Travailleurs migrants : mieux vieilliren foyer

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Travailleurs migrants : mieux vieilliren foyer
Initiatives
Logement
Travailleurs migrants :
mieux vieillir en foyer
Face au vieillissement précoce des travailleurs
migrants, les gestionnaires de foyer doivent faire
preuve d’une forte vigilance sanitaire et sociale.
nent inévitablement une hausse des
redevances, que bien des migrants
âgés ne peuvent assurer », note-ton chez le gestionnaire Adef hébergement. Un casse-tête pour les gestionnaires, dont certains faisaient
OPÉRATEURS Adoma, Adef,
jusque-là le choix de chambres
Aftam, Aralis et Aleos, fédérés
les travailleurs ­migrants
de petite taille pour en garan­
au sein de l’Unafo.
arrivés en France dans les
tir ­l’acces­sibilité financière. Mais
ÉTABLISSEMENTS 625 (369 foyers
années 50 à 70 sont à préune décision du Conseil d’Etat du
de travailleurs migrants
sent à la retraite ou s’en ­appro­chent.
21 juillet dernier risque de chanet 256 résidences sociales).
Ils sont près de 70 000 âgés de plus Logements « inadaptés » ger la donne : toutes les chambres
FINANCEMENTS de 50 ans à vivre dans des foyers Mais si les chambres de 4,5 m2 sont vont devoir respecter les normes
– Réhabilitations : prêts PLAI et
de type ­Adoma (ex-Sonacotra) et en voie de disparition, « la plupart ­d’acces­sibilité et une taille miniconventions Etat -1 % logement.
si une partie d’entre eux, une fois des foyers ne seront pas réhabilités male, fixée à 18,5 m2.
– Aide à la gestion locative
libé­rés de leurs obligations pro- et resteront totalement inadaptés Faute de financement pour des
sociale­ : Ddass.
– Actions spécifiques : Acse
fessionnelles, effectuent des allers-­ à la perte d’autonomie », souligne réha­bilitations de grande ampleur­,
et ­ministère de l’Immigration.
retours entre la France et leur pays ­Geneviève Petauton­, présidente du des unités de vie spécifiques pour
CONTACTS d’origine (lire l’encadré ci-contre), la Collectif pour l’avenir des foyers. personnes vieillissantes sont appa– Unafo, tél. : 01 40 71 71 10.
majo­rité ne peuvent le faire. Face au « Les résidants se plaignent des dif- rues au sein des résidences socia­les.
– Adoma, Anne Fevotte,
vieillissement de cette population, ficultés liées aux esca­liers et des pro- « A Aix-en-Provence, la résidence
tél. : 01 40 61 44 61.
les gestionnaires de foyer de tra- blèmes d’hygiène […]. Les inter­ du Petit­-Barthélémy dispose, depuis­
vailleurs migrants­ et de résidence venants, eux, pointent l’exiguïté­ 2007, de deux unités de vie comsociale doivent relever­ trois défis : des chambres, la promis­cuité des posées de six chambres de 7,5 m2
l’adaptation du bâti, l’accès­ aux espaces partagés et l’inadap­tation avec lavabo, de deux chambres de
services géronto­logiques de droit des sanitaires », indi­quait en octobre 15 m2 aux normes pour les personnes handicapées, d’une cuisine,
commun et la prise en compte l’organisme public Puca (1).
d’un ­accompagnement social­ et Par ailleurs, « les travaux menés et de sanitaires et d’un salon », détaille
l’augmentation des surfaces entraî- Anne ­Fevotte, ­gériatre-conseil chez
psychologique.
Adoma­. Dans cette résidence, 18 %
des 300 rési­dants avaient plus de
TÉMOIGNAGE
70 ans au moment­ de l’ouverture
de ces unités. Dans les autres foyers,
Marc Bernardot, professeur de sociologie
barres d’appui, douches à fond
à l’université du Havre
plat et ascen­seurs font leur apparition, « mais les conditions de vie
« Les vieux migrants souffrent d’une représentation
restent difficiles », reconnaît Gilles­
caricaturale, celle de l’ouvrier arabe, sans âge,
­Desrumaux, directeur de l’Union
­pratiquant les allers-retours dans son pays d’origine.
des professionnels de l’héber­gement
Or les vies et les conditions économiques et de santé
social (Unafo­).
L
Avec la fin de l’activité professionnelle et le vieillissement, la chambre
devient un lieu de repli­. « Le traumatisme lié à leur histoire migratoire et la pénibilité des métiers­
exercés entraînent souvent un
vieillissement précoce », observe­
­Murielle ­Maffessoli, directrice de
l’observatoire régional de l’intégration et de la ville, en Alsace.
« Exploités, puis invisibles »
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Accéder aux services
F. CALCAVECHIA
sont très variables selon le secteur géographique
et indus­triel dans lequel ils ont travaillé. L’industrie
automobile de la région parisienne ou la sidé­rurgie
de l’Est de la France ne les ont pas exposés de la
même façon aux maladies professionnelles et ils
n’ont pas connu les mêmes dispositifs de préretraite.
Cette image homogène contribue à faire d’eux une
population invisible, alors qu’ils ont été largement
­exploités. Une image confortée par le fait qu’ils ont
peu recours aux services d’aide liés au grand âge. »
Le deuxième défi pour les gestionnaires est de faciliter le recours aux
services gérontologiques de droit
commun : soins infirmiers, aide à
domicile, portage de repas… Chez
Adoma, on estime que seule une
personne sur dix bénéficie des aides
auxquelles elle pourrait prétendre.
