Place de la neuropathie pénienne dans la dysfonction érectile chez

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Place de la neuropathie pénienne dans la dysfonction érectile chez
1
UNIVERSITE PARIS VAL- DE-MARNE
FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
Année 2008
N°
THESE
POUR LE DIPLOME D’ETAT
DE
DOCTEUR EN MEDECINE
Discipline : Médecine Générale
Présentée et soutenue publiquement le
à CRETEIL ( PARIS XII)
Par Karine ROSILIO JOURNO
Née le 16 février 1977 à Rehovot
Place de la neuropathie pénienne dans la dysfonction érectile
chez le patient diabétique.
DIRECTEUR DE THESE :
LE CONSERVATEUR DE LA
Dr Sandrine BENADERETTE
BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE
Signature du
Cachet de la bibliothèque
Directeur de thèse
universitaire
2
A ma famille,
3
Au Docteur Sandrine Benaderette qui a accepté de m’encadrer pour ce
travail.
Au Professeur Jean Pascal Lefaucheur pour son aide précieuse.
4
Place de la neuropathie pénienne dans la dysfonction érectile
chez le patient diabétique.
I. INTRODUCTION……………………………………………..…6
I.1. Définition de la DE…………………………………………………………7
I.2. DE et facteurs de risque………………………………………………….....8
I.3. DE et Diabète……………………………………………………………...10
I.3.1. généralités…………………………………………………………………………...10
I.3.2. Mécanismes physiopathologiques…………………………………………………..11
I.3.3. Méthode d’explorations électrophysiologiques de la neuropathie
génitale diabétique …………………………………………………………………………...13
II. MATERIEL ET METHODE………………………………….15
II.1. Populations participant à l’étude…………………………………………..15
II.2 Examens réalisés…………………………………………………………..15
III. RESULTATS………………………………………………….17
III.1 Généralités………………………………………………………………..17
III.2 Comparaison en fonction de la fonction érectile…………………………18
III.3 Comparaison en fonction des complications de la maladie diabétique…..19
III.4 Comparaison en fonction des risques cardio vasculaires
générateurs de DE……………………………………………………………..21
III.5 Comparaison en fonction d’autres facteurs de risques de DE…………….23
III.6 Tableaux récapitulatifs……………………………………………………24
IV. DISCUSSION………………………………………………….28
V. CONCLUSION ………………………………………………..32
5
VI. BIBLIOGRAPHIE…………………………………………….34
VII. ANNEXES…………………………………………………….39
.
VII.1 Les questionnaires IIEF-15 et IIEF-5……………………………………39
VII.2 Rappel anatomo-physiologique de l’érection……………………………45
VII.3 Examens électrophysiologiques…………………………………………49
6
I. INTRODUCTION
Le diabète est une affection métabolique chronique caractérisée par une carence absolue ou
relative en insuline entraînant alors une hyperglycémie chronique.
Deux formes principales de diabète sont distinguées :
- Le diabète de type I ou insulino – dépendant qui survient lorsque le pancréas ne produit pas
l’insuline indispensable à la survie; il est le plus fréquent chez l’enfant et l’adolescent et
représente environ 10% des diabétiques.
- Le diabète de type II ou non insulino - dépendant qui survient quant à lui lorsque
l’organisme est incapable de fournir assez d’insuline pour répondre aux besoins ou d’utiliser
comme il convient l’insuline produite; il touche avant tout l’adulte et représente près de 90%
des diabétiques.
Le diabète représente un véritable problème de santé publique, essentiellement du fait de
l’explosion du diabète de type II, et les données épidémiologiques sont alarmantes.
A l’échelle mondiale, d’après les prévisions de l’OMS, la prévalence du diabète chez l’adulte
était de 4% p.100 en 1995 et devrait atteindre 5,4% en 2025, alors que le nombre des
diabétiques devrait passer de 135 à 300 millions, avec une augmentation explosive dans les
pays en voie de développement. (26) En France il concerne près de 3 millions de personnes
avec une prévalence comprise entre 3,5 et 4 % de la population. Le diabète de type I touche
environ 150000 personnes, on compte également 250000 diabétiques de type II traités par
insuline, 1500000 traités par anti- diabétiques oraux et 300000 par mesures hygiénodiététiques. A cela il faut ajouter les diabétiques de type II méconnus, les estimations allant de
200000 à 1000000 de sujets non diagnostiqués en France selon les auteurs. (39)
La dysfonction érectile (DE) est une complication fréquente chez le patient diabétique. Le but
de ce travail est d’évaluer la part de responsabilité de la neuropathie génitale dans la survenue
de ce trouble dans cette population. Après avoir défini la notion de DE, nous en reverrons les
principaux facteurs de risques. Puis, nous reverrons les données actuelles concernant
l’association DE et diabète, notamment les données physiopathologiques. Enfin, nous nous
intéresserons aux résultats d’une étude menée entre 2001 et 2008 sur 100 patients diabétiques
explorés consécutivement dans le service de Physiologie - Explorations Fonctionnelles de
l’hôpital Henri Mondor.
7
I.1. Définition de la DE
Jusqu’aux années 1980, les données épidémiologiques et les définitions concernant la DE sont
peu nombreuses. La plupart des informations disponibles sont relativement récentes. (9-16)
En 1993, une définition commune et globale des troubles érectiles voit enfin le jour lors de la
conférence de consensus du National Institut of Health comme «l’incapacité pour un homme à
obtenir ou à maintenir une érection du pénis suffisante pour permettre un rapport sexuel
satisfaisant». (31) Cette définition a été modifiée en 2004 par la seconde Consultation
Internationale sur les dysfonctions sexuelles. Le mot « satisfaisant » nécessitant d’être lui
même défini, notamment que l’on se réfère à la satisfaction de l’homme ou de la femme. La
DE a alors été défini comme « l’incapacité persistante ou récurrente pour un homme à obtenir
ou à maintenir une érection du pénis suffisante pour permettre une activité sexuelle ». (30)
Cette conférence a également permis de différencier trois degrés de sévérité du trouble: léger,
modéré et complet.
L’évaluation de la fonction érectile des patients est le plus souvent faite grâce à l’Index
International de la Fonction Erectile (IIEF). Ce questionnaire, validé en 1997 et traduit en
plusieurs langues, comporte 15 questions couvrant plusieurs domaines: la fonction érectile, la
fonction orgasmique, le désir sexuel, la satisfaction lors des rapports et la satisfaction globale.
Chaque domaine est noté en fonction des réponses du patient. Une version courte à 5 items est
aussi validée. (Annexe 1: Les questionnaires IIEF-15 et IIEF-5).
Il semblait nécessaire d’ajouter la notion d’évolution de la maladie au cours du temps et le
degré de gravité du trouble à cette définition. Une durée minimale de 3 mois est
communément admise pour asseoir le diagnostic. Mais, dans certains cas, après traumatisme
ou chirurgie, le diagnostic peut être porté avant 3 mois.
L’importance de la souffrance du patient et/ou du couple du point de vue psychologique vient
également compléter cette définition dans la classification des maladies sexuelles de
l’association américaine de psychiatrie (DSM-IV). La DE est définie comme suit :
« Incapacité persistante ou répétée à atteindre ou à maintenir jusqu’à l’accomplissement de
l’acte sexuel, une érection adéquate, à l’origine d’une souffrance marquée ou de difficultés
interpersonnelles ». (4)
8
La prévalence reste difficile à estimer dans la population générale. Néanmoins, on pourra
retenir les résultats de l’étude MALES portant sur 27839 hommes de 20 à 75 ans tirés au sort
dans huit pays dont la France. Le taux de prévalence de la DE a été estimé à 16% (11% en
France et 22% aux Etats-Unis). (34)
I.2. DE et facteurs de risque
L’étude épidémiologique du Massachusetts Male Aging Study (MMAS) mise en place de
1987 à 1989 a confirmé l’importance, au sein de la population affectée par la DE, de la
multiplicité des co-morbidités et des facteurs de risques. Il s’agissait de la première étude
épidémiologique multidisciplinaire sur la DE. Cette étude était réalisée par auto questionnaire
sur un échantillon représentatif tiré au sort de 1709 hommes américains âgés de 40 à 70 ans.
