ETUDE DE LA PREDATION DES GRANDS CORMORANS
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ETUDE DE LA PREDATION DES GRANDS CORMORANS
ETUDE DE LA PREDATION DES GRANDS CORMORANS (Phalacrocorax carbo) HIVERNANT DANS L’OUEST DE LA FRANCE HIVERS 2000-2001 A 2002-2003 FONTENEAU Frédéric, LE GENTIL Jérôme, PAILLISSON Jean-Marc, CARPENTIER Alexandre & MARION Loïc Equipe "Biologie des Populations et de la Conservation" Janvier 2004 ETUDE DE LA PREDATION DES GRANDS CORMORANS (Phalacrocorax carbo) HIVERNANT DANS L’OUEST DE LA FRANCE HIVERS 2000-2001 A 2002-2003 FONTENEAU Frédéric, LE GENTIL Jérôme, PAILLISSON Jean-Marc, CARPENTIER Alexandre & MARION Loïc Janvier 2004 REMERCIEMENTS REMERCIEMENTS : Nous tenons tout d’abord à adresser nos plus vifs remerciements à l’ensemble des personnes et organismes ayant participé à la collecte et/ou au stockage des cadavres de Grands cormorans : Didier DONADIO (Délégué régional du service de la garderie de l'ONCFS de la Région Normandie), D. ECOLAN (ONCFS Côtes-d’Armor), Yves LEPAGE (CSP Ille-et-Vilaine), Michel HUBERT (Fédération des Chasseurs d’Indre-et-Loire), Bernard GAÉTINEAU (CSP Loire-Atlantique), Daniel DENIS (Garde chef du service de la garderie de l'ONCFS du Morbihan), Guillaume GÉLINAUD et Mathieu FORTIN (Réserve Naturelle de Séné, Morbihan), Jean-Paul THIBAUD-W ILKENS (Fédération des Chasseurs de la Sarthe), Bertrand TROLLIET (CNERA, ONCFS de la Vendée), Louis PIGENET, Pierre GERMAIN et Louis PILET (Association Syndicale des Marais de la Basse Vallée de la Vie, Vendée), Gérard GATEAU pour avoir bien voulu mettre gratuitement à notre disposition un congélateur pour le stockage des cormorans à Saint-Hilaire de Riez (Vendée), Arnaud TANGUY et Dimitri BOURON (Fédération de la Vendée pour la Pêche et la Protection du Milieu aquatique), Association ALLIGATOR (Vendée), Guy MAIZIÈRE (Pêcheur amateur et chasseur dans l’Yonne), Juliette TANCRÉ (DDAF de l’Yonne). Merci à la DDAF de l’Ille-et-Vilaine qui a instruit le dossier inter-départements d’autorisation de transport des cormorans pour les analyses. SOMMAIRE SOMMAIRE : I. Introduction ........................................................................................1 II. Matériel et méthode...........................................................................4 II.1 Echantillonnage des Grands cormorans....................................................... 4 II.2 Caractérisation des Grands cormorans ........................................................ 5 II.3 Régime alimentaire.......................................................................................... 5 III. Résultats...........................................................................................7 III.1 Caractérisation des Grands cormorans ....................................................... 7 III.1.1 Répartition des deux sous-espèces................................................................................... 7 III.1.2 Age des individus abattus................................................................................................... 8 III.1.3 Sexe-ratio des individus abattus ........................................................................................ 9 III.2. Régime alimentaire........................................................................................ 9 III.2.1. Vendée................................................................................................................................ 10 III.2.2. Loire-Atlantique................................................................................................................. 11 III.2.3. Morbihan ............................................................................................................................ 14 III.2.4. Ille-et-Vilaine ...................................................................................................................... 19 III.2.5. Côtes-d’Armor ................................................................................................................... 24 III.2.6. Sarthe ................................................................................................................................. 27 III.2.7. Eure .................................................................................................................................... 28 III.2.8. Indre-et-Loire ..................................................................................................................... 31 III.2.9. Yonne ................................................................................................................................. 36 IV. Discussion ..................................................................................... 38 IV.1 Gestion des deux sous-espèces de Grands cormorans........................... 38 IV.1.1 Répartition des deux sous-espèces ................................................................................ 38 IV.1.2 Gestion des populations de Grands cormorans ............................................................ 39 IV.2. Régime alimentaire ..................................................................................... 41 V. Conclusion ...................................................................................... 46 VI. Bibliographie.................................................................................. 48 INTRODUCTION I. INTRODUCTION Le Grand cormoran (Phalacrocorax carbo) comporte deux sous-espèces en Europe. La première, P.c.carbo vit plutôt le long des côtes, se nourrit en mer, et niche sur les falaises rocheuses ; l'autre P.c.sinensis, est surtout présente à l'intérieur des terres, pêche en eaux douces et construit son nid dans des arbres. La situation géographique particulière de la France conduit durant l'hiver à une forte présence de Grands cormorans des deux sous-espèces dans nos régions (MARION, 1995). Proche de l'extinction au début de la deuxième moitié du XXième siècle, avec en Europe de l’ouest 5300 couples pour la sous-espèce sinensis et 22500 couples pour la sous-espèce carbo (VAN EERDEN & GREGERSEN 1997, MARION, 1997), le Grand cormoran a bénéficié de mesures de protection prises en France en 1976 (Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976, relative à la protection de la nature (J.O. du 13 juillet 1976)). Ces mesures ont été renforcées par la suite au niveau européen par le classement de P.c.sinensis à l'annexe I de la Directive Oiseaux de 1979. Les populations hivernantes de cormorans ont fortement augmenté en Europe continentale, et plus particulièrement en France, à partir des années 80, passant de 14000 individus en 1981 à 89183 en 2003 (MARION, 2003). Cette explosion démographique a engendré de fortes craintes de la part des pisciculteurs et des pêcheurs professionnels ou amateurs concernant l'impact potentiel de ces oiseaux sur leurs activités (e.g. KIRBY et al., 1996; MARQUISS & CARSS, 1997). Il est certain que parmi les oiseaux piscivores, le Grand Cormoran est l’espèce la plus montrée du doigt (MARION, 2000). En France, face à l'augmentation des protestations des pisciculteurs et des pêcheurs amateurs et professionnels, plusieurs programmes d'évaluation de l'impact du Grand cormoran sur les activités piscicoles ont vu le jour au début des années 80 (voir MARION, 1983). Malgré l'importance des travaux portant sur les moyens de protection des piscicultures, peu d’entre eux ont répondu aux attentes de l’ensemble des différents acteurs (e.g. TROLLIET, 1993). 1 INTRODUCTION Hormis sur les piscicultures intensives, où la protection passive (fils polyamides tendus, filets…) est efficace, l'absence de résultats de la part des méthodes de protection sur les étangs et a fortiori les cours d'eau a conduit les pêcheurs et les pisciculteurs à demander que la prédation (réelle ou supposée) soit diminuée par l'intermédiaire de tirs de régulation des cormorans. Simultanément, les effectifs de Grand cormoran hivernants en Europe, et surtout en France, ont augmenté en liaison à l'accroissement des populations nicheuses de la sous-espèce sinensis (VAN EERDEN et al., 1995). Les effectifs nicheurs sont passés de 5 300 couples en 1980 à 150 000 couples (MARION, 1997), voire 170 000 couples (TROLLIET, 1999) en 1995. Suite aux fortes pressions exercées par les pisciculteurs professionnels auprès des instances décisionnelles, des autorisations de tirs portant sur la sous-espèce sinensis ont été accordées à partir de 1992 en France et n'ont cessé d'augmenter jusqu'au seuil de 18% des effectifs hivernants en 2001. La mise en place de tirs de régulation paraissait être la méthode la plus satisfaisante pour réduire l'impact des cormorans. Les résultats de ces campagnes de tirs se faisant attendre, l'objectif premier qui était de protéger les piscicultures s'est vite transformé en une volonté de réduire les effectifs hivernants de Grand cormorans sur la totalité du territoire français. En effet initialement mis en place pour protéger les piscicultures professionnelles, ces tirs de régulations ont très rapidement été demandés par les pêcheurs amateurs pour pouvoir aussi intervenir sur les eaux libres et les étangs privés. Ces demandes ont fini par être accordées en 1996. Le nombre de départements au sein desquels ont lieu ces tirs de régulation est ainsi passé de 28 en 1996-1997 à 56 en 2002-2003, et le nombre d’oiseaux abattus de 4551 en 1996-1997 à 22046 en 2002-2003. Durant ce dernier hiver, ce sont 14139 oiseaux qui ont été prélevés sur les piscicultures extensives et 7907 en eaux libres. Malgré cette forte augmentation de prélèvement, il n’y a pas de relations entre les tirs et les variations d’effectifs départementaux (MARION, 2001, 2002). Malgré le nombre de plus en plus important d'études portant sur l’impact des Grands cormorans sur les activités piscicoles, il est encore difficile d'apprécier de façon suffisamment précise la prédation de cet oiseau piscivore à l’échelle du territoire français. En effet, il existerait des variations inter-sites, dues à la composition des stocks de poissons disponibles dans le milieu (SUTER, 1991, KELLER, 2 INTRODUCTION 1995, LINDELL, 1997), mais aussi des variations mensuelles (MELLIN & MARTYNIAK, 1991, MARTEIJN & DIRKSEN, 1991, COLLAS et al., 2001) et inter-annuelles dans le régime alimentaire de ces oiseaux (ASBIRK, 1993). Par ailleurs, la sous-espèce marine, initialement cantonnée au littoral, semble coloniser de plus en plus les zones intérieures en hiver en liaison possible avec la présence accrue de ses congénères continentaux (MARION, 1997, MARION, 2002). Les résultats préliminaires d'une étude portant sur un lot de cormorans (n = 139) abattus dans les Côtes-d'Armor, l'Ille-et-Vilaine et l'Indre-et-Loire lors des hivers 2000/2001 et 2001/2002 ont mis en évidence la présence non négligeable d'individus de la sous-espèce carbo parmi ces oiseaux (PAILLISSON et al., en préparation), soulevant de ce fait un problème d'ordre juridique, seule la sous-espèce sinensis étant soumise aux tirs de régulation. Dans ce contexte, la présente étude s’est donnée pour principal objectif d'évaluer la prédation des Grands cormorans à partir de l'analyse des contenus stomacaux d'un lot d'oiseaux abattus lors d'opérations de régulation au cours des hivers 2000/2001 à 2002/2003 sur 9 départements localisés sur un gradient OuestEst (côtes-eaux contientales). D'autres axes de recherches sont développés à partir de ce matériel biologique à l'Université de Rennes, dont notamment (1) la mise en confrontation de méthodes biométriques et génétiques relatives à l'attribution des oiseaux à l'une des deux sous-espèces, (2) une réactualisation de la distribution des deux sous-espèces en période hivernale, ainsi que (3) une démarche exploratoire nouvelle sur la caractérisation de l'état parasitaire des oiseaux par l'analyse des parasites du tube digestif. Parmi cette approche pluridisciplinaire, nous n'évoquerons dans le présent rapport que la proportion des deux sous-espèces sur la base des seuls critères morphologiques. Finalement nous dresserons un premier bilan sur les problèmes rencontrés en terme de gestion de ces populations hivernantes. 