Face à ce constat par­tagé, les initiaN° 58 - Décembre 2009
Analyse
POINTS FORTS
w La dépendance prise en
compte dans certaines
réhabilitations.
w La mise en place de
médiations entre les
résidants et les services
de droit commun.
w Une culture de la
­vigilance émergente
chez les responsables
de résidence.
POINTS FAIBLES
R. QUADRINI / KR IMAGES PRESSE
w Une majorité de
chambres inadaptées.
w Les ressources financières trop faibles des
retraités pour accéder
aux aides à domicile.
70 000 travailleurs ou anciens travailleurs migrants de plus de 50 ans vivent en foyer de type ­Adoma.
tives se multiplient sur le terrain­.
Ainsi, dans le Rhône, le réseau­
Inter­med (2), créé par la direc­tion
régio­nale ­d’Adoma, inter­vient dans
trente-cinq établissements. Une
équipe de cinq infir­miers rencontre
ainsi les résidants. Elle ne délivre pas
de soins, mais fait le lien avec le dispositif de droit commun.
Dans la résidence du Petit-­
Barthélémy, c’est une auxiliaire de
vie du centre communal d’action
sociale qui intervient chaque matin­
auprès des occupants des unités de
vie. « Les responsables d’établissement sont finalement les mieux
placés pour repérer les personnes
en difficulté et alerter les services
compétents », indique pour sa part
­Stéphane Julien­, directeur d’agence
­Adoma en Haute-Savoie.
Mais « la question des migrants
âgés reste encore peu connue des
professionnels du grand âge et
peu prise en charge par les associations de proximité­ », souligne
­Murielle ­Maffessoli. De fait, la prise
en compte institutionnelle de cette
population – qu’elle vive ou non en
foyer – reste réduite. Par exemple,
rares sont les conseils géné­raux à
l’avoir ciblée dans leur schéma
géronto­logique comme l’ont fait
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CHAMBRE PARTAGÉE, COÛT RÉDUIT
Imaginé dans le contexte des restructurations des foyers pour
travailleurs­migrants, et en réponse à la diminution du nombre de
chambres et à l’augmentation des redevances qui en découlent, le
dispositif de « boîtes aux lettres » consiste à faire partager une même
chambre à plusieurs résidants qui effectuent des allers-retours entre
la France et leur pays d’origine. Un planning d’occupation est instauré
et un accès au foyer garanti deux mois au maximum par an. « La
­personne perd les aides au logement mais s’y retrouve, le coût de sa
rede­vance étant divisé par cinq », note Annick­­Froment, responsable
d’une résidence sociale d’Adoma, à Annemasse, où 70 personnes
­partagent 14 chambres. Toutefois, le dispositif n’est pas accessible
à ceux qui touchent le mini­mum vieillesse, car ils ne peuvent quitter
le territoire français plus de quatre mois par an. Si l’article 59 de la loi
« Dalo » du 5 mars 2007 prévoyait des exceptions pour les travailleurs
migrants, les décrets­d’applica­tion ne sont jamais parus.
le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la
Haute-Savoie.
Par ailleurs, certaines problématiques ne trouvent souvent pas
de réponses adaptées localement,
comme celle du portage des repas­.
Ces services respectent en effet
rarement­ les prescriptions reli­
gieuses musulmanes, ce qui expli­
que en partie le fait que les migrants
n’y ont pas recours. A l’occasion de
ses journées professionnelles, les 8
et 9 décem­bre, l’Unafo doit faire
paraître­un recueil­des bonnes pratiques en la matière.
toujours vécu dans l’espérance du
retour au pays, à se construire de
nouveaux repères avec la fin de la
vie professionnelle », détaille­ ­Nabil
­Difai, coordinateur au Cesam­.
Inégalités
Mais cet accompagnement social
reste peu exploré malgré sa plusvalue­ en termes de prévention, de
repé­rage et de répon­se aux problèmes individuels et collectifs, sani­
taires et sociaux. « Son financement
n’est pas adapté et est très inégal
selon­les dépar­tements », a souligné
en octobre Fors - recherche­ sociale­
dans une étude pour le compte de
l’Unafo­. Le cabinet d’étude estime
Mais la fragilité de ces populations qu’il faudrait multiplier par trois
nouvellement retraitées est aussi les ­crédits de l’accompagnement­ à
d’ordre psychologique. « Le travail la gestion loca­tive sociale­. Les gesjustifiait la présence en émigration. tionnaires semblent avoir été en
Ne plus travailler engen­dre une partie entendus par le ministère :
situa­tion de crise », observe­Murielle­ le projet de loi de finances pour
­Maffessoli. C’est sur la base de ce 2010 prévoit­ un doublement de
constat qu’un accompagnement l’enveloppe consacrée à l’AGLS,
psychologique par des personnes qui devrait­ attein­dre 10 millions
arabophones avait été mis en place d’euros­. n Agnès Thouvenot
à Montpellier, par le Comité­pour la
Rapport du Puca (Plan, urbanisme, construcsanté des migrants (Cesam­), pour (1)
tion et architecture) pour Adoma.
des retrai­tés en foyer. « Cette action,­ (2) De statut associatif, il vise à ­permettre l’accès
soins et à la santé des ­résidants en situa­tion
arrêtée faute de finan­cement, per- aux
de vulnérabilité du fait de l’âge, de l’isolement
mettait d’aider ces retraités, qui ont et de la précarité.
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