La prévalence de la DE, tout degré d’atteinte confondu, était de 52% se répartissant en
dysfonction minime (17 ,2%), modérée (25,2%), et complète (9,6%). De 40 à 70 ans, le risque
de DE sévère et modérée passait respectivement de 5,1à 15% et de 17 à 34%. (18)
En 2002, dans une étude française sur 5099 hommes âgés de 18 à 70, on retrouve une
prévalence globale de la DE de 25%, augmentant avec l’âge, passant de 15% chez les moins
de 45 ans à 44% après 45 ans. (14) En 2004, le comité de la 2ème Consultation internationale
sur les dysfonctions sexuelles conclut que la prévalence de la DE dans la population générale
est de 1 à 9% de 18 à 39 ans, de 10 à 30% de 40 à 59 ans, de 20 à 40% entre 60 et 69 ans et de
50 à 75% après 70 ans. (29) Ainsi, de tous les facteurs de risque, l’âge est le plus puissant
indépendamment de tous les autres. (16-18)
D’autres facteurs de risques sont bien sur impliqués dans la survenue d’une DE. Par exemple,
l’influence des médicaments est à prendre à compte. Dans la première étude MMAS, une
corrélation statistiquement significative était retrouvée entre la DE et les vasodilatateurs, les
antihypertenseurs, les digitaliques et les agents hypoglycémiants. Dans la seconde étude,
après ajustement sur les co-morbidités, seuls les diurétiques non thiazidiques et les
benzodiazépines restaient significativement associés à la DE. De même la mise en cause des
Beta-bloquants, depuis longtemps soupçonnés, est à reconsidérer: les différentes études sont
contradictoires. (9-15-18-19)
9
L’HTA est également un facteur de risque de DE avec une prévalence chez les patients
hypertendus entre 15 et 68,3% selon les différentes enquêtes mais elle est toujours
significativement plus élevée que dans la population générale. (15)
Le tabagisme peut tout aussi favoriser la survenue de ce trouble. Dans la seconde enquête
MMAS, la prévalence de la DE chez 513 hommes (initialement sans DE, diabètes ou
maladies cardiaques et sans traitement) est évaluée en fonction du statut tabagique initial. Elle
est de 24% chez les fumeurs contre 14% chez les non-fumeurs et 14% chez les anciens
fumeurs. (19)
Différentes autres études indiquent que la baisse du HDL cholestérol, l’hypercholestérolémie
et l’hypertriglycéridémie augmentent le risque de DE. (15) On retrouve par exemple dans la
première enquête MMAS que la baisse du taux de HDL cholestérol de 0,9 à 0,3 g /l augmente
la prévalence de la DE modérée de 6,7 à 25% dans la tranche 40 à 55 ans et sévère de 0 à 16%
dans la tranche 56 à 70 ans. (18)
Lors de cardiopathie, particulièrement ischémique, et de pathologie vasculaire périphérique la
prévalence de la DE est plus élevée. Ainsi, dans l’enquête MMAS initiale, la prévalence de la
DE sévère est de 39% chez les malades cardiovasculaires traités, age ajusté, contre 9,6% dans
la population générale. (18)
L’anxiété, le stress, la dépression ou toute autre situation psychopathologique peuvent aussi
favoriser la survenue d’une DE. Une prévalence de la DE modérée ou sévère de quasiment
90% est retrouvée lors de dépression sévère dans l’enquête MMAS initiale; elle est
respectivement de 59 et 25% lors de dépression modérée et mineure. (18)
Beaucoup d’autres facteurs de risques ont été incriminés dans la l’apparition d’une DE
comme l’insuffisance rénale chronique, les symptômes du bas appareil urinaire, un faible taux
hormonal de DDHEA, la sédentarité, l’obésité (contradictoire selon les études), l’éthylisme
(également selon les auteurs). (6-15-16)
10
I.3. DE et Diabète
I.3.1 généralités
L’étude MMAS a été la première à montrer que la prévalence, l’incidence, et la sévérité de la
DE augmentaient avec certaines co-morbidités notamment le diabète. Celle-ci a établi, après
correction du facteur âge, que 28 % des diabétiques avaient une DE contre 9,6 % des nondiabétiques, et chiffre l’incidence de la DE chez les diabétiques à 50,7 pour 1000 hommes par
an contre 25,9 dans la population générale. (18)
L’étude MALES, autre étude de référence, a montré que 39% des 1637 diabétiques de l’étude
présentaient une DE. (34) Aux USA, dans une étude ciblée menée en 1996, sur 359 patients
âgés de 21 à 30 ans lors de la découverte du diabète (DID depuis au moins 10 ans) la
prévalence de la DE est chiffrée à 20%. (Elle passe de 1,1% de 21 à 30 ans à 47 % après 42
ans). (27)
En France, une autre étude est menée entre 1999 et 2000 sur 7689 patients, d’age moyen 58,9
ans, diabétiques, hypertendus ou les deux. Il leur a été proposé des questionnaires sur leur
fonction érectile. Les résultats indiquaient que 71% des 2377 patients diabétiques, non
hypertendus souffraient d’un trouble (tous stades confondus). (21)
En Italie, dans une étude de cohorte descriptive, 1010 patients diabétiques ont été suivis
pendant 2,8 ans en moyenne. L’incidence de la DE dans cette population était de 68 pour
mille hommes par an (rappelons que l’incidence dans la population générale déterminée lors
de l’enquête MMAS était de 26). (17)
Le diabète est donc un facteur de risque reconnu de DE avec une prévalence trois fois plus
élevé par rapport à la population générale avec d’importantes variations (de 20 à 71%) selon
les études, notamment s’il s’agit de populations ciblées ou non. (6-16)
D’autres paramètres peuvent augmenter la prévalence et l’incidence de la DE chez les
diabétiques. En effet le type de diabète peut influencer le risque relatif (RR) ajusté à l’âge
chez l’homme de plus de 50 ans avec un RR de 3 dans le diabète de type I contre un RR de
1,3 dans le type II par rapport à la population non diabétique. (7) De même, l’ancienneté de la
maladie joue également un rôle. Une augmentation progressive de la prévalence de la DE est
notée: 60% si l’évolution du diabète est inférieure à 5 ans, 68,5% entre 5 et 10 ans
11
d’évolution, puis 77,7% si l’évolution est supérieure à 10ans. (21) On retrouve une incidence
plus élevée de la DE chez les patients ayant un diabète dont l’ancienneté est supérieure à 10
ans. (17) Un mauvais contrôle de la maladie diabétique influence également la survenue d’une
DE. Une HbA1c > 9% (comparée à un chiffre < 7,5%) pour certains auteurs (7) et une HbA1c
>10,9% (comparée à un chiffre < 8,8%) pour d’autres (27), augmentent l’incidence de la DE.
D’autre part, ces deux études montrent que la prévalence de la DE augmente avec l’apparition
des complications diabétiques micro et macroangiopathiques.
Les patients diabétiques sont d’autant plus exposés qu’ils ont fréquemment de nombreux
facteurs de risque de DE associés (excès pondéral, trouble lipidique et autres facteurs de
risque cardio-vasculaires, alcool). (29) Ainsi, dans l’étude française menée sur 7689 patients,
la prévalence de la DE passe de 71 à 77,9 % chez les patients respectivement diabétiques et
diabétiques hypertendus. (21) Le tabac est aussi un facteur aggravant. Un risque de voir
apparaître une DE chez un fumeur est 1,4 fois supérieur à un non fumeur. (15) Un autre
élément déterminant est le surpoids. Un indice de masse corporelle supérieure à 31 comparé à
un chiffre inférieure à 26 majore aussi la prévalence de la DE. (27)
I.3.2 Mécanismes physiopathologiques
Le développement de troubles érectiles chez ces patients à risque est souvent la conséquence
de plusieurs mécanismes interagissant entre eux. En effet, une érection normale est un
phénomène vasculo-tissulaire complexe qui nécessite la mise en œuvre et la coordination de
divers systèmes de régulation (Annexe 2: Rappel anatomo-physiologique de l’érection).
