Les TAP, cheval de Troie d`une privatisation - SNUipp
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Les TAP, cheval de Troie d`une privatisation - SNUipp
Les TAP, cheval de Troie d’une privatisation rampante ? En tant qu’enseignant et que parent d’élève, je subodore depuis sa mise en place que la réforme des rythmes scolaires constitue une offensive insidieuse contre le service public d’Education Nationale. Deux ans plus tard, mes soupçons se renforcent. Sitôt finie la journée d’école, nos élèves courent qui vers un atelier d’arts plastiques, qui vers un atelier de danse, qui vers un sport-co, qui vers une chorale que sais-je ? Autant de disciplines qui ressortent aujourd’hui encore également des programmes que nous sommes chargés de mettre en oeuvre. Un certains nombre de parents de ma connaissance se félicitaient à l’époque de cette réforme : « Comme certains enseignant délaissent ces disciplines, tant mieux si les TAP permettent à nos enfants de les pratiquer ». Je leur rétorquais qu’il serait peut-être plus judicieux d’exiger l’application des programmes dans les classes, plutôt que d’encourager les TAP au risque de nous entendre asséner un jour que les enfants pratiquant déjà sport, arts plastiques et chants sur les temps péri-scolaires, nul n’est besoin de les maintenir dans les programmes officiels. Ne verra-ton pas alors à terme les horaires officiels se restreindre aux sacro-saints fondamentaux, et le reste incomber aux TAP ? Selon les gouvernements aux manettes, c’est un risque que je suis convaincu que nous courons. Un certain nombre de parents d’élèves s’en réjouiront d’ailleurs : avec 24 heures hebdomadaires de maths et de français saupoudrées ici et là d’histoire, de géographie et de sciences, leurs enfants seront enfin bien préparés au collège… Du codage informatique à la rentrée 2016 ? Le Monde daté du 1er mai 2016 nous annonce1 qu’ « à partir de la rentrée 2016, les élèves seront initiés au codage informatique dès le primaire ». Ha bon ? J’ai vaguement survolé les nouveaux programmes, et il m’avait échappé qu’à la rentrée prochaine j’allais devoir enseigner le codage informatique à mes élèves. Je tape 1 http://www.lemonde.fr/education/article/2016/05/01/refondation-de-l-ecole-ou-en-eston_4911743_1473685.html donc « initiation au codage primaire » sur mon moteur de recherche, et là2 je tombe sur cette déclaration hallucinante de notre ex-ministre éclair Benoît Hamon (attention c’est de la gauche hyper-frondeuse) selon laquelle il « souhaite encourager dès la rentrée 2014, une offre d'initiation aux sciences de l'informatique dans le cadre des temps périscolaires ». (C’est moi qui souligne) « Dans le cadre des temps périscolaires » !... Vous avez bien lu ! Un ministre de l’Education Nationale (et très de gauche donc) qui se pique d’instaurer des contenus sur des temps péri-colaires (sur lesquels par définition il n’a strictement rien à dire, ni aucune prise pusiqu’ils ressortent exclusivement de la prérogative des communes), et ce au nom, je cite, de la « lutte contre l’échec scolaire et contre les inégalités » (dans le texte)? Quand on sait comment l’organisation des TAP hisse les inégalités de territoires à des hauteurs encore inégalées, on peut légitimement s’interroger sur le degré de foutage de gueule que l’on atteint… J’ignore de quelles informations dispose le journal Le Monde pour nous annoncer cette mise en place à la rentrée prochaine, mais instantanément me reviennent en mémoire ces projets d’école que nous remplissons tous en ce moment, où un chapitre concerne précisément l’articulation des temps scolaires… et péri-scolaires ! Et là je me dis qu’un nouveau pas est franchi, mais si subrepticement qu’il ne suscite à ma connaissance dans les écoles aucune réaction. Car autant dans l’exercice quotidien de nos fonctions nous pouvons être amenés à dialoguer et collaborer avec les intervenants des TAP, parce que nous le voulons bien, autant ce qui nous pend au nez, c’est de bientôt devoir négocier avec eux ou leurs employeurs (les mairies) sur ce qui est de notre ressort et ce qui ne l’est pas, et comment s’articulent les disciplines entre ces deux moments de la journée des enfants (nous a-t-on jamais demandé auparavant d’articuler nos enseignements avec par exemple les offres des diverses associations culturelles ou clubs sportifs locaux ?). Péri-scolaire… ou extra-scolaire ? 2 Sur le site du ministère : http://www.education.gouv.fr/cid81402/-ecole-numeriqueencourager-l-initiation-au-code-informatique.html Et en y réfléchissant un brin, on peut se demander si le terme même de « périscolaire » ne constitue pas en soi un beau piège sémantique dans lequel nous sommes tombés la tête la première. Car « péri-scolaire », c’est bien encore un peu scolaire… Alors que non ! Soit c’est scolaire, soit c’est extra-scolaire, dedans ou dehors, pas « un peu à côté mais quand même un peu dedans », comme le terme tente de nous le faire accroire. Ne nous faudrait-il pas purement et simplement le refuser et employer l’expression « activités extra-scolaires » comme il siérait ? Nous avons dans nos fonctions une mission d’enseignement, qui disparaît des TAP. Sachant par ailleurs que, passés les efforts réalisés la première année par les communes pour mettre en place des activités extra-péri-scolaires relativement dignes de ce nom, nous avons pu voir dès la rentrée 2016 les inégalités territoriales les plus flagrantes se remettre en place, entre les communes qui se contentent d’une garderie, celles qui instaurent la facturation des activités aux familles, et celles qui bricolent entre leurs ressources et les bonnes âmes bénévoles pour offrir des animations (et non des enseignements) de qualité variable. Il existe d’ores et déjà des associations spécialisées dans les TAP3. Ne verrons-nous pas bientôt des entreprises investir ce secteur et proposer aux mairies des organisations et des contenus clés en main ? Entreprises qui auront beau jeu ensuite de prétendre vouloir faire de manière plus efficace qu’en classe ce qui se fait en classe selon l’antienne bien connue que « le privé est plus efficace que le public », relayée fidèlement n’en doutons pas un instant par les principaux médias qui nous le martèlent depuis des années. Pour mémoire, nous ne devons notre statut de fonctionnaires qu’à une volonté politique de soustraire les instituteurs à l’arbitraire des édiles locaux qui étaient auparavant leurs employeurs. De toute évidence, c’est précisément à cet arbitraire que la gauche au pouvoir s’efforce de nous renvoyer en ce moment. Si un programme sous-jacent de privatisation de l’Education Nationale existe bel et bien, il est clair que l’organisation des nouveaux rythmes, sous couvert du respect 3 Elles sont pléthores. A titre d’exemple : Nantes Action Périscolaire, association loi 1901, liée à la Ville de Nantes dans le cadre d’un marché public, a pour mission l’encadrement et l’animation des temps périscolaires matin, midi et soir, sur l’ensemble des écoles publiques nantaises. http://www.nantesactionperiscolaire.fr/ des rythmes de l’enfant, et leur corollaire, les TAP, en constituent un cheval de Troie. Il nous appartient de le débusquer.