Allonger le délai de prescription de saisine du Fiva au profit des

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Allonger le délai de prescription de saisine du Fiva au profit des
[MéTIErS]
[FONDS D’INDEMNISATION DES VICTIMES DE L’AMIANTE]
Allonger le délai de prescription de
saisine du Fiva au profit des victimes
■ en fixant à dix ans le délai de prescription des demandes devant le Fonds d’indemnisation des victimes
de l’amiante (Fiva), la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (LFss) permet une meilleure réparation
des préjudices des victimes de l’amiante.
Le Fonds d’indemnisation des
victimes de l’amiante (Fiva) a
été créé par l’article 53 de la loi
n° 2000-1257 du 23 décembre 2000
Le problème du délai
Cesvictimesdoiventadresserunformu­
laire de demande d’indemnisation au
Fiva, qui dispose de six mois pour leur
faire part de sa décision. En 2009, le
fonds a reçu 17 883 demandes, toutes
catégories confondues, et a adressé
6 180 offres d’indemnisation (1).
Afin d’assurer une égalité de traitement
dans l’indemnisation des victimes, le
Fiva s’est doté d’un barème d’indemni­
sation indicatif, approuvé par son
conseil d’administration le 21 janvier
2003. Si le Fiva n’a adressé aucune offre
à la victime dans les six mois, s’il a refusé
d’indemniser la victime ou si cette
dernière conteste le montant de l’in­
demnisation proposé, un recours est
Décision interne
photopqr /la dépêche du midi /marc salvet/cahors
de financement de la sécurité sociale
pour 2001. Il s’agit d’un établissement
public national à caractère administra­
tif qui a pour but d’assurer la réparation
intégrale des victimes de l’amiante,
qu’il s’agisse de personnes ayant été
exposées à l’amiante dans un cadre
professionnel et dont la maladie a ou
non été reconnue d’origine profession­
nelle ou de personnes ayant été expo­
sées en dehors de tout cadre profes­
sionnel. Par ailleurs, cet article prévoit
que sont aussi recevables à solliciter
une indemnisation les ayants droit
d’une personne décédée des suites
d’une pathologie liée à l’amiante.
d’indemnisation devant le Fiva. Par
conséquent, la question s’est posée de
la détermination du délai de prescrip­
tion applicable et du point de départ.
la loi de financement
de la sécurité sociale
pour 2011 permet une
meilleure
indemnisation pour les
victimes (ci-dessus,
le procès des victimes
de l’amiante de Fumel,
au tribunal de cahors
en septembre 2010).
possible devant la cour d’appel du do­
micile de la victime.
Par ailleurs, une fois l’offre d’indemni­
sation faite à la victime et acceptée par
cette dernière, le Fiva peut être subrogé
dans les droits que possède la victime
et agir contre la personne responsable.
En pratique, il s’agit généralement de
l’employeur tenu à indemnisation au
titre de l’éventuelle faute inexcusable
qu’il aurait commise.
Toutefois, la loi du 23 décembre 2000
n’a pas précisé le délai dans lequel les
victimes devaient déposer un dossier
ll LA LOI Du 23 DéCEMbrE 2000 N’A pAS préCISé
LE DéLAI DANS LEquEL LES VICTIMES DEVAIENT
DépOSEr uN DOSSIEr DEVANT LE FIVA. ll
Afin de pallier cette carence, le conseil
d’administration du Fiva a décidé, aux
termes d’une décision du 27 février
2007, se substituant à une précédente
du 17 juin 2003, «d’une part que le point
de départ général de la prescription
quadriennale en matière de demande
d’indemnisation était fixée au 21 janvier
2003, date d’adoption du barème, et
d’autre part que pour les plaques pleu­
rales, les épaississements pleuraux et
l’asbestose le délai de prescription par­
tait de la date du certificat médical ini­
tial ou du constat d’aggravation, tandis
que, pour les cancers sans aggravation
constatée dans un délai de cinq ans
après le certificat médical initial ou du
constat d’aggravation, la consolidation
était considérée comme acquise » (1).
