Partie 3 : la procédure prud`homale - CFE
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Partie 3 : la procédure prud`homale - CFE
Partie 3 : la procédure prud'homale Guide CFE-CGC de la prud’homie Cette partie, sur la procédure prud’homale, n’a pas vocation à l’exhaustivité tant celle-ci est riche et complexe, mais à dresser un panorama des grands principes de la procédure devant le conseil des prud’hommes et par la même occasion, tenter de vous apporter quelques éclairages de conseillers prud’homaux aguerris qui officient depuis plusieurs années. A.Les grands principes procéduraux applicables devant le conseil de prud’hommes Certaines exceptions à ce principe sont fixées par le Code de procédure civile : le juge peut décider que les débats auront lieu ou se poursuivront en chambre du conseil s’il doit résulter de leur publicité une atteinte à l’intimité de la vie privée, ou si toutes les parties le demandent, ou s’il survient des désordres de nature à troubler la sérénité de la justice230. L’audience de conciliation se fait quant à elle à huis-clos. 1.Les principes d'oralité et de publicité Le prononcé des décisions contentieuses s’effectue en audience publique231.sous réserve de dispositions particulières à certaines matières. Une des spécificités de la procédure devant le conseil des prud’hommes est que celle-ci est orale227. 2.Le principe du contradictoire Les parties doivent donc développer leurs prétentions, à l’oral, pendant l’audience. Les conclusions d’une partie ne peuvent pas être retenues, si elle est absente. Par conséquent, les plaidoiries sont obligatoires, même si cela conduit à répéter les conclusions écrites. Les débats devant le bureau de jugement et la formation de référé des conseils de prud’hommes sont publics228. Il s’agit d’un principe général du droit et sa violation entraîne la nullité qui devra toutefois être invoquée avant la clôture des débats, la nullité, dans ce cas ne pouvant pas être relevée d’office229. Tous 227 Article R. 1453-3 du Code du travail 228 Article 433 du Code de procédure civile 229 Article 446 du Code de procédure civile 72 ceux qui le souhaitent peuvent assister aux débats, dès lors qu’ils respectent la police de l’audience (p 94). De manière générale, les conseillers prud’homaux sont tenus de faire respecter le principe du contradictoire afin de garantir la régularité du procès. Dès lors, le conseiller doit obéir à certaines règles : • il ne peut juger sans avoir entendu, à tout le moins appelé, les parties au litige ; • il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués et produits par les parties que si ces dernières ont pu en débattre contradictoirement. Si le conseil des prud’hommes prend 230 Article 435 du Code de procédure civile 231 Article 451 du Code de procédure civile une décision sur une demande dont la partie adverse n’a pas eu connaissance, ce jugement est nul ; • il ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d’office sans avoir invité les parties à présenter leurs observations ; • il doit s’assurer que les parties se sont fait connaître mutuellement, en temps utile, les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de fait qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent232. Toutes les pièces versées au débat, y compris celles qui sont censées être déjà en possession de l’adversaire, comme les bulletins de paie, doivent être communiquées. Les pièces rédigées en langue étrangère doivent être accompagnées de leur traduction en français. • il doit écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile233. Le bureau de conciliation peut fixer ce délai de communication des pièces entre les parties. Il est préférable d’envoyer ces documents par lettre recommandée avec accusé réception234. La procédure prud’homale étant orale, les documents produits au débat sont présumés avoir été débattus contradictoirement, jusqu’à preuve contraire235. 232 233 234 235 Article 15 du Code de procédure civile Article 135 du Code de procédure civile Article R. 1454-18 du Code du travail Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 12 mars 1999, n° 95-42.101 Bien qu’il n’y ait pas d’obligation légale de communiquer la convention collective applicable*, il est vivement recommandé de demander à tout le moins les extraits de convention collective visée dans les moyens des parties. En effet, une fois le délibéré commencé, les conseillers prud’hommes ne peuvent pas sortir pour aller chercher les éléments conventionnels dont ils ont besoin pour statuer sur l’affaire. La Cour de cassation a de plus estimé que « si le juge n’est pas tenu de rechercher s’il existe un accord d’entreprise applicable au contrat de travail qui lui est soumis, il doit, lorsqu’une partie invoque un accord d’entreprise précis se procurer par tous moyens ce texte qui contient la règle de droit éventuellement applicable au litige, au besoin en invitant les parties à lui en faire parvenir un exemplaire »** --------------------------------------------------------------------* Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 5 octobre 1993, n° 89-41.644 ** Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 3 mai 2007, n° 05-43.863 73 Guide CFE-CGC de la prud’homie Il est important de préciser que comme corollaire à ce principe d’oralité, l’immunité est accordée aux discours prononcés et aux écrits produits devant les tribunaux236, dès lors qu’ils ne dépassent pas les limites d’une défense légitime237. 3.Le principe de gratuité a) La gratuité des actes judiciaires Les frais de procédure devant le conseil de prud'hommes, comme devant les autres juridictions, étaient jusqu'en octobre 2011 gratuits. Désormais, depuis le décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 qui fixe les modalités de mise en œuvre du « droit au timbre » prévu par l’article 54 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, le justiciable qui désire intenter une action devant le conseil de prud’hommes devra s’acquitter d’une contribution de 35 euros. Le texte rappelle que son paiement est une condition de recevabilité de la demande. 236 Article 41 de la loi du 29 juillet 1881 237 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 15 novembre 1990, n° 87-45.862 74 Pour la CFE-CGC, cette taxe de 35 euros entrave l’accès au juge et est source d’inéquité en pesant uniformément sur l’ensemble des justiciables, sans tenir compte ni de la nature des droits qu’ils cherchent à faire valoir ni de la situation des citoyens « moins égaux que les autres » lorsqu’ils sont placés en situation d’infériorité objective dans certains contentieux. C'est une taxe injuste pour le justiciable qui doit se défendre dans sa vie professionnelle : • Est-il équitable que les salariés, demandeurs dans 99 % des contentieux devant les conseils de prud’hommes, soient désormais contraints d’acquitter une taxe dissuasive dont les employeurs, pour leur part, n’auront pas à faire l’avance ? • Est-il admissible que le projet de décret fasse du juge le collecteur de l’impôt en confiant à lui seul le soin de soulever d’office cette irrecevabilité, condamnant définitivement le salarié à renoncer à tous ses droits, quels qu’ils soient ? • Est-il sensé d’exiger le règlement de ces 35 euros dans les procédures de référé, pour des demandes de communication de bulletins de paye ou de documents de fin de contrat ? Guide CFE-CGC de la prud’homie N’est-il pas anti-démocratique de faire payer aux électeurs 35 euros le droit de contester les résultats d’une élection professionnelle devant le tribunal d’instance ? Cette taxe se cumulera avec une autre taxe de 150 euros qui devra être payée devant les cours d’appel dans le cadre des contentieux soumis à la représentation obligatoire pour financer, cette fois, la suppression de la profession d’avoué et son indemnisation : là encore les pouvoirs publics n’entendent pas assumer les réformes du monde judiciaire et se déchargent de leur financement sur les justiciables. La CFE-CGC a donc saisi les parlementaires pour que des amendements soient déposés en vue de l’annulation de ce décret. Notre action syndicale commence à porter ses fruits. En effet, la commission des finances du Sénat, réunie le 16 novembre 2011, a examiné les crédits de la mission « justice » et a adopté à cette occasion un amendement de suppression de la contribution pour l’aide juridique qui a été instauré par l’article 54 de la loi n°2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificatives pour 2011. Nous vous tiendrons bien évidemment informés des suites de notre action via notamment notre site Internet En revanche, aucun frais d'enregistrement et de timbre n'a à être payé par le justiciable pour les actes de procédure, les jugements et les actes nécessaires à leur exécution238. Par ailleurs, une copie certifiée conforme, un extrait ou un certificat, ainsi que, si besoin est, une copie certifiée conforme, revêtue de la formule exécutoire, surnommée « grosse», sont délivrés gratuitement à chacune des parties concernées pour toute décision rendue et pour tout acte établi par le secrétariat-greffe. b) Les frais sont, en principe, à la charge des parties Si les fonctions de conseiller prud'homme sont gratuites vis-à-vis des parties239, certains frais peuvent rester néanmoins à la charge de celles-ci tels que : • les honoraires d’avocats ; • les frais d’huissier de justice240 ; • les frais d’expert241 ; • les indemnités témoins242; versées aux • les amendes civiles pour abus de procédure et dommages et intérêts éventuels243. 238 Articles 1089 A et 1089 B du Code général des impôts 239 Article L. 1442-8 du Code du travail 240 Article R. 1423-53 du Code du travail 241 Articles 724 et 725 du Code de procédure civile 242 Article R. 1423-54 du Code du travail 243 Articles 32-1, 559 et 581 du Code de procédure civile 75 Guide CFE-CGC de la prud’homie c) Les dépens 244 Les frais d’huissier, d’experts et les indemnités des témoins, constituant les dépens, peuvent être payés par la partie adverse, dès lors que la partie gagnante le demande, sauf si le juge met la totalité ou une fraction des dépens à la charge de la partie ayant obtenu gain de cause245. De plus, le Code de procédure civile246 prévoit que dans toutes les instances, le juge peut condamner la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il s’agit notamment des frais d’avocat engagés du fait de la procédure. Dans ce cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, si la situation économique le légitime, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. La personne condamnée, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pourra notamment être amenée à payer les honoraires d’avocats de la partie adverse. d) L’aide juridique La loi du 18 décembre 1998 a réformé le dispositif d’aide juridique mis en place par la loi du 10 juillet 1991 afin 244 Article 700 du Code de procédure civile 245 Articles 695 et 696 du Code de procédure civile 246 Article 700 du Code de procédure civile 76 de favoriser la résolution amiable des litiges. Elle comprend : • une aide « à l’accès au droit » qui permet de bénéficier de consultations juridiques ou d’assistance en dehors de tout procès. Les modalités de mise en œuvre de cette aide sont déterminées dans chaque département par un conseil départemental de l’aide247 ; • l’aide juridictionnelle, qui s’est substituée à l’aide judiciaire créée par une loi de 1972, permet aux personnes dont les ressources sont inférieures à certains plafonds légaux, de faire valoir leurs droits en justice en étant partiellement ou totalement exonérées des frais de justice, à savoir des frais de procédure et des honoraires ou émoluments des différentes personnes intervenant en cours d’instance. On notera que le décret du 15 mars 2011 et la circulaire du 11 avril 2011248 ont également réformé l’aide juridictionnelle en supprimant de la prise en charge par l’État les droits de plaidoirie pour les missions d’aide juridictionnelle, et sont donc désormais à la charge des justiciables (cette taxe s’élevait en 2011 à 8,84 euros). 247 Circulaire du 12 mars 1992, publié au JO du 8 avril 1992 248 Circulaire du 11 avril 2011 relative à la présentation des dispositions de la loi de finances pour 2011 et du décret du 15 mars 2011 relatives à l’aide juridictionnelle Guide CFE-CGC de la prud’homie Qui peut bénéficier de l’aide juridictionnelle ? • Les demandeurs ou défendeurs, personnes physiques : -- de nationalité française ; -- ressortissant d’un État-membre de l’Union européenne ; -- non-ressortissants de l’Union européenne, dès lors qu’ils résident habituellement et régulièrement en France ; -- étrangers bénéficiant d’une convention internationale sur l’aide juridictionnelle ; -- de nationalité étrangère, sans condition de résidence, lorsqu’ils sont mineurs, témoins assistés, inculpés, prévenus, accusés, condamnés ou parties civiles ainsi qu’aux personnes faisant l’objet de l’une des procédures prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. • Les demandeurs ou défendeurs personnes morales à but non lucratif ayant leur siège en France. Quelles sont les conditions pour bénéficier de cette aide ? Des conditions liées aux ressources L’aide juridictionnelle est accordée sous condition de ressources. Cette aide peut être accordée pour toutes les actions intentées devant toute juridiction qu’elles aient pour but d’attaquer ou de défendre ou encore de faire exécuter un jugement déjà rendu. Le bénéfice de l’aide juridictionnelle est soumis à une condition de ressources, qui déterminera si l’aide est totale ou partielle. Pour calculer les ressources du demandeur de l’aide juridictionnelle, une moyenne des ressources mensuelles de la dernière année civile est effectuée, afin de déterminer si ce montant dépasse ou non les plafonds légaux. Dans ces ressources sont compris les revenus du travail, les loyers, rentes, retraites et pensions alimentaires du demandeur ainsi que celles du conjoint et des personnes vivant habituellement à son foyer Afin d’apprécier les ressources du prétendant à l’aide juridictionnelle, les ressources du conjoint, du concubin ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ainsi que celles des autres personnes vivant habituellement au foyer du demandeur sont prises en compte. Pour une personne seule, en 2011, les revenus mensuels 2010 devaient être inférieurs ou égaux à 929 euros. Par contre, cette aide juridictionnelle est partielle pour des revenus mensuels 2010 compris entre 930 et 1 393 euros. À noter que ces plafonds de ressources sont majorés en fonction du nombre de personnes à charge (167 euros pour chacune des 2 premières personnes à 77 Guide CFE-CGC de la prud’homie charge et 106 euros pour la troisième personne à charge et les suivantes). Les prestations familiales, l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de logement sociale (ALS) et certaines prestations sociales ne sont pas prises en considération pour ce calcul. Néanmoins, par exception, il arrive que le bureau d’aide juridictionnelle, accorde l’aide judiciaire à des requérants dont les ressources dépassent les plafonds mentionnés ci-dessus lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès. Des conditions liées à l’action en justice intentée Le bureau d’aide juridictionnelle est compétent pour se prononcer sur les demandes présentées devant les juridictions du premier et second degré. En revanche, les demandes concernant un procès engagé devant la Cour de cassation ou le Conseil d’État sont instruites par les bureaux d’aide juridictionnelle spécifiques à ces instances. Le requérant à l’aide juridictionnelle doit joindre à sa requête les pièces justifiant de ses ressources. Le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle a le droit de choisir son avocat. Cependant, si l’avocat refuse ou que le demandeur n’a pas fait de choix, la désignation est faite par le bâtonnier. Pour bénéficier de l’aide juridictionnelle, il ne faut pas que l’action en justice soit irrecevable ou dénuée de fondement. B.Comment se déroule l’action en justice devant le conseil de prud’homme ? Elle peut être refusée devant la Cour de cassation si le demandeur ne se prévaut d’aucun moyen de cassation sérieux. 1.Les parties au litige À qui s’adresser pour obtenir l’aide juridictionnelle ? La demande d’aide juridictionnelle est instruite par le bureau d’aide juridictionnelle établi au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situe le domicile du demandeur de l’aide. Sa décision peut faire l’objet d’un recours. Il est important de noter que cette demande d’aide juridictionnelle peut être introduite à tout stade de la procédure. L’action est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention249. Qui sont les auteurs de ces actions devant le conseil des prud’hommes ? a) Les personnes physiques Les salariés et les employeurs Les litiges traités par le conseil de prud’hommes concernent des salariés 249 Article 30 du Code de procédure civile 78 Guide CFE-CGC de la prud’homie et des employeurs ou les représentants de ces derniers. Les litiges peuvent aussi être nés entre salariés250. Que se passe-t-il en cas de décès d’une des parties ? En cas de décès de l’employeur, son héritier peut être convoqué devant le conseil de prud’hommes et devoir assumer les obligations nées du contrat de travail antérieurement au décès251 (S’agissant en l’espèce du droit à l’indemnité compensatrice de préavis restant due par son légataire universel au salarié après le décès de l’employeur). En cas de décès du salarié, ses ayantsdroits peuvent agir en justice et devenir créanciers de l’employeur. b) Les personnes morales L’entreprise Lorsque l’entreprise est une personne morale, l’employeur est son représentant légal. Il s’agit par exemple du gérant de la SARL (Société à Responsabilité Limitée). Le représentant légal d’une SA (Société Anonyme) est son PDG (Président Directeur Général), voire son directeur général ou son président du conseil d’administration252. Dans tous les cas, les statuts d’une société peuvent prévoir quels membres 250 Articles L. 1411-1 et L. 1411-3 du Code du travail 251 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 février 1982, n° 80-40.044 252 Arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 18 novembre 1994, n° 90-44.754 de la direction sont habilités à agir en justice au nom de l’entreprise253. Les organisations syndicales En principe, les syndicats professionnels ne sont pas autorisés à agir en défense de leurs intérêts devant le conseil de prud’hommes. En revanche, ils peuvent intervenir à un procès dans lequel des salariés sont engagés, dès lors qu’il a été porté atteinte à l’intérêt collectif de la profession (cf. infra inapplication d’une convention ou d’un accord collectif)254. De plus, si le salarié ne s’y oppose pas, une organisation syndicale représentative peut agir en justice en ses lieux et place, sans avoir à justifier d’un mandat, dès lors que certains sujets sont concernés255. Ainsi, les organisations syndicales représentatives peuvent saisir le conseil de prud’hommes : • contre un employeur qui a procédé à un licenciement pour motif économique256 ; 253 Articles L. 1411-1 et R. 1453-2 du Code du travail 254 Article L. 2132-3 du Code du travail 255 Notamment le travail à domicile (article R. 7423-2 du Code du travail), le travail temporaire (articles L. 1247-1, L. 1251-59, L. 82331 et L. 8242-1 du Code du travail), travailleurs étrangers en situation irrégulière (article L. 8255-1 du Code du travail), discrimination (article L. 1134-2 du Code du travail), le harcèlement moral et sexuel dans les relations de travail (article L. 1154-2 du Code du travail). 256 Article L. 1235-8 du Code du travail 79 Guide CFE-CGC de la prud’homie • pour demander la requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée257 ; • pour contester une inégalité professionnelle entre les hommes et les femmes258 ; • pour contester l’inapplication d’une convention ou d’un accord collectif, même non étendu259 ; • en raison de la violation de dispositions légales ou conventionnelles260 ; • en se prévalant d’un préjudice contre l’intérêt collectif de la profession ; • en cas de prêt de main-d’œuvre illicite261. Les délégués du personnel Les délégués du personnel peuvent saisir directement le bureau de jugement dans certaines hypothèses mais selon une procédure particulière. Tout d’abord, le délégué du personnel doit constater, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché. Il doit, dès lors, en saisir immédiatement l’employeur. 