Ponts historiques en acier

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Ponts historiques en acier
Construire en acier
Documentation du Centre suisse de la construction métallique SZS
03+04/13
steeldoc
Ponts historiques
en acier
Table des matières
Editorial
3
Essai
De la valeur des ponts historiques en acier
4
Introduction
Les ponts en acier sont nés avec le chemin de fer
8
Viaduc de Bietsch, Hohtenn-Aussenberg
Imposant et néanmoins harmonieux
12
Pont sur l’Aar, Koblenz
Un tracé en anse de panier
16
Pont d’Unterstetten, Rigi Scheidegg
Presque oublié – et pourtant d’un tel intérêt!
20
L’acier comme matériau
Histoire, identification et reconstruction
26
Assemblages
Rivetage, boulonnage, soudage
32
Passerelle «Brüggli», Unterägeri
Une légèreté préservée
36
Le pont sur l’Aar, Aarwangen
Un tracé élégant à travers un site protégé
42
Le pont sur la Thur, Gütighausen
Prolongé conformément à l’original
46
Recension de livre
«Les ponts ferroviaires suisses»
52
Annexe
54
Impressum
55
La compétence dans les constructions métalliques
Le Centre suisse de la construction métallique est le forum
de compétence suisse pour les constructions en acier.
En tant qu’organisation spécialisée, le SZS rassemble les
principales entreprises de travail de l’acier, fournisseurs
et planificateurs de Suisse et atteint, par ses opérations,
plus de 8000 architectes, planificateurs, décideurs et institutions. Le SZS informe le public spécialisé, favorise la
­r echerche, le développement et la collaboration dans la
construction métallique, entretien des relations internationales et assiste la formation et le perfectionnement de
spécialistes. Ses membres profitent d’une vaste gamme de
prestations à des conditions avantageuses.
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Stahlbau Zentrum Schweiz
Centre suisse de la construction métallique
Centro svizzero per la costruzione in acciaio
Editorial
Avec son paysage varié aux nombreuses montagnes et rivières, la
Suisse est un pays riche en ponts. Pour les chemins de fer et la traversée des Alpes en particulier, des centaines de ponts ont été construits
au cours des XIXème et XXème siècles, beaucoup d’entre eux en acier.
Un jeune pionnier de la construction de ponts en Suisse au XIXème siècle
fut le politicien et entrepreneur Alfred Escher. Il fonda et développa
le réseau ferroviaire suisse et, par son engagement politique et entrepreneurial, fit prendre un essor incomparable à la Suisse comme
­nation industrielle moderne. Afin de disposer d’ingénieurs compétents
pour le projet ambitieux de construction de ponts du réseau ferroviaire suisse ainsi que la future ligne du Saint-Gothard, il fonda par
ex­emple en 1854 le «Polytechnicum» – actuellement Ecole polytechnique fédérale de Zurich.
La construction de ponts est considérée comme la discipline reine du
génie civil et il n’est dès lors pas surprenant que depuis plus de 160
ans, une culture de génie civil se soit développée en Suisse. Il est para­
doxal que les protagonistes de cette discipline se tiennent souvent à
l’ombre de leurs ouvrages. Le présent numéro de Steeldoc est consacré
au savoir-faire de ces pionniers discrets et à leurs chefs-d’œuvre ainsi
qu’à ceux qui souhaitent encore de nos jours s’inspirer du raffinement d’antan dans le traitement de ces forces. De nombreux ponts en
acier présentés dans ce numéro ont plus de cent ans d’âge et montrent
par l’exemple que les constructions métalliques n’ont rien perdu de
leur fraîcheur, tant comme structures porteuses que par leur esthétique.
C’est avec le même sens de l’équilibre que les ingénieurs analysent
actuellement les ouvrages de leurs pères, les renforcent et les remet­
tent en état. Mais c’est aussi une occasion d’apprendre – bien souvent,
ce n’est que par un diagnostic soigné de la structure porteuse que
l’on comprend comment elle fonctionne et quelle est sa particularité
en tant que monument technique.
C’est pourquoi nous tenons à remercier Clementine van Rooden,
qui a assuré la rédaction de ce vaste numéro double consacré aux
ponts historiques en acier. En tant qu’ingénieure en génie civil et jour­
naliste spécialisée, elle a en outre rédigé la plupart des textes techniques et en quelque sorte «jeté un pont» vers l’ouvrage principal auquel se réfère le présent numéro et dans lequel elle a également
écrit. Dans la série «Histoire de l’architecture et de la technique des
chemins de fer de Suisse» a paru cette année le livre «Schweizer Bahn­
brücken» avec des photos de Georg Aerni. Parmi les recherches
­effectuées sur une centaine de ponts ferroviaires en Suisse, nous avons
fait un choix de ponts en acier particulièrement intéressants pour
les décrire ici. Les documents nous ont été aimablement mis à disposition par le Service de protection des monuments des Chemins de
fer fédéraux. Cette sélection a été complétée d’autres typologies de ponts
ainsi que d’informations techniques de fond sur le traitement correct
des structures porteuses en acier.
Evelyn C. Frisch
3
Essai
De la valeur des ponts historiques en acier
Clementine van Rooden*
La Suisse compte de nombreux ponts métalliques imposants, dont la construction
et l’implantation se révèlent exemplaires. Parmi eux, les ponts historiques sont
d’une diversité sans pareille, qui mérite d’être sauvegardée. En effet, chacun de ces
chefs-d’œuvre possède quelque chose de particulier, même si cela n’apparaît
pas au premier coup d’œil. Le présent essai se penche sur ce qui fait la valeur de
ces ouvrages.
Aujourd’hui, un pont historique – quel que soit son âge
– n’est plus démoli à la légère. Par le passé, on a trop
souvent eu à déplorer le perte de valeurs matérielles et
immatérielles – ce qu’un examen et une appréciation
plus approfondis auraient permis d’éviter. La spécificité et la valeur historique d’un pont peuvent être liées
à sa localisation, à sa fonction, à sa construction, à
son état de conservation, ainsi qu’à divers aspects sociaux, économiques ou environnementaux.1 Outre
sa valeur matérielle mesurable, un pont peut aussi être
le témoin de son époque, un exemple remarquable
d’une manière de construire, voire un modèle. Les milliers de ponts ferroviaires que compte la Suisse illus­
trent bien ces valeurs immatérielles.2
Obsolètes – mais en parfait état
Parmi les ponts métalliques existants, souvent plus
que centenaires, beaucoup ne répondent plus aux exigences actuelles et semblent, du point de vue de leur
construction, devoir être remis en état ou renforcés.
Lorsqu’on les examine de plus près, pourtant, on se rend
compte que les apparences sont trompeuses. Malgré
les normes qui s’appliquent à l’évaluation des ponts
historiques, leur potentiel est souvent sous-estimé, y
compris par les professionnels. Leur valeur – matérielle
ou immatérielle – n’est pas reconnue. Or, une appréciation sommaire, mais objective, permettrait déjà de
concilier les exigences à remplir en matière de con­
servation du patrimoine, d’exploitation et de structure.
Pour ce faire, on peut par exemple recourir au cahier
technique SIA 2017 «Valeur de conservation des ouvrages». Dans bien des cas, une approche globale de
la valeur matérielle et immatérielle d’un pont permet
d’en justifier la conservation – et, par là même, de
susciter un attachement affectif à sa structure et à ses
détails spécifiques. En effet, que serait la construction
d’ouvrages d’art sans ses références historiques, qui
forcent souvent l’admiration?
Estimer à temps quand les valeurs évoluent
Les arguments susceptibles de justifier la conservation d’un pont sont nombreux – de même que le sont
d’ailleurs ceux qui peuvent plaider pour sa démolition. Intervenir sur un ouvrage existant implique souvent des imprévus, ce qui peut inciter les intéressés
à privilégier une démolition-reconstruction. A fortiori
lorsque les seuls motifs plaidant en faveur d’une con­
4
servation sont de nature immatérielle ou affective.
Nombre de ponts sont devenus, pour riverains et amateurs, les objets d’un grand attachement. La substance
ma­térielle d’un pont peut cependant toujours être
analysée de façon rationnelle et complète et, dans
bien des cas, les résultats des investigations justifient
une conservation, tant du point de vue structural
qu’historique et/ou esthétique. Ainsi les experts cons­
tatent-ils souvent qu’un pont est certes ­devenu «vieux»,
mais qu’il n’a, sur le plan structural, de loin pas encore atteint sa durée de vie maximale.3
Le poids des valeurs immatérielles
De fait, les ponts doivent être évalués à la fois sous
un angle technique et fonctionnel et sous un angle
historique, socioculturel, esthétique et affectif. Seule la
prise en compte de ces différents aspects permet de
mettre au jour le véritable potentiel d’un ouvrage.
Il convient donc de réévaluer en permanence chaque
pont dans son contexte spécifique.
Les critères permettant de déterminer la valeur de
conservation d’un ouvrage (par exemple ceux du cahier
technique SIA 2017) ne sont souvent pas précisément
définis, mais doivent être interprétés au cas par cas.
La valeur d’un pont doit donc être constamment ré­
évaluée. Il se peut tout à fait qu’une seule et unique
­caractéristique se révèle déterminante pour la conservation de toute la construction. Peut-être la structure
d’un pont ne s’avérera-t-elle ni belle, ni efficace, ni
économique, mais représentera-t-elle un témoin exem­
plaire de son époque, voire le dernier spécimen de
sa catégorie. Le cas échéant, cela constituera une
­raison suffisante pour sauvegarder l’ouvrage. Il en va
de même si son concepteur est célèbre et si le pont
en question occupe une place importante dans l’ensemble de sa production. Ou si la forme, la matérialisation ou le système statique de l’ouvrage étaient
en avance sur leur temps. Il est aussi imaginable
qu’un pont ­présente une valeur didactique pour ses
­détails de cons­truction, dont il n’existe peut-être
plus d’autres ex­emples.4
Les ponts comme témoins de leur époque
Le but de toute évaluation consiste à identifier les spécificités d’un pont, de sa structure et de ses détails,
afin de pouvoir les conserver ou, à tout le moins, les
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1 Situé en pleine ville d’Olten,
le pont sur l’Aar de la Gäubahn
présente surtout un intérêt
technique: réalisé en 1927, il
présentait les premières
poutres courbes à âme pleine
de Suisse. 3,5
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Coupe transversale et détail du
pont sur l’Aar (CFF Historic)
5
Essai
6
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respecter en cas de nouvelle intervention. Dans bien
des cas, il s’agit aussi de sauvegarder, à titre pour
­ainsi dire documentaire, la pensée qui a présidé à la
réalisation de l’ouvrage. Il se peut en effet que cet
­héritage se révèle utile – même des décennies plus
tard – pour la conception de nouveaux ponts, voire
qu’il leur serve de modèle.5
* Clementine van Rooden, ing. civ. dipl. EPF; après avoir été assis­
tante à la chaire de structures de l’EPFZ et avoir exercé durant
plusieurs années comme ingénieure cheffe de projet, elle a été,
de 2006 à 2013, rédactrice de la revue TEC21, et mène aujourd’hui une activité d’auteure indépendante spécialisée dans le
domaine des ouvrages d’art.
Notes et références bibliographiques
1Cahier technique SIA 2017 «Valeur de conservation des
­o uvrages», édition 2000
2 voir Introduction p. 8 et livre «Schweizer Bahnbrücken» p. 52
3 voir «Schweizer Bahnbrücken» p. 52
4«Tragende Werte», TEC21 48/2013, Clementine van Rooden,
article «Wertvolle Tragwerke», p. 16 –17
5 voir Assemblages p. 32
Photographies
1 Clementine van Rooden
2 Georg Aerni
2 Le pont sur l’Isorno se caractérise par l’extrême finesse
de sa structure métallique.
Pratiquement conservé dans
son état original de 1917, ce
pont composé d’arcs en treillis
à trois articulations franchit
les gorges de l’Isorno comme
s’il avait toujours fait partie
du paysage.
7
Introduction
Les ponts en acier sont nés avec le chemin de fer
Clementine van Rooden
Le paysage des ponts en Suisse est surtout caractérisé par les ponts ferroviaires.
Ils se voient bien dans le paysage, impressionnent par leur construction soignée et
audacieuse et sont depuis de nombreuses années intégrés à l’environnement
­local. C’est pourquoi beaucoup d’entre eux sont considérés comme de véritables
bijoux par les connaisseurs de l’ingénierie de construction et du paysage suisse.
Il n’est pas surprenant que le paysage suisse des ponts
en acier soit surtout caractérisé par les ponts des
­compagnies ferroviaires. Celles-ci ont été parmi les
premiers clients pour plusieurs milliers de ponts en
acier que seules ces compagnies possèdent encore
­actuellement.
En comparaison des pays voisins, les chemins de fer
ne sont arrivés que tard en Suisse. Du point de vue de
la construction des ponts en acier, l’avantage a été de
quasiment éviter les constructions en fonte de l’époque
des pionniers, matériau qui avait beaucoup nui à la
réputation des ponts métalliques, surtout en Angleterre.
La construction des ponts en acier en Suisse a du
moins pu avoir recours dès le début à des matériaux
connus et éprouvés (acier puddlé, acier coulé), à des
expériences acquises à l’étranger, à une base de principes théoriques, à une grande tradition de charpenterie
et à des ingénieurs de pointe de toute l’Europe.
Durant la seconde moitié du XIXème siècle, la loi fer­
roviaire, libérale à l’époque, a favorisé une activité
presque fébrile de construction des chemins de fer et
des ponts. Dans cette phase du début de l’ère capitaliste, de nombreux ponts en acier, ambitieux et audacieux, ont été construits car les constructions en acier
pouvaient être réalisées plus rapidement et à moin­
dres coûts que les ponts en maçonnerie – et pour les
nombreuses compagnies ferroviaires privées, le
temps, c’était de l’argent.
Influences d’Allemagne et de France
Il n’est pas apparu à l’époque – ni plus tard – de «style
suisse» typique ou même une «école suisse» dans la
construction des ponts en acier; les ingénieurs suisses
ont plutôt appliqué de manière pragmatique les développements de l’étranger, pour les adapter et les optimiser, et créer ainsi toute une série d’ouvrages d’art
remarquables. On distingue pourtant des préférences
1 Chemin de maintenance
du viaduc ferroviare de 1919
sur la Sitter près de St-Gall
8
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2 Le pont de Frenke à Liestal
à trois travées se présente
­a ctuellement comme mémorial
le long de la ligne ferroviaire
Bâle-Olten. En coupe, les deux
poutres à treillis sont reliées
l’une à l’autre à mi-hauteur pour
former une section en H.
régionales ou nationales. En Suisse alémanique, c’est
naturellement la construction allemande qui domine
avec des poutres à treillis de grande hauteur et de
longue portée – par exemple le pont de Frenke à Liestal – ainsi que divers ponts de la ligne du Gothard
qui étaient des constructions à treillis (tous ont été
remplacés). En Suisse romande, c’est l’influence française qui dominait, les poutres à treillis étant rem­
placées par des poutres à âme pleine – par exemple le
viaduc sur la Paudèze près de Pully avant sa transformation.
Nombre de ces constructions d’origine, relativement
légères, n’étaient plus à la mesure des charges en rapide augmentation après un demi-siècle environ, et il
n’était plus possible de les renforcer à des coûts raisonnables – il s’agissait donc de les remplacer, généra­
lement par des poutres à treillis modernes. Fort heureusement, trois grandes poutres à treillis ont pu être
conservées jusqu’à présent sur des lignes à faible trafic: le pont sur le Rhin à Koblenz et le pont sur la
Thur à Ossingen ainsi que le pont de Frenke à Liestal,
après désaffectation.
9
3 Le viaduc ferroviaire de la
Südostbahn (SOB) sur la Sitter
près de St-Gall – autrefois
le chemin de fer BodenseeToggenburg – a été achevé en
1910. L’impressionnant cintre
en bois a été construit par
­R ichard Coray. Avec sa hauteur
de 99 m, ce pont est le plus
haut de Suisse et la poutre à
treillis en acier a la plus longue
portée de Suisse avec 120 m.
