à le maîtriser. L'écoute active est facilitée par : la
bonne distance, la bienveillance, l'authenticité, la capacité à respecter les silences,
l’observation des attitudes verbales et non verbales, etc.
–
L'empathie : est la capacité de se mettre à la place de l'autre. Le professionnel
reconnaît, comprend et croit son expérience et sa perception de la réalité. Néanmoins,
16
il garde une distance relationnelle nécessaire tout en faisant preuve d'une ouverture
d'esprit. Ainsi, le patient se sent valorisé et peut abandonner des mécanismes de
défense.
–
La congruence : est l'implication sincère de chacun dans la relation. Cela renforce la
confiance pour permettre la rencontre.
–
L'acceptation positive inconditionnelle de l'autre : Le patient se sent valorisé et peut
donc s'accepter tel qu'il est. Il peut ensuite accepter les autres et les relations en seront
facilitées.
–
La reformulation : Elle est très importante pour éclaircir les points afin d'en vérifier la
compréhension. Il n'y a pas d'interprétation mais elle permet de mettre en mots les
émotions ressentis de la personne.
Dans le cas d'un patient dans le coma, le professionnel ne peut instaurer une relation d'aide
avec le patient. Il n'existe alors plus de relation soignant/soigné. Il doit s'adresser alors à la
famille et/ou à la personne de confiance et doit instaurer avec eux/elles cette relation d'aide.
Une mort envisagée peut faire ressortir davantage de mécanismes de défense de la part du
soignant.
Le Code de la Santé Publique, Article R.4311-5/40, régit que l'infirmier participe à la
« prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et
psychique des personnes, particulièrement en fin de vie, au moyen des soins palliatifs, et
d'accompagner si besoin leur entourage ». En santé mentale, l'article R.4311-6, l'infirmier
doit proposer un entretien d'accueil au patient ainsi que son entourage. Cela montre que
l'entourage est pris en compte par la loi.
3.2.2 ) Les limites de la relation d'aide
La relation d'aide peut néanmoins se heurter aux mécanismes de défense des soignants. Ces
mécanismes sont mis en jeu lorsque le soignant souhaite s'éloigner d'une réalité trop difficile
pour lui. Il en existe de très nombreux, parmi eux :
–
La technicisation : Le soignant se réfugie derrière le côté technique du soin afin de ne
pas affronter le côté relationnel ;
–
La fausse ré-assurance : La confrontation à la réalité est retardée, le professionnel fait
preuve d'un optimisme déplacé ainsi que de donner des faux espoirs ;
17
–
Le déni : Le refus de prendre en compte quelque chose qui est pourtant irréfutable ;
–
L'esquive : Le soignant va aborder des thèmes superficiels pour éviter la confrontation
à la souffrance ;
Etc...
Des mécanismes de défense peuvent aussi être rencontrés par les proches ( peur, culpabilité,
colère, déni, frustration...) . Des processus psychiques peuvent également être mis en place
dans la relation d'aide. Ce sont des processus inconscients :
–
Le transfert : est le phénomène qui va du soigné au soignant. C'est l'ensemble des
pensées, fantasmes, constituants une réactualisation de mouvements psychiques
anciens en rapport avec l'histoire infantile du patient ;
–
Le contre-transfert : est le phénomène qui va du soignant vers le soigné. Le soignant
va réagir avec son propre vécu antérieur et élaborer son contre-transfert.
3.3 ) La place de la famille dans le soin
3.3.1 ) La famille
La famille est composée de plusieurs personnes. « Les proches » sont :
–
la famille biologique : ce sont les personnes liées par le sang au patient ;
–
La famille par alliance : ce sont les personnes liées par le mariage ou un contrat et
sont de ce faits conjoints ;
–
La famille choisie : ce sont des amis, des personnes familières que l'on a choisi en
fonction de ses affinités ;
–
La personne choisie : la personne de confiance qui peut être un membre de la famille
ou une personne extérieure.
3.3.2 ) La place de la famille dans un service de réanimation
Auparavant, l'hôpital était considéré comme une structure institutionnalisée stricte et plus
autonome que celle d'aujourd'hui. Dorénavant, les familles souhaitent être entendues, vues et
écoutées. L'implication des proches est reconnue comme essentielle dans le traitement pour
assurer l'observance du traitement, la continuité des soins et le soutien social, surtout en fin de
vie. Pourtant, dans un service de réanimation, les horaires de visite sont peu étendus et si un
soin a besoin d'être effectué durant ces derniers, il est souvent demandé qu'elles sortent de la
chambre un instant. De nombreux progrès sont constatés dans la place du soin pour les
18
familles en service palliatif ou pédiatrique par exemple. Le 19ème congrès national du
CREUF (Collège de Réanimation des hôpitaux Extra-Universitaires de France qui s 'est
déroulé les 17 et 18 octobre 2013 aux Sables d'Olone a permis de mettre en évidence que la
place des familles dans les soins est importante et d'envisager de les faire participer à des
massages à visée anxiolytique par exemple et d'améliorer la restriction des horaires de visite.
Ils doivent toutefois établir une politique de service définissant le champ d'action des familles
pour éviter les conflits avec les soignants et de garantir la sécurité du patient.
3.4 ) L'accompagnement de la famille
3.4.1 ) L'accompagnement de la famille en fin de vie
L'accompagnement de la famille est individuel et personnalisé car il ne se fait que dans
l'appréciation de ce qu'elle vit. La famille traverse elle aussi le processus terminal de son
membre. Il est nécessaire de voir la famille dans sa totalité, son unicité et son inachèvement
pour avoir une vision globale. Les proches traversent les hauts et les bas de la maladie et du
traitement : l'espoir surgit puis est anéanti, les bons moments alternent avec les mauvais et
finalement, la famille prend conscience que la personne aimée va mourir. A certains moments
de l'accompagnement, on constate que quand la famille va mieux, le patient aussi et
inversement.
Des stratégies peuvent être mises en place par les soignants :
–
Observer et écouter ;
–
Repérer les ressources familiales ;
–
Évaluer la situation,les réactions, les deuils antérieurs ;
–
Considérer les circonstances de la mort ;
–
Découvrir la place et la fonction du malade pour les membres de la famille ;
–
Discuter avec les membres de la famille ;
–
Guider et assister les membres de la famille pendant le contact avec le patient ;
–
Être présent quand la famille en a besoin, s'effacer à d'autres moments ;
–
Préparer les vœux en vue du décès...
Le deuil est un processus psychique mis en œuvre par un sujet à la perte d'un objet d'amour
externe. Le deuil sera obligatoirement mis en place pendant la fin de vie par les proches mais
19
parfois à des étapes différentes. On distingue généralement sept étapes dans le deuil étudiées
par le Dr. Elisabeth Kubler Ross :
–
le choc ;
–
la négation ;
–
la colère ;
–
le marchandage ;
–
la dépression ;
–
l'acceptation ;
–
la reconstruction.
Ces étapes sont indicatives et ne sont surtout pas figées. Il peut y avoir des allers-retours entre
différentes phases. De plus, le deuil est un processus personnel et chaque individu peut donc
vivre à sa manière son deuil. C'est un phénomène variable. On parle plus souvent du deuil du
patient et qu'il doit être pris en charge selon le physique, l'émotionnel, l'intellectuel et le
spirituel. On va donc soulager sa souffrance psychique puis les peines affectives afin de
mettre en place un accompagnement. En réanimation, ce ne sera pas le deuil du patient mais
celui des familles qui sera mis en jeu. Le deuil est possible en réanimation lorsque l'on aborde
le décès par limitation ou arrêt des thérapeutiques. Il y a donc eu en amont un travail
d'annonce de la perte du proche. Le deuil peut toutefois être très difficile car l'annonce sera
très rapide et violente.
3.4.2 ) L'accompagnement de la fin de vie en réanimation
Dans le cas de la personne comateuse, les familles désirent se sentir écoutées, accueillies,
rassurées, guidées pour s'impliquer. Elles souhaitent rencontrer une équipe compétente qui
soit accessible et communicante. Les familles attendent que le patient soit confortable, qu'il ne
soit pas abandonné et qu'on leur laisse le plus d'autonomie possible. Ma situation ne se porte
pas sur la fin de vie, mais le futur n'est tellement pas prévisible qu'il faut toutefois s'attendre à
un décès et préparer un accompagnement « de fin de vie ».
La loi du 22/04/2005, Loi Léonetti, concernant le droit des malades et à la fin de vie, affirme
les droits des malades dans le cadre spécifique de la fin de vie et prévoit le refus de
l'obstination déraisonnable. Un processus de réflexion collégiale dans le cas du patient
20
inconscient et une démarche palliative sont notifiés. La prise d'anti-douleurs efficace est
autorisée même si cela entraîne une mort plus rapide. Cette loi condamne l'acharnement
thérapeutique définie comme «
toute obstination déraisonnable refusant par un
raisonnement buté de reconnaître qu'un homme est voué à la mort et qu'il n'est pas curable »
( Code de déontologie médicale ). Élie Azoulay nous rappelle qu'il faut présenter une
« attitude bienfaisante » : donner aux familles les moyens de comprendre l' information, de
répondre à leurs attentes et d' avoir conscience des symptômes d' anxiété et de dépression qui
pourraient s'opposer à une prise de décision optimale.
En réanimation et dans le cas d'un patient inconscient, aucune décision ne sera prise sans une
réunion collégiale, une recherche des directives anticipées et une consultation d'une personne
de confiance selon la Loi Léonetti. La décision prise permettra un lien, des échanges entre
familles et équipe tout en privilégiant l'intérêt du patient. Il pourra être mis en place en
dernière intention des soins palliatifs. Selon le code de la santé publique, ils sont « des soins
actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils
visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la
personne malade et à soutenir son entourage ».
Dans tous les cas, il est nécessaire d'assurer une mort digne par :
–
Des soins de confort et des soins pour lutter contre la douleur ;
–
Favoriser la présence des proches ;
–
Laisser l'intimité des « derniers instants », si possible.
3.5 ) La communication
3.5.1 ) La communication avec les proches en réanimation
La communication est l'action de communiquer, transmettre des informations ou des
connaissances à quelqu'un ou, s'il y a échange, de les mettre en commun. En sociologie, la
communication est l'ensemble des phénomènes qui peuvent intervenir lorsqu'un individu
transmet une information à d'autres individus à l'aide du langage articulé ou d'autres codes
(ton de la voix, gestuelle, regard, respiration...). Comme avec les patients, la communication
avec les proches se situe entre la proximité et la distance : il faut faire preuve d' empathie tout
en affichant une approche professionnelle. Cela peut leur donner des moyens de partager les
décisions s' ils le souhaitent, de respecter leur désir de ne pas prendre de décisions et d'arriver
à les convaincre de privilégier un traitement de confort plutôt qu'un traitement agressif. Le
rôle de la personne de confiance est primordial dans la communication. Les communications
21
verbales et non verbales sont aussi importantes l'une que l'autre dans la relation avec les
familles. Lorsque leur proche est inconscient, elles attendent avant tout des informations sur
son état et son évolution et ne supportent pas d'être sans nouvelles. L'hospitalisation d'un
proche en réanimation peut représenter un traumatisme, ainsi une information et une
communication de qualité peuvent permettre de réduire ses conséquences. En effet, bien
qu'elle ne soit qu' « une composante de la relation famille/équipe », l'information médicale est
un préalable indispensable à « l'implication des proches dans les soins et les décisions
concernant le malade ». Cette mise en lien entre les deux partis va pouvoir offrir au patient les
soins répondant au mieux à ses valeurs et à ses attentes. L'étude française « Famiréa » évalue
la qualité de l'information selon trois indicateurs : compréhension, satisfaction des familles et
présence de symptômes d’anxiété et de dépression. Je me focalise sur deux principes
importants de la communication :
–
L'information : L'information constitue pour les médecins une obligation régie par des
règles juridiques précises; elle a pour fonction de permettre au patient et à ses proches
de disposer des éléments adéquats pour prendre une décision "éclairée". Les
informations qui sont transmises, avant toute décision médicale, ont pour but de mettre
en situation d'accepter ou de refuser ce qui est proposé, voire de choisir entre
différentes alternatives. Les actes et démarches doivent être envisagés dans une
finalité thérapeutique et/ou médicale. Celle-ci est soit déterminée par les médecins
eux-mêmes lorsque les soins envisagés le sont dans l'intérêt du patient, soit fixée par la
loi lorsque les interventions sont faites dans l'intérêt d'un tiers (recherches
biomédicales, prélèvement d'organes).
–
La compréhension : Il est nécessaire que la famille comprenne bien le diagnostic
médical, le pronostic ainsi que les soins et traitements prévus. L'intérêt de la
compréhension est primordial pour que la famille puisse interagir avec l'équipe et
témoigner des volontés du malade.
Les soignants doivent donc s'assurer de la bonne compréhension des familles en
utilisant un langage accessible et compréhensible par toute personne non issue de
l'univers médical grâce à des données claires, précises et complètes. Ils doivent
vérifier si elles ont bien saisi ce qui leur a été annoncé et doivent se montrer présents
pour d'éventuelles questions. Différentes études concernant les stratégies de
communication ont permis à la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF)
et la Société Française d'Anesthésie et de Réanimation (SFAR), lors de la dernière
22
conférence de consensus Mieux vivre la réanimation, d'élaborer des recommandations
afin d'améliorer la relation famille/équipe soignante. Elles révèlent également qu'elles
sont applicables aux situations de fin de vie.
