Le nationalisme camerounais dans les programmes et manuels d
Transcription
Le nationalisme camerounais dans les programmes et manuels d
Le nationalisme camerounais dans les programmes et manuels d’histoire : réalités et enjeux ÉtienneSegnou,doctorantensociologiepolitiqueàl’UniversitédeDouala Résumé Despayscolonisésdumondeayantconnuuneguerred’indépendance,leCamerounestleseul dontlaguerreresteaujourd’huicachéeméconnue,malconnueetmêmeinconnue.Laguerre d’indépendanceduCamerounaduréseizeansetacauséplusieurscentainesdemilliersdemorts chezlespopulationscamerounaises.ElleopposalaFranceauxnationalistescamerounaissurla question de l’indépendance du Cameroun. Cette guerre est depuis lors niée par les autorités françaises et camerounaises. Hors mis la guerre d’indépendance, le Cameroun a connu de nombreusesautresluttesnationalistesavantlapériodedesonindépendance.Quelleestlaplace decelongpassénationalistedanslesprogrammesetlesmanuelsd’histoiredusystèmeéducatif camerounais ? Telle est préoccupation centrale de la présente communication. Les résultats montrentquelenationalismecamerounaisestlargementdévalorisédanslesditsprogrammes et manuels d’histoire. Les enjeux de cette dévalorisation sont idéologiques, politiques, économiquesetsocioculturels. Mots clés nationalismecamerounais;histoire;mémoire;programmed’enseignement;école Introduction Plus de cinquante ans après l’indépendance et la réunification du Cameroun1, nous avons voulusavoirlaplaceréservéeaunationalismecamerounaisdanslesprogrammesetmanuels d’histoiredusystèmeéducatifcamerounais.Lesnationalistescamerounaissontceuxquise sontélevés,auCameroun,contretouteslesformesdedominationcoloniale,singulièrement contrelesdominationscolonialesallemande,puisfranco‐britannique.L’UPC2futleprincipal mouvement politique dans lequel ils s’organisèrent pour revendiquer la réunification et l’indépendanceduCameroun ;etcela,pacifiquementd’abord,puisparlalogiquedesarmes 1 L’indépendance du Cameroun français a eu lieu le 1erjanvier 1960 et sa réunification avec le Cameroun britanniqueaeulieule1eroctobre1961. 2UniondePopulationsduCameroun.LeplusvieuxpartipolitiqueduCamerouncrééen1948àDoualaetqui existeencoreaujourd’hui. SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. ensuite3.CequienfantaunelongueguerreentrelaFranceetlesnationalistesdel’UPC.Cette guerreduraseizeans(1955–1971)4etcausaplusieurscentainesdemilliersdemortsdu côtécamerounais.Ceconflitfutl’undesplusimportantsmenésparl’arméefrançaisesurle continentafricain,aprèsceluidel’Algérie.Maisàladifférencedelaguerred’Algérie,laguerre d’indépendance du Cameroun est largement méconnue tant par la communauté internationalequeparlesFrançaisetmêmelesjeunesCamerounais.Celaparcequ’ellefut soigneusementcachéedurantsondéroulement,etévacuéeplustarddelamémoirecollective camerounaise.Commentdonclesprogrammesetmanuelsd’histoireduCamerountraitent‐ ilslepassénationalistedecepays ?L’hypothèseduprésenttravailestlasuivante:enraison desenjeuxpolitiques,économiquesetsocioculturels,lenationalismecamerounaisestdévalorisé danslesprogrammesetmanuelsd’histoire.Parconséquent,laplacequiluiyestaccordéene peut permettre à la jeunesse camerounaise de posséder une connaissance suffisante de ce nationalismeafind’avoiruneplusgrandeconsciencedesonidentitéculturelle.Pourlevérifier, nousavonsmenéuneétudequalitativeetquantitativedesditsprogrammesetmanuelsafin