La formation des Maîtres en Mathématiques Daniel Perrin

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La formation des Maîtres en Mathématiques Daniel Perrin
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FORMATION DES MAÎTRES
en étant le lieu où l’Université intervient dans la formation continue) sur les
mathématiques enseignées dans le secondaire et le primaire.
Il est clair que ces quelques lignes peuvent être développées plus abondamment, mais elles me semblent traduire une synthèse des travaux de la commission « Formation des Maîtres », tout au moins depuis une dizaine d’années,
moment où le bureau de l’APMEP m’a confié la responsabilité de ses travaux.
La formation des Maîtres en Mathématiques
Daniel Perrin
Je ne parlerai ici que de la formation disciplinaire des professeurs du second
degré. Bien entendu, la formation professionnelle est, elle aussi, très importante.
Je prendrai comme principes que la formation d’un professeur doit lui permettre de dominer sa discipline, de s’adapter à ses évolutions et aux changements de programmes1 et de comprendre ses liens avec les autres disciplines.
Dominer signifie maîtriser les contenus de la discipline tels qu’ils figurent
dans les programmes du second degré, mais aussi les points qui y sont en filigrane, admis ou passés sous silence. À ce sujet, il me semble qu’il serait souhaitable d’inverser la tendance actuelle en donnant pour règle2 que tout résultat
énoncé doit recevoir une justification (éventuellement heuristique, éventuellement incomplète). Voici quelques exemples, divisés en deux catégories :
• Des notions (resp. des résultats) dont les définitions formelles (resp. les
preuves) dépassent les objectifs que l’on peut raisonnablement assigner à l’enseignement secondaire. Dans ce cas les maîtres, qui sont les garants de la cohérence scientifique, doivent dominer le sujet, mais se contenteront de justifications intuitives.
– les définitions et propriétés des limites, qui ne sont plus données avec le
formalisme des ε, η (et cela me semble assez sain),
– l’axiomatique sous-jacente à la géométrie au collège et au lycée.
• Des notions (resp. des résultats) qui peuvent être introduites (resp. démontrés) rigoureusement, à condition d’admettre certains faits intuitifs. Dans
ce cas, le maître doit savoir exactement ce qui est admis (et savoir le prouver
à son niveau).
– la limite de sinx x en 0, qui est admise, et que l’on peut montrer géométriquement (en admettant, par exemple, la proportionnalité de l’aire du secteur
et de la longueur de l’arc).
– l’existence des primitives, qui est actuellement admise, mais qui pourrait
et devrait être justifiée à partir de l’existence des aires, beaucoup plus intuitive.
Or l’enseignement dispensé à l’université, et même en préparation au
CAPES, ne permet pas d’outiller convenablement les jeunes professeurs pour
leur permettre de proposer à leurs élèves de telles justifications. En effet, il ne
suffit pas de savoir des maths au niveau n + 1 ou n + 2 pour être armé pour les
1 je pense ici au changement du programme de statistiques en seconde, à l’évolution souhaitée en géométrie et à l’irruption attendue de l’informatique au lycée.
2 Cette règle, comme toute règle, admet évidemment des exceptions.
SMF – Gazette – 87, Janvier 2001
« INFORMATIQUE » ET FORMATION DES PROFESSEURS DE MATHÉMATIQUES 65
enseigner au niveau n et certaines connaissances sont inadaptées. Je reprends
les exemples ci-dessus :
• Concernant les fonctions trigonométriques, il est très rare que soient abordées les notions d’aires et de longueurs de courbes qui permettraient de les
fonder. Le résultat de cette carence : les jeunes professeurs ne sont pas convaincus qu’il existe une façon rigoureuse de traiter ces questions par une approche
voisine de celle qu’ils utiliseront dans le second degré, ils s’empressent d’admettre tout sur le sujet et ces notions, obscures pour eux, le sont plus encore
pour les élèves.
• Concernant la géométrie, lorsqu’elle est enseignée à l’université (et c’est
exceptionnel) c’est exclusivement dans le cadre des espaces vectoriels et affines.
Cette approche est importante pour la géométrie du lycée mais pour le collège
il serait plus utile de connaître une approche axiomatique du type EuclideHilbert.
Mieux former les maîtres cela veut donc dire : garder une formation solide
en algèbre, en arithmétique et en analyse ; les former dans des disciplines actuellement peu représentées : géométrie, probabilités et statistiques ; les outiller
vraiment pour leur futur métier, au sens ci-dessus ; les former en informatique,
en prévision d’un enseignement qui risque d’apparaître dans le second degré ;
renforcer leur formation du côté de la modélisation.
Il est clair que vouloir réaliser toutes ces exigences de formation, en trois
ans, avec les étudiants actuels, c’est vouloir résoudre la quadrature du cercle.
De plus, avant d’envisager des améliorations de la formation des maîtres, il
faudrait déjà être capable de la maintenir à son niveau actuel. Or, je suis très
inquiet à ce sujet, à moyen terme, à cause de la diminution des inscrits dans les
préparations au CAPES et de l’augmentation prévisible du recrutement dans
les années à venir, pour cause de départs en retraite massifs.
Face à ce problème, il n’y a pas vraiment de solution. Une idée envisageable
mais politiquement peu réaliste serait d’augmenter la durée de formation en
élevant le niveau de recrutement des professeurs de mathématiques à la maîtrise.
Une autre solution, pour la partie qui concerne la réflexion sur les contenus de
l’enseignement secondaire, pourrait être d’utiliser la deuxième année d’IUFM
et, si elle voit le jour, la troisième année.
« Informatique » et formation des professeurs
de Mathématiques
Antoine Petit
ENS Cachan, [email protected]
Le terme « informatique » a ceci de particulier que la réalité qu’il recouvre
dépend le plus souvent de celui qui l’emploie. Ainsi un enfant utilisant un logiciel éducatif ou ludique déclare souvent faire de l’informatique et, moi-même,
en tant qu’enseignant chercheur, je fais des cours et de la recherche en informatique. Cette confusion se retrouve naturellement dès que l’on aborde les liens
SMF – Gazette – 87, Janvier 2001