3.5.2 ) La communication dans le cadre de l'urgence
La communication peut être entravée dans le cas de l'urgence. Les soignants sont préoccupés
par l'urgence vitale et les soins qui sont du fait mis en place. La priorité dans l'instant est le
patient. La famille, pendant ce temps, peut être dans l'incompréhension la plus totale et la peur
de la perte de l'être cher. Les 11èmes Journées Annuelles de la Santé Publique se sont
déroulées du 20 au 23 novembre 2007 à Montréal, au Québec, et expliquent que
« l'improvisation n'a pas sa place dans l'urgence ». En effet, le personnel doit être formé pour
savoir qui parle, ce qu'il dit et ce qu'il doit dire à la famille. Une personne doit être
« référente » pour garder un lien de confiance et maintenir un contact. Il ne faut pas oublier
que la communication verbale n'est pas la seule composante de la communication. Notre
intervenant, M. Noubia, un psychologue, nous a expliqué que la communication verbale ne
représentait que 38 % de la communication, le contenu de l'information seulement 7 % et la
communication non verbale, 55%. Lors des 11èmes Journées Annuelles de la Santé Publique,
ils évoquent la règle des 4 C :
–
Crucial : le discours doit expliquer ce qu'il se passe et les risques encourus ;
–
Concis : le discours doit être clair ;
–
Continuité : Ne rien cacher, être présent et disponible du communicateur ;
–
Compassion : Les proches doivent se sentir soutenus.
23
4) Objectifs de recherche
Je cherche dans un premier temps à découvrir avec quels outils les infirmiers accompagnentils ces familles ? Existent-ils des moyens mis à disposition dans leur service ? Ont-ils ou
reçoivent-ils des ressources auxquelles ils peuvent faire appel ?
Dans un second temps, je cherche à savoir les émotions que peuvent ressentir les infirmiers.
Ont-ils
le
temps
l 'accompagnement
et/ou
l'envie ?
Des
contraintes
(horaires, fatigue...) ? Les
peuvent-elles
différences
parfois
entraver
d'âges, d'ancienneté, de
compétences des infirmiers peuvent-elles modifier l'attitude de chacun face aux familles ?
Enfin, je souhaite connaître comment s'effectue l'accompagnement des familles, celles qui ont
un proche inconscient, endormi artificiellement. Je souhaite cibler mon étude sur l'annonce
brutale qui brise une famille par un pronostic vital engagé. Les patients ne sont pas
hospitalisés depuis plusieurs mois en réanimation, ils viennent d'être pris en charge et leur
avenir est en suspens. Les familles se trouvent en attente d'une évolution de l'état de leur être
cher. Comment les infirmiers doivent-ils se comporter face aux familles de ces patients de
réanimation ou de soins intensifs ?
Je souhaite alors comparer la théorie : mes recherches de la phase pré-exploratoire et du cadre
conceptuel, avec la pratique : des entretiens que je souhaite effectuer avec des infirmiers et
infirmières de réanimation.
24
5) L'enquête de terrain
J'ai choisi d'effectuer des entretiens avec des infirmiers et infirmières de réanimation. J'ai
souhaité en effectuer cinq pour obtenir un nombre impair de réponses. Lorsque j'ai contacté
les cadres de service pour prendre des rendez-vous, il a fallu attendre longtemps avant d'avoir
des dates concrètes car ils voulaient lire la grille d'entretien ou faire la demande à la direction
auparavant.
5.1 ) L'outil de recherche
Mon outil de recherche a été un entretien directif (voir annexes III et IV), c'est à dire, un
entretien où les personnes peuvent s'exprimer librement à chaque question que je leur pose.
Mes questions avaient un ordre pré-établi. L'avantage de l'entretien, par rapport au
questionnaire, est l'ajout de précisions sur des questions, de pouvoir recentrer sur le thème et
la reformulation.
J'avais treize questions définies concernant :
–
la présentation du professionnel ;
–
leur observation lorsque des familles arrivaient en réanimation ;
–
leur posture ;
–
les moyens auxquels ils font appel ;
–
les améliorations qu'ils souhaiteraient avoir ;
–
leur avis sur l'accompagnement.
J'ai testé ma grille d'entretien avec la première infirmière. A la fin, j'étais satisfaite de ses
réponses et de sa compréhension, j'ai donc pu utiliser son interview dans mon analyse.
5.2 ) Le choix des infirmiers
Je n'ai pas choisi les infirmiers, j'ai seulement exprimé aux cadres, au préalable, qu'ils
devaient avoir vécu un accompagnement d'une famille dont le proche était en réanimation à
cause d'un accident brutal, ce qui était assez facile à obtenir du fait du service.
Même si cela a été selon les disponibilités des services, j'ai eu un très bon échantillonnage des
infirmiers car j'ai interviewé deux femmes et trois hommes entre 27 et 51 ans, et entre six
mois et vingt et un ans d'expérience. Un seul infirmier a suivi la formation de la nouvelle
réforme. L'échantillonnage est donc valide car large.
Je me suis rendue dans trois services de réanimation différents. Le service n°1 où travaillaient
25
les infirmières A et B, le service n° 2 où travaillaient les infirmiers C et D, et le service n° 3
où travaillait l'infirmier E. J'ai choisi de ne pas me rendre dans le service où s'était déroulée
ma situation de départ pour avoir une vision plus globale de la problématique et de ne pas
influencer les réponses des professionnels qui auraient pu m'encadrer en tant que stagiaire.
5.3 ) Le déroulement des entretiens
J'ai été très bien accueillie dans les trois services. Les infirmiers étaient au courant de
l'entretien, à l'exception du dernier qui a été choisi à mon arrivée. Tous les infirmiers ont été
intéressés par mon sujet et se sentaient concernés par les questions. Les entretiens se sont
déroulés dans des petites salles en plein cœur du service, parfois ce qu'ils appelaient les salles
de familles. J'ai utilisé un dictaphone et mon téléphone pour enregistrer chaque entretien. Ils
ont duré entre douze et dix-huit minutes.
Avant de commencer les entretiens, je leur présentais mon sujet afin de vraiment centrer leurs
réponses sur des patients hospitalisés pour des accidents brutaux.
Deux entretiens ont été coupés par l'intervention de collègues, ce qui a été difficile pour
pouvoir reprendre le fil de la discussion.
26
6 ) Analyse corrélative
6.1 ) Comparaisons des questions
Je vais mettre en lien les réponses que m'ont donnés tour à tour les cinq infirmiers.
–
Les trois hommes n'ont travaillé qu'en réanimation depuis leurs débuts. Les deux
femmes ont travaillé auparavant dans des services que l'on pourrait dire « pré et postréanimation ». En effet, la première était aux urgences 4 et la seconde5 en service de
rééducation neurologique post réanimation.
–
Le choix de travailler en réanimation a été un hasard pour les deux infirmiers C et D.
Pour l'infirmière A, c'est le côté technique et « speed »6 qui lui a plu. L'infirmière B et
l'infirmier E, quant à eux, ont décidé de rentrer en réanimation pour ensuite effectuer
la spécialisation d'infirmier anesthésiste.
–
L'accompagnement d'une famille dont le proche a un pronostic vital engagé est
régulièrement présent : « Ici, on le fait un peu au quotidien », déclare l'infirmière B.
Son avis est rejoint par les autres infirmiers. Seul, l'infirmier C ne rencontre pas
beaucoup d'accidents brutaux dans son service.
–
Lorsque les familles arrivent pour la première fois en réanimation, elles sont à
l'unanimité dites « dans l'incompréhension »7 mais aussi « perdues »8. L'infirmier D
parle d'un « état de sidération », que l'on peut relier à l'état d'incompréhension. Elles
sont également stressées, angoissées, en colère selon l'infirmière A. L'infirmière B
parle d'être « sous le choc » et des phases de deuil avec le choc et le « déni », terme
qui a été aussi évoqué par l'infirmier C. L'infirmier E aborde « la peur de la perte de
l'être cher » par les familles. Puis, ensuite, vient la « tristesse 9».
–
En ce qui concerne l'attitude à adopter face aux familles qui arrivent pour la première
fois, les infirmiers A, B et E disent qu'ils expliquent tout. Ils répondent aux questions
que se posent les familles : pourquoi la personne est-elle là ? « Ce qu'il se passe,
4
5
6
7
8
9
Infirmière B
Infirmière A
Infirmière A
Infirmiers A et E
Infirmier E
Infirmière A
27
[ ...]ce qu'il s'est passé auparavant »10. Ils exposent aussi le fonctionnement des
diverses machines et du fonctionnement du service. L'infirmier C révèle que lui, aime
« être franc » et dire « ce qu'il pense ». Il ajoute que tant qu'un patient sera en
réanimation, « ses jours seront en danger » et que l'on doit rester réservé sur le
pronostic du patient. L'infirmier D parle d'une « attitude de compassion » avec « une
relation d'aide » à adopter. L'infirmière B souhaite rappeler aux familles leur place,
qu'ils n'empiètent pas sur leur rôle, ils ne doivent pas s'inquiéter des multiples
sonneries parasitantes, leur rôle est de « tenir la main et de parler à la personne de
leur famille ». Enfin, l'infirmier E déclare que parfois « juste une présence » est
nécessaire, dans certaines situations, « les mots ne servent pas à grand chose ». Et, au
contraire de temps en temps, il faut savoir « les laisser seuls avec le membre de leur
famille ».
–
Les difficultés rencontrées sont le manque de temps par l'infirmière A pour aller parler
aux familles. Elle doit d'abord s'occuper du patient en priorité. La difficulté rencontrée
par l'infirmière B est qu'il est difficile de sortir des problèmes des patients parfois
lorsque l'on rentre à la maison. L'infirmier E explique que la prise en charge des
patients de son âge est difficile due à des transferts. Les infirmiers C et D « ne
rencontrent pas de difficultés ».
De plus, ces deux derniers ne disent pas, contrairement aux autres que la première
ressource à laquelle ils font appel, est « l'équipe 11». Pour les infirmiers B et C,
l'expérience est également une des ressources, rappelons qu'ils travaillent
respectivement en réanimation depuis 19 et 8 ans. Les infirmiers D et E disposent dans
leurs services, de formations concernant l'accompagnement des familles. L'infirmière
B va évoquer la présence de formations mais plus tard, à la question 10. Cependant,
l'infirmier C a fait une demande de formation qui est restée sans réponse jusque là
(même service que l'infirmier D). Enfin, certains utilisent comme ressources « la
présence d'un psychologue 12» pour l'équipe et celle de « son cadre 13». A la question
11, l'infirmier E dit qu'il vient de sortir de l'école , qu'il a eu « des cours
d'accompagnement » et qu'ils sont encore dans sa tête.
10
11
12
13
Infirmière A
Infirmiers A,B et E
Infirmier D et C (question 10)
Infirmier E
28
–
Pour les infirmiers C et D, « l'expérience » est une des compétences mobilisées dans
ces situations. L'infirmière A raconte qu'elle écoute et explique les familles et que l'on
peut appeler cela « la relation d'aide ». Ce qui est important pour l'infirmière B est
« l'aspect humain » et qu'il faut savoir comprendre les réactions des familles.
L'infirmier E considère que le « professionnalisme » et « la remise en question » sont
les deux compétences primordiales à mobiliser. Les réponses des infirmiers C et D
peuvent être liées, ils déclarent que l'on doit « être bien dans sa vie privée 14» mais
surtout « avoir la capacité de faire la différence entre le milieu extérieur et le milieu
professionnel 15».L'un d'entre eux évoque le fait de « ne pas être en burn-out 16».
L'infirmier doit être reposé.
–
Il est étonnant de mettre en lien les professionnels du même service concernant les
moyens mis à disposition. Par exemple, les moyens mis à disposition pour la famille,
pour l'infirmière A sont le « livret d'accueil » et « la salle des familles ». Sa collègue,
l'infirmière B déclare que les moyens sont « plus le temps de discuter » par rapport à
son expérience des urgences et « des formations ». Elles ne donnent pas les mêmes
réponses.
La « salle des familles »17 est également présente dans le second service mais évoquée
seulement par l'infirmier C, avec « des visites libres lorsque le patient est en fin de
vie 18». Un projet de visites 24/24 va être mis en place selon l'infirmier C. Dans ce
service, l'infirmier D annonce « la possibilité d'avoir des religieux » et des « réunions
éthiques ».
Les familles du troisième service ont à disposition un psychologue, contrairement aux
autres, selon l'infirmier E. Pour lui, l'accompagnement est aussi effectué par les
équipes médicales ; les médecins qui sont « très ouverts et disponibles » ; par les
équipes paramédicales et également le cadre du service qui les « accompagne
énormément et dans toutes les démarches après ».
Un psychologue est parfois présent pour les équipes19 mais pas pour les familles dans
les deux premiers services, au regret des infirmiers A et C.
14
15
16
17
18
19
Infirmier C
Infirmier D
Infirmier C
Infirmier A et C
Infirmier D
Infirmier C
29
–
En général, les infirmiers sont globalement satisfaits de leur accompagnement des
familles. L'expression « on est plutôt pas mal 20» a été utilisée à deux reprises.
L'infirmier C répond « oui et non » car il se trouve confronté à la fatigue et à l'intensité
du travail. Le plus âgé des infirmiers répond oui et est satisfait de son
accompagnement grâce aux visites libres, la présence des soignants et le fait qu'ils
proposent à manger et à boire aux familles. L'infirmier qui a le moins d'expérience
accompagne « comme il peut le faire ». La première difficulté qu'il a rencontré est de
savoir si l'accompagnement était satisfaisant du côté des familles car il n'y a pas de
retours, à part quelques cartes de remerciements. « Il faudrait pouvoir rencontrer ces
familles quelques mois plus tard et leur demander concrètement comment, eux, ont
ressenti la prise en charge ». Si mon travail ne concernait pas seulement le rôle
infirmier, il est vrai qu'il aurait été intéressant et avec une vision plus large, de poser la
question aux principaux intéressés : les proches.
