8 - B Dassy -Informatique

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8 - B Dassy -Informatique
Question de
Question de
Décembre 2007
Benoît Dassy
Quelques lignes d'intro
Wikipedia est une encyclopédie dont le contenu, la diffusion
et la reproduction sont libres, et dont le contenu est
modifiable par les utilisateurs. A l’image de cette
encyclopédie, de
de nombreux logiciels ou œuvres libres font
contre-leur apparition sur internet. Un concept qui rame à contre
courant des Copyrights imposés par les multinationales de
l’informatique pour protéger leurs plantureux bénéfices…
L'auteur
Benoît Dassy est secrétaire
secrétaire fédéral des Equipes Populaires
de la région
région bruxelloise
Edité par les Equipes Populaires
Rue de Gembloux, 48 à 5002 St Servais
081/73.40.86 -- [email protected]
Texte disponible sur le site www.e-p.be
▪ Qu'est-ce que "le libre" ?
De nombreux utilisateurs d'Internet connaissent l'encyclopédie Wikipedia. Celle-ci, comme toutes
les encyclopédies, offre des articles sur des sujets variés, rédigés de la manière la plus objective
possible. Wikipedia est une encyclopédie en ligne. Il n'en existe pas de version papier. D'autres
encyclopédies en papier, célèbres, ont réalisé des versions électroniques de leurs articles. Mais
la particularité de Wikipedia est d'être une encyclopédie libre. Qu'est-ce que cela signifie ? Quels
sont les autres outils libres ? Quels sont les avantages et inconvénients des outils dits libres ?
Quels sont les déplacements de perspectives qu'ils induisent par rapport aux outils traditionnels ?
Ce sont ces quelques questions que nous abordons dans ce « Question de point de vue ».
▪ Liberté de diffusion et de reproduction
Un outil, ou une oeuvre, est dite « libre » par opposition à « propriétaire ». Le système
« propriétaire » est le système par défaut dans notre société basée sur la propriété privée.
Lorsqu'un auteur écrit un texte, une chanson ou un morceau de musique, celui-ci est protégé par
le droit d'auteur. Ce droit empêche d'autres personnes de se servir de ce texte sans autorisation
préalable de l'auteur : la diffusion et la copie sont restreintes. Cela vaut aussi pour les textes
d'encyclopédie : en général, il faut acheter l'encyclopédie pour la consulter. On parle aussi de
« copyright ». Wikipedia n'est pas une encyclopédie soumise au principe du droit d'auteur
classique. Elle est consultable gratuitement. Et ce n'est pas tout : nous sommes également libres
de la reproduire et de la diffuser ailleurs sans restriction. On parle alors de « copyleft ». C'est un
subtil jeu de mot anglo-saxon : « left » évoque la gauche et le verbe « laisser », tandis que
« right » évoque la droite et le droit de copie restreint. C'est le premier aspect des outils libres :
leur diffusion et reproduction sont autorisées pour tous. C'est aussi la définition minimale d'une
création libre sur laquelle tout le monde s'accorde. Cet aspect interroge donc la notion de
propriété privée des outils et des oeuvres, habituelle dans notre économie de marché. Il pose
aussi question sur la manière dont ces projets ou outils sont économiquement viables. Nous y
reviendrons.
▪ Contenu modifiable par l'utilisateur
Mais l'aspect le plus intéressant et novateur est le suivant : ces outils ou ces oeuvres sont
modifiables par les utilisateurs. Cet aspect n'est pas considéré par tous comme étant nécessaire
pour pouvoir considérer une oeuvre ou une création comme libre, mais il est très largement
répandu. Dans le cas de notre encyclopédie Wikipédia, cela signifie, en pratique que toutes les
personnes qui se connectent à Internet ont la possibilité de créer ou de modifier des articles de
cette encyclopédie. Cela ne manque pas de susciter des réactions dubitatives de la part des
personnes n'ayant jamais pu apprécier la qualité de celle-ci. Quels sont les doutes le plus
souvent relevés ?
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"Si tout le monde écrit, on y trouve n'importe quoi..."
"On ne peut pas être sûr que ce qui y figure est correct..."
"Il y a sûrement des gens qui s'amusent à mettre des erreurs..."
Les doutes portent donc sur la fiabilité du contenu. S'il n'y a pas l'autorité de Mr Larousse ou de
Mr Universalis, comment être sûr de ce qu'on y trouve ? Cependant, certains utilisateurs ne
découvrent que par après que ce qu'ils pensaient être une encyclopédie officielle et sérieuse est
en fait construite par les Internautes. Comment cela se fait-il ? C'est ce que nous allons voir en
examinant les trois remarques ci-dessus.
