La Voix du Nord - Les Blouses Roses
Transcription
La Voix du Nord - Les Blouses Roses
Paru dans La Voix du Nord Des Blouses roses et des Français toujours solidaires Publié le 08/05/2014 par Sophie Leroy Elles interviennent bénévolement dans les hôpitaux et maisons de retraite : les Blouses roses fêtent, à partir de dimanche, leurs 70 ans. Dans une société de plus en plus individualiste, les Français restent nombreux à donner de leur temps. Clément, 4 ans et demi, s’impatiente. Ce mardi après-midi, il veut aller jouer dans la salle de jeux. Mais il a encore quelques soins à recevoir. Nathalie Husse, Blouse rose depuis cinq ans dans les services chirurgie et orthopédie de Jeanne-de-Flandre, à Lille, intervient donc dans sa chambre, son sac rempli de gommettes. Clément a été opéré des amygdales. Parce qu’il est hémophile, il l’a été à Lille, alors qu’il habite Valenciennes. En pleine forme, il commence à trouver le temps long. Les Blouses roses trompent son ennui et soulagent sa maman. À son côté 24 h sur 24, Jessica dort dans la même chambre. Elle en profite pour prendre l’air et téléphoner au papa notamment, qui est en déplacement. Les Blouses roses donnent en général chacune trois heures de leur temps, chaque après-midi, du lundi au vendredi, parfois le week-end, la première jusqu’à 17 h-17 h 30, une seconde jusqu’à 20-21 h, « le début du gros dodo », résume Nathalie. Elles interviennent bien sûr en concertation avec les équipes médicales et les éducateurs de jeunes enfants qui travaillent au CHRU, comme Céline Decarnin et Laurence Bartolone, de service ce jour-là. « Une collègue m’a toujours dit qu’il ne fallait pas oublier que si notre métier existait, c’était grâce aux bénévoles qui intervenaient avant que notre profession soit créée », se souvient Céline. Les éducateurs repèrent les enfants qui ne vont pas très bien, en ont le plus besoin, peuvent être seuls aussi parfois. Des enfants originaires de l’autre bout de la région, hospitalisés depuis plus d’un mois et dont les parents travaillent, des enfants placés à l’aide sociale à l’enfance, ou alités… « En chirurgie, il y a 70 lits, on ne peut pas être au chevet de tous et très longtemps », mesure Laurence Bartolone. Les Blouses roses viennent en appui, pour quelques minutes, si l’enfant n’a besoin que d’un câlin ou plusieurs heures s’il le faut. La journée des éducateurs se terminant à 17 h 30, les Blouses roses sont précieuses en fin de soirée, lorsque les parents doivent partir. Elles rassurent petits et grands. Mireille Knockaert, elle, est Blouse rose à la maison de retraite Notre-Dame des Anges, à Lille, depuis quatre ans. Elle était chef de projet en charge des Olympiades des métiers pour le conseil régional. À la retraite depuis 2006, elle est frappée par la solitude de certaines personnes âgées, « aussi touchantes que les enfants ». Les aides-soignantes doivent se démultiplier, elle, elle peut prendre le temps. « Les personnes Alzheimer ont besoin qu’on soit à leur écoute. On ne peut parler qu’avec une personne à la fois. J’ai mis en place un atelier mosaïque, j’ai un retour extraordinaire. Une personne incapable de communiquer qui vous dit merci, c’est… » Mireille est encore émue. « On ouvre une fenêtre sur l’extérieur. Je me souviens d’un 31 décembre, un enfant ne voulait rien faire, raconte Nathalie Husse. J’ai commencé par ranger sa chambre, j’ai trouvé une belle ardoise où il était écrit : Je t’aime mon petit trésor. On a réalisé un petit cadeau pour sa maman. Quand je suis partie, il avait un grand sourire. » Il y a des moments durs aussi, des décès. « Il ne faut pas oublier qu’on est formés à la fin de vie, à l’écoute comme aux jeux éducatifs ou à l’hygiène. On n’intervient jamais sans l’être. Et il faut savoir lâcher prise ». De leur engagement, Nathalie et Mireille ne retiennent que le positif : « On n’y trouve que du bonheur et de l’enrichissement » ; « une plénitude et une sérénité » ; « j’ai grandi », résume Mireille. « On voit la vie différemment et on garde l’essentiel », pose Nathalie. Clément, lui, a enfin gagné la salle de jeux pour une partie de Bourricot. Le bénévolat ne connaît pas la crise L’idée selon laquelle nous vivons dans une