Elle est donc sujette à l’influence des facteurs psychologiques, hormonaux, neurologiques,
vasculaires et tissulaires. (16)
Le diabète entraîne une altération des cellules endothéliales augmentant alors la prévalence
des pathologies vasculaires. Cependant au niveau des corps caverneux, la relaxation des fibres
musculaires lisses et le remplissage des espaces sinusoïdes (indispensables pour arriver à une
érection et/ou la maintenir) nécessitent un apport artériel suffisant et un fonctionnement
satisfaisant de l’endothélium qui recouvre ces espaces (libération de NO).
Les principaux effets de cette altération sont la diminution de l’activité de la NO synthétase
endothéliale, et de la libération de NO, qui est avec le NO neuronal, le premier messager
12
intracellulaire. Cette anomalie perturbe alors le tonus des fibres musculaires lisses
caverneuses avec diminution de la myorelaxation entraînant par la suite une baisse de l’afflux
sanguin au niveau du pénis (afflux, entre autre, indispensable à une érection et rigidité
suffisante). Il apparaît au décours une compression moindre des veines intra caverneuses
contre l’albuginée lors de l’érection, ne pouvant plus s’opposer à la fuite du sang caverneux et
à une baisse de pression dans les corps érectiles, responsable de l’incapacité à arriver à une
érection et/ou de la maintenir. (6-9-16)
Par ailleurs, l’athérosclérose, notamment des petites artères des corps caverneux, est à
l’origine d’une ischémie pénienne chronique. (6-16) D’autres mécanismes interviendraient tel
un excès local de facteurs vasoconstricteurs (endothéline, angiotensine II) et une
dégénérescence fibreuse du tissu érectile favorisée par l’ischémie chronique et par une
accélération du processus de vieillissement. (10)
Le retentissement psychologique de la maladie diabétique doit également être pris en
considération, dans la survenue d’une DE. Le diabète, maladie chronique, potentiellement
grave peut entraîner un sentiment de dévalorisation, voire un syndrome dépressif. Les
relations avec l’entourage quel qu’il soit peuvent en être alors modifiées. L’angoisse de
performance associée à la crainte de la survenue inéluctable chez certains patients d’une DE
au cours de l’évolution de leur maladie peut favoriser et surtout entretenir ce trouble
entraînant alors un véritable cercle vicieux. (38)
La possibilité d’une origine neurologique à la DE est aussi à envisager. La neuropathie est une
complication fréquente du diabète, touchant aussi bien les voies somatiques (neuropathie
axono-démyélinisante) que les voies végétatives (manifestations dysautonomiques). La
prévalence de la neuropathie chez le patient diabétique est très variable d’une étude à l’autre
mais elles s’accordent toutes à considérer qu’elle est aussi importante dans le diabète de type I
et II, qu’elle augmente en fonction de l’age et de la durée d’évolution de la maladie et qu’elle
est corrélée au mauvais équilibre glycémique. De plus elle aura tendance à augmenter devant
un vieillissement de la population et une augmentation de l’espérance de vie des patients
diabétiques. (20-23-37)
Au niveau pénien, les voies somatiques sont organisées en fibres sensitives afférentes et fibres
motrices efférentes. Les voies végétatives comprennent quand à elles le système
13
parasympathique sacré et le système sympathique dorsolombaire (D10-L1) (annexe 2: Rappel
anatomo-physiologique – Innervation). L’atteinte d’une ou de ces deux voies peut chez le
patient diabétique entraîner ou participer à une DE. (3)
I.3.3. Méthode d’explorations électrophysiologiques de la neuropathie génitale
diabétique
Plusieurs examens électrophysiologiques périnéaux sont disponibles pour explorer les
différentes voies neurologiques impliquées dans le contrôle des fonctions génito-sexuelles et
affirmer une participation neurogène le plus souvent mixte, somatique et végétative. (2-3)
L’électromyogramme de détection des muscles bulbo caverneux, simple techniquement, est
l’examen le plus ancien. Il a été longtemps le seul examen objectif rendant compte de l’état de
l’innervation somatique du système génito-sexuel. Il est réalisé suite à l’insertion d’une
aiguille dans le corps musculaire à 3 cm au-dessus de la marge anale, 2 à 3 cm en dehors de la
ligne médiane et entre 2 et 5 cm de profondeur. Des anomalies de type neurogène sont
recherchées au repos, (activité spontanée de dénervation) et lors de la contraction volontaire
(appauvrissement et accélération des tracés). (Annexe 3: examens électrophysiologiques:
Document 1).
L’étude de la latence du réflexe bulbo caverneux (RBC), réflexe polysynaptique, complète cet
examen. Elle permet une analyse objective de la moelle sacrée, des branches motrices et
sensitives du nerf honteux interne et des effecteurs (muscle bulbo caverneux). Elle est obtenue
par stimulation du nerf dorsal de la verge, à la racine du pénis par des électrodes annulaires à
une intensité non douloureuse de trois fois le seuil sensitif. Le recueil se fait dans le muscle
bulbo caverneux ou est inséré l’électrode aiguille de réception. Une latence supérieure à 44
msec ou l’absence de réponse témoignent d’une perturbation de l’arc réflexe nerf honteux
interne – métamères sacrées S2-S3-S4. (Annexe 3: Document 2).
Le seuil de sensibilité de quantification (QSS) thermique au chaud nécessite une thermode
placée sur la verge. Le patient appui sur un bouton, relié à la machine de détermination du
QSS, lorsqu’il sent le chaud. La température de base de la thermode est de 32° puis on
augmente progressivement. Quatre essais sont effectués, la moyenne est retenue. Une
14
anomalie (seuil différentiel supérieur à 6°C) permet de conclure à une atteinte somatique des
petites fibres du nerf pudendal. (Annexe 3: Document 3).
Les potentiels évoqués somesthésiques (PES) corticaux du nerf honteux interne permettent
l’étude de l’ensemble des voies somesthésiques : branches sensitive terminale du nerf honteux
interne, cordons postérieurs médullaires, voies lemniscales du tronc cérébral, thalamus
jusqu’au cortex pariétal. La stimulation est obtenue par des électrodes annulaires à la racine
du pénis. La réception est obtenue par l’intermédiaire d’aiguilles sous cutanées implantées au
niveaux du vertex (active) et frontal (référence). Une latence supérieure à 46 msec ou
l’absence de réponse témoignent d’une anomalie significative. (Annexe 3: Document 4)
L’atteinte du système nerveux végétatif sympathique porte elle sur l’étude des potentiels
évoqués cutanés sympathiques ou réflexe cutané sympathique (RCS). Ils sont le fait d’une
variation de résistance des tissus cutanés induite par la stimulation des glandes sudoripares,
secondaires à l’activation des fibres non myélinisées de type C des nerfs sympathiques
efférents qui innervent ces glandes. Ils sont recueillis par des électrodes de surface placées sur
la verge après stimulation électrique effectuée au poignet sur le nerf médian. Une réponse
anormale (amplitude inférieure à 0,6mV et/ou latence supérieure à 2 sec) témoigne d’une
lésion des voies sympathiques impliquées dans le contrôle génito-sexuel. (Annexe 3:
Document 5)
Comme nous l’avons vu précédemment on assiste actuellement à une recrudescence du
diabète. La DE est un symptôme très fréquent d’autant plus chez le patient diabétique. Elle est
le plus souvent multifactorielle.
Les objectifs de notre étude sont de préciser le rôle de la neuropathie pénienne (NP) dans la
DE chez le diabétique et sa corrélation avec d’autres facteurs de risques de ce trouble et au
mauvais équilibre de la maladie.
15
II. MATERIEL ET METHODE
Afin de répondre à nos interrogations concernant la prévalence et la place de la NP dans la
DE, et également l’association de la NP aux autres facteurs de risques de DE, nous avons
réalisé une étude prospective portant sur une série de 100 patients diabétiques consécutifs
examinés dans le service des Explorations Fonctionnelles de l’Hôpital Henri Mondor.
II.1. Populations participant à l’étude
Ces patients étaient adressés par leur médecin traitant, le service d’urologie ou le service de
diabétologie afin d’explorer une plainte concernant leur fonction érectile, ces troubles devant
s’exprimer depuis au moins un an.