257 Article L. 1247-1 du Code du travail 258 Article L. 1144-2 du Code du travail 259 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 16 janvier 2008, n°07-10.095 260 Articles L. 2262-9, L. 2262-10, L. 2262-11 du Code du travail 261 Article L. 8233-1 du Code du travail 80 Cette atteinte peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement. L’employeur doit alors procéder sans délai à une enquête avec le délégué du personnel et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation. En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le délégué du personnel si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la forme des référés. Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte civile qui sera liquidée au profit du Trésor262. Les autres personnes morales Dès lors qu’un organisme, par exemple l’Association pour la gestion du régime d’assurance des créances des salariés (AGS), se substitue régulièrement aux obligations légales de l’employeur, il peut être mis en cause aux côtés de ce dernier, en cas de litige entre l’employeur et les salariés qu’il emploie. 262 Article L. 2313-2 du Code du travail Guide CFE-CGC de la prud’homie 2.La saisine du prud’hommes conseil de de la séance de conciliation verbalement lors de la présentation de la demande ou par lettre266. Le conseil de prud’hommes est saisi soit par une demande, soit par la présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation263. À la suite de cette saisine, le greffe convoque le défendeur devant le bureau de conciliation par lettre recommandée avec accusé de réception267. La demande peut être déposée au greffe du conseil de prud’hommes ou lui être adressée par lettre recommandée. 3.La demande en justice La demande précise : • l’identité du demandeur et du défendeur ; • tous les chefs de demande ; • pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ; • pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ; • l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ; • l’objet de la demande ; • la date ; • la signature du demandeur264. Un récépissé est délivré ou envoyé immédiatement au demandeur265. Le greffe l’informe des lieu, jour et heure 263 Article R. 1452-1 du Code du travail 264 Article 58 du Code de procédure civile 265 Article R. 1452-2 du Code du travail a) La demande initiale La demande initiale introduit l’instance268. C’est par cette demande que le plaideur prend l’initiative d’un procès en soumettant au juge ses prétentions. La jurisprudence est venue apporter une condition supplémentaire : elle doit être suffisamment précise269. En effet, la Cour a été amenée à juger dans cette affaire que l’énoncé, dans la saisine d’un conseil de prud’hommes, des termes : « litige entre licenciement et démission », ne constituait pas une prétention et que, dès lors, l’action intentée devant le conseil de prud’hommes était irrecevable. b) La demande reconventionnelle et les demandes incidentes La demande reconventionnelle fait partie des demandes dites « incidentes » prévues par l’article 63 et suivants du Code de procédure civile. Il existe également la demande additionnelle et l’intervention. 266 267 268 269 Article R. 1452-3 du Code du travail Article R. 1452-4 du Code du travail Article 53 du Code de procédure civile Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 juillet 1996, n°93-40.392 81 Guide CFE-CGC de la prud’homie La demande reconventionnelle est selon les dispositions du code, celle par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire270. C’est-à-dire que le défendeur à l’instance se porte lui-même demandeur contre le requérant. La demande additionnelle est celle par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures. Enfin, l’intervention est constituée par une demande dont l’objet est d’introduire un tiers au procès engagé par les deux parties en présence. Cette intervention peut être volontaire si elle émane du tiers désirant intervenir, ou forcée, lorsque le tiers est mis en cause par une partie. c) La modification des demandes Les demandes devant le conseil de prud’hommes et la Cour d’appel peuvent être modifiées, à tout moment, dès lors que le principe du contradictoire est respecté271. Dans cette hypothèse, il n’est pas nécessaire de passer à nouveau devant le bureau de conciliation272. De plus, le demandeur ou le défendeur peuvent ajouter de nouvelles demandes, appelées demandes additionnelles. Les parties doivent reprendre dans leurs nouvelles conclusions toutes les demandes 270 Article 64 du Code de procédure civile 271 Article R. 1452-7 du Code du travail 272 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 17 décembre 1992, n° 89-41.346 82 sur lesquelles elles veulent se fonder, sinon elles sont présumées y avoir renoncé273. d) L’influence de la demande sur la décision du conseil de prud’hommes Le conseil de prud’hommes est lié par la demande : en effet, les conseillers prud’hommes ne peuvent pas statuer ultra petita, c’est-à-dire décider de donner plus que ce qui est demandé, et doivent examiner tous les chefs de la demande274, sans les modifier275. Les conseillers prud’hommes ne peuvent donc pas condamner une partie, contre laquelle aucun reproche n’a été fait dans la demande. e) En pratique Dans 95 % des litiges, le salarié est demandeur (dans plus de huit cas sur dix à l’issue de la rupture du contrat de travail). 50% des affaires concernent la rupture du contrat de travail et 40% le règlement des salaires. Souvent, afin de hiérarchiser les chefs de demande, la présentation de la demande d’une partie est formulée de la manière suivante : À titre principal ; À titre subsidiaire ; À titre plus subsidiaire ; À titre plus subsidiaire encore ; À titre infiniment plus subsidiaire. 273 Arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 17 octobre 2007, n° 06-15.565 274 Article 4 du Code de procédure civile et l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 17 mars 1996, n° 93-42.660 275 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 23 février 2005, n° 02-42.552 Guide CFE-CGC de la prud’homie 4.Les conditions d’exercice de l’action a) La capacité d’agir en justice Seules les personnes majeures peuvent librement ester en justice. Le mineur Le mineur est normalement incapable d’agir en justice, sauf s’il a été émancipé. Cependant, les mineurs qui ne peuvent être assistés de leur père, mère ou tuteur peuvent être autorisés par le conseil de prud’hommes à agir devant lui276. Le majeur incapable La liberté d’agir en justice d’une personne majeure peut être limitée lorsque l’état de santé ou l’altération de ses facultés mentales nécessite une protection spécifique. Trois mesures peuvent être mises en place par le juge des tutelles : Il existe trois régimes principaux destinés à assurer la protection des majeurs : • La sauvegarde de justice, instituée à titre provisoire préalablement à l’organisation d’un régime de protection durable ou mise en œuvre pour le majeur atteint d’une altération provisoire de ses facultés personnelles ; • La tutelle, pour le majeur qui doit être représenté de façon continue dans la plupart des actes de la vie civile ; 276 Article L. 1453-1 du Code du travail • La curatelle, pour le majeur qui a seulement besoin d’être assisté et contrôlé dans les actes les plus importants de la vie civile. Pour des informations plus précises sur les différents actes que peuvent notamment accomplir les majeurs incapables sous curatelle et sous tutelle, il convient de se reporter au décret du 22 décembre 2008277 qui précise en annexe les actes qui nécessitent l’aide du curateur, ceux que le tuteur peut faire seul, et ceux qui nécessitent l’autorisation du juge des tutelles. Les dispositions communes aux incapables Les incapables (mineurs non émancipés ou majeurs incapables) ne peuvent pas agir en justice mais bénéficient de la capacité de jouissance des droits. Seuls les représentants des incapables peuvent agir en justice. Les autres hypothèses d’interdiction d’agir en justice Certaines peines s’accompagnent de l’interdiction d’agir en justice. Par ailleurs, l’employeur soumis à une liquidation judiciaire perd le droit d’agir en justice, cette capacité étant dévolue au liquidateur judiciaire. 277 Décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil 83 Guide CFE-CGC de la prud’homie Les conséquences de l’incapacité sur la validité de la demande en justice La validité de la demande en justice est remise en cause lorsque la personne qui agit n'a pas la capacité de le faire ou est atteinte d’une incapacité d'exercice, ou lorsque le représentant d'une partie, qui a agit en son nom, n'avait pas le pouvoir de le faire278. b) La qualité pour agir L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention. Le législateur a prévu des cas spécifiques en attribuant le droit d’agir à certaines personnes pouvant élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé279. La qualité permet d'exiger du juge qu'il statue sur le litige. Elle appartient uniquement à celui qui a un droit. Toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir est irrecevable280. c) L'intérêt à agir Un ancien adage disait « pas d'intérêt, pas d'action ». Cet intérêt qui peut être pécuniaire, matériel (par exemple, délivrance d'un document) ou moral doit être, selon l'article 31 du Code de procédure civile, légitime. La jurisprudence est venue apporter des précisions com278 Article 117 du Code de procédure civile 279 Article 31 du Code de procédure civile 280 Article 32 du Code de procédure civile 84 plémentaires en précisant que cet intérêt devait également être personnel, concret, né et actuel. Concernant le caractère d’actualité de l’intérêt à agir, la jurisprudence a par exemple considéré que celui qui n’exerce plus son activité professionnelle et a cédé son cabinet est sans intérêt à demander la fermeture du cabinet qu’a ensuite ouvert un ancien salarié au mépris d’une clause de non concurrence. La saisine du juge est justifiée par une violation d’une disposition du Code du travail, de la convention collective ou du contrat de travail. Elle ne doit pas être contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs, et nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude (« nemo auditur propriam turpitudinem allegans »). Cela signifie que nul ne peut réclamer justice si le dommage qu’il subit est le produit de ses actions menées illicitement ou illégalement. La violation du droit doit être réellement intervenue et ledit droit ne doit pas être éventuel. Cependant, la formation de référé du conseil de prud'hommes peut agir pour prévenir un trouble imminent281. L’action en justice est, en général, facultative et libre. Cela signifie que celui qui a un droit n'est pas obligé de s'en prévaloir en justice et que le fait d'agir en justice n'est pas une faute, même lorsque la personne perd son procès. Cependant, celui qui commet une faute caractérisée dans l'utilisation des voies de droit se verra appliquer la théorie de l'abus de droit. Ainsi, la sanction d'un tel abus, en cas de manoeuvres dila281 Article R. 1455-6 du Code du travail Guide CFE-CGC de la prud’homie toires ou abusives, qui causent un préjudice à l'adversaire, est une amende civile d’un maximum de 3 000 euros (en 2011), sans préjudice des dommagesintérêts qui peuvent être réclamés 282. Attention : l’envoi d’une mise en demeure avec accusé de réception à l’employeur ne suffit pas à interrompre la prescription, seule la saisine de la juridiction peut l’interrompre. 5.Les conditions de recevabilité de l'action Bien que la prescription quinquennale soit le principe en matière prud’homale, il existe quelques exceptions, et notamment : Pour qu’une demande soit recevable, elle ne doit pas avoir été jugée en dernier recours. a) La prescription La Loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a uniformisé les délais d’action en matière prud’homale. Ainsi, la prescription est de cinq ans en matière de salaires283 et de ses accessoires. Se prescrivent par cinq ans les actions visant tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts. Le point de départ de la prescription commence à courir au « jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits »284. La prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli285. La saisine d’un conseil de prud’hommes interrompt la prescription, même si cette juridiction est incompétente. 282 283 284 285 Article 32-1 du Code de procédure civile Article L. 3245-1 du Code du travail Loi 2008-561 du 17 juin 2008 Art. 2229 du Code de procédure civile • l’action en remboursement de l’allocation d’assurance chômage indûment versée se prescrit par trois ans. En cas de fraude ou de fausse déclaration, elle se prescrit par dix ans286 ; • en matière de contestation sur la régularité d’un licenciement économique287 : -- délai de quinze jours pour une action en référé portant sur la régularité de la procédure de consultation des instances représentatives du personnel ; -- délai de douze mois pour toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement. b) Les exceptions de procédures Les exceptions de procédures sont des moyens soulevés par la défense, visant à faire déclarer la procédure engagée irrégulière ou éteinte ou à la faire suspendre. Il peut s’agir : • d’une exception d’incompétence288 : en cas d’exception d’incompétence 286 Article L. 5422-5 du Code du travail 287 Article L. 1235-7 du Code du travail 288 Articles 75 et suivants du Code de procédure civile 85 Guide CFE-CGC de la prud’homie soulevée avant toute plaidoirie lors de l’audience de jugement, si possible, le président fera joindre l’incident au fond. Le délibéré commencera par décider si le conseil de prud’hommes, et la section en cause, sont ou non compétents ; • d’une exception de nullité289 ; • d’une exception de connexité, lorsqu’une autre juridiction est saisie d’un litige ayant des liens très étroits avec l’affaire en cours. Les exceptions doivent être soulevées avant toute demande au fond ou fin de non-recevoir, sinon elles sont irrecevables290. Cependant, l’exception de connexité est recevable à tout stade de la procédure291. c) La fin de non-recevoir La fin de non-recevoir est un moyen de défense permettant au défendeur de demander à ce que la demande soit jugée irrecevable, sans que la demande au fond soit directement contestée292. Elle peut notamment être invoquée en cas de forclusion, de défaut de qualité, de défaut d’intérêt, de prescription, de méconnaissance d’un délai préfix, et en cas d’autorité de la chose jugée. 289 Articles 112 et suivants du Code de procédure civile 290 Articles R. 1451-2 du Code du travail, 73 et 74 du Code de procédure civile 291 Articles 100 et suivants du Code de procédure civile 292 Articles 122 et suivants du Code de procédure civile 86 Les fins de non-recevoir peuvent être invoquées en tout état de cause, sauf intention dilatoire293. Cela signifie, qu’à l’inverse des exceptions de nullités qui doivent être invoquées « in limine litis » (dès le commencement du procès) les fins de non recevoir peuvent être invoquées : • soit lorsque la procédure est écrite, jusqu’à la clôture de la mise en état ; • soit, lorsque la procédure est orale, jusqu’au moment où le juge déclare que l’affaire est mise en délibéré. Elles ne nécessitent pas la démonstration d’un grief et relèvent de la seule compétence du juge du fond. 6.Les situations de renvois et radiations a) Le renvoi de l’affaire Les parties à l'instance ou leurs représentants peuvent demander le renvoi de l'affaire. En raison du principe d'oralité et du contradictoire, la demande de renvoi ne peut être effectuée qu'à l'audience. Les conseillers se prononcent immédiatement ou après une suspension d'audience. Cet acte d’administration judiciaire ne peut faire l’objet d’aucun recours294. 293 Article 123 du Code de procédure civile 294 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 13 décembre 1994, n°9342.301 Guide CFE-CGC de la prud’homie fait représenter, ou lorsque, les parties n’ont pas accompli les injonctions qui leur ont été faites par le juge. Le choix d'accepter ou de refuser le report de l'audience est une décision discrétionnaire des juges. Il s'agit obligatoirement d'une décision collégiale majoritaire. C'est pourquoi il est conseillé d'interrompre l'audience après l'appel des causes pour que les conseillers prud'hommes puissent statuer sur la demande de renvoi. Cette demande de renvoi doit être justifiée. L'absence du demandeur, du défendeur ou de l'un des représentants ou leur négligence dans la transmission des pièces peuvent ne pas justifier pas, par exemple, la demande de renvoi. Si le renvoi est accepté, la date de renvoi est immédiatement communiquée aux parties. Si la date ne peut être fixée immédiatement, le renvoi est effectué à la première date disponible. b) La radiation de l’affaire du rôle La radiation est également une mesure d’administration judiciaire non susceptible de recours. En cas de radiation prononcée par le président d’audience, l’affaire est retirée du rôle, pour être ensuite replacée au rôle d’une autre audience En effet, la radiation ne met pas fin au procès. La radiation peut être prononcée par le juge par exemple lorsque les parties n’y comparaissent pas ou ne s’y sont pas 7.La convocation des parties Immédiatement après le dépôt de sa demande, le demandeur reçoit un récépissé qui indique le numéro du dossier, la section compétente et la convocation pour l’audience du bureau de conciliation ou de jugement, ces documents lui étant remis par le greffe soit directement soit par lettre simple. Dans la majorité des cas, les parties sont convoquées en premier lieu devant le bureau de conciliation. Le greffe invite le demandeur à se munir de toutes les pièces utiles Le défendeur est ensuite convoqué devant le bureau de conciliation par lettre recommandée avec accusé de réception, avec copie par lettre simple295. Les mentions obligatoires suivantes doivent être indiquées : • les nom, profession et domicile du demandeur ; • les lieu, jour et heure de la séance du bureau de conciliation à laquelle l’affaire sera appelée ; • les chefs de la demande ; • le fait que des décisions exécutoires à titre provisoire pourront même en son absence, être prises contre lui par le bureau de conciliation au vu des éléments fournis par son adversaire... Dans cette lettre, le défendeur est invité à se munir de toutes les pièces utiles. 295 Article R. 1452-4 du Code du travail 87 Guide CFE-CGC de la prud’homie Cette convocation, ou un document qui lui est joint, reproduit les dispositions des articles R. 1453-1, R. 1453-2, R. 1454-10 et R. 1454-12 à R. 145418296 du Code du travail. Si le défendeur ne récupère pas la lettre recommandée, pour quelque raison que ce soit, le demandeur doit demander à un huissier de signifier la convocation. La convocation du défendeur devant le bureau de conciliation équivaut à une citation en justice297. La convocation fixe le point de départ des intérêts moratoires sur les sommes contractuellement dues réclamées en justice. Un principe important à ne jamais oublier est que « Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée »298. En l’absence de conciliation ou en cas de conciliation partielle, le bureau de conciliation renvoie l’affaire au bureau de jugement299 lorsque le demandeur et le défendeur sont présents ou représentés et que l’affaire est en état d’être jugée sans que la désignation d’un ou deux conseillers rapporteurs ou le recours à une mesure d’instruction soient nécessaires. Les parties peuvent être convoquées devant le bureau de jugement verbalement avec émargement au dossier. Dans ce cas, un bulletin mentionnant la 296 297 298 299 88 Article R. 1452-4 du Code du travail Article R. 1452-5 du Code du travail Article 14 du Code de procédure civile Articles R. 1454-17 et R. 1454-19 du Code du travail date de l’audience leur est remis par le greffier. La convocation indique : • Les nom, profession et domicile des parties ; • Les lieu, jour et heure de l’audience ; • Les points qui demeurent en litige. La convocation des parties n’est pas nécessaire lorsqu’elles se présentent volontairement et de façon spontanée en vue d’être conciliées. 8.La comparution personnelle, sauf motif légitime Les parties comparaissent en personne300. Cette exigence de comparution personnelle est fondamentale et s’applique à tous les stades de la procédure (bureau de conciliation, bureau de jugement, formation de référés) au demandeur et au défendeur. Cependant, si elles ont un motif reconnu comme légitime par les juges, elles peuvent être représentées. Il peut s’agir d’une impossibilité physique ou morale301. La justification peut être donnée à l’oral302 ou par écrit. Il faut néanmoins préciser qu’en l’absence d’écrit pour justifier de la légitimité de l’absence, il semble difficile d’accepter celle-ci sur la seule bonne foi de la partie qui le demande. 