Les Chapiteaux, Tentes, Structures (C.T.S.) face au risque d`orages

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Les Chapiteaux, Tentes, Structures (C.T.S.) face au risque d`orages
ETUDES
Les Chapiteaux, Tentes,
Structures (C.T.S.)
face au risque d’orages :
La gestion des
manifestations publiques
Commandant Philippe CARRIÈRE,
SDIS59 – Adjoint au Directeur de la Prévention
Le contexte réglementaire
Le règlement de sécurité contre l’incendie et les risques de panique dans
les Chapiteaux, Tentes et Structures (CTS) prévoit, depuis plusieurs décennies
maintenant, que ces établissements recevant du public (ERP) soient évacués
dans le cas de certaines situations météorologiques :
• si la précipitation de neige dépasse 4 cm d’accumulation ;
• si le vent normal dépasse 100 km/heure ;
• si une circonstance exceptionnelle l’exige.
Le contexte opérationnel
Les services de Météo-France publient quotidiennement, depuis octobre
2001, une carte de vigilance météorologique sur lesquelles peuvent s’appuyer
les services de secours.
Outre le descriptif propre à l’événement, ces derniers doivent s’appuyer sur
les rubriques « conséquences et conseils » puis « conséquences possibles
et conseils de comportements », annexés à chaque bulletin de suivi, car ils
donnent une véritable procédure d’anticipation opérationnelle.
A la lumière de la rubrique « conséquences possibles » établie dans le cas des
vigilances rouge et orange pour orages, nous comprenons que les CTS, plus
particulièrement, sont exposés à cet aléa météorologique.
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Ainsi, pour la vigilance « orange », nous pouvons lire : « Des dégâts importants
sont localement à craindre sur l’habitat léger et les installations provisoires »,
et pour la vigilance rouge : « L’habitat léger et les installations provisoires
peuvent être mis en réel danger ».
Le facteur aggravant
Les orages ont lieu le plus fréquemment de mai à septembre, quand la
saison touristique bat son plein, avec un pic de festivités extérieures et « sous
chapiteau ».
Une expérience récente
La France subit, durant la deuxième quinzaine du mois de juillet 2013, le passage
remarquable - par sa durée et sa gravité - de plusieurs fronts orageux actifs et
généralement destructeurs. Le 27 juillet, 42 départements sont encore placés
en « vigilance orange pour orages ». Vers 21H00, ce samedi soir, « entre 300
et 400 personnes, majoritairement retraitées, se trouvent sous une structure
où est organisée une guinguette à Joinville (52). «Subitement, deux rafales de
vent, espacées de 30 secondes, soulèvent littéralement la structure où sont
installés les gens et qui retombe ensuite sur eux alors qu’ils quittent le site
pour rejoindre leur véhicule.» Le bilan humain s’élève, à l’arrivée des secours,
à 6 blessés graves et 28 blessés légers. Il est relevé que le département de la
Haute-Marne, placé en « vigilance jaune » est immédiatement placé « sous
le vent » des départements de l’Aube et de la Marne, eux-mêmes placés en
« vigilance orange ».
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Il est aisé de comprendre qu’un orage ne suit pas les limites départementales !
Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder la carte des impacts de foudre :
Crédit photo : météociel
Les deux vagues orageuses observées ci-dessus, se déplacent du Sud-Ouest
vers le Nord-Est.
Le cumulonimbus : générateur d’orages
Les dangers les plus évidents, liés aux nuages d’orage, sont :
• le risque « foudre » qui détruira les installations électriques, certes, et pas
seulement dans un CTS !
• le risque « rafales de vent » qui balaieront tout sur leur passage, avec des
coups de boutoir souvent supérieurs à 80 km/h.
• le risque « grêle » qui détruira la toile, les toitures et autres vitres ;
• le risque « pluies diluviennes » qui inonderont le site d’implantation et les
parties basses ;
• le risque « rafales descendantes » qui plaqueront les avions, en phase
d’approche, au sol.
Crédit photo : proticblog.net
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• le risque « tornade » qui pulvérisera le CTS comme celui-ci, implanté sur
une zone commerciale (Marseille, Plan de Campagne, 14/10/2012)
Crédit photo : Buzzraider.com et France Bleu
A quoi peuvent s’attendre les secours, à leur arrivée sur les lieux ?
Que provoque la foudre sur les être vivants ?
(source : KERAUNOS) On retient classiquement quatre mécanismes de foudroiement :
a) le choc direct : la foudre « tombe » sur la tête, point culminant d’une
personne debout.
b) le choc latéral : est l’écoulement en dérivation de la foudre tombée à
proximité, sur un arbre par exemple.
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c) le choc par contact avec un objet foudroyé : les points d’entrée et de
sortie vont se constituer de manière visible.
d) la tension de pas : mécanisme original qui reprend celui connu dans les
électrisations, à partir d’un conducteur à haute tension tombé à terre. Des
différences de potentiel concentriques se constituent autour de l’épicentre.
Tout sujet humain ou animal peut voir ses membres inférieurs situés sur deux
niveaux électriques.