II.2 Examens réalisés
Ces patients ont tout d’abord été soumis à des questionnaires validés concernant leur fonction
érectile : érection insuffisante ou anérection, éjaculation présente ou anéjaculation, recherche
d’arguments en faveur d’une maladie de Lapeyronie (sclérose des corps caverneux,
responsable d'une déviation de la verge en érection pouvant entraîner des douleurs de la verge
lors de l’érection). Leur profil psychologique a été évalué par un interrogatoire à la recherche
d’argument en faveur d’un terrain anxiodépressif sous jacent.
Dans un second temps l’ensemble des patients a pratiqué les examens sus décrits :
1) EMG de détection à l’aiguille au niveau des muscles bulbo caverneux (étude des fibres
motrices) et détermination de la latence du réflexe bulbo-caverneux (RBC).
2) Seuil de sensibilité de quantification (QSS) thermique au chaud.
3) Potentiels évoqués somesthésiques (PES) corticaux du nerf honteux interne.
4) Réflexe cutané sympathique (RCS) pénien.
Les résultats de ces 4 tests ont permis d’établir 2 groupes de patients :
Le premier groupe était constitué des patients n’ayant présenté aucune anomalie à l’ensemble
des tests, et qui donc étaient indemnes de NP.
Le second groupe était constitué des patients présentant une NP, ce qui pouvait correspondre à
l’une des 3 situations suivantes :
16
- 1) test 1, et/ou 2, et/ou 3 anormaux, NP « somatique »,
- 2) : test 4 anormal, NP végétative,
- 3) : test 1, et/ou 2, et/ ou 3 anormaux et test 4 anormal, neuropathie mixte.
Une réponse anormale au test 1 (EMG à l’aiguille) se traduit par l’existence de tracés
neurogènes et/ou une latence du RBC supérieure à 44 ms (ou pas de réponse). Un seuil
différentiel de plus de 6°C sera considéré comme anormal pour le test 2. Pour le test 3, une
anomalie correspond à une latence supérieure à 46 ms ou à une absence de réponse. Une
réponse anormale au test 4 correspond à une latence supérieure à 2 sec et/ou une amplitude
inférieure à 0,6 mV ou à une absence de réponse.
Au sein de ces 2 groupes, nous avons cherché à établir plusieurs paramètres.
Tout d’abord nous avons déterminé l’état d’équilibre du diabète. Le critère "diabète non
équilibré" prend en compte un chiffre d'HbA1c > 6,5% et/ou l'existence de complications
ophtalmologiques et/ou rénales que nous avons recherchées (réalisation d’un fond d’œil,
éventuellement d’une angiographie rétinienne et recherche d’une micro albuminurie).
Nous nous sommes également intéressés aux autres facteurs de risque de DE (surpoids et
obésité avec un BMI ≥ 26, anomalie lipidique avec nouveau bilan sanguin, consommation
d’alcool ou de tabac, prise de médicaments susceptibles d’entraîner une DE- diurétiques non
thiazidiques, benzodiazépines, Beta-bloquants) ainsi qu’au dosage sanguin de la testostérone.
Enfin, l’ensemble des patients a pratiqué un écho doppler pénien avec injection intra
caverneuse de vasodilatateurs à la recherche d’anomalie vasculaire, ainsi qu’un
électromyogramme des membres inférieurs afin de confirmer ou d’infirmer une éventuelle
neuropathie périphérique dont les signes étaient cherchés cliniquement (paresthésies des
membres inférieurs, abolition des réflexes ostéotendineux achilléens, hypoesthésie distale des
membres inférieurs au tact et/ou à la piqûre).
Les données recueillies ont été analysées sur le plan statistique au moyen du logiciel InStat
version 3.00 (GraphPad Software, San Diego, California, USA). Des tests t de Student ou des
test de contingence de Fisher ont été réalisés.
17
III. RESULTATS
III.1 Généralités
L’age moyen dans notre échantillon est de 52,75 ans ± 8,52.
Les 100 patients se repartissent entre 41 diabétiques insulino dépendant (41%) et 59 non
insulino dépendant (59%).
Dans le premier groupe, sans NP, on compte 56 patients (soit 56%). (Tableau 1)
La moyenne d’age est de 51,5 ans ± 7,9.
Vingt et un ont un diabète insulino dépendant (37,5 %) et 35 non insulino dépendant (62,5%).
Tous ces patients ont des examens électrophysiologiques normaux. (Cf III.6)
Dans le second groupe, atteint de NP, on compte 44 patients (44%).
La moyenne d’age est de 54,0 ans ± 9,1.
Vingt patients ont un diabète insulino dépendant (45,5%) et 24 un diabète non insulino
dépendant (54,5%).12 patients présentent une NP somatique, 15 une neuropathie végétative et
17 patients ont une neuropathie mixte. (Cf III.6 Tableaux récapitulatifs)
On ne note pas de différence significative dans l’âge des patients ni dans le type de diabète
entre les 2 groupes (p = 0,15 et p = 0,54).
Tableau 1 : caractères généraux
Age
52,75 ± 8,52
Type de diabète
Type 1 : 41% n= 41
Type 2 : 59% n= 59
NP +
44%
Figure 1 : insuline
18
III.2 Comparaison en fonction de la fonction érectile
Dans le groupe 1, respectivement 25,0 % et 14,3% des patients souffrent d’anérection et
d’anéjaculation.
Dans le second groupe ce sont 47,7 et 34,1 % des patients qui déclarent souffrir d’anérection
et d’anéjaculation. (Tableau 2) Ce groupe compte significativement plus de patients
présentant ces troubles (p=0,02 et p= 0,03).
Par ailleurs, 5 patients du groupe 1 (8,9%) présentent à la fois une anérection et une
anéjaculation contre 11 patients (25%) du groupe 2. (Cf III.6 Tableaux récapitulatifs)
La maladie de Lapeyronie est retrouvée chez 10 patients (17,9%) sans NP et 3 (6,8%) atteint
de NP. Il n’y a pas de différence significative entre les 2 groupes. (Tableau 2)
Tableau 2 : Fonction érectile
Groupe 1
(absence de NP)
Anérection
Groupe 2
(NP)
25,0% (n=14)
47,7%(n=21)
Anéjaculation
14,3%(n=8)
34,1%(n=15)
Lapeyronie
17,9% (n=10)
6,8%(n=3)
Figure 2 : Anérection
Figure 3 : Anéjaculation
19
Figure 4 : Lapeyronie
III.3 Comparaison en fonction des complications de la maladie diabétique
Quarante cinq patients (80,4%) présentent des anomalies à l’EMG de conduction des
membres inférieurs (modérée ou évoluée) dans le groupe 1, 43 (97,7%) dans le groupe 2.
Ces anomalies sont significativement plus fréquentes dans le second groupe avec p=0,01.
On retrouve respectivement chez 22 (39, 3%) et 37 (84,1%) patients des groupes 1 et 2 des
signes cliniques de neuropathie périphérique des membres inférieurs. (Tableau 3) Ces signes
cliniques sont significativement plus fréquents dans le second groupe avec p<0,0001.
Dix sept (30,4%) patients sans NP ont des anomalies à l’écho doppler pénien et 23 (52,3 %)
avec NP ont aussi un doppler perturbé. (Tableau 3) Une différence significative (p=0,04) est
notée quand à la présence de ces anomalies entre les 2 groupes. Cette présence est plus
importante dans le second groupe.
Trente deux (57,1%) patients du premier groupe ont un diabète déséquilibré selon les critères
prédéfinis. La présence de complications ophtalmiques et/ou rénales est respectivement
retrouvée chez 18 (32,1%) et 7 (12,5%) patients. Trente trois (75,0%) patients du deuxième
groupe ont un diabète déséquilibré. La présence de complications ophtalmique et/ou rénale est
retrouvée respectivement chez 23 (52,3%) et 12 (27,3%) patients. (Tableau 3) Ainsi, il n’est
pas noté de différence significative entre les deux groupes concernant le déséquilibre du
diabète et les complications rénales et ophtalmiques mais l’on retiendra qu’il existe une
« tendance » à la significativité (p= 0,09, p= 0,08 et p= 0,06 pour chaque item).