La poutre Pauli – une construction peu connue
La construction des poutres à treillis a atteint ses limites de capacité dans les années 1870; à cette époque,
l’industrie de l’acier avait réalisé des progrès décisifs
et pouvait proposer à la construction des ponts, à la
place des fers plats étroits, des profilés plus forts et
plus résistants. Différents successeurs aux poutres à
treillis ont été testés, entre autres les élégantes poutres
Pauli (du nom de l’ingénieur Allemand Friedrich
­August von Pauli, 1802 –1883). Il s’agissait de poutres à
treillis à diagonales croisées dont les membrures supérieure et inférieure étaient courbes, donnant à
­l’ensemble sa forme typique lenticulaire symétrique
­(brevetée en 1857). Les poutres Pauli n’ont été utilisées
qu’une seule fois en Suisse sur un pont ferroviaire,
le pont sur l’Aar à Brugg, mais elles ont atteint leurs
limites de capacité après un quart de siècle environ et
ont dû être remplacées. Le principe de la poutre Pauli
10
a cependant été maintenu sous une forme réduite de
moitié horizontalement, comme support inférieur des
longerons et entretoises. De nombreux ponts, entre
autres des ponts-poutres à treillis de la ligne du Got­
hard, ont été renforcés, jusqu’aux années 1930, au
moyen de ces constructions dites «en ventre de poisson».
La poutre Schwedler a été conservée
Un autre type de structure peu connu destiné à remplacer les poutres à treillis est la poutre Schwedler
(du nom de l’ingénieur Allemand Johann Wilhelm
Schwedler, 1823 –1894). A première vue, cette forme
ne se distingue guère d’une poutre en arc à treillis.
Mais les diagonales sont toujours sollicitées à la traction. Ce concept théoriquement perfectionné aboutit,
pour la membrure supérieure, à une ligne composée
de deux branches hyperboliques. Schwedler lui a né­
anmoins donné une forme linéaire, abandonnant la
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ligne idéale théorique pour des raisons d’esthétique et
d’économie. Ainsi les diagonales étaient alors sollicitées à la compression, c’est pourquoi Schwedler fit poser
des diagonales opposées. Il ne subsiste également
que peu d’applications en Suisse de la poutre Schwedler, mais qui sont néanmoins toujours en service –
comme le pont sur l’Aar à Koblenz1 et le passage supérieur sur la Limmatstrasse à Zurich.
Grande variété de poutres à treillis
Depuis les années 1870, les poutres à treillis, issues de
la tradition de la construction de ponts en bois, se
sont imposées, avec leurs diverses formes d’exécution,
comme système polyvalent le plus répandu pour les
ponts ferroviaires: à voie supérieure, à voie inférieure
ou à voie à mi-hauteur, à membrures parallèles, de
forme polygonale ou semi parabolique, à diagonales
simples ou multiples, avec ou sans montants. Les pou­
tres à treillis sont souvent utilisées également pour
des viaducs entre deux ponts d’approche en maçonnerie, quelques-uns des ponts les plus réussis et les
plus connus de Suisse étant réalisés au moyen de cette
combinaison disparate et pourtant harmonieuse –
­citons comme exemple typique le pont sur la Sitter de
la Südostbahn (SOB) près de St-Gall.
Chaque ouvrage dans son temps et dans son
­environnement
Au cours de leurs plus de cent ans de succès en Suisse,
les poutres à treillis ont connu tous les développements de la construction, du rivetage manuel, en passant par le boulonnage, jusqu’aux caissons actuels
­entièrement soudés. Grâce aux progrès réalisés dans
la métallurgie2 et la technique d’assemblage3 – les
­ouvrages sont devenus de plus en plus simples et épurés – les poutres à treillis soudées actuelles, sans
montants et en barres caisonnées lisses, paraissent
presque abstraites, comme le pont de couleur rouge
des Chemins de fer rhétiques passant au-dessus de la
ligne CFF à Untervaz.
En montagne, à part les poutres à treillis, quelques
ouvrages particuliers remarquables en acier, que l’on
peut assimiler à des treillis dans le détail, ont fait leur
apparition. Un des cas uniques le plus connu et le
plus intéressant est le pont du Bietschtal sur la rampe
sud du Lötschberg 4 Deux autres ponts en arc presque
identiques de la ligne de chemin de fer des Centovalli
– le pont de l’Isomo près d’Intragna et celui de Ruinacci à l’est de la station de Camedo (voir p. 6) sont de
construction tout aussi audacieuse mais ­paraissent
presque planer du fait de leur fine structure. Les structures porteuses en acier de ces trois ponts sont encore
actuellement en service sans avoir nécessiter de
grandes interventions.
Les poutres soudées Langer – système appelé plutôt
Bow-String actuellement – de la ligne CFF Zurich-Coire
sur les canaux de la Linth et de l’Escher sont également des cas uniques remarquables (voir photo page 34).
Ces dernières années, les poutres à âme pleine en
acier ont vécu une certaine renaissance. Renforcées
de contreventements, elles supportent entre autres les
dalles de roulement en béton armé de quelques ponts
de la rampe nord de la ligne du Gothard, où les pou­
tres d’origine à treillis ont dû être remplacées dès
les années 1960 – par exemple celles des ponts sur
l’Intschireuss et sur le Kärstelenbach. De telles con­s­
tructions mixtes acier-béton offrent encore un vaste
potentiel de développement aussi bien pour le rail
que pour la route.
Notes et littérature
1 voir pont sur l’Aar, Koblenz p. 16
2 voir l’acier comme matériau, p. 26
3 voir assemblages, p. 32
4 voir viaduc du Bietschtal, p. 12
5 voir «Schweizer Bahnbrücken», p. 52
Photographies
1 Südostbahn SOB
2Clementine van Rooden; plan des Baselbieter Heimatblätter,
rapport annuel de la conservation des monuments cantonaux
2005
3 Südostbahn SOB
4 Photo historique: Theodor Bell & Co.
4 L’impressionnant cintre en
bois construit par Richard
­C oray pour le viaduc ferroviaire
sur la Sitter.
11
Viaduc de la valée de Bietsch, Hohtenn-Ausserberg
Imposant et néanmoins harmonieux
Maître de l’ouvrage
BLS AG (anciennement Bern-Lötschberg-Simplon)
Ingénieurs
Entreprise Générale du chemin de fer des Alpes Bernoises
Bern-Loetschberg-Simplon EGL (pont historique)
Jean Gut, Küsnacht ZH (renforcements)
Bloetzer + Pfammatter, Viège (béton armé)
Année de construction
Pont historique: 1913
Mise en double voie et renforcements: 1986
1
La rampe sud de la ligne du Lötschberg, ouverte en 1913, est déjà fort impressionnante par ses nombreux ouvrages d’art. L’étroite vallée du Bietschbach est
franchie par un impressionnant viaduc en acier qui se remarque par sa con­s­
truction unique en son genre. Ce viaduc toujours à l’état original de 1913 a été
mis en double voie en 1986 – cette extension était déjà prévue lors de la
construction.
Le viaduc de la valée de Bietsch sur la rampe sud de
la ligne du Lötschberg impressionne d’une part par son
audacieuse construction, qui était déjà peu ordinaire
à l’époque, et d’autre part par sa situation spectaculaire dans le paysage rocheux du Valais, d’accès toujours
difficile actuellement – et surtout à l’époque.1
Le viaduc long de 110 m franchit le Bietschbach qui
s’écoule en direction de Rarogne dans la vallée du
Rhône, ceci à une hauteur de 78 m, avec un arc à deux
articulations supportant deux ponts-poutres d’une
portée de 35,5 m. L’arc repose sur quatre appuis en acier
coulé à articulations à rotules, ancrés dans les fondations en béton recouvertes de pierre naturelle. La
­portée entre les deux articulations est de 95 m. Les deux
ponts-poutres reposent plus haut sur les flancs de la
vallée, sur des culées en maçonnerie chacune en
forme de voûte ; de là, les voies disparaissent de chaque
côté dans un tunnel.
La construction en acier doux est en rampe homogène
de 22 pour mille dans une courbe de 300 m de rayon.
Ceci explique la forme inhabituelle de l’arc central
dont les membrures s’élargissent vers les appuis, amé­
liorant la rigidité de la construction: l’arc à deux articulations se tient donc bien campé sur les flancs de la
vallée. C’était le seul moyen de compenser les forces
centrifuges des trains en marche ou freinant dans la
courbe.2
Tout d’abord à voie unique
La construction en treillis de l’arc a été réalisée en 1913
à l’aide d’un cintre. Afin que les tassements de cet
échafaudage élevé restent contrôlables, on l’a construit
12
essentiellement en fer; seule la partie supérieure était
en bois. C’est ainsi que la structure porteuse a pu
être construite avec précision à partir de 491 barres et
171 nœuds. A la clé de voûte en particulier, cette
structure ne présente que de faibles écarts de position;
des résultats de montage aussi positifs n’auraient
­probablement pas été réalisables au moyen d’un échafaudage uniquement en bois.
Le pont a été monté à l’aide de derricks. Ces grues utilisées pour la première fois en Suisse, sollicitées uniquement à la compression, ont permis le montage du
pesant pont à treillis en acier. Une ligne de service
­séparée, avec des tunnels et des ponts de bois, permettait d’accéder à la ligne pendant les travaux réalisés
en terrain impraticable.3
La double voie est préparée
La compagnie du chemin de fer du Lötschberg a mis
le viaduc en service à voie unique. Néanmoins, l’extension à la double voie avait été préparée dès le début.
Cette extension a été réalisée sur toute la rampe sud
du Lötschberg entre 1976 et 1992 – sur le viaduc de la
valée de Bietsch en 1986. Pour cela, la construction
datant alors de plus de 70 ans a été complétée côté
aval par deux ponts-poutres de structure identique, la
seule différence étant que les nœuds n’étaient plus
­rivetés mais soudés. Etant donné que les surfaces de
la construction soudée sont beaucoup plus lisses,
­l’entretien de la construction plus moderne des deux
nouveaux ponts à treillis en est simplifié. Afin d’absorber les efforts supplémentaires dans la courbe – et
en particulier les forces centrifuges plus élevées dues
à la vitesse de circulation portée de 60 à 80 km/h –
steeldoc 03+04/13
les contreventements ont été renforcés après des cal­
culs et analyses approfondis et les nœuds rivetés ont
été remplacés par quelques milliers de boulons ajustés
à haute résistance (HVP). Ceci a permis de presque
doubler la sécurité structurale vis-à-vis du cisaillement.4
Extension sans interruption de la circulation
On a d’abord construit les culées aux portails de tunnels ainsi qu’un échafaudage en forme de tour sur les
béquilles inclinées de l’arc en acier. Durant la phase
de construction, cette tour a servi de plateforme de
service et ne pouvait s’appuyer que sur les nœuds de
treillis de la structure existante. Pour des raisons de
géométrie, ceci n’a pu être réalisé qu’à l’aide d’appuis
obliques compliqués à assembler.
Tous les travaux de renforcement ont été exécutés
alors que le pont restait toujours ouvert à la circulation
à voie unique. Les matériaux de construction ont
­également dû être amenés au chantier par la voie existante, par exemple la grue sur pneus d’une capacité
portante de 10 tonnes. Une fois la seconde voie constru-
ite, la première a été provisoirement mise hors service
afin de renforcer également sa structure porteuse.
Lors de la mise en place des renforcements, les ingénieurs ont dû veiller à ce que la sécurité structurale
du viaduc soit toujours garantie au passage des trains
– surtout lors du changement des moyens de fixation.
Ils ont donc fixé un déroulement précis: les rivets ont
été retirés, les trous adaptés et alésés puis les nouveaux moyens de fixation installés – en chassé-croisé
constant avec la pose temporaire des goujons provisoires à chaque passage d’un train, garantissant la
transmission des efforts pendant le changement. A
l’époque (1986), le BLS disposait encore d’une équipe
qui maîtrisait l’art du rivetage alors déjà en voie
de disparition et aujourd’hui pratiquement disparu.5
Le viaduc du Bietschtal doit sa
forme particulière à sa con­
ception structurale. Etant donné
que la construction métallique
doit compenser les forces
­c entrifuges dues à la voie en
courbe, les membrures de
l’arc s’élargissent vers les appuis
(plans: © BLS)
La mise en double voie n’a guère modifié l’aspect d’ori­
gine de l’ouvrage. Cependant, l’adjonction côté aval
au niveau des culées est bien visible. La nouvelle voie
est posée sur des viaducs adossés en béton armé placés devant les culées existantes. Mais en revanche,
13
Viaduc de la valée de Bietsch, Hohtenn-Ausserberg
14
steeldoc 03+04/13
2 Le viaduc du Bietschtal sur
la rampe sud du Lötschberg
est une construction imposante
mais néanmoins harmonieuse
à deux articulations, en profilés en acier rivetés et entretoisés par de nombreuses barres
de treillis.
3 Le viaduc du Bietschtal à
l’état de construction. Il ne
­s ervait au début qu’à la circulation à voie unique mais était
conçu dès le départ pour la
double voie.
l’ouvrage est dès lors ouvert au public et peut être admiré de très près dans le détail. Une passerelle côté
aval fait partie du chemin pédestre longeant la rampe
sud du Lötschberg qui utilise en partie le tracé de
­l’ancienne ligne de service.
Transformation coûteuse mais valable
Les travaux d’extension ont probablement coûté plus
cher qu’une construction neuve n’aurait coûté à
l’époque1. Cette extension en a cependant valu la
peine car non seulement l’exploitation de la ligne n’a
été que très peu gênée, mais il a été possible de
conserver un précieux et remarquable témoin de l’ingénierie civile de l’époque. (cvr)
Notes et litérature
1Schweizer Bauzeitung, 19 avril1913, «Der Bietschtal-Viadukt
der Lötschbergbahn», Adolf Herzog
2Jubiläumsbuch der BLS «Pionierbahn am Lötschberg»,
Ueli Rüegsegger, p. 80
3voir assemblages p. 32
4Schweizer Ingenieur und Architekt 9/87, Band 105,
«Die Bietschtalbrücke der BLS – Verstärkung und Ausbau
auf Doppelspur», J. Gut, H. Schmitt und U Graber
5voir passerelle «Brüggli» p. 36
Photographies
1 Georg Aerni, 2 Georg Aerni, 3 SBB Historic
Lieu Rarogne (VS)
Maître d’ouvrage BLS AG (enciennement Berne
­L ötschberg-Simplon)
Ingénieurs Entreprise Générale du chemin de fer des Alpes
Bernoises Bern-Loetschberg-Simplon (EGL) (pont historique);
Bureau d’ingénieurs Jean Gut, Kusnacht (ZH) (renforts);
­B loetzer + Pfammatter, Viège (béton armé)
Constructions en acier Albert Buss & Cie, Pratteln (pont historique); consortium: Buss AG, Pratteln BL, Zschokke-Wartmann
AG, Brugg, Nussli Rohrkonstruktionen AG, Huttwilen; Lederer +
Eisenhut AG, Oensingen (Protection anticorrosion)
Typologie de construction arc à deux articulations avec deux
ponts à poutre
Dimensions arc de 95 m de portée, poutres 2 x 35,5 m de portée; longueur totale 128 m; hauteur 78 m, rayon de courbure 300m
Types d’acier acier doux; 125 000 rivets; renfort: 23 000 boulons
ajustés, 2 000 rivets, 150 t d’acier
Année de construction 1913; extension en double voie en
1986; divers renforts entre 1979 et 1987
15
Pont sur l’Aar, Koblenz
Un tracé en anse de panier
Maître de l’ouvrage
Schweizerische Nordostbahn
Ingénieurs
Robert Moser; Arnold Bosshard & Cie (exécution)
Année de réalisation
1892
1
La structure du pont sur l’Aar de Koblenz consiste en une combinaison rare de
deux modes de construction caractéristiques. D’une part, la voie ferroviaire
ne repose pas sur un tablier ajouré, mais sur un lit de ballast; d’autre part, les
diagonales des treillis ne sont, grâce au principe développé par Schwedler, sollicitées qu’en traction – d’où leur relative finesse. Ces particularités sont d’un
grand intérêt historique.
Avec ses 26 kilomètres, la ligne relativement plate qui
relie Bâle à Romanshorn, sur la rive gauche du Rhin,
est la plus courte liaison entre Bâle et le nœud ferroviaire de Winterthour. Elle bifurque près de Stein et suit
le fleuve jusqu’à sa confluence avec l’Aar, près de Walds­
hut. A partir de là, elle longe brièvement l’Aar, avant
de la traverser pour rejoindre la gare de Koblenz.