3 Tableau 1 : Origine et effectifs des Grands cormorans analysés durant l’hiver 2000-2001. Sont aussi signalés les organismes participants. Départements Sites de tirs Effectifs Source COTES-D'ARMOR 20 Arguénon-Guerlédan ILLE-ET-VILAINE 20 ONCFS 18 3 8 Conseil Supérieur de la Pêche Conseil Supérieur de la Pêche Conseil Supérieur de la Pêche 29 Bruz-Chavagnes Messac-Guipry Autres sites TOTAL: 49 Tableau 2 : Origine et effectifs de Grands cormorans analysés durant l’hiver 2001-2002. Sont aussi signalés les organismes participants. Départements Sites de tirs Effectifs Source COTES-D'ARMOR 16 Arguénon-Plévens ILLE-ET-VILAINE ONCFS 29 11 Conseil Supérieur de la Pêche Conseil Supérieur de la Pêche 18 16 Fédération de la Chasse Fédération de la Chasse 40 Bruz-Chavagnes Messac-Guipry INDRE-ET-LOIRE 34 Cravant-les-Côteaux Autres sites (non communiqués) TOTAL: 16 90 MATERIEL ET METHODE II. MATERIEL ET METHODE II.1 ECHANTILLONNAGE DES GRANDS CORMORANS L'objectif de cette étude étant de déterminer la prédation des Grands cormorans sur plusieurs activités piscicoles, différents départements ont retenu notre attention compte tenu de leurs caractéristiques hydrographiques et des activités piscicoles pratiquées (pêche amateur sur rivières, grands fleuves ou étangs, pêche professionnelle, piscicultures extensives en étangs ou en marais…). Sur un ensemble de douze départements sollicités pour participer à cette étude, 9 d'entre eux ont répondu de manière positive. Ces prélèvements répondent à des plans de tir départementaux fixant les quotas, les sites d'intervention et les personnes assermentées. Une autorisation de transport des oiseaux abattus nous a été délivrée par la DDAF d'Ille et Vilaine. Ainsi sur 3 hivers (2000-2001, 2001-2002 et 2002-2003) nous avons récupérés 367 cormorans en provenance de 9 départements, situés principalement dans le Nord-Ouest de la France (Tableau 1 à 3). Différentes activités piscicoles sont représentées sur l’ensemble de notre zone d’étude. En Vendée, les marais côtiers saumâtres sont une zone de piscicultures extensives particulières à ces marais. Le produit de cette activité est destiné à la consommation personnelle et ne concerne que des espèces de poissons de mer. L’intérieur des terres en Vendée est le lieu d’activités de pêche amateur en rivières, en retenues et en étangs. Ces mêmes activités caractérisent aussi 6 autres départements, sur un gradient littoral-eaux continentales de 500 Km permettant d’avoir un gradient Phalacrocorax c.carbo – P.c.sinensis : la Loire Atlantique (sur la Loire et l’Erdre), le Morbihan (sur des petites rivières, sur la Vilaine et sur deux retenues de barrages), l’Ille & Vilaine (sur la Vilaine), la Sarthe (sur la Sarthe), l’Eure (surtout sur la Seine), l’Indre & Loire (sur la Loire), et l’Yonne. Contrairement aux autres départements, la Loire-Atlantique se caractérise aussi par la pêche professionnelle en marais et en fleuve (sur la Loire). Les activités professionnelles 4 Tableau 3 : Origine et effectifs des Grands cormorans analysés durant l’hiver 2002-2003. Sont aussi signalés les organismes participants. Départements Sites de tirs Effectifs Source EURE 63 Les Andelys Entre Venables et Vernon ILLE-ET-VILAINE 39 24 9 Messac-Guipry INDRE-ET-LOIRE 9 Conseil Supérieur de la Pêche 59 Avoine Noizay Savigny-en-Veron LOIRE-ATLANTIQUE 30 8 21 Fédération de la Chasse Fédération de la Chasse Fédération de la Chasse 17 Erdre Grandchamp des Fontaines Ancenis Suce-sur-Erdre Marais de Mazerolles Etangs de Vioreau MORBIHAN 2 1 1 4 2 7 Conseil Supérieur de la Pêche Conseil Supérieur de la Pêche Conseil Supérieur de la Pêche Conseil Supérieur de la Pêche Conseil Supérieur de la Pêche Conseil Supérieur de la Pêche 50 Brandivy Glénac Guerlédan Pont-Scorff Saint-Vincent-sur-Oust Taupont SARTHE 8 4 15 1 12 10 ONCFS ONCFS ONCFS ONCFS ONCFS ONCFS 7 Bazouges-sur-Loir Beille Dinay Flee Le Lude VENDEE 1 2 1 2 1 Fédération de la Chasse Fédération de la Chasse Fédération de la Chasse Fédération de la Chasse Fédération de la Chasse 1 2 7 6 Fédération de la Pêche Fédération de la Pêche ONCFS Association Syndicale des Marais de la Basse Vallée de la Vie 6 1 Particulier (Pêcheur) Particulier (Pêcheur) 16 Bournezeau La Rhéorte Olonne-sur-Mer Saint-Hilaire de Riez YONNE 7 Gurgy Vincelles TOTAL: ONCFS ONCFS 228 MATERIEL ET METHODE sont principalement axées sur la pêche de l’Anguille (adultes ou civelles). Il existe aussi quelques étangs de piscicultures professionnelles à Carpes. II.2 CARACTERISATION DES GRANDS CORMORANS Les cadavres des Grands cormorans ont été stockés dans des congélateurs à -20°C dans un délai le plus court possible après les opérations de tirs. Chaque oiseau a été âgé (adulte/immature) selon la couleur du plumage (CRAMP & SIMMONS, 1977) et sexé par inspection des gonades. La poche jugulaire a été retenue comme seul critère de morphologie externe afin de différencier l'appartenance des oiseaux aux deux sous espèces. Selon les travaux récents de NEWSON (2000), cette mesure serait un élément fiable pour discriminer les deux sous-espèces européennes de Grands cormorans. Les individus dont la poche jugulaire forme un angle inférieur à 65° sont considérés comme appartenant à la sous-espèce P.c.carbo et ceux caractérisés par un angle supérieur à 79° à la sous-espèce P.c.sinensis. Le statut des individus présentant un angle intermédiaire (entre 65° et 79°) reste actuellement indéterminé. Il pourrait s'agir d'un chevauchement des caractéristiques biométriques des deux sous-espèces ou d'un phénomène d'hybridation (NEWSON, 2000). Dans le présent travail, nous considérerons cette technique de détermination des races comme une hypothèse qui devra être validée par une étude génétique en cours (LE GENTIL et al., en préparation). Les mesures des angles de la poche jugulaire de chaque individu ont été déterminées à l'aide d'un rapporteur (précision ± 1°). II.3 REGIME ALIMENTAIRE La détermination du régime alimentaire des Grands cormorans a consisté en une détermination de l'espèce et de la taille de chacune des proies présentes dans les estomacs. Les proies ont été mesurées à l'aide d'une règle graduée (précision ± 1 mm) de l'extrémité de la tête à la fourche de la nageoire caudale. Pour les proies 5 MATERIEL ET METHODE dans un état avancé de digestion, la détermination de l'espèce a été possible grâce à l'utilisation des pièces osseuses caractéristiques pour chacune des espèces de poissons (SPILLMAN, 1961, LIBOIS et al., 1987, LIBOIS & HALLET-LIBOIS, 1988, KEITH & ALLARDI, 2001). La taille a été estimée le plus précisément possible à l'aide de poissons de référence. Les Brèmes communes et bordelières, deux espèces morphologiquement proches et indifférenciables pour les petites tailles, ont été regroupées sous le terme de Brèmes. Une pesée systématique du contenu stomacal a permis de déterminer la masse nette des individus (masse totale de l'individu à laquelle est retranchée la masse de son contenu stomacal). L'utilisation de relations entre la longueur et le poids des poissons (ADAM & ELIE, 1993) a permis de déterminer la biomasse de l’ensemble des poissons consommés par les Grands cormorans (Annexe 1). Aucune relation n’est disponible (à notre connaissance) concernant cinq espèces : le Able de Heckel, l’Ablette, le Barbeau, le Bar et le Mulet. Les poids des Barbeaux ont donc été obtenus en utilisant la même relation Taille-Poids que celle disponible pour le Gardon (espèces morphologiquement proches). Les poids des Bars et des Mulets ont été déterminés à partir de données obtenues pour ces mêmes espèces dans le cadre d’études faites dans la Baie du Mont Saint-Michel (LAFFAILLE, non publié). Pour le Able de Heckel et l’Ablette, nous avons utilisé l’équation de la Bouvière en raison de sa petite taille. 6 Tableau 4 : Proportions des deux sous-espèces de Grand cormoran (Phalacrocorax carbo) dans les différentes zones de l’étude durant les hivers 2000-2001, 2001-2002 et 2002-2003. La différenciation des sous-espèces repose sur la mesure de l’angle de la poche jugulaire. Départements Côtes-d’Armor Eure Années P.c.sinensis Loire-Atlantique Morbihan Sarthe Vendée Yonne P.c.carbo Total % Effectifs % Effectifs % Effectifs En 2000-2001 En 2001-2002 Toutes années confondues 6 5 11 30 31,2 30,6 2 3 5 10 18,8 13,9 12 8 20 60 50 55,5 20 16 36 En 2002-2003 25 39,7 22 34,9 16 25,4 63 En 2000-2001 En 2001-2002 En 2002-2003 Toutes années confondues 0 11 1 12 0 27,5 11,1 23,1 0 9 6 15 0 22,5 66,7 28,8 3 20 2 25 100 50 22,2 48,1 3* 40 9 52 En 2001-2002 En 2002-2003 Toutes années confondues 21 24 45 61,8 40,7 48,4 7 14 21 20,6 23,7 22,6 6 21 27 17,6 35,6 29 34 59 93 En 2002-2003 4 23,5 7 41,2 6 35,3 17 En 2002-2003 16 32 9 18 25 50 50 En 2002-2003 2 28,6 2 28,6 3 42,9 7 En 2002-2003 8 50 3 18,8 5 31,3 16 En 2002-2003 4 57,1 2 28,6 1 14,3 7 Ille-et-Vilaine Indre-et-Loire Indéterminé Effectifs (* les angles de la poche jugulaire n’ont pas été mesurés pour les 26 premiers Grands cormorans en Ille-et-Vilaine en 2000-2001) RESULTATS III. RESULTATS III.1 CARACTERISATION DES GRANDS CORMORANS III.1.1 Répartition des deux sous-espèces Devant l'importance des conséquences que peuvent avoir les résultats de la répartition de P.c.carbo sur la poursuite des tirs de régulation dans certains départements, il convient de faire preuve de la plus grande prudence quant à la présentation de ce type de données. Etant donné le faible effectif en Grands cormorans disponibles pour un grand nombre de sites, seuls ceux pour lesquels nous disposons d'un nombre minimal d'individus seront présentés dans cette partie. Sous réserve de validation de cette technique de discrimination des deux sousespèces (cf. partie méthodologique), les proportions des deux sous-espèces donnent des individus carbo plus nombreux que les sinensis dans les départements les plus côtiers (Ille-et-Vilaine, Côtes-d’Armor et Morbihan). Les sinensis quant à eux sont majoritaires face aux carbo dans les départements plus à l’Est (Eure et Indre-etLoire) (Tableau 4). Les résultats obtenus durant les hivers 2001-2002 et 2002-2003 en Indre-et-Loire montrent une variation dans les proportions des deux sous-espèces justifiant de ce fait une extrême prudence quant à l’utilisation de ces résultats. Il est donc nécessaire que ces travaux soient poursuivis les années à venir pour compléter ceux déjà obtenus durant les présents travaux. Parmi les 367 Grands cormorans mis à notre disposition, 8 oiseaux étaient bagués. Pour deux d’entre eux, l’origine n’a pu être déterminée. Deux de ces oiseaux ont été tués en Vendée en 2002-2003 dans les marais de Saint-Hilaire de Riez dont un était originaire du Lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique, France, sous-espèce indéterminée par la mesure de l’angle) et un originaire d'Angleterre (sous-espèce carbo selon la méthode de l’angle). Dans le Morbihan, l'oiseau trouvé mort à PontScorff (Morbihan) durant l’hiver 2002-2003 a été bagué en Angleterre (individu identifié comme un carbo grâce à la mesure de l’angle de la poche jugulaire). Un autre individu tué à Brandivy la même saison a été bagué au Lac de Grand-Lieu (oiseau identifié comme un carbo par la méthode de l‘angle de la poche jugulaire). 