300 Article R. 1453-1 du Code du travail 301 Cette dernière option a été reconnue par l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 14 mai 1987, n° 85-46.483 302 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 8 janvier 1981, n°79-40.307 Guide CFE-CGC de la prud’homie Si les juges acceptent qu’une partie soit représentée par leur avocat, de facto, ils reconnaissent que son absence est légitime303. Il faut préciser que si en vertu de l’article 416 du Code de procédure civile, l’avocat est dispensé de justifier d’un mandat pour assister ou représenter son client, les dispositions de l’article R. 1454-13 du Code du travail tempère ce principe. En effet, cet article précise que si le défendeur a justifié en temps utile d’un motif légitime d’absence, il peut être représenté par un mandataire muni d’un écrit l’autorisant à concilier pour son nom et pour son compte. Donc devant le bureau de conciliation, même l’avocat doit justifier d’un écrit de son client pour pouvoir concilier. À défaut, il sera convoqué à une prochaine séance du bureau de conciliation. Le bureau de jugement peut rendre un jugement contradictoire dès lors que les parties, bien que régulièrement convoquées, n’ont pas comparu. Il n’a pas à rechercher s’il existe un motif légitime de non comparution304. Il peut aussi radier l’affaire d’office après un dernier avis aux parties. Cette décision n’est pas susceptible de recours305. 303 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 26 juin 1986, n° 84-41.719 304 Articles 467 et suivants du Code de procédure civile 305 Article 470 du Code de procédure civile 9.L’assistance ou la représentation des parties Les employeurs et les salariés peuvent se faire assister ou représenter par les salariés ou les employeurs de la même branche ou par les délégués des organisations syndicales salariées ou patronales ou par le conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou par les avocats306. Exception faite des avocats307, la personne qui assiste ou représente l’employeur ou le salarié doit bénéficier d’un pouvoir spécial de la part de la personne intéressée308. Aucun formalisme n’est exigé, mais le pouvoir doit être précis309. 306 Article R. 1453-2 du Code du travail 307 La loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les Cours d’appel a supprimé la fonction et la profession d’avoué. Ce texte s’applique à compter du 1er janvier 2012. 308 Articles 414 et 416 du Code de procédure civile 309 Arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 23 novembre 2000, n°99-04.183 89 Guide CFE-CGC de la prud’homie Si la personne assurant la représentation n’a pas le pouvoir pour ce faire, il s’agit d’une irrégularité de fond et, par conséquent, les actes qu’elle effectue sont nuls310. Un conseiller prud’homme peut également représenter une partie. Toutefois cette mission d’assistance ou de représentation ne peut pas être exercée devant la chambre, ou devant la section lorsque cette dernière n’est pas divisée en chambres, à laquelle il appartient. Il ne peut pas assister ou représenter une des parties devant la formation de référés s’il a été désigné pour tenir des audiences de référés311. Le président et le vice-président du conseil de prud’hommes ne peuvent pas assister ou représenter les parties312. a) Les dispositions spécifiques à l’assistance ou la représentation du salarié La chambre sociale de la Cour de cassation a posé plusieurs règles concernant l’assistance des salariés par les délégués syndicaux en estimant notamment dans un arrêt du 16 novembre 1995 « qu’il n’est pas nécessaire que la partie assistée ou représentée soit membre de la même organisation syndicale que le délégué, ou même membre d’un syndicat, ni que le délégué appartienne à la même branche d’activité que la partie qu’il assiste ou représente ; qu’en outre, aucune limite territoriale 310 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 5 mars 1992, n° 88-45.188 311 Article L. 1453-2 du Code du travail 312 Article L. 1453-3 du Code du travail 90 n’est fixée par l’article R. 516-5 (actuel article R. 1453-2) du Code du travail pour l’activité des délégués313 ». La Haute juridiction a également indiqué que le salarié assisté ou représenté par un délégué d’une organisation syndicale peut ne pas être syndiqué314. Les unions régionales et les unions départementales doivent s’assurer que le mandat qu’elles donnent à leurs défenseurs syndicaux est précis (cf. annexe 10 p 153 modèle de mandat CFE-CGC) et qu’un pouvoir a été donné par le salarié à l’organisation syndicale ou à l’un de ses membres pour représenter le salarié à l’audience (cf. annexe 11 p 154 modèle de pouvoir). b) Les dispositions spécifiques à l’assistance ou la représentation de l’employeur L’employeur peut aussi se faire assister ou représenter par un membre de l’entreprise ou de l’établissement315. 313 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 16 novembre 1995, n°94-40.381 314 Article R. 1453-2 du Code du travail 315 Article R. 1453-2 du Code du travail Guide CFE-CGC de la prud’homie C.Comment se déroule l’audience de conciliation ? xième cas les points résolus et ceux restants en suspens, ainsi que si l’exécution partielle ou totale de la décision a eu lieu319. 1.La procédure de conciliation Si l’une des parties ne respecte pas l’accord de conciliation, sa responsabilité civile peut être engagée devant le bureau de jugement. En l’absence de conciliation, le procès-verbal indique les prétentions qui restent contestées et les déclarations des parties320. Cette partie reprend et complète les développements de la partie 1 du guide sur la conciliation que vous trouverez en page 33 et suivantes. La procédure de conciliation, spécificité du conseil de prud’hommes, est fondamentale car elle permet d’essayer de résoudre le différend par le dialogue plutôt que par une procédure judiciaire visant à aboutir à la condamnation d’une des parties. Le bureau de conciliation essaie de concilier les parties après avoir entendu leurs explications316. Il s’agit d’un acte judiciaire317. Les juges doivent notamment vérifier que les parties sont informées de leurs droits respectifs. Lorsque ce n’est pas le cas, le procès-verbal est nul et le conseil de prud’hommes peut être saisi par la partie qui s’estime lésée318. L’audience de conciliation peut aboutir à une conciliation totale ou partielle ou à une absence de conciliation. Si les parties parviennent à un accord total, la conciliation met fin au litige. Mais si la conciliation n’est que partielle, les points restants en conflit doivent être soumis au bureau de jugement. Le procès-verbal précise s’il y a eu conciliation totale ou partielle, et dans ce deu316 Article R. 1454-10 du Code du travail 317 Articles L. 1411-1, R. 1454-10 et R. 1454-11 du Code du travail 318 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 mars 2000, n° 97-42.419 Il est particulièrement utile que le procès-verbal de conciliation partielle ou de non conciliation indique les dates de dépôt des conclusions du demandeur, du défendeur et éventuellement des conclusions responsives des parties, afin d’éviter les reports d’audience (cf. annexes 3 p 146 et 4 p 147). De plus, les conseillers prud’hommes doivent s’assurer que les parties ont bien signé le procès-verbal de conciliation totale ou partielle ou de non-conciliation afin d’éviter toute contestation ultérieure. Si l’affaire est en état d’être jugée immédiatement et que les circonstances le permettent, le bureau de conciliation peut, avec l’accord de toutes les parties, les faire comparaître immédiatement devant le bureau de jugement321. 319 Article R. 1454-10 du Code du travail 320 Article R. 1454-10 du Code du travail 321 Article R. 1454-17 du Code du travail 91 Guide CFE-CGC de la prud’homie 2. Les pouvoirs du bureau de conciliation Le bureau de conciliation peut, en dépit de toute exception de procédure et même si le défendeur ne se présente pas, prendre quatre mesures provisoires par ordonnance. Il peut ainsi : • ordonner la délivrance de documents au salarié (certificats de travail, bulletins de paie, attestation d’assurance chômage et toutes pièces que l’employeur est tenue légalement de délivrer). Cette ordonnance peut être prononcée sous peine d’astreinte civile, c’està-dire accompagnée d’une sanction pécuniaire en général par jour de retard au delà des délais fixés par le juge pour exécuter l’ordonnance. La Cour de cassation a d’ailleurs décidé que l’employeur ne pouvait pas se prévaloir d’une contestation sérieuse à l’encontre d’une décision du bureau de conciliation ordonnant la délivrance d’un certificat de travail322 ; • ordonner, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable : - le versement de provisions sur les salaires323 et accessoires du salaire ainsi que les commissions, - le versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement, 322 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 octobre 1985, n°83-45.693 323 Article R. 1454-14 du Code du travail 92 - le versement de l’indemnité compensatrice et de l’indemnité spéciale de licenciement en cas d’inaptitude médicale consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle324, - le versement de l’indemnité de fin de contrat à durée déterminée325 et de l’indemnité de fin de mission de travail temporaire326 , • ordonner toutes mesures d’instruction, même d’office ; • ordonner toutes mesures nécessaires à la conservation des preuves ou des objets litigieux. Le bureau de conciliation peut également, afin de mettre l’affaire en l’état d’être jugée, désigner des conseillers rapporteurs327. En cas d’ordonnance de versement de provisions, le bureau de conciliation fixe le montant de celui-ci qui ne peut excéder six mois de salaire, calculé sur 324 325 326 327 Article Article Article Article L. 1226-14 du Code du travail L. 1243-8 du Code du travail L. 1251-32 du Code du travail R. 1454-1 du Code du travail Guide CFE-CGC de la prud’homie la moyenne des trois derniers mois328. Dans cette limite, le bureau de conciliation peut fixer le montant de la provision à celui de la demande329. Cependant, la Cour de cassation admet l’appel immédiat de certaines décisions et mesures335. Si l’employeur n’exécute pas l’ordonnance du bureau de conciliation, c’est ce même bureau qui doit être saisi par le salarié pour obtenir le paiement330. 3.L’absence des parties Certaines mesures prises par le bureau de conciliation331 sont exécutoires immédiatement, soit dès leur notification aux parties, soit immédiatement après la prise de décision (notamment en ce qui concerne le versement de provisions qui est souvent fait lors de l’audience). Ces mesures sont également provisoires, le bureau de jugement pouvant revenir sur la décision du bureau de conciliation, qui n’a pas l’autorité de la chose jugée au principal332. Ces mesures sont dîtes exécutoires « par provision ». Ces décisions ne peuvent pas faire l’objet d’opposition. Elles ne peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation que concomitamment à la remise en cause du jugement au fond333, cette solution étant appliquée strictement par la Cour de cassation334. 328 Articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du Code du travail 329 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 16 décembre 1982, n° 80-41.664 330 Article R. 1454-15 du Code du travail 331 Articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du Code du travail 332 Article R. 1454-16 du Code du travail 333 Article R. 1454-16 du Code du travail 334 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 2 mai 2001, n°98-45.541 Si le demandeur ne comparaît pas sans motif légitime, le bureau de conciliation peut déclarer la demande et la citation caduques336. Cependant, cette sanction n’est pas encourue si le demandeur, absent pour un motif légitime, est représenté par un mandataire habilité. Le demandeur ne pourra réitérer sa demande qu’une seule fois, sauf si le bureau de conciliation, constate qu’il n’a pas pu comparaître ou être représenté lors de sa deuxième demande du fait d’un cas fortuit. En ce qui concerne la présence du défendeur, si ce dernier ne comparaît pas, le bureau de conciliation peut ordonner la délivrance de documents sous astreinte civile, le versement de provisions, la conservation des preuves et des mesures d’instructions337. De plus, en l’absence du défendeur, le bureau de conciliation peut, lorsqu’aucune mesure d’information ou d’instruction n’est nécessaire, renvoyer l’affaire au bureau de jugement338. 335 Celles ne respectant pas les conditions des articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du Code du travail 336 Article R. 1454-12 du Code du travail 337 Articles R. 1454-13 et R. 1454-14 du Code du travail 338 Articles R. 1454-13 et R. 1454-17 du Code du travail 93 Guide CFE-CGC de la prud’homie Si le défendeur a justifié en temps utile d’un motif légitime d’absence, il peut être représenté. À défaut, il est convoqué par lettre simple à une autre séance de conciliation339. Si le défendeur n’a pas reçu la première convocation, sans que cela soit lié à une faute de sa part, le bureau de conciliation le convoque à une prochaine audience de conciliation par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée par le greffe ou par acte d’huissier de justice, selon le souhait du demandeur. Cet acte doit arriver au défendeur dans les six mois de la décision du bureau de conciliation à peine de caducité de la demande. 4.Les dispenses de conciliation liées à certaines procédures • des oppositions ; • des tierce-oppositions ; • des affaires jugées sur renvoi après cassation ; • des rectifications d’omission ou d’erreur matérielle ; • des requêtes de statuer ; en omission • des requêtes en retranchement ; • des référés ; • des affaires en liquidation judiciaire. Pour tout refus par l’employeur d’autorisation d’absence du salarié pour des congés de représentation et les congés pour création d’entreprise, l’affaire est portée directement devant le bureau de jugement. Certaines demandes ne font pas l’objet de procédure de conciliation, il en est ainsi pour : D.Comment se déroule l’audience de jugement ? • des demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail qui sont recevables à tout moment de la procédure, même en appel ; 1.Le déroulement de la procédure340 • des demandes reconventionnelles se rattachant à la demande principale par un lien suffisant ; • des demandes en intervention ; • des demandes en liquidation d’astreinte civile ; Le président ouvre l’audience, le greffier appelle ensuite les affaires. Les affaires qui ne sont pas en état d’être plaidées sont éventuellement renvoyées. Le président donne ensuite la parole au premier plaidant. Le demandeur plaide, puis le défendeur fait de même. Les parties remettent les dossiers. • des moyens et exceptions que les parties font valoir au soutien de leurs prétentions respectives ; 339 Article R. 1454-13 du Code du travail 94 340 Articles 430 et suivants du Code de procédure civile Guide CFE-CGC de la prud’homie 2.Les exceptions de procédure Le président d’audience a intérêt à demander au greffier de noter les demandes du demandeur et du défendeur car seul le registre d’audience (ou plumitif) fait foi. Il convient donc, à cette occasion, de bien s’assurer que les parties ont exprimé à la barre toutes les demandes comprises dans leurs conclusions car, la procédure étant orale, seul ce qui est dit lors de l’audience compte. La juridiction fixe ensuite la date du prononcé du jugement. L’instance correspond aux actes de procédure allant de la demande en justice jusqu’au prononcé du jugement. Les exceptions de procédure sont des moyens invoqués notamment par le défendeur en vue de faire échec provisoirement ou définitivement à la demande, sans qu’il soit besoin de statuer sur le fond. Elles doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées « in limine litis », avant toute défense au fond, avant toute fin de non-recevoir. Elles peuvent, sous cette réserve, être soulevées devant le bureau de jugement341. a) L’exception d’incompétence (cf. partie 1) L’incompétence matérielle ou territoriale du conseil de prud’hommes est normalement soulevée par le défendeur ou, en l’absence de ce dernier, elle peut être soulevée d’office par le juge. 341 Article R. 1451-2 du Code du travail 95 Guide CFE-CGC de la prud’homie Si elle est demandée par le défendeur, cette demande doit être motivée et préciser la juridiction estimée compétente342. La partie qui souhaite contester la compétence du conseil de prud’hommes doit le faire avant d’aborder le fond de l’affaire et d’exposer d’éventuelles irrecevabilités343. Ces deux règles sont impératives. Cependant, dès lors que ces conditions sont respectées, si l’exception d’incompétence n’a pas été soulevée devant le bureau de conciliation, elle peut l’être devant le bureau de jugement344. Le conseil de prud’hommes peut se déclarer d’office incompétent, c’est-à-dire sans que l’une des parties ait pris l’initiative de le lui suggérer dans deux hypothèses : • en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution d’ordre public (par exemple tous les litiges concernant le contrat de travail) ; • ou si le défendeur ne comparaît pas345. Par exemple, si un demandeur saisit un conseil de prud’hommes territorialement incompétent et que le défendeur ne comparaît pas, ce dernier ne pouvant pas soulever l’incompétence du conseil de prud’hommes, celui-ci a la possibilité de se déclarer d’office incompétent ou de juger l’affaire par défaut. Attention, l’incompétence territoriale du 342 Article 75 du Code de procédure civile 343 Articles R. 1451-2 du Code du travail et 74 du Code de procédure civile 344 Article R. 1451-2 du Code du travail 345 Article 92 du Code de procédure civile 96 conseil de prud’hommes ne peut être soulevée d’office que si le défendeur est absent. C’est la juridiction saisie (et dont la compétence est remise en cause) qui statue sur la recevabilité346 puis le bien ou le mal-fondé de l’exception. Lorsque le juge se prononce sur sa compétence, sans statuer sur le fond du litige, sa décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit. Le contredit est une procédure qui permet au défendeur qui a argué de l’incompétence du conseil de prud’hommes et qui n’est pas satisfait de sa position, de demander à la Cour d’appel de vérifier si cette décision est conforme aux dispositions du Code de procédure civile et au Code de l’organisation judiciaire. Il est important de préciser que cette procédure suspend l’affaire au fond jusqu’à la décision de la Cour d’appel. La compétence de la section peut également être contestée dans le cadre des dispositions prévues par les articles R. 1423-6 et R. 1423-7 du Code du travail. Ce dernier article prévoit, en effet, qu’en cas de difficulté de répartition d’une affaire ou de contestation sur la connaissance d’une affaire par une section, et quel que soit le stade de la procédure auquel survient cette difficulté ou contestation, le dossier est transmis au président du conseil de prud’hommes, qui, après avis du vice-président, ren346 Articles 74 et 75 du Code de procédure civile Guide CFE-CGC de la prud’homie voie l’affaire à la section qu’il désigne par ordonnance. Cette ordonnance constitue un acte d’administration judiciaire non susceptible de recours. b) L’exception de saisine simultanée de deux juridictions compétentes pour un même litige (cf. partie 1) Cette exception est nommée litispendance. Il y a litispendance quand deux juridictions différentes ont à connaître de deux instances identiques, alors qu’elles sont toutes les deux compétentes. Ce cas se produit notamment lorsque les parties ont une option leur permettant de choisir entre plusieurs juridictions celle qu’elles veulent saisir. Le conseil de prud’hommes saisi en second doit se dessaisir au profit du premier, si l’une des parties le demande ou, à défaut, d’office347. Lorsque les juridictions saisies ne sont pas de même degré, l’exception doit être soulevée devant la juridiction du degré inférieur348. Les recours contre les décisions rendues en la matière sont formés et jugés comme en matière d’exception d’incompétence. c) L’exception de connexité et d’unicité de l’instance Il y a connexité quand deux juridictions différentes et compétentes sont saisies de demandes qui présentent des rap347 Article 100 du Code de procédure civile 348 Article 102 du Code de procédure civile ports étroits et nécessitent d’être instruites et jugées ensemble dans l’intérêt d’une bonne justice. Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l’objet d’une seule instance, que ces demandes émanent du demandeur ou du défendeur349. Ce principe ne s’applique que si le fondement des prétentions est né ou révélé avant la saisine du conseil de prud’hommes. Par conséquent, si un même conseil de prud’hommes ou plusieurs sont saisis de différentes demandes relatives à un même contrat de travail, les instances sont jointes350. De plus, une fois le procès terminé, ni le demandeur, ni le défendeur ne peuvent intenter un deuxième procès au sujet de demandes qui auraient été omises lors du premier procès, l’adversaire pouvant alors opposer une fin de non-recevoir, sauf si le fondement de ces demandes est né ou révélé postérieurement351. La fin de non-recevoir est un moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir352. La fin de non-recevoir n’étant pas d’ordre public, seul le demandeur ou le défendeur peuvent l’invoquer. 349 Article R. 1452-6 du Code du travail 350 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 20 novembre 1975, n° 75-40.112 351 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 5 mars 1992, n° 89-40.680 352 Article 122 du Code de procédure civile 97 Guide CFE-CGC de la prud’homie Par exception, la fin de non-recevoir tirée de l’unicité de l’instance n’est pas opposable lorsque le jugement de première instance se contente d’annuler la procédure353. Les recours contre les décisions rendues en la matière sont formés et jugés comme en matière d’exception d’incompétence. Devant le conseil des prud’hommes des demandes nouvelles peuvent être formées à tout moment de la procédure, ce qui est un atout considérable, notamment pour le salarié. L’unicité de l’instance apparaît dès lors comme le corollaire à cette possibilité de demandes nouvelles que la Cour de cassation ne cesse d’ailleurs de faciliter contrairement à l’unicité de l’instance qui connaît quant à elle une forte limitation (cf. arrêt du 16 novembre 2010). Par ailleurs, le demandeur comme le défendeur peuvent, à tout moment de la procédure, modifier ou compléter leurs demandes et déposer de nouvelles demandes, même en appel, dès lors qu’elles sont issues du même contrat de travail. Cela vaut aussi pour les demandes reconventionnelles, à savoir celles présentées par le défendeur, afin d’obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire354. 98 Attention : La jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation ne faisait pas de différence entre les actes mettant fin à l’instance pour appliquer ce principe d’unicité d’instance. Cette jurisprudence posait problème au regard de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et le droit au procès équitable, de l’article 30 du Code de procédure civile qui affirme que les auteurs d’une prétention ont le droit d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée et enfin de l’article 4 du Code civil, qui dispose que « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » En effet, si l’instance se terminait sans qu’une décision ait été prise au fond et que les plaideurs ne pouvaient plus saisir une juridiction, en raison du principe d’unicité d’instance, le litige ne pouvait être tranché. C’est pourquoi un revirement de jurisprudence a eu lieu en 2010, qui précise que la règle de l’unicité de l’instance n’est applicable que lorsque l’instance précédente s’est achevée par un jugement au fond355. Lorsqu’elles sont présentées pour la première fois après l’audience de conciliation, les demandes sont examinées directement par le bureau de jugement, sans faire l’objet d’une tentative préalable de conciliation. Cette décision est justifiée, selon le communiqué de la première présidence, joint à cet arrêt, par la volonté de mettre fin au déni de justice auquel se trouvaient confrontés les salariés. 353 Arrêt de la chambre sociale du 16 novembre 2010, n° 09-70.404 354 Article R. 1452-7 du Code du travail 355 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 16 novembre 2010 n° 09-70404 Guide CFE-CGC de la prud’homie La CFE-CGC vous conseille d’éviter de joindre les affaires connexes. En effet, si l’une des parties seulement fait appel, cela évite que le juge soit influencé par le jugement du conseil de prud’hommes sur les autres affaires et cela permet également de mieux respecter la confidentialité. Dans certains cas néanmoins, cela s’avère nécessaire pour une meilleure administration de la justice. La CFE-CGC met donc à votre disposition un exemple de jonction d’instance et un modèle d'imprimé de jonction d'affaire (annexe 7 p 150) : tement le cours d’une instance, pendant le délai nécessaire pour accomplir un acte juridique, susceptible d’influencer l’issue du litige. MOTIVATION Attendu que les affaires inscrites sous les n°… sont dirigées contre la même société ou ont le même objet et qu’il convient pour une bonne administration de la justice de les juger ensemble. Un des plaideurs peut aussi invoquer une décision frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation357. PCM Vu les articles 367 et suivants du Code de procédure civile ; Ordonne la jonction des affaires n° … Dit qu’elles porteront le n° unique (le numéro de RG le premier enregistré). d) L’exception dilatoire L’exception dilatoire constitue un moyen de défense, ouvrant au défendeur la possibilité de faire suspendre immédia- Ainsi, par exemple, un délai peut être reconnu à un héritier pour faire un inventaire et pour délibérer356. e) L’exception de nullité L’exception de nullité est un moyen de défense qui permet au défendeur de se fonder sur une violation de dispositions légales pour demander la nullité de la procédure. Elle doit être présentée à l’ouverture des débats. 356 Article 108 du Code de procédure civile : « Le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer soit d’un bénéfice de discussion ou de division, soit de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi. » 357 Article 110 du Code de procédure civile 99 Guide CFE-CGC de la prud’homie Elle peut être demandée pour vice de forme, en cas de violation de certaines règles de forme, ou de violation d’une règle de fond. Par exemple, une convention est nulle si le consentement donné par l’une des partie à l’acte a été vicié par dol. Concernant les exceptions de nullité nées d’un vice de forme, ces dernières doivent être soulevées « in limine litis », c’est-àdire avant toute défense au fond358. Ainsi, les vices de forme doivent être invoqués dès l’accomplissement de l’acte contesté, avant toute autre défense359. L’irrégularité de fond peut, quant à elle, être invoquée en tout état de cause, c’est-à-dire à tout moment de la procédure. Attention : l’exception soulevée tardivement peut engager la responsabilité de celui qui agit notamment au paiement de dommages et intérêts en cas d’intention dilatoire de celui qui a voulu exciper l’exception de nullité360. 3.Les incidents d’instance Il s’agit d’événements qui entraînent des changements dans le déroulement de l’instance par son interruption, sa suspension ou son extinction. La juridiction devant laquelle l’instance se déroule doit les trancher. a) L’unicité d’instance La jonction et la disjonction d’instance en font partie (cf. infra principe d’unicité d’instance). 358 Article 113 Code de procédure civile 359 Article 112 du Code de procédure civile 360 Article 118 du code de procédure civile 100 b) L’intervention L’intervention correspond à l’arrivée au procès d’une nouvelle partie, dans le cadre d’une intervention volontaire ou forcée (lorsqu’elle a été appelée)361. Elle n’est recevable que si le motif qui la lie au procès est suffisant. L’intervention ordonnée par le bureau de jugement donne lieu à une suspension d’instance, afin que la partie concernée puisse être convoquée et pour respecter le principe du contradictoire. c) Le changement de juge Le changement de juge peut intervenir par abstention, récusation ou suspicion. Le conseiller prud’homme peut décider de s’abstenir ou acquiescer à une demande de récusation. La récusation des conseillers prud’hommes, émanant d’un justiciable362, n’est admise que dans les cas légalement prévus363, notamment la violation du principe d’impartialité. La décision du premier président de la Cour d’appel désignant la juridiction de renvoi en cas de suspicion légitime ou d’abstention de plusieurs conseillers prud’hommes, s’impose aux parties et au juge de renvoi364. La suspicion est légitime lorsque le plaideur a des raisons sérieuses de penser 361 Articles 325 et suivants du Code de procédure civile 362 Articles 342 et suivants du Code de procédure civile 363 Article L. 1457-1 du Code du travail 364 Article 358 du Code de procédure civile Guide CFE-CGC de la prud’homie que les conseillers prud’hommes chargés de l’affaire ne sont pas en mesure de se prononcer avec impartialité, en raison de leurs tendances ou de leur intérêt. L’affaire est alors transmise à un autre conseil de prud’hommes. Les conditions de recevabilité et de forme sont identiques à celles nécessaires en cas de récusation. d) L’interruption d’instance L’interruption se produit de plein droit et automatiquement : • lorsqu’un plaideur mineur devient majeur, • en cas de jugement déclaratif de redressement ou de liquidation judiciaire. • l’effet du jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur365. L'événement ou sa notification doit avoir lieu avant l’ouverture des débats367. L’interruption d’instance arrête le délai de prescription. e) La suspension d’instance La suspension d’instance est liée à un obstacle temporaire à la poursuite de l’instance. Elle survient soit à la demande des parties, soit lorsque les circonstances l’exigent, soit lorsqu’une question préjudicielle doit être tranchée. Il s’agit du sursis à statuer et de la radiation, cette dernière sanctionnant le défaut de diligence des parties et entraînant le retrait de l’affaire du rôle. Dans ce dernier cas, cet acte d’administration judiciaire n’est susceptible d’aucun recours. 4.Les règles de preuve Dans certains cas, l’interruption d’instance est subordonnée à une notification adressée à l’autre partie. Devant les juridictions françaises, les juges instruisent les dossiers à charge et à décharge. À compter de la notification qui en est faite à l’autre partie, l’instance est interrompue par : Chacun des arguments avancés par les parties devant le conseil des prud’hommes, notamment, (salariés et employeurs) devra donc être étayé pour que le juge puisse remplir au mieux son office, ce dernier ne pouvant fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat368. Les éléments de preuve ainsi apportés détermineront l’issue du procès. • le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible aux héritiers ; • la cessation de fonctions du représentant légal d’un incapable ; • le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice366. 365 Article 369 du Code de procédure civile 366 Article 370 du Code de procédure civile 367 Article 371 du Code de procédure civile 368 Article 7 du Code de procédure civile 101 Guide CFE-CGC de la prud’homie a) La charge de la preuve Les règles de la preuve en matière prud’homale ne sont que très exceptionnellement issues du Code du travail, ce sont en général les règles du Code civil et du Code de procédure civile qui s’appliquent. Par principe, la charge de la preuve incombe au demandeur La charge de la preuve incombe, en principe, au demandeur au procès en vertu de la règle « Actori incumbit probatio ». Les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions 369. Il incombe, dès lors, à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention370. Par ailleurs, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation371. Ainsi, par exemple, c’est celui qui prétend qu’il existe un contrat de travail qui doit le prouver. C’est également au salarié qui explique qu’il exerce en fait une autre profession que celle mentionnée dans le contrat de travail de le prouver372. Les fonctions occupées doivent être 369 370 371 372 102 Article 6 du Code de procédure civile Article 9 du Code de procédure civile Article 1315 du Code civil Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 11 décembre 1990, n° 87-45.544 prouvées par le salarié demandeur, lorsqu’il demande que son certificat de travail mentionne certaines fonctions. Cependant, certaines preuves doivent être apportées par les deux parties à l’instance prud’homale Concernant le nombre d’heures travaillées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable373. Ainsi, en matière de preuve des heures supplémentaires, la jurisprudence est venue apporter de nombreuses précisions en la matière, se fondant sur les dispositions de l’article L. 3171-4 du Code du travail. La tendance actuelle de la Cour de cassation est de considérer qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production de tous éléments de preuve, une simple allégation ne suffisant pas, pour permettre à l’employeur de répondre en apportant, le cas échéant, ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés. 373 Article L. 3171-4 du Code du travail Guide CFE-CGC de la prud’homie Une fois que le salarié a apporté ces éléments, il incombe à l’employeur de démontrer que ces heures n’ont pas été effectuées. Ainsi, la Cour de cassation a estimé que ne peut pas être rejetée la demande du salarié, au seul motif que les preuves qu’il apporte sont insuffisantes374, la charge de la preuve des horaires effectués par le salarié devant également incomber à l’employeur. La Haute juridiction a ajouté dans cet important arrêt que « toutefois celui-ci ne peut rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande ». Dans un arrêt du 24 novembre 2010375, elle censure l’arrêt de la Cour d’appel pour ne pas avoir retenu que « la salariée avait produit un décompte des heures qu'elle prétendait avoir réalisé auquel l'employeur pouvait répondre » et qui constitue un élément suffisamment précis pour étayer sa demande et faire peser la charge de la preuve sur l'employeur. En matière de rupture du contrat de travail, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. En la matière, le juge prend sa décision en fonction des éléments fournis par les deux parties, après avoir ordonné, si besoin est, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié377. La Cour de cassation estime, par ailleurs, que « l’accord implicite de l’employeur à l’accomplissement d’heures supplémentaires suffit au salarié pour en obtenir le paiement »376. En matière disciplinaire, l’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. 374 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 septembre 2010, n° 08-45.522 375 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 24 novembre 2010, n°09-40.928 376 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du mardi 22 mars 2011, n°10-18821 Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes va former sa conviction. À nouveau, il peut ordonner, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Évidemment, si 377 Article L. 1235-1 du Code du travail 103 Guide CFE-CGC de la prud’homie un doute subsiste, il profitera une fois encore au salarié378. été ou ne le sera dans une situation comparable et pour un motif prohibé. C’est également le cas pour les conflits concernant les salariées enceintes379, le doute profitant tout naturellement toujours à ces salariées. L’employeur doit ici être particulièrement vigilant. Si un litige survient avec une salariée enceinte, il devra communiquer au juge tous les éléments justifiant sa décision, tout en démontrant que l’éventuelle sanction n’a aucun rapport avec la situation de grossesse de la salariée. La discrimination indirecte est une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence mais susceptible d’entraîner, pour des motifs discriminatoires, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés381. En matière de discrimination, la situation de grossesse faisant partie des critères de discrimination prévus par le Code du travail, s’agissant d’un candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou un salarié qui présente des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, les règles en matière de preuve suivent un régime spécifique. Attention à bien distinguer la discrimination, fondée sur un motif prohibé, de la rupture d’égalité : une différence de traitement entre salariés d’une même entreprise ne constituant pas, en ellemême, une discrimination illicite382. En effet, des différences de traitement peuvent être licites, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée383. Au vu des éléments présentés par la partie demanderesse s’estimant discriminée, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles380. La discrimination directe consiste à traiter une personne de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a 378 Article L. 1333-1 du Code du travail 379 Article L. 1225-3 du Code du travail 380 Article L. 1134-1 du Code du travail 104 La procédure concernant la preuve d’une discrimination est applicable en cas de harcèlement moral ou sexuel384. Parfois, la charge de la preuve incombe à l’employeur Il incombe à l’employeur, qui prétend avoir payé le salaire, de le prouver385. La délivrance de la feuille de paie et 381 Loi 2008-496 du 27 mai 2008 382 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 18 janvier 2006, n° 03-45.422 383 Article L. 1133-1 du Code du travail 384 Article L. 1154-1 du Code du travail 385 Article 1315 du Code civil Guide CFE-CGC de la prud’homie son acceptation sans protestation ni réserve ne suffisent pas. En effet, un chèque n’a valeur libératoire que s’il est effectivement encaissé. De plus, la charge de la preuve de l’existence d’une faute grave, privative de l’indemnité légale de licenciement, ou d’une faute lourde incombe à l’employeur386. C’est encore à l’employeur de prouver qu’un salarié est gréviste387. L’employeur doit aussi démontrer l’existence du terme et la date de rupture du CDD de remplacement388. b) La recevabilité de la preuve La nécessité pour les moyens de preuve de respecter le principe du contradictoire. Les modes de preuve utilisés doivent respecter le principe du contradictoire. La Cour de cassation a été amenée a considérer sur la base de ce principe et au visa de l’article 1315 du Code civil que le simple « silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait »389. Les moyens de preuves devant le Conseil des prud’hommes En matière prud’homale, la preuve est libre mais les éléments de preuve soumis au juge ne doivent pas avoir été obtenus 386 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 octobre 1998, n°96-43.413 387 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 6 février 2001, n°98-46.427 388 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 13 mai 2003, n°01-40.809 389 Arrêt de la 1e chambre civile de la Cour de cassation du 18 avril 2000, n°97-22.421 de manière frauduleuse ou déloyale. Si depuis 1998, la chambre sociale de la Cour de cassation estime qu’un salarié peut valablement produire devant le juge, pour assurer sa défense dans le procès prud’homal l’opposant à son employeur, les documents de l’entreprise dont il a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, la chambre criminelle a attendu deux arrêts du 11 mai 2004 pour privilégier les droits de la défense du salarié sur le droit de propriété de l’employeur. La Haute juridiction a ainsi décidé qu’un salarié poursuivi pour un délit de vol pour avoir photocopié des documents de l’entreprise puisse être relaxé dès lors que deux conditions sont remplies : • le salarié doit avoir eu connaissance de ces documents à l’occasion de l’exercice de ses fonctions au sein de l’entreprise ; • les documents appréhendés doivent être strictement nécessaires à la défense du salarié dans le litige l’opposant à son employeur. Récemment, la chambre criminelle a conforté sa position en considérant que le salarié qui, avisé du projet de son employeur de rompre son contrat de travail, appréhende des documents dont il a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, ne commet ni un vol, ni un abus de confiance, dès lors que la production de ces documents est strictement nécessaire à l’exercice de sa défense dans la procédure prud’homale 105 Guide CFE-CGC de la prud’homie qu’il a engagée peu après390. exemples de preuves licites et illicites : On distingue donc devant le conseil des prud’hommes les moyens de preuve