Situé entre les gares de Felsenau et de Koblenz, le
pont sur l’Aar de 1892 est le plus grand ouvrage d’art
du tronçon. D’une longueur totale de 236 mètres, il
présente des poutres à treillis en fer puddlé d’une
hauteur maximale de 6,5 mètres, ainsi qu’un tablier
inférieur. En plan, il décrit un arc en forme d’anse de
panier asymétrique, dont le rayon de courbure passe
de 300 à 350, puis à 270 mètres – ce dernier rayon
­représentant le plus serré du tronçon.1
Conçu par l’ingénieur et constructeur de chemins de
fer suisse Robert Moser, l’ouvrage se compose de
cinq poutres à simple travée reposant sur des piles en
maçonnerie de 10 mètres de haut, ainsi que sur deux
culées, en maçonnerie également. Les piles sont disposées en fonction de la direction du courant de la
­rivière et leurs fondations descendent, comme celles
des culées, à une profondeur de 12 à 15 mètres. Du
fait du tracé incurvé du tablier, les piles ne sont pas
perpendiculaires à l’axe des voies, mais forment avec
lui un angle de 45 à 65°.
Les culées sont elles aussi obliques par rapport à l’axe
du pont. Celle de la rive droite, qui est la plus grande,
est fondée, comme les piles, sur des caissons en béton
et repose, à l’arrière, sur des pieux de bois battus.
Pour la culée de la rive gauche, plus simple, une fondation par pieux se révéla suffisante.
16
Une structure caractéristique
D’une portée comprise entre 47,1 et 48 mètres, les
poutres simples se composent elles-mêmes de deux
poutres principales espacées de 5,3 mètres d’axe à
axe. Malgré le fait que leurs appuis soient obliques,
les poutres transversales qui les relient sont perpendiculaires à leurs membrures, ce qui implique, aux extrémités des poutres longitudinales, des travées de
longueur chaque fois différente – avec l’aspect dynamique que cela confère au pont.
Les poutres principales sont des versions adaptées de
poutres Schwedler – un type de poutre développé par
l’ingénieur Johann Wilhelm Schwedler, où les diagonales travaillent toujours en traction2. Pour le pont de
Koblenz, Moser simplifia la forme assez difficile à exécuter des arcs à la Schwedler, en leur donnant un
contour polygonal: alors que la membrure inférieure
reste droite, la membrure supérieure ne suit pas une
courbe hyperbolique, mais se brise au niveau du premier et du troisième montant à partir de chaque appui.
Les dix travées de chaque treillis sont contreventées
par des diagonales élancées, les deux travées centrales étant dotées de croix de Saint-André. Ainsi toutes
les diagonales ne travaillent-elles toujours qu’en traction, malgré les adaptations apportées au type pur
de la poutre Schwedler. En Suisse, ce type de structure
est rare, sinon tout à fait exceptionnel.
Un lit de ballast continu
Entre les poutres principales est disposée une auge à
ballast en acier.3 Les traverses ne reposaient donc
pas, comme c’était d’ordinaire le cas à l’époque, sur un
tablier ajouré directement posé sur les poutre longi­
tudinales, mais sur un lit de ballast continu, destiné à
steeldoc 03+04/13
Situation et élévation (développée) du pont sur l’Aar. Les cinq
poutres principales franchissent
l’Aar suivant un tracé incurvé,
tandis que les piles sont orientées dans la direction du courant.
(Plans: Centrale de microfilms
CFF, Berne)
17
Pont sur l’Aar, Koblenz
atténuer le bruit. Cette manière de construire était
nouvelle, et se révéla très judicieuse du point de vue
de l’entretien.
Mesures de renforcement et de rénovation
En 1984, les poutres principales furent renforcées et,
en 2012, les piles furent remises en état. En 2002, il
apparut, lors d’une inspection, que des affouillements
d’une profondeur allant jusqu’à 7 mètres s’étaient produits. Pour prévenir tout risque d’effondrement, ceuxci furent comblés sans délai et des blocs de pierre
furent disposés autour du pied des piles. Des calculs
statiques montrèrent par la suite que la résistance
des piles ne correspondait plus aux normes actuelles,
notamment en ce qui concernait les charges de démarrage et de freinage. Depuis décembre 1984, les
cinq arcs métalliques et leurs supports se présentent
sous un aspect rénové.
Des attentes excessives – un ouvrage sous-estimé
Le pont sur l’Aar fait l’objet d’une documentation éton­
namment pauvre, et il ne répondit pas aux attentes
du maître d’ouvrage en matière d’intensité du trafic fer­
roviaire. Pourtant, il semble qu’il ait dès le départ
­suscité un grand intérêt. La Poste suisse lui a même
consacré, en 1991, un timbre à 80 centimes. Depuis
1994, toutefois, le tronçon compris entre Laufenburg
et Koblenz ne sert plus au transport de personnes, mais
seulement de marchandises. Le pont n’en reste pas
moins un ouvrage d’art de valeur, dont le fort caractère est marqué par le contexte. (cvr)
Notes et références bibliographiques
1Schweizerische Bauzeitung 15 –16/1890,
«Der Bau der Normalbahn Stein-Coblenz», p. 87 s.
2 voir introduction p. 8
3 Schweizer Bahnbrücken, voir la critique de l’ouvrage p. 52
Photographies
1 CFF Historic
2 Georg Aerni
Lieu Koblenz
Maître de l’ouvrage Schweizer Nordostbahn, CFF
Ingénieurs Robert Moser
Construction métallique Arnold Bosshard & Cie
Typologie cinq poutres Schwedler d’une travée chacune
Dimensions longueur totale: 236 m; portées: 47,1 m, 47,7 m,
47,8 m, 47,8 m, 47,4 m
Matériau fer puddlé
Date de réalisation 1892; rénovation: 1984
18
steeldoc 03+04/13
2 Pont sur l’Aar de 1892. Dans ces poutres
à treillis, qui représentent des versions
adaptées de la poutre Schwedler, les diagonales ne travaillent qu’en traction. Côté
aval, une passerelle piétonne est posée
sur des consoles à l’extérieur de la poutre
principale. (Photo: Georg Aerni)
19
Pont d’Unterstetten, Rigi Scheidegg
Presque oublié – et pourtant d’un tel intérêt!
Maître de l’ouvrage
Rigi Scheidegg AG
Ingénieur du pont historique
Niklaus Riggenbach
Projet de restauration
Baumann Hedinger Zurfluh Bauingenieure
Année de réalisation
1874 pont historique; travaux de restauration
prévus en 2015
L’ancien tracé de la Rigi-Scheidegg-Bahn existe encore, et les ouvrages d’art
qui le ponctuent font partie du chemin de randonnée qui y est désormais aménagé.
Parmi eux figure le pont d’Unterstetten, une réalisation d’une grande valeur
­patrimoniale, dont la restauration est prévue en 2015.
Le pont d’Unterstetten fut construit en 1874, à l’époque
où se réalisait la Rigi-Scheidegg-Bahn – un chemin
de fer à adhérence d’une largeur de voie métrique qui
fut mis en service le 1er juin 1875 et représentait, au
moment de son inauguration, la ligne de ce type la ligne
de ce type dont l’altitude était la plus élevée d’Europe.
Ligne et pont furent exploités durant plus de 50 ans.
Les chemins de fer du Rigi, qui étaient les premières
lignes de montagne d’Europe, sont inscrits à l’Inventaire
des voies de com­munication historiques de la Suisse.
Le 20 septembre 1931 toutefois, la Rigi-Scheidegg-Bahn
cessa son activité, qui n’était pas rentable, et les rails
furent démontés en 1942. Par la suite, la société propriétaire fit poser une dalle en béton sur la structure
métallique du pont, afin de le rendre praticable pour les
randonneurs et, à sens unique, pour les véhicules
agricoles. Aujourd’hui, l’ensemble du tracé de la ligne
constitue, en été, un chemin de randonnée et, en hiver,
une piste de ski de fond.
Témoin historique d’une ligne désaffectée
Le pont d’Unterstetten fut réalisé par Niklaus Riggenbach, avec le concours de l’entreprise de construction
métallique «Maschinenfabrik Aarau». Il s’agit d’une
référence importante dans l’œuvre du constructeur des
chemins de fer du Rigi, mais aussi – même s’il s’agit
1 D’une longueur de 5,5 kilomètres, le chemin panoramique
qui suit l’ancien tracé de la
­R igi-Scheidegg-Bahn se situe
à une altitude de 1400 à 1600
mètres. Le pont d’Unterstetten
en fait partie intégrante.
20
steeldoc 03+04/13
2 La structure se compose
d’une poutre à âme pleine rivetée au tracé polygonal, ainsi
que de fines piles à treillis s’effi­
lant vers le haut. (Plans: archi­
ves des Chemins de fer du Rigi)
d’un objet relativement modeste – d’un témoin remarquable de la construction des chemins de fer de montagne au XIXe siècle. Le pont franchit une large travée
d’une centaine de mètres sur une arête, mais, comme
l’accès à l’ouvrage se fait par deux remblais adossés
aux piles de culée, la longueur du pont proprement dit
se limite à 50 mètres. Du fait de son implantation particulière dans le paysage, l’ouvrage offre une impressionnante vue plongeante sur le lac des Quatre-Cantons,
le bassin lacustre lucernois, le Pilate, les montagnes
de Suisse centrale et le paysage du Rigi.
Des détails caractéristiques
La structure se compose d’une poutre en fer rivetée
continue sur quatre travées de 12.5 mètres de portée
chacune. Cette poutre repose sur trois piles intérieures
également en fer, ainsi que sur deux piles de culée en
maçonnerie de pierre naturelle. Elle présente, du sud
au nord, une pente longitudinale de 50 ‰. Les ingénieurs chargés de la remise en état du pont doivent
encore clarifier de quelle nature sont les appuis. Il est
probable que la structure métallique ait toujours fonctionné comme un pont flottant et que tout effort horizontal ait été repris par les différentes piles.
La poutre continue du pont forme un angle à l’endroit
de chaque pile, son rayon de courbure variant entre
105 et 120 mètres. Elle se compose elle-même de deux
poutres à âme pleine rivetées d’une hauteur constante
de 1,04 mètre, que relient des poutres transversales à
diagonales croisées et, en sous-face, des diagonales
de contreventement horizontales. L’ensemble forme
donc l’équivalent d’une poutre-caisson rigide, capable
de reprendre les efforts de flexion et de torsion. Quant
aux trois piles intérieures, elles se composent d’une
structure à treillis d’environ 8 mètres de hauteur, reposant sur un socle en pierre naturelle dont la hauteur
varie en fonction de la topographie. La structure métallique est constituée – comme dans d’autres construc­
tions contemporaines similaires – d’éléments en fer
puddlé. Ce matériau préfigurait l’acier doux utilisé à
21
Pont d’Unterstetten, Rigi Scheidegg
3 Photo historique de 1875.
Le chemin de fer à adhérence
de la Rigi-Scheidegg présente
une pente longitudinale de
50 ‰ seulement.
4 Vue en contre-plongée de
1942. La ligne ferroviaire ayant
cessé d’être exploitée, le pont
fut doté d’un tablier en béton –
dont on voit ici le coffrage –
afin de pouvoir être utilisé par
les véhicules agricoles et les
randonneurs.
partir de 1890 et possédait déjà des propriétés sembla­
bles en matière de résistance1.
Un ouvrage d’art de valeur
Le pont d’Unterstetten est le plus remarquable ouvrage
d’art des chemins de fer du Rigi, qui inauguraient la
construction de lignes de montagne en Europe. Outre
la valeur historique qu’il revêt en tant qu’œuvre de
l’un des plus importants ingénieurs suisses, le pont se
révèle, à tous égards, d’une extrême efficacité: durée
de réalisation (présumée) très brève, consommation
minimale de matériau, simplicité d’aspect. La structure elle-même convainc par sa forme claire, qui permet de se représenter aisément le flux des efforts.
Malgré l’aspect lourd des poutres à âme pleine, la cons­
truction métallique, caractérisée par ses assemblages
rivetés, paraît fine et audacieuse – ce qui était encore
plus vrai lorsqu’elle servait de pont ferroviaire –, tandis que les socles des piles et les culées en maçonnerie
contribuent dans une large mesure à l’impression de
stabilité produite par l’ensemble. Compte tenu des assez
faibles portées à franchir, il était logique, du point de
vue économique, d’opter pour des poutres à âme pleine
plutôt que pour des poutres à treillis.
La légère courbure – polygonale – de la poutre continue renforce l’impression de hardiesse qu’elle procure et accroît la visibilité de l’ouvrage. La finesse de
la structure en exprime visuellement l’efficacité technique – même s’il est vrai que, suite à la pose de la
22
dalle en béton et de ses bordures latérales un peu
massives, l’ouvrage a quelque peu perdu de sa légèreté.
La symétrie du pont et les nombreux éléments identiques dont il se compose contribuent pour beaucoup
à son unité. Ouvrage utilitaire implanté dans un environnement naturel, il ne présente aucun élément
­décoratif, ce qui paraît aussi adéquat que la couleur –
grise comme le fer – de la peinture anti-corrosion
dont il est revêtu.
Avec ses lignes sobres et rigoureuses, le pont contraste
avec le paysage. Les piles de culée en maçonnerie et
les remblais de terre créent une transition harmonieuse entre l’artificialité de la structure métallique et
l’environnement naturel.
Des dommages limités aux culées
La structure métallique ne présente ni déformations
ni importantes réductions de sections dues à la corrosion. La couche de finition du revêtement anti-corrosion, dont la dernière application remonte sans doute
à plus de 40 ans, s’est en grande partie écaillée au
fil des années, ce qui est normal. De fait, ce revêtement
ne sera certainement plus efficace que pendant cinq
à dix ans au maximum, après quoi l’acier sera attaqué
par la corrosion. Aujourd’hui, cependant, l’état de la
structure peut être qualifié de bon.
La couche de mortier dont on a recouvert la dalle du
tablier s’est en partie effritée, notamment à l’endroit
steeldoc 03+04/13
Elévation avant des piles de
culée, élévation d’une pile intérieure, élévation latérale de tout
l’ouvrage (culées en maçon­
nerie comprises) et plan du pont.
(Plans: archives des Chemins
de fer du Rigi)
6
23
Pont d’Unterstetten, Rigi Scheidegg
des rives et des joints. Après 60 ans toutefois, et compte
tenu de la qualité du béton de l’époque, ces dommages
restent de faible étendue, l’état général du tablier pouvant, lui aussi, être qualifié de bon.
Les garde-corps ne présentent pas de dommages susceptibles de compromettre la sécurité des personnes.
La peinture anti-corrosion s’est toutefois détachée par
endroits, surtout au niveau de l’encastrement des
montants dans les bordures du tablier, ce qui pourrait
donner lieu à des dommages si l’on attendait encore
avant de procéder à des travaux de réfection. Cette
partie de l’équipement du pont se trouve encore dans
un état satisfaisant.
En ce qui concerne les piles de culée en maçonnerie,
la situation se révèle très disparate. Alors que la pile
méridionale ne présente pas de dommages notables,
la maçonnerie de la pile septentrionale est très dé­
gradée sous la banquette d’appui, et une fissure verticale béante indique que le mur de culée a bougé.
Cause des détériorations
Ce tableau s’explique comme suit. Pour tout ouvrage
construit, l’évacuation des eaux météoriques se révèle
d’une importance cruciale. Dans le cas du pont d’Unterstetten, il est probable que les eaux pluviales tombant
sur le tablier s’y écoulent dans le sens longitudinal,
la dalle en béton faisant ainsi office de couverture pro­
tectrice pour la structure métallique. En cas de précipitations normales, cette dernière reste à l’abri et peut
sécher rapidement, seule la partie inférieure des piles
étant susceptible de s’imbiber.
La culée nord représente en revanche le point bas du
tablier, et c’est derrière la pile en maçonnerie que
les eaux pluviales s’infiltrent dans le sol. Ce n’est pas
favorable car, lorsque la terre est gorgée d’eau, des
mouvements risquent de se produire du fait de l’alternance gel-dégel. La terre se tasse, ce dont résulte une
déformation durable de la maçonnerie. Ce mécanisme
7 Tant la poutre à âme pleine
que les piles à treillis sont rivetées. La dalle en béton posée
en 1942 protège la ­s tructure
métallique des intempéries.
24
steeldoc 03+04/13
finit pas pousser les pierres vers l’extérieur, comme
en témoignent le gauchissement et le renflement de la
culée.
Mesures provisoires
La dernière travée du pont est pour l’instant étayée
par un dispositif provisoire, de sorte que l’extrémité de
l’ouvrage flotte pour ainsi dire au-dessus de la banquette affaissée. Un ouvrage de franchissement provisoire en bois permet cependant toujours d’accéder
au pont, que les randonneurs en provenance ou à desti­
nation de la Rigi-Scheidegg peuvent donc continuer
d’emprunter.
