totem sonique - Centre interuniversitaire des arts médiatiques
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totem sonique - Centre interuniversitaire des arts médiatiques
T otem sonique consiste en une installation sonore interactive, réalisée par Martin Leduc dans le cadre d’une maîtrise en médias interactifs à l’UQÀM. Œuvre à toucher et à faire vibrer, le Totem convie les visiteurs à explorer et à partager des univers sonores novateurs en activant des lamelles métalliques regroupées en quatre claviers autour d’une caisse de résonance verticale de verre remplie d’eau d'où émanent une lumière diffuse et des reflets se mouvant au gré des pulsations. À la fois instrument inventé et automate de transformation sonore, Totem sonique est une invitation à la libre expression du potentiel créatif, tant individuel que collectif. La colonne d’eau accueille un système de diffusion et de captation subaquatique produisant une rétroaction « aquafeedback » contrôlée par l’automate, qui, laissé à lui-même, s'auto organise et engendre sa propre composition. En présence des visiteurs, il prend en charge les modulations de la matière sonore, corollaires aux jeux de l’un et de l’autre. De cette rencontre jaillit un dialogue hommes-machine riche d’interinfluences entre objet et sujet. L’EAU : Grâce à la simplicité d'utilisation du Totem sonique et à l’organisation sonore qui naît de l’échange, la concentration se pose sur le jeu et l'écoute, substituant du même fait au paradigme conventionnel de l'interprète un paradigme axé sur la perception et la découverte. Dans l’ombre, l'automate renforce les structures proposées, et transforme l’esthétique et l’espace. Dès lors, l'humain n'est plus ni déclencheur de séquences, ni activateur de capteurs : il prend part de corps et d'intentions à une communication qui s’éploie au sein d'un univers sonore en constante métamorphose. (Martin Leduc avril 2004) Les choix esthétiques et technologiques qui se trouvent derrière le Totem sonique sont particuliers en ce que la matière sonore provient exclusivement du jeu des visiteurs. Rien n’est préenregistré ou généré par synthèse, et la structure proposée est adaptative et indéterminée. Cette organisation sonore relationnelle et communicationnelle fluctue en fonction du jeu, et se dessine alors une interinfluence entre visiteurs et Totem. DE L’ORGANIQUE À LA MUSIQUE Martin Leduc a 10 ans quand il repère en naviguant une guitare qui dérive sur la rivière il n’hésite pas à la recueillir. Se trace alors devant lui un cheminement vers des sonorités liées à ce cadeau spontané, don de l’eau. Il se tourne résolument vers une approche inexplorée de la musique, puisant à de multiples sources. Comme la pluralité du son l’attire davantage que les prouesses de virtuosité, c’est en musicien expérimental autodidacte qu’il explore l’infinité des sources sonores riches d’inattendu. Martin Leduc abandonne donc la vision traditionAujourd’hui, Martin Leduc participe activement à nombre de projets en nelle de la musique pour définir art médiatique, comme chercheur, et en média interactif, comme concepsa propre démarche, intrinteur sonore et programmeur de systèmes algorithmiques musicaux. Il sèquement hybride et dotée sonde de nouveaux territoires, mais plus que tout, il permet aux autres de d’une esthétique inusitée. Il en le faire. Entre veille technologique et création électroacoustique, il va sans ressort une perception décondidiscriminer du technique à l’organique. Totem sonique, de fait, est une tionnée des timbres, focalisant œuvre de l’eau. « Étant insulaire, l’eau est pour moi un matériau formidasur les vibrations. Il enregistre ble. Sa mouvance épouse toute forme, du creux de la paume aux abysses les trains, la glace qui fend en océaniques. C’est l’immensité de son pouvoir évocateur qui se trouve au février, et en fait des poèmes centre du Totem sonique. Je souhaite que tous s’approprient cette immensonores. De projets en collabosité. Généreuse à l’excès, l’eau offre à chacun d’emporter avec lui une rations, il joue avec des musiexpérience à la fois multiple et unique, fruit d’une poésie singulière. Pour ciens professionnels et des néonous, Nord-Américains, la magie de l’eau se noie dans la banalité du quophytes inspirés. Son travail tidien. Mais même l’eau du robinet porte en elle le symbole de la vie. Totem témoigne de la confluence entre sonique contient une eau parcourue d’ondes sonores et de lumière qui sciences et littérature, technolol’exaltent, attirant ceux qui la regardent en leur procurant un sentiment de gie et poésie, à l’image de son quiétude. Tout se feutre, le miroitement de la