–
L'accompagnement des familles s'acquière principalement, selon les cinq infirmiers,
avec l'expérience. « Le temps 21» est également associé. Il permet de ne plus
appréhender les machines, les sonneries, « l'univers anxiogène,stressant 22», de
« maîtriser le côté technique 23» et d'être donc plus disponible pour les familles.
Certains évoquent leur expérience personnelle. L'infirmière B est « passée de l'autre
côté de la barrière » et cela a permis de lui faire comprendre « des choses ».
L'infirmier D, lui, était aide soignant en réanimation auparavant et cela l'a aidé dans sa
profession d'infirmier. L'infirmier E, diplômé depuis six mois, a été aidé par la théorie
avec certains cours. Il a également appris en stage un « schéma » qui explique les
différentes étapes de deuil dont il se ressert pour expliquer aux patients où ils se
situent.
–
Un accompagnement de la famille ne peut être idéal car selon quatre infirmiers
24
c'est
« toujours une situation qui est difficile »25, « il est difficile d'évaluer si on a bien fait
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Infirmières A et B
Infirmières A et B
Infirmier D
Infirmière B
Infirmiers B,C,D et E
Infirmière B
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les choses 26» et que « chaque accompagnement est différent 27», même si « c'est
quand même pas trop mal 28»
En général, ils ne savent pas ce que peut être un accompagnement de la famille idéal,
cette question a été difficile à répondre. Selon l'infirmier C, un meilleur
accompagnement pourrait être possible grâce à plus de temps. L'idéal pourrait être
avec « la présence de psychologue 29» et de « formations ».
6.2 ) Confrontation des entretiens avec les recherches
6.2.1) Les moyens mis à disposition dans le service
6.2.1.1 ) Les moyens à disposition pour les familles
A la suite de mes recherches, j'avais pu découvrir que lorsqu'un patient était dans le coma,
l'équipe s'adressait à une personne de confiance. Or, aucun des infirmiers n'a évoqué cette
personne. On peut penser qu'ils s'adressent à la famille présente, pas uniquement à la personne
de confiance, et qu'ils ne font pas de différences dans les termes.
Selon l'article « Limitations des thérapeutiques actives en réanimation » de la Revue des
Maladies Respiratoires de septembre 2006, par rapport aux demandes des familles, le fait de
répondre aux besoins spirituels et religieux a été souligné. Un seul infirmier 30 nous a répondu
qu'il était possible de faire appel à « des prêtres, imams, pasteurs ». Pourtant, l'infirmier C
faisait partie du même service.
Presque tous les infirmiers, pensent que « les médecins encadrent beaucoup les familles 31», «
ils expliquent les choses assez simplement 32», « ils utilisent des mots de tous les jours pour
expliquer l'état de santé 33». Ils sont très présents aujourd'hui dans l'accompagnement des
familles, ceci est en lien avec la loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des
malades et à la fin de vie « Le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses derniers
moments, assurer par des soins et des mesures appropriés la qualité d'une vie qui prend fin,
sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage ».
Le 19ème congrès national du CREUF de 2013, cité précédemment, a permis de mettre en
évidence que la place des familles dans les soins est importante (concept n°3 : la place de la
famille dans le soin). Dans les services, cela est devenu vraie car les infirmiers avaient tous
26
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Infirmière C
Infirmier E
Infirmier B
Infirmière A
Infirmier D
Infirmière B
Infirmière A
Infirmier E
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conscience de cette nécessité. Ils prennent en considération les familles par des petites
attentions : leur proposer « des collations ou des repas, des fauteuils dans les chambres 34»,
les familles peuvent appeler à toute heure, « ils répondent toujours », ils arrivent également à
être tolérants sur les horaires de visites et le nombre limité de personnes en chambre 35 . Deux
services sur trois ont une salle des familles, où elles peuvent venir « se recueillir 36», ces deux
mêmes services ont un livret d'accueil qu'ils donnent à l'entrée des familles. Le troisième
service en a un mais qui ressemble davantage à une plaquette d'information et est seulement à
disposition dans la salle d'attente. Par ailleurs, ce troisième service est le seul qui propose un
psychologue pour les familles. Prochainement, dans le service n°2, va être mis en place le
24/24 37: les visites seront libres.
En règle générale, l'équipe médicale et paramédicale est très disponible dans les trois
services. Seul, l'infirmier E ajoute que le cadre de son service « accompagne énormément les
familles et dans toutes les démarches après ».
6.2.1.2 ) Les ressources auxquelles font appel les infirmiers
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
spécifiait que les décisions se faisaient lors de réunions collégiales. L'infirmier C a cité les
« réunions éthiques » avec les médecins, infirmiers et internes pour discuter du futur du
patient, est-ce que l'on continue, est-ce que l'on arrête... « Le protocole LATA 38» est présent
dans le troisième service, c'est à dire la limitation et l'arrêt des thérapeutiques actives : on
arrête les amines et s'il y a un arrêt cardiaque, on ne fait pas de massage cardiaque. Selon
l'article « Limitations des thérapeutiques actives en réanimation » de la Revue des Maladies
Respiratoires de septembre 2006, les familles ont des attentes majeures concernant les
processus décisionnels : un processus bien expliqué, sa réalisation comme il a été prévu, que
le patient soit confortable, la possibilité d'exprimer ses émotions et que l'intimité de la famille
soit respectée. Les infirmiers ont l'air de faire beaucoup participer les proches à ces décisions.
Pour leurs ressources, les infirmiers font beaucoup appel au travail d'équipe et à leurs
collègues afin de mettre en mots leurs difficultés. Les médecins sont également disponibles et
à l'écoute39.
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38
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Infirmier D
Infirmiers A et D
Infirmier C
Infirmier C
Infirmier E
Infirmiers A, B et E
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Les trois services proposent des formations mais c'est le troisième qui propose exactement
l'intitulé « Accompagnement de la famille 40».
Les services n°2 et 3 ont des psychologues pour les équipes. Le premier service n'en a
apparemment pas. Le Décret n° 91-129 du 31 janvier 199141 énonce le statut particulier des
psychologues de la fonction publique hospitalière : « Il étudie et traite au travers d'une
démarche professionnelle propre, les rapports réciproques entre la vie psychique et les
comportements individuels et collectifs afin de promouvoir l'autonomie et le développement
de la personne. Il conçoit les méthodes et met en œuvre les moyens techniques correspondant
à la qualification issue de la formation qu'il a reçue. Il entreprend, suscite ou participe à des
travaux de recherche et de formation ». Il est autant nécessaire auprès des familles que des
professionnels dans ce type de service où l'émotion est très vive. L'idéal serait qu'il y en ait un
pour l'équipe et un différent pour les familles.
Deux infirmiers42 font appel à leur expérience comme ressources. L'infirmier issu de la
nouvelle réforme et diplômé depuis peu43 fait appel aux cours d'accompagnement qu'il a
reçus.
6.2.2 ) Les difficultés rencontrés par les infirmiers pour accompagner les familles
L'infirmier de 31 ans dans Mourir à l'hôpital de Nancy KENTISH-BARNES faisait un
témoignage poignant : « alors que les familles, c'est des gens comme toi et moi, il n'y a pas
qu'une expression qui passe par les yeux, ça passe par la parole, les pleurs, les expressions,
plein de choses, et ça c'est le plus dur à gérer ». La prise en charge d'un patient et de sa
famille peut parfois rencontrer des limites ( concept n°2 : la relation d'aide et ses limites)
comme l'a rencontré l'infirmier E « ça a été un moment difficile, quand vous avez une
personne comme ça, qui a un peu la même tranche d'âge, et qui vous dit : si c'était votre père,
vous feriez quoi ? ». Les transferts peuvent être régulièrement rencontrés mais plutôt lorsque
l'on débute, « lorsque l'on a peu d'expérience et même quand on a de l'expérience, c'est pas
simple » selon l'infirmier C de 56 ans. « Je ne fais plus de transferts, j'en ai fait une fois... 44».
Les autres difficultés rencontrées par les infirmiers sont le manque de temps45 pour aller
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41
42
43
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45
Infirmier E
Source : http://www.legifrance.gouv.fr
Infirmiers B et C
Infirmier E
Infirmier C
Infirmière A
33
discuter avec les familles lorsque les patients arrivent, cela est « frustrant » pour l'infirmière
A. Pour l'infirmière B, il est difficile de ne plus penser à ces patients, une fois rentrée à la
maison lorsque l'on est jeune et célibataire.
Certains infirmiers peuvent avoir des mécanismes de défense (concept n°2 : la relation d'aide
et ses limites). Ils peuvent être mis en jeu lorsque la situation devient trop difficile pour le
soignant comme la banalisation, la rationalisation, la fuite en avant, l'esquive ou encore la
dérision46...
Parfois, la fatigue, le stress et l'intensité du travail47 peuvent entraver un bon
accompagnement. Il faut « être reposé, ne pas être en burn-out »48 pour pouvoir s'occuper
d'autres personnes que de soi. Lorsque l'on arrive également dans ce service sans expérience,
« l'univers est relativement anxiogène, stressant donc quand c'est stressant, on peut pas bien
informer les gens 49». Il faut un peu d'expérience, selon l'infirmière B :« du moment où on
maîtrise plus cet aspect technique, je pense qu'on prend plus de recul et on passe plus de
temps avec les gens ».
Il ne faut pas oublier que la réanimation est un service de soins intensifs et que les soins sont
techniques et très longs. La priorité de ces services est avant tout le maintien de la vie des
patients.
6.2.3 ) Les familles et leur accompagnement dans le service de réanimation
6.2.3.1 ) L' accompagnement des familles
L'acteur principal dans les services qui accompagne les familles est le médecin. L'infirmier D
dit que les proches sont vus par « le médecin, l'interne, les infirmiers et les aide-soignants ».
Ils essaient d'accompagner comme ils peuvent, « d'expliquer les choses mais c'est difficile 50»,
ils « annoncent le pronostic 51» et assombrissent plutôt le tableau pour « éviter que les
familles se fassent des illusions 52», elles sont informés du déroulement de la suite puis ils
laissent ensuite le temps pour poser des questions. Après l'intervention du médecin, les
familles se tournent souvent vers les infirmiers pour avoir des réajustement sur ce qu'ils n'ont
46
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52
Bruno Thévenet :Les attitudes de la relation aidante
Infirmiers C et D
Infirmier C
Infirmier D
Infirmier E
Infirmier D
Infirmière B
34
pas compris.
Dans le service n°1, les familles sont rencontrées par le médecin une fois par semaine et « ne
sont jamais laissées seules 53»
Les rencontres avec le médecin sont faites, dans la limite du possible, avec l'infirmière 54 pour
avoir un discours uniforme et sans contradictions. Cela favoriserait « la qualité de la
communication entre les soignants et la famille », un des critères de Molter de l'étude
« Famiréa 55».
Les réunions collégiales servent à renforcer la communication entre famille et professionnels
selon l'article « Limitations des thérapeutiques actives en Réanimation » de la Revue des
Maladies Respiratoires. Au cours de ces réunions, le terme de mort doit être abordé et les
circonstances de survenue explicitées aux familles. Cela rappelle ce qu'un infirmier
expliquait, « il faut toujours rester réservé » concernant l'avenir d' un patient en réanimation.
On ne doit pas cacher l'état d 'un patient et faire primer le pessimisme pour « éviter les chutes
de haut 56». Le pessimisme est « une doctrine qui soutient soit que tout est mal, soit que la
somme des maux l'emporte sur celle des biens 57».
La difficulté dans l'accompagnement est qu'il est différent en fonction de chaque personne :
l'accompagnant et les accompagnés. « L'accompagnement c'est l'humain […] c'est un soin
technique, mais qui est indescriptible... qui est abstrait 58». C'est pour cela que pour quatre
infirmiers sur cinq, « l'accompagnement idéal » n'existe pas, il est trop difficile à évaluer.
Serait-il judicieux de demander l'avis aux proches quelques temps après l'hospitalisation de
leur proche pour pouvoir connaître leur point de vue concernant l'accompagnement qu'ils ont
reçu ?
6.2.3.2 ) L'attitude des infirmiers et leurs compétences
Selon Nancy Kentish-Barnes dans Mourir à l'hôpital, il est nécessaire que l'infirmier
accompagne les familles dans la compréhension du processus de deuil, comme le fait
l'infirmier D lorsqu'il explique à l'aide d'un schéma où se situent les familles.
53
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Infirmière A
Infirmière A
Étude de Elie Azoulay en 1999 auprès de 43 services de réanimation.
Infirmière A
Définition Larousse http://www.larousse.fr
Infirmier E
35
« On peut donner des conseils 59» mais on doit leur rappeler que ce ne sont pas les infirmiers
qui décident à leur place. Nous devons également rappeler le rôle de chacun, leur
importance est d'être auprès du patient sans empiéter sur le rôle de l'infirmier 60 car d'après
l'article « La place de la famille en service de réanimation 61», la séparation entraînait des
crises d'hystérie, des attaques de panique, des agressions verbales et/ou physiques envers les
soignants.
Selon l'infirmière B, nous sommes là pour faire le lien entre le médecin et les proches et
« expliquer des choses qu'ils n'ont pas compris ».
Il est très important de bien expliquer les choses : les circonstances de l'arrivée du patient,
son état de santé actuel, le pronostic, ses équipements, les sonneries. Il faut répondre à toutes
les réponses que les familles se posent. Ensuite, ils expliquent le fonctionnement du service :
les horaires de visite, le nombre de personnes autorisées à rentrer dans la chambre, etc.