classiques constitués de divers écrits (contrat de travail, bulletin de paie, correspondance…) des nouveaux moyens de preuve (enregistrements vidéo, audio, informatiques…). Ces derniers ne peuvent être utilisés comme moyen de preuve que lorsque l’employeur a préalablement averti ses salariés de la mise en place d’un moyen de surveillance. Parmi les modes de preuves licites, on trouve : Il y a les preuves incontestables ; ce sont des écrits non contestés par la partie adverse. Exemple : un original de lettre d’embauche, une attestation faite en la forme avec copie de la carte d’identité quand les faits rapportés ne sont pas contestés par une attestation en sens inverse émanant de l’employeur. Il y a les preuves simples ; ce sont celles que la partie adverse conteste, comme par exemple l’existence du contrat de travail. Certaines preuves sont dites « d’ordre public » ; le contrat à durée déterminée doit être écrit. On ne peut prétendre qu’un engagement oral était prévu pour une durée déterminée, il est réputé, de par la loi, d’une durée indéterminée. Certaines preuves sont illicites ; ce sont celles qui contreviennent à un principe fondamental du droit comme l’atteinte au droit à la vie personnelle. Pour illustrer ces propos, voici quelques 390 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 16 juin 2011, n° 10-85.079 106 • Les constats d’huissier, dès lors qu’ils se contentent de réaliser des constatations purement factuelles391. Ils ne nécessitent aucune information préalable du salarié. • Les relevés téléphoniques du poste du salarié ; • Les écoutes, dès lors qu’elles sont justifiées par la nécessité de se conformer aux directives boursières ; • Les procédés de surveillance de locaux dans lesquels les salariés ne travaillent pas392 ; • La simple surveillance par un supérieur hiérarchique393 ; • Les SMS394 (contrairement à l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, à l’insu de son auteur). Sont en revanche des modes de preuve illicites : • L’enregistrement d’images ou de paroles à l’insu des salariés ; • La mise en place d’un système de vidéosurveillance sans consultation du comité d’entreprise395 ; 391 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 19 janvier 2005, n°02-44.082 392 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 31 janvier 2001, n°98-44.290 393 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 26 avril 2006, n°04-43.582 394 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 23 mai 2007, n°06-43.209 395 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 7 juin 2006, n°04-43.866 Guide CFE-CGC de la prud’homie • L’organisation d’une filature par l’employeur, cette dernière portant atteinte à la vie privée du salarié396. Un focus sur l’aveu judiciaire L’aveu judiciaire est défini par l’alinéa premier de l’article 1356 du Code civil comme « la déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial » (son avocat en règle générale). L’aveu judiciaire est chose courante devant les tribunaux et mérite donc que l’on s’y arrête quelque peu, et ce pour au moins deux raisons. D’une part, la première raison est la force probante de l’aveu judiciaire, le même article précisant que l’aveu judiciaire fait pleine foi contre celui qui l’a fait, ce dernier ne pouvant être divisé contre lui. Il ne peut être révoqué à moins qu’on ne prouve qu’il a été la suite d’une erreur de fait. Il ne peut être révoqué sous prétexte d’une erreur de droit.397 D’autre part, ce mode de preuve est assez prisé devant la juridiction prud’homale en raison de l’absence de formalisme, l’aveu judiciaire pouvant être écrit ou oral. Il peut émaner des parties ou de leurs représentants. Il peut être reconnu devant toutes les juridictions et à toutes les étapes de la procédure. La procédure orale se prête d’ailleurs particulièrement bien à la production d’aveux judiciaires, les déclarations 396 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 26 novembre 2002, n°00-42.401 397 Article 1356 du Code civil pouvant être retenues à ce titre398, sans qu’il soit besoin de les confirmer par écrit399. Lorsque les conseillers prud’homaux demandent au greffier d’audience de noter les propos des parties sur des faits conditionnant la solution du litige, ils procèdent ainsi à l’enregistrement d’un aveu judiciaire. Lorsque les parties formulent leurs prétentions et moyens par écrit, le juge peut, avec leur accord, prévoir qu’elles seront réputées avoir abandonné les prétentions et moyens non repris dans leurs dernières écritures communiquées400. Cela signifie que si les parties sont d’accord, seuls les arguments invoqués dans les dernières conclusions des parties peuvent être utilisés lors du procès. En effet, depuis le décret du 1er octobre 2010, l’alinéa 2 de l’article 446-2 du Code de procédure civile prévoit que « lorsque les parties formulent leurs prétentions et moyens par écrit, le juge peut, avec leur accord, prévoir qu’elles seront réputées avoir abandonné les moyens et prétentions non repris dans leurs dernières écritures communiquées ». Pour autant même si une déclaration pouvant valoir aveu n’est pas reprise dans des conclusions ultérieures, elle 398 Arrêt de la 1e chambre civile de la Cour de cassation du 3 février 1993, n°91-12.714 399 Arrêt de la 1e chambre civile de la Cour de cassation du 29 avril 2004, n°02-20.249 400 Article 446-2 du Code de procédure civile 107 Guide CFE-CGC de la prud’homie est quand même maintenue401. Les parties pourront donc reprendre l’aveu de la partie adverse dans leurs propres conclusions ou se référer aux déclarations actées par le greffier de la juridiction et figurant au dossier. Enfin, la Cour de cassation est venue rappeler des règles importantes concernant l’aveu judiciaire au mois de mars 2011. Dans un premier arrêt, la Haute juridiction a rappelé que l’aveu était un moyen de preuve, et qu’il ne pouvait porter que sur des faits et non sur une règle juridique, dont l’interprétation est réservée au juge402. Cette décision se place sur le terrain du « pur droit » ce qui démontre que certaines données, qui peuvent sembler factuelles, comme les dates d’envoi ou de réception d’une lettre, ont une portée juridique si elles sont prévues dans des textes légaux ou conventionnels. Elles ne peuvent donc pas faire l’objet d’un aveu mais sont soumises à l’interprétation du juge. La Haute juridiction, dans un autre arrêt du mois de mars 2011, a précisé que la seule mention figurant dans les motifs du jugement, selon laquelle « le salarié reconnaît et ne conteste plus les faits », ne pouvait valoir aveu judiciaire403 alors qu’aucune note d’audience contenant les déclarations précises qui avaient été faites par le salarié devant le bureau de jugement n’était produite. 401 Arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 20 mai 2003, n° 00-18.295 402 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 30 mars 2011, 09-41.583 403 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 22 mars 2011, 09-72.323 108 Un aveu oral n’existe que s’il est retranscrit par le greffe dans le plumitif. Cet aveu pourra alors être considéré comme un aveu judiciaire. Il convient donc d’être particulièrement vigilant et de faire transcrire soigneusement les dires des parties par le greffier. Cette décision s’explique par la force probatoire de l’aveu, ce dernier pouvant entraîner une dispense de preuve écrite pour la partie adverse404. C’est cette même force juridique qui justifie que l’aveu exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques405. L’audience de conciliation est, par exemple, découpée en plusieurs étapes, seule la dernière phase pouvant donner lieu à un aveu judiciaire de la part de l’une des parties : • Le bureau de conciliation entend les explications des parties. Les conseillers prennent connaissance des faits, pour pouvoir informer les parties sur l’étendue de leurs droits. Il n’est pas possible à ce niveau de transcrire les déclarations des parties. 404 Arrêt de la 1e chambre civile de la Cour de cassation du 15 juin 2004, n° 02-10.700 405 Arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation 11 février 1998, n° 96-19.106 Guide CFE-CGC de la prud’homie • Le bureau de conciliation essaie de concilier les parties. Cette étape est confidentielle. Lors de cette phase d’écoute, le greffier ne prend pas de notes. • À défaut de conciliation totale, les prétentions qui restent contestées et les déclarations faites par les parties sur ces prétentions sont notées au dossier ou au procès-verbal par le greffier sous le contrôle du président406. C’est seulement à partir de cette étape que des déclarations peuvent être actées et retenues comme aveu judiciaire. La distinction entre l’aveu judiciaire et l’acquiescement Attention à bien distinguer l’aveu l’acquiescement à la demande : dernier acte judiciaire, exprès ou plicite407, émane nécessairement défendeur. de ce imdu L’acquiescement emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l’adversaire et renonciation à l’action et n’est admis que lorsque l’acquiesçant a la libre disposition de ses droits408. Les parties ont la libre disposition de leurs droits lorsque la règle en cause n’est pas d’ordre public. En cas d’acquiescement, les déclarations du défendeur peuvent être retenues contre lui à condition de ne pas être équivoques. 406 Article R1454-10 du Code du travail 407 Article 410 du Code de procédure civile 408 Article 408 du Code de procédure civile 5.Les mesures d’instructions Tout intéressé, ayant un motif légitime pour ce faire, peut demander, avant tout procès, une mesure d’instruction visant à conserver ou établir la preuve de faits dont pourrait dépendre l’issue du litige409. Entre l’audience de conciliation et l’audience de jugement, le demandeur constitue son dossier de plaidoirie. S’il ne dispose pas de tous les éléments de preuve à l’appui de ses prétentions et qu’il souhaite que l’affaire puisse quand même être examinée à la date retenue, il a la possibilité de saisir la formation de référé pour obtenir une mesure d’instruction en vue d’établir la preuve des faits pour l’audience de jugement. Attention, une mesure d’instruction ne peut pas suppléer la carence des parties. Par ailleurs, le juge doit choisir la mesure qui est suffisante pour la solution du litige, la plus simple et la moins onéreuse410. Le recours aux conseillers rapporteurs est donc recommandé. Le juge peut exécuter lui-même la mesure d’instruction ou en demander l’exécution sous son contrôle411. 409 Article 145 du Code de procédure civile 410 Article 147 du code de procédure civile 411 Article 155 du code de procédure civile 109 Guide CFE-CGC de la prud’homie Sauf exceptions, la décision qui ordonne ou modifie une mesure d’instruction n’est pas susceptible d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond. Ce sont donc les conseillers rapporteurs qui sont ici en charge de recueillir les informations (cf. Partie I, B.). Les faits peuvent faire l’objet de vérifications personnelles du juge, de la comparution personnelle des parties, de déclaration de tiers et de recours à un expert412. La comparution personnelle est obligatoire à toutes les étapes de l’instance prud’homale414. a) Les vérifications personnelles du juge Le juge peut, afin de les vérifier lui-même, prendre en toute matière une connaissance personnelle des faits litigieux. Il procède aux constatations, évaluations, appréciations ou reconstitutions qu’il estime nécessaires, en se transportant si besoin est sur les lieux413. Attention, en matière prud’homale, il y a quelques spécificités. En effet, les articles R. 1454-1 et suivants du Code du travail relatifs à la mise en l’état de l’affaire devant le conseil des prud’hommes précisent les règles propres à cette juridiction notamment par la nomination de conseillers rapporteurs. Ainsi, afin de mettre l’affaire en état d’être jugée, le bureau de conciliation ou le bureau de jugement peut, par une décision non susceptible de recours, désigner un ou deux conseillers rapporteurs en vue de réunir sur cette affaire les éléments d’information nécessaires au conseil de prud’hommes pour statuer. 412 Article 143 du Code de procédure civile 413 Article 179 du Code de procédure civile 110 b) La comparution personnelle Si le justiciable est absent et qu’il a un motif légitime, les conseillers peuvent renvoyer l’affaire à une date ultérieure s’ils souhaitent l’entendre. Ils peuvent aussi l’obliger à comparaître415. De plus, si le justiciable est présent, le président peut lui poser directement des questions416. c) Les attestations des tiers Les attestations des tiers peuvent être écrites ou orales. En principe, les tiers sont entendus à l’audience. Néanmoins des déclarations écrites sont aussi possibles417. Ces témoignages doivent remplir les conditions suivantes418 : • L'attestation contient la narration des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés. • Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que 414 415 416 417 418 Article R. 1453-1 du Code du travail Article 184 du Code de procédure civile Article 20 du Code de procédure civile Article 201 du code de procédure civile Article 202 du code de procédure civile Guide CFE-CGC de la prud’homie son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles. • Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. • L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature. Cependant, même si ces conditions ne sont pas toutes respectées, les juges peuvent tout de même retenir ces attestations, c’est à la discrétion du juge. Il faut noter que le conseil de prud’hommes apprécie souverainement la valeur et la portée des attestations des témoins. En revanche, le conseil de prud’hommes ne peut pas dénaturer les termes clairs et précis d’un constat d’huissier. Vous trouverez en annexe et en téléchargement sur l’intranet confédéral (rubriques : « Analyses et arguments » puis « Prud’hommes ») un modèle d’attestation des témoins (annexe 2 p 145). d) L’enquête L’enquête permet au juge d’entendre des témoins, à la demande d’une des parties419 ou d’office, c’est-à-dire de sa propre initiative, sans demande des parties. Il incombe à la partie qui demande une enquête d’indiquer les nom, prénoms et demeure des personnes dont elle sollicite l’audition. La même charge incombe aux adversaires qui demandent l’audition de témoins sur les faits dont la partie prétend rapporter la preuve. La décision qui prescrit l’enquête énonce les nom, prénoms et demeure des personnes à entendre420. Le juge est libre d’accepter ou de refuser d’auditionner un témoin. Toute personne peut être entendue comme témoin, sauf si elle est frappée d’une incapacité de témoigner en justice. Ces personnes peuvent néanmoins être entendues mais sans prêter serment421. La loi prévoit que certaines personnes sont obligées de témoigner422. Ainsi, le juge peut convoquer ou entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile à la manifestation de la vérité423. De plus, ceux qui ont vu écrire ou signer l’écrit contesté ou dont l’audition paraît utile 419 420 421 422 Article 223 du Code de procédure civile Article 223 du Code de procédure civile Article 205 du Code de procédure civile Article 206 du Code de procédure civile : « est tenu de déposer quiconque en est légalement requis. » 423 Article 218 du Code de procédure civile 111 Guide CFE-CGC de la prud’homie à la manifestation de la vérité peuvent être entendus comme témoins424. En revanche, les parents ou alliés en ligne directe de l’une des parties ou le conjoint d’une des parties425 peuvent légitimement refuser de témoigner. Les témoins sont convoqués par le greffe au moins huit jours avant la date de l’enquête426. La convocation est envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception et par lettre simple. Les convocations mentionnent les nom et prénoms des parties et reproduisent les dispositions suivantes : « Les témoins défaillants peuvent être cités à leurs frais si leur audition est jugée nécessaire427 » . Les témoins défaillants et ceux qui, sans motif légitime, refusent de déposer ou de prêter serment peuvent être condamnés à une amende civile d'un maximum de 3 000 euros (montant fixé pour 2011)428. Les parties sont avisées de la date de l’enquête verbalement ou par lettre simple429. Lors de l’audience, le président demande au témoin de dire son nom, ses prénoms, ses date et lieu de naissance, son domicile, sa profession, s’il est parent ou allié de l’une ou l’autre des parties, s’il a un lien quelconque 424 425 426 427 428 Article 293 du Code de procédure civile Article 206 du Code de procédure civile Article 228 du Code de procédure civile Article 207 du Code de rocédure civile Articles 229 et 207 du Code de procédure civile 429 Article 230 du Code de procédure civile 112 de collaboration ou de communauté d’intérêts avec l’une ou l’autre des parties430. Le président lui demande ensuite de prêter serment comme suit : « Vous jurez de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, veuillez levez la main droite et déclarer –je le jure ». Ensuite, le président indique au témoin qu’il encourt des sanctions pénales en cas de faux témoignage et l’invite à déposer431. Le juge peut confronter des témoins entre eux432. Les témoins ne peuvent pas lire de notes433 et les parties ne doivent ni l’interrompre, ni l’interpeller, ni chercher à l’influencer434. Le greffier prend des notes. À la fin de la déposition, le président demande au témoin de signer la déposition. Si un témoin qui a été appelé à témoigner ne comparaît pas, il peut avoir à payer les frais de la seconde citation à comparaître qui lui sera envoyée ainsi qu’une amende civile435. 430 431 432 433 434 435 Article Article Article Article Article Article 210 211 215 212 214 207 du du du du du du Code de procédure civile Code de procédure civile Code de procédure civile Code de procédure civile code de procédure civile Code de procédure civile Guide CFE-CGC de la prud’homie Le juge autorise le témoin, sur sa demande, à percevoir les indemnités auxquelles il peut prétendre436. e) La commission rogatoire Une commission rogatoire, dans un procès civil ou commercial, est une délégation de pouvoir utilisée lorsque dans le cadre de la mise en état, le juge estime qu’il est nécessaire d’ordonner une mesure d’instruction en dehors du siège de la juridiction. C’est une délégation de pouvoir par laquelle un juge charge un autre juge de rechercher, par exemple, des preuves dans une affaire déterminée. Elle est notamment utilisée, lorsque l’éloignement des parties ou des personnes qui doivent apporter leur concours à la justice, ou l’éloignement des lieux, rend le déplacement trop difficile ou trop onéreux. Le juge peut alors, à la demande des parties ou d’office, saisir la juridiction de degré égal ou inférieur qui lui paraît la mieux placée sur le territoire de la République, afin de procéder à tous les actes judiciaires qu’il estime nécessaires437. Des commissions rogatoires peuvent être envoyées à un juge étranger, soit en exécution d’une convention internationale, soit en vertu d’un traité de coopération judiciaire, soit en utilisant la voie diplomatique. La consultation et la constatation Les conseillers prud’homaux peuvent demander à une personne de leur four436 Article 221 du Code de procédure civile 437 Article 730 du Code de procédure civile nir une consultation sur une question purement technique, qui ne requiert pas d’investigations complexes438. Ils peuvent aussi demander à une personne de réaliser une constatation439. La décision de faire appel à un technicien est notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception aux parties et au technicien consultés. Ce dernier doit indiquer dans les plus brefs délais s’il accepte le travail. Dès qu’il accepte, les parties doivent consigner entre ses mains la provision à valoir sur sa rémunération. f) L’expertise Lorsqu’une consultation ou une constatation ne seraient pas suffisantes, le bureau de conciliation, le bureau de jugement ou les conseillers rapporteurs peuvent demander une expertise. L’expertise est notifiée par lettre recommandée avec accusé réception aux parties et à l’expert. Les juges peuvent par exemple demander le concours d’un expertcomptable. Ce dernier doit indiquer dans les plus brefs délais s’il accepte le travail. 