colonne d’eau déforme subpassage par les sciences pures, tilement les images, les sons nous enveloppent. Le Totem devient un espace les lettres et l’anthropologie. charnière aux confluents de l’imaginaire et du réel, onirisme de l’éveil dans toute sa simplicité… comme l’eau. Parfois, au hasard, des myriades de bulles constellent les parois de verre, esquissant le firmament de l’eau. » Totem sonique allie donc musique, expérimentations et résonances aquatiques en incorporant l’intention du spectateur et son inventivité au cœur d’une œuvre ouverte. Loin de l’idée du génie créateur, Martin Leduc préfère les aléas du jeu des visiteurs-créateurs, leurs découvertes face à l’instrument imaginé, leur participation spontanée. Refusant l’idée préconçue selon laquelle il faut être un expert pour jouer, il nous propose, dans le cadre de l'Année internationale de l'eau douce, d’éveiller nos sens tant auditifs que tactiles en nous plongeant dans un univers sonore vivant qui nous permet d’explorer la communication par un ludisme individuel et collectif, physique et abstractif. Le Totem ne prescrit pas de comportements liés à un instrument ou à une tradition, à une esthétique préétablie ou à une mode. Martin Leduc se propose de « faire prendre conscience qu’avec un peu d’ouverture et de volonté nous sommes tous créatifs. Totem sonique permet aux visiteurs d’expérimenter une forme d’expression sonore pour accéder aux possibles de la matière, porte ouverte sur la rêverie du son. » L’EMPREINTE DE LA MÉMOIRE COLLECTIVE Chaque visiteur se trouve face à une œuvre vierge, à créer spontanément. Tout est à faire, aucun son ne préexiste et c’est lui qui, avec l’intensité de son toucher, la durée des vibrations, les interstices entre celles-ci, donne forme aux modulations de son imaginaire. Le visiteur se fait alors acteur, musicien et même médiateur. Il fabrique et partage ses émotions à travers une gamme riche de sonorités et agit dans un rapport direct au Totem, sans nul autre intermédiaire que lui-même, mettant alors en place une relation dialogique : une automédiation. Le Totem sonique devient son totem, celui qui retrace son histoire propre et celle de sa collectivité, objet unificateur, sorte de refuge de la tradition orale, de la mémoire collective. L'automate du Totem contribue à l’unification de l'ensemble, en détectant ressemblances et différences dans le jeu singulier et collectif. Il s'alimente de la performance et se mani- feste en transformant l'univers sonore. Martin Leduc propose au visiteur de laisser une empreinte en mémorisant la trace de son jeu. Le Totem, autonome, peut se mettre à vibrer et à jouer en réactualisant certains amalgames d’empreintes antérieures, tels des souvenirs. Expressivité, émotion et partage d’un univers sonore, poésie ondulatoire : voilà ce qui ressort de ce moment de création. L’intervention des acteurs ne vise pas à mettre en lumière la vérité de Totem sonique. Elle s’inscrit dans notre conception moderne de la vérité comme interprétation, en proposant une multiplicité d’approches du travail de l’artiste, lui-même interprétation, symbolisation du monde. Ces approches renvoient les visiteurs à la diversité de leurs lectures, de leurs sentiments. Loin de proposer un modèle commun à une collectivité, les interprétations du monde proposées par l’artiste produisent diversité et pluralité. Lors de la création-réception – singulière et collective – de l’univers sonore, l’acteur élabore des systèmes de communication qui lui sont familiers, afin de cerner au mieux ce que le Totem lui transmet. Il réinterprète avec ses propres sonorités, avec ses référents, les informations qu’il reçoit dans le but d’en faire une expérience personnelle dont il se souviendra lorsqu’il sera de nouveau confronté à une telle situation. À l’évidence, chacun des visiteurs saura inventer et partager de nouveaux potentiels. Martin Leduc, dans sa volonté de faire ressentir le pouvoir rassembleur de l'art par la fonction unificatrice du Totem sonique, a su créer un instrument régi par de nouveaux codes, instaurant le jeu pour le jeu, le plaisir ludique plutôt que la prouesse musicale. Delphine Bonnardot-Vignal Commissaire invitée Titulaire d’une maîtrise en communication à la Sorbonne et d’une maîtrise en études des arts à l’UQÀM, Delphine Bonnardot-Vignal œuvre dans le milieu de l’art et de la médiation depuis 1997. À titre de chercheure et conférencière, elle s’est attachée à l’importance de la réception des œuvres contemporaines auprès du public, et notamment des jeunes. Alliant science et art, elle crée des ponts entre publics et lieux d’expositions, afin de faire