Certaines demandes d’indemnisation
pouvant alors être prescrites à compter
du 1er janvier 2008, le Fiva a enregistré
une forte augmentation du nombre de
dossiers en 2007, et a opposé 630 « fins
de non­recevoir » tirées de la prescrip­
tion en 2008 et 2009.
Des recours ayant été intentés à l’en­
contre de ces refus, la Cour de cassa­
tion s’est, après avoir fait part d’un avis
le 18 janvier 2010, prononcée sur la
question de la prescription dans trois
arrêts du 3 juin 2010 (Civ. 2e, pourvois
n° 09­13.372, 09­13.373, 09.14­605).
L’ A r g u s d e L’ A s s u r A n c e . 2 5 m a r s 2 0 1 1 . a r g u s d e l a s s u r a n c e . c o m
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[MéTIErS]
UNE MEILLEURE INDEMNISATION DES VICTIMES
■ la volonté du législateur d’assurer la meilleure indemnisation
possible des victimes de l’amiante s’était déjà manifestée aux termes
de l’article 40 de loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998.
■ en effet, afin d’éviter la prescription des actions des victimes
de l’amiante en reconnaissance de la faute inexcusable
de leur employeur, le législateur a prévu une réouverture
de leurs droits, dès lors que la première constatation médicale
de leur affection professionnelle est intervenue entre
le 1er janvier 1947 et la date d’entrée en vigueur de cette loi.
■ ces victimes peuvent ainsi rechercher la faute inexcusable
de l’employeur, alors même que leur action serait prescrite en vertu
des règles du code de la sécurité sociale.
■ toutefois, dans une telle hypothèse, la branche accidents du travail
et maladies professionnelles, soit la communauté des employeurs,
conserve la charge définitive des éventuelles condamnations.
Si elle a confirmé le délai de cette pres­
cription en considérant que « la de­
mande d’indemnisation adressée au
Fonds par la victime d’une exposition à
l’amiante était soumise à la prescription
quadriennale prévue par l’article 1er de
la loi n° 68­1250 du 31 décembre 1968 »
– et ce en référence à la nature d’éta­
blissement public national à caractère
administratif du Fiva –, elle n’a pas re­
tenu le même point de départ de ce
délai de prescription en considérant
que « la prescription quadriennale ap­
plicable à la demande d’indemnisation
adressée au Fonds ne peut commencer
à courir tant que la consolidation du
dommage n’a pas été constatée ; que
lorsque cette consolidation a été consta­
tée avant la date d’entrée en vigueur du
décret n°2001­963 du 23 octobre 2001,
le point de départ du délai ne peut être
fixé avant cette dernière date ; que
lorsqu’elle a été constatée après l’entrée
en vigueur de ce texte, le point de dé­
part du délai est fixé au premier janvier
de l’année suivant la date de la conso­
lidation ». Sur ce dernier point, la Cour
de cassation a accepté que le point de
départ du délai de prescription soit
reculé au 21 janvier 2003, date d’adop­
tion du barème d’indemnisation indi­
catif, dès lors que cette dernière date
est plus favorable à la victime (pourvoi
n° 09­14.605).
ll
IL Y A FOrT À pArIEr
quE LE FIVA SOIT
DéSOrMAIS SAISI
DE NOMbrEuSES
DEMANDES. ll
Toutefois, d’une part, ce choix de la
prescription quadriennale était contesté
par les victimes de l’amiante, dont
certaines demandes avaient été décla­
rées prescrites par le Fiva ; d’autre part,
le choix de faire courir cette prescrip­
tion à compter de la consolidation du
dommage ne semblait pas adapté « aux
maladies causées par l’amiante, qui
présentent un caractère évolutif sur une
longue période » (2).
Un article qui change tout...