En 2015 – date à laquelle l’association «Zentralschweizer Tourismus» célébrera ses 200 ans d’existence –
l’ouvrage sera restauré, une opération qui conclura
les travaux de remise en état de tout le tracé original de
la Rigi-Scheidegg-Bahn, avec ses nombreux petits
murs de soutènement, tunnels et ponts. D’importance
régionale et nationale, le pont d’Unterstetten démontre tous les jours qu’il vaut la peine d’entreprendre
ces travaux, et qu’il mérite lui-même d’être mieux
connu du public. (eb, cvr)
Référence bibliographique
1voir L’acier comme matériau p. 26
Rapport d’Eugen Brühwiler, «Brücke Unterstetten, Rigi (SZ)»,
juillet 2008
Photographies
1
Photo aérienne: Rigi Scheidegg AG, Gregory Kutti
2
Clementine van Rooden
3
Photo: Internet http://www.bahnen-und-mehr.de/ch_rigi.htm
4
G. Baggenstos
6
Photo aérienne: Rigi Scheidegg AG, Gregory Kutti
7– 9 Clementine van Rooden
Lieu Unterstetten (SZ, à la frontière de LU)
Maître de l’ouvrage Rigi Scheidegg AG
Ingénieurs Niklaus Riggenbach; projet de rénovation: Baumann
Hedinger Zurfluh Bauingenieure
Construction métallique Maschinenfabrik Aarau
Typologie poutre continue
Dimensions portées: 4 x 13,2 m
Matériau fer puddlé
Date de réalisation 1874; rénovation prévue en 2015
8 La poutre à âme pleine est
rigidifiée par des poutres
transversales à diagonales
croisées.
9 Le pont et la largeur inhabituelle du chemin témoignent
du fait qu’il ne s’agit pas d’un
véritable chemin de randonnée,
mais d’un ancien tracé ferroviaire qui s’élevait tranquillement,
mais sûrement.
25
L’acier comme matériau
Histoire, identification et reconstruction
Max Bosshard et Marléne Plätzer
Au fil des décennies, de nombreuses notions relatives au fer, à la fonte et à
l’acier se sont modifiées et risquent de prêter à confusion justement dans le cadre
des ponts historiques en acier. La connaissance de l’évolution dans la fabrication du fer et de l’acier permet d’avoir une vue d’ensemble et de traiter les ponts
métalliques historiques de manière correcte du point de vue de l’entretien des
­monuments historiques.
La base de la remise en état, ce sont les propriétés de
l’acier utilisé, qu’il convient de déterminer de manière
expérimentale dans chaque cas particulier. La com­
position et les propriétés technologiques des aciers
utilisés actuellement dans la construction des ponts
sont entièrement définies et normalisées comme on le
voit en consultant la Clé des aciers. Le respect des
­valeurs normalisées est sévèrement contrôlé et crée
la sécurité pour les ingénieurs-projeteurs. Aussi la
­réparation, la transformation ou le remplacement des
composants actuels en acier ne posent-ils normalement pas d’exigences particulières au niveau de la
technologie des matériaux.
Mais il en va tout autrement des constructions métalliques datant d’une cinquantaine d’années: des désignations et significations peu claires, en partie contradictoires, ceci pour des raisons historiques, compliquent
l’évaluation des ouvrages d’art actuellement existants
et surtout leur conservation et leur remise en état ap­
propriées du point de vue de la technique et de l’entre­
tien des sites historiques. Pour cela, il faut d’une part
des renseignements aussi détaillés que possible sur le
matériau concret et d’autre part des connaissances
sur l’histoire et l’état du développement afin de pouvoir
classer l’ouvrage dans le contexte de l’histoire de la
technique. C’est pourquoi une vue intégrale de la cons­
truction des ponts, surtout du point de vue de l’entretien des monuments, doit commencer par ­l’histoire des
matériaux ferreux ou de l’acier, afin de p
­ ouvoir in­
tervenir de manière appropriée compte tenu non seulement de la construction mais aussi des ­matériaux.
Les indications des plans ne sont que des indices
Les indications relatives au matériau dans les descriptions et plans historiques ne servent généralement pas
à grand-chose ou sont même trompeuses car le sens
des désignations, souvent issues de la période préindustrielle pour les différents matériaux ferreux, a
changé au cours du temps, beaucoup ne sont même
plus utilisés actuellement.
Pour simplifier, on peut dire que les notions de fer et
d’acier ont changé depuis le début de l’ère industrielle
suivant les progrès techniques, c’est-à-dire métallurgiques: des notions telles que «fer fondu», «fonte de fer»
et «fer forgé» ne sont plus actuellement des désignations univoques de matériau et permettent dans le meil­
leur des cas d’évaluer la teneur en carbone et le taux
d’impuretés du matériau en fonction du procédé de
fabrication.
1 Aspect typique de l’acier
riveté.
26
steeldoc 03+04/13
2 Atelier et outils de Moritz
Häberling, qui a restauré le
Bogenbrüggli à Unterägeri –
voir «Une légèreté préservée»
page 5.
De même, le procédé de fabrication et de coulée ainsi
que le traitement ultérieur du matériau (par exemple
laminage ou différents procédés de recuit) ont une
importance prépondérante sur les propriétés des pièces
finalement intégrées à un pont.
En revanche, tous les aciers à plus de 0,22% de carbone et, d’une manière générale, les aciers de résistance supérieure à la moyenne étaient appelés «aciers»
(conformément à l’impression courante: fer = doux;
acier = dur).
Dans le détail, on est largement dans le doute quant à
savoir ce qu’un constructeur pouvait entendre par
ces désignations vers la fin du XIXème siècle. Les dési­
gnations historiques des matériaux ne renseignent
pas sur les composants éventuels d’alliage (à côté du
carbone) et le traitement thermique du matériau mais
décrivent uniquement le principe de fabrication.
La fonte de fer – précurseur incertain de l’ère
­industrielle
Vers la fin du XVIIIème siècle, les matériaux ferreux
que sont la fonte de fer et le fer forgé ont été les principaux matériaux de la révolution industrielle en
­Angleterre – puis, avec quelques décennies de retard,
également dans le reste de l’Europe et aux USA. En
particulier, la fonte de fer – un alliage composé essentiellement de fer et de carbone d’une teneur en carbone entre environ 2% et environ 6.7% – a largement
marqué et fait avancer la technique aussi bien que
l’architecture durant la seconde moitié du XIXème siècle.
Comme le nom l’indique, les pièces en fonte de fer
­reçoivent leur forme par coulage du métal liquide au
point de fusion relativement bas d’environ 1150° dans
des moules résistants à la chaleur. Les bonnes propriétés de coulée permettent d’obtenir presque n’importe quelle forme mais les dimensions des pièces
étaient cependant limitées. Les pièces plus grandes
devaient être assemblées à partir de nombreuses petites pièces et de plus, les pièces en fonte de fer une
fois coulées ne peuvaient plus être moulées ni soudées
les unes aux autres. Elles avaient une grande résistance à la compression mais pratiquement aucune à
la traction et à la flexion.
Fer, fonte, acier et autres choses inégales
Dans le langage technico-scientifique actuel, le terme
de «fer» désigne le fer pur, cristallin et exempt de
­carbone (Fe, ferrite). Ce matériau n’a pas grande importance sur le plan technique et n’est pas utilisé dans
la construction. On entend par «acier» des alliages
­forgeables de fer contenant au maximum 2.06% de
carbone (généralement aussi d’autres éléments). Cela
englobe les aciers couramment utilisés de nos jours
dans la construction des ponts. Les alliages de fer et de
carbone d’une teneur en carbone de 2.06% à 6.7%
sont appelés «fonte» (sans «fer») ou fonte d’acier. Dans
la construction des ponts, ils sont également partiel­
lement utilisés pour les appuis.
Ce qui prête à confusion jusqu’à présent, c’est surtout
la limite floue entre «fer» et «acier» dans le langage
d’avant la première guerre mondiale.1 Au XIXème siècle
et au début du XXème, on appelait simplement «fers»
des aciers de moins de 0,22% de carbone (non trempables) et des matériaux en fonte d’acier non trempés.
On a assisté tout d’abord au développement d’une véritable architecture en fonte de fer, en particulier pour
les façades. Dans les centres industriels anglais, on a
27
L’acier comme matériau
entrepris assez tôt des tentatives de remplacer les matériaux classiques de la construction des ponts que
sont la maçonnerie et le bois par la fonte de fer de fabrication industrielle et de prix abordable. Cela a réussi
pour la première fois en 1779 avec la construction
d’un pont routier en fonte de fer de 30 m de portée sur
la rivière Severn, le «Iron Bridge» près de Coalbrook­
dale. Les possibilités de construction du nouveau
­matériau qu’était la fonte de fer n’avaient pas encore
été reconnues, comme le montrent aussi bien la con­
struction, reprise de la maçonnerie, de la voûte semicirculaire ainsi que les assemblages de charpenterie
empruntés à la construction en bois entre les différentes pièces de fonte relativement petites. Le pont est
encore conservé actuellement largement à l’état d’origine mais ne sert plus qu’au trafic lent depuis 1934.
Les limites de la fonte de fer
Au début, les pionniers de la construction ferroviaire
se méfiaient de ce nouveau matériau, la fonte de fer.
Ce n’est que sur la ligne «Liverpool and Manchester
Railway» ouverte en 1830 que l’on trouve, sur une longueur de ligne d’environ 56 km, outre 63 ponts et
­viaducs en maçonnerie, un unique pont à poutres en
fonte de fer sur la Water Street à Manchester. Le pont
en fonte de fer a fait ses preuves et n’a été démoli
qu’en 1900.
Plus tard, de nombreux ponts en fonte de fer, très audacieux, avec des portées qui n’aurait plus été réalisables avec des arcs en maçonnerie, ont fait leur apparition. Sur presque tous ces premiers ponts en fonte
de fer, les pièces n’étaient plus soumises uniquement
à la compression mais aussi à la flexion ou même à
la traction (avec des poutres au lieu d’arcs). Les conséquences inévitables étaient des défaillances d’abord
inexplicables qui ont souvent entraîné de graves accidents. Aussi les constructions en fonte de fer ont-elles
été abandonnées pour les ponts (ferroviaires).
Mais la fonte de fer a encore été longtemps employée
pour les montants, poteaux et pile; mais ce matériau
Tableau 1
Aperçu des aciers / fers jusqu’à 1955
Désignations
Période
f yk 1)
s f 2)
szul 3) 4) Commentaire
[N/mm 2] [N/mm 2] [N/mm 2]
+70/Fonte
avant 1900
200
avec graphite lamellaire
vers 1900
–
Fonte admise seulement pour supports tels que poteaux, plaques
Fonte
d’appui, équipement de pont, etc.
25 – 70
100
Acier moulé
1850 –1900
220
50 – 90
Fer puddlé
50 – 90 Fer puddlé admise seulement pour rivets et goujons
60 –115 Pour fer puddlé avant 1894: Réduction en cas de sollicitation alternée
1890 –1900
220
55 –105
Fer fondu
50 – 95 Pour poutres rivetées en fer fondu
1900 –1940
235
60 –115 Pour fer puddlé avant 1894 Réduction en cas de sollicitation alternée
70 –130 Selon l’ouvrage: pont ferroviaire, pont-route, débarcadère bâtiment
1925 –1955
235
Acier doux
240
Selon le cas de charge et le type de construction
dès env. 1935
35 – 56 En cas de traction, flexion
Fonte
60 –168 En cas de compression
Acier doux,
dès env. 1942
84 –224
acier moulé
84 –224 Pour poutre à âme pleine soudée, sous certaines conditions +10%,
pour poutre de pont-route à treillis, réduction à 70 –100%
dès env. 1942
84 –180
Acier moulé
dès env. 1946
200–325
Acier moulé
Document selon tableau 3, page 54 [année]
1892, 1895, 1913
1892,
1913
1892,
1913
1935
1892,
1892,
1935
1913
1895, 1913
1895
1895
1895
1946
1935
1935
1935
1942
1946, 1956
1946
Source: d’après le livre «Tragwerksnormen 1892 –1956», sia 1994
Aciers dès 1956, voir tableau 3, page 54
1)
2)
3)
4)
Selon la norme SIA 269/3, tableau 2, les valeurs caractéristiques données ne sont que des grossières valeurs indicatives!
Valeur minimale de la limite d’élasticité selon la définition de la norme correspondante.
S elon les ordonnances, normes dans la colonne de droite de 1xzy = année, contraintes admissibles à titre purement indicatif, ne pouvant
être évaluées qu’avec les normes correspondantes et des analyses supplémentaires de matériaux, référence tableau 3, page 54.
Contraintes selon le cas de charge, la classe d’ouvrages, la valeur limite de la sollicitation, la charge alternée (terme à vérifier)
28
steeldoc 03+04/13
était considéré irrévocablement comme peu sûr. C’est
pourquoi à partir de 1900, presque toutes les piles
en fonte de fer existantes ont été remplacés à titre préventif par des piles en acier, bétonnées ou par une
nouvelle construction. Les ponts (ferroviaires) en­
tièrement en fonte de fer, ou seulement avec des p
­ iles
en fonte de fer, sont actuellement très rares.
Le fait que la construction ferroviaire n’ait commencé
que tard en Suisse a été un avantage dans la mesure
où il n’a pas été construit, au début, de grands ponts
en fonte de fer. Mais à l’avènement des poutres à treillis, la fonte de fer a été largement utilisée, durant la
2ème moitié du XIXème siècle, dans des éléments d’assemblage et de construction secondaires, surtout pour
les piles et poteaux. Effrayé par les accidents survenus en Angleterre, on a abandonné radicalement la
fonte de fer en Suisse vers le tournant du siècle.
­Aujourd’hui, on ne trouve plus de fonte de fer sur les
ponts ferroviaires suisses que sur quelques éléments
de construction secondaires, surtout balustrades
et poutres-consoles, ou dans des piles ultérieurement
bétonnées et donc invisibles, comme au viaduc du
Grandfey près de Fribourg datant de 1862, qui a été
transformé en 1925/26 en un viaduc à arcs en béton.
Le fer forgé – toujours pas le matériau idéal
A côté de la fonte de fer relativement facile à fabriquer,
on n’avait à disposition au début de la révolution industrielle autour de 1750, pour satisfaire aux exigences
mécaniques surtout de résistance à la traction, que le
fer forgé selon des méthodes artisanales dans des
fours de faibles dimensions. Ce matériau était de qualité variable et en aucune manière comparable à
l’acier actuel; chaque pièce était pratiquement unique.
Etant donné qu’aucun autre matériau à haute résistance à la traction n’était disponible, on a partiellement
utilisé pour les premiers ponts ferroviaires, outre la
fonte de fer, des poutres et des barres tendues en fer
forgé. Les dimensions des pièces forgées étant naturel­
lement limitées, il fallait généralement les forger ensemble (ou traditionnellement les «souder») sur le
chantier, ou bien les réunir par des rivets, œillets ou
boulons. C’est pourquoi durant l’époque des pionniers
de la construction des ponts ferroviaires, il y eut de
nombreux effondrements qui ont discrédité les ponts
en fer par rapport aux ponts en maçonnerie.
En Suisse, grâce aux débuts tardifs de la construction
ferroviaire, quelques petits ponts seulement ont été
construits avec des éléments porteurs en fer forgé; ceuxci ont depuis été remplacés par de nouvelles con­
structions en acier «moderne» ou en béton.
3 Four à l’atelier de serrurerie
de Moritz Häberling qui a restauré le Bogenbrüggli à Unterägeri – voir «Une légèreté
préservée» page 5. Les montants de la clôture de la
villa Patumbah sont ici portés
au rouge.
L’acier pour la construction des ponts
Le fer forgé n’était encore qu’un produit surtout artisa­
nal, disponible uniquement en petites quantités et
soumis à de fortes variations de qualité – ce qui n’exclut pas que dans certains cas, il ait été produit du
matériel de haute qualité.
Le terme «acier» pour alliages forgeables de fer et de
carbone à haute résistance à teneur en carbone jusqu’à
environ 2% ne s’est cependant établi que vers la fin
du XIXème siècle, lorsque les procédés techniques de
fabrication ont permis de garantir une composition
et des propriétés constantes du matériau. Le principal
problème dans la fabrication de l’acier était le réglage
de la teneur en carbone, qui est déterminante pour
les propriétés mécaniques; en général, il faut pour cela
réduire la teneur en carbone du fer brut fondu dans
le haut fourneau; ce processus est appelé «affinage» ou
«décarburation».