7 Tableau 5 : Informations disponibles concernant les Grands cormorans bagués et analysés durant l’étude. Département Site de tirs Date de Code bague Pays Date de Age Sexe tirs d'origine baguage Sous* espèce Historique de l'oiseau Ille-et-Vilaine Bruz-Chavagnes 13/12/2000 GREEN J4 Pays-Bas 1998 Adulte Mâle ? Déjà observé : * le 24/04/1998 aux Pays-Bas; * le 26/05/1998 aux Pays-Bas. Ille-et-Vilaine Bruz-Chavagnes 06/12/2001 BA 24365 ? ? Adulte Femelle ? ? Ille-et-Vilaine Messac-Guipry 26/02/2003 Museum Copenhagen Danemark 14/05/2002 Immature Mâle Carbo 1 Loire-Atlantique Marais de Mazerolles 22/11/2002 ? ? ? Adulte Femelle ? ? Morbihan Brandivy 14/01/2003 Muséum Paris CA 57851 France 14/05/1999 Adulte Femelle Carbo Déjà observé : * le 23 et 31/05/2000 Lac de Grand-Lieu (LoireAtlantique, France); * le 16/04 et 01/05/2001 nicheur au Lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique, France). Morbihan Pont-Scorf 11/02/2003 British Museum SW7 5186964 Angleterre ? Adulte Femelle Carbo ? Vendée St-Hilaire de Riez 12/01/2003 British Museum SW7 5212984 Angleterre ? Immature Mâle Carbo ? Vendée St-Hilaire de Riez 26/01/2003 Muséum Paris CA 57505 France 14/05/1999 Adulte Mâle * ère mention de cet oiseau indéterminé Déjà observé : * le 31/05/2002 nicheur au Lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique, France). Sous-espèces définies par la mesure de l’angle de la poche jugulaire Tableau 6 : Proportions adulte/immature au sein des départements ayant participé à l’étude et pour lesquels un nombre important de Grands cormorans nous a été fourni (hivers 2000-2001, 2001-2002 et 2002-2003, Im = immature, Ad = adulte) Octobre Novembre Décembre Janvier Février Adulte Immature Total Ad Im Ad Im Ad Im Ad Im Ad Im Effectifs % Effectifs % Effectifs / / / / 29 10 22 2 / / 51 81,0 12 19,0 63 En 2000-2001 / / / / 10 16 / / / / 10 38,5 16 61,5 26 En 2001-2002 / / / / 16 13 1 0 8 2 25 62,5 15 37,5 40 En 2002-2003 / / / / ? ? ? ? 2 2 6 66,7 3 33,3 9 Total / / / / 1+ 0+ 10 4 41 54,7 34 45,3 75 Eure En 2002-2003 Ille-et-Vilaine 26 + 29 + Indre-et-Loire En 2001-2002 / / / / 22 12 / / / / 22 64,7 12 35,3 34 En 2002-2003 6 23 14 12 1 3 / / / / 21 35,6 38 64,4 59 Total 6 23 14 12 23 15 / / / / 43 46,2 50 53,8 93 / / / / / / 25 19 4 2 29 58,0 21 42,0 50 En 2000-2001 / / / / / / / / 16 7 16 69,6 7 30,4 23 En 2001-2002 / / / / / / / / 10 6 10 62,5 6 37,5 16 Total / / / / / / / / 26 13 26 66,7 13 33,3 39 6 23 14 12 40 19 190 59,4 130 40,6 320 Morbihan En 2002-2003 Côtes-d'Armor Total 78 + 54 + 48 + 21 + RESULTATS Au dortoir de Messac-Guipry (Ille-et-Vilaine), un Grand cormoran bagué provenant du Danemark (appartenant à la sous-espèce carbo si l’on se fie à son angle de poche jugulaire) a été abattu en 2002-2003 et un second d’origine des Pays-Bas (sous-espèce non déterminée sur les oiseaux analysés la première année de l’étude) a été abattu sur un dortoir proche (Bruz-Chavagnes) en 2000-2001 (Tableau 5). III.1.2 Age des individus abattus Parmi les 367 cormorans issus des tirs, 213 individus étaient des adultes (58%) et 154 des individus immatures (42%). Le Tableau 6 présente les proportions adultes/immatures obtenues, selon les mois et les hivers, au sein des départements pour lesquels un nombre important de Grands cormorans nous a été fourni. Les résultats montrent une variabilité interannuelle parfois importante dans les proportions adultes/immatures. C’est le cas par exemple en Ille-et-Vilaine où les immatures représentaient respectivement 61,5% et 33,3% au cours des hivers 2000-2001 et 2001-2002 et en Indre-et-Loire où ils constituaient respectivement 35,3% et 64,4% au cours des hivers 2001-2002 et 2002-2003 (Tableau 6). De même, pour une année donnée, on remarque une variabilité des proportions adultes/immatures entre départements. C’est par exemple le cas au cours de l’hiver 2002-2003 où les immatures représentaient 64% des effectifs abattus en Indre-et-Loire et seulement 19% dans l’Eure (Tableau 6). Aussi, à partir des résultats obtenus, on observe une prédominance des immatures dans les effectifs abattus en début de campagne de régulation (Tableau 6). Au cours du mois de novembre (voire de décembre), les proportions adultes/immatures deviennent identiques. A partir du mois de janvier, les effectifs d’adultes sont systématiquement supérieurs à ceux des immatures. 8 RESULTATS Tableau 7: Bilan (présence/absence) des espèces de poissons retrouvées dans les estomacs de Grands cormorans abattus dans neuf départements français durant les campagnes de régulation 2000-2001 à 2002-2003 Classes Poissons Familles Cyprinidés Espèces Eure Able de Heckel Leucaspius delineatus Côtesd’Armor Départements Morbihan LoireAtlantique Sarthe * * * * * * * * * * * * * * * Brème commune Abramis brama Carpe commune Cyprinus carpio Carassin commun Carassius gibelio Chevesne Leuciscus cephalus * * * * * * * * * * * * * * Gardon Rutilus rutilus Goujon Gobio gobio Rotengle Scardinius erythrophtalmus * * * * * * * * * * * * Tanche Tinca tinca Arthropodes Indre-etLoire * Ablette commune Alburnus alburnus Barbeau commun Barbus barbus Bouvière Rhodeus amarus Brème bordelière Blicca bjoerkna Percidés Ille-etVilaine Vendée Yonne * * * * * * * * * Perche franche Perca fluviatilis Grémille Gymnocephalus cernuus * * * * * * * * * Sandre Stizostedion lucioperca * * * * * * * * * * Centrarchidés Perche soleil Lepomis gibbosus * * * Ictaluridés Poisson chat Ictalarus melas * * * Mugilidés Mulet Liza ramada * Moronidés Bar Dicentrarcus labrax * Anguillidés Anguille Anguilla anguilla * Esocidés Brochet Esox lucius Sparidés Dorade Sparus aurata Salmonidés Truite Salmo trutta Cambaridés Ecrevisse américaine Orconectes limosus * * * * * * * * * * * 8 RESULTATS III.1.3 Sexe-ratio des individus abattus Parmi les 367 Grands cormorans, 47% étaient des mâles, 51% des femelles et 2% des individus n’ont pas été séxés (cas des premiers cormorans analysés en 2000-2001 en Ille-et-Vilaine). Si les proportions entre mâles et femelles apparaissent très semblables sur l’ensemble des Grands cormorans analysés, ce n’est pas le cas selon les départements et les années. En 2000-2001, la proportion de mâles dans les effectifs abattus était de 45% dans les Côtes-d’Armor et de 48% en Ille-et-Vilaine. En 2001-2002, les mâles constituaient 42,5% des effectifs de Grands cormorans abattus en Ille-et-Vilaine, 75% dans les Côtes-d’Armor et 47% en Indre-et-Loire. En 2002-2003, la proportion des mâles était de 61% dans l’Eure, 44% en Ille-et-Vilaine et en Indre-et-Loire, 71% en Loire-Atlantique, 50% dans le Morbihan. III.2. REGIME ALIMENTAIRE Sur l'ensemble des 367 Grands cormorans analysés, 304 avait un estomac comportant des poissons. Un total de 3426 proies appartenant à 24 espèces de proies a été recensé dans les estomacs. Les régimes analysés sont composés quasi-exclusivement de poissons (3420 poissons de 23 espèces appartenant à 10 familles). 6 écrevisses complètent les régimes (Tableau 7). La suite de cette partie présente les résultats des contenus stomacaux obtenus par département, avec une distinction dans certains cas par année et/ou par site en fonction des effectifs, et de l’étendue géographique ou de la typologie (marais, rivière…) des sites de prélèvement. Différents aspects seront abordés (quand les effectifs le permettent) : l’occurrence des proies (nombre d’estomacs contenant une espèce donnée de poisson par rapport au nombre total d’estomacs contenant des poissons), l’abondance et la biomasse des espèces de poissons dans les régimes alimentaires. Enfin, la distribution des classes de taille, les longueurs moyennes, minimales et maximales des poissons consommés seront présentées par espèce. Les valeurs 9 RESULTATS notées “sd” dans les tableaux correspondent aux écart-type des longueurs moyennes (standard deviation). III.2.1. Vendée Dans les marais côtiers saumâtres Etant donné le faible nombre de cormorans analysés pour les marais côtiers, les résultats ne sont fournis qu‘à titre indicatif et aucune conclusion ne peut être établie. Dans les marais côtiers en 2002-2003, 7 des 13 estomacs contenaient des poissons. 4 espèces totalisant 22 individus ont été rencensées. La biomasse totale en proies est de 852 g. Du fait du nombre réduit de cormorans récoltés au sein de chaque marais (Olonne/Mer et St-Hilaire de Riez) les données de ces deux sites ont été cumulées. Le Bar et le Mulet sont présents dans respectivement 4 et 3 des 7 estomacs contenant des poissons, l’Anguille dans 2 estomacs et la Dorade dans 1 estomac. L'espèce numériquement majoritaire est le Mulet (n=13), suivie par le Bar (n=5), l’Anguille (n=2) et la Dorade (n=1). En biomasse, la Dorade (36%), malgré un seul individu, devance le Mulet (33%) et le Bar (21%). L’Anguille et la Dorade sont les proies ayant la plus forte longueur moyenne avec 256 mm. Le Bar et le Mulet sont plus petits avec respectivement une taille moyenne de 141 mm et 102 mm (Tableau 8). Tableau 8 : Tailles moyennes des espèces de poissons présentes dans le régime alimentaire de Grands cormorans abattus en Vendée (Marais saumâtres côtiers) durant l’hiver 2002-2003. Espèces Moyenne (± sd) Amplitude Anguille Bar Dorade Mulet 256 (± 20) 141 (± 24) 256 102 (± 42) 242 – 270 106 – 171 / 45 – 180 L’impact supposé des Grands cormorans sur les activités piscicoles des marais saumâtres côtiers vendéens se vérifie par la présence des Bars, poissons les plus convoités par les pisciculteurs de ces marais. Il serait donc nécessaire de 10 RESULTATS poursuivre l’étude dans ces milieux afin de pouvoir quantifier, à l'aide d'un échantillonnage plus important, l’impact des Grands cormorans sur ce type d’activité piscicole. En rivière Comme précédemment, étant donné le faible échantillon analysé, les résultats sont donnés à titre indicatif. Des conditions particulières ont conduit à la présence de concentrations importantes de Sandres dans la zone où les cormorans ont été abattus (cf discussion sur le régime). Dans les 3 estomacs comportant des items alimentaires, 17 poissons appartenant à seulement 2 espèces ont été dénombrés en 2002-2003 pour une biomasse totale de 738 g. Le Gardon était présent dans 1 des 3 estomacs et les Sandres dans 2 estomacs. Sur les 17 poissons identifiés, 12 étaient des Gardons (71%) et 5 des Sandres (29%). En biomasse, les Sandres (78%), de part leurs plus grandes tailles que les Gardons, ont pris une part plus importante dans les régimes. La taille moyenne des Sandres est de 193 mm contre 105 mm pour les Gardons. A noter la plus forte amplitude des tailles de Sandres consommés comparée à celle des Gardons (Tableau 9). Tableau 9 : Tailles moyennes des différentes espèces de poissons présentes dans le régime alimentaire de Grands cormorans abattus en Vendée (eaux continentales) durant la période d’hivernage 2002-2003. Espèces Gardon Sandre Moyenne (± sd) Amplitude 105 (± 18) 193 (± 111) 65 – 124 80 – 355 III.2.2. Loire-Atlantique Des 17 estomacs analysés en 2002-2003, 13 comportaient des poissons appartenant à 6 espèces pour un total de 88 proies représentant une biomasse de 2221 g. 11 RESULTATS - Occurrences des espèces proies dans les régimes Les Gardons, les Brèmes et les Poissons chats sont les proies retrouvées dans le plus grand nombre d’estomacs. Un tiers des estomacs contenait au moins une de ces espèces. La Perche franche est représentée dans seulement 2 des 13 estomacs (15%). Quant aux Brochets et aux Carpes, 1 seul estomac (8%) contenait ce type de proies (Tableau 10). Tableau 10 : Occurrence (en pourcentage) des différentes espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus en Loire-Atlantique durant l’hiver 2002-2003 (n = 13 estomacs). Occurrence (%) Espèces Brème Brochet Carpe Gardon Perche franche Poisson chat 38 8 8 38 15 31 - Proportions spécifiques Le Gardon (44%) est numériquement la proie la plus présente dans les régimes. On retrouve ensuite le Poisson-chat (28%) et la Carpe (14%). Les Poissons-chats constituent la plus forte biomasse avec 40% de la biomasse totale, précédant ainsi les Brèmes (31%) (Figure 1). 