JOHANNES BRAHMS Un requiem allemand

Transcription

JOHANNES BRAHMS Un requiem allemand
JOHANNES BRAHMS Un requiem allemand Lʹarchitecture de la composition Lʹœuvre émerge lentement du silence sur le mot selig – heureux ‐ pianissimo, et y retourne de même à la fin. Une certaine symétrie, du texte et de la musique, structure lʹensemble autour de la partie centrale paradisiaque, la 4e, ʺQue tes demeures sont désirablesʺ, pierre angulaire de lʹédifice : ‐ à la béatitude du 1er mouvement répond celle du 7e ‐ à la marche funèbre du 2nd sur la précarité de la vie terrestre, qui fait place à un hymne à la joie, répond le balancement sourd du 6eme au début, qui se prolonge par une évocation triomphale de la résurrection et une action de grâce (fugue) ‐ au baryton solo du 3e qui se lamente sur la brièveté de ses jours et à qui le choeur rappelle la bonté de Dieu (fugue), répond, dans le 5e, Jésus par la voix de la soprano solo, qui vient le ʺconsoler comme un que sa mère consoleʺ, le choeur répétant inlassablement à la fin ʺJe vous consoleraiʺ (à lʹinverse de Bach qui donne la voix de Jésus à un baryton et celle de lʹâme humaine à une soprano) Une oeuvre de conviction Dans cette oeuvre, le texte est à ce point exprimé par la musique quʹil nous a paru intéressant de rechercher dans la vie de Brahms les éléments qui guidé, conditionné, ou, plus tard, illustré son choix de citations, parce quʹil y retrouvait sa substance : expérience vécue où les difficultés et les souffrances nʹont jamais exclu la joie de lʹamitié, de la nature et de la création. Les citations bibliques sont indiquées dans la marge à droite, le n° du mouvement est entre parenthèses Maison natale de Brahms à Hambourg Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans la joie (1) Le père de Johannes jouait de la musique légère dans des tavernes minables et sa femme, qui avait 17 ans de plus que lui, après avoir été domestique pendant 10 ans, faisait des travaux de couture, travaux durs et précaires. Ils vivaient au jour le jour dans le Gängeviertel quartier très pauvre et insalubre de Hambourg (que Hitler fera démolir en 1933 comme étant un repaire dʹanti‐nazis), déménageant suivant les fluctuations de leurs revenus et des naissances : Elise, Johannes, né en 1833, et Fritz. La famille vécut pendant des années dans des pièces misérables, dans les soucis et les privations ce qui nʹexcluait pas la gaieté, la bonté et les joies simples. Les enfants durent travailler tôt : dès 13 ans, Johannes joua du piano dans les boites à matelots et les cabarets, la nuit dans une atmosphère viciée et enfumée. Il se souvint plus tard en sortir tellement épuisé quʹil titubait dʹ arbre en arbre. Lʹhumiliation subie lorsquʹon lui préféra Julius Stockhausen à la tête de la Singakademie de Hambourg, poste quʹil désirait ardemment, le déçut profondément et durablement (les patriciens de la ville ne pouvaient oublier quʹil venait du Gängeviertel). Heureux les affligés car ils seront consolés (1) Quand ses parents acquirent en 1858 un logement avec vue sur jardin, ils se réjouirent dʹy être comme assis dans un jardin. Et dans ses Que tes demeures lettres sa mère lui relatait toutes les phases par lesquelles passait la sont désirables (4)
vigne vierge qui entourait la fenêtre. En 1854 des troubles nerveux accablèrent Schumann qui, pour échapper à ses souffrances, se jeta dans le Rhin. Sauvé, il dût être interné. Terrible douleur pour Clara restée seule avec 6 enfants, séparée de son mari adoré. Johannes sera son soutien mais aussi il accompagnera Robert dans ses délires et sa lente agonie. Brahms écrivit à J.O.Grimm ʺNous aurions dû respirer avec soulagement en apprenant sa délivrance, mais nous ne pouvions y croire. Il avait lʹair si calme dans la mort. Quelle bénédictionʺ (1856) Clara et ses enfants (1854) Heureux les affligés...(1) Heureux sont les morts dans le Seigneur.(7) Après la mort de la femme de Grimm, il lui écrira : ʺPeut‐être ton amour pour elle sera‐t‐il réconforté par le fait que maintenant, elle nʹa Je vous consolerai plus à partager ta peine et que tu as dans tes enfants la consolation de la (5) voir continuer à vivre.ʺ(1896) À la perspective de la mort de Clara : ʺLʹidée de la perdre ne doit plus nous effrayer (...). Et quand elle nous aura quittés, nos visages ne sʹillumineront‐ils pas de joie en pensant à elle, à cette merveilleuse femme(...) pour lʹaimer et lʹadmirer de plus en plus ? Cʹest de cette manière seulement que nous la pleureronsʺ(à J.Joachim 10‐4‐96) Vous avez maintenant le coeur triste, mais votre coeur se réjouira (5) Jusquʹà un âge avancé il adressa le premier jet de ses compositions à Clara ou à Joachim en leur demandant leur avis, dont il tiendra toujours compte. Il nʹhésita pas à détruire plusieurs de ses oeuvres qui ne le satisfaisaient pas. Sa timidité, bien connue de ses amis, contribua à le détourner de lʹactivité de concertiste. La morgue de la cour qui idolâtrait Liszt à Weimar lui déplut et malgré son besoin de soutien il sʹen écarta. Quʹils sont peu de chose ceux qui sont si sûrs dʹeux (3) Johannes, qui avait bénéficié de la bonté de sa mère puis de ses professeurs (Marxsen en deux ans, nʹaccepta aucune rémunération) envoya ses premiers gains à ses parents, puis continua à leur assurer un complément de ressources, entretint sa sœur (handicapée par des maux de tête) jusquʹà sa mort, procura du travail à son frère, aida la seconde épouse de son père. Il se montra dʹune rare générosité envers des amis dans le besoin, des sociétés musicales, et même des jeunes artistes inconnus (comme Dvorak...) Les âmes des justes sont dans la main de Dieu (3) En 1875, quand il démissionna de son poste de chef dʹorchestre ... nous nʹavons à Vienne après 3 années, il en fut grandement soulagé car les pas ici‐bas de cité inconvénients lʹemportaient sur les avantages. Il se jura de ne plus permanente (6) jamais accepter une position stable. Et de fait il mena toujours une vie errante. Sa mère, en réponse au récit par son fils de sa tournée avec Remenyi et sa rencontre avec Joachim, lui écrivit: ʺTa vie ne fait que commencer, tu vas recueillir ce que tu as semé avec tant de peine et de zèle. Ton heure est arrivée. Remercie la Divine Providence etc.ʺ Quʹils se reposent
car leur oeuvres les accompagnent (7) JP Santiano