20
Tableau 3 : Complications du diabète
Groupe 1
(absence de NP)
Groupe 2
(NP)
Diabète déséquilibré
57,1%(n=32)
75,0%(n=33)
Signes cliniques de neuropathie
39,3%(n=22)
84,1%(n=37)
EMG de conduction des membres <
perturbé
80,4%(n=45)
97,7%(n=43)
Echo doppler pénien perturbé
30,4%(n=17)
52,3%(n=23)
Rétinopathie
32,1%(n=18)
52,3%(n=23)
Néphropathie
12,5%(n=7)
27,3%(n=12)
Figure 4: Déséquilibre
Figure 5 : Signes cliniques de neuropathie
Figure 6 : Anomalies de conduction nerveuse
Figure 7 : Rétinopathie
Figure 8 : Néphropathie
21
III.4 Comparaison en fonction des risques cardio vasculaires générateurs de
DE
Dans le groupe 1, 42,9% (soit n=24) des patients ont un surpoids ou sont obèses, 28,6%
(n=16) ont une hypercholestérolémie et 26,8 (n=15) une hypertriglycéridémie. Dans le groupe
2, 61,4% (soit n=27) des patients ont un surpoids ou sont obèses, 31,8% (n=14) ont une
hypercholestérolémie et 59,1% (n=26) une hypertriglycéridémie. (Tableau 4) Il n’y a pas de
différence significative entre les 2 groupes pour le poids et l’hypercholestérolémie, alors que
l’hypertriglycéridémie est significativement plus souvent retrouvée chez les patients atteint de
NP.
En ce qui concerne le surpoids et l’obésité on notera une « tendance » à la significativité (p=
0,07).
Les facteurs alcool, tabac et HTA sont retrouvés respectivement chez 22 (39,3%), 32 (57,1%)
et 19 (33,9%) patients sans NP. Ces mêmes facteurs sont retrouvés chez 21 (47, 7%), 20 (45,
5%) et 19 (43,2%) patients atteints de NP. D’autres pathologies vasculaires sont présentent
chez 15 patients (26,8%) du groupe 1 et 6 (13,6%) du groupe 2. (Tableau 4) Pour ces
différents éléments, les 2 groupes ne diffèrent pas sur le plan statistique.
Tableau 4 : Facteurs de risques cardio-vasculaires
Groupe 1
(absence de NP)
Groupe 2
(NP)
Surpoids /obèse
42,9%(n=24)
61,4%(n=27)
Hypercholestérolémie
28,6%(n=16)
31,8%(n=14)
Hypertriglycéridémie
26,8%(n=15)
59,1%(n=26)
Alcool
39,3%(n=22)
47,7%(n=21)
Tabac
57,1%(n=32)
45,5%(n=20)
HTA
33,9%(n=19)
43,2%(n=19)
Autres pathologies vasculaires
26,8%(n=15)
13,6%(n=6)
22
Figure 9 : Surpoids / obésité
Figure 10 : Hypercholestérolémie
Figure 11 : Hypertriglycéridémie
Figure 12 : Alcool
Figure 13 : Tabac
Figure 14 : Hyper Tension Artérielle
Figure 15 : Autres pathologies vasculaires
23
III.5 Comparaison en fonction d’autres facteurs de risques de DE
On retrouve une anomalie du profil psychologique chez 44 patients (78,6%) du groupe 1 et 31
(70,5%) du groupe 2. (Tableau 5) On ne note pas de différence significative.
Un facteur de risque médicamenteux est observé chez 19 patients (33,9%) dans le groupe 1 et
15 (34,1%) dans le second. (Tableau 5) On ne note pas de différence significative.
Enfin, 5 patients (8,9%) dans le premier groupe et 7 (15,9%) dans le deuxième ont une
hypotestostéronémie. (Tableau 5) Cette différence n’est pas significative.
Tableau 5 : autres facteurs de risques de DE
Groupe 1
(absence de NP)
Groupe 2
(NP)
Anomalie du profil psychologique
78,6%(n=44)
70,5%(n=31)
Facteur de risque médicamenteux
33,9%(n=19)
34,1%(n=15)
8,9%(n=5)
15,9%(n=7)
Hypotestostéronémie
Figure 16 : Anomalies du profil psychologique
Figure 18 : Hypotestostéronémie
Figure 17 : Fdr médicamenteux
24
III.6 Tableaux récapitulatifs
25
26
27
28
IV DISCUSSION
D’emblée on constate que sur notre échantillon 41% des patients sont DID, 59 % DNID, et
que l’âge moyen est de 52,75. (Tableau 1) Ceci n’est pas représentatif de la population
diabétique dans son ensemble. En effet l’analyse de la population diabétique dans une grande
enquête nationale nommée ENTRED (24), menée entre 2001 et 2003, retrouve un âge moyen
supérieur (64 ans) ainsi qu’une proportion moindre de DID (6,4%). Il est clair qu’il existe un
biais de recrutement au sein de l’hôpital expliquant la sur représentation de patients plus
jeunes et DID, patients nécessitant une prise en charge plus spécialisée. Quoi qu’il en soit le
type de diabète n’augmente pas de manière significative la présence d’une NP. Cette notion
est retrouvée dans la littérature pour les neuropathies des membres inférieurs. (41)
Comme nous l’avons déjà dit la DE est fréquente chez le patient diabétique et l’origine
neuropathique des troubles péniens est fréquemment suspectée. Dans l’étude que nous avons
menée, 44% des patients présentent une NP. Ce résultat est certes important mais on notera
que l’existence d’une DE n’est pas synonyme de NP (a contrario 56% des patients de notre
étude n’ont pas de NP). La place de la NP dans cette population n’a été que très peu étudiée.
Dans une étude menée en France en 1987, ce chiffre était estimé à 48% (12). Une autre étude
réalisée cette fois en 1989 estime la prévalence de la NP, tout comme notre résultat, à 44%.
(33) Dans une autre étude effectuée en Turquie, en 1994, elle était estimée à 66% (36) et dans
une étude hollandaise de la même année à 85%. (8)
On peut noter que les patients diabétiques présentant une NP ont significativement des
troubles de l’érection plus grave (anérection) et une anéjaculation plus fréquente. D’ailleurs,
plus de patients du groupe 2 présentent un anérection associé à une anéjaculation. (Cf III.6
Tableaux récapitulatifs) Ainsi, l’interrogatoire du patient et l’évaluation de la fonction érectile
à l’aide de l’échelle IIEF peuvent orienter vers l’existence d’une NP. En revanche, la maladie
de Lapeyronie n’est pas significativement plus importante dans l’un des deux groupes.
En toute logique, les signes cliniques de neuropathie des membres inférieurs et les anomalies
à l’EMG des membres inférieurs, sont significativement plus souvent retrouvés chez les
patients présentant une NP. Cependant, 80,4% des patients sans NP présentent une
neuropathie des membres inférieurs à l’EMG. (Cf III.6 Tableaux récapitulatifs) Ce chiffre est
29
très élevé. Ainsi, la présence d’une neuropathie périphérique chez un patient diabétique
souffrant de DE ne signifie pas forcément qu’il présente une NP. Celle ci devra être établie
par les tests neurophysiologiques spécifiques.
On
note
également
une
différence
significative
entre
les
deux
groupes
pour
l’hypertriglycéridémie. L’étude du groupe EURODIAB, menée sur 3250 patients dans 16
pays européens, montre une forte corrélation entre l’hypertriglycéridémie et le développement
d’une neuropathie périphérique et nos résultats vont dans le même sens sans explication claire
à priori. (40)
De même on observe une différence significative en ce qui concerne l’atteinte artérielle
pénienne diagnostiquée par l’écho doppler. Ce résultat est sous tendu par les mécanismes
physiopathologiques. L’athérome des artères péniennes entraîne une hypoxie pénienne
chronique qui en conséquence peut entraîner une NP d’origine ischémique.
La DE est un phénomène complexe, exceptionnellement mono factoriel, et le plus souvent
secondaire à l’intrication de plusieurs facteurs. Dans les deux groupes il n’y a pas de
différence significative pour les facteurs suivants : anomalies du profil psychologique, risque
médicamenteux, hypercholestérolémie, alcool, tabac, HTA, autres pathologies vasculaires
(cardiopathies), hypotestéronémie.