société de plus en plus individualiste est-elle un mythe ? La récente étude sur le bénévolat en France en 2013 (1) révèle que, non seulement, nous sommes de plus en plus nombreux à œuvrer bénévolement (au sein d’une association ou pas, d’ailleurs) mais que la crise économique, loin de nous replier sur nos misérables existences, n’a fait que renforcer notre élan de solidarité envers les autres. Les bénévoles sont plus nombreux. Entre 2010 et 2013, les bénévoles sont passés en France de 18,3 millions à 20,9 millions, soit une croissance de + 14 %. La poussée est encore plus forte chez les bénévoles qui ne sont liés à aucun organisme, association ou fondation : + 31 %. Pour l’association France bénévolat, « la montée de la misère et des difficultés sociales semblent être un catalyseur qui incite à agir concrètement près de chez soi ». Et plus volontiers encore de façon ponctuelle : les gens sont plus nombreux qu’avant à donner quelques heures par mois, quelques jours par an pour une occasion particulière… mais moins, il est vrai, à vouloir s’engager à l’année (même si ces derniers restent largement majoritaires, 73 % des bénévoles en 2013) : ils préfèrent « agir », analyse France bénévolat plutôt que de s’engager dans un projet. D’où le sentiment des responsables associatifs de ne pouvoir compter que sur un noyau plus resserré qu’avant… Ils sont plus jeunes. Pour se consacrer aux autres, encore faut-il trouver le temps. Le bénévolat, c’est bon pour les retraités, se dit-on et de fait, ils représentent plus de la moitié des bénévoles en France. Mais preuve que les lignes bougent : le bénévolat progresse dans toutes les catégories de la population… sauf chez les retraités, proportionnellement moins engagés qu’il y a trois ans. À l’inverse, les actifs sont plus engagés qu’il y a trois ans, C’est le cas aussi des demandeurs d’emploi et de nos jeunes collégiens, lycéens et étudiants, cette génération que l’on juge souvent égoïste ! Contrairement au cliché du bénévole « senior », les plus de 65 ans ne sont finalement pas beaucoup plus nombreux dans les associations que les 15-35 ans : 3,9 millions pour les premiers, 3,3 millions pour les seconds. Les 35-64 ans assurant le plus gros des troupes : c’est la tranche d’âge de 5,5 millions de bénévoles. Mieux, les 15-35 ans sont ceux qui, ces trois dernières années, ont le plus progressé dans les effectifs des associations : + 32 %, contre + 10 % pour les 35-64 ans, et seulement + 5 % pour les 65 ans et plus. (1) « La situation du bénévolat en France en 2013 », étude réalisée par l’IFOP pour France bénévolat, association qui travaille à développer le bénévolat associatif. POURQUOI PAS VOUS? Dans un monde idéal, tout le monde donnerait gratuitement un peu de son temps aux autres, une heure, un jour, une semaine, chaque année. En réalité, seuls quatre Français sur dix le font. Est-ce une fibre solidaire que l’on aurait ou pas ? Dans son enquête 2013, l’association France bénévolat a posé la question des freins au bénévolat : la majorité des gens invoquent principalement le manque de temps. Deuxième motif : l’occasion ne s’est jamais présentée à eux. Enfin, troisième raison principale donnée : les gens disent vouloir se consacrer un peu plus à leurs proches, un sentiment qui a progressé ces trois dernières années. Inversement, quand on nous demande ce qui nous inciterait à devenir bénévole, nous répondons logiquement, en majorité : avoir plus de temps. Mais une fois évacuée la question de la disponibilité, c’est un événement majeur, une crise sanitaire, une catastrophe naturelle… qui nous conduirait à agir pour les autres devant, même, une difficulté qui nous toucherait personnellement ou un proche. Autrement dit, l’empathie. A.-S. H. 4 300 BLOUSES ROSES L’association compte 76 comités. Celui du Grand Lille intervient dans 15 établissements de l’agglomération, grâce à ses 160 bénévoles. Environ 900 personnes sont recrutées chaque année. L’association fête ses 70 ans. Un anniversaire marqué par une série de temps forts la semaine prochaine. Dans la région, les Blouses roses seront présentes sur la Route du Louvre, dimanche. Pour un don ou devenir bénévole, www.lesblousesroses.asso.fr.