Hydrogene sulfure

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Hydrogene sulfure
Intoxication par l’hydrogène sulfuré
Gh. Jalal, M. Windy, N. Rhalem, R. soulaymani Bencheikh
Centre Anti- Poison et de Pharmacovigilance du Maroc
1. Cas clinique
Le Centre Anti Poison et de Pharmacovigilance (CAPM) a reçu un appel concernant trois ouvriers
travaillant dans un égout qui ont présenté brutalement après leur accès à l’égout ; une détresse
respiratoire compliquée de troubles neurologiques à type de convulsions anoxiques. Ils ont été
transportés en urgence à l’hôpital.
Le médecin traitant a contacté le centre pour se renseigner sur une éventuelle cause d’origine
toxique.
Attitude préconisée pour nos patients
Aux urgences les patients ont bénéficié d’une intubation et ventilation en oxygène pur à fort débit
et traitement des convulsions par diazépam avec bonne évolution clinique sans séquelles.
2. Introduction :
Vu la symptomatologie et les circonstances d’exposition de ces personnes, une intoxication à
l’hydrogène sulfuré (H2S) a été évoquée en premier lieu. En effet ce produit compte parmi les gaz
les plus toxiques, et il représente la cause la plus importante de décès par intoxication en milieu de
travail. Il s’agit d’un type d’intoxication mal connu, qui a cependant été évoqué par le CAPM à
deux reprises lors de l’année 2005.
Les dégagements d’hydrogène sulfuré peuvent se produire non seulement dans les industries
chimique et pétrolière productrices ou utilisatrices de ce gaz, mais également dans les activités les
plus diverses. De plus, ces dégagements d’hydrogène sulfuré sont issus le plus souvent de sulfures
préexistants ou produit sur place par fermentation anaérobie des déchets humains et animaux
(exemple fosses à purin, égouts bateau de pêche).
Dans le secteur industriel, l'hydrogène sulfuré intervient dans différents processus de production
telles que la transformation des produits alimentaires, du traitement des eaux usées, des hautfourneaux, des papeteries, des tanneries et des raffineries de pétrole.
Sa toxicité dépend du temps d’exposition et de la concentration atmosphérique.
3. Propriétés physico-chimiques
L’hydrogène sulfuré est soluble dans l'eau. L'air se trouvant au-dessus de ces solutions peut
devenir explosif. En cas d'infiltration de H2S dans les eaux souterraines (filtrat de rive), celles-ci ne
peuvent plus être utilisée pour la production d'eau potable.
En conditions d'anaérobiose, et en présence de matériel organique se décomposant rapidement sous
l'action de micro-organismes, de l’hydrogène sulfuré peut se former par réduction de sulfate et par
minéralisation de composés organiques de soufre et dégage une odeur caractéristique «d’œuf
pourri » qui pourrait servir de signal d'alerte.
Le seuil de perception olfactive du H2S est souvent soumis à de fortes variations de sensibilité
individuelle, L’odeur décelable à de très faibles concentrations (0.008 ppm) s’atténue ou disparaît
à forte concentration (paralysie des centres nerveux olfactifs et anesthésie de l’odorat au dessus de
100 ppm).
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Le sujet intoxiqué par le gaz devient incapable de sentir l’odeur caractéristique du gaz mais le
risque de l’intoxication est toujours présent, l’alerte de l’intoxication par l’odeur étant supprimée
par inhibition des centres olfactifs.
Le H2S est aussi un gaz faiblement acide pouvant entraîner des phénomènes de corrosion.
4. Mécanisme d'action
La toxicité importante du H2S s'explique par le fait qu'il agit sur l'organisme par plusieurs
mécanismes :
D'abord, il est irritant pour les muqueuses et les voies respiratoires. Il peut donc entraîner un
bronchospasme et, à plus forte concentration (700 ppm et plus), un œdème pulmonaire et une
dépression respiratoire.
L’atteinte systémique est liée à la diffusion de l’ion sulfhydrile dans la circulation générale, qui
inhibe le fonctionnement de la chaîne mitochondriale cellulaire en se fixant sur le fer ferrique
(Fe3+) du cytochrome oxydase. Cette inhibition entraîne une anoxie cellulaire, une acidose
lactique et une transformation de l’hémoglobine en sulfméthémoglobine, bloquant ainsi
l’utilisation tissulaire d’oxygène et entraînant la mort en quelques secondes, en cas d’exposition à
des concentrations atmosphériques élevées.
L’ H2S a aussi une action paralysante des centres nerveux respiratoires induisant une apnée qui
peut être réversible en cas de traitement par oxygénothérapie, l’œdème pulmonaire constaté résulte
de la causticité alvéolaire de H2S. Une neurotoxicité directe est décrite, en rapport avec une
importante liposolubilité et une hyperpolarisation des canaux sodium–potassium inhibant le
fonctionnement cellulaire neuronal.