On note une fréquence élevée de troubles psychologiques dans les deux groupes ; 78,6% des
patients du groupe 1 et 70,5% du groupe 2. (Tableau 5) Cela nous montre bien le rôle
important de ces troubles dans la genèse de la DE faisant entrer le patient dans un véritable
cercle vicieux: le troubles anxio dépressif participe à la DE, celle ci le renforçant. Les données
de la littérature, dans la population présentant une DE dans son ensemble, vont aussi dans ce
sens. Une personnalité dite « dominante » protégerait de la DE par rapport à une personnalité
dite « dépendante », comme le montre l’enquête MMAS initiale. (18) Dans cette même
enquête la prévalence de la DE lors d’une dépression est importante (entre 25 et 90% en
fonction du degré de dépression). L’incidence de la DE, tout degré confondu, augmentait de
37% en cas d’anxiété modérée à 75% en cas d’anxiété majeure. De même, dans une étude de
cohorte réalisée chez 1486 hommes, il a été mis en évidence que les patients présentant des
troubles émotionnels ou de stress étaient significativement plus atteints de DE. (28) Dans une
30
autre étude, les facteurs psychologiques se sont avérés avoir un rôle dans la DE chez un peu
plus de 50% des patients diabétiques. (12)
Dans la majorité des cas la DE est le résultat d’une interaction entre des facteurs
psychologiques et organiques. (12) En ce qui concerne les autres facteurs de risques
(l’hypercholestérolémie, l’alcool, le tabac, l’HTA et les médicaments) on notera une
fréquence plus modérée dans les deux groupes. A notre connaissance, le rôle propre de
chacun de ces facteurs n’a pas été étudié isolement. Il semble qu’une intrication de ces
facteurs entre eux (ou à d’autres) soient nécessaires pour l’apparition d’une DE. Pour illustrer
ce propos, on retiendra qu’un seul de nos patients (Cf III.6 : patient N°43 - Groupe 1) présente
uniquement un de ces facteurs de risque (en l’occurrence le tabac) sans troubles
psychologiques ni NP.
Les autres pathologies vasculaires ont un rôle plus limité, quand à l’hypotestostéronemie, elle
à un rôle marginal dans la genèse des troubles dans nos résultats. On retrouve des résultats
similaires avec une hypotestéronémie impliquée dans seulement 8% des cas. (11-12)
Dans la littérature, on observe que l’apparition d’une neuropathie périphérique, mais pas
spécifiquement pénienne, est fortement associée au niveau de l’HbA1c. Entre autre, l’étude du
groupe EURODIAB, précédemment citée, montre une très forte corrélation. (40) De plus, on
observe un lien entre l’HbA1c et la sévérité de la neuropathie. (23) Paradoxalement, dans
notre étude la présence d’une NP n’est pas significativement associée au mauvais équilibre du
diabète. Rappelons que notre critère de diabète équilibré est une HbA1c < 6,5 et l’absence de
rétinopathie ou néphropathie. Ceci laisse fortement présagé l’existence d’une susceptibilité
génétique dans la genèse de la NP peut être plus particulièrement. Ainsi certains patients,
quoique bien équilibrés, développeront une NP alors que d’autres, mal équilibrés cette fois,
seront « protégés ». (8-20-23-35) Cette notion de prédisposition génétique a fait l’objet de
plusieurs études récemment dans le cadre des neuropathies périphériques. Notamment le
polymorphisme du gêne aldose réductase joue un rôle dans la neuropathie chez le diabétique
et le génotype APO-E peut en influencer la sévérité. (23)
De la même façon l’association de la NP à l’existence d’une néphropathie ou d’une
rétinopathie n’apparaît pas de façon significative « stricto sensu ». Cependant on modérera ce
31
propos, le résultat statistique semblant dégager une « tendance » (p= 0,08 et p= 0,06). On
observe d’ailleurs la même « tendance » avec le facteur surpoids/obésité (p= 0,07).
32
V CONCLUSION
Le nombre de diabétiques en France est estimé à près de trois millions avec une prévalence
comprise entre 3,5 et 4% de la population. La prévalence et l’incidence de cette maladie
chronique augmentent à un rythme élevé.
La DE est un symptôme très fréquent avec une prévalence trois fois plus élevée dans la
population diabétique que dans la population générale. Le diabète est donc un grand
pourvoyeur de troubles de l’érection. Le rôle du médecin généraliste est crucial. En effet, il se
doit de reconnaître l’importance de diagnostiquer et de prendre en charge une DE. Pourtant,
peu de médecins prennent l’initiative et abordent la question de la sexualité de leurs patients
et ce alors que ces derniers sont nombreux à trouver difficile de parler de ce type de problème.
Ils attendent de leur médecin qu’il fasse « le premier pas ». (1-13-29-32) Ainsi, il convient au
médecin, une fois par an, de rechercher une DE par l’interrogatoire selon les
recommandations de l’ANAES (accord professionnel). (5) La mise en évidence d‘une DE est
une excellente opportunité pour réaliser un bilan général à la recherche des complications du
diabète et des facteurs de risque de DE. Cette prise en charge s’inscrit dans une véritable
démarche de médecine préventive.
La DE est exceptionnellement mono factorielle et dans la plupart des cas secondaire à une
association de plusieurs facteurs. L’objectif de notre étude était de décrire la part réelle de la
NP dans la DE chez le patient diabétique et son association à d’autres facteurs de risque de
DE et d’autres complications de la maladie diabétique.
44% des patients de notre étude présentent une NP. Le type de diabète n’influence pas
l’existence d’une NP. Il en est de même pour l’équilibre glycémique, ce qui est plus
surprenant, laissant supposer l’existence d’une prédisposition génétique. Par ailleurs, la NP,
n’est pas particulièrement associée aux autres facteurs de risque de DE, à l’exception des
anomalies du bilan lipidique. Une « tendance » se dégage quand à l’association aux atteintes
micro angiopathiques ainsi qu’au facteur surpoids /obésité. L’existence d’une NP est
significativement corrélée à la sévérité des troubles sexuels et à l’existence d’une atteinte
artérielle.
33
Enfin on retiendra la prévalence élevée des troubles anxiodépressifs dans l’ensemble de la
population étudiée.
L’existence d’une DE chez le patient diabétique n’est donc pas synonyme de NP. Il convient
de la rechercher à l’aide des explorations électrophysiologiques périnéales afin d’orienter la
thérapeutique. En effet, les IPDE5, prescription préférée des généralistes malgré leur prix
onéreux, ont une efficacité nettement moindre chez le diabétique (environ 50% vs >70%),
particulièrement en cas de diabète évolué avec neuropathies. (29)
34
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VII ANNEXES
VII.1 Les questionnaires IIEF-15 et IIEF-5
Les échelles d’évaluation de la dysfonction érectile ont été développées récemment, vers la
fin des années 90, en réponse à une forte attente de la communauté médicale internationale
prenant en charge la dysfonction érectile. Cette attente concernait la mise en place
d’outils plus précis afin d’évaluer :
- la fonction érectile et le niveau de satisfaction sexuelle du patient souffrant de DE
- l’efficacité de nouveaux traitements de la DE qui arrivaient sur le marché durant cette même
période.
L’arrivée d’une nouvelle classe thérapeutique par voie orale a grandement permis la mise au
point d’une échelle d’évaluation de la fonction érectile nommée IIEF (indice international de
la fonction érectile), développée et validée en 1996-1997 par Pfizer dans le cadre de
l’évaluation du sildénafil puis adopté ensuite en 1999 par l’OMS comme le « gold standard»
des critères de jugement de l’efficacité des traitements de la DE évalués dans le cadre d’essais
cliniques.
C’est un questionnaire validé, multidimensionnel et auto administré couramment utilisé pour
évaluer les effets du traitement de la DE. Ce questionnaire comprend 15 questions couvrant
cinq domaines :
- La fonction érectile (questions 1, 2, 3, 4,5 et 15),
- La fonction orgasmique (questions 9 et 10)
- Le désir sexuel (questions 11 et 12)
- La satisfaction des rapports (questions 6,7 et 8)
- La satisfaction globale (questions 13 et 14)
Chaque domaine est noté en fonction des réponses du patient. L’IIEF demande aux patients
de se remémorer des informations sur leur fonction érectile au cours des 4 dernières
semaines. Instructions : Ces questions portent sur les conséquences qu’ont eues vos
problèmes d’érection sur votre vie sexuelle au cours des 4 semaines écoulées.