L'infirmier C résume que l'on doit « être franc » et dire « ce que l'on pense ». Comme
expliqué auparavant, il ne faut « jamais être optimiste, que cela reste grave 62» en
réanimation.
Un infirmier évoque la « relation d'aide » (concept n°2) que l'on propose grâce à l'écoute
active, l'empathie, la congruence, l'acceptation positive inconditionnelle de l'autre et la
reformulation. Cette notion est apprise au semestre 5 dans l'UE 4.2 : Soins relationnels. Il faut
savoir écouter et répondre à leurs interrogations, parfois « juste une présence 63» est
nécessaire. Et, au contraire de temps en temps, il faut savoir « les laisser seuls avec le
membre de leur famille ».
Pour presque tous les infirmiers, un prise en charge ne peut être réussie sans être bien dans sa
vie privée. En effet, il faut avoir une « vie extérieure riche 64», « savoir couper les ponts »
pour se sentir reposé et éviter le burn-out et les transferts. Comment aider les infirmiers de
réanimation à se sentir bien dans leur vie privée pour qu'ils fassent un accompagnement de
qualité auprès des patients et des familles ?
On doit donc faire preuve de disponibilité65 pour pouvoir être professionnel tout en restant
humain. En effet, l'infirmier doit faire preuve de savoir-faire et d'humanité.
59
60
61
62
63
64
65
Infirmier E
Infirmière B
Paru dans Soins n°756 en juin 2011
Infirmière A
Infirmier E
Infirmier D
Réanimation et Coma : Soins psychiques et vécu du patient, Michèle GrosClaude,2002, page 58
36
La « remise en question et l'humilité »66 sont également des compétences nécessaires pour
qu'un infirmier accompagne une famille dans l'épreuve d'un accident brutal.
Les capacités pour accompagner une famille s'acquièrent avec l'expérience s'accordent à dire
les cinq infirmiers. Les deux infirmières pensent que le temps est également nécessaire et un
peu la théorie, selon le nouveau diplômé.
66 Infirmier E
37
7 ) Synthèse de l'analyse
Dans cette analyse, nous avons pu mettre en lien la théorie et la pratique.
Les moyens proposés aux familles afin de les accompagner au mieux dans l'épreuve qu'ils
vivent semblent de plus en plus nombreux: visites libres, salles des familles, livret d'accueil,
disponibilité des équipes,etc... Cela a été possible grâce à la considération des proches. Il reste
une question à éclaircir : comment savoir si ces familles ont pu bénéficier d'un
accompagnement satisfaisant selon elles ?
Les moyens mis à disposition pour les infirmiers sont toutefois moins importants. En effet, la
première ressource à laquelle ils font appel sont en fait... eux : le travail d'équipe. Ils se
soutiennent entre eux. De plus, des formations existent mais beaucoup sont techniques et ne
prennent pas en compte le côté relationnel mis en jeu dans la prise en charge des familles.
Dans deux services sur trois, un psychologue est disponible pour les professionnels, ne
pourrait-il pas être systématique dans les services de réanimation ?
Cette analyse a pu mettre en évidence que les infirmiers de réanimation peuvent rencontrer
certaines difficultés (stress, transferts, manque de temps...) dans leur quotidien mais ils
arrivent à les surmonter surtout grâce à l'expérience et le temps.
Ils savent toutefois accompagner les familles comme ils le peuvent et le souhaitent. Les
professionnels font preuve de considération à leur égard: explications, rappel du rôle de
chacun, aide à la compréhension du processus de deuil. Ils restent disponibles pour les
proches et leurs questions, et ne cachent pas l'état du patient, ils font preuve de plutôt de
pessimisme.
Enfin, les infirmiers de réanimation doivent savoir jongler entre deux facettes: être humain et
être professionnel. Une relation d'aide est présente en restant dans un professionnalisme et un
savoir-faire pour savoir rassurer les familles qui, à ce moment-là de leur vie, en ont
grandement besoin.
38
Cette analyse m'a permis d'aboutir à une nouvelle problématique :
Quels seraient les moyens à mettre en place dans un service de réanimation afin d'aider
les infirmiers à être capables d'accompagner les familles en détresse tout en évitant le
burn-out ?
Hypothèse de résolution : Des mesures de psychologie, de prise en compte des compétences
et du rôle de l'infirmier peuvent être mises en place pour pouvoir aider l'infirmier à se sentir
considéré.
39
Conclusion
Ce travail sur l'accompagnement des familles après un accident brutal de leur proche m'a
permis d'étudier les règles législatives qui encadrent un service de réanimation. J'ai pu
également découvrir les attentes des familles grâce à des sondages que je n'aurai pu effectuer
dans mon enquête. Les recherches m'ont aidées à cibler la population et les compétences
attendues des infirmiers.
J'ai ensuite établi une grille d'entretien pour pouvoir confronter mes recherches à la réalité du
terrain. J'ai pu m'entretenir avec cinq infirmiers qui m'ont informés sur l'accompagnement des
familles. De nouvelles données ont ainsi être pu traitées : les familles ont une grande place
dans le service et peuvent profiter de multiples moyens, les infirmiers peuvent faire appel à
des psychologues, à des formations, à leurs collègues mais les services ne les ont pas toujours.
Les compétences auxquelles font appel les infirmiers sont principalement celles de la relation
d'aide. Ils sont un lien entre le médecin et les familles et doivent rester francs et faire preuve
de remise en question.
Ainsi, la théorie et la pratique sont relativement semblables. Il reste des disparités mais j'ai été
étonnée de tous les moyens mis à disposition au fur et à mesure pour améliorer le quotidien
des familles qui traversent une épreuve aussi difficile. La prise en charge d'une famille dans
cette épreuve fait appel aux capacités relationnelles et professionnelles et d'une remise en
question permanente sur soi.
De ne pas oublier l'aspect relationnel avec les proches m'a fait réfléchir sur l'infirmière que je
souhaite être dans quelques mois. Parce que je n'avais pas eu le temps de méditer sur la place
des familles en stage ou parce que je suis passée « de l'autre côté de la barrière » au cours de
l'élaboration de ce mémoire, j'ai appris que les familles doivent être, elles aussi, également
soignées. Le bien-être de la famille est primordial pour l'amélioration du patient.
40
Bibliographie
Ouvrages
GROSCLAUDE Michèle, Réanimation et coma : Soins psychique et vécu du patient, Paris,
Masson, 2002
HALLOUET Pascal, Méga Mémo IFSI, Elsevier Masson
KENTISH-BARNES Nancy, Mourir à l'hôpital, Paris VIe, Editions du Seuil, 2008
Cours
Cours DA SILVA Maria / THEVENET Bruno, cadres formateurs infirmiers, La relation
soignant-soigné, UE 4.2 Soins Relationnels, Semestre 5
Cours DUBREUIL Olivier, cadre formateur infirmier, Syndrome Coronarien Aigu, UE 2.5
Processus Obstructifs, Semestre 3
Cours MOREL Claire, cadre formateur infirmier, SCA ST+, UE 2.5 Processus Obstructifs,
Semestre 3
Cours THEVENET Bruno, cadre formateur infirmier, Les attitudes de la relation aidante, UE
4.2 Soins Relationnels, Semestre 5
Textes officiels
Loi Léonetti n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie,
Code de la Santé Publique :
- Décret n° 2006--120 du 6 février 2006 relatif aux directives anticipées
- Décret n° 2006--120 relatif à la procédure collégiale
Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de
santé, Code de la Santé Publique
Circulaire N°DHOS/SDO/2003/413 du 27 août 2003 relative aux établissements de santé
publics et privés pratiquant la réanimation, les soins intensifs et la surveillance continue
Décret n° 91-129 du 31 janvier 1991
Articles
AZOULAY Elie, Limitations des thérapeutiques actives en réanimation, Revue des maladies
respiratoires, septembre 2006 (CDI em-consulte)
ROHBRACHER Emmanuel , La place de la famille en service de réanimation, Revues Soins
spécial cardiologie supplément n° 756, juin 2011 (CDI em-consulte)
Sitographie
http://www.legifrance.gouv.fr/
http://www.infirmiers.com/
http://www.soins-infirmiers.com
AZOULAY Elie, L’information au patient en réanimation et à ses proches: le point de vue de
la
SRLF,
5
juillet
2001
http://www.urgencesserveur.fr/IMG/pdf/consensus_rea_information.pdf
41
BAIANA Christina, La place des proches en milieu hospitalier, 4 février 2012
https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/ebim/documents/La_place_des_proches_en_milieu_hos
pitalier_2012.pdf
Fédération Française de Cardiologie, Reconnaître l'arrêt cardiaque et les gasps, 2011
http://www.fedecardio.org/1vie3gestes/les-gestes/reconnaitre-arret-cardiaque
11èmes Journées Annuelles de la Santé Publique, Communiquer dans l'urgence
http://jasp.inspq.qc.ca/Data/Sites/1/SharedFiles/presentations/2007/10h30_CORRIVEAU_Gil
les.pdf
Dr LAMY Bernadette, Arrêt des soins en réanimation, Janvier 2009
lyon1.fr/files_m/M4052/Files/491840_81.pdf
http://spiral.univ-
Méthodologie du TFE
http://www.soins-infirmiers.com/methodologie_travail_fin_etudes.php
Référentiel
de
compétences
de
l'infirmière
de
réanimation,
2011
http://www.srlf.org/Data/Upload/Files/PDF/20110419-R%C3%A9f%C3%A9rentiel%20IDE
%20final.pdf
Le rôle du psychologue en réanimation http://www.infirmiers.com/votre-carriere/cadre/lerole-du-psychologue-en-reanimation-neurochirurgicale-point-de-vue-dun-cadre-de-sante.html
42
Annexes
Annexe I :Tableau 3 de l'article Limitations et arrêts des thérapeutiques en réanimation
Attentes des familles des patients en fin de vie (Recommandations pour les soins fin de vie en
unités intensives : Crit Care Med 2001)
–
être présent avec le patient
–
être utile au patient
–
être informé de la situation et des modifications de l'état du patient
–
comprendre ce qui est fait au patient ( et pourquoi c'est fait)
–
être assuré du confort du patient
–
être réconforté
–
pouvoir exprimer ses émotions
–
être assuré que les décisions prises sont les bonnes
–
trouver un sens dans l'accompagnement de son proche
–
être nourri, hydraté et reposé
–
trouver réponse honnête à ses questions
43
Annexe II : Échelle de coma de Glasgow
M. Bertrand avait un indice de 3/ 15 : le score le plus bas qui correspond à une mort cérébrale
44
Annexe III : Grille d'entretien
Mon sujet se porte sur une annonce qui vient soudain foudroyer l'équilibre familial.
L'infirmier va
devoir accompagner une famille d'un proche avec son pronostic vital engagé. Comment va-t-il
s'y prendre ?
1) Quel âge avez-vous ?
2) Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ?
Année d'obtention du diplôme :
3) Depuis quand travaillez-vous dans ce service ou un service similaire ?
Où avez-vous travaillé auparavant ?
4) Quelle a été votre motivation/choix de travailler en réanimation ?
5) Avez-vous déjà accompagné une famille d'un proche dont le proche en réanimation/soins
intensifs avait son pronostic vital engagé? Pouvez-vous expliquer une situation qui vous a
marqué ?
6) A votre sens, dans quel état émotionnel se trouvent le plus souvent les familles lorqu'elles
arrivent pour la première fois dans le service ?
7) Quelle est l'attitude que vous adoptez lorsqu'une famille arrive pour la première fois?
8) Qu'est-ce que cela vous renvoie ?
- Difficultés que vous pouvez rencontrer (transferts...)
- Ressources auxquelles vous faîtes appel (formations, cours...)
9) Selon vous, quelles sont les compétences mobilisés par l'infirmier lors de ces situations ?
10) Quels sont les moyens mis à disposition dans votre service pour accompagner les familles
et ceux que vous considérez manquants (formations, participation à des congrès, réunions,
présence de psychologues...)
11) Accompagnez-vous les familles comme vous le souhaiteriez ? Si non, qu'il y a t-il à
améliorer ? (contraintes horaires, charge de travail, fatigue...)
12) Comment pensez-vous que l'accompagnement des familles en réanimation s'acquière-t-il ?
(avec le temps, l'expérience, la théorie à l'école, les compétences de chacun...)
13) Selon vous, quel serait un accompagnement de famille idéal ? Quels seraient les outils ?
45
Annexe IV : Entretiens
Présentation des infirmier(ère)s :
Infirmière A
Infirmière B
Infirmière C
Infirmière D
Infirmière E
Femme de 27 ans, diplômée
Femme de 45 ans, diplômée
Homme de 38 ans, diplômé depuis Homme de 57 ans, diplômé depuis Homme de 31 ans, diplômé depuis
depuis 7 ans qui travaille depuis 2 depuis 24 ans qui travaille depuis 8ans qui travaille depuis 8 ans en 21 ans qui travaille depuis 21 ans 6mois qui travaille depuis 6 mois
ans en réanimation Nord au
19 ans en réanimation dont 11 ans
réanimation dont 4 ans en
en réanimation Sud au CHLS.
en réanimation à la Clinique du
CHLS.
en réanimation Nord au CHLS.
réanimation Sud au CHLS.
Tonkin.
1) Quel âge avez-vous ?
Euh... 27.
45.
J'ai 38 ans
Donc, je vais sur mes 57 ans.
J'ai 31 ans.
2) Depuis combien de temps êtes-vous diplômé(e) ? Année d'obtention du DE :
7 ans. Novembre 2007.
1990, donc ça fait 24 ans
2006. Ça fait 8 ans.