C’est vers la fin du XVIIIème siècle qu’a commencé
le développement de l’acier de construction moderne,
lorsque l’Anglais Henry Cort inventa le procédé de
puddlage; celui-ci permettait, au prix d’un énorme
travail manuel, de fabriquer, à partir de la fonte de fer
brute à demi solidifiée, quelque 100 kg d’un matériau
genre acier, forgeable et soudable, le «fer puddlé» ou
«acier puddlé». Les constructeurs de ponts disposaient
enfin d’un matériau fiable, résistant à la traction et à
la compression, permettant la construction des poutres
de ponts. Le fer puddlé est le matériau type acier le
plus ancien utilisé dans les ponts suisses. Il permet en
29
L’acier comme matériau
particulier de fabriquer des entretoises sollicitées à la
traction pour les poutres de ponts. La désignation de
fer puddlé (ou acier puddlé, ce qui est partiellement
plus juste) a été utilisée jusque vers 1860.
Le procédé du puddlage a été suivi de d’autres, aboutissant à des qualités de matériau toujours améliorées.
Les produits obtenus ressemblaient de plus en plus
aux aciers employés depuis le début du XXème siècle.
La condition en a été le remplacement du procédé de
puddlage encore semi artisanal par le procédé industriel Siemens-Martin utilisé pour la première fois en
1864 pour la réduction de la teneur en carbone (affinage). L’acier Siemens-Martin, généralement appelé
acier doux ou fer doux, a été le premier acier de masse
moderne, soudable et de qualité constante. Vers la fin
des années 1860, on avait également à disposition
des procédés de formage plus développés (laminoirs)
permettant la fabrication de longs profilés et de tôles
épaisses. Au lieu des poutres complexes réticulées, il
était désormais possible de réaliser les profils de base,
encore employés aujourd’hui, pour réaliser des pou­
tres à treillis et à âme pleine à partir des produits
­obtenus par le procédé Siemens-Martin. A côté de cette
désignation, on utilisait encore souvent les termino­
logies «fer doux» et «acier doux». Ces désignations ne
permettaient pas de faire la distinction – dans le langage actuel, il s’agissait dans tous les cas d’aciers. Le
terme de « doux» se rapportait au fait que ces matériaux étaient produits sous forme liquide contrairement
à la pâte épaisse contenant des grumeaux du procédé
de puddlage. A partir de cette époque, tous les aciers
ont été fabriqués sous forme de coulis liquide et le terme
«doux» était superflu. Parallèlement, les désignations
avec «fer» ont disparu du vocabulaire technique, il n’y
a plus que des aciers.
Le chemin menant à l’acier moderne
Le procédé de Henry Bessemer, éprouvé dès 1856,
permettait d’obtenir une qualité d’acier encore meilleure que le procédé Siemens-Martin. Au lieu d’une
cuve plate, le fer brut liquide était coulé dans un récipient cylindrique basculant (appelé convertisseur ou
cornue Bessemer) et soufflé sous pression. Le carbone
réagissait fortement avec l’oxygène de l’air pour donner du dioxyde de carbone; il ne restait que de l’acier
liquide présentant la teneur voulue en carbone.
Les développements du procédé Bessemer ont été le
procédé Thomas (du nom du métallurgiste britannique Sydney Thomas) introduit en 1880 et le procédé
Linz Donawitz (procédé LD) introduit en Autriche
en 1959, qui est le plus utilisé actuellement, fonctionnant avec de l’oxygène pur et des températures élevées. Les deux-tiers de la production mondiale d’acier
utilisent ce procédé.
Depuis la seconde guerre mondiale, le recyclage de
la ferraille d’acier a gagné en importance. Avec les
fours à arc électrique développés après la guerre, les
déchets d’acier peuvent être fondus rapidement, efficacement et sans utiliser de combustibles fossiles. La
chaleur nécessaire à la fusion de l’acier est obtenue
au moyen d’arcs électriques, à des températures atteignant 3000 °C. Environ un tiers de la production mondiale d’acier est obtenue à partir de ferraille; cette
­proportion devrait encore augmenter ces prochaines
années.
Souder n’est pas synonyme de souder
Le terme «souder» à propos du fer ou de l’acier n’est
pas sans équivoque. A l’origine, le «soudage» consistait
à rassembler diverses pièces métalliques en une unité
homogène – une activité classique de la forge dès
Vue d’ensemble des procédés
de fabrication de fer et d’acier.
(source «Vom Eisen zum
­S tahlbau» 4)
30
steeldoc 03+04/13
l’époque préindustrielle (soudage au feu). Le fer et
l’acier puddlés étaient également appelés fer ou acier
soudé car les grumeaux semi-solidifiés devaient encore être forgés ensemble manuellement. Ce «soudage» n’a donc rien à voir avec l’actuelle technique de
soudage mais la désignation s’est maintenue avec
cette signification jusqu’en 1920 – bien que les matériaux d’alors ne fussent guère soudables au sens actuel du terme.
La technique de soudage moderne n’est apparue que
vers 1920. Ce n’est que depuis cette époque que le
terme d’acier soudé se réfère à l’aptitude au soudage
et non plus au type de production. A l’origine, seules
certaines sortes d’acier pouvaient être soudées. Depuis 1950 environ, pratiquement tous les aciers sont
soudables, ce qui a donné des impulsions décisives
à la construction des ponts métalliques.2 Le terme
«soudé» dans la désignation du matériau est donc devenu obsolète et n’est plus utilisé. Actuellement, les
désignations de «fer soudé» ou «acier soudé» se réfèrent
généralement à du matériau historique au sens de
l’acier puddlé.
La composition, ce n’est pas tout
Il découle de ce que nous venons de dire sur l’histoire
des matériaux fer-carbone que la composition chimique
donnée d’une pièce a pu naître à diverses époques
et par diverses méthodes. Cependant, la détermination
de la composition chimique donne des premiers renseignements sur un matériau inconnu. Avec les méthodes actuelles d’analyse, cette première étape est
pratiquement non destructive et rapide. Le matériau
n’est pas encore entièrement saisi étant donné que
dans le cas de l’acier et de la fonte, la structure micros­
copique et submicroscopique joue un rôle décisif –
et celle-ci ne peut toujours être déterminée fiablement
que par l’analyse microscopique d’échantillons. Mais
même une analyse de structure ne permet pas encore
de conclure fiablement aux propriétés d’usage d’un
matériau.
La caractéristique principale, tant pour l’identification
et la classification des composants en fer ou en acier
que pour l’évaluation de la sécurité structurale de
ponts anciens et de leur reconstruction éventuelle, est
la résistance à la traction ou le comportement du
­matériau lors de l’essai de traction. Pour élucider cette
question de manière sérieuse, il faut au moins un
­essai de traction sur le matériau d’origine3. La fabrication des éprouvettes normalisées correspondantes
exige beaucoup de travail et il faut obligatoirement
prélever sur l’ouvrage d’art un matériau d’origine, qui
est éliminé par la préparation et la mesure, et ne peut
ainsi pas être replacé après l’essai. Si ce n’est pas
­possible de faire un prélèvement, les caractéristiques
métalliques peuvent être évaluées indirectement, au
moyen de mesures ponctuelles sur la surface; mais
pour cela, la surface doit être préparée localement (au
moins poncée et polie), ce qui exige inévitablement
une intervention sur l’ouvrage d’art.
Photographies
1–3 Clementine van Rooden
4
Travaux de soudage des années 30 (archives SZS)
Remarques
1Dans la construction, cette incertitude s’est maintenue longtemps après la seconde guerre mondiale: on parlait indifféremment de fer à béton ou d’acier à béton jusque vers les années 1970,
bien qu’il s’agisse toujours d’acier.
2voir assemblages p. 32
3En ce qui concerne le matériau un peu plus jeune qu’est le béton, les indications de composition
et de résistance datant d’avant la première guerre mondiale ne sont pas très parlantes à l’heure
actuelle car la classification du ciment utilisé (et des aciers d’armature) a changé. A cela s’ajoute
que dans le cas du béton, l’hydratation («durcissement») n’est pas terminée après le décoffrage et
que les propriétés, en particulier la résistance à la compression, varient encore pendant des décennies (c’est-à-dire quelles augmentent généralement). En outre, le béton peut être endommagé
par un processus de décomposition à long terme, invisible pendant les premières années ou décennies, ce qui fait que sa résistance initiale est réduite ou même perdue. Pour une évaluation
actuelle des anciennes constructions en béton, il faut donc prélever des échantillons et en analyser en laboratoire les caractéristiques importantes, surtout la résistance à la compression.
4Ines Prokop: «Vom Eisenbau zum Stahlbau – Tragwerke und ihre Protagonisten in Berlin,
1850 –1925», mbv Berlin. Berlin 2011, S. 35.
5voir «Brüggli» p. 36
4
31
Assemblages
Rivetage, boulonnage, soudage
Clementine van Rooden
L’aspect des ponts métalliques est dans une large mesure déterminé par le mode
d’assemblage de leurs éléments porteurs. Si les premiers de ces ouvrages
étaient encore rivetés, la technologie du soudage n’a pas seulement modifié la
forme des profilés, mais aussi celle des structures dans leur ensemble.
Lorsque les premiers ponts en fer et en fonte furent
construits dans l’Angleterre de la fin du XVIIIe siècle,
il n’existait pas encore de technologie adaptée pour
assembler les différents éléments – de dimensions assez modestes – en une structure résistante. Comme
il n’était pratiquement pas possible d’assembler les
composants en fonte selon des techniques proprement
métallurgiques, on recourait à des assemblages par
emboîtement similaires à ceux utilisés dans la construc­
tion en bois traditionnelle.1
Riveter au lieu de forger
Les éléments en fer forgé étaient assemblés soit au
moyen de boulons et d’œillets forgés, soit grâce à la
technique traditionnelle du soudage par forgeage. Les
métaux n’étaient pas chauffés au-delà de leur tem­
pérature de fusion, comme c’est le cas avec le soudage
moderne, mais simplement pressés à chaud les uns
contre les autres par martelage – avec, la plupart du
temps, des résultats que l’on considérerait aujourd’hui
comme insatisfaisants.
En Suisse, il n’existe (plus) aucun pont ferroviaire datant de cette période, ce genre d’ouvrages ne s’étant
généralisé qu’à une époque où le rivetage, en principe
déjà connu à l’ère pré-industrielle, était devenu, dans
la première moitié du XIXe siècle, le mode d’assemblage usuel pour les éléments en fer et en acier2. A
partir de là, pratiquement toutes les structures métalliques furent rivetées durant près d’un siècle – y compris la Tour Eiffel.
Un rapport relatif au pont réalisé en 1873/75 sur la
Thur, près d’Ossingen, donne une idée de ce que représentait le rivetage pour un grand pont métallique.
Avec ses 330 mètres de long, ce pont à voie unique
était à son inauguration, après le viaduc de Grandfey,
qui franchissait la Sarine vers Fribourg, le deuxième
plus long pont métallique de Suisse.3 Sa poutre à treillis continue comptait et compte encore quelque
180 000 assemblages rivetés, dont les deux tiers furent
exécutés sur le chantier, au marteau et à la presse à
levier, par des équipes de cinq hommes. Une équipe
1 Le pont sur l’Aar de la Gäubahn, à Olten, se compose de
poutres courbes à âme pleine.
A gauche, elles sont rivetées, à
droite, soudées.
32
steeldoc 03+04/13
2 – 3 Les deux ponts à
poutres semi-paraboliques sur
la Landquart présentent la
même forme, même s’ils datent
d’époques différentes. Celui
de 1911, à une voie, est riveté
(à droite); celui de 1972, à
deux voies (à gauche), a les
membrures et profilés soudés,
alors que les assemblages
entre montants et diagonales
sont boulonnés.
bien rodée pouvait poser environ 75 rivets par heure;
une seule d’entre elles aurait donc eu besoin d’une
année de travail, dans des conditions favorables, pour
réaliser toutes les rivures du pont. Par la suite, les rivoirs à vapeur ou pneumatiques simplifièrent quelque
peu les opérations, mais les constructions rivetées,
dont une grande partie des assemblages devait se
faire sur le chantier, requéraient toujours beaucoup
de travail.4
Des constructions lourdes – y compris à entretenir
Les ponts rivetés se révèlent en général relativement
lourds. Les dimensions des rivets étant limitées, les
efforts importants doivent être transmis au moyen de
goussets, de recouvrements ou de dédoublements
des tôles, ce qui implique une plus grande consommation de matière et, partant, un poids accru. Un autre
inconvénient des constructions rivetées n’est apparu
qu’au fil du temps: leurs coûts d’entretien sont assez
élevés, car chaque rivet doit, lors des inspections, être
examiné séparément, tandis que la peinture anti-corrosion doit, lors des réfections, être appliquée avec
beaucoup de soin sur chaque rivet pour éviter les fissures au niveau des têtes. Malgré ces désavantages,
cependant, les ponts rivetés se sont bien conservés –
certains depuis plus d’un siècle.
Passage à la vis et à l’écrou
Introduits après la Première Guerre mondiale, les assemblages par boulonnage représentaient un développement des assemblages rivetés. Ils permirent de
­simplifier les constructions et d’en accélérer le montage,
mais leur principe de base restait le même. Méritent
ici d’être mentionnés les ponts provisoires militaires,
qui étaient entreposés en pièces détachées et pouvaient être assemblés en quelques jours dans la longueur voulue. Certains de ces ouvrages à voie normale
ont récemment été utilisés à des fins civiles comme
ponts pour voies industrielles. Depuis 2002, l’un d’entre
eux remplace un pont à arches en pierre endommagé
sur la ligne de la Bernina des Chemins de fer rhétiques, dont l’écartement est métrique, mais dont les
voies ont été complétées en conséquence2. Deux autres
ponts provisoires ont été érigés près d’Erstfeld en
1992, à l’occasion de la réfection de la centrale hydro­
électrique d’Amsteg.
33
Assemblages
La révolution du soudage
A partir des années 1950, les assemblages soudés apportèrent de profondes innovations. La technologie du
soudage d’éléments en acier (et non plus en fer puddlé1) fut en particulier développée dans l’Allemagne
de l’entre-deux-guerres, que l’importante réduction de
poids qu’elle permettait, intéressait tout spécialement6.
Il fallut cependant attendre les années 1950 pour que
cette technique soit appliquée dans la construction de
ponts ferroviaires, car on avait jusque-là de sérieux
doutes quant à la résistance aux vibrations des assemblages soudés.
Par la suite, quelques ponts métalliques soudés tout à
fait remarquables furent réalisés, dont ceux à poutre
Langer érigés, respectivement, en 1958 et 1968 sur
le canal Escher et le canal de la Linth. Dans les deux
cas, le sol, autrefois marécageux, présentait une faible
portance, si bien que le faible poids de la construction
revêtait une importance cruciale. A l’époque cependant, les poutres soudées étaient de toute manière devenues la référence dans la construction de ponts.
Dans le cas du pont sur le canal de la Linth, qui se
composait d’un nombre restreint de grands éléments
impossibles à souder sur place, on utilisa, pour les
quelques assemblages boulonnés nécessaires, des
boulons précontraints à haute résistance – ce qui permit d’en limiter le nombre et de réduire encore la
complexité et le poids de la structure. La combinaison
des deux modes d’assemblage – soudage et boulonnage à haute résistance – représente aujourd’hui encore la manière la plus efficace de construire un pont,
les poutres se composant cependant souvent, depuis
quelques années, de profilés caissonnés.
Notes et références bibliographiques
1
voir L’acier comme matériau, p. 26
2
Voir introduction, p. 8
3IN.KU, Bulletin de l’Association suisse d’histoire de la technique et du patrimoine industriel, décembre 1993
4
voir aussi Brüggli, Unterägeri, p. 36
5Aldo Rota, « Die Brücke aus der Kiste », TEC21 45/2002,
p. 6–11
6En Allemagne, la production industrielle était, à l’époque,
quantitativement limitée par les traités internationaux,
­r aison pour laquelle la construction métallique légère y
­r evêtait une importance stratégique.
7Voir Schweizer Bahnbrücken, page 52
Photographies
1–4 Clementine van Rooden
5
Eugen Brühwiler
4 Situé près de Ziegelbrücke,
ce pont métallique à deux
voies rectilignes date de 1968.
D’une portée de 76 mètres, il
franchit le canal de la Linth
avec un angle de 40°. Sa poutre
Langer s’inspire du pont de
Gasi, construit dix ans plus tôt
sur le canal Escher, avant le
tunnel du Walensee. Grâce aux
progrès accomplis dans les
méthodes de calcul, à la qualité
de l’acier et à la technique de
soudage mise en œuvre, le
pont sur la Linth – aussi appelé pont du Biberlikopf – présente des sections encore plus
simples que le pont de Gasi. 7
5 Pont militaire sur la Reuss,
vers Erstfeld.