d’analyserletraitementquiyestréservéaupassénationalisteduCameroun.Ensuite,nous avons étudié l’impact que ce traitement a sur le niveau de connaissance que les jeunes scolairesontdecepassé.Enfin,nousavonsdégagélesenjeuxquecacheletypedetraitement allouéàcepassédanslesoutilspédagogiquesd’histoireduCameroun. Brève histoire du nationalisme camerounais Avanttoutechose,ilimported’abordderetracer,neserait‐cequebrièvement,l’histoiredu nationalisme camerounais ; ce qui permettra de mieux cerner la profondeur de la problématiquedelaprésenterecherche,ainsiquesesenjeux. Le nationalisme camerounais n’est pas né au moment de la lutte des Camerounais pour l’indépendance de leur pays. Les luttes nationalistes contre la domination étrangère débutèrent en effet au Cameroun dès la seconde moitié de XIXe siècle, au moment où les CamerounaispratiquaientlecommercelégalaveclesEuropéenssurlacôtecamerounaise, aprèsl’abolitiondel’esclavage.Cecommercereposaitsurdeséchangesdeproduits(troc) entrelesEuropéensetlesCamerounaisdel’hinterland,parletruchementdesCamerounais habitantlacôte,ceux‐làservantd’intermédiaires.Enfait,lesCamerounaisdelacôtes’étaient organisés pour combattre les Européens qui voulaient aller traiter directement avec les habitantsdel’hinterlandsanspasserpareux,alorsquecesderniersrecevaientdesavantages considérablesdeleurintermédiation5. LessecondesluttesdesCamerounaiscontreladominationétrangèrefurentlesrésistances qu’ilsmenèrentcontrelapénétrationetlaconquêtecolonialeallemande.Maiscesrésistances furentvaincuesetleterritoirecamerounaisconquisparl’Allemagnequiyinstituaunsystème 3Pourplusd’informationsurl’histoiredesluttesdelibérationnationaleauCameroun,lireprincipalementRichard Joseph,LemouvementnationalisteauCameroun,Paris,Karthala ;AchilleMbembé,(1996),Lanaissancedumaquis dans le Sud‐Cameroun, Paris, Karthala, 1984, 414p. ; Ferdinand Chindji‐Kouleu, Histoire cachée du Cameroun, Yaoundé,Saagraph,2006,352p. ;DanielAbwa,Cameroun:histoired’unnationalisme(1884‐1961),Yaoundé,Clé. 2010,412p. ;ThomasDeltombe,ManuelDomergue,JacobTatsitsa,Kamerun!Uneguerrecachéeauxoriginesde laFrançafrique1948‐1971,Paris,LaDécouverte,2011,coll.« Cahierslibres ».744p. 4Lapremièreguerred’indépendanceestalléede1955à1960etaopposélaFranceauxnationalistestandisque lasecondeestalléede1960à1971etaopposél’Étatcamerounais,soutenuparl’Étatfrançaisetl’arméefrançaise, auxnationalistes. 5Pourplusdedétails,lireVerkijikaG.Fanso,« CommerceethégémoniesurlacôteduCameroun(1879‐1887) », dansMartinZ.Njeuma,dir.,HistoireduCameroun(XIXes.–débutXXes.),Paris,L’Harmattan,1989,p.99‐133. 2 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. coloniald’unecruautéexceptionnelleetimplacable6.Cesystème,introduitparleGouverneur VonPuttkamerreposaitsurunepolitiqued’« exploitationscientifique »duterritoireavecla main‐d’œuvrelocalesoumiseauxtravauxforcés(constructiondesroutes,ponts,cheminsde fer…),auportageetauxtravauxdanslesplantationsdebananeetdecacao7.Faceàcesystème colonialinfligeantdeterriblessouffrancesphysiquesetmoralesauxpopulationslocales,les Camerounais s’organisèrent pour y mettre fin. Dès 1913, un mouvement de résistance fut lancé pour combattre la politique d’expropriation et de ségrégation que les Allemands voulaient appliquer à Douala au mépris des termes du traité de protectorat qu’ils avaient conclu avec les chefs douala (traité germano‐douala). À la tête de ce mouvement de