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En effe ctifs (n = 88) Gardon Poisson chat En biom as se (2221 g) Carpe Brème Autres Figure 1 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires des Grands cormorans en Loire-Atlantique durant l’hiver 2002-2003. 12 RESULTATS - Tailles des espèces proies consommées La taille moyenne des Cyprinidés consommés par les Grands cormorans s'échelonne entre 76 mm (pour le Gardon) et 157 mm (pour la Brème). La longueur moyenne du Poisson-chat est de 127 mm et de 144 mm pour la Perche franche. Un Brochet de 260 mm a aussi été retrouvé dans un des régimes. Les Brèmes et les Perches franches, espèces dont les tailles moyennes sont les plus fortes, sont consommées sur une gamme de tailles plus importante que les autres espèces (Tableau 11). Tableau 11 : Tailles moyennes des différentes espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus en Loire-Atlantique durant l’hiver 2002-2003. Espèces Brème Brochet Carpe Gardon Perche franche Poisson chat Moyenne (± sd) Amplitude 157 (± 52) 260 83 (± 35) 76 (± 22) 144 (± 90) 127 (± 33) 55 – 224 42 – 140 40 – 150 80 – 208 40 – 180 Pour le Gardon, la seule espèce suffisamment représentée en effectifs, la classe de tailles préférentiellement consommée par les Grands cormorans est celle comprise entre 81 et 90 mm. En dessous de 40 mm et au délà de 100 mm, les Gardons sont peu représentés dans les régimes alimentaires (Figure 2). 20 2002/2003 Abondance 15 10 5 > 210 191-200 171-180 151-160 131-140 111-120 91-100 71-80 51-60 31-40 0 Classes de taille Figure 2 : Classes de tailles (en mm) des Gardons consommés par les Grands cormorans en LoireAtlantique durant l’hiver 2002-2003. En Loire-Atlantique, les cormorans semblent se nourrir principalement de Cyprinidés. Les 12 Carpes retrouvées sur un total de 88 poissons étaient toutes 13 RESULTATS présentent dans un seul des 13 estomacs contenant des poissons. La proximité et l’attractivité supposées des zones de pisciculture comme zones alimentaires ne sont donc pas vérifiées par notre étude des régimes alimentaires. Par ailleurs, les proies recherchées par la pêche professionnelle dans ce département, essentiellement des Anguilles (ex : au Lac de Grand-Lieu, sur la Loire, dans les marais de Mazerolle…), ne sont pas présentes dans les régimes des oiseaux analysés. L’impact de la prédation des cormorans sur ces activités de pêche professionnelle n’est donc pas observé à partir de notre échantillon. III.2.3. Morbihan Le régime alimentaire des Grands cormorans sera décrit en regroupant des sites géographiquement proches. Nous distinguerons donc 3 zones : Brandivy, Guerlédan et Glénac/St-Vincent-sur-Oust/Taupont. Sur l’ensemble des 50 estomacs étudiés en 2002-2003, seuls 5 étaient vides. Dans les 45 autres, 511 poissons ont été identifiés appartenant à 12 espèces et constituant une biomasse totale de 9926 g. A Brandivy, sur les 8 estomacs disponibles, 6 contenaient un total de 41 poissons, d’une biomasse totale de 1208 g, représentant 7 espèces de poissons. Au barrage de Guerlédan, l’ensemble des 15 estomacs contenait des poissons. Ils ont permis d’identifier 7 espèces de poissons représentées par 208 individus totalisant une biomasse de 3557 g. A Glénac/St-Vincent-sur-Oust/Taupont, 10 espèces ont été identifiées dans 23 des 27 estomacs analysés. 261 poissons ont été déterminés pour une biomasse totale de 5150 g. - Occurrences des espèces proies dans les régimes Quels que soient les sites, le Gardon est la proie consommée par le plus grand nombre de cormorans. Il peut être présent dans 70 voire 100% des estomacs. D’autres espèces peuvent localement être présentes dans une part non négligeable d’estomacs comme la Perche franche à Brandivy et à Guerlédan, le Brochet à Guerlédan et la Brème à Glénac/St-Vincent-sur-Oust/Taupont (Tableau 12). 14 RESULTATS Tableau 12 : Occurrences (en pourcentage) des différentes espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus dans le Morbihan durant la période d’hivernage 2002-2003. Espèces Ablette Brème Brochet Carpe Chevesne Gardon Grémille Perche franche Perche soleil Poisson-chat Rotengle Sandre Guerlédan (n = 15 estomacs) 20 27 33 / / 87 13 33 / / 7 / Occurrence (%) Brandivy (n = 6 estomacs) 17 / 17 17 / 100 / 67 17 17 / / Glénac/St-Vincent-surOust/Taupont (n = 23 estomacs) 9 61 9 / 4 70 22 9 / 4 9 9 - Proportions spécifiques A Brandivy, les Gardons sont numériquement les proies les plus consommées avec 78%, suivis par les Perches franches (10%). En biomasse, les Gardons sont toujours prépondérants (48%), puis les Brochets (27%) et les Perches franches (20%). Alors qu’ils ne représentent respectivement que 2% et 10% des effectifs, les Brochets et les Perches franches apparaissent comme les deuxième et troisième espèces les mieux représentées en biomasse. Ceci s’explique par la présence d’individus de grandes tailles (cf. infra). De même, les Gardons qui constituaient 78% des proies en effectifs ne forment plus que 48% du poids total étant donné leur plus faible taille (Figure 3). 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En effe ctifs (n = 41) Gardon Brochet En biom as se (1208 g) Perche franche Autres Figure 3 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires de Grands cormorans dans le Morbihan (Brandivy) durant l’hiver 2002-2003. 15 RESULTATS Au barrage de Guerlédan, les proies les plus consommées sont en effectifs les Gardons (64%), puis les Brèmes (16%). En biomasse, les Gardons restent majoritaires (42%) mais les Brèmes ne représentent plus que 10%, ceci étant essentiellement dû à leurs petites tailles (<90 mm). A l’inverse, les Brochets et les Perches franches, qui ne constituaient que 5% des effectifs, de part leurs plus grandes tailles totalisent respectivement 23 et 20% de la biomasse (Figure 4). 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En effe ctifs (n = 208) Gardon Brème En biom as se (3557 g) Brochet Perche franche Autres Figure 4 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires de Grands cormorans dans le Morbihan (Guerlédan) durant l’hiver 2002-2003. A Glénac/St-Vincent-sur-Oust/Taupont, le Gardon (48%), la Brème (16%) et la Perche franche (13%) sont en effectifs les proies principalement retrouvées dans les estomacs. En biomasse, le Gardon et la Brème constituent respectivement 37% et 33% de la biomasse totale, tandis que le Poisson-chat ne constitue que 9% de celleci (Figure 5). 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En e ffectifs (n = 261) Brème Gardon Grémille En biom as se (5150 g) Perche franche Poisson-chat Autres Figure 5 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires des Grands cormorans dans le Morbihan (Glénac/St-Vincent-sur-Oust/Taupont) durant l’hiver 2002-2003. 16 RESULTATS Sur les trois zones, la composition des régimes alimentaires présente une assez forte similitude en abondance et en biomasse avec une prédominance des Gardons et des Brèmes. - Tailles des espèces proies consommées Quels que soient les sites, les tailles moyennes des Cyprinidés n’excèdent pas 120 mm, hormis pour le Chevesne. A l’opposé, les longueurs moyennes des Brochets retrouvés dans les estomacs fluctuent entre 207 mm (Guerlédan) et 362 mm (Brandivy). Concernant les Perches franches, leurs tailles moyennes varient de 78 mm (Glénac/St-Vincent-sur-Oust/Taupont) à 156 mm (Guerlédan). Pour le Sandre et le Poisson-chat, la prédation s’exerce pour des tailles moyennes comprises entre 170 et 180 mm (Tableau 13). Tableau 13 : Tailles moyennes des espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus dans le Morbihan durant l’hiver 2002-2003. Espèces Ablette Brème Brochet Carpe Chevesne Gardon Grémille Perche franche Perche soleil Poisson-chat Rotengle Sandre Guerlédan Brandivy Moyenne (± sd) Amplitude Moyenne (± sd) Amplitude 87 (± 14) 84 (± 24) 207 (± 91) / / 77 (± 42) 100 (± 14) 156 (± 52) / / 99 (± 11) / 62 – 110 45 – 150 100 – 390 / / 35 – 257 90 – 110 90 – 269 / / 84 – 114 / 86 / 362 113 / 104 (± 40) / 140 (± 81) 105 50 / / / / / / / 50 – 190 / 70 – 241 / / / / Glénac/St-Vincent-surOust/Taupont Moyenne (± sd) Amplitude 87 (± 25) 120 (± 52) 280 (± 42) / 270 98 (± 34) 72 (± 14) 78 (± 8) / 173 (± 20) 77 (± 16) 179 (± 2) 53 – 112 55 – 283 250 – 310 / / 40 – 206 50 – 100 60 – 95 / 140 – 197 40 – 102 177 – 180 Sur le site de Guerlédan, les classes de tailles des Brèmes consommées sont principalement comprises entre 41 et 150 mm, alors que pour Glénac/St-Vincent-surOust/Taupont 10 des 53 Brèmes sont au delà de cette taille (Figure 6). 17 RESULTATS 10 Guerlédan Abondance 8 Glénac/St-Vincent-sur-Oust/Taupont 6 4 2 > 210 191-200 171-180 151-160 131-140 111-120 91-100 71-80 51-60 31-40 0 Classes de taille Figure 6 : Classes de tailles (en mm) des Brèmes consommées par les Grands cormorans dans le Morbihan durant l’hiver 2002-2003. A Guerlédan, les Gardons prélevés sont essentiellement compris entre 30 et 80 mm, contrairement à Brandivy et à Glénac/St-Vincent-sur-Oust/Taupont où les tailles s’échelonnent entre 51 et 150 mm (Figure 7). 35 Abondance 30 Brandivy 25 Guerlédan 20 Glénac/St-Vincent-sur-Oust/Taupont 15 10 5 > 210 191-200 171-180 151-160 131-140 111-120 91-100 71-80 51-60 31-40 0 Classes de taille Figure 7 : Classes de tailles (en mm) des Gardons consommés par les Grands cormorans dans le Morbihan durant l’hiver 2002-2003. Concernant les Perches franches, les individus consommés sont quasiexclusivement dans la classe de taille de 71 à 80 mm à Glénac/St-Vincent-surOust/Taupont (Figure 8). A l’opposé, à Brandivy et à Guerlédan, aucune classe de taille n’est privilégiée. Les Perches franches sur ces sites s’échelonnent entre 70 et 241 mm dans le premier cas et entre 90 et 269 mm pour le second. 18 RESULTATS 30 Abondance 25 Brandivy Guerlédan 20 Glénac/St Vincent-s-Oust/Taupont 15 10 5 > 210 191-200 171-180 151-160 131-140 111-120 91-100 71-80 51-60 31-40 0 Classes de taille Figure 8: Classes de tailles (en mm) des Perches franches consommées par les Grands cormorans dans le Morbihan durant l’hiver 2002-2003. Dans ce département, la prédation des cormorans se fait principalement sur des Cyprinidés (Gardons et Brèmes). Le pourcentage non négligeable constitué par les Brochets en biomasse est dû à la présence de quelques individus de grandes tailles. Les Grands cormorans ne constituent donc pas a priori une nuisance directe pour les activités halieutiques. Malgré une forte similitude dans la composition spécifique des régimes, les classes de tailles consommées par les Grands cormorans sont variables entre les trois sites. Les poissons sont de plus grandes tailles sur le site de Glénac/St-Vincentsur-Oust/Taupont qu’à Guerlédan. III.2.4. Ille-et-Vilaine Les données de l’Ille-et-Vilaine seront présentées en séparant les trois hivers durant lesquels cette étude a été réalisée (2000-2001, 2001-2002, 2002-2003). Durant les trois hivers 2000-2001 à 2002-2003, respectivement 29, 40 et 9 cormorans nous ont été fournis. Le nombre d’estomacs contenant des poissons était respectivement de 29, 37 et 7. Un total de 1122 poissons a été identifié dont respectivement 402, 454 et 266 au cours des trois hivers successifs. Ces poissons appartenaient à 15 espèces pour une biomasse totale de 15311 g (6602, 6997 et 1712 g au cours des hivers 2000-2001 à 2002-2003). 