Trouve-t-on n'importe quoi ? Ce n'est pas loin d'être faux. Dès qu'une personne a décidé de
faire une page sur un sujet, une personne, un évènement, cette page figure dans Wikipedia. Ce
qui donne parfois une sur-représentation d'articles dans des domaines qui sont plus
particulièrement liés à la culture des gros utilisateurs d'Internet. Ainsi les domaines de sciencefiction, informatique, mangas,… sont beaucoup plus présents que dans les encyclopédies
classiques. A l'inverse, il n'y a a priori aucune certitude qu'il y ait un article sur tous les sujets
présents dans les encyclopédies classiques. Cependant, avec près de 600 000 articles en
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français (près de 1 500 000 en anglais!), de très nombreux sujets sont couverts. Dans la mesure
où cette encyclopédie ne prend pas de place dans la bibliothèque, le fait d'y trouver de nombreux
articles qui semblent anecdotiques au commun des mortels n'est pas particulièrement
dérangeant.
Les informations contenues sont-elles correctes ? C'est un gros débat qui apparaît
régulièrement. Il n'y a pas de comité de validation qui autorise les publications des articles1.
Ceux-ci peuvent contenir des erreurs. Cependant, par la nature électronique et participative de
l'encyclopédie libre, les corrections peuvent être amenées par tous les utilisateurs et à tout
moment, ce qui permet une mise à jour beaucoup plus rapide qu'une encyclopédie papier. Il
existe également une série de procédures pour signaler que tel article manque de sources, que
tel autre est incomplet, que celui-ci est sujet à débat et manque de neutralité, etc... Le lecteur a
donc souvent une bonne indication de la fiabilité de l'article qu'il consulte.
Des erreurs volontaires sont-elles fréquemment glissées dans Wikipédia ? Cela
arrive, parfois par volonté de tester la réactivité de la communauté des rédacteurs, pour voir
combien de temps l'erreur va rester en ligne. Plus souvent, les erreurs volontaires, la
désinformation porte sur des sujets polémiques. Wikipédia cherche à rédiger des articles
pertinents et les plus neutres possible. Lorsque la bonne volonté des participants ne suffit plus
pour trouver un consensus, des procédures peuvent être mises en place pour rédiger l'article : gel
de la participation, temporisation ... Ces procédures sont initiées par un participant privilégié
(modérateur) quand il détecte un problème ou quand il est prévenu par un utilisateur. Ainsi, la
page intitulée « Nicolas Sarkozy » contient cette mention « Cette page est l'objet d’un important
désaccord entre participants et ne peut temporairement pas être modifiée. ». Mais il n'y a aucune
garantie de contenu fiable au-delà de la bonne volonté des participants, de leurs connaissances
et des procédures imaginées pour cadrer les articles. Pour un travail critique, il est toujours
nécessaire de consulter plusieurs sources.
Nous avons maintenant une bonne idée de la logique qui est à l'oeuvre dans les outils libres :
diffusion et reproduction libre et très souvent contenu construit de manière collaborative et/ou
modifiable par les utilisateurs. Dans le cas de l'encyclopédie Wikipédia, il s'agit véritablement de
la construction d'un savoir collectif sur une échelle jamais imaginée jusqu'alors. Les licences
protégeant les oeuvres libres peuvent en outre spécifier certaines conditions d'utilisation ou de
transformation. Ainsi, on peut imposer de citer le nom de l'auteur original, de ne pas en faire
d'utilisation commerciale, de distribuer les contenus dérivés selon la même licence, etc. Dans ce
dernier cas on parle de licence « virale » ou contaminante : un contenu libre donnera des dérivés
qui seront eux-mêmes libre et éventuellement non commerciaux. Il s'agit d'éviter l'appropriation
ou la commercialisation non désirée d'une oeuvre ou d'un outil qui n'a pas été conçu dans ce but.
▪ D'autres outils ou œuvres libres :
vers un nouveau bien commun ?
A côté de la célèbre encyclopédie, de nombreux outils libres se développent. De nombreuses
oeuvres artistiques sont aussi proposées librement sous la licence « Creative commons ». Celleci définit les conditions d'utilisation, de distribution et de transformation de l'oeuvre proposée. Un
morceau de musique peut ainsi être téléchargé et remixé par d'autres musiciens pour créer de
nouvelles oeuvres. Mais des dessins peuvent aussi être utilisés pour illustrer des tracts ou
affiches. Titom, artiste belge engagé au côté des mouvements sociaux met ainsi ses productions
en libre utilisation. Ce qui permet à des asbl qui ne peuvent pas payer un dessinateur pour
chaque tract de bénéficier de dessins de qualité sans frais. Le travail a été fait une fois, pourquoi
payer à nouveau quelqu'un pour faire quelque chose de ressemblant ? C'est une forme de
nouvelle mutualisation des ressources ou de création de biens communs culturels qui est ainsi
initié par le mouvement du libre. Ces biens sont en effet accessibles à tous. Mais leur
développement n'est pas organisé comme s'il s'agissait d'un service public.