résistancefiguraitRudolphDoualaMangaBell.Maiscedernierfuttrahi,jugéetpendule8 aout1914àDouala. Après la Première Guerre mondiale et la défaite de l’Allemagne, le Cameroun devint un territoiresouscontrôleinternationaletfutconfiéàlaFranceetàl’AngleterreparlaSDN,puis par l’ONU après la Seconde Guerre mondiale. Mais ces deux puissances administrèrent le Camerounnoncommeunterritoireneutre,maiscommeunepartieintégrantedeleurempire colonial africain, et cela, au mépris des accords de mandat et de tutelle. En effet, à titre d’exemple, les directives de la SDN stipulaient que le mandat était provisoire et que, théoriquement, les mandataires devaient progressivement acheminer les territoires sous mandatverslacapacitéàs’administrereux‐mêmes8.Encequiconcernelesaccordsdetutelle élaborésparl’ONU,ilsformulaientpratiquementlesmêmesdirectivesquecellesdelaSDN: « Favoriserleprogrèspolitique,économiqueetsocialdespopulationsdesterritoiressoustutelle ainsiqueledéveloppementdeleurinstruction ;favoriserégalementleurévolutionprogressive verslacapacitéàs’administrereux‐mêmesoul’indépendance9… »LesCamerounaiss’étaient opposésaunon‐respectdecesaccordsparlaFranceetl’Angleterreetavaientcommencéà revendiquerlaréunificationetl’indépendancedeleurpays.C’estainsique,dansleCameroun français,en1948,ilscréèrentunmouvementpolitiquepourexprimerleurrevendication ; mouvementquidevinttrèsvitepopulaire,l’UPC. Au regard de la croissance rapide de la popularité du mouvement nationaliste et de la multiplication des revendications indépendantistes, les autorités françaises décidèrent de réprimeretdefairedisparaitrel’UPCdelascènepolitiquecamerounaise.Enmai1955,elle réprimadanslesanglesmanifestationsindépendantistesdel’UPCetprocédaàl’interdiction dupartile13juilletdelamêmeannée10.Finalement,faceaurefusdelaFrancederépondre aux revendications des nationalistes camerounais et à sa détermination à résoudre le problèmecamerounaisparlaforce,l’UPCn’eutautrechoixqueceluideprendrelesarmes pourmeneruneluttearméequ’ellen’avaitnivoulue,nipréparée11.Cettesituationfitnaitre 6RichardJoseph,Lemouvementnationaliste…p.40. 7Ibid. 8PourplusdedétailssurlesaccordsdemandatdelaSDN,lireDieudonnéOyono,Colonieoumandatinternational, lapolitiquefrançaiseauCamerounde1919à1946,Paris,L’Harmattan,1992,p.17. 9 Retrouvez l’intégralité des accords de tutelle de l’ONU sur le site Internet de l’organisation, URL:http://www.un.org/fr/documents/charter/chap12.shtml. 10Cetterépressiondemai1955estplusconnuesouslenomdesémeutesdemai1955.Elletouchadenombreuses villesdansleSudduCamerounoùlesCamerounaismanifestaientmassivementpourrevendiquerl’indépendance deleurpays. 11Enfait,audépart,l’UPCn’avaitpasprévumenersesrevendicationsparlavoiedesarmes,maispacifiquement. C’est l’intransigeance et la brutalité de l’administration coloniale française qui l’accula à la guerre. Toutes les sourcesleconfirmentaujourd’hui,dontlaplusrécenteestl’ouvragedeThomasDeltombe,ManuelDomergue, JacobTatsitsa,Kamerun !Uneguerre…Cesauteursexpliquenteneffetque,dansuneproclamationcommunedatée du22avril1955,l’UPCréaffirmaitsavolontéd’acquérirl’indépendanceduCamerounsansqu’une« seulegoutte 3 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. une longue guerre entre les deux protagonistes ; guerre qui dura seize ans et causa des centainesdemilliersdemortscivilesauCameroun. En 1960, année de l’indépendance du Cameroun français, la France confia le pouvoir aux