Alors, je suis diplômé depuis juin Et ben début novembre 2013... Ça
1993. Donc j'ai fait mes études assez fait 6 mois, le temps passe vite.
tard, donc j'étais agent de service
puis aide-soignant. Avant d'être
agent de service, je travaillais dans
la métallurgie.
3) Depuis combien de temps travaillez-vous dans ce service ou un service similaire ? Où avez-vous travaillé auparavant ?
Alors, je suis là depuis 2 ans. Et
Et bien en fait j’ai travaillé 5 ans
avant en fait, j'étais en SRPR. Et
aux urgences à HEH et après j’ai
euh, la, c'est un service de
travaillé en réa à HEH de 1995 à
rééducation post-réanimation.
2003 et puis depuis 2003 je suis là.
C'est de la neuro mais euh post-réa
mais en neuro quoi. Avec des
réveils de comas et tout ça. C'était
à Henry Gabriel mais le service
maintenant est en neuro.
Alors, j'ai toujours travaillé en
réanimation depuis 2006 et là ça
fait 4 ans que je suis ici.
Alors, ça fait une vingtaine
Alors ben j'ai commencé en juillet,
d'années. Et quand j'étais aidetout de suite à la fin de l'école.
soignant, je travaillais déjà en
J'avais commencé, j'étais en
réanimation à l'hôpital de la Croix- doublure pendant 3 semaines et
Rousse.
euh... J'ai planté mon mémoire
donc je l'ai représenté en octobre,
je l'ai eu. Donc après en novembre
j'ai réintégré l'équipe infirmière.
Entre juillet et novembre, j'ai fait
aide-soignant.
4) Quelle a été votre motivation/choix de travailler en réanimation ?
Euh, ben moi c'était pour la suite,
enfin par rapport aux services que
j'avais fait avant. Donc pour deux
choses, déjà pour les 12 heures et
ensuite je voulais un service
speed, j'avais peur de m'ennuyer et
puis pour voir du coup l'avant,
parce que moi javais des patients à
la sortie de la réa. Donc j'avais
envie de voir ce qu'il se passait
avant, voilà.
Et bah en fait au départ, j’avais
fait un stage aux urgences qui
m’avait bien plu donc j’ai
commencé par ça, et puis en fait
au départ, enfin, je voulais faire
une école d’infirmière anesthésiste
puis la vie a fait que j’ai pas pu le
faire mais finalement j’ai pas
regretté... Parce que ma relation
est différente, je trouve qu’on fait
beaucoup de choses différentes, on
voit des... Enfin voilà. C’est
beaucoup plus varié, je trouve.
Par hasard. J'étais sur Paris et en
fait il y a avait énormément de
postes à l'époque, et quand on
postulait, ils nous filaient une liste
de postes et donc on choisissait ce
qu'on voulait et donc il y en avait
un service de neuro-chir ou la réa,
il était sympa et donc voilà c'est
tout. Et ils m'ont filé le poste parce
que de toute manière, on
choisissait.
C'est un peu compliqué, en fait. Quand
je suis sorti de ma formation d'aidesoignant à l'époque euh... J'ai pas eu
bien le choix en fait y'avait des postes
en réanimation et euh... ça m'a plu, la
spécialité m'a plu. Euh, alors c'est vrai
qu'à l'époque on avait encore des
anciens... Où je travaillais, il y avait
tout un côté du service qui était
occupé par des myopathes et des
anciens polios donc voilà. Donc ça
m'a plu et j'y suis resté. C'est une
spécialité qui m'a plu, parce que bon,
s'occuper des malades en totalité...
Donc euh voilà j'y suis resté. Et puis
j'y suis resté parce que l 'équipe était
jeune, c'était sympa, on faisait plein de
choses, voilà. C'est ce qui m'a motivé.
Et après mon DE, ben pareil. Après
mon DE, j'ai découvert ce service un
peu par hasard et y'avait des postes et
j'ai pu obtenir un poste ici, voilà.
Il y en a eu plusieurs. C'est de la
réanimation, un service technique.
Par rapport à mon projet
professionnel où j'ai
éventuellement le souhait de faire
l'école d'IADE, c'est un passage
incontournable. Et puis euh, aussi
par rapport aux multiples
candidatures que j'ai faites et c'est
ceux qui m'ont répondu le plus
rapidement et qui m'ont proposé
un poste tout de suite.
5) Avez-vous déjà accompagné une famille d'un proche dont le proche en réanimation/soins intensifs avait son pronostic vital engagé? Pouvez-vous expliquer
une situation qui vous a marqué ?
Oui, souvent . Alors, on a
beaucoup de patients d'hémato.
Donc c'est des patients qui sont un
peu chroniques mais en même
temps quand ils arrivent en
réanimation c'est brutal parce qu'
ils se dégradent d'un coup. Et ces
patients là souvent ça se passe
mal. Généralement, l'issue est
fatale. Euh, y'a ces patients là.
Après y'a les patients plus âgés, en
détresse respi sur des
décompensations de BPCO où du
coup là c'est plus chronique et puis
on a quelques jeunes euh, des
accidents de la route, avec des
dons d'organes. Donc là aussi c'est
brutal mais c'est pas ce qu'on a le
plus, quoi. Ils viennent pas chez
nous en priorité. Donc voilà en
gros les cas.
Bah en fait on le fait un peu au
Oui bien sûr, oui. Plus d'un m'a
quotidien. Ici, c'est... Je saurais pas marqué. Il y en a beaucoup. En
dire. De toute façon c’est toujours fait, les plus marquants c'est pas
un peu le même truc, quand
forcément des accidents brutaux.
l’accident est brutal c’est toujours
Si tu veux, j'étais sur HEH, on
super compliqué la première
faisait tout ce qui était greffes et
approche. L’avantage qu’on a ici mort encéphalique mais il n'y avait
c’est que les médecins encadrent pas trop. Ici, si y'en a peut-être un,
beaucoup les familles je trouve, et François, qui a eu un accident de
c’est vrai que des fois il n’y a pas
moto, qui était tétraplégique.
besoin de leur dire de voir telle
[Blanc ]
famille, d’eux même ils nous
Mais accidents brutaux, non pas
disent « bon bah la famille je l’ai
trop.
pas vu est ce qu’il y a
quelqu’un.. » d’emblée, en fait, en
principe on les prend ici, donc
nous on assiste à l’entretien, ce qui
est bien, parce que du coup on sait
exactement ce qu’ils savent, rien n'
est caché hein de toute façon, des
fois ils ont même tendance un petit
peu à assombrir le tableau parce
que si jamais ça se passe pas bien,
pour être sûr que les familles ne se
fassent pas d'illusions, quoi. Et
puis en fait je trouve qu'ils
prennent bien le temps de laisser
poser des questions. Et puis après,
au fur et à mesure du séjour, ils
sont vus, revus et revus. Nous on
est là un petit peu pour faire le
lien, et expliquer des choses qu'ils
n'ont pas forcément compris.
Alors ici, ça marche comme ça. Je
sais pas, je vais peut-être un peu
vite mais ici quand on a des
patients graves, même si c'est
brutal par exemple, on voit les
familles. On voit les familles avec
le médecin qui s'occupe de l'unité.
Donc le médecin, l'interne euh...
L'infirmière euh... l'aide-soignante.
Voilà, donc l'annonce du pronostic
se fait, donc c'est le médecin qui le
fait, mais on voit ça en équipe.
Euh, on fait aussi ce qu'on appelle
des réunions éthiques donc
infirmiers, médecins, l'interne...
euh pour savoir, enfin ce que va
devenir le malade, ce qu'on va
faire, est-ce qu'on continue, est-ce
qu'on arrête... enfin, c'est pas
toujours simple. En sachant qu'ici
on a entre 20 et 25 % de décès...
Euh dans le service. Après les
décès post-réanimation, y'en a. Le
nombre je ne sais pas, j'en avais
discuté une fois avec un médecin
mais on a... Enfin des fois on sait
pas trop ce que les malades
deviennent mais il y a quand même
un nombre de patients assez
important qui décèdent aussi après
en post-réanimation. Alors, bien
sûr il y a les critères d'âges, les
pathologies et voilà.
Oui. Euh... en fait c'était une famille
avec... Donc c'était le père qui avait son
pronostic vital engagé, il était insuffisant
rénal...euh non respiratoire importante, il
avait une détresse respiratoire importante
et euh le pronostic est engagé, et donc la
fille. Moi je m'occupais de son père, et la
fille en fait, nous demande dans la
chambre, le médecin lui avait parlé de ce
que nous on appelle le protocole LATA,
l'arrêt des traitements euh l'acharnement
thérapeutique, les limitations
thérapeutiques, on arrête tout ce qui est
amine, on met en place le fait que s'il y a
un arrêt cardiaque, on ne masse pas. Et
donc la fille m'a demandé, m'a dit « mais
ce serait... ce serait votre père vous feriez
quoi ? » et là, c'est... C'est une histoire de
transfert aussi parce qu'on imagine si
c'était notre père, on peut aussi avoir
perdu son père depuis peu, donc difficile
d'arriver à se mettre comme ça , on essaie
de faire comprendre que c'est pas notre
décision, que nous on est là pour
l'accompagner mais qu'on est pas là pour
ça, pour prendre ses décisions c'est à elle,
c'est elle qui pèse le pour et le contre,
nous on peut l'accompagner, on peut lui
donner des conseils mais qu'on ne peut
pas nous, dire « voilà, ce serait mon père,
je ferai ça... » parce que c'est propre à
chacun. Ça a été un moment difficile
quand vous avez une personne comme ça
et qui a un peu la même tranche d'age et
qui vous dit « si c'était votre père vous
feriez quoi ? ». Donc on essaie
d'accompagner comme on peut, on essaie
d'expliquer les choses mais c'est difficile.
6) A votre sens, dans quel état émotionnel se trouvent le plus souvent les familles lorsqu'elles arrivent pour la première fois dans le service ?
Euh, ben ils sont stressée,
Ben, ils sont sous le choc quoi.
angoissées, en colère, ça dépend
Donc je pense que c'est un petit
les circonstances, mais ça peut
peu comme si on vous annonce un
arriver euh, et puis surtout dans
décès brutal quoi. Enfin, on sait
l'incompréhension. Parce que c'est pas quoi dire, on comprend pas,
quand même un service
enfin je trouve que c'est un petit
super...vraiment spécial.
peu comme les phases de deuil, il
Généralement quand les patients y a le choc, le déni, enfin c'est un
arrivent, les familles suivent
petit peu ça je trouve.
derrière et nous on a plein de soins
à faire à l'arrivée donc on peut
rester deux heures dans une
chambre sans pouvoir faire rentrer
la famille. Donc ils arrivent, ils
sont stressés, du coup ils sont un
peu en colère contre nous parce
qu'ils peuvent pas rentrer, ils ont
du mal à comprendre pourquoi ils
peuvent pas rentrer et ce qu'on est
en train de faire. Mais pour nous la
priorité c'est vraiment le patient et
après la famille on va la voir après
malheureusement parce qu'on peut
pas, enfin voilà. Le plus urgent
c'est de s'occuper du patient quand
il arrive. Euh,voilà en gros, je
pense que... et puis ben après y'a la
tristesse mais ça, ça vient après,
quand ça se passe mal.
Elles sont bien dans le déni. Enfin,
ils réalisent pas trop ce qui arrive,
ils comprennent pas forcément. Il
faut leur expliquer mais des fois,
c'est pas clair. Ils veulent savoir
s'il va s'en sortir ou s'il va pas s'en
sortir. Et il suffit de leur dire
clairement,alors des fois on sait
pas,des fois on sait, moi je trouve
que des fois leur dire clairement
« il va pas s'en sortir » ben c'est
mieux. Souvent, c'est le médecin
qui va redire les choses et des fois
ben il ose pas trop dire ben « il va
mourir ». Y'a des médecins qui
savent vraiment bien faire, y'a des
médecins... souvent ça nous aide
pas. Moi, pour moi, je pense que
c'est plus facile de dire « ben il oui
va pas s'en sortir » de dire « ben
on va essayer de faire tout ce qu'il
faut etc.. »
Alors, état émotionnel,euh...
[blanc] Je veux dire, des fois il y a
un état de sidération hein. Je veux
dire, elles sont... un peu sidérées,
elles sont... C'est un peu difficile à
répondre ça comme question parce
que l'état émotionnel euh... Il y a
des gens qui pleurent, voilà quand
on vous annonce que le proche va
décéder, c'est différent. Nous on
essaie un peu de faire de la
relation d'aide, mais c'est pas
souvent, c'est pas toujours facile
parce qu'on peut aussi avoir un
côté un peu émotif, surtout quand
on a peu d'expérience et même
quand on a de l'expérience, c'est
pas simple. Il faut avoir une vie
extérieure quand on sort d'ici assez
riche, il faut pas... il faut couper
les ponts, voir sa famille et
vraiment avoir une vie
personnelle.
Alors... Ben souvent, elle ont
peur. Elles ont peur de perdre la
personne chère. Dans
l'incompréhension, elles savent
pas concrètement ce qu'il se passe,
elles savent pas ce qu'il s'est passé,
ce qu'il se passe et ce qu'il va se
passer. Euh, les médecins ont pas
forcément le vocabulaire adéquat
même si ici ils sont très bien, ils
utilisent des mots de tous les jours
pour expliquer l'état de santé d'un
patient, c'est vrai qu'on voit les
familles, souvent elles sont
perdues. Elles sont complètement
perdues, déchirées entre « c'est un
membre de ma famille, c'est mon
père, c'est ma femme, c'est ma
fille... » et se dire voilà, « oui il
faut qu'on arrête, ces critiques ça
ne sert plus à rien, et non je ne
peux pas plus rien dire au
médecin, ne peut plus rien faire.
