j`entends encore la marée…
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j`entends encore la marée…
J’ENTENDS ENCORE LA MARÉE… Christine de Guerville J’entends encore la marée… Poésie Éditions Persée Consultez notre site internet © Éditions Persée, 2016 Pour tout contact : Éditions Persée – 38 Parc du Golf – 13 856 Aix-en-Provence www.editions-persee.fr J’ENTENDS ENCORE LA MARÉE… Comme si j’étais petite au fond du chemin creux en racines promenantes, comme si elles partaient pour un long voyage… Dans ce chemin creux continuait en promenade cette vie balancée Poésie du vent et de la marée. J’entends encore le vent, j’entends encore la marée. Dans ce chemin creux, je me pose et m’endors… 6 Dans le rêve à goélette il y a le goémon frère de mer du goéland. Se pavane le cormoran juste au pas d’une pavane. 7 Calme est la mer calme et plate ; plate est la voile, calme elle avance. Elle cherche le vent, elle avance lente-calme ! Qui la pousse en lenteur ? Elle avance, frôle le rivage, s’éloigne, revient ; se trouve soudain sur la ligne d’horizon. Mon regard a-t-il à ce point changé ? 8 Quelques nuages passent en fumée d’orphéon le chant de la fumée n’est qu’une simple complainte au soleil pâlissant ! La vague s’en vient la vague s’en va s’infiltre sous les galets d’outre mer : ils sont aussi gris mouillés blancs museaux de dauphins. C’est un long voyage qui commence sous le sable. Les graviers roulent à peine laminés depuis si longtemps déjà. Je regarde le sud qui se marbre-bleu. La ligne est ronde pour partir là-bas. 9 La ligne d’horizon est sœur marine du jour protestant de la vague ; elle écume sa colère ! Ce nuage tache d’encre en cœur de pensée, bleu dans l’horizon, vert de la mer des vagues en nuit à venir. 10 D’où je regarde la mer est là ! Je ne la vois pas dans son immensité. Elle s’imagine. Même là, elle s’échappe. C’est trop grand dans mon infiniment petit. Pourtant il m’avait semblé pouvoir la toucher. Lui parler ! Je peux encore. Je suis dans la timidité du peu qui reste en moi. L’expressif est là qui cherche en moi les vagues, étrangères à celles que je vois encore. Elles s’agitent en remuant des vies. Celles enfouies qui n’en finissent pas, de remonter. Juste les cherchant un peu, bien qu’ayant souhaité les revoir, je ne sais quoi leur dire, et elles ne me parlent pas. Ne se reconnaît pas là, ce qui y était, encore dans l’avant. Les vagues ont grandi ! Mais pas assez pour s’appeler souvenir, mais juste ce qu’il faut, pour être la douleur. 11 Pleine est cette mer de quoi est-elle Pleinie ? Dans sa béatitude, chaude, lourde, pleine est cette mer en attente. Elle est assise entre les vagues, elle se fait balancer. C’est ce regard que je porte, sur ses déchirures ; qui s’étirent aussi de crique en crique. Chaque petit monde a sa crique : chaque petit monde roule ses galets, son grain de sable. Chaque petit monde a son mystère dans l’ombre guettant sa lumière. Chaque petit monde a la lumière qui trahit son ombre. 12 Face à la mer regards égarés, parsemés en mille vagues la vision de mille vies devient l’unité. C’est une mer de sable en émeraudes charriées : seule, cette demi-lumière en abandon de jour évoque la prochaine nuit à venir ; elle sera précédée par ces ombres d’ocre jaune à peine filtrées ne laissant rien passer d’autre que cet espoir d’être une vie blanche auréolée. 13 Il y a ce moment fabuleux où cette mer agitée s’aplatit en glacé de zinc à reflets cassés : cette énorme masse nuageuse l’envahit en reflets miroités le temps d’éclipser le soleil ; juste le temps pour le vent de pousser ces autres images en blancheurs effilées. 14 De ces vagues en ivresse se libère le chant des aquariens : je regarde ces terrasses désertées, moulées, sculptées par les vagues ondulantes. Elles s’assèchent au soleil ; comme des marches en algues glissantes. Les algues brunes surveillent et recouvrent cette vie. Sous les rochers, les galets, sous les simples pierres, ravinées par le temps, il aura fallu des siècles pour en doucir la pierre. 15