Camerounaisquin’avaientjamaisrevendiquél’indépendanceets’yétaientmêmeopposés ; celaaprèsavoirdécidéd’éliminerpolitiquement,militairementetphysiquementlesgrands chefs de l’UPC12 ; avec la collaboration des nouvelles autorités camerounaises (Ruben Um Nyobé:1958,FélixMoumié:1960,ErnestOuandié:1971…).Cependant,malgrél’octroide l’indépendanceen1960,lesCamerounaispoursuivirentlaluttecontrecetteindépendance qu’ilsjugeaient« factice »,afind’obteniruneindépendance« réelle ».L’exécutionpubliqueen janvier1971d’ErnestOuandié,derniergrandchefhistoriquedel’UPCencorevivant,marque lafindelaguerred’indépendanceauCamerounainsiqueladéfaitedel’UPCdanssalutte indépendantiste.Cetteguerreavaitgravementaffectélespopulationscamerounaisesetavait engendrél’unedesdictatureslesplusféroces,lesplusbarbaresetlesplussanguinairesdu continentafricain.Enfait,letoutpremierPrésidentdelaRépubliqueduCameroun,Ahmadou Ahidjo,avaitétérepéré,forméetimposéparlaforceàlatêtedupaysparl’administration colonialefrançaise.Luiaussifutcontraintdes’imposeraupeuplecamerounaisparlaforce durant la quasi‐totalité des vingt‐deux ans de règne sans partage qu’il passa à la tête du Cameroun,de1960à198213. Parailleurs,laFranceavait,parallèlementàsonprojetd’éliminationdesnationalistes,signé desaccordsdecoopérationetdedéfenseaveclesCamerounaisqu’elleavaitsoigneusement sélectionnés et installés au pouvoir au Cameroun14. Ces accords avaient permis à l’armée françaisedepoursuivresoninterventionmilitaireauCamerouncontrelescombattantsde l’UPC jusqu’en 1964, c’est‐à‐dire quatre ans après l’indépendance15. Et durant ses interventionsmilitairesauCameroun,l’arméefrançaiseacommisdenombreusesatrocités contrelespopulationsciviles,celaenraisondel’emploidestechniquesdeguerreemployées en Indochine et en Algérie (regroupement des populations, massacres, propagandes, bombardements aériens, Napalm16. En outre, ces accords avaient permis à la France de maintenirsoncontrôleetsadominationabsoluesurleCamerounmalgrél’accessiondece de sang » ne soit versée (p.179). Lire aussi Daniel Yagnye Tom, L’UPC face au marasme camerounais, Paris, L’Harmattan,2004,p.39. 12PierreMessmer,Lesblancss’envont.Récitdeladécolonisation,Paris,AlbinMichel,2000,p.115. 13 En ce qui concerne le caractère répressif et dictatorial du régime d’Ahmadou Ahidjo, l’ouvrage de Thomas Deltombe,ManuelDomergue,JacobTatsitsa,Kamerun !Uneguerre…donneassezdedétailsdanslaquatrième partiedel’ouvrageintitulée« Unedictaturefrançafricaine »,principalementdansleschapitres26(Ledictateur s’installe (1961‐1963), p.481‐501), 29 (Soumission des esprits et « croisades antiterroristes » (1962‐1964) p.541‐557)et30(Àl’ombredupartiunique(1965‐1966)p.558‐580).Dansceschapitres,ilestfaitétalagede l’existenceauCamerounde« Lachasseaux“subversifs” »,des« Centressecretsd’“internementadministratif”etde “rééducationcivique” »,des« campsderegroupement »,depolitiquedeterreur:« exécutionspubliques,massacres collectifs,têtescoupées,torture,… »,D’encouragementàla« délation »,institutiondes« confessionspubliques »,de l’endoctrinement,du« lavagedecerveau »etdu« bourragedescrânes »… 14Ibid.,p.14‐16. 15LespremiersaccordsdecoopérationetdedéfenseentrelaFranceetCamerounavaientétésignésdèsle30 décembre1958.Accordsprovisoiresaudépart,ilssontdevenusdéfinitifsparlasuiteparleurrenouvellementen 1959,1960,1961et1962,etmêmedanslesannées1970. 