perdurer la mémoire collective, c’est d’ailleurs le propos de la thèse de doctorat qu’elle effectue à l’Université de Montréal. Une installation sonore interactive de Martin Leduc TOTEM SONIQUE An interactive sound installation by Martin Leduc T otem Sonique (Sonic Totem) is an interactive sound installation created by Martin Leduc as part of his Master’s in Interactive Media at UQÀM. Totem, designed to be touched and played, invites visitors to explore and experience an innovative sound universe by activating metal strips grouped together into four keyboards around a vertical water-filled glass sounding-box, radiating light and reflections that move with the vibrations. Totem Sonique, at once an invented instrument and a sound-processing automaton, is an invitation to the free expression of personal and collective creative potential. The water column houses an underwater broadcasting and receiving system, producing aquafeedback that the automaton controls. If undisturbed, the automaton arranges and generates its own compositions. When visitors are present, it modulates the sound matter produced by the play of both visitors and automaton. A human/machine dialogue springs from the encounter, intertwining mutual object-subject influences. WATER: FROM ORGANIC Totem Sonique’s user-friendliness and the sound organization born from the exchange allow the focus to remain on play and listening, replacing the traditional paradigm of the performer with one focused on perception and discovery. The automaton enhances the proposed structures and transforms the aesthetic and the space from the shadows. Instantly, the human being no longer triggers the sequence nor activates the sensors, but participates in a physical and intentional communication unfurling in a universe of sound in a constant state of metamorphosis (Martin Leduc, April 2004). The aesthetic and technological choices behind Totem Sonique are unique in that the sound matter is provided exclusively by the play of installation visitors. Nothing is pre-recorded or synth-generated, and the structure provided is flexible and unpredictable. This relational and communicational sound organization fluctuates based on play, manifesting in the mutual influence that the visitors and Totem have on each other. TO MUSIC Martin Leduc was ten when he spotted a guitar floating down the river and picked it up. This marked the beginning of his quest for timbres connected with water’s unexpected gift. He set out on an unexplored musical avenue, drawing on multiple sources. Since it is sound’s plurality that attracts him, rather than feats of virtuosity, it is as a self-taught experimental musician that he explores an infinity of rich, surprising sound sources. Martin Leduc abandoned the traditional vision of music for one of Today, Martin Leduc participates actively in a number of media art his own making, intrinsically projects as a researcher, and in interactive media as a sound designer and hybrid and characterized by an a programmer of musical algorithm systems. He is mapping new territounusual aesthetic. He emerged ries, but even more important, he is enabling others to do the same. with a deconditioned perception Between monitoring technology and electro-acoustic creation, he moves of timbre, focusing on its specfluently from the technical to the organic. Totem Sonique is a piece that tral composition. He recorded uses the medium of water. "As an islander, water as a medium amazes trains and ice cracking in me. It embraces every form, from the crease of your palm to the oceanic February, making them into abyss. At the heart of Totem Sonique is the immensity of water's evocative sound poems. Collaborative power. I hope everyone can appreciate this immensity. Abundantly geneprojects allow him to play with rous, water offers everyone an experience that is at once multiple and sinboth professional musicians and gular, the fruit of a unique poetry. For we North Americans, the miracle of inspired neophytes. His work water is often drowned out by its ordinariness. But even tap water bears embodies the convergence the symbol of life. Totem Sonique shows water alive with exuberant waves between science and literature, of sound and light, arousing the viewer’s interest while creating a feeling technology and poetry, reflecof serenity. Everything blends together as the sparkling column of water ting his journey through the subtly blurs reflections and the sounds envelop us. Totem becomes a sciences, literature and anthrospace in which the real and the imaginary, waking and dreaming swirl pology. together … like water. Sometimes, by