STX France : deux paquebots en guise de cadeau de Noël
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STX France : deux paquebots en guise de cadeau de Noël
N° 3518 vendredi 12 au jeudi 18 décembre 2014 Pages 2-3 2243 mots À LA UNE STX France : deux paquebots en guise de cadeau de Noël Avec la nouvelle commande de deux paquebots pour Celebrity Cruises, tombée le jeudi 4 décembre, le chantier naval I de Saint-Nazaire a un horizon bien dégagé. Temps au beau fixe chez STX. Le scénario de 2012 est presque similaire à celui de jeudi dernier : une annonce de commande qui tombe en décembre, aux alentours de 22 h 30, heure française, après la fermeture de la bourse de Miami. Mais en 2012, la commande de l'Oasis 3 pour Royal Caribbean International était arrivée dans les chaussons de STX entre les fêtes, à un moment très critique pour le chantier naval. Fin 2012, il ne restait dans les formes de construction que le MSC Preziosa et l'Europa 2 d'Hapag Lloyd Cruises, et aucune autre commande de paquebots en vue. Aujourd'hui, la lettre d'intention de commande de Royal Caribbean Cruises Limited pour sa filiale de croisières premium Celebrity Cruises est arrivée dans un contexte économique beaucoup plus favorable, avec quatre navires déjà commandés : deux Oasis pour RCI et deux Vista pour MSC. Ce qui fait six paquebots au total, et même huit si MSC confirme en 2017 les deux autres Vista en option. Climat de confiance Pour autant, Laurent Castaing, irecteur général de STX France, eut garder la tête froide : « Dans 'industrie, on n'est jamais erdu, jamais sauvé. Les nou-elles sont bonnes aujourd'hui, n ne boude pas notre plaisir, ais il faut continuer à aller hercher d'autres contrats our assurer l'avenir. » « Cette commande Une fois la lettre d'intention de commande pour deux paquebots de la nouvelle classe Edge confirmée par Celebrity Cruises, le chantier STX de Saint-Nazaire aura au moins six paquebots à construire jusqu'en 2020. L'Oasis 3 (photo) est le 1erdes six actuellement en chantier. Photo : Bernard Biger d'environ 1,2 milliard d'euros est une grande réussite des équipes qui travaillaient depuis huit mois sur le dossier, ajoute Laurent Castaing. Le client nous a déjà commandé deux navires, il a pu juger de notre capacité et notre fiabilité, mais aussi de notre compétitivité. » Surtout, c'est un réel retour de confiance de l'armateur qui n'avait plus commandé de navires au chantier nazairien depuis la classe Millennium. Bien sûr, qui dit lettre d'intention dit commande à confirmer. Aucune inquiétude pour la direction de STX France : « D'une part, on fait affaire avec le 2e armateur au monde et, d'autre part, nous avons étroitement travaillé avec les équipes de Bercy pour boucler un financement qui tient la route. » Le montage est « innovant » mais évidemment légal, similaire à celui de la commande de l'Oasis 4 qui permet « d'appliquer le crédit export dans un autre cadre que le cadre habituel ». On n'en saura pas plus, si ce n'est que le patron du chantier reconnaît avoir travaillé avec des « premières pointures à Bercy qui ont bien compris les besoins de l'industrie ». La direction n'a donc aucun doute sur le fait que la lettre d'intention se transformera d'ici le mois de mars en commande ferme, une fois le contrat préparé. C'est donc un retour dans l'estuaire de la Loire pour Celebrity Cruises, dans le giron du groupe RCCL depuis 1997. Pour cette compagnie, le chantier naval a réalisé les quatre paquebots de la classe Millennium, dotés à l'époque d'une nouvelle propulsion 1 par pods orientables avec cycle combiné gaz-vapeur (système Coges), inaugurant ainsi l'ère des paquebots moins polluants : les Millennium (2000), Infinity (2001), Summit (2001) et Constellation (2002), quatre navires de 294 mètres dont le contrat représentait 1,4 milliard de dollars. Mais il y eut des couacs plus ou moins sévères : d'abord, le Millennium avait été livré avec quelques jours de retard, en juin 2000. Puis des problèmes récurrents de pods avaient contraint l'annulation de