16Pourlecasprécisdel’emploiduNapalm,laquestionresteencoreobjetàpolémique.Ilexistedestémoignages de Camerounais attestant de leur utilisation (regarder le film documentaire de Gaëlle Le Roy et Valérie Osou, (2008),Cameroun, autopsie d’une indépendance). Mais les sources scientifiques sont prudentes et n’en parlent qu’auconditionnel.C’estlecasdel’historienmilitaireGabrielPériès,parlantdesopérationsdebombardements aériensmenésauCameroun,quiaffirme,danslefilmdocumentaireci‐dessuscité,ceci:« Cesopérations,encequi concerneleCameroun,auraientimpliquél’emploidunapalm…».LireaussiThomasDeltombe,ManuelDomergue, JacobTatsitsa,Kamerun !Uneguerre…,p.420‐422. 4 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. pays à l’indépendance. Par la suite, ils ont servi de modèle à la décolonisation des autres territoires d’Afrique noire francophone ; et par conséquent, ont servi de base à l’institutionnalisationdunéocolonialismefrançaisdanscesterritoires. Celadit,leCamerounestdétenteurd’unetrèslonguehistoirenationaliste.Mais,étonnement, cettehistoireestfrappéed’unoublivolontaireetinvolontaireassezremarquable.Trèspeu d’ouvragesenparlent.Mêmel’ouvraged’YvesBenot,Massacrescoloniaux(2005),consacré pourtantàl’étudedesatrocitéshumainescommisesparlaFrancedanssesanciensterritoires coloniaux, ne cite pas le cas du Cameroun. La plupart des productions (ouvrages, documentaires…) de chercheurs présentent toujours la décolonisation de l’Afrique noire francophone comme ayant été pacifique, sans préciser l’exception du Cameroun. Le seul ouvrageàcejourquitraite,avecassezdedétails,delagrandeetlongueluttebelliqueusedes Camerounaispourleurindépendanceestl’ouvragedeThomasDeltombe,ManuelDomergue, Jacob Tatsitsa, (2011),Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique1948‐ 1971. Alors, quelle est l’incidence de cet oublidans les enseignements d’histoireau Cameroun ?QuelleestlaplacedupassénationalisteduCameroundanslesprogrammeset lesmanuelsd’histoiredecepays ? État des lieux Ainsi, afin de connaitre la place réservée aux nationalistes camerounais dans l’histoire officielleduCameroun,ainsiqu’àlaluttequ’ilsontmenéepourlalibérationdeleurpaysdu joug colonial, nous avons fait une étude quantitative et qualitative des programmes et manuels d’histoire en vigueur au Cameroun dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. Étude quantitative Jusqu’ici, le Cameroun n’a connu que deux programmes d’histoire dans l’enseignement secondaire général. Le premier date de 1963 et a été modifié fondamentalement en 1990 pour laisser la place au second qui est encore en vigueur aujourd’hui. Dans le premier programme d’histoire, la place du nationalisme camerounais était inexistante. Sur les 249 leçonsqu’ilcomportait,aucuneneportaitsurlepassénationalisteduCameroun,nimême sur l’histoire du Cameroun. Pour ce qui est du programme de 1990, la situation a un peu évoluébienqueleNC(Nationalismecamerounais)ysoitencoreassezlargementmarginalisé. Toutefois,nousétudieronsicilesprogrammesdestroisordresd’enseignement:primaire, secondaireetsupérieur. Encequiconcernelesprogrammesdel’enseignementprimaire,ceuxétudiésdansleprésent travaildatentde2004.Voicilesrésultatsobtenus: Tableau1:LareprésentativitéduNCdanslesprogrammesd’histoiredel’enseignementprimaire Sujets CE1 CE2 CM1 CM2 Totaux Nationalismecamerounais 0 1 2 1 4 HistoireduCameroun 1 4 12 5 22 Histoiredesautrespays 2 0 5 9 16 Totaux 3 5 19 15 42 Source:notreenquête 5 