j`entends encore la marée…

Transcription

j`entends encore la marée…
J’ENTENDS ENCORE LA MARÉE…
Christine de Guerville
J’entends encore la marée…
Poésie
Éditions Persée
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© Éditions Persée, 2016
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J’ENTENDS ENCORE LA MARÉE…
Comme si j’étais petite
au fond du chemin creux
en racines promenantes,
comme si elles partaient
pour un long voyage…
Dans ce chemin creux
continuait en promenade
cette vie balancée
Poésie du vent et de la marée.
J’entends encore le vent,
j’entends encore la marée.
Dans ce chemin creux,
je me pose et m’endors…
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Dans le rêve à goélette
il y a le goémon
frère de mer du goéland.
Se pavane le cormoran
juste au pas d’une pavane.
7
Calme est la mer
calme et plate ;
plate est la voile,
calme elle avance.
Elle cherche le vent,
elle avance lente-calme !
Qui la pousse en lenteur ?
Elle avance, frôle le rivage,
s’éloigne, revient ;
se trouve soudain
sur la ligne d’horizon.
Mon regard a-t-il à ce point changé ?
8
Quelques nuages passent
en fumée d’orphéon
le chant de la fumée
n’est qu’une simple complainte
au soleil pâlissant !
La vague s’en vient
la vague s’en va
s’infiltre
sous les galets d’outre mer :
ils sont aussi gris mouillés
blancs museaux de dauphins.
C’est un long voyage
qui commence sous le sable.
Les graviers roulent à peine
laminés depuis si longtemps déjà.
Je regarde le sud qui se marbre-bleu.
La ligne est ronde
pour partir là-bas.
9
La ligne d’horizon
est sœur marine
du jour protestant
de la vague ;
elle écume sa colère !
Ce nuage tache d’encre
en cœur de pensée,
bleu dans l’horizon,
vert de la mer des vagues
en nuit à venir.
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D’où je regarde
la mer est là !
Je ne la vois pas dans son immensité.
Elle s’imagine.
Même là, elle s’échappe.
C’est trop grand
dans mon infiniment petit.
Pourtant il m’avait semblé
pouvoir la toucher.
Lui parler !
Je peux encore.
Je suis dans la timidité
du peu qui reste en moi.
L’expressif est là
qui cherche en moi les vagues,
étrangères à celles que je vois encore.
Elles s’agitent en remuant des vies.
Celles enfouies qui n’en finissent pas,
de remonter.
Juste les cherchant un peu,
bien qu’ayant souhaité les revoir,
je ne sais quoi leur dire,
et elles ne me parlent pas.
Ne se reconnaît pas là,
ce qui y était, encore dans l’avant.
Les vagues ont grandi !
Mais pas assez pour s’appeler souvenir,
mais juste ce qu’il faut,
pour être la douleur.
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Pleine est cette mer
de quoi est-elle Pleinie ?
Dans sa béatitude,
chaude, lourde, pleine est cette mer
en attente.
Elle est assise entre les vagues,
elle se fait balancer.
C’est ce regard que je porte,
sur ses déchirures ;
qui s’étirent aussi de crique en crique.
Chaque petit monde a sa crique :
chaque petit monde roule ses galets,
son grain de sable.
Chaque petit monde a son mystère
dans l’ombre guettant sa lumière.
Chaque petit monde a la lumière
qui trahit son ombre.
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Face à la mer
regards égarés, parsemés
en mille vagues
la vision de mille vies
devient l’unité.
C’est une mer de sable
en émeraudes charriées :
seule, cette demi-lumière
en abandon de jour
évoque la prochaine nuit à venir ;
elle sera précédée
par ces ombres d’ocre jaune
à peine filtrées
ne laissant rien passer d’autre
que cet espoir d’être une vie
blanche auréolée.
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Il y a ce moment fabuleux
où cette mer agitée
s’aplatit en glacé
de zinc à reflets cassés :
cette énorme masse nuageuse
l’envahit en reflets miroités
le temps d’éclipser le soleil ;
juste le temps pour le vent
de pousser ces autres images
en blancheurs effilées.
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De ces vagues en ivresse
se libère le chant des aquariens :
je regarde ces terrasses
désertées, moulées, sculptées
par les vagues ondulantes.
Elles s’assèchent au soleil ;
comme des marches en algues glissantes.
Les algues brunes
surveillent et recouvrent cette vie.
Sous les rochers, les galets,
sous les simples pierres,
ravinées par le temps,
il aura fallu des siècles
pour en doucir la pierre.
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