Parce que c'est... Une personne
chère ». Donc elles sont vraiment,
on voit, elles sont vraiment
perdues.
7) Quelle est l'attitude que vous adoptez lorsqu'une famille arrive pour la 1ère fois ?
Alors on gère déjà le patient comme je te
disais, en général quand le patient est à
peu près géré, le médecin rencontre la
famille, toujours avant de les faire
rentrer, donc avec l'infirmière si possible,
on essaie toujours d'être présent et puis
l'aide soignante qui s'en occupe. A ce
moment là, il explique ce qu'il se passe,
pourquoi il est arrivé chez nous , il
explique souvent, ce qu'il s'est s'est passé
avant, parce que comme c'est dans le
cadre de l'urgence, il passe aux urgences
tout ça , ils ont pas suivi le cheminement
donc ils comprennent pas toujours. Donc
le médecin il reprend toute l'histoire, il
réexplique tout et puis on a des médecins
qui sont top là dessus qui prennent le
temps, qui expliquent les choses assez
simplement; et puis après il leur demande
s'ils ont des questions etc. Ensuite on les
fait rentrer, nous on donne le livret
d'accueil ; on explique le fonctionnement
du service, les horaires de visite, on
essaie de vraiment bien expliquer puis
aussi expliquer le patient, tout
l'équipement qu'il a autour de lui pour
dédramatiser un peu, bien leur expliquer
qu'il y a beaucoup de sonneries et que
c'est pas grave, qu'ils sont sous
surveillance. Et puis on les accompagne
toujours dans la chambre, on les laisse
jamais rentrer seuls. Et donc
généralement, normalement on fait
rentrer par deux, donc quand le patient
vient d'arriver ça peut arriver qu'on fasse
rentrer toutes les personnes qui sont là si
possible un petit moment et comme ça ça
les rassure et ils voient... ils ont besoin de
voir leur proche même si c'est cinq
minutes ça les rassure toujours un petit
peu, quoi.
Alors on essaie d'expliquer un
maximum les choses. Moi ce que
j'essaie de faire c'est surtout leur
dire qu'ils sont là pour, qu'ils...
enfin comment dire, que nous on
est là pour soigner mais eux ils ont
leur importance aussi. Voilà, tenir
la main et tout ça, mais par contre
qu'il faut pas non plus, qu'ils
empiètent sur nous, c'est à dire, ils
sont pas là pour surveiller un
respirateur, savoir pourquoi telle
courbe elle est comme ça, c'est pas
leur rôle. Moi, j'essaie de leur dire,
vous regardez pas le respirateur,
vous regardez pas le scope, c'est
pas votre rôle, nous on est là pour
gérer, vous votre rôle c'est de tenir
la main et de parler à la personne
de votre famille.
Je dis la vérité. Oui je dis ce que je
Alors, moi personnellement,
pense. Alors, après si... En fait,
j'essaie, je dis bien j'essaie, dans
j'évalue l'état de compréhension de la 98 % des cas maintenant, enfin à
famille. Et souvent quand on leur
l'instant T, depuis déjà pas mal de
parle trop technique, comme le font
temps, je dis pas y'a 30 ans en
les médecins, ils savent pas trop ce
arrière, c'est différent. Mais
que ça veut dire, c'est un peu du... Je
maintenant,
quand les portes de
vais pas dire du charabia, ils peuvent
comprendre mais à ce moment là, ils l'hôpital se ferment, je pense à mes
sont vraiment dans le pragmatique, ils collègues, des choses comme ça
veulent savoir ce qu'il va se passer,
mais les patients je décide de ne
dans combien de temps, quand est-ce plus y penser. Je m'occupe de ma
que ça va arriver, est-ce qu'il va s'en
fille... Donc voilà (rires).
sortir, si ses jours sont en danger... On
Non,non . Je.. Je fais
a tendance à dire ses jours sont en
complètement la différence entre
danger tant qu'il sera en réanimation,
ce qui est entre mon activité
euh dire s'il va s'en sortir ou pas... En
professionnelle
et mon activité
général, même avec des accidents
extérieure.
Et
l'attitude
face aux
graves on est assez réservés, le jeune
homme avec l'accident de moto c'était familles, ben j'essaie d'avoir une
attitude de compassion ou une
grave parce qu'il est tétraplégique, il
est sorti juste en bougeant la tête donc attitude... euh une relation d'aide
on l'a sauvé quand même mais à ce
euh... voilà c'est ça... mais je veux
moment-là pour les autres c'était
dire moi j'essaie de, de... voilà.
difficile, même pour l'équipe, il a 25
ans donc... La famille ils sont un
peu... euh... Le papa... Il essaie de tout
comprendre mais à un moment donné
il lâche prise mais pas tout de suite.
Donc nous on accompagne en
fonction de ce qu'ils ont envie de dire,
il essaie de pas craquer mais à un
moment donné en fait il craque, il faut
écouter, il faut être là et on peut pas
faire grand chose de plus. Il faut être
franc.
Ben on essaie de les accompagner,
de leur expliquer au mieux les
choses, ce qu'elles arrivent à
comprendre, de répondre au mieux
à leurs questionnements, à leurs
attentes. Après, des moments, c'est
juste une présence, c'est juste
euh... Vraiment les mots ne
servent pas à grand chose. Après
on essaie aussi de prendre de la
distance nous et on essaie de les
laisser seuls avec leur membre de
famille. Ça sert à rien qu'on soit
là, on essaie de leur laisser le plus
longtemps possible ensemble. Et
puis après... tout ce qui est
annonce de diagnostic, tout ce qui
est quand les personnes
demandent vraiment, quand la
famille demande vraiment l'état de
santé réel et qu'on sait que l'état
est critique euh... Je sais que moi,
euh je suis jeune dans la
profession euh j'ai pas beaucoup
d'expérience en réanimation, en
général, je laisse le médecin faire.
Je leur dis « je vais appeler le
médecin, le médecin viendra vous
voir » et c'est au médecin de faire
l'annonce de diagnostic, c'est pas à
moi.
8) Qu'est-ce que cela vous renvoie ?
- Difficultés que vous pouvez rencontrer (transferts...)
- Ressources auxquelles vous faîtes appel (formations, cours...)
Ben on essaie de faire au mieux. Mais ce
qui est délicat ici c'est que du coup
comme je te disais dans l'urgence on a
beaucoup de soins à faire et la famille, on
a pas forcément le temps d'aller la voir
tout de suite. Donc là, des fois c'est un peu
frustrant parce qu'on a envie d'aller
expliquer les choses et tout ça, c'est
mieux. Je sais pas quoi te dire de plus.
Les ressources sont le travail d'équipe
c'est à dire que s'il y a un patient dont on
s'occupe depuis plusieurs jours et qu'on a
du mal avec la famille, ça c'est typique
pour les patients d'hémato, où la famille
c'est très dur ça se passe mal enfin ils sont
vraiment en détresse (intervention de la
part d'un de ses collègues pour une
question par rapport à son patient )
Donc l'équipe,oui si on est à bout avec ce
patient, avec la famille parce que des fois
c'est dur plusieurs jours ben on passe le
relais, on change de patient et puis
l'équipe aussi, dans le sens où quand on
rencontre les familles on est plusieurs.
Nous en tant qu'infirmières c'est vrai qu'on
donne des nouvelles par téléphone, mais
le minimum, on s'engage... on... en réa on
est jamais optimiste on leur dit toujours
que ça reste grave parce que ça peut
basculer d'un moment a l'autre tout le
temps donc il faut toujours être réservé
pour éviter les chutes de haut. Voilà parce
qu'après on n'a rien en ressources
extérieures.
Sinon y'a peut-être des formation, je
t'avouerai que je me suis pas trop penchée
dessus, peut-être qu'elles existent mais
elles sont pas systématiques. Il faut les
demander... mais elles sont pas forcément
acceptées.
Ben de toute façon, enfin souvent les
Euh... non il n'y a pas de
Non, pas de transferts. Enfin, moi
gens nous disent « oh ben de toute
difficultés. L'émotion. Je ne fais
je n'ai plus mes parents, je veux
façon, vous êtes blindés, machin... »
plus de transferts. J'en ai fait une
dire. Vous voulez-dire ce que ça
C'est pas vrai. Et puis au cours de la
fois, mais pas sur un accident etc
vous renvoie une perte de
vie, je pense qu'il y a une évolution
c'était
sur
une
pathologie...
quelqu'un ? Non, pas de
parce que quand on commence à
Les
ressources,
ben
si
moi
j'ai
fait
difficultés,
moi j'ai perdu mes
travailler par exemple on est
parents, ça fait déjà un moment
célibataire, on rentre à la maison, ben une demande de formation sur le
y'a rien d'autre quoi, bah du coup c'est diagnostic grave mais je crois que donc je ne fais pas de... non,non.
difficile de sortir de ça parce qu'on
ça fait depuis le début que je suis Les ressources, alors ici au sein de
reste un peu là-dedans. Après, moi je
là que je demande donc... Après
l'hôpital, il existe des formations
vois avec les enfants c'est plus facile
sur les cours non plus,
sur... sur la mort, euh on a la
parce qu'on a d'autres soucis en
l'expérience.
possibilité de voir une
rentrant à la maison et du coup ça fait
psychologue
euh pour ceux, donc
du bien aussi parce qu'il faut savoir
pour
ceux
qui
le souhaitent il y a
prendre du recul hein. Voilà, et puis la
des possibilités, voilà.
vie fait qu'on a aussi des expériences
qui font que... même si ça nous
marque, il faut essayer de passer au
dessus quoi, et puis parce que pour
moi sinon c'est pas la peine de
travailler ici.
Les ressources, moi je trouve que c'est
beaucoup entre nous en fait. Donc
parler avec les médecins... L'avantage
ici, c'est qu'ils sont assez ouverts et
quand on a des inquiétudes, des
questions qu'on se pose, ils sont
vachement là pour nous répondre et
puis, entre nous. Moi, je trouve que
travailler la nuit, on a une certaine
proximité et puis un jour c'est l'un qui
a des difficultés parce qu'avec le
malade ça se passe pas bien, et je
trouve qu'entre nous, on arrive
vachement à se remonter le moral.
Oui, forcément, on a des difficultés. Alors
euh... C'est toujours pareil, ça dépend des cas,
ça dépend... mais euh des patients de 80-90
ans, y'a beaucoup moins de transferts. Quand
on reçoit des patientes ou des patients de 35-40
ans qui décèdent... Voilà on a toujours plus de
mal, on le voit on en discute ensemble avec les
collègues, on dit « c'était dur »,
émotionnellement c'est dur, après voilà on est
une bonne équipe, on peut s'appuyer les uns
sur les autres, c'est difficile dans une chambre
où un cas est compliqué et particulier, on se
retire et on dit à son collègue « écoute, tu
peux...tu peux t'en occuper parce que moi je ne
peux plus ».
Euh, les ressources c'est les collègues. On a
pas beaucoup plus de ressources, euh alors
effectivement on a notre cadre qui est là, si on
a un souci avec un patient, on peut aller le
voir, on lui explique les choses, on lui dit
« voilà écoutez, tel patient me renvoie telle
chose, j'ai du mal à m'en occuper, est-ce que je
peux changer de secteur ? » Après souvent, on
s'entraide entre collègues, comme on est au
moins 2 par secteur, s'il y a un patient avec qui
on a vraiment du mal, ben on va voir son
collègue on lui dit « bah écoute, je te prends
un patient, est-ce que tu peux prendre le
mien » en accord avec le cadre, parce que
voilà c'est trop difficile pour moi.
Alors, sur la prise en charge, non... on n'a pas
de formation propres imposées. Euh, sur les
formations imposées, on a les formations sur
le métier : fonction respiratoire, fonction
cardiaque et ainsi de suite, pour savoir ce
qu'on fait. Après pour les formations d'accueil
à la famille, il y a des formations possible, on
peut demander, y'avait un tableau il y a encore
quelques mois où on pouvait écrire les
formations qu'on souhaitait passer. Et je sais
que la formation « Accompagnement de la
famille » y était donc on peut demander de
suivre une formation d'accompagnement.
9) Selon vous, quelles sont les compétences mobilisés par l'infirmier lors de ces situations ?
Euh, la relation d'aide si on peut
Ben je pense que c'est autant
L'expérience. Enfin, les
appeler ça comme ça. L'écoute qui
l'aspect humain mais ça c'est
compétences, je pense qu'il n'y a
peut prendre du temps, les
quelque chose de naturel, parce pas de compétences. Je pense qu'il
explications, toujours expliquer
que, même si on n'est pas dans
faut...être pré...non pas préaux familles c'est super important, leur cas, on arrive à comprendre
disposés, je pense qu'on est tous
simplement. Voilà, euh.. Je pense que ça peut être difficile et qu'il y pré-disposés mais qu'il ne faut pas
que c'est le principal.
a des fois, même s'ils se mettent à
être en burn-out, il faut être
crier, même s'ils nous en veulent
reposé. Si on est trop fatigué et
sur le coup, il faut aussi dire, ben
qu'on en a vraiment marre ben
c'est normal, on ferait pareil dans
c'est vrai qu'on est moins à
ce cas-là et voilà.
l'écoute, plus en distance, il faut
être bien dans sa vie privée, à un
moment donné, il faut être bien
pour pouvoir prendre en charge les
familles... Ce qui n'est pas toujours
facile.