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. Onpeutvoirplusclairementlasituationdanslegraphiquesuivant: Source:notreenquête Comme le montrent le tableau et le graphique ci‐dessus, au primaire, l’enseignement de l’histoireestmajoritairementcentrésurl’histoireduCamerounavec26leçonssur42(61%). Parcontre,pourcequiestdesleçonsconsacréesexplicitementaunationalismecamerounais, onn’enrecenseque4surles42quecomptentlesprogrammes,soit9,5%desleçons.Qu’en est‐ildanslesprogrammesdusecondaire ? Pourcequiestdel’enseignementsecondairegénéral,lesrésultatssontlessuivants: Tableau2:LareprésentativitéduNCdanslesprogrammesd’histoiredel’enseignementsecondairegénéral 5ème 4ème 3ème 2nde 1ère Tle Sujets 6ème Nationalismecamerounais 0 0 1 1 0 1 0 HistoireduCameroun 1 3 3 5 4 6 7 Histoiredesautrepays 22 23 18 21 18 15 15 Totaux 23 26 22 27 22 22 22 Source:notreenquête Onpeutvoircelaplusclairementdanslegraphiquesuivant: Source:notreenquête Ilressortdutableauetdugraphiqueci‐dessusquesur164leçonsd’histoireenseignéesdela SixièmeenTerminale,32sontconsacréesàl’histoireduCameroun(19,5%).Les132autres 6 Totaux 3 29 132 164 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. leçons(80,5%)sontconsacréesàl’histoiredesautrespaysd’Afriqueetàcelledespaysdu reste du monde. Par contre, sur les 164 leçons, seules 2 sont consacrées explicitement à l’étudedunationalismecamerounais,soit1,82%desleçons.Quediredesprogrammesde l’enseignementsupérieur ? Dansl’enseignementsupérieur,nousavonsétudié,àtitreillustratif,leprogrammed’histoire envigueurdepuis2008audépartementd’histoiredel’universitédeDouala ;puisquechaque universitéauCamerounasonprogrammepropre.Lechoixportésurl’universitédeDouala estliéaufaitquec’estl’universitéàlaquellenousappartenons,etcechoixn’estqu’àtitre illustratif dans traitement du cas de l’enseignement supérieur. Ici, le nationalisme camerounaisapparaitseulementdefaçonimplicitedanslesprogrammes. Tableau3: La représentativité du NC (universitédeDouala) Sujets Niv.1 Niv.2 Nationalismecamer. 0 0 HistoireduCameroun 1 1 Histoiredesautrespays 10 10 Totaux 11 11 Source:notreenquête dans les programmes d’histoire de l’enseignement supérieur Niv.3 1 1 12 14 Niv.4 0 11 11 Niv.5 0 2 6 8 Niv.6 0 0 4 4 Niv.7 0 0 4 4 Niv.8 Totaux 1 5 59 65 0 0 2 2 Onpeutvoirplusclairementlasituationdanslegraphiquesuivant: Source:notreenquête Ainsi,delapremièreannéeàlahuitièmeannée,lesprogrammescomportent65matières.Sur ces65matières,6renvoientàl’étudedel’histoireduCameroun,soit9,23%desmatières, tandisquesurl’ensembledetoutesles65matières,uneseuleleçonserapporteauNC,soit untauxdereprésentativitéde1,5%.MaiscetteleçonuniqueneserapporteauNCquede façonimplicite.Elleesteneffetintitulée« LadécolonisationduCameroun ».Cequiestvague, car on peut seulement supposer que la lutte des nationalistes pour la décolonisation du Camerounetlalongueguerrequ’elleaentrainéepourraientêtreabordéesparl’enseignant. Pourtoutdire,surlabasedecetteétudequantitativedesprogrammesd’histoirequivient d’êtreopéréedansl’enseignementprimaire,secondaireetsupérieur,troisconstatspeuvent êtretirés: 1. Les programmes d’histoire au Cameroun sont encore assez extravertis. Autrement dit,onenseigneplusl’histoiredesautrespaysquecelleduCameroun. 7 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. 2. Laplacedunationalismecamerounaisdanscesprogrammesesttrèsmarginaled’un pointdevuequantitatif. 