34
steeldoc 03+04/13
35
Passerelle «Brüggli», Unterägeri
Une légèreté préservée
Maître de l’ouvrage
Commune d’Unterägeri
Ingénieurs
Staubli Kurath und Partner, Zurich / Zoug
Serrurier d’art
Moritz Häberling, Uerzlikon
Année de réalisation
Passerelle historique: 1908 (par les frères Gysi, Baar)
Restauration, remise en état: 2013
Construite en 1908, la passerelle piétonne d’Unterägeri, située à l’endroit où la
Lorze sort du lac d’Ägeri, a été restaurée dans le cadre des travaux de remise en
état de la rive lacustre. On ne se rend pratiquement pas compte que certains
­éléments de la structure sont nouveaux. Le «Brüggli» a conservé sa forme et son
fonctionnement statique d’origine – seule sa couleur a changé.
La partie de la rive du lac d’Ägeri comprise entre le
dé­barcadère et la sortie de la Lorze devait être remise
en état. Les vagues avaient affouillé le mur centenaire
de la berge, qui tombait par endroits en ruine. On profita de ces travaux pour restaurer aussi la passerelle
piétonne située juste à la sortie de la rivière. Réalisé
en 1908, ce petit pont en arc se compose d’une fine et
élégante structure à treillis rivetée. Les deux treillis
latéraux forment en même temps garde-corps. Sous le
tablier, des poutres transversales, à treillis également,
relient les montants, tandis que des contreventements
stabilisent la construction dans cette direction. A l’origine, les différents éléments de la structure furent
­assemblés par rivetage; ceux mis en place plus tard
furent boulonnés.
Un petit pont d’une grande valeur
Fin 2011, l’ouvrage fut, en raison de sa grande valeur
culturelle, historique et technique, classé et inscrit
à l’inventaire des monuments dignes de protection.
Officiellement appelé «Birkenwäldli am Strandweg» –
nom que pratiquement personne n’utilise toutefois –, le
«Brüggli» témoigne de l’essor que connut la région dans
le deuxième tiers du XIXe siècle, lorsque l’industrie indigène du tissage de la soie et, à partir de 1834, celle de
la filature générèrent, en raison des possibilités de revenus supplémentaires qu’elles offraient, une augmentation de la population. Du fait de cette industrialisation, qui s’accompagnait d’une redécouverte du paysage
et de l’apparition concomitante du tourisme, la rive du
36
lac revêtit une importance accrue. Intimement liée à ce
contexte de croissance, la passerelle marque la physionomie de la localité, et beaucoup de ses détails reflètent encore le travail manuel de ses constructeurs –
notamment les coups de marteau avec lesquels on
donna leur forme cintrée aux âmes des membrures.
En tant que structure métallique à assem­blages rivetés,
le «Brüggli» représente, pour le canton de Zoug, un
monument industriel précieux et rare, qu’il convient
de conserver tant pour le site que pour la population.
Protégé, mais rouillé
En janvier 2012, toutefois, une inspection révéla que
l’ouvrage était en mauvais état. Aussi les responsables
des Monuments historiques et les ingénieurs impliqués se demandèrent-ils comment remettre en état la
construction sans que sa substance n’en soit altérée.
Deux options furent envisagées. La première visait à
conserver l’état actuel en stoppant la corrosion par resoudage et, donc, extraction d’oxygène. La seconde
consistait à démonter les éléments rouillés, à les remettre en état et à les réassembler avec de nouveaux
rivets. On décida de demander des offres pour les
deux solutions et de prendre une décision sur la base
des prix proposés et des arguments techniques avancés par les soumissionnaires.
Faisabilité des scénarios envisagés
Le bureau Staubli Kurath und Partner procéda à une
analyse approfondie de la structure existante et des pos­
steeldoc 03+04/13
sibilités de la restaurer. Les ingénieurs consultèrent la
norme SIA 269/3 «Maintenance des structures porteuses
– Structures en acier», qui régit la remise en état des
structures métalliques et précise notamment ce qui suit:
– Lors de la réalisation d’assemblages sur des aciers
de construction anciens, les assemblages boulonnés
seront préférés aux assemblages soudés (7.1.2.2).
– Les rivets défectueux se remplacent normalement
par des boulons à haute résistance précontraints. Lors
de la mise en précontrainte, si d’autres rivets se desserrent, ils seront également remplacés (7.2.2.1).
– Les assemblages hybrides entre rivets et soudures
doivent en principe être évités à cause de leurs
comportements effectifs différents (7.2.2.2).
Par ailleurs, les ingénieurs discutèrent des deux options susmentionnées avec l’Association suisse pour la
technique du soudage (ASS), à laquelle le Laboratoire
fédéral d’essai des matériaux et de recherche (EMPA)
recommande de s’adresser pour les questions liées à
cette technique. Il apparut que la passerelle se com­
posait vraisemblablement d’acier doux, matériau souvent employé à l’époque. Or, le terme d’acier doux
­désigne tout un groupe d’anciens aciers1, dont la composition précise et la qualité ne sont pas connues, et
peuvent sensiblement varier. La teneur de l’acier en
phosphore peut être élevée, ce qui rend le soudage dif­
ficile. Il était dès lors exclu de procéder à des travaux
de soudage sur l’ouvrage sans avoir préalablement
analysé la composition de l’acier mis en œuvre.
1 Remise en état, la passerelle a repris sa place, mais sur
de nouvelles culées. Les anciens rivets n’ont été remplacés
que là où c’était nécessaire.
L’acier a cependant été repeint,
tandis que le tablier se compose d’éléments en béton préfabriqués.
37
Passerelle «Brüggli», Unterägeri
2 La passerelle piétonne
­p rotégée d’Unterägeri avant sa
restauration.
3 La passerelle après élimination
de son tablier en béton. C’est à
l’endroit des membrures inférieures
que la structure métallique était
la plus rouillée.
En outre, les éléments à souder auraient dû être nus,
ce qui n’aurait pas été possible au niveau des nœuds
de la structure. Les produits de corrosion existants
auraient amoindri la qualité des soudures. Enfin, la
présence d’humidité dans les interstices entre têtes de
rivets et profilés métalliques aurait entraîné le risque
que la vapeur, en s’échappant, n’endommage encore
davantage les soudures (pores et inclusions). De ce
fait, les assemblages soudés n’auraient pas été tout à
fait étanches. En revanche, l’ASS ne voyait aucun problème à ce que les rivets existants soient remplacés
par des nouveaux.
Des aciers non ou difficilement soudables
Sur ce, l’Institut für Werkstofftechnologie (IWT) examina
l’ouvrage pour définir avec précision quel était l’acier
utilisé et dans quelle mesure il se prêtait au soudage.
L’analyse mobile révéla la présence d’éléments que
leur composition chimique et les signaux de courants
de Foucault mesurés permirent d’identifier comme
des aciers Thomas devenus fragiles. Au niveau des
goussets, on détecta la présence d’acier puddlé et, pour
tous les éléments analysés, celle de peinture au minium.
Les aciers Thomas présentent une forte teneur en
phosphore et en soufre, ce qui influe sur leur aptitude
au soudage. A l’endroit des membrures supérieures,
on décela en outre d’importantes inclusions de soufre,
qui modifiaient localement les propriétés du matériau
38
steeldoc 03+04/13
4 – 5 Dans les treillis, certains
profilés rouillés (à gauche)
ont été remplacés par des
nouveaux (à droite).
et devaient par conséquent être prises en considération
dans les calculs statiques. Tant les phénomènes de
­ségrégation que de fortes teneurs en soufre et en phosphore accroissent le risque que ne se produisent, lors
du soudage, un arrachement lamellaire et des fissures
de solidification. Aussi les aciers Thomas ne peuventils, du fait de leur structure et de leur composition
chimique particulières, être soudés qu’à certaines con­
ditions. Il fut néanmoins possible de procéder à des
opérations de soudage sur la structure existante, ce
qui nécessita cependant des soudeurs expérimentés et
de bonnes conditions de soudage (par exemple pas de
situations obligeant à travailler tête baissée).
Les aciers puddlés identifiés à l’endroit de certains
goussets furent considérés, en raison de leur inhomogénéité, comme non soudables par fusion.
Renouvellement des rivets
Ainsi n’apparaissait-il pas indiqué de remettre la passerelle en état en en soudant les assemblages. En effet,
les soudures n’auraient pas été étanches et la corrosion n’aurait, partant, pas pu être stoppée. Au contraire,
les travaux de soudage auraient risqué d’endommager
l’ouvrage.
De plus, souder les nœuds aurait représenté une opération irréversible, qui aurait sensiblement modifié le
comportement statique du pont. Cela aurait certes
permis de conserver les rivets existants, d’une valeur
patrimoniale certaine. Mais, en modifiant le fonctionnement de la structure, on aurait fait perdre leur fonction initiale à ces mêmes rivets, qui n’auraient dès
lors subsisté que pour la forme. Enfin, toute remise en
état future s’en serait trouvée compliquée.
Une restauration exigeante
Les travaux de réfection des éléments métalliques
furent effectués par un serrurier d’art spécialisé dans
la restauration. Pour sauvegarder la structure rivetée,
il procéda à de nombreuses opérations, la plupart du
temps à la main ou à l’aide d’outils spéciaux, comme
des presses hydrauliques. La passerelle fut transportée d’une seule pièce dans l’atelier de serrurerie pour
y être démontée, à l’exception des membrures supérieures. Tous les éléments furent sablés, puis réassemblés avec de nouveaux rivets. Cela permit de garantir que la corrosion soit parfaitement éliminée et
que la structure puisse continuer de fonctionner
comme avant.
Si l’aspect et le comportement structural initiaux de la
passerelle furent sauvegardés, sa durée de vie fut
­sensiblement augmentée. Grâce à l’élimination de la
corrosion à l’endroit des assemblages, au remplacement des quelques pièces complètement rouillées, au
rivetage à neuf de la structure, à l’application d’une
couche de fond et à la galvanisation des éléments métalliques, l’ouvrage est aujourd’hui prêt à affronter
une nouvelle tranche de vie de 100 ans.
39
Passerelle «Brüggli», Unterägeri
6 De nombreuses opérations effectuées à la main, au marteau pneumatique et au chalumeau,
ont permis de remplacer les vieux rivets par de nouveaux. (Photos: Clementine van Rooden)
40
steeldoc 03+04/13
7 Assemblages rivetés du
«Brüggli» avant restauration.
Sont protégés l’emplacement
de l’ouvrage, son aspect
­h istorique et sa construction
d’origine.
Un nouvel environnement
A fin novembre 2013, la passerelle a repris sa place,
mais sur de nouvelles culées et avec un nouveau tablier. Alors que celui d’origine était constitué d’une
dalle en béton coulée entre des profilés en U intégrés
aux treillis latéraux, le nouveau tablier, plus léger, se
compose de minces éléments en béton renforcé de
fibres de carbone. Comme ce sont des éléments similaires qui composeront le chemin longeant la nouvelle
berge plate plantée de roseaux, un lien sera établi
entre la passerelle historique et le nouvel aménagement
de la rive. La promenade se terminera par des gradins
donnant accès au lac. L’achèvement des travaux de
­réaménagement du site est prévu au printemps 2014.
(cvr)
Notes
1
voir L’acier comme matériau p. 26
Photographies
1
Clementine van Rooden
2–3 Staubli Kurath und Partner
4–6 Clementine van Rooden
7
Staubli Kurath und Partner (Photo et plans)
Lieu Unterägeri (ZG)
Maître de l’ouvrage Commune d’Unterägeri
Ingénieurs Staubli Kurath und Partner, Zurich (rénovation)
Construction métallique Gebrüder Gysi, Baar (pont historique)
Serrurerie d’art Moritz Haberling, Uerzlikon (restauration)
Architectes paysagistes OePlan, Balgach
Typologie pont en arc
Dimensions portée: 19 m
Matériau acier Thomas
Date de réalisation 1908; rénovation et restauration: 2013
41
Le pont sur l’Aar à Aarwangen
Un tracé élégant à travers un site protégé
Maître de l’ouvrage
Aare Seeland mobil (asm)
Ingénieurs
Pont historique: Zschokke, Döttingen
Nouveau projet: Fürst Laffranchi Bauingenieure, Wolfwil
Architectes
Ilg Santer Architekten, Zurich
Année de construction
1907
De nombreux ponts ferroviaires historiques de Suisse doivent être soumis à un
contrôle de leur structure porteuse. Cela permet de constater si le pont peut être
remis en état ou doit être remplacé. Pour de nombreux ponts, une nouvelle
construction est requise pour des raisons d’économie ou de technique d’exploitation. Le remplacement de témoins d’une époque industrielle est toujours
­douloureux. Mais en l’occurrence, le nouveau projet est si convaincant que l’on
ne ressent aucune amertume.
Depuis Niederbipp, le pont ferroviaire vieux de 106
ans franchit l’Aar près du château d’Aarwangen et du
restaurant Bären, qui servait autrefois de douane,
vers Langenthal. Il est situé directement à côté du pont
routier, nouvel ouvrage du bureau d’ingénieurs Har­
tenbach & Wenger de Berne, réalisée en 1997 après
42
une mise au concours, et dont la structure porteuse
située sous la chaussée est constituée d’un treillis en
tubes d’acier soudés. Le trottoir parallèle au pont
­routier est suspendu à la construction métallique et
penche vers l’aval au-dessus de la pile centrale.
Les trois ponts constituent un ensemble de franchissement de l’Aar. Cette situation au nord d’Aarwangen
est enregistrée à l’inventaire des sites protégés de
Suisse comme cas particulier «d’importance nationale».
Le pont ferroviaire lui-même est noté à l’inventaire
des constructions du canton de Berne comme monument protégé (objet K, groupe C).
steeldoc 03+04/13
2 – 3 Le pont en acier existant
sur l’Aar près d’Aarwangen
d’Aare Seeland mobil; la con­
struction en treillis doit être
remplacée.
Poutres à deux travées à diagonales tombantes
Le pont ferroviaire historique a été construit en 1907
parallèlement au pont routier, au moment où l’ancienne ligne Langenthal Jura (LJB) a été mise en service entre Langenthal et Oensingen. Conformément
au pont routier déjà existant, la société Zschokke de
Döttingen AG – à l’époque une entreprise de pointe
de constructions métalliques en Suisse – a également
réalisé une structure en fer rivetée en treillis avec
poutre principale supérieure à deux portées de 48 m
chacune. Des diagonales reprennent l’effort tranchant
et sont disposées de manière à être sollicitées à la
traction pour le reprise de la charge uniformément
­répartie et le poids propre; de même, l’inclinaison des
diagonales tombantes change, sur ces poutres à deux
travées, environ aux 2/3 de la portée, là où se produisent les plus grands moments en travée et sur appui
et où il n’y a donc pas d’effort tranchant.
1 Les ponts sur l’Aar avec le
château d’Aarwangen sur la
rive sud constituent un site
protégé qui doit être conservé.
Le tablier à voie unique se trouve à peu près à mihauteur de la poutre en treillis; la superstructure com­
prenant la voie et les traverses est fixée directement
sur la construction en acier. Celle-ci repose à son tour
sur des culées massives en pierre naturelle (roche
calcaire) ainsi que sur une pile centrale et sur les culées du pont routier voisin. En 1979, les poutres lon­
gitudinales, transversales et principales ainsi que le
contreventement de la construction rivetée en fer ont
été renforcés de profilés en acier supplémentaires
­reliés à la construction d’origine au moyen de boulons
à haute résistance. Cela a considérablement modifié
l’ouvrage original, ce qui dérange l’esthétique des détails.
Un représentant de la construction rivetée
La construction rivetée est, comme le pont d’Unter­
stetten1, synonyme d’efficacité maximale à tous égards:
temps de construction (probablement) extrêmement
court, consommation minimale de matériel, coûts
­minimaux, aspect simple et épuré. La construction
­rivetée en fer était lors de sa réalisation l’une des nombreuses exécutions d’un mode de construction qui
avait fait ses preuves en 1907 et avait souvent été réalisé. Ici également, l’aspect élancé reflète l’efficacité
technique et le fait que les ingénieurs aient renoncé à
des éléments décoratifs contribue à l’homogénéité et
à la logique.
Le pont est un témoin des constructions métalliques
du début du XXème siècle. Il n’est cependant pas une
référence importante dans le domaine des ponts rivetés. Sa valeur historique et culturelle n’est donc pas
très grande. Sa construction tout en finesse est cependant d’une haute qualité esthétique. De même que
43
Le pont sur l’Aar à Aarwangen
­ osition du pont et de tout le franchissement de l’Aar
p
pour le chemin de fer, la route et le cheminement
pédes­tre. Car sa situation de «portail» avec le château
et le restaurant constitue, avec les ponts, un site de
haute valeur.2
La construction a pris de l’âge
En 2008, le bureau d’ingénieurs Trachsel, Schibli
­Walder + Partner a analysé la sécurité de la construction. Les vérifications ont montré que la sécurité struc­
turale et à la fatigue des éléments de construction est
suffisante, sauf pour les parties non renforcées des
poutres longitudinales. La pile centrale, les culées et
le terrain sont dans un état satisfaisant.
