Les mouvements politiques de gauche en Amérique latine
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Les mouvements politiques de gauche en Amérique latine
Les mouvements politiques de gauche en Amérique latine José Del Pozo Professeur au département d’histoire de l’UQÀM Intervention le 12 juin 2009 dans le cadre du Séminaire du CISO (Centre international de solidarité ouvrière) sur « Les mouvements de gauche en Amérique latine » Résumé de l’étude de cas sur le Chili effectuée par José Del Pozo. À l’époque de Salvador Allende, tout le monde savait qui était de gauche et ce que prônait la gauche. Aujourd’hui, il règne une confusion idéologique totale au Chili. La gauche qui a porté Allende au pouvoir était formée d’une alliance entre les partis socialiste et communiste. Dans l’arène politique de l’époque, on comptait également un parti de droite, de même que le parti centriste de la démocratie chrétienne. Suite au coup d’État de 1973, la gauche a été profondément ébranlée et la vieille alliance classique socialiste-communiste a fini par s’éteindre. Pour mieux s’opposer à la dictature, les socialistes ont délaissé le marxisme et se sont alliés au parti démocratechrétien. À la fin de la dictature, un nouvel échiquier politique s’était dessiné avec la présence de la Concertation des partis pour la démocratie. Cette concertation, qui se dit de centre-gauche a gagné quatre élections successives qui ont porté au pouvoir Patricio Aylwin, Eduardo Frei, Ricardo Lagos puis, plus récemment, Michelle Bachelet. Les victoires électorales de la concertation sont en partie attribuables au fait qu’elle ait réussi à faire baisser le taux de pauvreté, lequel atteignait pas moins de 40% de la population au lendemain de la dictature. Bien que son mandat tire à sa fin, Michelle Bachelet jouit encore d’une popularité sans égale. 75% de la population lui accorde encore son soutien. Paradoxalement, c’est quand même le parti de droite du milliardaire Sebastián Piñera qui est pressenti pour tenir les rênes du pays au sortir des élections prévues le 11 décembre 2009. Cela témoigne de la confusion idéologique qui règne actuellement au Chili. La concertation est en train de perdre des plumes. Les partisans du parti socialiste ne cachent pas leur déception devant l’incapacité chronique du gouvernement à résoudre certains problèmes sociaux, comme la question de l’éducation. Les enseignants sont souspayés, les inégalités sociales ne s’estompent pas, les manifestations et les protestations se succèdent, sans pour autant qu’on s’entende sur les moyens à déployer pour pallier ces problèmes. D’autres inégalités criantes, notamment à l’égard de la population indigène ont contribué à grignoter l’avance politique de la concertation et à se mettre à dos une partie des électeurs socialistes. Les indigènes, qui représentent environ 8% de la population chilienne vivent principalement dans le sud du pays. Encore aujourd’hui, la concertation continue d’appliquer une loi discriminatoire promulguée sous Pinochet qui permet d’appliquer des peines deux fois plus lourdes contre eux. Toute cette confusion politique à poussé les candidats Jorge Arrate, Alejandro Navarro et Marco Antonio Enriquez-Ominami à délaisser le parti socialiste pour se présenter indépendamment aux prochaines élections. L’ancien membre du gouvernement Allende, Jorge Arrate est soutenu par le parti communiste, un parti qui se présente comme la véritable gauche au Chili. Alejandro Navarro, sénateur dans une région du Sud s’est également lancé dans la course. Navarro entend démilitariser les territoires des indigènes. Enfin, le député socialiste Enriquez-Ominami est placé à égalité dans les sondages avec l’ancien président Frei, candidat officiel de la concertation. Ominami n’est soutenu par aucun parti actuellement, mais ne récolte pas moins de 24% des intentions de vote. Il dit qu’il se rangera du côté du meilleur parti. Les candidats de gauche s’entendent pour nationaliser les ressources naturelles comme l’eau, s’attaquer à la nationalisation du cuivre, et prônent le retour à un État fort, qui interviendrait dans l’économie de façon à mettre fin aux inégalités sociales. La Concertation est pointée du doigt par la gauche pour avoir favorisé la privatisation de plusieurs services publics comme l’eau potable, un processus qui a débuté sous la dictature de Pinochet et s’est poursuivi sous les gouvernements d’Aylwin, de Frei et de Lagos. En plus de ces candidats de gauche, le candidat démocrate-chrétien et sénateur Adolfo Zaldivar a également délaissé le parti pour se lancer dans la course de façon indépendante. L’électorat est donc confus devant tous ces choix, car il est devenu difficile de discerner la gauche de la droite au Chili. La droite, qui jouit d’un monopole quasi-total sur les médias de masse dit vouloir s’attaquer à la pauvreté et améliorer le système d’éducation. Mouvement syndical Le mouvement syndical, qui avait été particulièrement affaibli après la dictature n’est jamais parvenu à se reconstruire. Le taux de syndicalisation atteint à peine 12% des travailleurs, alors qu’il oscillait entre 20 et 35% avant Allende. Les femmes sont encore plus durement touchées par cette réalité alors que seulement 7% des travailleuses chiliennes sont aujourd’hui syndiquées.