19 RESULTATS - Occurrences des espèces proies dans les régimes Les Cyprinidés sont les proies consommées par le plus grand nombre de cormorans puisqu’ils sont, par exemple, dans le cas de la Brème recensés dans 55 à 75% des estomacs ou encore dans plus de 70% des estomacs pour le Gardon. Les perches franches sont aussi des proies privilégiées, puisqu’elles sont représentées dans 30 à 40% des estomacs. Selon les années, certaines espèces peuvent potentiellement prendre plus d’importance et être consommées par un nombre non négligeable de cormorans. C’est le cas par exemple du Rotengle en 2000-2001, du Poisson-chat en 2001-2002 ou de la Perche soleil, du Poisson-chat et du Sandre en 2002-2003 (Tableau 14). Tableau 14 : Occurrences (en pourcentage) des différentes espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus en Ille-et-Vilaine durant trois hivers consécutifs. Espèces Able de Heckel Ablette Brème Brochet Carpe Chevesne Gardon Grémille Perche franche Perche soleil Poisson rouge Poisson-chat Rotengle Tanche Sandre En 2000-2001 (n = 29 estomacs) Occurrence (%) En 2001-2002 (n = 37 estomacs) En 2002-2003 (n = 7 estomacs) 7 / 52 10 14 0 76 / 38 10 7 / 21 3 / 5 5 73 5 0 0 76 11 32 8 0 22 16 0 16 14 57 57 0 0 14 71 14 29 29 0 29 14 0 29 - Proportions spécifiques Parmi les 10 espèces de poissons recencées dans les régimes en 2000-2001, les Gardons sont numériquement les proies les plus abondantes (44%), suivis par les Brèmes (30%). Sur les 6602 g de poisson, les Brèmes sont prédominantes (28%), puis les Gardons (24%) et les Carpes (16%) (Figure 9). 20 RESULTATS 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En e ffectifs (n = 402) Gardon Brème En biom as se (6602 g) Perche franche Carpe Autres Figure 9 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires des Grands cormorans en Ille-et-Vilaine durant l’hiver 2000-2001. Durant l’hiver 2001-2002, 454 poissons ont été identifiés. Des 12 espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires des Grands cormorans, le Gardon (51%) est la proie la plus représentée en effectif devant les Brèmes (29%). En biomasse (au total 6667 g), les Brèmes (33%) sont prédominantes, puis les Gardons (23%) et les Poisson-chat (15%) (Figure 10). 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En e ffectifs (n = 454) Gardon Brème Poisson-chat En biom as se (6997 g) Perche franche Sandre Autres Figure 10 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires des Grands cormorans en Ille-et-Vilaine durant l’hiver 2001-2002. Durant l’hiver 2002-2003, 266 proies appartenant à 11 espèces de poissons ont été dénombrées. Parmi celles-ci, le Able de Heckel est le plus représenté avec 51% des effectifs devant les Brèmes (15%) et le Gardon (15%). En biomasse (au total 1712 g), le Poisson-chat prédomine (24%) suivi par le Sandre (18%), le Gardon (15%) et la Brème (14%) (Figure 11). 21 RESULTATS 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En e ffe ctifs (n = 266) Able de Heckel Brème Gardon En biom as s e (1712 g) Ablette Poisson chat Sandre Autres Figure 11 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires des Grands cormorans en Ille-et-Vilaine durant l’hiver 2002-2003. - Tailles des espèces proies consommées A l’exception de la Carpe, de la Tanche, du Chevesne et de 2 Poissons rouges, les tailles moyennes des Cyprinidés n’excèdent pas 111 mm. Durant les deux premières années de l’étude dans ce département, la longueur moyenne des Brochets consommés par les Grands cormorans est restée relativement constante aux alentours de 270-280 mm. Cette remarque est aussi valable pour le Poissonchat durant les hivers 2001-2002 et 2002-2003, avec des tailles moyennes respectivement de 175 et 162 mm. Toutefois, concernant le Sandre, les valeurs sont plus variables avec 158 mm en 2001-2002 et 260 mm en 2002-2003 (Tableau 15). L’écart type et l’amplitude des tailles de Brochet consommées ont été importants en 2000-2001 contrairement aux autres espèces de poissons. Pour les deux autres hivers, les tailles de plus forte amplitude et les écarts-types les plus élevés reviennent au Poisson-chat. Pour les autres espèces, ces valeurs sont faibles (Tableau 15) 22 RESULTATS Tableau 15 : Tailles moyennes (en mm) des espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus en Ille-et-Vilaine durant les hivers 2000-2001 à 2002-2003. Espèces Able de Heckel Ablette Brème Brochet Carpe Chevesne Gardon Grémille Perche franche Perche soleil Poisson rouge Poisson-chat Rotengle Tanche Sandre En 2000-2001 Moyenne (± sd) Amplitude 44 (± 3) / 77 (± 45) 273 (± 162) 182 (± 61) / 87 (± 26) / 76 (± 24) 65 (± 10) 219 (± 36) / 77 (± 46) 232 / En 2001-2002 Moyenne (± sd) Amplitude 40 – 47 / 30 – 225 99 – 420 122 – 300 / 45 – 221 / 42 – 160 48 – 87 194 – 245 / 45 – 240 / / 44 (± 8) 91 (± 17) 91 (± 34) 280 (± 37) / 155 (± 8) 78 (± 26) 71 (± 4) 102 (± 44) 72 (± 10) / 175 (± 53) 111 (± 39) / 158 (± 57) En 2002-2003 Moyenne (± sd) Amplitude 35 – 52 68 – 110 40 – 260 246 – 320 / 150 – 161 45 – 200 65 – 76 55 – 230 60 – 85 / 45 – 230 58 – 161 / 76 – 275 33 (± 6) 66 (± 25) 65 (± 25) / / 200 67 (± 33) 150 99 (± 52) 61 (± 11) / 162 (± 62) 93 / 260 (± 14) 30 – 57 35 – 116 35 – 134 / / / 37 – 210 / 68 – 220 46 – 70 / 58 – 220 / / 250 – 270 Les classes de tailles des Brèmes consommées par les Grands cormorans sont dans leur grande majorité comprises entre 30 et 100 mm et ceci quelles que soient les années d’étude. Toutefois, il est intéressant de noter que durant l’hiver 2001-2002 les oiseaux ont consommé des Brèmes de tailles plus importantes que celles prélevées durant les hivers 2000-2001 et 2002-2003 (Figure 12). 35 2000/2001 30 2001/2002 Abondance 25 2002/2003 20 15 10 5 > 210 191-200 171-180 151-160 131-140 111-120 91-100 71-80 51-60 31-40 0 Classes de taille Figure 12: Classes de tailles (en mm) des Brèmes consommées par les Grands cormorans en Ille-etVilaine durant les hivers 2000-2001 à 2002-2003. Pour le Gardon les tailles préférentiellement prélevées sont entre 51 et 100 mm quelles que soient les années (Figure 13). 23 RESULTATS 80 2000/2001 70 2001/2002 Abondance 60 2002/2003 50 40 30 20 10 > 210 191-200 171-180 151-160 131-140 111-120 91-100 71-80 51-60 31-40 0 Classes de taille Figure 13: Classes de tailles (en mm) des Gardons consommés par les Grands cormorans en Ille-etVilaine durant les hivers 2000-2001 à 2002-2003. Quant aux Perches franches, elles paraissent subir une prédation plus importante sur les classes de tailles allant de 51 à 90 mm (Figure 14). 20 2000/2001 2001/2002 Abondance 15 2002/2003 10 5 201-210 181-190 161-170 141-150 121-130 101-110 81-90 61-70 41-50 0 Classes de taille Figure 14 : Classes de tailles (en mm) des Perches franches consommées par les Grands cormorans en Ille-et-Vilaine durant les hivers 2000-2001 à 2002-2003. L’impact des Grands cormorans sur les activités de pêche de ce département semble insignifiant, puisque l’essentiel des poissons consommés sont des Cyprinidés. III.2.5. Côtes-d’Armor Durant les deux hivers de l’étude, un total de 36 cormorans a été mis à notre disposition pour analyse dont 20 en 2000-2001 et 16 en 2001-2002. Parmi l’ensemble des estomacs, 2 ne contenaient pas de poissons le premier hiver et 5 le second hiver. Un total de 178 poissons (9 espèces) a pu être identifié dont 141 (6 24 RESULTATS espèces) en 2000-2001 et 37 (7 espèces) en 2001-2002. Les biomasses sont respectivement pour les deux hivers de 3304 g et 1874 g. - Occurrences des espèces proies dans les régimes En 2000-2001, la Perche franche est la proie la plus commune (occurrence de 83%). Puis cette même année on retrouve la Brème et le Gardon. En 2001-2002, le Gardon et le Sandre sont les proies les plus communes (occurrence de l’ordre de 50%) dans les régimes des Grands cormorans (Tableau 16). Tableau 16 : Occurrence (en pourcentage) des espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus dans les Côtes-d’Armor durant les hivers 2000-2001 et 2001-2002. Espèces Able de Heckel Ablette Brème Brochet Gardon Perche franche Rotengle Sandre Truite Occurrence (%) En 2000-2001 En 2001-2002 (n = 18 estomacs) (n = 11 estomacs) / / 33 22 33 83 11 / 6 9 9 18 9 55 9 / 45 / - Proportions spécifiques Durant l’hiver 2000-2001, les Perches franches (62%) ont été les proies les plus abondantes numériquement dans les régimes des Grands cormorans suivis par les Gardons (18%). En biomasse, les Perches franches (52%) sont toujours dominantes devant les Truites (18%), les Gardons (11%) et les Brèmes (11%) (Figure 15). Le pourcentage relativement élevé pour la truite est dû à un seul individu, de grande taille, qui a été retrouvé dans l’estomac d’un cormoran. 25 RESULTATS 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En e ffectifs (n = 141) Perche franche Gardon En biom as se (3304 g) Brème Truite Autres Figure 15 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires des Grands cormorans dans les Côtes-d’Armor durant l’hiver 2000-2001. Le régime alimentaire des Grands cormorans est caractérisé durant l’hiver 2001-2002 par la dominance en effectifs des Gardons (54%) devant les Sandres (19%). Du fait de leur grandes tailles les sandres représentent 52% de la biomasse, puis les Gardons (38%) plus petits (Figure 16). 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En effe ctif (n = 37) Gardon Sandre Perche franche En biom as se (1874 g) Able de Heckel Autres Figure 16 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires des Grands cormorans dans les Côtes-d’Armor durant l’hiver 2001-2002. La variabilité dans la composition des régimes alimentaires entre les deux années peut-être attribuable aux tirs effectués sur des zones différentes en 20002001 et 2001-2002. - Tailles des espèces proies consommées Quelles que soient les années, les Cyprinidés n’excèdent pas une longueur moyenne de 140 mm. Les Perches franches et les Gardons ont subi une prédation sur des tailles moyennes peu variables au cours des deux hivers (entre 90 et 100 mm). Celle du Sandre était de 239 mm en 2001-2002. La plus grande taille revient à une truite de 366 mm (Tableau 17). En 2000-2001, les gammes de taille de poissons 26 RESULTATS consommés ainsi que les écarts-types sont relativement importants pour bon nombre d’espèces contrairement à 2001-2002. Ceci laisse supposer un stock de poissons plus diversifié (en classes de taille) en 2000-2001 contrairement à 2001-2002 (Tableau 17). Tableau 17 : Tailles moyennes (en mm) des espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires des Grands cormorans abattus dans les Côtes-d’Armor durant les hivers 2000-2001 et 2001-2002. En 2000-2001 Moyenne (± sd) Amplitude Espèces Able de Heckel Ablette Brème Brochet Gardon Perche franche Rotengle Sandre Truite / / 100 (± 56) 100 (± 58) 92 (± 39) 94 (± 44) 139 (± 43) / 366 En 2001-2002 Moyenne (± sd) Amplitude / / 50 – 250 71 – 280 55 – 169 55 – 330 95 – 182 / / 32 120 126 (± 37) 230 95 (± 76) 98 (± 11) / 239 (± 60) / / / 100 – 153 / 35 – 280 86 – 106 / 180 – 350 / Durant les deux hivers étudiés, l’essentiel de la prédation sur les Gardons semble s’être faite sur des petites classes de tailles (31 à 70 mm) (Figure 17). 15 2000/2001 2001/2002 Abondance 12 9 6 3 > 210 191-200 171-180 151-160 131-140 111-120 91-100 71-80 51-60 31-40 0 Classes de taille Figure 17 : Classes de tailles des Gardons (en mm) consommés par les Grands cormorans dans les Côtes-d’Armor durant les hivers 2000-2001 et 2001-2002. III.2.6. Sarthe Etant donné le faible nombre de Grands cormorans disponibles pour l’analyse du régime alimentaire, les résultats ne sont fournis qu’à titre indicatif mais ne permettent pas d'établir un bilan quant à la prédation des Grands cormorans dans ce département. 27 RESULTATS Durant l’hiver 2002-2003, 6 des 7 estomacs comportaient des poissons appartenant à 5 espèces. 