[blanc] Alors... Ça je ne sais pas bien quoi
répondre, piégé hein. Quelles
compétences ai-je mobilisées ? Euh... c'est
un peu difficile à dire parce que... C'est
pas prétentieux hein, pas du tout mais
avec l'expérience, un petit peu, pas qu'on
ait l'habitude mais... comme je vous disais
on peut pas... [blanc] Je pense qu'il faut
faire la part des choses entrer ce qui est le
travail enfin le milieu professionnel, en
sachant que dans le milieu professionnel
dans lequel on travaille ici, on est
confronté..donc à la mort hein et c'est
quelque chose de réel et euh donc je pense
qu'il faut, il faut avoir la capacité de faire
la différence entre le milieu extérieur et le
milieu professionnel. Je crois qu'il faut
être capable, alors est-ce que c'est une
compétence, je ne sais pas. Être capable,
c'est pas toujours facile, être capable de
faire la différence. En sachant que... c'est
peut-être un peu fort mais oui la mort ça
fait un peu partie ici de notre quotidien.
On a des personnes, on a beaucoup de
décès. Voilà, c'est comme ça.
Ça vous va comme réponse ou pas ?
Dites-moi, parce que c'est pas facile de
répondre à ça. Quand j'étais plus jeune,
c'était un peu différent j'avais pas la vie
extérieur donc... Il y a des malades qui
m'ont touché, qui me touchent toujours
mais c'est différent, mais voilà à l'époque
qui m'ont touché. Des choses que je
gardais pour moi, qui sont très
personnelles et donc, voilà, mais...
maintenant, non. Maintenant, je, je... Je
pense qu'avec l'expérience, euh... Puis
voilà, sinon c'est pas vivable, sinon il faut
plus travailler ici. Donc moi je suis bientôt
en cessation d'activité, je vais bientôt
partir, je serai à la retraite donc voilà.
[blanc] Euh, bah y'a la
compétence... le
professionnalisme, déjà. Arriver à
rester professionnel, à maîtriser
ses émotions et rester
professionnel dans toutes les
circonstances. Et que si on n'y
arrive pas, on soit... Voilà, assez
professionnel pour dire « je ne
peux plus, je laisse mon collègue
prendre en charge, éviter de tout
prendre sur soi et dire « il faut que
je le fasse, il faut que je le
fasse... ». Au bout d'un moment,
on s'écroule. Ça... Et, ça va avec la
remise en question, c'est à dire « je
ne peux plus, donc il faut que...
que je m'arrête ». Voilà,
compétences : professionnalisme,
humilité, euh principalement je
pense que c'est les deux qui sont
importantes.
10) Quels sont les moyens mis à disposition dans votre service pour accompagner les familles et ceux que vous considérez manquants (formations, participation à des
congrès, réunions, présence de psychologues...)
Euh, ben les moyens, les moyens...
Alors on n'a pas de psychologues,
ça pourrait être utile quelques fois.
Depuis qu'on a ces patients
d'hémato. On a beaucoup de mal à
s'en occuper pour la plupart. Euh,
après ben les ressources,
principalement le travail en
équipe, les familles on les
rencontre à l'arrivée mais après on
les rencontre tout le long du séjour
donc le médecin les rencontre une
fois par semaine et ces entretiens
là on essaie de participer aussi
donc c'est quand même, ça permet
d'entendre ce que le médecin dit,
et pour avoir le même discours...
Parce que les familles
généralement, devant le médecin
elles ne posent pas de questions,
sur le coup ils n'ont pas les
questions qui leur viennent, et puis
les questions ils les posent à nous
après. Donc ça permet de savoir ce
qui a été dit, ce qui a été entendu
ou pas, des fois il faut leur dire
plusieurs fois pour qu'ils entendent
bien. Voilà, après on a le livret
d'accueil qui les aide un petit peu,
ben cette petite salle là qui est ce
qu'elle est mais qui permet d'être
un peu...à l'écart, seuls et pour les
mettre un peu là s'ils ont besoin. Et
Ben en fait, y'a un truc, je pense
qu'on est tous d'accord là-dessus,
c'est qu'il faut pas être borné, c'est
à dire que, bon les soins c'est une
chose, mais les gens ils nous
appellent ben il faut être dispo
pour leur répondre, et des fois un
petit mot ben ça rassure
vachement. Nous, ici on fait
rentrer 2 personnes de 13 à 20h, si
la personne va décéder ben on a
bien compris, quoi, que ce soit
n'importe quelle heure du jour ou
de la nuit... Voilà, je pense aussi
que c'est la relation avec la famille
qui permet aussi de faire passer la
pilule quoi. Et puis on a quand
même, enfin en ayant travaillé aux
urgences où on était tout le temps
en train de courir, on était tout le
temps au téléphone, on a pas le
temps de parler aux familles, les
gens étaient vachement agressifs
je trouve. Et quand je suis arrivée
en réa ben je me suis dit on a
moins de patients, on a plus le
temps de discuter et puis ça fait
partie, une grosse partie de notre
travail, ben ça se passe toujours
mieux. Parce que, parce qu'il faut
comprendre qu'ils puissent être
angoissés, que... Je pense que les
gens qui sont agressifs du moment
Ben là on a mis une salle des
familles pour les accueillir, c'est
un moyen qui est assez récent.
Qu'elles puissent se recueillir. Euh,
on a mis en place le 24/24 qui
n'est pas encore effectif même si
on est ouvert à ce que les gens
puissent rester plus longtemps,
qu'ils accompagnent leur proche,
qu'ils soient présents, je sais pas si
c'est des moyens mais ça en est
hein quand même. Les horaires de
visite, ils vont pouvoir venir quand
il veulent, malgré que quand c'est
grave on ouvre la porte quand il
veulent, ils peuvent venir, y'a pas
de souci. Euh les autres moyens...
La présence de psychologues ça a
été demandé récemment, mais ça a
été demandé par une aidesoignante ou certains aidesoignants qui n'en pouvaient plus
de voir trop de gens décéder. Ils
étaient en burn-out ; moi c'est pas
mon cas, mais après j'entends que
mes collègues puissent en avoir
marre. Donc ça a été entendu par
la direction, donc il y a une
permanence d'un psychologue qui
a été mis en place mais pas pour
les familles. Pour les familles, il y
a des familles qui font la demande
mais en fait on a rien. Je pense que
Alors, pour accompagner les
Au niveau des outils, je sais qu'il y
familles. Alors, déjà les familles,
a un psychologue qui est mis à
euh quand il y a un patient qui est
disposition, donc les médecins
en fin de vie et qu'on a décidé de
sont très ouverts, sont très
limiter les thérapeutiques mais
disponibles. Donc l'équipe
vraiment d'une manière euh
médicale et paramédicales est très
importante. Les visites sont libres.
disponible aussi, donc le
Les gens viennent quand ils veulent psychologue qui est là, il y a un
et restent le temps qu'ils le
accompagnement ; le cadre
souhaitent. Et le problème, être là
accompagne énormément toutes
quand le patient décède c'est
les familles et dans toutes les
souvent des fois difficile parce
démarches après. Moi je pense,
qu'ici, les patients sont scoppés
honnêtement, j'ai pas vu encore de
donc on arrête certains
manques. Sur l'accompagnement
médicaments, ils sont sous
des
familles, je pense qu'ici il y a
morphine, donc ça peut durer un
vraiment
tout ce qu'il faut.
moment, et le décès en général est
brutal, la tension chute brutalement.
Ou la famille est là et présente ou la
famille n'est pas présente. Euh, là la
semaine dernière, chez nous, on a
eu une dame qui est décédée qui
avait, qui était jeune enfin jeune,
oui qui était jeune, qui avait 62 ans,
d'un cancer du sein métastasé, elle
en avait partout. Et, elle est décédée
le matin à 6h, sa famille ne
souhaitait pas être présente donc on
était là. Donc on l'a mis dans la
relève « équipe soignante présente
près du patient », enfin moi je l'ai
mis. Voilà. Donc on a visites libres,
les patients ont possibilité d'avoir
aussi des... des religieux, que ce
puis sinon c'est un peu réduit,
voilà.
où ils comprennent pas ce qu'il se
ce serait bien, ce serait un plus,
passe.
comme en hémato, ils ont une
Sinon, oui il y a des formations,
psychologue qui est présente. En
sur la prise en charge de la
fait, dans les services de
violence, des trucs comme ça,
réanimation j'en ai jamais vu. C'est
mais honnêtement j'en ai jamais
très mal perçu. Pas par l'équipe
fait !
paramédicale mais par la
profession médicale. On avait sur
HEH, pas ici, parce qu'ici je trouve
que la prise en charge des familles
est quand même... bien : le
personnel est disponible, ben les
médecins sont là . Euh, sur HEH,
c'était difficile, on avait demandé
qu'une psychologue vienne, un
psychologue était d'accord mais
« c'était ridicule », « y'avait pas
besoin », etc. Donc j'ai jamais
connu de psychologue en
réanimation.
soit prêtres, imams, pasteurs...voilà.
Alors il y a la possibilité d'avoir la
présence d'une psychologue, pour
nous, il faut en faire la demande, et
on peut l'avoir, pour les soignants.
Pour les familles, bonne question,
je ne m'en suis jamais soucié
effectivement, je pense qu'il y a une
possibilité de voir une psychologue,
oui. Donc, nous sinon on fait des
réunions, avant certaines décisions,
le matin. Le problème c'est qu'ici
on travaille en poste de 12h, aussi
bien en jour que la nuit alors ce qui
nous fait des grandes périodes
d'absence au sein des unités. Et
euh... Donc des fois on arrive, les
patients on les connaît pas très bien
mais bon le matin, le médecin de
l'unité, on fait le tour avec lui. Donc
on est deux par unité, « ce malade,
ben qu'est-ce que t'en penses... » si
on dit « ben il a ça ça... » ben on va
peut-être arrêter... Enfin bon, on fait
ce qu'on appelle une réunion
éthique, c'est marqué, donc on va
arrêter les thérapeutiques. La
famille est prévenue, on revoit
éventuellement la famille. Parce
qu'il y a des familles qui
comprennent tout de suite ce qu'il
se passe, la gravité de la situation et
puis il y a des familles qui
comprennent pas bien. Ce qui est
normal, ici c'est particulier donc les
familles comprennent pas très bien.
Donc on revoit les familles à ce
moment-là. Voilà, avant que les
décisions soient tout à fait claires.
11) Accompagnez-vous les familles comme vous le souhaiteriez ? Si non, qu'il y a t-il à améliorer ? (contraintes horaires, charge de travail, fatigue...)
Ben presque. Non, dans
l'ensemble, je pense qu'on se
débrouille bien ou presque. Il faut
rester dans l'idée que c'est de la
réanimation donc forcément, on
peut pas être auprès d'eux tout de
suite et tout ça mais je pense que
dans l'ensemble, on est très à
l'écoute des familles, les médecins
aussi, on essaie toujours de faire
vraiment au mieux, même si c'est
pas dans l'immédiat, les familles
sont toujours vus, elles sont jamais
laissées seules. Ils peuvent appeler
à toute heure, on répond toujours.
Voilà après on a des horaires de
visite, où on arrive à être quand
même un peu laxistes dans
certains cas et à étendre un peu si
besoin, le nombre de personnes
aussi. Je pense qu'on est pas mal,
même si on a très peu de moyens
extérieurs, on s'en sort pas mal
quand même.
En principe, moi je trouve que ça
Euh.... Oui et non. Oui, parce
se trouve plutôt pas trop mal.
que...quand... quand c'est
Après c'est toujours difficile, parce
nécessaire, je le fais. Après, je
que surtout depuis 2 ans, là on a
pense qu'avec la fatigue et euh
des hématos, c'est des gens qui
comment ça s'appelle, le travail
sont souvent jeunes, y'en a pas
qui est des fois intense, on a peutbeaucoup qui s'en sortent donc
être pas le temps assez de... je vais
forcément on s'y attache, donc
pas dire discuter mais à un
c'est hyper dur. Le truc c'est que
moment donné ils sont
nous dans notre service, je trouve demandeurs et on peut pas... On
qu'on se bat pour la vie, donc on a
peut pas tous les jours
toujours heu, c'est pas comme un
accompagner.
service de soins palliatifs où on
connaît bien l'issue, là on essaie
d'aller vers le positif et je pense
que c'est ce qui nous booste aussi
quoi.
Je pense qu'ici, elles sont bien
accompagnées, oui. Enfin, moi en
ce qui me concerne, oui. Je ne sais
pas ce que dira après mon collègue
ou ma collègue mais je pense que
oui, c'est pas mal. Il y a toujours à
améliorer, quoi je ne sais pas, il y
a toujours à améliorer. Mais je
pense que le fait que les visites
soient libres, le fait qu'on soit
présent, on leur propose à boire,
on leur propose de manger
éventuellement s'ils restent.
Voilà... il y a... je pense... des
fauteuils dans les chambres.
Comme je le souhaite, je ne sais pas,
comme je peux le faire, aujourd'hui, oui.
Euh, je pense qu'après avec l'expérience, je
modifierai certainement mon approche.
J'aurai certainement, je me dirais peut-être
qu'aussi « J'ai des manques, voilà il me
manquerait telle chose ou telle chose... ».
Euh, effectivement, une formation
d'accompagnement ce serait pas... inutile.