C’est pourquoi :
la foudre peut tuer d’emblée de manière lésionnelle : c’est l’énorme masse
d’énergie reçue qui «coagule » le sujet, tel l’équivalent de l’exécution capitale
par la chaise électrique ;
la foudre peut paralyser : ces para ou tétraplégies sont souvent réversibles en
quelques jours voire en quelques heures. Elles s’accompagnent fréquemment
de troubles vaso-moteurs. L’impotence fonctionnelle qu’elles génèrent peut
empêcher la victime, si elle est isolée, de se déplacer pour donner l’alerte ;
la foudre peut brûler : elle brûle la peau aux éventuels points d’entrée et de
sortie. Il s’agit alors de brûlures du troisième degré. La foudre brûle également
de façon linéaire dans son trajet dermique et sous-cutané dans le cadre de l’arc
de contournement. Les objets métalliques au contact de la peau : montres,
bijoux, boucle de ceinture, fermeture éclair etc. portés à incandescence par
l’éclair «cautérisent » le derme. Il n’existe pas encore d’expérience connue
en ce qui concerne les pacemakers, les défibrillateurs ou les pompes placées
en sous-cutané chez certains patients. C’est aussi par brûlure que la foudre
aveugle le patient : kératite par brûlure cornéenne, cataracte par brûlure du
cristallin et rétinite se produisent, soit d’emblée, soit secondairement au bout
d’un délai parfois prolongé ;
La foudre peut assourdir : l’atteinte auriculaire résulte du blast créé par le
tonnerre. En fait, outre la rupture tympanique, le traumatisme de la chaîne des
osselets dans l’oreille moyenne génère également des syndromes vestibulaires,
et donc des troubles de l’équilibre. Les acouphènes, comme ceux observés
après une explosion, sont toujours difficiles à supprimer ou même à atténuer ;
La foudre traumatise : l’échauffement de l’air, compris entre les vêtements et la
peau, détermine une violente expansion, cause de désintégration et d’éjection
des vêtements. La puissance du blast provoque chute et/ou projection qui en
fonction de l’environnement peuvent aboutir à un polytraumatisme. Ce blast
peut également déclencher des lésions pulmonaires et cérébrales ;
Enfin, la foudre stresse : s’agissant d’une agression violente et intense.
Les conséquences de ce stress traumatique sont celles observées dans des
circonstances différentes et variées, tels les attentats, les explosions etc.
Dans les cas les plus graves, l’absence de témoins constitue pour la victime
une perte de chance déterminante. Le rôle des témoins ou des personnes de
passage est bien sûr essentiel dans le déclenchement de l’alerte.
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Mais l’emploi du téléphone, même portable, alors que l’orage perdure peut se
révéler très dangereux. A l’instar de ce qui est signalé dans les stations-service
(une signalétique rappelle que l’usage du portable est interdit quand on fait
un plein de carburant), les personnels veilleront à couper les appareils, ou les
laisseront dans leurs véhicules d’intervention, vitres fermées.
Que provoquent les pluies
et les vents violents liés aux orages ?
En premier lieu, les secours découvrent des victimes traumatisées directement
par la chute de l’établissement après son envol, voire après son ripage.
L’engagement de véhicules de désincarcération s’avère utile pour des
soulèvements de poutres et déplacements de planchers, concomitants à des
calages en douceur.
Le traitement des victimes polytraumatisées, dans un poste médical avancé
(PMA) se fera de préférence dans l’ERP le plus proche, si le CTS est implanté
dans une agglomération. En effet, les ERP ont l’obligation d’être dotés de 2
sorties (1) et offrent ainsi l’avantage d’être à l’abri immédiat des intempéries,
sans avoir à installer un poste médical avancé sous une structure gonflable.
Les secours doivent s’attendre également à gérer un grand nombre de
personnes arrivées en tenue estivale (tee-shirt, bermuda, nu-pieds, etc.) et
qui se retrouvent, outre le spectacle de leurs proches blessés, brutalement
confrontés à des vents violents et des pluies battantes qui font chuter les
températures, souvent de plus de 15°C, en moins de 10 minutes.
La recherche d’un point de rassemblement des victimes (PRV) est primordial,
pour apporter soutien psychologique et réchauffement, par des boissons
chaudes de préférence.
En conclusion
Pour éviter une telle situation, proche d’une catastrophe humaine qui
obligerait le déclenchement du plan NOVI, les responsables locaux doivent
prendre l’initiative de donner le conseil suivant :
« faire procéder à l’évacuation du public, ou interdire l’accès de celui-ci au
CTS, dès lors que le département du ….... est placé en vigilance de niveau
« orange » ou « rouge » pour orages, par les services de Météo-France. »
mais aussi :
« compte-tenu du caractère très local que peut revêtir un orage, cette
évacuation doit être initiée dès les premiers grondements de tonnerre, au
plus tard ».
Ce conseil émane des SIACED-PC ou SIRACED-PC(2) en préfectures, relayés par
les maires, à l’attention des utilisateurs de CTS implantés sur leurs territoires
de compétence respectifs.
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En effet, ces destinataires de la carte de vigilance météorologique sont à même
de connaître l’existence des CTS, considérant l’obligation faite de demander
l’autorisation administrative quant à l’ouverture au public (3).
Enfin, il apparaît utile de se rapprocher de sites internet gratuits qui fournissent,
en temps réel, l’évolution des impacts de foudre : Météox, Météorage,
Météociel, etc.
(1) Art. R123-7 du Code de la Construction et de l’Habitation.
(2) Service interministériel Régional des Affaires Civiles et Economiques, de Défense et de Protection Civile.
(3) CTS Art.31 du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les ERP.
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