2014_06_12_cass_soc_no12

Transcription

2014_06_12_cass_soc_no12
Le : 23/06/2014
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du 12 juin 2014
N° de pourvoi: 12-29751
ECLI:FR:CCASS:2014:SO01172
Publié au bulletin
Cassation
M. Lacabarats (président), président
SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l’article 25 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976
;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que Mme X... a été engagée
selon contrat de professionnalisation du 16 janvier 2008 par la société Africa Publishing
Company en qualité de journaliste stagiaire ; que cette société a été placée en liquidation
judiciaire, la société Brouard-Daudé étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire ;
que, licenciée pour motif économique le 19 juin 2009, la salariée a saisi la juridiction
prud’homale de demandes en paiement du treizième mois et de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, le jugement énonce que la salariée, embauchée
en contrat de professionnalisation, ne possédait pas le diplôme de journaliste et avait
moins de deux années d’ancienneté à la date de la rupture du contrat de travail ; que la
prime de treizième mois prévue par l’article 25 de la convention collective nationale des
journalistes étant réservée aux journalistes professionnels, la salariée ne peut en
bénéficier ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne résulte d’aucune disposition de la convention collective
que le treizième mois prévu par son article 25 est réservé aux journalistes professionnels
titulaires, le conseil de prud’hommes a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 décembre
2011, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Paris ; remet, en conséquence,
la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être
fait droit, les renvoie devant le conseil de prud’hommes de Versailles ;
Condamne la société Brouard-Daudé, ès qualités, aux dépens ;
Vu l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Brouard-Daudé, ès qualités,
à payer à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt
sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président
en son audience publique du douze juin deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme
X...
Il est fait grief au jugement attaqué d’AVOIR débouté Mme X... de ses demandes de
rappel de salaire au titre du treizième mois et de dommages-intérêts,
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail prévoit en matière de contrat de
professionnalisation : - article L. 6325-6 : « le titulaire d’un contrat de professionnalisation
bénéfice de l’ensemble des dispositions applicables aux autres salariés de l’entreprise
dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les exigences de la formation » ; article L. 6325-8 : « sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables, le
salarié âgé de moins de vingt-six ans et titulaire d’un contrat de professionnalisation
perçoit pendant la durée du contrat à durée déterminée ou de l’action de
professionnalisation du contrat à durée indéterminée une rémunération calculée en
fonction du salaire minimum de croissance » ; que le montant de cette rémunération peut
varier en fonction de l’âge du bénéficiaire et du niveau de sa formation ; qu’un décret
détermine ce montant et les conditions de déduction des avantages en nature ; que la
convention collective prévoit : - article 25 : « à la fin du mois de décembre, tout journaliste
professionnel percevra à titre de salaire en une seule fois, sauf accord particulier, une
somme égale au salaire du mois de décembre » ; que pour les collaborateurs employés à
titre occasionnel ou ayant un salaire mensuel variable, le montant de ce treizième mois
correspondra au douzième des salaires perçus au cours de l’année civile ; qu’il sera versé
dans le courant du mois de janvier de l’année suivante ; qu’en cas de licenciement ou de
démission en cours d’année, il sera versé au titre de ce salaire, dit « mois double » ou «
treizième mois », un nombre de douzième égal au nombre de mois passés dans
l’entreprise depuis le 1er janvier et basé sur le dernier salaire reçu ; que les journalistes
professionnels engagés en cours d’année recevront fin décembre un nombre de
douzièmes égal au nombre de mois passés dans l’entreprise ; que dans tous les cas ces
douzièmes ne seront dus qu’après trois mois de présence ; que pour les collaborateurs
salariés employés à titre occasionnel, les douzièmes ne seront dus qu’à ceux qui auront
collaboré à trois reprises différentes ou dont le salaire aura atteint au cours de l’année
civile au moins trois fois le montant minimum fixé par les barèmes de la forme de presse
considérée ; que toute fraction de mois égale ou supérieure à 15 jours est comptée pour
un mois ; que si le journaliste entre dans une entreprise le 1er novembre d’une année
civile, il recevra 2/12ème le 1er février suivant ; s’il entre le 1er décembre, 1/12ème le 1er
mars suivant ; - article 10 : « les parties contractantes affirment tout l’intérêt qu’elles
portent à la formation professionnelle des journalistes. Elles souhaitent que les débutants
aient reçu un enseignement général et technique aussi complet que possible. A cet effet,
elles s’engagent à apporter leur concours au Centre de formation des journalistes, 33 rue
du Louvre, à Paris, à l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, ainsi qu’à tous les
organismes ayant le même but » ; qu’elles sont d’accord pour réduire à une année la
durée effective du stage de ceux qui auraient passé 2 ans au moins dans un des centres