Le législateur est donc intervenu pour
mettre un terme à ce débat et a, aux
termes de l’article 92 de la LFSS pour
2011, modifié radicalement les condi­
tions de la prescription des obligations
du Fiva (3) en considérant que ces droits
à indemnisation «se prescrivent par dix
ans à compter de la date du premier
certificat médical établissant le lien entre
la maladie et l’exposition à l’amiante».
Il a établi que ce délai ne court, pour
l’indemnisation des préjudices résultant
de l’aggravation d’une maladie, que de
la date du premier certificat médical
constatant cette aggravation ; pour
l’indemnisation des ayants droit d’une
personne décédée que de la date du
premier certificat médical établissant le
lien entre le décès et cette exposition.
... en faveur des victimes
Allant plus loin que la fixation du délai
de prescription et de son point de dé­
part, le législateur a précisé que « les
certificats médicaux établis avant le
1er janvier 2004 sont réputés l’avoir été
à cette même date » et que, « dans le
délai de trois ans à compter du 1er jan­
vier 2011, les auteurs d’une demande
d’indemnisation rejetée avant l’entrée
en vigueur de la présente loi au motif
que les droits étaient prescrits, ou leurs
ayants droit, peuvent demander au Fiva
de se prononcer à nouveau sur la de­
mande, à condition qu’ils se désistent,
le cas échéant, de leur action en cours
à l’encontre de la décision de rejet ».
Au mépris de toute autre considération
et en permettant aux personnes dont
les demandes ont été rejetées comme
tardives en 2008 et 2009 de déposer
de nouvelles demandes, le législateur a
souhaité que les victimes bénéficient de
la meilleure indemnisation possible et
qu’elles ne puissent pas se voir opposer
des «fins de non­recevoir» au motif que
leurs demandes seraient prescrites.
Il y a donc fort à parier que le Fiva soit
désormais saisi de nombreuses deman­
des, dès lors qu’aux termes de cette loi
plus aucune demande d’indemnisation
ne semble pouvoir aujourd’hui être
considérée comme prescrite.
Or, les conséquences financières seront,
à n’en pas douter, supportées par les
entreprises, puisque, depuis sa création,
le Fiva est financé à 88 % par la branche
accidents du travail et maladies profes­
sionnelles du régime général de la Sé­
curité sociale, étant précisé que sur la
période 2001­2009, cette branche a
versé au Fiva la somme de 2,359 Md €
sur les 2,687 Md € votés (1).
■ JULIETTE MONGIN, AVOCAT À LA COUR,
VIGO CABINET D’AVOCATS
L’ A r g u s d e L’ A s s u r A n c e . 2 5 m a r s 2 0 1 1 . a r g u s d e l a s s u r a n c e . c o m
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À RETENIR
■ La loi de financement
de la sécurité sociale
pour 2011 (LFss)
a, aux termes de
son article 92, porté
à dix ans la durée
de la prescription
des demandes
d’indemnisation
formulées devant le
Fonds d’indemnisation
des victimes
de l’amiante (Fiva),
le point de départ
de ce délai étant fixé
à la date du certificat
médical établissant
le lien entre la maladie
et l’exposition
à l’amiante.
■ La loi a prévu
certaines modalités
d’application de
ce nouveau régime
afin de permettre au
plus grand nombre de
victimes de bénéficier
d’une indemnisation
de leurs préjudices.
1. 9e rapport d’activité du Fiva
au parlement et au
gouvernement, p. 4 et 5,
et p. 24 et 25.
2. « droit de la sécurité
sociale », chronique par Gérard
vachet, JCP e n° 49, 9 décembre
2010, n° 2090. lire aussi
« indemnisation des victimes
de l’amiante : prescription des
demandes présentées au Fiva »,
Joël colonna et virginie renauxpersonnic, JCP G n° 38,
20 septembre 2010, n° 926.
3. « lFss pour 2011 : principales
mesures relatives à la branche
accidents du travail et maladies
professionnelles », étude
par philippe plichon,
Semaine juridique sociale, n° 3,
18 janvier 2011, n° 1018.

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