1Notons qu'un projet de publication papier de Wikipedia est en cours. Celui-ci ne comprendra une sélection d'articles de qualité qui
seront validés. Cette volonté de sortir de l'univers électronique se veut fidèle à l'ambition de Wikipédia qui est de diffuser au
maximum le savoir, y compris pour les gens qui ne sont pas connectés à la toile.
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Les premières licences libres se sont appliquées au domaine des logiciels. Ce sont ceux que l'on
appelle « logiciels libres ». Le plus célèbre actuellement est le navigateur Internet « Firefox » qui
concurrence « Internet Explorer » de Microsoft. Le système opérateur « Linux » et les
programmes qui l'utilisent sont construits selon le même principe. Le « code source » (la recette
du programme) est à disposition de tous et est modifiable à souhait par les informaticiens. Il est
aujourd'hui possible d'équiper un ordinateur d'un système très complet, gratuitement, en utilisant
uniquement des logiciels libres. Il existe aujourd'hui un véritable « bien commun logiciel » grâce à
l'ingéniosité et à la générosité de certains programmeurs. Ces programmes sont, en effet, conçus
et modifiés de manière bénévole, exceptés pour certains gros projets qui sont partiellement
financés par des fondations ou des entreprises. Tout comme l'encyclopédie, ces logiciels libres
sont accessibles gratuitement mais sans garantie.
▪ Le monde du libre est-il économiquement viable ?
Comment ces projets libres fonctionnent-ils économiquement ? Le travail est souvent fourni de
manière bénévole : des artistes qui créent pour leur plaisir, des informaticiens qui améliorent un
programme dans leur temps libre, des utilisateurs qui complètent un article sur Wikipedia... Mais il
peut aussi être rémunéré par une entreprise qui décide de soutenir les logiciels libres, par des
fondations alimentées par des dons, ou par des acteurs individuels ou collectifs qui souhaitent
payer le développement de nouveaux outils et qui sont prêts à les mettre à disposition d'autres
personnes.
Si le contenu libre est accessible gratuitement, rien n'empêche de vendre un service qui s'y
rapporte : une aide à l'utilisation d'un logiciel, une formation, la mise en forme du site web, etc. En
mutualisant les outils et les contenus, il y a un certain gain d'efficacité qui est possible grâce à la
logique libre.
Une critique courante des acteurs commerciaux est l'aspect contaminant de certaines licences
libres (notamment la plus connue : la General Public License ou GPL). Lorsqu'un travail est
réalisé sous licence GPL, ses dérivés doivent également être distribués sous cette licence. Ce
qui rend leur utilisation difficile par les acteurs commerciaux qui ne peuvent garder l'exclusivité de
leurs outils. Ceci rend la cohabitation de systèmes libres avec des systèmes propriétaires
difficiles. Le logiciel libre est, par principe, un très mauvais outil pour protéger l'innovation puisque
sa recette est accessible à tous. Mais il est intéressant de remarquer que le logiciel libre a
néanmoins amené des innovations (Firefox a développé la navigation par onglet bien avant
Internet Explorer). Ceci contrairement à l'idée reçue selon laquelle aucune bonne idée ne sortira
si elle ne permet pas de rémunérer son auteur. De manière générale, de nombreux projets libres
de qualité existent aujourd'hui. Mais ils ne dégagent pas toujours des bénéfices pour leurs
actionnaires, parce qu'ils n'adoptent pas tous la structure d'une entreprise commerciale.
Plus fondamentalement, on peut rétorquer à la question de la viabilité économique : pourquoi le
monde du libre doit-il justifier sa viabilité économique ? La création commune de savoir et d'outils,
l'investissement de temps et de compétences bénévoles, le partage du résultat avec tous, la
coopération pour améliorer les outils, le soutien financier par dons ou contributions volontaires...
sont autant d'aspects qui interrogent le fonctionnement du marché. Dans celui-ci, la propriété
privée des moyens de production, les brevets, le copyright et la rémunération du travail contraint
sont la norme afin de dégager du bénéfice en étant plus compétitif que le voisin. Pourquoi le
monde du libre doit-il, dans ce marché, prouver sa viabilité au lieu d'être protégé de cette
logique ? Il y a peut-être là un choix collectif à poser sur les modes de fonctionnement à
privilégier. Les licences libres sont une partie de la réponse. Une meilleure connaissance de ce
mouvement, en est une autre, une diffusion massive de produits libres ou un soutien public à leur
développement sont des pistes à inventer.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Article rédigé grâce à des outils libres (Mandriva, Ubuntu, OpenOffice, Firefox et Wikipedia).
Références :
Articles « Wikipedia », « Culture libre », « Logiciels libres » et leurs liens sur l'encyclopédie Wikipedia.
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