plusieurs croisières, même si cela ne concernait pas la construction en elle-même mais la conception des pods Mermaid d'Alstom et Rolls-Royce. Le contentieux s'était soldé par un accord à l'amiable entre les deux industriels et RCCL. Navires haut de gamme Pour les Oasis comme pour le projet Edge, l'armateur est très impliqué et très présent à Saint-Nazaire. Il pose les bonnes questions et renvoie le constructeur revoir sa copie s'il repère des faiblesses : business is business ! Pas de malentendu, pas d'état d'âme, et cela convient à tout le monde pour travailler sur de bonnes bases, assure-t-on chez STX. Pour ce nouveau contrat, « cela s'est joué dans un mouchoir de poche en termes de prix », a confirmé la direction. Avec les deux chantiers de Meyer, celui de Papenburg et celui de Turku, ex-chantier STX Finland. « Certaines innovations proposées par nos équipes, en particulier en matière d'économie d'énergie, ont emballé le client. » Pour les détails et le profil du navire, il faudra attendre que le projet soit lancé pour en savoir plus, l'armateur voulant que ces innovations restent « les plus secrètes possible pour l'ins-tant ». En termes de prestations et finitions, ces navires devraient se rapprocher de celles de l'Europa 2 livré il y a un an et demi à Hagag Lloyd, avec un style pouvant plaire à une clientèle aussi américaine qu'internationale. Ils feront la part belle à l'art de vivre et la gastronomie, avec un service très haut de gamme. Pour sa part, la nouvelle directrice générale de Celebrity Cruises, Lisa Lutoff-Perlo, a souligné lors de sa nomination, le lundi 8 décembre, qu'avec ces deux navires, la marque Celebrity aurait « l'opportunité d'affirmer son leadership dans le secteur de la croisière haut de gamme ». Avec leurs 300 mètres de long et 38 mètres de large, les navires seront conçus pour pouvoir naviguer partout dans le monde, et passer notamment le nouveau canal de Panamá. 2016 et les ateliers coques métalliques jusqu'à début 2019. Des embauches sont-elles prévues ? « Depuis deux ans, on a engagé 250 personnes, c'est-à-dire 10 % de l'effectif », répond Laurent Castaing. Essentiellement des cols blancs. Une cinquantaine d'embauches supplémentaires est en cours. « Tant qu'on courait un risque en matière de commandes, ce n'était pas raisonnable de lancer un programme d'embauche de cols bleus ». Ce discours satisfait plus ou moins les syndicats. Si la CFDT juge que les efforts concédés avec l'accord de compétitivité portent leurs fruits, la CGT, elle, souhaiterait un plan d'embauche ambitieux, par étape, pour doubler l'effectif à terme, comme au temps des années prospères. « Pérenniser l'emploi, ce sera déjà pas mal, glisse une source. Personne n'a envie de revivre les longues périodes de chômage partiel. » C'est justement pour éviter une importante sous-charge des ateliers coques métalliques au printemps 2015, en raison à la perte du ferry à GNL Pegasis, que STX a décidé, en accord avec RCCL, d'avancer le début du chantier de l'Oasis 4. « Cette commande est une grande réussite des équipes qui travaillaient sur le dossier », se félicite Laurent Castaing. Photo : Véronique Couzinou Le premier sera livré à l'automne 2020, à contre-courant des dates habituelles de livraisons de paquebots qui se font plutôt au printemps. « C'est vraiment parfait pour l'organisation des différents chantiers », conclut Laurent Castaing. Il ne faudra donc pas s'attendre à des centaines d'embauches côté navires, mais plutôt pour l'usine Anemos, quand l'activité montera en puissance dans les énergies marines renouvelables. Le chantier attend de prendre des commandes de fondations jackets et/ou sous-stations électriques, en particulier pour des projets en mer du Nord. Pas d'embauches massives en vue A vec cette nouvelle commande, les bureaux d'études du chantier naval travaillent à pleine charge jusqu'en 2 Les ateliers coques et bureaux d'études travaillent à pleine charge, mais pas question de vague d'embauches pour le moment. Photo : Bernard Biger Les salariés qui travailleront