438 Article 256 du Code de procédure civile 439 Article 249 du Code de procédure civile 113 Guide CFE-CGC de la prud’homie La provision sur sa rémunération est consignée, par la ou les partie(s) désignée(s) par le juge, au greffe du conseil de prud’hommes. Sa rémunération est fixée par le président de la formation qui a ordonné l’expertise. Attention : l’expert ne peut pas être chargé de vérifier les droits des parties car il éclaire le juge sur une question de fait. Le juge doit respecter le principe du contradictoire et convoquer les parties440. L’expert doit notifier son rapport à chacune des parties avant de le déposer au greffe du conseil des prud’hommes dans le délai imparti. Les parties doivent lui remettre tous les documents dont il a besoin. L’expert doit remplir lui-même sa mission mais il peut solliciter l’avis d’un autre technicien disposant d’un matériel spécifique441. Une décision ordonnant l’expertise peut être frappée d’appel si le premier président de la Cour d’appel l’autorise442. 6.L’absence des parties • soit renvoyer l’affaire audience ultérieure ; à une • soit déclarer la citation caduque443. Si le défendeur ne comparaît pas, le bureau de jugement statue sur le fond444. Il est convoqué à une prochaine audience du bureau de jugement par lettre recommandée445. Si le jugement est rendu en dernier ressort et que la citation n’a été délivrée à personne (c’est-à-dire que le défendeur n’a pas été convoqué devant le bureau de jugement par émargement au procèsverbal de l’audience de conciliation), le jugement est rendu par défaut et peut faire l’objet d’une opposition446. Si aucune des parties n’accomplit les actes de la procédure dans les délais requis, le juge peut, d’office, radier l’affaire par une décision non susceptible de recours, après un dernier avis adressé aux parties elles-mêmes et à leur mandataire si elles en ont un447. 7.Le rôle du président d’audience Les présidents de section et de chambre président les audiences. Si le demandeur ne comparaît pas, sans motif légitime, le bureau de jugement peut : • soit statuer sur le fond à l’initiative du défendeur ; 440 Arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 18 juin 1997, n°95-20.959 441 Arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 16 mai 2002, n°00-20.050 442 Article 272 du code de procédure civile 114 443 444 445 446 Article 468 du Code de procédure civile Article R. 1454-20 du Code du travail Article R. 1454-20 du Code du travail Articles 473 et 476 du Code de procédure civile 447 Article 470 du Code de procédure civile Guide CFE-CGC de la prud’homie Il est vivement conseillé, lors des assemblées générales annuelles, de prévoir des remplaçants aux présidents de section et de chambre. En effet, si aucun remplaçant n’a été désigné à cette occasion et que le président veut se faire remplacer en tant que président d’audience, l’accord du président et du vice-président du conseil de prud’hommes sera nécessaire. Le président d’audience est responsable des dossiers judiciaires. Il doit arriver suffisamment tôt avant l’audience pour s’assurer qu’il n’y a pas de difficultés particulières (demande de report de renvoi, demande de sursis à statuer…). Le président dirige les débats. Il fixe l’ordre d’examen des affaires et peut modifier ce qui a été prévu sur le rôle, s’il estime que la justification des parties est légitime. Il vérifie la qualité, l’identité des parties et de leurs représentants, le pouvoir des représentants et l’existence d’un motif légitime d’absence lorsque les parties ne comparaissent pas. Le président d’audience n’est pas obligé de redonner la parole au demandeur suite à l’intervention du défendeur mais doit laisser le défendeur intervenir en dernier lieu. Le président d’audience est chargé du maintien de l’ordre public pendant l’audience. Tout ce qu’il décide doit être immédiatement exécuté448. Généralement les troubles à l’ordre public sont liés aux contestations émises à l’occasion de la plaidoirie adverse ou d’une remarque d’un conseiller prud’hommes. Les personnes présentes à l’audience doivent conserver une attitude digne et le respect dû à la justice. Toute prise de parole, sans y avoir été invité, signe d’approbation ou de désapprobation ou désordre est à proscrire449. L’utilisation d’un appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdite et le matériel peut être confisqué. Lorsqu’une personne trouble la tenue de l’audience le président peut lui enjoindre de cesser ses agissements, décréter une suspension d’audience et/ou faire noter l’incident au registre d’audience (aussi appelé plumitif) aux fins de poursuites pénales ultérieures ou encore faire expulser le fauteur de trouble par la force publique. 8.Le pénal tient le civil en l’état En principe, le conseil de prud’hommes doit attendre que la justice pénale ait statué sur des plaintes concernant le litige prud’homal avant de prendre sa propre décision450 . 448 Article 438 du Code de procédure civile 449 Article 439 du Code de procédure civile 450 Article 4 du Code de procédure pénale 115 Guide CFE-CGC de la prud’homie Si l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique, il est toutefois sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement. La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil. L’action civile dont il est question ici, exercée parallèlement à l’action publique devant une juridiction pénale, est celle exercée contre l’auteur (ou le complice) présumé de l’infraction, visant à obtenir la réparation des dommages causés par les faits pénalement répréhensibles. Le juge civil ne peux condamner l’auteur présumé de l’infraction à payer des dommages-intérêts au demandeur que s’il a été reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés par une décision pénale définitive. Il doit donc attendre que le juge pénal ait prononcé sa décision avant de statuer. La CFE-CGC attire votre attention sur le fait que ce principe doit se limiter aux cas où un lien fort existe entre les deux instances et dans lesquels la décision au civil est dépendante de celle de la juridiction pénale. Attention : Le conseil de prud’hommes n’a plus à attendre la décision du juge pénal sur l’infraction invoquée pour apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement disciplinaire. Il peut choisir de statuer ou d’attendre que la juridiction pénale se soit prononcée*. De plus, si cette exception est soulevée devant le bureau de conciliation, elle ne produit aucun effet. Devant le bureau de jugement, elle doit être exposée avant de plaider. La CFE-CGC met à votre disposition un modèle de sursis à statuer en annexe 6 p 149, directement téléchargeable sur l'intranet confédéral… ----------------------------------------------------- * Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 17 septembre 2008, n°07-43.211 116 Guide CFE-CGC de la prud’homie Seule l’action civile exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction451 est obligatoirement suspendue, dans l’attente de la décision pénale452. Dans les autres cas, le droit commun s’applique et c’est le juge civil qui détermine la nécessité et la durée du sursis à statuer453. L’obligation pour le conseil de prud’hommes de surseoir à statuer, dans l’attente de la décision sur l’action publique, ne vaut que si les deux instances concernent les mêmes faits et que l’action publique est engagée devant le tribunal compétent. Le sursis ne vaut que pour les demandes qui découlent de la qualification pénale. Dès lors que le juge prud’homal estime que la procédure pénale n’aura aucune influence sur le litige prud’homal ou qu’elle constitue une manœuvre dilatoire, il peut refuser de surseoir à statuer. Lorsque le conseil de prud’hommes sursoit à statuer, s’il y a condamnation pénale, le conseil de prud’hommes est lié par cette condamnation. En revanche, s’il y a relaxe, non lieu ou acquittement, le juge prud’homal est libre de prendre la décision qu’il estime opportune. 9.Le délibéré La mise en délibéré Après l’audition des parties, les débats sont clos et le conseil des prud’hommes doit délibérer. En théorie, la décision peut être prononcée sur le siège, c’est-à-dire immédiatement. Mais, elle est le plus souvent mise en délibéré et rendue postérieurement à l’audience. La mise en délibéré est préférable dès lors qu’elle permet aux conseillers d’analyser le dossier avec recul et de prendre leur décision en toute connaissance de cause. Si le président décide de renvoyer le prononcé du jugement à une date ultérieure, il est tenu d’en informer les parties par tous moyens. Cette information doit expliquer les raisons de la prorogation ainsi que la date à laquelle la décision sera rendue454. Les quatre conseillers devant lesquels l’affaire a été débattue se retrouvent donc pour prendre une décision sur l’affaire. Ils sont tenus d’en délibérer. 451 Article 3 du Code de procédure pénale 452 Dernier alinéa de l’article 4 du Code de procédure pénale 453 Articles 378 et 379 du Code de procédure civile 454 Article 450 du Code de procédure civile 117 Guide CFE-CGC de la prud’homie • définitif, lorsque la juridiction statue sur le fond du litige459 ; La feuille de délibéré doit être remplie soigneusement. Elle comprend les moyens et les textes juridiques et jurisprudentiels retenus ainsi que la décision détaillée ligne par ligne. Le principe du secret des délibérations est fondamental455. Ainsi, la feuille de délibéré ne précisera que la décision prise et restera silencieuse sur le déroulement des discussions et les positions respectives des conseillers. Les décisions du bureau de jugement sont prises à la majorité absolue des voies. Si la majorité n’est pas atteinte, le juge départiteur devra trancher456 (cf. I) A) 2)). Le prononcé du jugement Le jugement est prononcé en audience publique. Il doit respecter les dispositions du Code de procédure civile457. Il peut être : • avant dire droit, lorsque le conseil des prud’hommes ordonne une mesure d’instruction, sans statuer sur le fond, le jugement n’étant alors pas susceptible d’appel, sauf en matière d’expertise458 ; 455 Article D. 1442-13 du Code du travail 456 Article R. 1454-23 du Code du travail 457 Articles 450 et suivants du Code de procédure civile 458 Articles 27, 482 et 483 du Code de procédure civile 118 • prononcé par défaut contre le défendeur qui n’a pas comparu ou ne s’est pas fait régulièrement représenter devant le bureau de jugement. Le jugement doit exposer les prétentions des parties et être motivé460. La notification du jugement aux parties Les décisions du conseil de prud’hommes sont notifiées aux parties ; elles sont envoyées par lettre recommandée avec accusé réception aux parties par le greffe du conseil de prud’hommes du lieu de leur domicile. Les parties peuvent faire signifier les jugements par huissier461. La notification du jugement est indispensable pour pouvoir exiger l’exécution du jugement et fait courir les délais de recours. L’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende 459 Articles 480 et 481 du Code de procédure civile 460 Article 455 du Code de procédure civile 461 Article R. 1454-26 du Code du travail Guide CFE-CGC de la prud’homie civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie. Lorsque le recours peut être formé sans le ministère d’un avocat et est assujetti à l’acquittement de la contribution pour l’aide juridique, l’acte de notification rappelle cette exigence, ainsi que l’irrecevabilité encourue en cas de non-respect et les modalités selon lesquelles la partie non représentée doit justifier de cet acquittement462. En cas de changement survenu dans la composition de la juridiction, il y a lieu de reprendre les débats. Cette situation se présente notamment en cas de survenance de faits nouveaux ou d’apparition de pièces nouvelles. E.Quelles sont les décisions du conseil de prud’hommes ? 1.Les différentes décisions judiciaires Le cas de réouverture des débats Lorsque le président du bureau de jugement estime que les juges ont suffisamment d’éléments pour statuer, il prononce la clôture des débats. Aucune pièce ou argument nouveau ne peut être présenté. Cependant, il existe une exception463 : Le président doit ordonner la réouverture des débats chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés. a) Les procès-verbaux Les procès-verbaux permettent de constater une situation ou d’acter les dires des parties. Il s’agit notamment : • du procès-verbal de conciliation totale ou partielle ; • du procès verbal de liation ; • du procès-verbal témoin ; non-conci- d’audition de • du procès-verbal contenant le rapport des conseillers rapporteurs. La CFE-CGC met à votre disposition un modèle de procès-verbal, directement téléchargeable sur l’intranet confédéral (rubriques : « Analyses et arguments » puis « Prud’hommes ») … 462 Article 680 du Code de procédure civile 463 Article 444 du Code de procédure civile 119 Guide CFE-CGC de la prud’homie b) Les ordonnances Les différentes ordonnances émanent principalement : Les jugements doivent préciser les faits et prétentions des parties466. • du bureau de conciliation464 ; • de la formation de référé ; • du président de la juridiction désignant la section compétente ou affectant provisoirement un conseiller dans une autre section. Les ordonnances du bureau de conciliation et de la formation de référé doivent être motivées. c) Les jugements Certaines mentions doivent impérativement figurer dans les jugements465 : • la juridiction dont il émane ; Les jugements doivent impérativement être motivés en référence à une règle de droit. • la date ; Le juge ne peut pas statuer en des termes injurieux manifestement incompatibles avec l’exigence d’impartialité467. • le nom du représentant du ministère public s’il a assisté aux débats ; 2.L’exécution des décisions judiciaires • le nom des juges qui ont délibéré ; • le nom du greffier ; • les nom, prénoms ou dénomination des parties ainsi que de leur domicile ou siège social ; • le cas échéant, le nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties ; • en matière gracieuse, le nom des personnes auxquelles il doit être notifié ; • la signature du président et du greffier. 464 Article R 1454-14 du Code du travail 465 Articles 454 et 456 du Code de procédure civile 120 La CFE-CGC vous recommande pour plus de clarté et de compréhension de faire référence aux conclusions visées par les parties en application de l’article 455 du Code de procédure civile, ce qui évite de recopier leurs conclusions. Pour être exécutoires, les décisions judiciaires doivent remplir certaines conditions : • il faut que le document soit revêtu de la formule exécutoire, sauf si la loi en dispose autrement468 ; • sauf exécution volontaire, la décision doit être notifiée à la partie débitrice469 ; 466 Article 455 du Code de procédure civile 467 Arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 14 septembre 2006, n°0420.524 468 Article 502 du Code de procédure civile 469 Article 503 du Code de procédure civile Guide CFE-CGC de la prud’homie • pour les jugements, ils doivent avoir force de chose jugée, c’est-à-dire ne pas être susceptibles d’un recours suspensif d’exécution. Seul l’appel et l’opposition ont un effet suspensif ; • attention en ce qui concerne l’ordonnance de référé, elle est exécutoire à titre provisoire ; • l’ordonnance du bureau de conciliation470, quant à elle, est toujours provisoire et n’a pas autorité de la chose jugée au principal ; • il en va de même des décisions des conseillers rapporteurs, à la différence près qu’elles sont exécutoires. a) Les modalités d’exécution des décisions judiciaires L’exécution volontaire ou forcée L’exécution du jugement peut être volontaire ou forcée. Si la partie condamnée décide d’exécuter volontairement la décision rendue, parfois même avant la notification du jugement, elle évite d’avoir à payer les frais de poursuite. Trois conditions doivent être réunies pour recourir à l’exécution forcée d’un jugement : • le jugement doit avoir été notifié ou signifié par huissier ; • la partie gagnante doit remettre à l’huissier une copie certifiée revêtue de la formule exécutoire ; • le jugement ne doit être susceptible d’aucun recours suspensif471. 470 Article R. 1454-14 du Code du travail 471 Articles 500 et suivants du Code de procédure civile Les difficultés d’exécution relèvent du tribunal de grande instance, voire du président de ce tribunal statuant en référé472. La partie qui veut obtenir l’exécution forcée de la décision doit remettre à l’huissier territorialement compétent une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire et un certificat de non recours ou de notification. L’exécution provisoire L’exécution provisoire permet à la partie gagnante d’obtenir l’exécution immédiate du jugement dès sa notification, sans attendre l’expiration des délais de recours. -- L’exécution provisoire de plein droit Les ordonnances de référé et les décisions qui prescrivent des mesures provisoires ou conservatoires sont provisoirement exécutoires de plein droit473. Le même régime s’applique à d’autres décisions prises par la juridiction prud’homale474. -- L’exécution provisoire facultative Lorsque l’exécution provisoire est facultative, elle peut être ordonnée d’office par le conseil de prud’hommes ou à la demande de l’une des parties475. Elle doit être motivée. 472 Article R. 1454-27 du Code du travail 473 Article 514 du Code de procédure civile 474 Celles prises en application des articles R. 1454-14, R. 1454-15, R. 1454-16, R. 1454-28, R. 1454-6 et R. 1245-1 du Code du travail 475 Article 515 du Code de procédure civile 121 Guide CFE-CGC de la prud’homie -- Les dispositions communes à l’exécution provisoire de droit et facultative Le montant de l’astreinte civile est librement fixé par le juge. Une exécution provisoire, une fois ordonnée, ne peut être arrêtée que par le premier président de la Cour d’appel qui statue en référé pour l’interdire dans deux cas seulement : soit si elle est interdite par la loi, soit lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives476. Si le débiteur n’exécute pas le jugement, le président du tribunal de grande instance, juge de l’exécution, liquide l’astreinte civile480 c’est-à-dire qu’il en détermine le montant avant de procéder au règlement. Attention : le danger avec une exécution provisoire, est qu’elle peut être remise en cause par une décision ultérieure. Le risque est donc que la partie qui a demandé cette exécution provisoire doive, si le juge ne confirme pas celle-ci, remettre les choses en l’état où elles étaient avant l’exécution de cette exécution provisoire et donc à réparer le dommage subi par le débiteur de l’exécution477. Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être suspendue, en cas d’appel, par le premier président de la Cour d’appel statuant en référé, que si elle constitue une violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 du Code de procédure civile ou qu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives481. L’astreinte civile L’astreinte civile est une mesure de contrainte, que le juge peut décider de mettre en place, afin d’assurer l’exécution des décisions de justice478. L’astreinte civile correspond à une condamnation à payer une somme d’argent à raison d’une certaine somme par jour (ou semaine ou mois) de retard. Elle est prononcée par le juge du fond ou le juge des référés, contre un débiteur récalcitrant, en vue de l’amener à exécuter son obligation479. 476 Article 524 du Code de procédure civile 477 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 octobre 1981, n°79-42.537 478 Article 33 de la loi du 9 juillet 1991, n° 91-650 479 Lexique Dalloz « Termes juridiques » 10e édition 122 b) La suspension de l’exécution Des pouvoirs identiques appartiennent au juge qui a rendu la décision, en cas d’opposition. c) L’extinction de l’instance L’extinction de l’instance peut être causée par plusieurs phénomènes. L’acquiescement à la demande L’acquiescement à la demande correspond à la reconnaissance volontaire, expresse ou tacite, par le défendeur de l’exactitude des prétentions du demandeur482. Cet acquiescement doit toujours être certain, même s’il peut être implicite. 