Salut Olivier, voici l`interview
Transcription
Salut Olivier, voici l`interview
Août 2011 Olivier : un navigateur de combat, instructeur à l’ESMA. Olivier, instructeur Pilote à l’ESMA, à un cursus aéronautique long comme un Airbus A340 mais c’est pourtant bien dans l’armée que ce professionnel expérimenté a passé 19 ans en tant que navigateur de combat sur avion de chasse. Interview d’un instructeur chevronné qui vit pleinement sa passion pour l’aviation. - Bonjour Olivier, à 42 ans tu totalises aujourd’hui plus de 3600 heures de vol dont 3 000h sur Mirage 2000N et 1900h comme commandant de bord… Tout d’abord, je tiens à préciser que je n’étais pas pilote de chasse mais navigateur de combat. Tu sais, c’est le gars qui est derrière le pilote et qui meurt dans les films ! Blague à part, c’est un métier très peu connu du grand public ; ça correspond assez bien au travail du co-pilote dans une voiture de rallye. C’est lui qui a le road book à la main, qui connaît donc par cœur le moindre mètre de goudron, qui a toujours une longueur d’avance et dont les ordres sont suivis aveuglément par le pilote qui peut ainsi se concentrer totalement sur le pilotage lui-même et le virage qui arrive. On parle de Sébastien Loeb mais on oublie souvent son co-pilote, sans qui il n’aurait pu enchaîner ainsi les victoires ! Dans un Mirage 2000, N ou D, le navigateur est évidemment en charge de la précision et la qualité de la navigation de l’avion. Mais il est aussi responsable de la gestion de la détection, du brouillage, du leurrage des radars et missiles adverses, de la préparation des armements, de la gestion du carburant et, d’une manière générale, de l’utilisation et de la configuration du système d’arme de l’avion. Et ce n’est pas fini ! S’il est commandant de bord, il est aussi responsable de la réussite de la mission confiée à l’équipage. A noter que la carrière, le salaire, les responsabilités et les qualifications sont rigoureusement identiques que l’on soit pilote ou navigateur. Et le Mirage 2000N, il ne te manque pas trop ? C’est clair qu’il me manque ! Maintenant, j’ai coutume de dire qu’il s’agit là d’un sport de jeune : enchaîner deux vols de 1h à 2h30 par jour en subissant 6 à 9G (le pilote pèse alors 6 à 9 fois le poids de son corps, ndlr), plus le stress associé aux performances de l’avion et aux résultats demandés aux équipages, ça finit par être physiquement et mentalement usant. - Quelles ont été tes missions sur Mirage 2000N ? La mission principale du Mirage 2000N est la pénétration nucléaire basse altitude tout temps. Pour faire simple, l’avion est capable de voler à 200 pieds (60 mètres, ndlr) du sol, à une vitesse de 600 nœuds (1110 km/h, ndlr), quelle que soit la météo, y compris sans référence visuelle extérieure. Pour cela, il est équipé d’un radar qui regarde le sol jusqu’à 12 km devant l’avion ! Cette mission demande une sacrée dose de confiance dans l’avion et les ingénieurs qui l’ont conçu ! J’effectuais aussi ce type de vol dans le cadre de mission d’assaut conventionnel. Dans ce cadrelà, les vols se font au minimum à 2 avions, ce qui ajoute une dimension de gestion de tes équipiers : position exacte, avance ou retard, carburant restant, etc. En parallèle, j’effectuais des missions d’entraînement au combat aérien, de la voltige, du ravitaillement en vol, bref, tout ce qu’il faut impérativement maîtriser dans le monde de l’aviation de chasse. Enfin, j’ai fait partie des gens formés à l’appui aérien, c’est à dire au soutien aérien des troupes au sol. Ces vols se font de jour comme de nuit, en utilisant des systèmes de vision nocturne. - Sur quels terrains as-tu été engagé ? En avion : aucun ! Pendant très longtemps, à cause de sa mission principale de dissuasion nucléaire, le Mirage 2000N n’a pas participé aux opérations extérieures menées par la France, ce qui vient de changer avec les opérations menées actuellement en Libye. Par contre, dans le cadre de la mission d’appui aérien que j’ai évoqué précédemment, je suis allé en Bosnie, en Côte d’Ivoire et en Afghanistan, où j’ai été responsable au