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Répondez-y aussi franchement et clairement que possible. Pour chaque question, veuillez
ne cocher qu’une seule case. Lorsque vous répondrez à ces questions, gardez à l’esprit les
définitions suivantes :
- activité sexuelle : rapport sexuel, caresses et masturbation
- rapport sexuel : pénétration vaginale du partenaire (introduction du pénis dans le vagin) de
votre partenaire.
- stimulation sexuelle : situations telles que les jeux amoureux avec votre partenaire, regarder
des images érotiques.
- éjaculer : éjection de sperme du pénis (ou sensation d’éjection de sperme)
1) Au cours des 4 dernières semaines, combien de fois avez-vous pu obtenir une
érection pendant votre activité sexuelle ?
[ ] Je n’ai pas eu d’activité sexuelle
[ ] Presque tout le temps ou tout le temps
[ ] La plupart du temps (beaucoup plus que la moitié du temps)
[ ] Quelquefois (environ la moitié du temps)
[ ] Rarement (beaucoup moins que la moitié du temps)
[ ] Presque jamais ou jamais
2) Au cours des 4 dernières semaines, lorsque la stimulation sexuelle a provoqué des
érections, avec quelle fréquence votre pénis a été suffisamment rigide (dur) pour
permettre la pénétration de votre partenaire ?
[ ] Je n’ai pas eu de stimulation sexuelle
[ ] Presque tout le temps ou tout le temps
[ ] La plupart du temps (beaucoup plus que la moitié du temps)
[ ] Quelquefois (environ la moitié du temps)
[ ] Rarement (beaucoup moins que la moitié du temps)
[ ] Presque jamais ou jamais
Les trois questions suivantes vous interrogent sur les érections que vous avez peut-être eues
pendant votre activité sexuelle.
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3) Au cours des 4 dernières semaines, lorsque vous avez essayé d’avoir des rapports sexuels,
combien de fois avez-vous pu pénétrer votre partenaire ?
[ ] Je n’ai pas essayé d’avoir de rapports sexuels
[ ] Presque tout le temps ou tout le temps
[ ] La plupart du temps (beaucoup plus que la moitié du temps)
[ ] Quelquefois (environ la moitié du temps)
[ ] Rarement (beaucoup moins que la moitié du temps)
[ ] Presque jamais ou jamais
4) Au cours des 4 dernières semaines, pendant vos rapports sexuels, combien de fois avezvous pu rester en érection après avoir pénétré votre partenaire ?
[ ] Je n’ai pas essayé d’avoir de rapports sexuels
[ ] Presque tout le temps ou tout le temps
[ ] La plupart du temps (beaucoup plus que la moitié du temps)
[ ] Quelquefois (environ la moitié du temps)
[ ] Rarement (beaucoup moins que la moitié du temps)
[ ] Presque jamais ou jamais
5) Au cours des 4 dernières semaines, pendant vos rapports sexuels, à quel point vous a-t-il
été difficile de rester en érection jusqu’à la fin de ces rapports ?
[ ] Je n’ai pas essayé d’avoir de rapports sexuels
[ ] Extrêmement difficile
[ ] Très difficile
[ ] Difficile
[ ] Un peu difficile
[ ] Pas difficile
6) Au cours des 4 dernières semaines, combien de fois avez-vous essayé d’avoir des rapports
sexuels ?
[ ] Aucune fois
[ ] Une à deux fois
[ ] Trois à quatre fois
[ ] Cinq à six fois
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[ ] Sept à dix fois
[ ] Onze fois ou plus
7) Au cours des 4 dernières semaines, lorsque vous avez essayé d’avoir des rapports sexuels,
combien de fois a-t-il été satisfaisant pour vous ?
[ ] Je n’ai pas essayé d’avoir de rapports sexuels
[ ] Presque tout le temps ou tout le temps
[ ] La plupart du temps (beaucoup plus que la moitié du temps)
[ ] Quelquefois (environ la moitié du temps)
[ ] Rarement (beaucoup moins que la moitié du temps)
[ ] Presque jamais ou jamais
8) Au cours des 4 dernières semaines, à quel point avez-vous éprouvé du plaisir au cours de
vos rapports sexuels ?
[ ] Je n’ai pas eu de rapports sexuels
[ ] Enormément
[ ] Beaucoup
[ ] Modérément
[ ] Pas beaucoup
[ ] Pas du tout
9) Au cours des 4 dernières semaines, lorsque vous avez eu une stimulation sexuelle ou
un rapport sexuel, avec quelle fréquence avez-vous éjaculé ?
[ ] Je n’ai pas eu de stimulation sexuelle ou de rapport sexuel [ ] Presque tout le temps ou tout
le temps
[ ] La plupart du temps (beaucoup plus que la moitié du temps)
[ ] Quelquefois (environ la moitié du temps)
[ ] Rarement (beaucoup moins que la moitié du temps)
[ ] Presque jamais ou jamais
10) Au cours des 4 dernières semaines, lorsque vous avez eu une stimulation sexuelle
ou un rapport sexuel, combien de fois avez-vous ressenti un orgasme (avec ou sans
éjaculation) ?
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[ ] Je n’ai pas eu de stimulation sexuelle ou de rapport
[ ] Presque tout le temps ou tout le temps
[ ] La plupart du temps (beaucoup plus que la moitié du temps)
[ ] Quelquefois (environ la moitié du temps)
[ ] Rarement (beaucoup moins que la moitié du temps)
[ ] Presque jamais ou jamais
Les deux questions suivantes portent sur le désir sexuel. Définissons le désir sexuel comme
avoir envie d’une expérience sexuelle (par exemple, masturbation ou rapport sexuel), penser à
faire l’amour ou se sentir frustré en raison d’un manque d’activité sexuelle.
11) Au cours des 4 dernières semaines, avec quelle fréquence avez-vous ressenti un désir
sexuel
[ ] Presque tout le temps ou tout le temps
[ ] La plupart du temps (beaucoup plus que la moitié du temps)
[ ] Quelquefois (environ la moitié du temps)
[ ] Rarement (beaucoup moins que la moitié du temps)
[ ] Presque jamais ou jamais
12) Au cours des 4 dernières semaines, comment évalueriez-vous l’intensité de votre
désir sexuel ?
[ ] Très élevée
[ ] Elevée
[ ] Modérée
[ ] Faible
[ ] Très faible ou nulle
13) Au cours des 4 dernières semaines, dans quelle mesure avez-vous été satisfait de votre vie
sexuelle ?
[ ] Très satisfait
[ ] Moyennement satisfait
[ ] Ni satisfait, ni insatisfait
[ ] Moyennement insatisfait
[ ] Très insatisfait
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14) Au cours des 4 dernières semaines, dans quelle mesure avez-vous été satisfait de vos
relations sexuelles avec votre partenaire ?
[ ] Très satisfait
[ ] Moyennement satisfait
[ ] Ni satisfait, ni insatisfait
[ ] Moyennement insatisfait
[ ] Très insatisfait
15) Au cours des 4 dernières semaines, à quel point étiez-vous sûr de pouvoir avoir un
érection et de la maintenir?
[ ] Très sûr
[ ] Sûr
[ ] Moyennement, sûr
[ ] Pas très sûr
[ ] Pas sûr du tout
Une version abrégée du score IIEF-15, l’IIEF-5,
appelée aussi SHIM (Sexual Health
Inventory for Men) a été développée et validée séparément en 1999. L’IIEF-5 reprend de
l’IIEF quatre questions portant sur la fonction érectile (Q 2, 4, 5 et 15) et une question portant
sur la satisfaction sexuelle (Q 7). Ces cinq questions se sont révélées être plus discriminantes
lorsqu’elles ont été posées aux hommes souffrant de DE et à ceux n’en souffrant pas.
En pratique clinique, l’IIEF-5 est utilisé quasi systématiquement dans la plupart des essais
cliniques évaluant de nouvelles thérapeutiques dans le traitement de la DE.