3. Plus on évolue dans le parcours scolaire (du primaire au supérieur), moins le nationalismecamerounaisestprésentdanslesprogrammes. Étude qualitative L’étude qualitative des programmes d’histoire a laissé paraitre que ce n’est que de façon implicitequeleNCapparaitdanscertainesleçonsdesditsprogrammes.End’autrestermes, c’est au regard de l’intitulé de ces leçons que l’on peut s’imaginer que le NC pourrait être abordéparl’enseignant. Par exemple, en classe de Terminale, une leçon d’histoire est intitulée « le Cameroun de l’autonomie interne à l’indépendance (1956‐1960) ». Ce titre est assez vague et par conséquent,necontraintpasl’enseignantàaborderlaluttedel’UPCpourl’indépendance.Qui plusest,leprogrammen’estpasunprogrammeparobjectifs.Letableauci‐dessousmontre clairementlecaractèrevaguedesprogrammesdansl’enseignementsecondaireparexemple: Tableau4: intitulés des cours consacrés explicitement et implicitement au NC dans les programmes d’histoiredel’enseignementsecondairegénéral Classes Intitulésdescours 4ème –Lapénétrationeuropéenneàl’intérieurduCamerounetlaréactiondespopulationsautochtones 3ème –Les résistances à la pénétration européenne au Cameroun (Les résistances sur la côte ; Les résistancesàl’intérieur) –LesmouvementsnationalistesenAfrique (lecasduNigériaetduKenya ;lecasdelaGuinée,du Moyen‐CongoetduTchad) 1ère –LesconquêtesetlesrésistancesauCameroun Tle –L’évolutionadministrativeetpolitiqueduCamerounfrançais(1946‐1956) –LeCameroundel’autonomieinterneàl’indépendance(1956‐1960) –L’évolutionadministrativeetpolitiqueduCamerounfrançais(1946‐1954) –LeCameroundu« statutrégional » àlaréunification(1954‐1961) Auregarddutableauci‐dessus,onconstatequetroiscourssontconsacrésexplicitement,de parleursintitulés,aunationalismecamerounais:« Lapénétrationeuropéenneàl’intérieurdu Cameroun et la réaction des populations autochtones », « Les résistances à la pénétration européenneauCameroun »et« LesconquêtesetlesrésistancesauCameroun ».Àlalecturede ces titres, on se rend à l’évidence immédiatement qu’il s’agit d’étudier les luttes des Camerounaiscontreladominationétrangère.Toutefois,ilfautpréciserqu’ilnes’agitquedes 8 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. luttes s’étant exprimées durant la période coloniale allemande. Celles s’étant déroulées durant la période coloniale française et britannique sont quasi absentes, remplacées simplement par des titres vagues. C’est le cas de l’intitulé suivant: Le Cameroun de l’autonomie interne à l’indépendance (1956‐1960).Le NC apparait dans cet intitulé uniquementdefaçonimplicite,c’est‐à‐direquel’onnepeutquesupposerquecenationalisme pourrait être abordé par l’enseignant pendant le cours. En plus d’être vague, ce cours ne possède aucun objectif devant préciser l’orientation qu’il doit prendre. L’enseignant peut doncfairesoncoursenoccultantplusoumoinsl’étudedel’UPCetdesesacteurs.Parailleurs, le cours consacré à l’étude des mouvements nationalistes en Afrique (Les mouvements nationalistesenAfrique)indiquedeprendrepourexemplelecasdequelquespaysd’Afrique noire(Nigéria,Kenya,Guinée,Moyen‐Congo,Tchad),maislecasduCamerounavecl’UPCn’est pasmentionnécommecasdefigureàprendre.Ilyadoncunevolontéd’occulterleNC. En ce qui concerne l’étude qualitative des manuels d’histoire du primaire (2004) et du secondaire(1995),ilfautdirequel’onaconstatéengrosquel’histoireduNCyestoccultée (la guerre d’indépendance par exemple n’est pas évoquée), falsifiée (par exemple, les