roue de Sainte-Catherine - Généalogie et Histoire du dunkerquois
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roue de Sainte-Catherine - Généalogie et Histoire du dunkerquois
Ces Saints qu’on prie en Flandre A Leffrinckoucke-Village, on invoque la patronne des jeunes filles, contre la « roue de Sainte-Catherine » Par Stéphane Bijan Article paru le 13 mars 1977 dans la « Voix du Nord » Avec l’aimable autorisation de l’auteur La statue de Sainte Catherine, à Leffrinckoucke-Village, a échappé à la destruction mais elle est mutilée. Il manque en effet la main gauche, qui s’appuyait sur une roue brisée, et la palme, symbole du martyre, que tenait la sainte dans sa main droite. Stéphane Bijan / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 1 Sainte-Catherine, choisie par la Faculté de théologie de l’Université de Paris pour patronne, est aussi celle des philosophes et des étudiants, mais elle est surtout connue comme étant la patronne des jeunes filles ; plus particulièrement encore dans notre région où la fête traditionnelle est maintenue vivace par l’organisation de nombreux bals et concours de bonnets. Il n’y a, dans les environs de Dunkerque, qu’une seule paroisse dédiée à SainteCatherine, celle de Leffrinckoucke-Village où, malheureusement l’ancienne église, volontairement détruite pendant le siège de Dunkerque à la fin de la guerre, par les Allemands, n’a été remplacée que par un baraquement provisoire aujourd’hui en bien piteux état. Mais dans ce modeste sanctuaire trône encore une très ancienne représentation de Sainte-Catherine, une statue en bois polychrome devant laquelle des pèlerins viennent vénérer la sainte et l’implorer de les délivrer d’un mal tenace auquel on a donné le nom de « roue de Sainte-Catherine ». Il s’agit d’une affection virale connue depuis l’antiquité, un type d’herpès qui se manifeste de façon spectaculaire notamment au visage où, s’étendant en une éruption vésiculaire douloureuse, il peut effectivement prendre la forme d’une roue. Le traitement est, dans certains cas, assez décevant, ce qui explique probablement que des malades s’en remettent à Sainte-Catherine pour obtenir la guérison. Jadis une neuvaine annuelle rassemblait les fidèles au pied de Sainte-Catherine au moment de la célébration de sa fête, le 25 novembre. La neuvaine subsiste mais elle n’est imposée de nos jours qu’aux malades isolés qui, de plus en plus rares vont « servir » Sainte-Catherine. La chapelle provisoire est fermée en permanence, sauf aux heures des offices dominicaux qu’y célèbre l’abbé Desmedt, curé d’Uxem, chargé de la paroisse. Aussi, ceux qui viennent solliciter le secours de la sainte savent où s’adresser pour obtenir l’ouverture du lieu sacré. Il suffit d’entrée au « Café de la Forge » tout proche, exploité par M. et Mme Albert Favresse, à qui sont confiées les clefs de l’église et qui remettent aux visiteurs une notice contenant les litanies et la prière à Sainte-Catherine ainsi que le thème de la neuvaine prescrite. Pourquoi la roue de Sainte-Catherine D’où vient ce rapport entre Sainte-Catherine et l’herpès ? Probablement du fait que la sainte a échappé miraculeusement au supplice de la roue. Catherine est née à Alexandrie, au IIIe siècle, dans une famille très riche. Païenne comme ses parents, elle reçut une forte instruction et, à la mort de son père, elle se convertit à la religion chrétienne en même temps que sa mère. Suivant la tradition, après son baptême, elle eut une apparition de Jésus porté dans les bras de la Sainte Vierge et qui, la choisissant pour fiancée, lui remit un anneau. La jeune fille se mit, par la suite, à enseigner la foi du Christ et, à ce titre, convertit l’impératrice Faustine. Elle fut dénoncée à l’empereur Maximin qui la fit arrêter et qui, voulant confondre l’humble jeune fille, la confronta aux plus grands savants et philosophes de l’époque. Stéphane Bijan / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 2 Mais Catherine leur répondit avec tant de calme, de sagesse et de persuasion que les interrogatoires tournèrent à son avantage et que bon nombre de ses éminents interlocuteurs se convertirent à leur tour. Furieux de ce résultat qu’il jugea déplorable et humiliant, Maximin fit jeter Catherine dans un cachot obscur où il la laissa douze jours sans nourriture. Mais des anges venaient fréquemment visiter et réconforter la prisonnière. Voulant en terminer avec la chrétienne perturbatrice, l’empereur lui prépara un supplice horrible : une grande roue garnie de pontes de fer et de lames tranchantes qui, installée sur une place publique, devait déchiqueter le corps de Catherine. Devant des dizaines et des dizaines de spectateurs avides d’assister à cette fin terrible, on amena Catherine sur la place mais lorsqu’elle s’avança vers la roue, la machine infernale se brisa d’elle-même et vola en éclats. Ecumant de fureur, Maximin décida de faire décapiter Catherine. L’exécution eut lieu le 25 novembre 305. Catherine d’Alexandrie avait 18 ans. Les écrits rapportent que les anges vinrent aussitôt s’emparer du corps de la martyre et l’emportèrent au Mont Sinaï pour l’y ensevelir afin que la dépouille échappe à la rage des persécuteurs. ….. / ….. / ….. La légende de Sainte-Catherine est relativement récente. Elle date du XIe siècle et fut surtout répandue en Occident par les Croisés. De cette époque date la création d’un ordre religieux dit « de Sainte-Catherine-du-Mont-Sinaï » dont les membres étaient chargés de protéger les pèlerins se rendant au tombeau de Sainte-Catherine. Cet ordre fut dissous peu de temps après sa fondation. Des richesses disparues Leffrinckoucke-Village possède une relique de Sainte-Catherine depuis une époque qui ne parait pas avoir été déterminée. La tour de l’église, détruite pendant la guerre, datait du XVIIe siècle, mais une partie, se réduisant au chœur et à quelques mètres de transept, était plus ancienne. D’ailleurs, l’édifice renfermait une très belle pierre tombale à effigie consacrée à Laurewelle, épouse de Pierre Staelen, morte en 1478. Des panneaux peints, de la même époque, représentaient le sacrifice d’Abraham et une descente de croix attribuée à l’école du maître anversois Quentin Metsys (1466-1530). On ignore ce que sont devenues ces peintures. Ont-elles été transférées par les Allemands avant la destruction de l’édifice ? C’est peu probable étant donné l’encerclement de la région à ce moment. Toujours est-il qu’on a retrouvé dans les ruines la statue de Sainte-Catherine, malheureusement mutilée (il manque la main gauche et le fragment de roue sur laquelle elle s’appuyait, ainsi que la palme tenue dans la main droite) et la cloche de l’église, mise en lieu sûr par les paroissiens en attendant la construction d’un nouveau sanctuaire. Mais ceci est du domaine d’un avenir très incertain à ce point de vue. Stéphane Bijan 1977 Stéphane Bijan / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 3