Après, comme je sors tout juste de l'école
et qu'on a ces cours là d'accompagnement,
ça m'aide aussi beaucoup parce que c'est
encore dans la tête. Et ceux qui ont 3,4,5
ans de diplôme, c'est pas la même chose,
ils ont l'expérience mais ils ont peut-être
plus trop la théorie, donc voilà, moi je
pense qu'aujourd'hui, en tout cas, je fais de
mon mieux. S'il y a quelque chose à
améliorer, il faudrait que je pose la
question aux familles parce que dans ces
moments-là, c'est compliqué de savoir si
on fait bien, si on fait pas bien, c'est... on
n'a pas de retours... C'est pas comme... On
travaille en binôme avec un collègue, à la
fin on peut lui dire « ben voilà, comment
t'as trouvé ma façon de travailler ? » Il va
nous le dire. Avec une famille, dans ces
situations-là, euh, il faut trouver le juste
milieu, on sait jamais si on est vraiment
bien, si on est trop présent, si on n'est pas
assez présent. Il faudrait pouvoir rencontrer
ces familles quelques mois plus tard et leur
demander concrètement comment eux ont
ressenti la prise en charge. Mais
malheureusement, on n'a pas de retours,
alors, on en a hein, il y a des petits mots
qui sont écrits, en disant « nous remercions
tout l'équipe pour leur attention, leur
soutien, leur accompagnement tout au long
de l'hospitalisation de notre père, notre
sœur, notre... » Mais, hum, mis à part ces
mots, on n'a pas de retours directs.
12) Comment pensez-vous que l'accompagnement des familles en réanimation s'acquière-t-il ? (avec le temps, l'expérience, la théorie à l'école, les compétences
de chacun...)
Euh, oui je pense qu'on arrive à Ben oui je pense que c'est avec le Pas la théorie. La théorie, non. Je
accompagner les familles avec le temps et l'expérience et puis aussi pense pas que la théorie soit bien
temps et l'expérience, parce qu'au ce qu'on vit personnellement parce utile. Je pense que l'expérience,
début c'est un peu difficile même que quand on est de l'autre côté de
oui.
si ça arrive souvent. Je me
la barrière, là on arrive aussi à
souviens pas vraiment d'avoir eu
comprendre des choses. Et puis,
des cours sur la prise en charge
oui le temps parce que quand on
des familles, voilà.
commence à travailler en réa, on
est vachement fixés sur les
machines et tout ça, et petit à petit,
du moment où on maîtrise plus cet
aspect technique, je pense qu'on
prend plus de recul et on passe
plus de temps avec les gens.
Et la théorie à l'école, c'est un peu
vieux ! Mais franchement, je
pense que c'est plus sur ce qu'on
vit tous les jours. Et puis après ça
plaît... Je pense qu'en réa soit on
arrive et au bout de 6 mois ça nous
plaît vraiment pas, c'est pas fait
pour tout le monde, ça se
comprend, soit je crois qu'on
adhère au truc et puis voilà, enfin
je pense que c'est tout un
ensemble.
Alors, déjà je pense qu'au début c'est
un peu difficile quand on est nouveau
DE. Bon moi, j'avais un peu des atouts
parce que j'avais été aide-soignant et
je travaillais déjà en réanimation donc
voilà. Mais quand on commence ici,
enfin moi à l'époque, où j'ai
commencé ici, c'était... l'univers était
relativement anxiogène, stressant donc
quand c'est stressant, on peut pas bien
informer les gens. Quand vous êtes
vous-même stressé... Pour bien
accueillir les gens, je pense qu'il faut
déjà bien s'accueillir soi-même. Et
quand on peut pas bien s'accueillir soimême entre guillemets parce qu'il y a
le stress, parce qu'on pense à autre
chose euh.. les gens vont vous poser
des questions et vous savez pas quoi
trop répondre euh c'est difficile. Donc
ça, ça s'acquière avec une certaine
expérience ou...euh.. bon vous faîtes la
part des choses et je pense qu'au
début... Moi quand j'ai commencé ici,
l'univers, enfin le cadre était
relativement anxiogène pour les
soignants. Enfin, moi je trouve. On
était beaucoup, on était nombreux, un
nombre relativement important de
nouveaux DE à arriver donc avec les
médecins, les relations un peu
particulières, des fois un peu tendues,
voilà, le service venait d'ouvrir. Voilà,
je pense qu'il faut déjà... Je pense qu'il
faut déjà avoir un petit peu
d'expérience.
Avec l'expérience. La théorie, que moi
j'ai pu avoir en cours, avec les processus
de deuil et toutes ces choses-là où on
sait, où on peut expliquer aux personnes.
Euh, la courbe que moi j'avais appris en
stage, toute bête hein en stage en
psychiatrie, donc qui n'avait strictement
rien à voir avec la réanimation ou les
soins palliatifs ou quoi que ce soit, à
expliquer le processus de deuil avec une
sorte de schéma, qui expliquait très bien
le schéma avec tous les processus et euh
en fait ça permet de l'avoir en tête ce
schéma et de pouvoir l'expliquer aux
gens. Leur dire, effectivement, vous
venez de perdre ou vous allez perdre une
personne, vous êtes ici (main vers le
bas), vous allez mettre du temps, ça va
être long, mais vous allez pouvoir...
Arrivé à un moment, vous allez
remonter (main vers le haut). Donc
effectivement, d'avoir la théorie en tête,
c'est une chose. Après, c'est comme tout
métier, enfin comme tout service on va
dire, comme toute situation, c'est par
l'expérience qu'on acquiert les
compétences et euh la première fois,
même si on a la théorie, on en prend
plein la tête et on ressort, on n'a pas le
moral on se dit « ça a été dur... ». La
deuxième fois, ben c'est déjà un peu
moins dur, on a d'autres mécanismes, on
a d'autres réflexes et puis au fur et à
mesure on arrive à... à savoir exactement
-ce que je disais- le juste milieu, savoir
où se positionner, qu'est-ce qu'il ne faut
pas que je fasse, qu'est-ce qu'il faut dire,
qu'est-ce qu'il ne faut pas dire, mais
voilà c'est... C'est comme ça.
13) Selon vous, quel serait un accompagnement de famille idéal ? Quels seraient les outils ?
Et ben dans les cas de décès
brutaux c'est sûr qu'une psy ce
serait idéal. Autant pour les
familles que pour nous après. Là,
dimanche dernier, on a eu le cas
d'un décès, j'ai un collègue qui l'a
très mal vécu donc je pense que
dans ces cas-là, il s'en était occupé
tout le week-end, c'était vraiment
très dur, donc là je pense que ce
serait utile vraiment. Et puis ben
les formations, enfin je pense
qu'on pourrait faire des formations
dans tout, voilà après je pense que
c'est tout.
Ben de toute façon,nous, je pense
pas que ce soit idéal mais ça se
passe quand même plutôt bien,
moi je vois avec du recul, les
premières années où je travaillais
c'est, déjà la distance avec les gens
était différente,souvent les
médecins parlaient aux familles,
on repassait derrière et les familles
nous disaient « j'ai rien compris
quoi » , et eux ils mettaient une
super distance. Alors que
maintenant, ils sont beaucoup plus
accessibles, ils emploient des mots
beaucoup plus simples, et souvent
nous on fait juste un petit
réajustement mais voilà je pense
qu'ils sont beaucoup plus proches.
Mais après, idéal je ne sais pas
parce qu'il n'y a rien d'idéal parce
que c'est toujours une situation qui
est difficile, je ne saurai pas dire
quoi parce que ça dépend des fois,
ça dépend des gens, ça se passe
pas toujours comme on voudrait et
puis des fois ça se passe bien.
Mais dans la globalité, je trouve
que c'est quand même pas trop
mal, franchement.
Je... je ne sais pas s'il y a quelque
chose d'idéal dans
l'accompagnement des familles. Je
pense qu'au niveau des familles, on
peut pas trop savoir. On le voit,
parce qu'il y a des familles, qui
souvent, qui nous remercient
donc... Là on le sait. En fait, c'est
difficile d'évaluer si on a fait un
accompagnement idéal parce que...
souvent ils partent, ils sont tristes,
ils sont dans la tristesse... C'est
difficile, si c'est nous qui... Enfin
ils sont dans cet état , je veux dire
que c'est difficile d'évaluer si on a
bien fait les choses. Y'a pas de
plaintes en disant « voilà... ». En
tout cas , nous dans le service, y'a
pas de plaintes. Nous,
l'accompagnement idéal, je pense
c'est de pas... euh de pas... de pas
faire de transferts et de
comparaisons... Tant qu'on arrive à
différencier le travail et puis.. la vie
extérieure. C'est difficile hein des
fois parce que des fois y'a des cas
difficiles et on ramène forcément
ça à la maison. Mais à un moment
donné, il faut savoir couper. Je
pense que ça c'est... déjà important.
Je pense que si on ramène ça à des
moments, et puis que ça nous
touche et qu'on arrive pas à évacuer
et ben je pense que le burn-out
arrive... C'est vrai que c'est
Un accompagnement de famille
idéal ? Je ne sais pas... Enfin, je
trouve qu'ici c'est pas « idéal »,«
idéal », mais la possibilité d'être là
au moment du décès, je ne sais pas
comment ça se passe ailleurs mais
ils ont la possibilité d'être là, les
visites sont libres, on limite pas le
nombre de personnes dans la
chambre euh... on leur propose des
collations. Voilà, après, ils sont
informés du déroulement pour la
suite, souvent on nous demande
hein « comment ça va se passer »
« est-ce qu'il faut les habiller »...
Nous on les habille pas ici, ils sont
habillés au dépôt mortuaire. On les
déséquipe, on enlève tout et après,
voilà. On a l'histoire des 2 h mais
parfois on dépasse, on a des gens
qui viennent de loin. Même si au
dépôt mortuaire, c'est des gens très
compétents, c'est mieux des fois
que les familles puissent les voir
dans la chambre. Voilà, alors après
idéal je ne sais pas, je ne sais pas
du tout.
Alors, est-ce qu'il y a un
accompagnement idéal ? Euh...
honnêtement, je pense qu'il n'y a
pas d'accompagnement idéal parce
que chaque accompagnement est
différent. On peut pas traiter une
personne, un accompagnement
d'une personne, de la même façon
dont on accompagne une autre
personne. Pour X ou Y soins, on
peut mettre en place des
protocoles, on sait qu'un soin c'est
comme ça, comme ça, comme ça,
l'accompagnement c'est l'humain,
il n'y a plus... c'est plus du soin
technique, dans le sens où j'ai fait
des gestes techniques, c'est de la
technicité, c'est de la, c'est un soin
technique mais qui est...
indescriptible, qui est abstrait.
Donc euh... L'accompagnement
idéal, on le sait à la fin si
effectivement on a un
remerciement de la famille, c'est
qu'on a été compétent et qu'on a
réussi l'accompagnement qu'on
voulait faire.
difficile, on est touchés un petit
peu, un petit peu partout. En fait,
c'est l'histoire de chacun. Y'avait
aussi un cas, c'était pas un accident
grave, c'était un monsieur qui était
atteint... d'un cancer en phase
terminale, qui devait pas être ici, en
fait. Et il a été transféré en
réanimation par erreur, en tout cas ,
il aurait du aller en soins palliatifs.
Et tous les soins palliatifs, en fait
ici, ben quand on a plusieurs
patients, la prise en charge était pas
adéquate pour lui. Il demandait
beaucoup beaucoup et la famille
demandait beaucoup. Et nous avec
la charge de travail ben on pouvait
pas subvenir à la demande de la
famille. Euh.... Donc pour nous,
c'était difficile y'a des choses qu'on
voulait plus les faire. Par contre,
y'a un médecin qui a beau... enfin
je sais pas s'il a fait un transfert
mais y'avait quelque chose qui le
dépassait et il arrivait pas à gérer, il
arrivait pas à gérer la situation. Il
voulait qu'on gère comme lui il
aurait souhaité peut-être, mais on
pouvait pas le faire, pas très bien.
Enfin, il y a eu une grosse tension
dans l'équipe. Et aussi une grosse
tension avec la famille. Donc après
les moyens, ce serait plus de temps,
mais des fois c'est pas toujours
faisable avec les autres patients,
quand on a le temps on a le temps
mais quand on a pas le temps...euh,
voilà.
Code couleur
:::: A
Accompagnement de la famille
:::::::::::
Attitude à adopter par l'infirmier
:::::::::::
Difficultés rencontrées par l'infirmier
:::::::::::
Compétences de l'infirmier
::::::::::::
Processus décisionnels
::::::::::::
Les moyens à disposition
Naomi Riou
IFSI J.LEPERCQ
L'accompagnement des familles en réanimation après un accident brutal
Résumé
Abstract
Après un accident brutal, la dynamique d'une
After a violent accident, family dynamics are
famille est gravement bouleversée.
severely turned upside down.
L'incompréhension du service de réanimation et Both the lack of understanding of the intensive
la peur de l'avenir peuvent être des causes d'un
care unit and the apprehension of future can be
mal-être. Pour éviter cela, les infirmiers peuvent causes of a discontent. In order to avoid such a
aider les proches à traverser cette épreuve.
situation, nurses can help patient’s relatives to
Mais sont-ils formés sur cette prise en charge
go through this hardship. But are they trained
plus relationnelle que technique ? Dans un
enough for this support that is more related to
service avec autant de soins et d'urgences
people than to technics? In a unit with as much
vitales, les infirmiers ont-ils des difficultés à
cares and vital emergencies, are the nurses
proposer une prise en charge adaptée ?
confronted with difficulties to offer an adapted
Comment les infirmiers doivent-ils accompagner support? How are they expected to nurse
les familles dans un service de réanimation ?
families in an intensive care unit? We will look
Nous allons rechercher s'il existe des moyens
for the possible ways available for nurses and
mis à disposition pour les infirmiers et pour les
patient’s relatives in the units.
proches dans les services.
After a comparison of searches and results of a
Après confrontation des recherches et les
survey conducted with intensive care nurses, we
résultats d'une enquête auprès d'infirmiers de
will try to produce some answers.
réanimation, nous tenterons d'apporter des
réponses.
Mots-clés : Réanimation, Accident brutal,
Key Words : Intensive care, Violent accident,
Accompagnement des familles, Compétences de Patient’s family support, Intensive care nurse
l'infirmière en réanimation
skills.