pour Anemos (plus ou moins 200 à pleine charge) seront formés en interne car les qualifications d'un chaudronniersoudeur sont différentes dans la navale et les EMR. Côté sous-traitants, on reste également prudent : « C'est une bonne année pour la navale mais on sait que l'activité est cyclique. Si on embauche, on ne créera pas des dizaines d'emplois, mais il y aura du boulot pour pas mal d'intérimaires », assure l'un d'eux. L'autre question que l'on entend souvent, c'est pourquoi le chantier peine à recruter de « bons » ouvriers – au sens professionnel – quand il a besoin d'embaucher ? la principale difficulté, avance la direction, c'est de trouver des salariés à un niveau confirmé, capables de passer les essais de qualification. « Ce niveau nécessite de pouvoir souder dans des positions difficiles, de ne pas faire de défauts qui seront décelés aux ultrasons, explique Laurent Castaing. Dans un chantier naval, savoir souder ne suffit pas. Des bons chaudronniers-soudeurs, on en aura toujours besoin ». ■ par Véronique Couzinou et V. C. Les conditions de travail, on le sait, sont souvent difficiles, mais 3 ENCADRÉS DE L'ARTICLE ff Le plan de charge en décembre 2014. Paquebots : Oasis 3 (A34, environ 900 millions d'euros) pour RCI, livraison en avril 2016 ; premier navire projet Vista (E34, environ 700 millions d'euros) pour MSC, première tôle découpée au printemps 2015, livraison en 2017 ; Oasis 4 (B34, environ 900 millions d'euros) pour RCI, démarrage du chantier début 2015, livraison en 2018 ; second navire projet Vista (F34, environ 700 millions d'euros) pour MSC, livraison en 2019 ; premier navire projet Edge pour Celebrity Cruises (environ 600 millions d'euros), démarrage des études à l'été 2015, début de construction à l'été 2016, livraison à l'automne 2018 ; second navire projet Edge pour Celebrity Cruises (environ 600 millions d'euros), livraison en 2020 ; options Vista (3e et 4e navires) pour MSC, à confirmer par l'armateur en 2017, à la livraison du 1 er navire. Militaire : BPC Sébastopol pour la Fédération de Russie, mis à flot en novembre, livraison prévue en octobre 2015 (sa livraison est suspendue par la France mais le contrat n'est pas annulé). Repères 4,5 milliards d'euros (hors options des deux Vista MSC), c'est le montant des contrats actuels de STX France pour la construction de paquebots. Cela représente aussi 47 millions d'heures de travail pour les salariés et sous-traitants. Le contrat Edge, ce seront 6 millions d'heures pour le prototype, et 5 millions pour le sister-ship. 12 navires ont été livrés entre 1987 (le Sovereign of the Seas) et 2002 (le Constellation) au groupe RCCL, dont quatre pour Celebrity Cruises. Avec les deux Oasis, livrables en 2016 et 2018 à RCI, puis les deux Edge, livrables en 2018 et 2020 à Celebrity, cela fera un total de 16 paquebots livrés en 33 ans au groupe RCCL par le chantier nazairien. 2 900, c'est le nombre de passagers que chacun des deux navires de la nouvelle classe Edge pourra accueillir (1 450 cabines). 2016. La construction du premier navire Edge débutera quelques mois après la livraison de l'Oasis 3, à l'été 2016, puis celle du second un an plus tard. 4 Un tiers de l'Oasis 3 est actuellement construit, et 50 % de sa hauteur. Pour ce navire qui sera le plus grand paquebot du monde (362 mètres de long) et pour l'Oasis 4, STX a créé un nouveau système de vastes tentes mobiles qui permettent de travailler à l'abri au préarmement et à la préfabrication. Filiale. Au total, 100 000 croisiéristes ont été transportés en 2014 par les deux paquebots Zenith et Horizon de Croisières de France. 85 000 en France métropolitaine depuis Marseille et Calais, 15 000 dans les Antilles françaises. La filiale francophone du groupe Royal Caribbean confirme son 3 e rang sur le marché français derrière Costa et MSC Croisières. Parution : Hebdomadaire Tous droits réservés 2014 Le Marin Diffusion : 7 742 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2013/2014 da07e6188b407e0690750b859d0d519219b9812149c04860775cacb 5