34 poissons ont été déterminés pour une biomasse de 1442 g. La proie présente dans le plus grand nombre d’estomac est le Poisson-chat retrouvé dans 3 des 6 estomacs contenant des poissons. Les Poissons-chats constituent la majorité des effectifs de proies recensées (25 individus) suivis par les Grémilles (6 individus). En biomasse, les Poissons-chats sont les plus représentés avec 1276 g sur les 1442 g que constitue la totalité des poissons identifiés. En moyenne les Grémilles ont une longueur de 77 mm, et les Poissons-chats de 151 mm (Tableau 18). Tableau 18 : Tailles moyennes (en mm) des espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus en Sarthe durant l’hiver 2002-2003. Espèces Carpe Gardon Grémille Perche franche Poisson-chat Moyenne (± sd) Amplitude 180 100 77 (± 10) 105 151 (± 12) / / 70 – 90 / 117 – 177 III.2.7. Eure Les deux sites de tirs (Les Andelys et Venables-Vernon) sur lesquels ont été prélevés les Grands cormorans durant l’hiver 2002-2003 ont été séparés lors de l’analyse des résultats même s’ils sont proches et décrivent des situations hydrographiques très semblables. Aux Andelys, sur les 39 estomacs disponibles 31 ont permis d’identifier 342 poissons appartenant à 7 espèces pour une biomasse de 5302 g. Sur la zone de Venables-Vernon, sur 24 estomacs analysés 17 estomacs contenaient des poissons. Seules 4 espèces, représentées par 152 poissons, ont été déterminées pour une biomasse totale de 1514 g. 28 RESULTATS - Occurrences des espèces proies dans les régimes Sur ces deux sites les Gardons et les Brèmes sont les espèces proies présentes dans un plus grand nombre d’estomacs. En effet, quelles que soient les sites, environ 80 à 85% des Grands cormorans en ont consommé (Tableau 19). Le peuplement noté dans les régimes est toutefois légèrement plus diversifié sur le site des Andelys (présence de la Perche franche et du Sandre). Tableau 19 : Occurrence (en pourcentage) des espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus dans l’Eure durant la période d’hivernage 2002-2003. Espèces Occurrence (%) Les Andelys Venables-Vernon (n = 31 estomacs) (n = 17 estomacs) Ablette Brème Carpe Gardon Grémille Perche franche Sandre 13 84 3 84 16 19 3 6 82 / 82 6 / / - Proportions spécifiques Aux Andelys, les espèces proies les plus représentées en effectifs sont le Gardon (55%) et les Brèmes (31%). En biomasse, ce sont les Brèmes qui dominent (50%), puis les Gardons (31%) et les Perches franches (11%) (Figure 18). 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En e ffe ctifs (n = 342) Gardon Brème Ablette En biom as s e (5302 g) Perche franche Autres Figure 18 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires des Grands cormorans dans l’Eure (Les Andelys) durant l’hiver 2002-2003. Sur le site de Venables-Vernon, les Gardons et les Brèmes représentent à eux seuls la quasi totalité des effectifs et de la biomasse avec respectivement pour le 29 RESULTATS Gardon 33% et 47% et pour les Brèmes 66% et 51% des effectif et biomasses totales (Figure 19). 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En effe ctifs (n = 152) Gardon En biom as se (1514 g) Brème Autres Figure 19 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires des Grands cormorans dans l’Eure (Venables-Vernon) durant l’hiver 2002-2003. - Tailles des espèces proies consommées A l’exception d’une Carpe, la longueur moyenne des Cyprinidés ne dépasse pas 90 mm. La taille moyenne des Grémilles est sensiblement la même sur les deux sites (entre 80 et 90 mm). Celles des Sandres et des Perches franches atteignent en moyenne respectivement 179 mm et 133 mm (Tableau 20). Malgré une large gamme de tailles de poissons consommés pour chaque espèce, les écarts-types restent faibles pour toute les espèces retrouvées sur les deux sites (à l’exception de la Perche franche pour le site de Les Andelys). Tableau 20 : Tailles moyennes (en mm) des espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus dans l’Eure durant l’hiver 2002-2003. Espèces Ablette Brème Carpe Gardon Grémille Perche franche Sandre Les Andelys Moyenne (± sd) Amplitude 59 (± 17) 95 (± 44) 248 83 (± 29) 81 (± 36) 113 (± 79) 179 45 – 112 38 – 291 / 40 – 220 60 – 150 50 – 321 / Venables-Vernon Moyenne (± sd) Amplitude 89 83 (± 33) / 86 (± 20) 90 / / / 50 – 256 / 45 – 210 / / / La quasi totalité des Brèmes consommées par les Grands cormorans sur ces deux sites est comprise entre 41 et 100 mm (Figure 20). 30 RESULTATS 60 Les Andelys Abondance 50 Vernables-Vernon 40 30 20 10 > 210 191-200 171-180 151-160 131-140 111-120 91-100 71-80 51-60 31-40 0 Classes de taille Figure 20 : Classes de tailles (en mm) des Brèmes consommées par les Grands cormorans dans l’Eure durant l’hiver 2002-2003. De même, la majorité des Gardons consommés par les Grands cormorans est comprise entre 61 et 110 mm (Figure 21). 30 Les Andelys Abondance 25 Vernables-Vernon 20 15 10 5 > 210 191-200 171-180 151-160 131-140 111-120 91-100 71-80 51-60 31-40 0 Classes de taille Figure 21 : Classes de tailles (en mm) des Gardons consommés par les Grands cormorans dans l’Eure durant l’hiver 2002-2003. La prédation par le Grand Cormoran se fait surtout sur des espèces de Cyprinidés non recherchés par les pêcheurs à la ligne. En effet, à l’exception de la Carpe, ces poissons sont très peu convoités par ces activités de pêche. Le Grand cormoran ne semble donc pas constituer une nuisance pour la pêche amateur dans l’Eure. III.2.8. Indre-et-Loire Sur l’ensemble des deux hivers (2001-2002 et 2002-2003) 93 cormorans ont été analysés. Parmi eux, 73 comportaient des proies dans leur estomac totalisant 920 poissons (17 espèces) et 6 Ecrevisses américaines. 31 RESULTATS En 2001-2002, 34 cormorans ont été mis à notre disposition. 30 estomacs contenant des poissons ont permis l'identification de 353 poissons appartenant à 14 espèces différentes pour une biomasse de 6793 g. Sur les 59 cormorans mis à notre disposition en 2002-2003, 16 avaient l'estomac vide. Les 43 autres estomacs ont permis l’identification d’un total de 567 poissons appartenant à 16 espèces de poissons et d’une biomasse totale de 5068 g. - Occurrences des espèces proies dans les régimes La première année de l’étude, les espèces de poisson consommées par le plus grand nombre d’oiseaux sont les Brèmes. Les autres espèces ont été consommées par un nombre restreint d’oiseaux (inférieur ou égal à 11%). La deuxième année de l’étude, l’Ablette, le Barbeau, la Brème, le Gardon et la Grémille sont des proies ayant subi une prédation par le plus grand nombre de cormorans (entre 26 et 49% des cormorans en ont consommé). Les autres poissons ont été prélevés par moins de 9% des oiseaux analysés (Tableau 21). Tableau 21 : Occurrence (en pourcentage) des espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus en Indre-et-Loire durant les hivers 2001-2002 et 20022003 Espèces Able de Heckel Ablette Barbeau Bouvière Brème Brochet Carpe Carassin Chevesne Gardon Goujon Grémille Perche franche Perche soleil Poisson-chat Rotengle Sandre Occurrence (%) En 2001-2002 En 2002-2003 (n = 30 estomacs) (n = 43 estomacs) 0 6 6 1 23 1 1 0 0 11 1 1 3 1 3 2 2 2 28 26 5 30 2 2 2 7 49 0 33 9 7 2 5 7 A noter la présence de 6 Ecrevisses américaines de 70 mm au sein d’un seul estomac qui ne contenait rien d’autre. Les mentions de proies potentielles pour les 32 RESULTATS Grands cormorans autres que les poissons restent rares. Toutefois, BROYER (1996) signale la présence de 3 Batraciens parmi les 743 proies identifiées chez des Grands cormorans abattus en Brenne et en Dombes. Le régime alimentaire non exclusivement piscivore du Grand cormoran est aussi signalé dans la littérature par d’autres auteurs (DEL HOYO et al., 1992, DE NIE, 1995). Globalement, la prédation des cormorans analysés est principalement basée sur des espèces peu recherchées par les pêcheurs amateurs, aussi bien pour les Cyprinidés que pour les Percidés (les Grémilles sont délaissées par ces activités). - Proportions de chacune des espèces proies Les poissons principalement retrouvés durant l’hiver 2001-2002 sont numériquement les Brèmes (62%), puis l’Ablette (20%) et le Gardon (9%). En biomasse, les Brèmes (38%) prédominent devant le Barbeau (30%) et le Sandre (7%). De plus grandes tailles, les Barbeaux ont logiquement pris plus d’importance en poids que les Brèmes (Figure 22). 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En effe ctifs (n = 353) Brème Ablette En biom as se (6793 g) Gardon Barbeau Autres Figure 22 : Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires des Grands cormorans en Indre-et-Loire durant l’hiver 2001-2002. Les proies majoritaires durant l'hiver 2002-2003 sont en nombre les Gardons (33%), puis les Ablettes (25%) et les Grémilles (13%). En biomasse, les Gardons sont les proies les plus présentes (27%) suivis par les Brèmes (18%) et les Barbeaux (16%). Contrairement à l’hiver précédent les Barbeaux, du fait de leurs tailles plus modestes, n’ont pas représenté une part importante de la biomasse totale dans les régimes alimentaires des Grands cormorans (Figure 23). 33 RESULTATS 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% En effe ctifs (n = 567) Gardon Ablette Grémille En biom as se (5068 g) Barbeau Brème Autres Figure 23: Proportions des espèces proies dans les régimes alimentaires des Grands cormorans en Indre-et-Loire durant l’hiver 2002-2003. - Tailles des espèces proies consommées A l’exception de la Carpe (un individu de 210 mm en 2001-2002), du Chevesne (196 mm en 2002-2003) et du Barbeau (268 mm en 2001-2002), les tailles moyennes des Cyprinidés ne dépassent pas 110 mm. Celles du Poisson-chat durant les deux hivers ont été constantes avec 110 et 111 mm respectivement. Les longueurs moyennes des Perches franches et des Perches soleils ont chuté pour la première de 181 à 68 mm et pour la seconde de 114 à 47 mm. De même, les Sandres qui mesuraient en moyenne 287 mm le premier hiver ne représentaient plus que 195 mm lors du second hiver (Tableau 22). Le Sandre en 2001-2002, et le Barbeau, le Chevesne et le Poisson-chat en 2002-2003, présentent des écarts-types élevés par rapport à leurs tailles moyennes. Les autres espèces sont, quelles que soient les années, consommées pour des tailles peu éloignées des tailles moyennes obtenues malgré des gammes de tailles consommées importantes (Tableau 22). 34 RESULTATS Tableau 22 : Tailles moyennes (en mm) des espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus dans l’Indre-et-Loire durant les hivers 2001-2002 et 20022003. Espèces En 2001-2002 Moyenne (± sd) Amplitude Able de Heckel Ablette Barbeau Bouvière Brème Brochet Carpe Carassin Chevesne Gardon Goujon Grémille Perche franche Perche soleil Poisson-chat Rotengle Sandre / 55 (± 17) 268 (± 38) 62 (± 6) 74 (± 35) 378 210 / / 83 (± 39) 47 59 181 (± 38) 114 111 (± 57) 101 (± 40) 287 (± 95) En 2002-2003 Moyenne (± sd) Amplitude / 35 – 120 220 – 334 55 – 70 45 – 300 / / / / 32 – 240 / / 146 – 234 / 60 – 180 73 – 130 220 – 335 50 (± 5) 61 (± 14) 110 (± 46) 44 (± 5) 94 (± 51) 180 100 97,5 (± 53) 196 (± 104) 74 (± 31) / 71 (± 21) 68 (± 38) 47 (± 9) 110 (± 57) 70 (± 10) 195 (± 23) 35 – 68 40 – 93 50 – 220 37 – 51 39 – 252 / / 60 – 135 45 – 250 35 – 270 / 30 – 170 45 – 150 36 – 55 70 – 150 55 – 89 182 – 222 Les classes de tailles prélevées concernant les Ablettes ont principalement concerné des poissons entre 31 et 90 mm (Figure 24). 50 2001/2002 2002/2003 Abondnace 40 30 20 10 111-120 101-110 91-100 81-90 71-80 61-70 51-60 41-50 31-40 0 Classes de taille Figure 24 : Classes de tailles (en mm) des Ablettes consommées par les Grands cormorans en Indreet-Loire durant les hivers 2001-2002 et 2002-2003. Pour les Brèmes, la prédation par les Grands cormorans concerne principalement des individus de petites classes de taille (40 à 80 mm) (Figure 25). 