480 Article 35 de la loi du 9 juillet 1991, n° 91-650 481 Article 524 du Code de procédure civile 482 Article 408 du code de procédure civile Guide CFE-CGC de la prud’homie L’acquiescement au jugement L’acquiescement au jugement est la renonciation à exercer une voie de recours483. Le désistement d’instance Le désistement d’instance correspond à l’abandon par le demandeur de l’instance engagée ou de l’action, c’est-àdire de son droit d’agir en justice. Il permet au demandeur de renoncer à sa demande en vue de mettre fin à l’instance, avec l’accord du défendeur, ce qui entraîne extinction de l’instance mais pas renonciation à l’action484. Le désistement d’instance prive la juridiction saisie de tout pouvoir juridictionnel485. La péremption d’instance La péremption d’instance intervient lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant deux ans, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction486. La péremption peut être demandée par l’une des parties et elle est alors de droit. En revanche, elle ne peut pas être relevée d’office par le juge487. La Cour de cassation a donné quelques précisions sur cette question en décidant que « le délai de péremption ne pouvait commencer à courir à compter 483 Article 410 du Code de procédure civile 484 Articles 394 et suivants du Code de procédure civile 485 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 3 mars 2010, n°09-40.283 486 Article R. 1452-8 du Code du travail 487 Articles 387 et 388 du Code de procédure civile de l'appel mais seulement à compter de la date impartie pour la réalisation de diligences, que les diligences prescrites par le greffe n'émanaient pas de la juridiction et qu'une décision de radiation, qui n'a pour conséquence que le retrait de l'affaire du rang des affaires en cours, ne met expressément à la charge des parties aucune diligence (…) 488. L'instance s'éteint évidemment par le prononcé du jugement. Deux cas particuliers méritent d'être mentionnés : La caducité La caducité est encourue lorsque le demandeur ne comparaît pas, sans avoir justifié d’un motif légitime, en temps utile. Il s’agit d’une simple possibilité. Dans le cas où le bureau de jugement déclare la citation caduque, la demande peut être renouvelée une fois. Elle est alors portée directement devant le bureau de jugement*. La résiliation judiciaire et la prise d'actes Pour des raisons pratiques ces modes de rupture du contrat méritent un développement particulier que vous trouverez sur l'intranet (rubriques : « Analyses et arguments » puis « Prud’hommes »). ----------------------------------------------------------------------* Article R. 1454-21 du Code du travail 488 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 octobre 1998, n°96-44.066 123 Guide CFE-CGC de la prud’homie 3.Les recours contre les jugements des conseillers prud’homaux Lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir489. a) L’appel490 Quand peut-on faire appel ? Ce recours permet de faire réformer ou annuler, par une Cour d’appel, le jugement rendu par le conseil de prud’hommes. Le jugement prud’homal mis en cause doit être définitif. L’appel est une voie ordinaire de recours Le délai dont dispose la partie qui souhaite interjeter appel est d’un mois. En revanche, des délais spécifiques sont prévus en matière de référé. Il est ainsi de quinze jours en matière de référé491. Le délai court à compter de la notification du jugement, à compter de la réception de cette notification par la partie désirant interjeter appel. Par exception, le premier président de la Cour d’appel peut autoriser l’appel d’une décision non définitive, s’il y a un motif grave et légitime, dans trois cas : 124 • s’il a affaire à un jugement ordonnant une expertise ; • s’il a affaire à un jugement prononçant un sursis à statuer. Le taux de compétence est de 4 000 euros (en 2011), ce qui signifie que seuls les jugements des prud’hommes dont la valeur totale des demandes est supérieure à ce montant peuvent faire l’objet d’un appel492. Le jugement en dernier ressort n’est pas susceptible d’appel. Il s’agit des situations dans lesquelles : • soit lorsque la valeur totale des prétentions d’aucune des parties ne dépasse le taux de compétence fixé par décret (4 000 euros en 2011) ; • soit lorsque la demande tend à la remise de documents que l’employeur est tenu de délivrer au salarié493. Quelle est la procédure en appel ? Seules les parties au procès en première instance peuvent interjeter appel, dès lors qu’elles ont un intérêt à agir et qu’elles n’ont pas renoncé à leur droit de faire appel494. L'appel est porté devant la chambre sociale de la Cour d'appel. • s’il a affaire à une ordonnance de référé ; Il est formé, instruit et jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire495. 489 Article 640 du Code de procédure civile 490 Articles L. 1462-1, R. 1452-7, R. 1461-1, R. 1461-2, R. 1462-1, R. 1462-2, D. 1463-3 du Code du travail, 542 à 570 et 931 à 949 du Code de procédure civile 491 Article R. 1455-11 du Code du travail 492 Articles L. 1462-1, R. 1462-1 et D. 1462-3 du Code du travail 493 Article R. 1462-1 du Code du travail 494 Arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 6 mars 2008, n°07-12.538 495 Article R. 1461-2 du Code du travail Guide CFE-CGC de la prud’homie La déclaration d’appel se fait au greffe de la Cour d’appel, par déclaration ou par lettre recommandée496. Cette déclaration, datée et signée, doit contenir à peine de nullité les mentions suivantes : • pour les personnes physiques : l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ; • pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ; • l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ; • l’objet de la demande ; • le jugement dont il est fait appel ; • les chefs de celui-ci auxquels se limite l’appel ; • le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la Cour. Elle est accompagnée d’une copie de la décision497. L’appel peut porter sur tout le jugement ou être limité à certains chefs de demande et peut introduire de nouvelles demandes. l’appel principal a expiré498. Attention, il ne sera toutefois pas reçu si l’appel principal n’est pas lui-même recevable. Le recours doit être fait dans le délai d’un mois, ce délai étant suspensif. Il court à compter de la signification de la décision par huissier ou de sa notification par le greffe. La décision devient définitive une fois le délai expiré. Tant que le délai n’a pas expiré, le jugement ne peut pas, en principe, être exécuté. Ce délai d’un mois court à compter de la notification de la décision de première instance. Ce délai expire à 24 heures le jour du mois qui porte le même quantième que le jour qui fait courir le délai. Le délai qui expire normalement un samedi, dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Exemple : Si la notification du jugement du conseil de prud’hommes a lieu le mercredi 3 août 2011, l’appel devrait avoir lieu avant le 3 septembre 2011. Or il se trouve que le 3 septembre 2011 tombe un samedi. L’appel pourra avoir lieu jusqu’au lundi 5 septembre 2011, à 24 heures. L’appel incident est celui par lequel l’intimé demande à la Cour d’appel de réformer les dispositions du jugement qui lui sont défavorables. Il peut être formé même après que le délai pour former 496 Article R. 1461-1 du Code du travail 497 Article 58 du Code de procédure civile et R1461-1 du Code du travail 498 Article 550 du Code de procédure civile 125 Guide CFE-CGC de la prud’homie L’opposition499 Le délai court à compter de la réception, signée par le destinataire, de la notification de la décision par lettre recommandée AR, envoyée par le secrétariat greffe du conseil des prud’hommes. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que la simple connaissance d’un jugement par le destinataire, un tiers ayant signé l’AR à sa place, ne faisant pas courir le délai d’un mois. En ce qui concerne la date de l’appel, deux situations peuvent être envisagées, que la Haute juridiction a tranché : -- -- si l’appel est formé par lettre simple, la date de prise en considération est celle à laquelle l’appel a été enregistré par le greffe. Il est en de même en cas de déclaration ; si l’appel est formé par lettre recommandée, la date d’appel est alors celle de l’expédition de la lettre figurant sur le cachet du bureau d’émission. L’opposition vise, pour le défendeur qui n’a pas comparu à l’audience de jugement ou de référé à faire rétracter le jugement rendu par défaut par une juridiction500. Elle remet en question les points jugés par défaut devant la même juridiction, afin qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit501. Il faut donc que le défendeur n’ait pas comparu, que la décision ait été rendue en dernier ressort et que la citation n’ait été délivrée à personne (c’est-à-dire que le défendeur n’ait pas été convoqué devant le bureau de jugement par émargement au procès-verbal de l’audience de conciliation). L’opposition est portée devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui a pris la première décision502. Le délai de recours est d’un mois et il est suspensif. Les ordonnances de référé rendues en dernier ressort peuvent également faire l’objet d’une opposition dans un délai de quinze jours503. La déclaration d’opposition doit être déposée au greffe du conseil de prud’hommes. ----------------------------------------------------------------* Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, 4 mai 1993, n°88-45.634 ** Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, 7 janvier 1992, n°89-42.336 *** Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, 14 mai 1992, n° 89-42.821 126 499 Articles R. 1463-1 du Code du travail, 476, 540 et 571à 578 du Code de procédure civile 500 Article 571 du Code de procédure civile 501 Article 572 du Code de procédure civile 502 Articles R. 1463-1, R. 1452-1, R. 1452-2, R. 1452-3, R. 1452-4 du Code du travail et articles 490, 571 à 578 du Code de procédure civile 503 Article 490 du Code de procédure civil Guide CFE-CGC de la prud’homie b) La tierce-opposition504 La tierce-opposition vise à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque. Elle remet en question les points jugés que le tiers critique, afin que la juridiction statue à nouveau en fait et en droit505. Le tiers peut être assisté ou représenté dans les mêmes conditions qu’une des parties. Il s’agit d’une voie de recours extraordinaire506, ce qui signifie qu’elle n’est ouverte que lorsqu’un texte le prévoit507. Elle est très rarement invoquée en matière prud’homale, même si elle est parfois utilisée par l’AGS (l’Association pour la gestion du régime d’assurance des créances des salariés). Toute personne qui y a intérêt peut former une tierce-opposition à la condition de n’avoir été ni partie, ni représentée au jugement qu’elle attaque508. Elle est formée comme l’opposition. Le jugement initial conserve ses effets entre les parties, même sur les chefs annulés509. c) Le contredit Lorsque le juge se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un contredit d’incompétence, c’est-à-dire d’un recours devant la Cour d’appel. 504 Articles 582 à 592 du Code de procédure civile 505 Article 580 du Code de procédure civile 506 Article 527 du Code de procédure civile 507 Article 580 du Code de procédure civile 508 Article 583 du Code de procédure civile 509 Article 591 du Code de procédure civile Ce contredit doit être motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours du prononcé du jugement, sinon il est irrecevable510. Le greffe du conseil de prud’hommes notifie immédiatement à la partie adverse une copie du contredit, par lettre recommandée avec accusé de réception et en informe son représentant, si la partie est représentée. Il transmet concomitamment le dossier de l’affaire avec le contredit et la copie du jugement au greffier en chef de la Cour d’appel511. Le premier président de la Cour d’appel fixe la date de l’audience, qui doit avoir lieu le plus rapidement possible et le greffier de la Cour d’appel en informe les parties par lettre recommandée avec accusé de réception512. Dès lors que le conseil des prud’hommes s’est déclaré compétent, l’audience est suspendue jusqu’à ce que la Cour d’appel ait statué513. La Cour d’appel peut faire droit à l’exception d’incompétence et renvoyer l’affaire à la juridiction qu’elle estime compétente, cette décision s’imposant alors aux parties et au juge de renvoi514. Si le conseil de prud’hommes compétent se trouve dans le ressort de la Cour d’appel, cette dernière peut décider de 510 Articles 80 à 91 du civile 511 Article 83 du Code de 512 Article 84 du Code de 513 Article 81 du Code de 514 Article 86 du Code de Code de procédure procédure procédure procédure procédure civile civile civile civile 127 Guide CFE-CGC de la prud’homie statuer sur le fond, en ayant au besoin préalablement ordonné les mesures d’instruction nécessaires515. -- s’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ; Si la Cour d’appel aurait dû être saisie d’un appel et non d’un contredit, elle reste saisie et elle statue comme s’il avait été interjeté appel de la décision du conseil des prud’hommes516. -- s’il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement. d) Le recours en révision517 Lorsque un jugement est passé en force de chose jugée, il est possible de faire un recours en révision pour qu’il soit de nouveau statué en fait et en droit. Le Code de procédure civile restreint cette possibilité en édictant plusieurs conditions cumulatives : • d’une part, seules les personnes qui ont été parties ou représentées au jugement peuvent demander cette révision ; • d’autre part, l’article595 du Code de procédure civile prévoit que le recours en révision ne peut être ouvert que pour l’une des causes suivantes : -- -- 128 s’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ; Dans tous ces cas, le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée. e) Le pourvoi en cassation518 Le pourvoi en cassation permet de faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité d’un jugement ou d’un arrêt attaqué aux règles de droit. En effet, La Cour de cassation ne rejuge pas les faits. Pour être valable, il faut que le pourvoi soit effectué pour violation de la loi, excès de pouvoir, incompétence, manque de base légale, vice de forme ou contrariété de motifs. Il n’est pas possible, en principe, de faire valoir des moyens nouveaux devant cette Haute Juridiction. Le délai de recours est de deux mois et il n’est pas suspensif. si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie ; Le recours est effectué par une déclaration écrite remise ou envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la Cour de cassation519. 515 Article 89 du Code de procédure civile 516 Article 91 du Code de procédure civile 517 Article 593 à 603 du code de procédure civile 518 Articles L. 1462-1, R. 1462-1, R. 1462-2, D. 1462-3 du Code du travail et 604 à 639, 974 à 982 et 1009 à 1037 du Code de procédure civile 519 Article 974 du Code de procédure civile Guide CFE-CGC de la prud’homie Cette déclaration doit contenir, à peine de nullité, les mentions suivantes : • pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, domicile du demandeur en cassation ; • pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social ; • l’indication des nom, prénoms et domicile du défendeur, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ; • la constitution de l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation du demandeur ; • l’indication de la décision attaquée ; • les chefs de la décision auxquels le pourvoi est limité ; • la date et la signature de l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation520. Elle précise, si besoin est, les chefs de compétence contestés. Le greffe prévient immédiatement le défendeur par lettre simple, en lui envoyant une copie de la déclaration, et lui indique que s’il veut se défendre, il doit constituer avocat à la Cour de cassation. En effet, le recours à un avocat à la Cour de cassation est obligatoire, sauf disposition contraire521. Si la lettre ne parvient pas à son expéditeur, le greffe doit demander à l’avocat du demandeur de procéder par voie de signification d’huissier522. 520 Article 975 du Code de procédure civile 521 Article 973 du Code de procédure civile 522 Article 977 du Code de procédure civile Le demandeur en cassation doit, sous peine de déchéance, remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée, et ce dans un délai maximum de quatre mois. Ce même délai et la même sanction s’appliquent concernant la notification de ce pourvoi à l’avocat de la partie adverse523. Cette dernière dispose alors de deux mois pour rédiger un mémoire en réponse, signé par son avocat, et le communiquer au greffe de la Cour de cassation et à l’avocat de la partie adverse524. Les documents suivants doivent être remis au greffe dans le délai de quatre mois sous peine d’irrecevabilité du pourvoi, prononcée d’office : • une copie de la décision attaquée et de ses actes de signification ; • une copie de la décision confirmée ou infirmée par la décision attaquée525. Le demandeur doit également joindre les pièces invoquées à l’appui du pourvoi et une copie des dernières conclusions que les parties au pourvoi ont déposées devant la juridiction dont émane la décision attaquée526. Les pourvois contre les décisions rendues en matière prud’homale sont portés devant la chambre sociale de la Cour de cassation. 523 524 525 526 Article Article Article Article 978 du Code de procédure civile 982 du Code de procédure civile 979 du Code de procédure civile 979-1 du Code de procédure civile 129 Guide CFE-CGC de la prud’homie Signalons qu’aucun recours national n’est possible contre un arrêt de Cour de cassation (sauf peut-être à envisager un conflit de décisions entre le Conseil d’État et la Cour de cassation devant être traité par le tribunal des conflits mais cette hypothèse est relativement rare). F.Procédures spéciales devant le conseil de prud’hommes « Le référé », la requalification du contrat à durée déterminée et du contrat de mission, le licenciement économique et les garanties des créances salariales. 1.La procédure de référé527 a) Le déroulement de la procédure de référé La demande en référé est formée par le demandeur ou par son représentant soit par acte d’huissier de justice, soit dans les modalités normales de saisine du conseil de prud’hommes528. Dans ce second cas, le conseil de prud’hommes est saisi soit par une demande, soit par la présentation volontaire des parties devant le bureau de conciliation529. Lorsque la demande est formée par acte d’huissier de justice, une copie de l’assignation est remise au greffe, au plus tard la veille de l’audience. 527 Articles R. 1455-9 à R1. 455-11 du Code du travail et 484, 486 et 488 à 492 du Code de procédure civile 528 Article R. 1455-9 du Code du travail 529 Article R. 1252-1 du Code du travail 130 La demande est formée au greffe du conseil de prud’hommes, celle-ci pouvant être adressée par lettre recommandée. Outre les mentions prescrites par l’article 58 du code de procédure civile, la demande mentionne chacun des chefs de demande. Le greffe délivre ou envoie immédiatement un récépissé au demandeur. Ce récépissé, ou un document qui lui est joint, reproduit les dispositions des articles R. 1453-1, R. 1453-2, R. 1454-10 et R. 1454-12 à R. 1454-18530 du Code du travail. Le greffe informe le demandeur des lieu, jour et heure de l’audience de référé à laquelle l’affaire sera appelée : • soit verbalement lors de la présentation de la demande ; • soit par lettre simple531. La convocation du demandeur, établie sur le même formulaire que le récépissé indique : • les nom prénom ou raison sociale, profession et domicile du demandeur ; • les nom, prénom ou raison sociale, profession et domicile du défendeur ; • la date du dépôt de la demande ; • le numéro de dossier (le n° de RG) ; • la date et l’heure de l’audience ; • la date d’émission de la convocation ; • le nom et la signature de l’agent qui établit le document ; • les chefs de la demande. 530 Article R. 1452-2 du Code du travail 531 Article R. 1452-3 du Code du travail Guide CFE-CGC de la prud’homie Le greffe invite le demandeur à se munir de toutes les pièces utiles. Les articles 484, 486 et 488 à 492 du Code de procédure civile sont applicables au référé prud’homal532. Cela a notamment pour conséquence que les ordonnances de référé sont exécutoires à titre provisoire, n’ont pas autorité de la chose jugée au principal, ne peuvent être modifiées ou rapportées en référé qu’en cas de circonstances nouvelles, ne sont pas susceptibles d’opposition, peuvent prononcer des astreintes civiles et statuer sur les dépens. L’appel est possible contre les ordonnances de référé qui n’ont pas été prises en dernier ressort. Le délai d’appel est alors de quinze jours533. Seules les demandes de la compétence du prud’hommes au fond soumises à la formation conseil de prud’hommes. qui relèvent conseil des peuvent être de référé du Ainsi, dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend534. De plus, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un 532 Article R. 1455-10 du Code du travail 533 Article R. 1455-11 du Code du travail 534 Article R. 1455-5 du Code du travail trouble manifestement illicite535. Le juge des référés peut aussi accorder une provision au créancier lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable536. Le montant de la provision n’ayant d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée, elle peut couvrir l’intégralité de la demande537. La formation des référés peut également délivrer une injonction538. Il s’agit d’« ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ». La formation de référé, si elle estime que la demande excède sa compétence, peut renvoyer directement l’affaire devant le bureau de jugement, à condition : • qu’elle présente une urgence particulière ; • que toutes les parties soient d’accord ; • que la formation de référé ait essayé au préalable de concilier les parties en audience non publique539. La conciliation n’est pas obligatoire devant la formation de référé. Les règles relatives à la comparution, l’assistance et la représentation s’appliquent au référé prud’homal. Les règles applicables devant le bureau de jugement sont aussi concernées540. 