énumérés ci-dessus, ou dans ceux agréés par la profession et qui feront l’objet d’une
annexe à la présente convention ; que cette formation professionnelle doit être confirmée
par le diplôme de fin d’études ; que pour être agréés par les parties à Paris et en province,
ces organismes devront être paritairement contrôlés, apporter les garanties nécessaires
en ce qui concerne les méthodes pédagogiques et associer la profession (employeurs et
journalistes professionnels) au corps enseignant ; que les statuts de ces centres
professionnels devront être déposés et agréés par le ministre de l’éducation nationale ;
qu’une annexe à la convention (1) déterminera les conditions de formation professionnelle
et de qualification des assimilés ; - article 13 : « sauf cas prévu à l’article 10, la
titularisation comme journaliste professionnel est acquise à l’expiration d’un stage effectif
de 2 ans. Deux mois avant l’échéance de cette période, si le journaliste est resté dans la
même entreprise, il pourra effectuer un stage de 1 mois maximum dans les différents
services rédactionnels. Les stagiaires qui ne sont pas diplômés des écoles
professionnelles prévues à l’article 10 pourront bénéficier du droit à la formation
permanente, dans le cadre de la loi, au terme de la première année de présence dans
l’entreprise, et notamment avoir la possibilité d’une formation dispensée par des
organismes agréés qui signeront avec l’entreprise des contrats en fonction de la formation
initiale du journaliste et de l’emploi proposé par l’employeur ; cette période éventuelle de
formation est incluse dans la durée du stage de journaliste » ; que le nombre de stagiaires
ne peut dépasser 15% de l’effectif total de la rédaction ; que Mlle Virginie X... embauchée
en contrat de professionnalisation, ne possédait pas le diplôme de journaliste et avait
moins de deux années d’ancienneté à la date de fin de contrat en mai 2009 ; qu’aussi ne
peuvent pas s’appliquer l’article 25 de la convention collective réservé aux journalistes
professionnels ; qu’aucun texte dans la convention n’est prévu relatif au salaire dû aux
stagiaires en contrat de professionnalisation ; que Mme X... ayant moins de vingt six ans à
la date de fin de contrat en mai 2009, le code du travail selon l’article L. 6325-8 relatif à la
rémunération des stagiaires ne prévoit pas de paiement de treizième mois ; qu’aussi le
Conseil juge que le treizième mois n’était pas dû à Mme X... et la déboute de ses
demandes afférentes ;
1°) ALORS QU’il ne résulte d’aucune disposition de la convention collective nationale des
journalistes que le versement d’un treizième mois prévu par son article 25 est réservé aux
seuls journalistes professionnels titulaires ; que les journalistes stagiaires ne peuvent donc
être exclus du bénéfice de cet avantage dès lors qu’ils ont pour occupation principale et
régulière une activité journalistique et qu’ils en tirent l’essentiel de leurs ressources ; qu’en
l’espèce, le conseil de prud’hommes, pour débouter Mme X... de sa demande de rappel
de treizième mois, a jugé que l’article 25 de la convention collective réservait le paiement
d’un treizième mois aux journalistes professionnels de sorte que les journalistes stagiaires
ne pouvaient en bénéficier ; qu’en subordonnant ainsi la qualification de journaliste
professionnel, et donc le droit au versement d’un treizième mois, à la titularisation acquise
à l’expiration d’un stage effectif de deux ans, quand le journaliste professionnel est celui
qui a une activité journalistique pour occupation principale et régulière et qui en tire
l’essentiel de ses ressources même s’il n’est pas encore titularisé, le conseil de
prud’hommes, qui a ajouté une condition à la loi, a violé les articles 1 et 25 de la
convention collective des journalistes et l’article L. 7111-3 du code du travail ;
2°) ALORS QUE le titulaire d’un contrat de professionnalisation bénéfice de l’ensemble
des dispositions applicables aux autres salariés de l’entreprise dans la mesure où elles ne
sont pas incompatibles avec les exigences de la formation ; qu’en l’espèce, le conseil de
prud’hommes, pour débouter Mme X... de sa demande de rappel de treizième mois, a
relevé que n’était prévu dans la convention collective nationale des journalistes aucun
texte relatif au salaire dû aux stagiaires en contrat de professionnalisation ; qu’en statuant
ainsi, quand les salariés sous contrat de professionnalisation ont droit à tous les
avantages prévus pour les autres salariés, à moins que les partenaires sociaux aient
expressément prévu qu’ils ne pouvaient pas bénéficier de l’avantage litigieux ou que cet
avantage soit incompatible avec les exigences de la formation, le conseil de prud’hommes
a violé l’article L. 6325-6 du code du travail ;
3°) ALORS subsidiairement QUE l’article 25 de la convention collective nationale des
journalistes prévoit le versement d’un treizième mois pour les journalistes professionnels
mais aussi pour les collaborateurs salariés employés à titre occasionnel, en précisant que
pour ces derniers le montant de ce treizième mois correspondra au douzième des salaires
perçus au cours de l’année civile ; qu’en jugeant que Mme X... ne pouvait pas prétendre
au versement d’un treizième mois parce qu’elle n’était pas journaliste professionnelle,
sans rechercher si elle n’était cependant pas une collaboratrice salariée employée à titre
occasionnel au sens du texte précité, le conseil de prud’hommes a privé sa décision de
base légale au regard de l’article 25 de la convention collective des journalistes.
Publication :
Décision attaquée : Conseil de prud’hommes de Paris , du 7 décembre 2011