La construction en acier présente actuellement quelques
dommages dus à la corrosion, quelquefois avec une
forte réduction de section ou même des piqûres de
rouille. La protection anticorrosion – renouvelée pour
la dernière fois en 1998 – est toujours dans un état
­acceptable mais devrait être refaite et la couche de fini­
tion renouvelée. Néanmoins, l’état actuel de la con­
struction métallique peut être considéré comme satisfaisant.
Des poutres à âme pleine sur deux travées
Pour des raisons d’économie, d’exploitation et aussi
pour quelques raisons techniques, le pont ferroviaire
historique doit être remplacé, et Aare Seeland mobil
(asm) a invité quatre bureaux d’ingénieurs à soumettre
une offre pour une étude en vue d’une construction de
remplacement. Finalement, trois équipes ont élaboré,
lors d’une procédure à trois niveaux, un projet fort
exigeant du point de vue de la conception et de l’adaptation au site existant. Les trois équipes ont finalement
soumis des solutions avec des poutres à âme pleine
en acier. Ce mandat d’étude, qui paraissait à l’origine
peu complexe, a cependant abouti à une intéressante
comparaison car on pouvait comparer directement
trois ouvrages analogues de par leur système statique.
Les différences de conception sont évidentes et bien
marquées et il apparaît nettement combien l’élaboration formelle et la composition particulière sont importantes pour un ouvrage d’art.3
Les poutres à treillis à l’honneur
Le projet gagnant des ingénieurs Fürst Laffranchi et
des architectes Ilg Santer prévoit un pont ferroviaire en
poutres à deux travées de 48 m de portée chacune.
La voie se trouve à mi-hauteur entre les deux poutres
principales doublement symétriques de 3.1 m de
­hauteur de la construction en acier. Les tôles des âmes
des poutres principales sont perforées. Les ouvertures
en forme de losange, qui réduisent le plus possible
les concentrations de contraintes, sont disposées en une
grille variant en fonction de la sollicitation à l’effort
tranchant. Ce profilage de l’âme des poutres s’inspire
des poutres en treillis rivetées du XIXème siècle et
4 – 5 Chaque ouvrage en acier
est éloquent en soi: le pont
ferroviaire en acier riveté encore existant et datant de 1907
et la construction en treillis
soudé du pont routier de 1997
(rouge).
44
steeldoc 03+04/13
aboutit à une heureuse combinaison de fonctions struc­
turale et esthétique.
L’élégante construction a relativement peu de soudures
et est ainsi moins sensible au phénomène de fatigue
que des constructions soudées conventionnelles. La
construction relativement légère permet d’éviter d’importantes interventions sur l’infrastructure en ce qui
concerne les piles et les culées. L’entretien – c’est ici
surtout la protection contre la corrosion qui est essen-
tielle – pourrait être assez réduit étant donné que le
nombre de raidisseurs et les surfaces d’acier sont
­réduits à un minimum. La démolition du pont existant
et le montage de la nouvelle construction sont prévus
au moyen de grues à pneus depuis le pont routier.
Pour cela, deux palées auxiliaires ont été enfoncées
dans le lit du fleuve com­me appuis supplémentaires.
Le programme de cons­truction prévoit une interruption
totale de l’exploitation ferroviaire de trois à quatre
­semaines en 2014. (eb, cvr)
6 Le projet gagnant des ingénieurs Fürst Laffranchi et
des architectes Ilg Santer: le
nouveau pont ferroviaire a
sa place dans l’ensemble cons­
titué par le château et l’ancienne douane et s’y intègre
sans dominer. La peinture grise
convient à un pont ferroviaire
et à l’environnement.
Notes et littérature
1
voir Unterstetten, Rigi-Scheidegg, p. 20
2Rapport du groupe d’accompagnement du mandat d’étude
avec évaluation des projets
3TEC21 45/2013, Wettbewerbsbeitrag Aarwangen
Expertise «Bahnbrücke in Stahlbauweise über die Aare,
Aarwangen BE, Beurteilung der Erhaltenswürdigkeit und
-fähigkeit», Eugen Brühwiler
Photographies
1
Eugen Brühwiler
2 – 3 Clementine van Rooden
4 – 5 Eugen Brühwiler
6
Fürst Laffranchi et Ilg Santer
Lieu Aarwangen (BE)
Maître d’ouvrage AareSeeland mobil (asm)
Ingénieurs Laffranchi Bauingenieure, Wolfwil (projet gagnant
pour la construction de remplacement)
Architectes Ilg Santer Architekten, Zurich (projet gagnant pour
la construction de remplacement)
Constructions en acier Zschokke, Dottingen (acier doux)
Typologie de construction poutre à deux travées
Portée 2 x 48 m
Sorte d’acier acier doux
Année de construction 1907; construction de remplacement:
non encore déterminée
45
Pont sur la Thur, Gütighausen
Prolongé conformément à l’original
Maître de l’ouvrage
Canton de Zurich
Ingénieurs
Pont métallique historique: Löhle & Kern, Zurich
Prolongement du pont métallique (réplique): Flückiger + Partner
Année de construction
Pont métallique historique: 1914
Prolongement du pont métallique (réplique): 1988
Depuis 1914, un pont à treillis en acier, actuellement à deux travées, franchit le
tronçon inférieur la Thur entre Gütighausen et Ossingen. Jusqu’en 1988, ce pont
n’avait qu’une travée au-dessus de la rivière; à cette date, Il a été prolongé
d’une travée afin d’agrandir la section de la rivière au fond de la vallée. L’aspect
du prolongement du pont a été le plus possible assimilé à l’original.
Après le Rhin, la Thur est la plus longue rivière de
Suisse orientale. A la partie inférieure de son cours
long d’environ 135 km, depuis la source située au pied
du Säntis jusqu’à sa confluence avec le Rhin entre
­Ellikon am Rhein et Flaach, elle s’écoule à travers un
paysage vallonné comprenant quelques plaines, plaines
inondables et d’anciens cours d’eau. Etant donné la
région de sa source préalpine à alpine et l’absence de
lacs comme bassins de retenue naturels, le débit
est assez irrégulier, en particulier sur les 20 derniers
­kilomètres dans le canton de Zurich, ce qui entraîne
46
des crues importantes. Cette caractéristique fait éga­
lement que la Thur transporte quelquefois d’importan­
tes quantités de bois flottant jusqu’au Rhin et que de
la glace se forme en hiver – autant de facteurs qui ont
déjà endommagé un certain nombre de ponts avec
des piles en rivière. C’est pourquoi, depuis le moyenâge, il n’a été construit qu’un petit nombre de gués,
plus tard de ponts sur des éperons rocheux bien placés,
c’est-à-dire perpendiculaires au lit de la rivière (le
plus connu est le pont de Bischofszell à huit arcs de
pierre construit en 1487 et conservé jusqu’à nos jours).
steeldoc 03+04/13
Les ponts reflètent le développement régional
Etant donné le risque latent de crues et le faible trafic
dans cette région guère industrialisée, on a fait preuve
jusqu’à nos jours d’une certaine réserve en ce qui
concerne la construction de ponts dans les tronçons
plats de la vallée. Cela explique que l’on n’ait construit
qu’en 1862 un simple pont de bois pour la route de
liaison entre les communes d’Ossingen et le village de
Gütighausen qui fait partie de la commune de Thalheim. Le danger de crues n’était pas négligeable, car
en effet, 14 ans plus tard, le premier pont a été emporté par les flots. Manifestement, l’importance du pont
de Gütighausen au niveau de la politique des transports
n’était pas bien grande car il n’a été remplacé qu’en
1880 par un nouveau pont, désormais en acier.
Entretemps, l’ère industrielle avait déjà commencé
dans cette partie tranquille du canton de Zurich avec la
construction de lignes ferroviaires: quelques kilomè­
tres en aval de Gütighausen, la ligne Oberwinterthur
– Etzwilen (le prolongement d’origine vers Singen
en Allemagne n’est plus en service) franchit la vallée de
la Thur à la hauteur du pont bien connu d’Ossingen
(voir photo page 53), actuellement un des plus grands
pont en acier de Suisse. Depuis 1857 déjà, quelques
kilomètres plus bas vers le Rhin, le remarquable pont
en fer d’Andelfingen de la ligne Winterthur-Schaff­
house franchit la Thur.
Des travaux de renforcement lourds de conséquences
Compte tenu des dangers de crues et de bois flottant,
on a construit un pont à une travée avec poutres à
treillis et tablier inférieur. Afin de libérer le plus possible le passage, la chaussée était située à environ 5 m
au-dessus du lit de la Thur. Les deux poutres principales hautes de 6,5 m à diagonales simples sans montants franchissaient avec 4,0 m de hauteur une travée
longue de 67,5 m. Elles étaient reliées en haut et en
bas par des traverses et des contreventements. Une
chaussée en bois large de 3,7 m suffisait à un trafic limité. Lorsque les voitures à chevaux ont été remplacées peu à peu par des camions, la fine structure a été
de plus en plus considérée comme trop légère, d’autant plus qu’il y avait aussi des défauts de construction. Le gouvernement du canton de Zurich a décidé
en 1913 de faire renforcer le pont.
Le pont routier de Gütighausen avec l’extension construite
comme réplique de la plus
grande portée de 1914 mais
avec une technique d’assemblage moderne.
Les mesures de renforcement comprenaient entre
autres le remplacement des poutres longitudinales sous
la chaussée, le rivetage de diverses lamelles supplémentaires sur les membrures et diverses poutres ainsi
que le remplacement des contreventements. Les mesures de renforcement ont commencé en mars 1913 et
étaient déjà très avancées en mai, il n’y avait plus qu’à
renforcer ou à remplacer les membrures supérieures
et le contreventement supérieur. Durant cette dernière phase de transformation, le pont s’est effondré le
14 mai 1913, ceci subitement et sans que rien ne permette de le prévoir, à l’état non chargé, et deux des sept
ouvriers travaillant sur le pont ont été grièvement
blessés. Comme l’ont montré des analyses ultérieures,
la stabilité au flambage des membrures supérieures
n’était plus suffisante même à l’état non chargé, le con­
treventement supérieur ayant été partiellement démonté pendant la transformation.
L’original de 1914
Le pont sur la Thur de Gütighausen, après l’effondrement de 1913, n’était plus réparable, toutes les poutres
étant trop pliées et tordues. Il a donc été remplacé au
même endroit, jusqu’au printemps 1915, par un nouveau pont en acier de conception analogue, mais plus
lourde et plus stable.
47
Pont sur la Thur, Gütighausen
Le pont sur la Thur de Gütighausen, construit en
1914/15, franchit la rivière à angle droit par une travée
d’une portée d’environ 67,5 m. La chaussée est suppor­
tée par une poutre supérieure à treillis à diagonales
simples et montants (contrairement au pont précédant
sans montants de 1880), avec stabilisation par des
contreventements inférieur et un supérieur. Cette con­
ception garantit une section de passage sans obstacles
jusqu’à la hauteur du couronnement des digues.
­L’espacement des montants de 4,825 m divise la longueur du pont en 14 sections, la membrure supérieure
ne s’étendant que sur les 12 sections intérieures. La
hauteur des poutres est de 6,5 m, la largeur de 4,4 m
et la hauteur de passage d’environ 4,9 m. Les montants
sont reliés à la hauteur de la membrure inférieure
par des traverses supportant à leur tour trois longerons
pour la chaussée, sur toute la longueur du pont. Les
bords extérieurs de la chaussée et des chemins piétonniers sont constitués de profilés en U fixés sur les
montants.
La poutre à treillis repose sur la culée côté Ossingen
sur des appuis à rotule et à rouleaux, sur la culée côté
Gütighausen sur des appuis fixes à rotule. La structure porteuse rivetée en acier doux reflète l’état de la
construction des ponts en acier de l’époque et paraît,
en comparaison de constructions plus anciennes, plus
légère, moderne et sobre.
A l’origine, le tablier en profilés Zorès NP11 était posé
sur les trois longerons perpendiculairement à l’axe
du pont. Un mince coffrage était déposé pour la chaus­
sée large de 2,50 m avec un revêtement en asphalte à
plusieurs couches et bordure pavée. Les deux chemins
piétonniers larges chacun de 0,95 m étaient de cons­
truction analogue mais plus simple, limités par des
pavages bas et assurés par des balustrades à claire voie
de 1 m de hauteur.
En vertu de l’Ordonnance concernant le calcul et
l’examen des ponts et bâtiments élevés de construction métallique des entreprises de transport soumises
à la surveillance de la Confédération du 7 juin 1913,
article 8, il était fixé une charge maximale, uniformément répartie de 400 kg/m², ou un poids de véhicule
de 14 t, ou un «rouleau compresseur» d’un poids de 18 t
(ce que l’on peut assimiler à un transport exceptionnel). La chaussée était conçue pour l’exploitation à une
voie à circulation alternée, ce qui suffisait étant donné
le faible trafic de l’époque. La largeur totale de 4,4 m
et les pavés bas et arrondis permettaient néanmoins à
de petits véhicules de se croiser sur le pont – ce qui
arrivait d’ailleurs souvent.
Première cure de fitness après 67 ans
Depuis sa mise en service, le pont sur la Thur de
­Gütighausen a été en service ininterrompu pendant
près de 70 ans. L’augmentation sensible du trafic
­motorisé, également ressentie dans cette région périphérique après la seconde guerre mondiale, et l’utilisation croissante de sel de déverglaçage, avaient
­sollicité exagérément la chaussée conçue plus tôt pour
des véhicules à chevaux. En 1981, les profilés Zorès
ont été démontés sur toute la chaussée et remplacés
par une dalle monolithique en béton armé posée direc­
tement sur les longerons et entretoises inférieurs. La
largeur de la chaussée et des chemins piétonniers n’a
pas été modifiée, les revêtements en asphalte et les
Le pont sur la Thur près de
Gütighausen est un pont
­r outier qui ne peut être emprunté qu’à une voie.
Il a été prolongé en 1988.
48
steeldoc 03+04/13
pavés de bordure ont été placés conformément à l’état
de la technique de l’époque. Cette transformation
n’a pas influencé la construction en acier et les rampes
de fer ont été conservées. Selon la planification, le
pont pourra encore être utilisé avec la nouvelle dalle
de chaussée durant des décennies sans grandes
­interventions.
La rivière apprivoisée
Le comportement indiscipliné de la Thur (de grandes
inondations ont été enregistrées par exemple pour
1664, 1755, 1789, 1852, 1876, 1881 et 1883) a très tôt
abouti à des projets de correction du cours inférieur. Les
communes thurgoviennes et zurichoises concernées
ont réalisé, entre 1874 et 1893 déjà, une correction
complète de la Thur fixant le cours actuel dans ces deux
cantons. Les digues de cette grande correction dé­
passaient en partie de quelques mètres le paysage environnant et ont ainsi également déterminé la situation du nouveau pont en acier construit en 1913 près
de Gütighausen. Côté Ossingen, la route a dû être
construite sur une digue au niveau du couronnement
alors que le village de Gütighausen, avec son croisement routier directement au bord de la rivière, est déjà
situé au niveau du couronnement.
Mais la Thur n’en était pas encore définitivement domp­
tée pour autant car lors des crues du XXème siècle
(1910, 1965, 1977 et 1978), des digues se sont rompues
en divers endroits. Les trois cantons riverains (SG,
TG, ZH), alarmés et sensibilisés par ces événements,
ont établi ensemble, en 1979, le projet de rectification
du cours de la Thur avec une nouvelle conception
de la protection contre les hautes eaux. La nouvelle
Coupes du plan historique
de 1914 (Archiv Flückiger +
Bosshard).
49
Pont sur la Thur, Gütighausen
conception prévoyait, partout où c’était faisable, l’élargissement du lit avec la création (ou l’ouverture) de
zones de décharge et de rétention, ainsi que la suppression des goulets d’étranglement, parmi lesquels
les ponts. La Thur a ensuite été assainie de la manière
la plus proche de la nature entre 1983 et 2005 dans
la partie thurgovienne et la partie zurichoise jusqu’à
Andelfingen, où se trouve le pont de Gütighausen.