535 Article R. 1455-6 du Code du travail 536 Article R. 1455-7 du Code du travail 537 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 9 décembre 1987, n°86-43.504 538 Article R. 1455-7 du Code du travail 539 Article R. 1455-8 du Code du travail 540 Article 486 du Code de procédure civile 131 Guide CFE-CGC de la prud’homie La Cour de cassation est venue apporter quelques précisions utiles qui découlent de la particularité des décisions rendues par cette formation. Ainsi, l’ordonnance de référé étant une décision provisoire qui n’a pas au principal l’autorité de la chose jugée, une demande portée devant la juridiction des référés ne peut rendre irrecevable une demande dont est saisi le juge du principal par l’introduction de l’instance au fond541. Ces deux actions sont indépendantes542. En effet, le désistement d’une instance introduite devant la formation de référé prud’homal, lorsqu’il n’est pas accompagné d’un désistement d’action clair et non équivoque, laisse intact le droit d’agir devant la formation de jugement du conseil de prud’hommes. Les ordonnances de référé peuvent faire l’objet d’un appel dans un délai de quinze jours, sauf si elles ont été rendues en dernier ressort. Ce recours n’interrompt pas l’exécution de la décision provisoire546. Il est possible de faire opposition contre une ordonnance rendue en dernier ressort dans un délai de quinze jours547. Même si cela n’est pas précisé par le Code du travail, en pratique, l’exception d’incompétence peut aussi être soulevée devant la formation de référé, dès lors que cela est fait avant d’aborder le fond de l’affaire, c’est-à-dire in limine litis. Vous trouverez en annexe 8 p 151 et sur l'intranet de la CFE-CGC (rubriques : « Analyses et arguments » puis « Prud’hommes »), un modèle d'ordonnance de référé des différents cas. Par exception, certains recours doivent être portés directement devant le bureau de jugement statuant en la forme des référés543. Ces recours sont jugés en dernier ressort544. 2.La requalification du contrat à durée déterminée (CDD) ou du contrat d’intérim b) Les ordonnances de référé Les ordonnances de référé sont provi541 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 19 mai 1988, n° 85-43.243 542 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 12 janvier 1993, n° 88-43.754 543 Articles L. 3142-97, L. 3142-13, L. 314234, L. 3142-54, R. 3142-28 du Code du travail et L 225-33 du Code de commerce 544 Articles R. 3142-4, R. 3142-29, D. 3142-16 et D. 3142-52 du Code du travail 132 soires, exécutoires immédiatement par provision, avec éventuellement prononcé d’une astreinte civile545. a) La requalification du contrat à durée déterminée (CDD) Tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions du 545 Article R. 1455-10 du Code du travail 546 Article R. 1455-11 du Code du travail et arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 5 novembre 1987, n°84-42.899 547 Article 490 du Code de procédure civile Guide CFE-CGC de la prud’homie Code du travail relatives aux cas de recours aux CDD548 est réputé à durée indéterminée549. Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise550. Lorsqu’aucun contrat écrit n’a été conclu, le contrat de travail est présumé à durée indéterminée551. Cependant, le salarié peut, s’il le souhaite, prouver l’existence d’un contrat à durée déterminée, institué verbalement552. La Cour de cassation a, par ailleurs, décidé que toutes les demandes formulées en même temps que la demande de requalification font l’objet d’une saisine directe du bureau de jugement. Ainsi, le salarié qui porte sa demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée directement devant le bureau de jugement peut présenter devant cette formation toute autre demande qui dérive du contrat de travail553, sans passer par la conciliation. 548 Articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4 du Code du travail 549 Article L. 1245-1 du Code du travail 550 Article L. 1242-1 du Code du travail 551 Article L. 1221-2 du Code du travail 552 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 juillet 2002, n° 00-44.534 553 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du premier avril 2003, n° 00-44593 Le déroulement de la procédure -- L’action par le salarié Par principe, seul le salarié peut se prévaloir de la requalification de son contrat de travail à durée déterminée ou de son contrat d’intérim en contrat à durée indéterminée554. Ainsi, le juge ne peut pas requalifier d’office, c’est-à-dire de sa propre initiative, le contrat en contrat à durée indéterminée555. L’AGS (Association pour la gestion du régime d’assurance des créances des salariés) n’est pas recevable non plus, sauf fraude dûment établie qu’il lui appartient de démontrer, à demander la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée556. Mais les syndicats ont en la matière, sous certaines conditions, un rôle important à jouer. -- L’action par le syndicat Les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions, qui résultent du titre IV du Code du travail sur le CDD, en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé. Le salarié en est averti dans des conditions déterminées par voie réglemen554 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 16 janvier 1991, n° 87-43.827 555 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 30 octobre 2002, n° 00-45.572 556 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 4 décembre 2002 n° 00-43.750 133 Guide CFE-CGC de la prud’homie taire et ne doit pas s’y être opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention. d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée561, sa décision est exécutoire de droit à titre provisoire562. D’autres conditions sont fixées par les textes législatifs et réglementaires557.La saisine directe du bureau de jugement du conseil de prud’hommes Cette procédure s’applique même si la demande est faite après l’échéance du terme du contrat563. Grâce à ce principe, lorsque le contrat à durée déterminée d’un salarié se prolonge au-delà du terme initialement prévu, ledit salarié pourra bénéficier d’une indemnité de requalification. Lorsqu’un salarié réclame la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est portée directement devant le bureau de jugement, qui statue, par une procédure accélérée, dans le délai d’un mois suivant sa saisine. L’inobservation de ce délai n’est pas une fin de non-recevoir et n’entraîne pas la nullité du jugement558. Ce mode de saisine est également ouvert lorsque la question de la qualification du contrat se pose à l’occasion de la rupture du contrat de travail559. Toutes les demandes qui dérivent du contrat de travail (indemnités de rupture, rappels de salaire, rappels de congés payés) sont comprises dans cette procédure accélérée560. La décision est exécutoire de droit à titre provisoire Lorsqu’un conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification 557 Articles L. 1247-1 et D1247-1du Code du travail 558 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 8 décembre 2004, n° 02-40.513 559 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 2 mai 2000, n° 98-41.557 560 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 4 décembre 2002, n° 00-40.255 134 -- Les effets de la requalification Il faut prendre en compte les heures supplémentaires faisant partie du salaire dans le calcul de cette indemnité564. Si le juge reconnaît le bien-fondé de la demande d’un salarié, visant à voir son contrat à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée, il doit condamner l’employeur à verser au salarié une indemnité, au moins égale à un mois de salaire565. L’action en paiement de l’indemnité de requalification est soumise à la prescription quinquennale566. Le juge peut, sans réaliser un cumul illicite d’indemnités, accorder, outre l’indemnité de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée 561 Article L. 1245-2 du Code du travail 562 Article R. 1245-1 du Code du travail 563 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 9 mars 1999, n° 96-41.586 564 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 10 juin 2003, n° 01-40.779 565 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 novembre 2000, n° 98-42.999 566 Article 2224 du Code civil Guide CFE-CGC de la prud’homie en contrat à durée indéterminée567, les sommes qu’il estime dues au titre des salaires impayés568. L’indemnité de précarité qui compense pour le salarié la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, lorsqu’elle est perçue par le salarié à l’issue de son contrat, lui reste acquise et ce malgré une requalification ultérieure de ce contrat en contrat à durée indéterminée569. b) La requalification du contrat de mission La Cour de cassation pratique depuis quelques années déjà les requalifications-sanctions à l’encontre des entreprises utilisatrices qui, par exemple, continuent de faire travailler un salarié temporaire après la fin de sa mission sans avoir conclu avec lui un contrat de travail ou sans nouveau contrat de mise à disposition. Ce salarié est alors réputé lié à l’entreprise utilisatrice par un contrat de travail à durée indéterminée. Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans le délai d’un mois suivant sa saisine570. Si le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une 567 Article L. 1245-2 du Code du travail 568 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 8 juillet 2003, n° 02-45.092 569 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 9 mai 2001, n° 98-46.205 570 Article L. 1251-42 du Code du travail indemnité, à la charge de l’entreprise utilisatrice, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du Code du travail relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée571. De plus, la décision du conseil de prud’hommes saisi d’une demande de requalification d’un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée est exécutoire de droit à titre provisoire572. 3.Le licenciement pour motif économique a) Qui statue sur le licenciement pour motif économique ? Toute section d’un conseil de prud’hommes comportant plusieurs chambres doit comprendre une chambre compétente pour connaître des litiges relatifs aux licenciements économiques573. Les sections n’ayant pas de chambre peuvent constituer une chambre spé571 Article L. 1251-41 du Code du travail 572 Article D. 1251-3 du Code du travail 573 Article R. 1423-9 du Code du travail 135 Guide CFE-CGC de la prud’homie ciale, dès lors qu’elles ont suffisamment de conseillers et que le premier président de la Cour d’appel accepte la proposition de l’assemblée générale du conseil de prud’hommes concerné. S’il n’y a pas de chambre spéciale, la section reste compétente574. La section ou la chambre statue en urgence575. Le conseil des prud’hommes peut ordonner la jonction des instances de demandeurs qui contestent le motif économique d’un même licenciement. b) Quelle est la procédure à suivre ? L’employeur doit fournir aux juges tous les éléments d’information communiqués aux représentants du personnel ou, s’il n’y a pas de représentants du personnel dans l’entreprise, tous les éléments fournis à l’administration, lors de la procédure de licenciement ainsi que, pour les licenciements économiques collectifs, les procès-verbaux des réunions au cours desquelles les représentants du personnel ont discuté du projet de licenciement économique. La communication de ces documents doit se faire dans les huit jours suivant la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par dépôt au greffe du conseil de prud’hommes ou par envoi par lettre recommandée avec accusé de réception576. Le greffe informe le salarié, verbalement ou par lettre simple, qu’il peut consulter les éléments transmis pas l’employeur577. La séance de conciliation doit avoir lieu dans le mois qui suit la saisine du conseil de prud’hommes578. Le bureau de conciliation détermine les mesures et délais nécessaires à l’instruction de l’affaire et fixe le délai de communication des pièces. Les mesures d’instruction et d’information sont exécutées dans un délai n’excédant pas trois mois. Ce délai ne peut être prorogé par le bureau de jugement que sur la demande motivée du technicien ou du conseiller rapporteur désigné579. Si la conciliation échoue, le bureau de conciliation fixe la date d’audience du bureau de jugement, dans un délai maximum de six mois à compter de la date à laquelle l’affaire lui a été envoyée580. 4.La garantie des créances salariales En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, une procédure accélérée, dépourvue du préalable de la conciliation, est applicable. a) Les parties en présence Lorsqu’il est question d’un redressement judiciaire : • le demandeur est le salarié ; 574 Articles L. 1456-1 et R. 1423-10 du Code du travail 575 Article L. 1456-1 du Code du travail 576 Article R. 1456-1 du Code du travail 136 577 578 579 580 Article Article Article Article R. R. R. R. 1456-1 1456-2 1456-3 1456-4 du du du du Code Code Code Code du du du du travail travail travail travail Guide CFE-CGC de la prud’homie • le défendeur est : -- l’entreprise, -- l’administrateur judiciaire, -- le représentant des créanciers (mandataire judiciaire) et/ou l’AGS (Association pour la gestion du régime d’assurance des créances des salariés)581. Lorsqu’il s’agit d’une liquidation, le demandeur est un salarié et il s’oppose au liquidateur judiciaire (qui représente les intérêts de l’entreprise en difficulté) et à l’AGS. En effet, tout employeur de droit privé assure ses salariés contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire582. b) La compétence du conseil de prud’hommes En principe, les poursuites sont suspendues, à partir du jugement prononçant un redressement ou une liquidation judiciaire. Pourtant, le conseil de prud’hommes reste compétent pour fixer le montant des créances salariales, lorsqu’il est contesté. Seul le bureau de jugement du conseil de prud’hommes est compétent et non pas la formation de référé583. 581 Article L. 3253-14 du Code du travail 582 Article L. 3253-6 du Code du travail 583 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 17 juin 1992, n° 89-43.338 Les contestations salariales des créances Le salarié peut contester soit le relevé de créances établi par le représentant des créanciers, soit le refus par l’AGS de lui payer les sommes qui lui sont dues, au vu dudit relevé de créances. L’AGS couvre : • les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l’employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ; • les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant : -- pendant la période d’observation ; -- dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ; -- dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation ; -- pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours suivant la fin de ce maintien de l’activité. • les créances résultant de la rupture du contrat de travail des salariés auxquels a été proposé le contrat de sécurisation professionnelle, sous réserve que l’administrateur, l’employeur ou le liquidateur, selon le cas, ait proposé ce contrat aux intéressés au cours de l’une des périodes précitées y compris les contributions dues par l’employeur dans le cadre de ce contrat et les 137 Guide CFE-CGC de la prud’homie salaires dus pendant le délai de réponse du salarié ; • les sommes dues, pendant les périodes précitées, lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d’un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail. Sont également couvertes les créances résultant du licenciement des salariés bénéficiaires d’une protection particulière relative au licenciement, au cours des mêmes périodes, dès lors que l’administrateur, l’employeur ou le liquidateur a manifesté, son intention de rompre le contrat de travail584. Sont également couvertes, lorsqu’elles revêtent la forme d’un droit de créance sur l’entreprise, les sommes dues aux titres de l’intéressement, de la participation des salariés aux fruits de l’expansion ou d’un fonds salarial585. Certaines créances sont garanties sous des conditions énumérées par l’article L. 3253-12 du Code du travail notamment celles dues au titre de l’intéressement : • lorsqu’elles sont exigibles à la date du jugement d’ouverture de la procédure ; • lorsque, si un plan organisant la sauvegarde ou le redressement judiciaire de l’entreprise intervient à l’issue de la procédure, elles deviennent exigibles du fait de la rupture du contrat de travail, dans les délais prévus au 2° de l’article L. 3253-8 ; 584 Article L. 3253-9 du Code du travail 585 Article L. 3253-10 du Code du travail 138 • lorsqu’un jugement de liquidation judiciaire ou un jugement arrêtant le plan de cession totale de l’entreprise intervient 586. En revanche, l’AGS ne couvre pas les sommes qui concourent à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, en application d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou de groupe ou d’une décision unilatérale de l’employeur, lorsque l’accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire587. c) Les contestations de l’AGS La CFE-CGC vous rappelle quelques règles essentielles en matière d’AGS : • L’AGS ne peut être condamnée qu’au versement d’une avance et ce, qu’entre les mains du représentant des créanciers ou du liquidateur ; • Le bureau de jugement a une compétence exclusive : la formation de référé est incompétente ; 586 Article L. 3253-12 du Code du travail 587 Article L. 3253-13 du Code du travail Guide CFE-CGC de la prud’homie L’AGS, tiers intervenant forcé • La survenance de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux ; • L’AGS est mise en cause par le représentant des créanciers ou, à défaut, par le demandeur ; • Le représentant des salariés peut venir assister ou représenter un salarié lors de l’audience prud’homale ; • L’AGS dispose d’un droit propre pour demander et obtenir la requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ; • Le Conseil de prud’hommes ne peut condamner l’administrateur ou le liquidateur à payer les sommes dues au salarié ; • Les salaires afférents à la poursuite d’exploitation suivant le jugement d’ouverture ne sont pas avancés par l’AGS sauf en cas de survenance d’une liquidation judiciaire ; • Les salariés français expatriés bénéficient de la garantie des salaires. • Vous trouverez de plus en annexe 9 p 152 et sur l'intranet confédéral Lorsque la créance ne figure pas sur le relevé de créances, le salarié doit saisir le conseil de prud’hommes en mettant en cause le représentant des créanciers, l’employeur (ou l’administrateur) et l’AGS. Dans ce cas, l’AGS est un tiers intervenant forcé. L’AGS ne peut pas être condamnée à verser directement au salarié les créances salariales qui lui sont dues par l’employeur. Ces créances doivent être payées par le représentant des créanciers, leur avance n’étant faite par l’institution de garantie qu’en cas d’insuffisance des fonds disponibles, à la demande du mandataire de justice588. -- L’AGS, partie défenderesse Lorsque l’AGS refuse, pour une raison ou une autre, de régler une créance figurant sur un relevé de créances résultant d’un contrat de travail, le salarié concerné peut alors saisir le conseil de prud’hommes en mettant en cause le représentant des créanciers : l’employeur ou l’administrateur. Dans ce cas, l’AGS est partie défenderesse et la décision prud’homale est soit un débouté soit une condamnation à faire l’avance de la somme au titre de la garantie. 588 Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 20 novembre 2002, n° 00-45.373 139