35 RESULTATS 70 2001/2002 60 2002/2003 Abondance 50 40 30 20 10 > 210 191-200 171-180 151-160 131-140 111-120 91-100 71-80 51-60 31-40 0 Classes de taille Figure 25 : Classes de tailles (en mm) des Brèmes consommées par les Grands cormorans en Indreet-Loire durant les hivers 2001-2002 et 2002-2003. Durant les deux hivers de l’étude, la prédation des Grands cormorans sur les Gardons s’est essentiellement faite vis-à-vis de petites classes de tailles allant de 41 à 110 mm (Figure 26). 50 2001/2002 2002/2003 Abondance 40 30 20 10 > 210 191-200 171-180 151-160 131-140 111-120 91-100 71-80 51-60 31-40 0 Classes de taille Figure 26 : Classes de tailles (en mm) des Gardons consommés par les Grands cormorans en Indreet-Loire durant les hivers 2001-2002 et 2002-2003. III.2.9. Yonne Etant donné le faible nombre de Grands cormorans obtenus pour cette étude, les résultats sont donnés à titre indicatif et ne donne lieu à aucune conclusion sur la prédation du Grand cormoran dans ce département. 36 RESULTATS En 2002-2003, seuls 7 estomacs ont pu être analysés. L’analyse du régime alimentaire porte sur l'ensemble des estomacs. Ils contenaient 34 poissons appartenant à 6 espèces pour une biomasse de 707 g. Le Gardon et le Rotengle ont été retrouvés dans respectivement 4 et 3 des 7 estomacs, la Brème et le Chevesne dans 2 estomacs et la Perche franche et le Poisson-chat dans 1 seul estomac. La proie majoritairement retrouvée en effectif est la Brème (14 individus), devant le Gardon (9 individus) et le Rotengle (5 individus). La biomasse totale est constituée pour moitié par des Brèmes (53%), puis par des Chevesnes (16%) et des Gardons (15%). La taille moyenne des Brèmes est de 110 mm, de 102 mm pour le Chevesne, de 99 mm pour le Gardon et de 104 mm pour le Rotengle (Tableau 23). Tableau 23 : Tailles moyennes (en mm) des espèces de poissons présentes dans les régimes alimentaires de Grands cormorans abattus dans l’Yonne durant la période d’hivernage 2002-2003. Espèces Brème Chevesne Gardon Perche franche Poisson chat Rotengle Moyenne (± sd) Amplitude 110 (± 39) 102 (± 39) 99 (± 22) 92 130 104 (± 29) 55 – 170 75 – 160 65 – 129 / / 55 – 128 37 DISCUSSION IV. DISCUSSION IV.1 GESTION DES DEUX SOUS-ESPECES DE GRANDS CORMORANS IV.1.1 Répartition des deux sous-espèces La sous espèce carbo apparaît plus présente sur les départements proches des côtes (Ille-et-Vilaine, Côtes d'Armor, Morbihan). Les départements plus continentaux, tel que l’Indre-et-Loire sont majoritairement fréquentés par la sousespèce sinensis. Ces résultats sont en accord avec les résultats obtenus par MARION (1995), à partir des données de contrôles de bagues. Toutefois, en ne considérant que les individus pour lesquels l’appartenance a une sous-espèce a été établie, les résultats obtenus en 2002-2003 donnent une proportion plus faible de sinensis (53,3%) en Indre-et-Loire que celle obtenue en 2001-2002 (81,5%). Il n’est pas exclu que le cours de la Loire puisse favoriser la progression des carbo vers l’intérieur du pays, par entraînement social chez cette espèce très grégaire (MARION, 2002). La nouveauté apportée par nos résultats est la présence accrue d’individus carbo dans les départements d’intérieur, ce qui suggère une certaine dynamique de colonisation continentale par ces individus de la sous-espèce marine. Dans le Morbihan, si l’on ne tient compte que des individus ayant pu être attribués à l’une ou l’autre des deux sous-espèces, la proportion de 61% de carbo sur cette zone est similaire aux chiffres obtenus sur d’autres départements en Bretagne, pour deux dortoirs en Ille-et-Vilaine (61,5% et 67,5%) et un en Côtes-d’Armor (63,3%). La Bretagne apparaît donc être majoritairement fréquentée par des individus carbo. Malgré sa position géographique plutôt côtière, l’Eure (Haute-Normandie) se caractérise par une prédominance des sinensis avec 61% des effectifs déterminés, correspondant à ce qui peut-être rencontré dans des départements continentaux, tel que l’Indre-et-Loire. La détermination des formes sinensis et carbo, à partir de la couleur du plumage de reproduction, telle qu’elle a été faite lors d’une étude réalisée dans la Dombes (VENTARD, 1997), donnant une proportion de sinensis de 60% parmi les adultes, ne permet cependant pas de trancher car le plumage est un critère peu fiable pour la détermination des deux sous-espèces (STOKOE, 1958, MARION, 1983, 1995, EKINS, 1997). 38 DISCUSSION Cette dynamique de colonisation du milieu continental en période d’hivernage par la sous-espèce carbo est encore récente, mais l’est moins concernant les zones de reproduction. Des études génétiques ont montré que la plupart des colonies de reproduction anglaises apparues depuis une vingtaine d’années à l’intérieur des terres avaient pour origine des individus des deux sous-espèces (W INNEY et al., 2000, NEWSON, 2000). De même en France, la colonie nicheuse présente au Lac de Grand-Lieu serait elle aussi constituée d’individus sinensis et carbo (LE GENTIL, 2002). IV.1.2 Gestion des populations de Grands cormorans Selon différents auteurs, les tirs réalisés depuis maintenant une dizaine d’années n’auraient aucun effet sur la dynamique des populations hivernantes ou reproductrices de Grands cormorans. La relative stabilité des effectifs observés depuis les derniers recensements hivernaux en France (MARION, 2001) ne serait pas due aux tirs mais à la saturation des zones de reproduction (FREDERICKSEN et al., 2001, MARION, 2002) conduisant à une auto-régulation de l’espèce par des facteurs de dépression “densité-dépendance” (MARION, 1997). LEBRETON & GERDEAUX ont suggéré en 1996, pour une gestion efficace des populations hivernantes de Grands cormorans, une destruction de 15% des effectifs présents à cette période en France, permettant selon eux une stabilisation des effectifs européens. Leur analyse de la dynamique des populations se basait sur des données biologiques incertaines et souvent dépassées. Néanmoins, leur diagnostic sur l’efficacité des destructions d’adultes (par rapport à celles des œufs par exemple), comme chez toutes les espèces longévives, a rappelé qu’il s’agissait là du facteur clef de la dynamique de l’espèce. Or notre étude montre que le taux moyen d’immatures abattus lors des tirs de régulation est proche de celui des adultes dans certains départements, voire même supérieur à celui des adultes dans d’autres. Un seul département présente un taux d’immatures inférieur à ceux des adultes (l’Eure en 2002-2003). La proportion d’immatures atteint même en 2002-2003 64% des effectifs abattus en Indre-et-Loire. Mais il s’agit peut-être d’une année exceptionnelle puisque les résultats de 20012002 donnent un taux d’immatures bien inférieur à celui des adultes. Cette différence s’expliquerait peut être par un planning différent des opérations de prélèvement. Les 39 DISCUSSION opérations de tir ont eu lieu essentiellement en octobre et novembre lors de l’hiver 2002-2003 et ont concerné une part importante d’immatures (respectivement 79% et 46% en octobre et novembre). En 2001-2002, l’ensemble des tirs avait eu lieu en décembre et les immatures ne constituaient plus que 35% des effectifs abattus. Les deux hivers confondus, on constate une forte évolution de la part des adultes dans les effectifs d’individus abattus depuis le mois d’octobre, où ils sont très minoritaires, jusqu’au mois de décembre où ils prédominent fortement. Ceci indiquerait une forte mortalité (naturelle) des immatures et/ou une part importante de ces individus en cours de migration vers le sud durant la première partie de l’hiver. Cette forte présence d’adultes à partir du mois de décembre se vérifie sur l’ensemble des tirs réalisés à partir de ce mois. Dans le département de l’Eure, la part des adultes déjà élevée en décembre (74%) augmente jusqu’à 92% en janvier. Cette prédominance des adultes dans les effectifs d’hivernants à cette période peut s’expliquer entre autre par une mortalité qui s’exerce, chez les espèces longévives comme le Grand cormoran, surtout sur les immatures, et par des mouvements de retours précoces des adultes vers les colonies de reproduction. Cette tendance devrait être mieux exploitée dans la gestion des tirs, qui devraient se focaliser en milieu d’hiver plutôt qu’en automne, malgré un empressement de plus en plus fort pour des tirs tôt dans la saison (dès septembre ou octobre). Ainsi outre l’aspect strictement quantitatif (quotas), il conviendrait d’apprécier l’aspect qualitatif de ces opérations de prélèvement (relation dates d’intervention et âge-ratio des oiseaux abattus). Une étude réalisée en Vendée au cours de la saison d’hivernage 1993-1994 montre une forte présence d’immatures (67%) parmi les individus abattus et analysés (D.S.V. VENDEE, 1994). Les résultats de travaux menés en Dombes signalent la présence d’environ 37% d’immatures dans le lot d’individus abattus (VENTARD, 1997). Le taux d’immatures prédomine fortement (≥ 80%) jusqu’en décembre, puis est équivalant voire inférieur à celui des adultes jusqu’en mars (23%), ce qui confirme nos hypothèses. La majorité des tirs (56%) ayant été réalisé en mars, cela a conduit à un taux d’individus immatures abattus bien inférieur à celui des adultes. La proportion importante que représentent les immatures dans les quotas d’oiseaux tirés pourrait justifier en partie l’inefficacité des tirs. Selon LEBRETON & GERDEAUX (1996) les tirs sur les adultes seraient les plus efficaces. De ce fait, l’optimisation des tirs de régulations consisterait donc à prélever essentiellement des 40 DISCUSSION adultes. Or si l’on soustrait les immatures au quota d’individus tirés, on constate que la quantité d’adultes abattus s’éloigne, parfois même fortement, des 15% des effectifs d’adultes hivernants souhaitable pour une gestion plus efficace. De plus, si l’on soustrait au nombre d’adultes abattus la part que représentent les adultes carbo, on constate finalement que la quantité d’adultes sinensis réellement abattus devient faible. On peut fortement supposer que ces éléments aient contribué, parmi d’autres ayant trait à la dynamique européenne de l’espèce (MARION, 1997), à l’inefficacité des tirs depuis leur mise en place en 1992. Si le choix reste sur un mode de gestion national et donc vers une volonté de réduire les effectifs reproducteurs et par conséquent hivernaux, les campagnes de régulation devront être rendues plus efficaces par une optimisation des tirs sur les adultes. Pour cela, le suivi de l’âge-ratio sur des dortoirs pilotes au cours de la période d’hivernage permettrait de vérifier les périodes les plus propices pour effectuer les opérations de régulation visant à prélever un maximum d’adultes dans l’optique d’une réduction significative des effectifs hivernants sur l’ensemble de la France en conformité avec le scénario proposé par LEBRETON & GERDEAUX (1996). L’obligation d’une efficacité optimale des tirs avec les quotas de tirs actuels est d’autant plus cruciale que la logistique relative aux campagnes annuelles de régulation est importante et coûteuse compte tenu des résultats obtenus. A ce titre, le Conseil Supérieur de la Pêche a évalué le coût de chaque cormoran tué à 150 euros pour son établissement (MANIGLIER & SIMON, 2002). IV.2. REGIME ALIMENTAIRE L’analyse des contenus stomacaux de Grands cormorans a permis d’identifier 4 espèces potentielles de proies pour ces oiseaux dans les marais côtiers vendéens (Bar, Mulet, Anguille et Dorade). Parmi ces espèces proies, le Bar et le Mulet sont des poissons déjà signalés dans une étude antérieure (DSV VENDEE, 1994) réalisées dans ces marais côtiers où elles y représentaient chacune 8% des effectifs en proies. Les Eperlans, qui représentaient 78% des effectifs de poissons identifiés dans les estomacs en 