­Depuis 2007, le projet de protection contre les crues
des plaines alluviales et de l’embouchure de la Thur
en aval a été réalisé.
Prolongement du pont pour un débit plus important
Entretemps, le projet de rectification de 1979 avait
­engagé des premières mesures concrètes d’assainis­
sement. Cela englobait l’élargissement du lit à proximité du pont sur la Thur de Gütighausen. Pour y
­parvenir, il s’agissait d’éliminer la digue avec la route
côté Ossingen, qui bloquait la section d’écoulement,
pour la remplacer par un avant-pont. Les digues
­principales et les ponts existants ont été conservés, il
s’agissait donc de prolonger le pont de Gütighausen
en ­direction d’Ossingen jusqu’au versant de la vallée.
Le terrain ainsi gagné à l’endroit de la digue reste
­normalement sec et peut être utilisé par l’agriculture
comme par l’environnement. En cas d’inondation
vers les digues amont, ce terrain sert à augmenter la
section d’écoulement sous la nouvelle partie du pont.
L’augmentation de section et le prolongement du pont
étaient prévus pour 1988. Etant donné que le pont
existant avait été équipé en 1981 d’une nouvelle dalle
de chaussée, il n’a pas été envisagé de nouvelles cons­
tructions sur toute la largeur d’écoulement normal et
du nouvel espace de décongestionnement. Mais il était
aussi prévu que la nouvelle partie du pont resterait à
une voie; au sens de la protection des paysages, le
canton de Zurich a décidé que cette partie devait se
présenter comme une suite logique du pont existant et
être construite de la même manière.
Une réplique réussie
Les ingénieurs de projet avaient donc pour mandat de
construire une réplique moderne d’un pont en treillis
datant de plus de 70 ans. Comme le montre le résultat,
ils y sont parvenus dans une large mesure: le nouveau pont a, à quelques petites exceptions près, les
mêmes dimensions principales et bien entendu une
même structure porteuse que l’original. En particulier,
l’espacement des montants et l’inclinaison des diagonales sont identiques, ce qui est important pour l’impression optique. Le nouveau pont n’a que 29 m de
longueur environ, ce qui donne six travées contre 14
pour l’ancien pont. Etant donné qu’il n’y a qu’un espace minime entre les extrémités de la membrure inférieure des deux poutres à treillis sur la nouvelle
pile médiane, les deux ponts semblent être d’un seul
tenant.
Le nouveau pont est construit en profilés modernes
en acier laminé qui ont dans la mesure du possible
des proportions analogues à celles des profils d’origine.
Extrait du plan historique de
la construction métallique
de 1914. La section est toujours actuellement à l’état
­o riginal. (Archiv Flückiger +
Bosshard)
50
steeldoc 03+04/13
Le barrage d’origine a dû être
remplacé par un avant-pont
en 1988 Le terrain ainsi gagné
à l’endroit de la digue reste
normalement sec et peut être
utilisé par l’agriculture.
Les assemblages ont été soudés en usine, les parties
plus grandes boulonnées sur le chantier. Cela donne
évidemment un aspect légèrement différent de celui
des anciennes poutres rivetées, les tôles d’angles et
d’autres pièces de raccordement étant de construction
également différente, mais l’impression générale reste
à peu près la même.
Les balustrades ont été reproduites dans toute la mesure du possible et les poutres à treillis du nouveau
pont reposent sur quatre appuis ponctuels car la reproduction des appuis d’origine n’aurait pas été judicieuse. Ces composants à peine visibles n’ont guère
d’influence sur l’impression générale. Autre simplification: la dalle de chaussée de la nouvelle partie n’est
plus posée que sur deux poutres longitudinales au
lieu de trois, également peu visibles et sans importance pour l’impression visuelle générale.
Sur le nouveau pont, la dalle de chaussée est réalisée
en béton à armature passive. Elle est d’environ 10 cm
plus large mais avec la même subdivision que l’ancien
pont. Pour le prolongement du pont, la transformation
de l’ancienne culée côté Ossingen en une pile médiane a été délicate du point de vue de la technique de
construction. L’ancienne construction en béton damé
sur fondation plate a été transformée en structure en
béton armé en partie sur pilotis et côté Ossingen, il a
fallu construire une nouvelle culée en béton armé.
Les deux ponts ont été contrôlés intégralement en
1997/98. Il s’est avéré à cette occasion que sur le pont
âgé de plus de 80 ans. la protection anticorrosion avait
atteint la fin de sa durée de service et qu’il y avait déjà
quelques dommages dus à la corrosion. Mais d’une
manière générale, la construction en acier était en-
core en bon état malgré son âge. La protection anticorrosion de l’ancien pont a été entièrement remplacée.
Le revêtement du nouveau pont a été renouvelé. Ces
mesures ont permis d’égaliser la couleur des deux
ponts, supprimant toutes différences frappantes entre
les deux ouvrages d’art. (mb)
Notes et litérature
– Schweizer Bauzeitung, «Einsturz der eisernen Strassenbrücke
bei Gütighausen», Nr. 21 1913, p. 283
– Schweizer Bauzeitung, «Einsturz der eisernen Strassenbrücke
bei Gütighausen», Nr. 22 1913, p. 298
– Schweizer Bauzeitung, 1 er avril 1916, «Neubau der Thurbrücke
bei Gütighausen», Nr. 14 1916, p. 172 –173, Prof. A. Rohn
Photographies
Dietrich Michael Weidmann, Uster (wikimedia.commons)
Lieu Thalheim an der Thur, commune de Gütighausen ZH
Maître de l’ouvrage Canton de Zurich
Ingénieurs Löhle & Kern, Zurich (pont de 1915);
Flückiger + Bosshard, Zurich (pont de 1988)
Constructions métalliques Löhle & Kern, Zurich
Typologie de construction poutre à treillis en simple travée
Portée 67,5 m (pont de 1915); 29 m (pont de 1988)
Aciers acier doux (pont de 1915); acier laminé (pont de 1988)
Achèvement 1915
Année d’extension 1988
51
Recension de livre
«Les ponts ferroviaires suisses»
La construction des ponts en Suisse jouit d’une excellente réputation internationale. Le livre «Schweizer Bahnbrücken» du service de protection des monuments
historiques des CFF et de la Société d’histoire de l’art en Suisse SHAS présente
une centaine des principaux ponts ferroviaires, qui font partie du patrimoine
culturel de Suisse.
La Suisse, avec sa topographie typique et sont dense
réseau de circulation, et un pays qui fait office de pont
et jouit d’une grande réputation internationale. La
compagnie ferroviaire nationale Chemins de Fer Fédé­
raux CFF possède à elle seule 6000 ponts dont beaucoup comptent parmi les meilleures constructions
­réalisées en Suisse ces 160 dernières années. Tous témoignent de l’histoire de l’ingénierie et montrent
comment ont évolué le savoir-faire en construction,
l’utilisation des matériaux, la production industrielle
et les idées d’esthétique. Les ponts sont ainsi des archives vivantes, constituant en quelque sorte un «patri­
moine génétique» des types de construction qu’il vaut
la peine d’examiner de plus près. C’est précisément
ce qui rend le livre «Schweizer Bahnbrücken» intéressant non seulement pour les spécialistes de la plani­
fication mais aussi pour les profanes intéressés, étudi­
ants en génie civil ou entreprises dans le domaine
des constructions métalliques.
Le livre «Schweizer Bahnbrücken» präsente une centaine de ponts ferroviaires importants, dont 21 sont
décrits en détail avec des photographies de Georg Aerni.
Plus de la moitié de ces ponts sont soit des construc­
tions purement en acier, soit de construction composite. En outre, beaucoup des ponts actuellement
construits en pierre ou béton étaient à l’origine des
constructions en acier.
Le livre complété de plans, d’archives photographiques
et d’indications techniques et géographiques, décrit
l’histoire de la construction des ponts ferroviaires en
Suisse, traite d’aspects de protection des sites et con­
tient un glossaire des termes techniques. Un livre
qui ouvre les yeux: qui a lu le livre aura une nouvelle
perception de la beauté des ponts.
Des exemples importants des ponts présentés et les
textes détaillés dans ce numéro de steeldoc sont deux
ponts d’acier: le viaduc de Bietsch (pages 12 –15) et le
pont sur l’Aar à Koblenz (pages 16 –19). Nous avons
pu les analyser en détail dans steeldoc et aussi utiliser
les photographies de Georg Aerni(voir Editorial).
­Parmi les belles photographies de Georg Aerni, il y a
aussi le pont d’Isorno en page 6 et celui d’Ossingen
à droite. (cvr)
Schweizer Bahnbrücken
1 ère édition, 2013; relié, 240 pages, 160 couleurs et
171 illustrations et plans
Format 22 x 27 cm
ISBN 978-3-85881-393-0
Architektur- und Technikgeschichte der Eisenbahnen
in der Schweiz, Band 5
Scheidegger-Spiess Verlag / www.scheidegger-spiess.ch
Avec des contributions de Jürg Conzett, Jean-Jacques Reber et
Ruedi Weidmann, Eugen Brühwiler, Helmut Heimann et
Lorenzo Sabato, Aldo Rota et Clementine van Rooden.
Photographies de Georg Aerni.
Couverture (Scheidegger-Spiess Verlag)
52
steeldoc 03+04/13
Sélection de plans et photos
historiques du livre. (Plans:
SBB Mikrofilmzentrale, Bern;
Photos: SBB Historic)
Photo du livre: Le pont de
1875 sur la Thur à Ossingen
est le dernier pont ferroviaire
suisse à piles en fer encore
en service. (Photo: Georg
­A erni)
53
Annexe
Tableaux synoptiques
Le département des chemins de fer a édicté en 1892 la première ordonnance fédérale sur la
construction des ponts, qui a été à l’origine de la normalisation suisse dans le domaine des
­structures porteuses et peut être considérée comme prédécesseur des normes SIA actuelles.
En vertu de cette ordonnance sévère, tous les ponts en
fer devaient être recalculés, ce qui a nécessité des
­ren­forcements et modifications considérables sur les
ponts existants. Cette mesure avait été prise une année
plus tôt, après l’effondrement du pont sur la Birs de
1875 près de Münchenstein. Cette catastrophe a éga­
lement effrayé le monde spécialisé. Par la suite,
la ­recherche a été intensifiée (essais de flambage de
­Tetmajer) et les constructions existantes ont été
­surveillées de plus près. (cvr)
Tableau 2
Aperçu des normes et ordonnances suisses de construction en acier
Année Titre
1892 Verordnung betr. Berechnung und Prüfung der eisernen Brücken- und
­D achkonstruktionen auf den schweizerischen Eisenbahnen
1895 Allgemeine Bedingungen und Technische Vorschriften für die Berechnung
von eisernen Brücken- und Dachkonstruktionen
1913 Verordnung betr. Berechnung und Untersuchung der eisernen Brücken und
­H ochbauten der der Aufsicht des Bundes unterstellten Transportanstalten
1935 SIA 112, Normes concernant le calcul, l’éxécution et l’entretien des constructions
métalliques et des constructions en béton et en béton armé
1942 SIA 112, Normes concernant le calcul, l’éxécution et l’entretien des constructions
métalliques et des constructions en béton et en béton armé; Modifications des
art. 67,87,109,110 und 112
1946 SIA 112/II, Projet de normes concernant le calcul, l’éxécution et l’entretien
des constructions métalliques, en béton, en béton armé et en bois
1956 SIA 161, Normes concernant la calcul, l’exécution et l’entretien des constructions
métalliques
1974 SIA 161, Constructions métalliques
1979
SIA 161, Constructions métalliques
1990
2003
2013
SIA 161, Construction en acier
SIA 263, Construction en acier
SIA 263, Construction en acier
Méthode de vérification
Contraintes admissibles
Contraintes admissibles
Contraintes admissibles
Contraintes admissibles selon le cas de charge
Contraintes admissibles selon le cas de charge
Contraintes admissibles selon la classe
­d ’ouvrages et le cas de charge
Contraintes admissibles selon la classe
­d ’ouvrages et le cas de charge
Contraintes admissibles selon la classe
­d ’ouvrages et le cas de charge
Capacité portante, aptitude au service,
­v ariante: Annexe III Contraintes
admissibles selon éd. de 1974
Sécurité structurale, aptitude au service
Sécurité structurale, aptitude au service
Sécurité structurale, aptitude au service
Source: Ouvrage Tragwerksnormen 1892 –1956 Sia
Procédure pour la maintenance des structures porteuses selon les normes SIA 269, 269/1 et 269/3,
examen, matériaux, méthode de vérification, exigences
Description des aciers selon l’annexe A de la norme SIA 269/3
Autres renseignements: Rapport de recherche 271 du «Bundesanstalt für Materialforschung und -prüfung» Berlin, 2005
Littérature recommandée: Ines Prokop, «Vom Eisenbau zum Stahlbau. Tragwerke und ihre Protagonisten in Berlin 1850 –1925», 2012
Tableau 3
Aperçu des aciers depuis 1956
Désignation de
l’acier
Ac 37
Ac 52
Ac 24/37
Ac 36/52
Fe 360
Fe 510
Fe E 235
Fe E 355
S 235
S 355
S 235
S 355
3)
4)
5)
54
Norme SIA
­[année
(norme)]
1956 (161)
1974 (161)
1979 (161)
1990 (161)
2003 (263)
2013 (263)
f yk 3)
s zul 4) 5) Méthode de vérification
[N/mm 2] [N/mm 2]
235
355
235
355
235
355
235
355
235
355
235
355
84 –180 Contrainte admissible (selon la classe d’ouvrages et le cas de charge)
Augmentation avec la limite apparente d’élasticité et la résistance à l’endurance
86 –180 Contrainte admissible (selon la classe d’ouvrages et le cas de charge)
94 – 270
86 –180 Deux méthodes: Vérification à la ruine et vérification de l’aptitude au service/
Variante: Contraintes admissibles
94 – 270
Sécurité structurale et aptitude au service
Sécurité structurale et aptitude au service
Sécurité structurale et aptitude au service
Valeurs pour t ≤ 40 mm, selon norme SIA 269/3
Les contraintes admissibles ne sont qu’indicatives, elles ne peuvent être évaluées qu’en relation avec les normes correspondantes.
Contraintes selon le cas de charge, la classe d’ouvrages, la valeur limite de la sollicitation, la charge alternée
steeldoc 03+04/13
Impressum
steeldoc 03+04/13, décembre 2013
Ponts historiques en acier
double numéro
Editeur:
SZS Centre suisse de la construction métallique, Zurich /
www.szs.ch
Evelyn C. Frisch, directrice
Rédaction et mise en page:
Clementine van Rooden; Evelyn C. Frisch (rédaction finale)
Antonio Ferrarese (détails techniques et tableaux)
Textes:
Clementine van Rooden (cvr) , ing. dipl. EPF, journaliste spécialisée
BR; Eugen Bruhwiler (eb) : Prof. Dr. ing. dipl. EPF/SIA/IVBH,
Professeur, Laboratoire de maintenance, construction et sécurité
des ouvrages EPF Lausanne, vice-président de la «Gesellschaft
fur Ingenieurbaukunst» (www.ingbaukunst.ch); Max Bosshard
(mb), ing. dipl. EPF/SIA; Marléne Platzer (mp) , ing. dip. FH
Traductions françaises:
Léo Biétry, Lausanne:
Essai, Koblenz, Unterstetten, Assemblages, Brüggli
Richard Squire, Schüpfen:
Indroduction, Bietschtal, Matériau, Aarwangen,
Gütighausen, A
­ nnexes
Relecture: Michel Crisinel, SZS
Photos et plans:
Titre: Georg Aerni
Editorial: Clementine van Rooden
Articles: voir références à la fin de chaque article
Sources:
Documentation du viaduc du Bietschtal et pont sur l’Aar Koblenz
(photos de Georg Aerni) avec l’accord des CFF (SBB Fachstelle für Denkmalpflege und der Gesellschaft fur Schweizerische
Kunstgeschichte GSK) de l’ouvrage «Schweizer Bahnbrucken»,
éditions Scheidegger-Spiess, 2013.
Conception graphique:
Gabriele Fackler, Reflexivity AG, Zurich
Administration et abonnements:
SZS Centre suisse de la construction métallique, Zurich
Impression:
Kalt Medien AG, Zoug
ISSN 0255-3104
Abonnement annuel CHF 48.– / étranger CHF 60.–
Numéros isolés CHF 15.– / doubles numéros CHF 25.–
Sous réserve de changement de prix. A commander
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du Centre suisse de la construction métallique et paraît quatre
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­r eçoivent l’abonnement ainsi que les renseignements techniques
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le droit d’auteur des photos est réservé aux photographes. Une
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