sol du soutien aérien aux troupes françaises ou de l’OTAN qui y opéraient. J’étais donc un aviateur en rangers, sur le terrain, avec eux. J’ai eu la chance de faire pendant près de 20 ans un métier de ma passion ! (…) En fait, je n’ai jamais vraiment eu l’impression d’aller au boulot le matin ! - Quel est ton plus beau souvenir militaire ? J’ai eu la chance de faire pendant près de 20 ans un métier de ma passion ! Je n’ai pas à proprement parler de plus beau souvenir. Par contre, j’ai des images plein la tête : - Les décollages en hiver, sous la pluie ou les nuages bas, et la sortie de la couche nuageuse à 12 000 pieds (3600 mètres, ndlr) et 20 degrés de cabré 2 minutes plus tard avec ce grand ciel d’un bleu profond et le soleil qui y brille à te faire mal aux yeux ! - L’arrivée à 150 pieds (45 mètres, ndlr) et 550 nœuds (1 000km/h, ndlr) sur la mer, face aux montagnes corses qui t’écrasent de toutes leurs hauteurs… - Les vols dans les vallées des Alpes où les 4 avions de la patrouille dont tu as la charge sautent les reliefs les uns après les autres en essayant de rester le plus bas possible. - Le stage TLP (Tactical Leadership Program, ndlr) de l’OTAN où pendant 4 semaines on te confie une fois par jour la responsabilité de 40 chasseurs alliés (la flotte pouvaient comprendre des F-16 américains, Tornados anglais, Phantoms allemands, AMX italiens, Rafales et Mirages français, ndlr). - Les exercices Red Flag aux Etats-Unis et Mapple Flag au Canada où tu es mis en situation réelle, face à des chasseurs américains qui utilisent des tactiques et méthodes de combat russes. En fait, je n’ai jamais vraiment eu l’impression d’aller au boulot le matin ! Même si la masse de travail à fournir pour passer successivement toutes les étapes très sélectives de la formation (qui, entre l’école et l’escadron de combat dure environ 6 ans, ndlr) est réellement monstrueuse. Sans parler des sacrifices imposés à la vie de famille ! - Toujours officier sous contrat, tu as réalisé une formation modulaire de pilote de ligne à l’ESMA entre 2008 et 2010… La suite logique après ton passé militaire ? Tout à fait ! J’avais fait le choix initialement d’une carrière militaire courte ; quand j’ai effectué le bilan de ma carrière et envisagé une reconversion, il m’est rapidement apparu évident de capitaliser sur mon expérience aéronautique : je serai pilote de ligne ! C’est ainsi que je me suis inscrit à l’ESMA pour passer l’ATPL théorique, puis effectuer les formations CPL, IR-ME et MCC. - Tu es aujourd’hui instructeur sol ATPL théorique à l’ESMA, pourquoi avoir choisi cette reconversion ? J’ai fait pas mal d’instruction dans l’Armée de l’Air : dans mon escadron, puis au sein de l’OTAN pour l’appui aérien, puis finalement sur Mirage 2000. J’ai toujours apprécié l’enseignement, les relations avec les élèves et stagiaires. Même si mon expérience est principalement militaire, le sens de l’air, le basic airmanship comme disent les anglosaxons, ne connaît pas de frontières ; c’est donc quelque chose dont je peux faire bénéficier nos élèves. Et même si je trouve plus tard une place en compagnie aérienne en tant que pilote de ligne, j’ai la volonté de continuer à enseigner à l’ESMA en tant que prestataire de service. - Quels modules de cours enseignes-tu ? J’enseigne 2 modules. Tout d’abord le module 021 : Cellules et systèmes. En fait tout ce qui constitue un avion de ligne moderne : structure du fuselage et des ailes, les moteurs, les différents systèmes hydraulique, carburant, électrique, etc. Ensuite, le module 040 : les Facteurs Humains. Je l’ai enseigné dans l’Armée de l’Air pendant 12 ans. Mais ayant l’ATPL théorique, je suis censé pouvoir enseigner dans chacun de 14 modules de cours ! D’autre part, je m’occupe aussi des cours PPL (licence de pilote privée, ndlr) qui précèdent les premiers vols de nos élèves. - Que pourrait-on te souhaiter maintenant ? De continuer à transmettre mon expérience par le biais de l’instruction à l’ESMA tout en volant au sein d’une grande compagnie aérienne française, si possible nouvellement basée à Marseille…!