1994, ne sont pas représentés dans les estomacs des cormorans abattus lors de l’hiver 2002-2003. Ces espèces font partie des poissons recherchés par les pisciculteurs de ces marais saumâtres et possèdent donc une forte valeur 41 DISCUSSION économique faisant craindre aux pisciculteurs de ces marais une compétition importante entre leurs activités et ces oiseaux. Etant donné le faible effectif de Grand cormoran (n= 13) et le peu d’estomacs contenant des poissons lors de notre étude (n=7), les résultats obtenus n’ont pas permis de rendre compte de l’importance de la prédation par ces oiseaux. Pour cela, il serait souhaitable qu’un plus grand nombre d’oiseaux soit mis à notre disposition, afin que la prédation des Grands cormorans sur ces milieux soit mieux appréciée. Les espèces prédominantes dans les régimes alimentaires des Grands cormorans abattus en eaux douces sont les Cyprinidés (surtout les Brèmes et le Gardon). La présence non négligeables de Sandres dans les régimes alimentaires des Grands cormorans abattus en Vendée serait due à un incident durant la vidange du barrage en amont de la zone de tirs. De ce fait, un grand nombre de poissons, et en particulier des Sandres, s'est retrouvé déversé en aval du barrage dans la rivière Le Lay non loin de la zone de tir (Bournezeau et La Rhéorte) (TANGUY, Fédération de la pêche de la Vendée, com. pers.). L’Indre-et-Loire totalise aussi de forts taux en Percidés, mais dans ce cas, ils découlent de la prédation sur un nombre important de Grémilles (poissons peu recherchés par les pêcheurs professionnels et amateurs). Toutefois, les 15% que représentent les Percidés dans le Morbihan en 2002-2003, sont essentiellement dus à la prédation sur de nombreuses Perches franches. Les trois quart de ces individus mesurent moins de 100 mm, taille jusqu’à laquelle ils vivent encore en banc, ce qui confirme la préférence de ces oiseaux à s’attaquer à des proies à comportements plutôt grégaires comme le sont aussi les Cyprinidés. A l’exception d’un cas particulier (la Vendée) qui reste à confirmer, les espèces à forte valeur commerciale (Brochet, Sandre, Perche franche, Anguille…) pour les pêcheurs professionnels et convoitées par les pêcheurs à la ligne ne représentent que 10% des effectifs de proies prélevées et n’excèdent pas 18% de la biomasse. L’interprétation des résultats concernant l’importance de ces espèces dans le régime alimentaire de ces oiseaux (outre l’aspect économique qu’elles représentent) pose souvent un problème d’appréciation. En effet, même si elles peuvent passer inaperçu (du fait de leur petit nombre) en pourcentage des effectifs, leur taille moyenne plus importante que la grande majorité des Cyprinidés, tend à les sur-représenter en pourcentage de biomasse. C’est par exemple le cas en Ille-et-Vilaine où deux 42 DISCUSSION sandres ne représentant que 0,75% en nombre, constituent 18% de la biomasse totale. Les Poissons-chats quasi inexistants dans les régimes alimentaires de certains départements (Eure, Morbihan, Vendée, Yonne), se trouvent prédominants dans d’autres (Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Sarthe). Ces résultats tendent à montrer une présence importante de cette espèce dans les environs des zones où ces oiseaux ont été prélevés. Ce type de proies pour les cormorans n’est pas rare puisqu’il constituait aussi 13,2% des proies lors d’une étude faite en Dombes (BROYER, 1996). Cette espèce, originaire d’Amérique du Nord, a été introduite en Europe vers 1871. Depuis le début du XXème siècle, elle n’a cessé de s’étendre. Sa croissance dépend étroitement des conditions climatiques et des ressources alimentaires offertes, et est capable de supporter de très faibles teneurs en oxygène dissous. Dans le cas de fortes densités, la compétition intra-spécifique conduit souvent à la prolifération d’individus chétifs, très voraces, qui font le désespoir des pêcheurs à la lignes (KEITH & ALLARDI, 2001). De même en Dombes, les Poissons-chats, au même titre que la Perche soleil (originaire elle aussi d’Amérique du Nord), sont des poissons considérés comme nuisibles par les pisciculteurs. Ils sont sans valeur commerciale. Ils s’attaquent aux alevins des autres espèces de poissons. Ils sont dotés d’épines dorsales et d’aiguillons piquants qui gênent considérablement les pêcheurs au moment du tri du poisson. De plus, ces deux espèces sont prolifiques et s’implantent avec une facilité déconcertante. Ces poissons sont systématiquement éliminés au moment de la pêche des étangs (VENTARD, 1997). La prédation des Grands cormorans sur les Poissons-chats ne pose donc pas problème pour les activités piscicoles, au contraire, elle permet d’éliminer du milieu une certaine quantité d’individus de cette espèce invasive. Comme nous l’avons vu précédemment, le régime alimentaire en eaux douces est principalement basé sur les Cyprinidés. En nous penchant plus précisément sur la biologie de ces poissons, nous pouvons constater que ceux-ci ont un mode de vie grégaire. Par ailleurs, les systèmes aquatiques de plaines dans les régions où ont été prélevés les cormorans présentent des faciès hydrologiques typiques correspondant à la «zone à brèmes» (HUET, 1959, VERNEAUX, 1977) favorisant donc des peuplements piscicoles dominés par les Cyprinidés. La prédominance de ces 43 DISCUSSION poissons dans les régimes alimentaires des Grands cormorans analysés tend donc à confirmer le caractère opportuniste du régime alimentaire des Grands cormorans mis en avant par d’autres auteurs (SUTER, 1991, MARTEIJN & DIRKESEN, 1991, VAN DOBBEN, 1995, W ARKE & DAY, 1995). Dans l’ensemble, l’impact en eaux douces des Grands cormorans, sur la pérennité des stocks d’espèces de poissons d’intérêt commercial et celle des activités piscicoles qui en découlent, n’a pas été démontré sur l’ensemble de la zone échantillonnée. Une prédominance des Cyprinidés dans les régimes alimentaires des Grands cormorans a aussi été montré sur l’Allier (LELIÈVRE, 2000), la Loire, l'Allier et la Moselle (LE LOUARN, 2003), la Garonne et différentes rivières en Midi-Pyrénées (SANTOUL, com. pers.), dans les eaux intérieures du Pas-de-Calais (LIBOIS, 2001), au Lac de Grand-Lieu (CARPENTIER et al., 2003), au Lac du Bourget (MATHIEU, 1997). Nos résultats montrent qu’il existe de fortes variabilités dans la composition du régime alimentaire des Grands cormorans. Tout d’abord concernant les tailles moyennes des proies consommées qui peuvent être très différentes selon les sites échantillonnés, les espèces de poissons et les années comme ont pu le mettre en évidence des études antérieures traitant ce sujet (e.g. MARTEIJN & DIRKSEN, 1991, LINDELL, 1997, MELLIN & KRUPA, 1997 MARTYNIAK et al., 1997a, MARTYNIAK et al., 1997b). Cette variabilité du régime alimentaire s’exprime aussi par les proportions des espèces proies. En Ille-et-Vilaine et en Indre-et-Loire par exemple, les Cyprinidés sont les proies principalement retrouvées dans les estomacs sur toute la période du suivi (entre 80 et 85%). Toutefois, les espèces de Cyprinidés prédominantes au cours de l’hiver 2002-2003 sont différentes des espèces majoritaires au cours des hivers 2000 à 2002. Cette variabilité inter annuelle est un phénomène aussi mis en évidence par ASBIRK (1993). L’occurrence des proies montre que les Cyprinidés sont les proies les plus rencontrées et capturées par les Grands cormorans. A l’inverse, les Sandres, Brochets et Anguilles (espèces d’intérêts halieutiques) apparaissent comme des 44 DISCUSSION proies consommées par un nombre restreint de Grands cormorans sur l’ensemble des sites de l’étude. Aucune espèce de poissons protégée et/ou faisant l’objet de mesures de protection à l’échelle nationale ou européenne n’est représentée dans les régimes alimentaires des cormorans étudiés, à l’exception de la Bouvière (poisson retrouvé uniquement en Indre-et-Loire) classée dans l’annexe II de la Directive Habitats qui n’apparaît toutefois ici qu’en nombre très réduit (11 individus sur 3246 poissons identifiés). Les cormorans ne semblent donc pas remettre en cause la survie de cette espèce sur les sites étudiés. Ces poissons, peu abondants dans le milieu contrairement à certains Cyprinidés tels les Gardons et les Brèmes, n’apparaissent pas être des proies de prédilection pour ces oiseaux qui préfèrent, comme le montrent les études précédemment citées, se reporter sur des espèces grégaires et plus abondantes. Les quelques études montrant des cas de prédation sur des espèces de poissons faisant l’objet de mesures de protection en France ne sont pas aussi pessimistes que l’on pourrait le croire. Au niveau du barrage de Poutès (HauteLoire), la prédation par les Grands cormorans sur les juvéniles de Saumon atlantique (Smolts) s’est révélée bien moindre que celle supposée par les pêcheurs et les organismes en charge de la protection des poissons migrateurs (LELIÈVRE, 2000). 45 CONCLUSION V. CONCLUSION Cette étude a permis de montrer une prédominance des Cyprinidés dans le régime alimentaire des Grands cormorans. Les espèces de poissons économiquement intéressantes pour les pêcheurs amateurs restent peu présentes dans les régimes des oiseaux s’alimentant en eau douce. Une concurrence semble s’avérer plus réelle dans les marais saumâtres, où les proies prélevées sont aussi celles recherchées par les pisciculteurs de ces marais. L’étude des contenus stomacaux d’un plus grand nombre d’individus se révèle cependant nécessaire pour une approche plus précise de l’impact potentiel des Grands cormorans sur ce type de milieu. Pour cela, il est indispensable qu’un nombre plus important soient analysé. L’étude concernant la répartition des deux sous-espèces a mis en évidence une forte prédominance des individus de la sous-espèce carbo au sein des dortoirs des départements les plus côtiers et plus particulièrement sur les dortoirs bretons. Ce résultat, attendu en Bretagne en zone estuarienne, l’était beaucoup moins pour des sites assez éloignés de la mer (Guerlédan, Bruz-Chavagnes), et encore moins pour des départements intérieurs comme en Indre-et-Loire. La présence importante d’individus carbo dans les effectifs abattus amène à se poser la question de l’efficacité de certains tirs en terme de régulation de la sous-espèce sinensis. De plus, elle soulève des problèmes d’ordre juridique concernant la légalité de ces tirs dans l’état actuel de la législation puisque la sous-espèce carbo n’est pas autorisée au tir en France. Enfin, le fort taux d’immatures dans les effectifs abattus révélé dans cette étude montre que les tirs ne privilégient pas assez les adultes dont la suppression serait la plus efficace en terme de dynamique des populations. Cette non sélection, ainsi que d’autres facteurs plus globaux, expliquent sans doute la relative inefficacité des tirs dans la stabilisation des effectifs d’hivernants mise en évidence en France. Face à ces problèmes de gestion de populations de cormorans portant aussi bien sur l’absence d’impact des Grands cormorans sur un grand nombre de sites où 46 CONCLUSION ont eu lieu les tirs, que sur l’inefficacité même de ces tirs, il devient urgent d’éclaircir ou de redéfinir des objectifs plus clairs pour une gestion plus appropriée et plus efficace lorsqu’il est supposé qu’un impact par les Grands cormorans puisse avoir lieu. 47 BIBLIOGRAPHIE VI. BIBLIOGRAPHIE ADAM, G. & ELIE, P. 1993. Etude de la faune ichtyologique et de l’exploitation halieutique professionnelle du Lac de Grand-Lieu, Loire-Atlantique. CEMAGREF de Bordeaux, Ministère de l’environnement, 128 p + Annexes. ASBIRK, S. 1993. Plan de gestion pour le Grand cormoran au Danemark. Bull. mens. O.N.C., 178, 2021. BROYER, J. 1996. 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