5. Toxicité
L’intoxication à l’hydrogène sulfuré chez l’homme se caractérise par trois principales formes
cliniques basées sur la nature des symptômes observées.
5.1. La forme suraiguë :
Cette forme s’observe en cas d’exposition à de fortes concentrations atmosphériques (environ
1000 ppm) et une courte durée d’exposition (quelques secondes à quelques minutes). Elle se traduit
par une atteinte du système nerveux central (perte de conscience, convulsions) et des symptômes
de détresse respiratoire et d’apnée.
Des troubles du rythme cardiaque (brady ou tachycardie, fibrillation) et des modifications
tensionnelles (hypotension le plus souvent) peuvent s’observer.
La mort survient en 5 à 10 minutes par arrêt cardiaque. Si l’exposition n’est pas instantanément
fatale (réanimation pendant la phase d’apnée) un œdème pulmonaire retardé est fréquemment
observé. Une amnésie rétrograde avec une diminution des facultés intellectuelles est également
observée.
5.2. La forme subaiguë
C’est une forme rencontrée lors d’exposition à des concentrations atmosphériques de l’ordre de
100 à 1000 ppm. Les principaux effets sont des irritations des muqueuses oculaires et respiratoires
avec conjonctivite, rhinite et dyspnée. L’apparition d’un œdème pulmonaire est encore possible en
fonction de la durée d’exposition. Pour ces concentrations, des troubles neurologiques sont
également observables (perte de connaissance).
5.3. La forme chronique
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Cette forme correspond à un ensemble de symptômes résultant d’exposition intermittentes mais
répétées à des concentrations de l’ordre de 50 à100 ppm. Elle se caractérise par des manifestations
subjectives et variables de malaise (céphalées, asthénie, troubles de la mémoire)
Les affections provoquées par le H2S font partie des maladies professionnelles à déclaration
obligatoire.
6. Traitement
6.1. Curatif
Les mesures suivantes sont à préconiser :
•
Ne pas faire de respiration bouche à bouche.
•
Transporter à l'air frais.
•
Procéder à la respiration assistée (Intubation).
•
Contrôler les convulsions.
•
Maintenir les fonctions vitales : (remplissage vasculaire et administration de
catécholamines si nécessaire)
Le traitement de base doit être adapté selon le tableau clinique et porte essentiellement sur la
correction de l'hypotension, de l'œdème pulmonaire, des arythmies cardiaques et des convulsions.
Le traitement des intoxications au sulfure d’hydrogène comprend l’administration de nitrite
d’amyle par voie inhalée, en ventilation spontanée, suivie d’une injection intraveineuse lente de
nitrite de sodium à la dose de 300 mg (0,33 mg/kg) au mieux dans les cinq minutes suivant
l’exposition . Ces agents méthémoglobinémisants préviendraient la formation de sulfhémoglobine
et amélioreraient le transport d’oxygène. Ils préviendraient aussi la survenue des séquelles
neurologiques post anoxiques.
6.2. Préventif
La prévention des accidents secondaires passe par une sensibilisation des équipes de secours qui
ne doivent pas s’exposer lors d’un contexte évocateur (par exemple un environnement où le risque
d’intoxication par l’hydrogène sulfuré pourrait être présent comme dans les égouts). Un
environnement suspect doit être exploré par des professionnels secouristes munis de dispositif
respiratoire isolant avec pression positive respiratoire dès qu’une odeur d’œuf pourri est perçue .
Les travailleurs qui sont susceptibles d'être exposés au H2S devraient en tout temps, avoir accès à
des masques avec respirateurs autonomes. Des détecteurs de concentration de H2S dans l'air en
lecture directe sont aussi nécessaires.
Il ne faut pas chercher à secourir une victime avant d'avoir accès à un appareil de respiration
autonome.
En fait une oxygénation sous FiO2 100 % est, le seul traitement disponible. Un recours à une
oxygénothérapie hyperbare peut être proposé.
La gravité de cette intoxication donne toute son importance aux mesures préventives.
7. En conclusion
H2S est un gaz mortel à concentration atmosphérique élevée, sa toxicité est multiple, en
particulier neurologique et pulmonaire. Il est irritant à faible concentration.
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Des mesures de sécurité sont préconisées aussi bien dans un milieu industriel qu’au cours du
nettoyage de zones de décomposition organique élevée, Ainsi une intervention dans un contexte
suspect doit être réalisée par des professionnels entraînés au port d’appareil respiratoire spécifique.
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