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VII.2 Rappel anatomo-physiologique de l’érection
L’érection est un phénomène avant tout vasculaire qui correspond à un remplissage rapide des
corps érectiles par 100 à 150 cc de sang. Les corps érectiles présentent des particularités. Ils
ont la capacité de se remplir de sang de façon intermittente et transitoire, de se rigidifier, de
changer de volume et de direction. Ces structures ont un fonctionnement réflexe avec
cependant la possibilité de déclenchement volontaire.
Les corps caverneux, au nombre de deux s’étendent des branches ischio-pubiennes jusqu’au
gland. Ils mesurent environ 15 cm de longueur en état de flaccidité et 20 cm en état
d’érection. Chacun des corps caverneux est entouré d’une membrane épaisse peu extensible,
l’albuginée. Mise sous tension, elle est le principal vecteur de la rigidité des deux albuginées
qui corps caverneux. Les corps caverneux disposés en canon de fusil sont séparés par une
cloison conjonctive, le septum médian, constitué par l’accolement des deux albuginées qui
laissent communiquer les corps caverneux entre eux. L‘albuginée limite entre les deux corps
deux gouttières longitudinales: une gouttière supérieure dans laquelle cheminent veines,
artères et nerfs dorsaux du pénis, une gouttière inférieure beaucoup plus profonde dans
laquelle chemine le corps spongieux. Ils servent de tuteur au corps spongieux et participent de
manière active à la stimulation sexuelle du partenaire.
Le corps spongieux est médian, ventral et entoure l’urètre antérieur. Il mesure 13 cm environ
à l’état de flaccidité et 18 cm en érection. C’est un cylindre renflé en arrière, effilé en avant,
qui se continue par le gland. Le renflement postérieur ou bulbe, est développé en arrière de la
pénétration de l’urètre. Sa face supérieure est fixée à la face inférieure de l’aponévrose
moyenne du périnée. Sa face inférieure est recouverte par le muscle bulbo spongieux et par
l’aponévrose périnéale superficielle. A u niveau du corps du pénis, le corps spongieux est
situé dans la gouttière inférieure formée par les corps caverneux auquel il est uni par un tissu
conjonctif dense et des anastomoses vasculaires. Sa face inférieure répond aux enveloppes du
pénis. En avant le corps spongieux se termine par le gland, constitué du même tissu érectile
que le corps spongieux. Le corps spongieux qui forme une gaine autour de l’urètre pénien, est
constitué d’un tissu érectile moins dense que les corps caverneux et entouré d’une albuginée
plus fine, ce qui explique une pression plus basse. Le corps spongieux a un rôle sensitif
prépondérant avec la sensibilité élective du gland responsable de la volupté sexuelle. D’autre
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part, il joue un rôle dans le renforcement de la rigidification caverneuse par mise en jeu d’un
arc reflexe.
Vascularisation :
L’érection est un phénomène avant tout vasculaire qui correspond à un remplissage rapide des
corps érectiles par 100 à 150 cc de sang. Les corps érectiles sont alimentés par l’artère
honteuse interne, branche de l’artère iliaque interne. L’artère honteuse se divise classiquement
en quatre branches : bulbaire, urétrale (irrigant le corps spongieux et le gland), dorsale
(donnant de nombreuses branches circonflexes et se terminant par les artères hélicoïdales dans
le gland) et enfin caverneuse courant dans la partie centrale des corps caverneux et se
terminant également par des branches hélicoïdales s’allongeant lors de l’érection.
Une artère honteuse interne accessoire existe 7 fois sur10 et il faut souligner les nombreuses
variations anatomiques de la vascularisation artérielle pénienne.
La paroi artérielle est composée de fibres musculaires lisses qui selon leur contractilité
assurée par le système nerveux autonome augmenteront ou réduiront le diamètre artériel,
assurant un remplissage variable des aréoles vasculaires.
Le drainage veineux des corps érectiles se fait à partir de veinules, les veines émissaires, qui
cheminent à la face profonde de l’albuginée et qui se drainent à travers la paroi des corps
caverneux dans la veine dorsale profonde de la verge.
Les veines émissaires intra caverneuses sont comprimées contre l’albuginée au cours de
l’érection s’opposant ainsi à la fuite du sang caverneux et augmentant ainsi la pression dans
les corps érectiles.
Innervation :
Outre le système, le système neurologique joue aussi un rôle déterminant dans la physiologie
de l’érection en régulant les flux sanguins intra caverneux.
Les nerfs moteurs de l’érection sont de trois types :
-somatiques issus du nerf honteux interne qui assurent l’innervation des muscles striés ischio
et bulbo caverneux et dont la contraction est responsable d’une augmentation de la pression
des corps érectiles une fois l’érection installée.
- sympathiques et parasympathiques faisant partie du système neurovégétatif qui assurent
l’innervation du muscle lisse érectile et des vaisseaux à destinée pénienne.
L’innervation sensitive dépend du nerf pudendal et du nerf caverneux.
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Le tissu érectile :
Trois constituants définissent le tissu érectile.
Le squelette conjonctif. Il est formé d’une enveloppe externe, l’albuginée, d’où émanent de
nombreuses cloisons, les trabécules qui réalisent une véritable charpente. Sa richesse en fibres
collagène dans les corps caverneux où il représente près de 50% du volume explique la
solidité et la capacité à se rigidifier. Dans le corps spongieux, la finesse du squelette
conjonctif ainsi que la prépondérance des fibres élastiques expliquent l’absence de
rigidification et la plus grande distensibilité.
Le muscle lisse. Il participe au fonctionnement musculaire autonome. Les fibres musculaires
lisses trabéculaires s’insèrent sur le squelette conjonctif. Le muscle lisse trabéculaire
prédomine au niveau caverneux où il occupe près de 40% du volume chez l’adulte jeune avant
de s’atrophier progressivement avec l’age.
Le système d’aréoles vasculaires. Ce sont des cavités tapissées d’une couche de cellules
endothéliales qui communiquent entre elles. Elles assurent une fonction de réservoir sanguin,
rempli par le système artériel et vidé par le circuit veineux, expliquant les variations du
volume pénien. Elles jouent un rôle régulateur important sur la contractilité des fibres
musculaires lisses trabéculaires et de la média artérielle à partir de secrétions des cellules
endothéliales.
La différence de répartition entre ces trois composants fondamentaux (muscle lisse, squelette
conjonctif et aréoles vasculaires) explique les différences physiologiques entre corps
caverneux et spongieux.
Dans les corps caverneux, le squelette conjonctif et le muscle lisse trabéculaire représentent
respectivement près de 50 et 40% du volume, ce qui explique la rigidification à haute
pression. Au contraire dans le corps spongieux les aréoles vasculaires représentent près de
90% du volume.
Le maintien d’un équilibre entre les composantes conjonctive et musculaire lisse est
nécessaire à l’obtention d’érections de bonne qualité, au dessous d’un ratio muscle lisse
trabéculaire/ tissu conjonctif d’environ 40% le verrouillage veineux caverneux s’altère.
Le concept de l’éponge active :
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Les corps érectiles fonctionnent véritablement comme une éponge musculaire lisse, contractée
à
l’état
de
flaccidité
et
relâchée
lors
de
l’érection.
Le
tonus
des
fibres
musculaires lisses dépend de la concentration de calcium intracellulaire. La baisse de calcium
libre intracellulaire entraîne une myorelaxation et donc un afflux sanguin dans les espaces
aréolaires.
Ce sont des médiateurs AMPc et GMPc qui induisent cette baisse de Ca intracellulaire, eux
mêmes étant dégradés par une enzyme: la phosphodiestérase (rôle des IPDE5).
La voie monoxyde d’azote NO-GMPc semble prépondérante : en réponse à une stimulation
sexuelle le NO est libéré par les terminaisons parasympathiques pro érectiles ainsi que par les
cellules endothéliales des aréoles vasculaires et provoque ainsi une augmentation du GMPc
qui diminue la concentration du Ca et assure le relâchement cellulaire.
Sources :
-
BONDIL Pierre, La dysfonction érectile, Ed. John Libbey Eurotext 2003.
-
AIHUS. Recommandations aux médecins généralistes pour la prise en charge de
première intention de la DE - 31 août 2005 [en ligne].
http://www.aihus.fr/prod/data/Aihus/Vie/recommandationsauxmedecins.pdf
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VII.3 Examens électrophysiologiques
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