chance, clouds of bubbles effervesce on the glass walls, outlining the firmament of water." Each visitor confronts a fresh canvas, a work to be created spontaneously. Everything remains to be done; no sound is pre-formed. Visitors give shape to the frequency of their imaginations through the intensity of touch, the length of the vibration, and the intervals between them. Visitors become actors, musicians and even mediators. They shape and share their emotions through a rich range of sounds and interact directly with Totem, without any other intermediary, forming a dialogical, self-mediating relationship. Totem Sonique becomes their totem, tracing each individual’s history and that of the collective; a unifying object, providing a kind of refuge in oral tradition, a haven for collective memory. Totem’s automaton helps unite the group by detecting similarities and differences in individual and collective play. It is nourished by the performance and manifests itself by transforming the sound universe. Martin Leduc suggests visitors leave a mark by storing the record of their play. Totem, can, on its own, begin to vibrate and play a blended recreation of previous impressions, like memories. Expressivity, emotion, the sharing of a sound universe: a rippling poetry emerges from the moment of creation. The actors are not expected to realize the truth inherent in Totem Sonique. The moment is rather inscribed in our modern conception of truth as an interpretation, while proposing a plurality of approaches through which the artist’s work, a symbolic interpretation of the world in itself, may be accessed. These approaches lead visitors back to the diversity of their experiences and feelings. Far from offering a common model to the collective, the artist's interpretations of the world foster diversity and plurality. Martin Leduc would like to thank the department of communication of UQÀM and the Maison de la culture Ahuntsic-Cartierville. Le Groupe Molior reçoit le soutien du Conseil des arts de Montréal, du Service du développement culturel de la ville de Montréal et du Conseil des arts du Canada. Groupe Molior receives support of the Conseil des arts de Montréal, the Service du développement culturel de la ville de Montréal and the Canada Council. Totem Sonique unites music, experimentation, and aquatic resonance while incorporating the user’s own intention and inventiveness at the heart of an open work. Rejecting the idea of the creative genius as the sole originator of a work, Martin Leduc prefers the unforeseeable play of visitor-creators; delighting in their discoveries and spontaneous participation in his invention. Challenging the preconceived notion that one must be an expert to play, he strives to awaken touch and hearing by plunging us into a universe of living sound. He encourages us to explore communication through individual and collective play that is both physical and abstract, in this, the International Year of Freshwater. Using Totem does not require behaviour associated with an instrument or tradition, with any established aesthetic or fashion. Martin Leduc wants people to "realize that with a bit of openness and volition, we all have the capacity to create. Totem Sonique lets visitors experiment with a form of sound expression to access the medium’s potential, opening the door to the waking dream of sound." THE MARK OF COLLECTIVE MEMORY Martin Leduc remercie le département de communication de l’UQÀM. et la Maison de la culture Ahuntsic-Cartierville Each visitor is clearly capable of inventing and sharing new possibilities. Martin Leduc, in his passion for demonstrating the unifying power of art through the unifying function of Totem Sonique, has created an instrument governed by new codes, instituting play for play’s sake, and ludic pleasure rather than musical prowess. Traduction / Translation : Alison Newal Révision de texte / editing : Isabelle Lamarre Conception Graphique / Graphic Design : France Shaffer Photographie / Photography : Myriam Younès et Marie-andrée Landreville Delphine Bonnardot-Vignal Guest curator Holding a Master’s in Communication from the Sorbonne and a Master’s in Art Studies from UQÀM, Delphine Bonnardot-Vignal has been working in the field of art and mediation since 1997. As a researcher and speaker, she focuses on the importance of the public reception of contemporary works, particularly by young people. Allying science and art, she builds bridges between exhibition spaces and the public in order to preserve collective memory; this is, moreover, the topic for her Ph.D. thesis at Université de Montréal. www.molior.ca