manuelsattribuentlaresponsabilitédudéclenchementdesémeutesdemai1955àl’UPC17) et présentée de façon vague (le processus de décolonisation du Cameroun qui a connu de nombreusespéripétiesparexempleesttraitédefaçonassezbrève,sansdétails). Ainsi, tant dans les manuels que dans les programmes d’histoire, le nationalisme camerounais est largement dévalorisé. Quelle est l’incidence d’une telle situation sur le niveaudeconnaissancedesjeunesscolairesausujetdel’histoireduNC ? Impact L’impactdecetétatdefaitsurleniveaudeconnaissancedesjeunesscolairescamerounais est considérable. Selon l’enquête que nous avons menée auprès des 200 élèves, les élèves entretiennentuneméconnaissancedel’histoireduNC ;etletauxdecetteméconnaissance oscilleautourde70%.Pourlesavoir,nousleuravonsposédesquestions(unquestionnaire de64questionsferméesetsemi‐fermées)portantsurl’histoireduNC.Ils’agissaitdesélèves dequatreétablissementsscolairesdelavilledeDouala(LycéedeNylonBrazzaville,Lycée techniquedeKoumassi,CollègeAlfredSakeretleCollègepolyvalentSuzanna),âgésentre15 et25ans,desdeuxsexes(100filleset100garçons).Letableauci‐dessousprésente,àtitre illustratif, les réponses données à 21 des 64 questions posées aux 200 élèves en ce qui concernelenationalismes’étantexprimédurantlaluttepourl’indépendance. Tableau5:étatdesconnaissancesdesélèvesausujetdelaluttedesCamerounaispourl’indépendance QUESTIONS REPONSES Connaissances exactes Connaissances approximatives Connaissances inexactes Totaux Ignorance totale 17 Il est aujourd’hui scientifiquement établi que ce n’est pas l’UPC qui a été à l’origine du déclenchement des émeutesdemai1955,maisquec’estbienleGouverneurfrançaisdel’époque,RolandPré.Cedernieravaitété envoyéauCamerounavecpourmissionprincipaled’éradiquerl’UPC.Àcesujet,voirIbid,p.149‐177. 9 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. 1. Réaction de la France face aux revendications indépendantistes del’UPC 134(67%) 0(0 %) 27(13,5 %) 39(19,5%) 200 2. Existence d’une guerre d’indépendance auCameroun 113(56,5%) 0(0 %) 41(20,5 %) 46(23%) 200 3. Durée de la guerre d’indépendance au Cameroun 0(0%) 19(9,5 %) 12(6 %) 169 (84,5%) 200 4. Date du déclenchementdes massacres contre les revendications indépendantistes desCamerounais 42(21%) 0(0 %) 33(16,5 %) 125 (62,5%) 200 5. Le nom de l’ordonnateur des massacres contre les revendications indépendantistes desCamerounais 8(4%) 0(0 %) 105(52,5 %) 87(43,5%) 200 6. Date de la dissolution de l’UPC par l’administration française 58(29%) 0(0 %) 40(20 %) 102(51%) 200 7. Date de l’assassinat de RubenUmNyobé 0(0%) 7(3,5 %) 8(4 %) 185 (92,5%) 200 8. Date l’assassinat FélixMoumié de de 0(0%) 2(1 %) 7(3,5 %) 191 (95,5%) 200 9. Statut d’Ernest Ouandié dans l’UPC 0(0%) 3(1,5 %) 17(8,5 %) 180(90%) 200 10 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. 10. Statut d’Ossendé Afana dansl’UPC 0(0%) 0(0 %) 7(3,5 %) 193 (96,5%) 200 11. Statut d’Abel Kinguèdansl’UPC 0(0%) 0(0 %) 7(3,5 %) 193 (96,5%) 200 12.Significationde l’ALNK 0(0%) 1 (0,5 %) 2(1 %) 197 (98,5%) 200 13. Date de l’indépendance du Cameroun 191(95,5%) 0(0 %) 5(2,5 %) 4(2%) 200 14. L’acceptation par l’UPC de l’indépendance accordée au Cameroun 87(43,5%) 0(0 %) 90(45 %) 23(11,5%) 200 15. Réaction de l’UPCaprèsl’octroi de l’indépendance auCameroun 88(44%) 0(0 %) 60(30 %) 52(26%) 200 16. Ce que l’UPC pensait de l’indépendance accordée au Cameroun 134(67%) 0(0 %) 30(15 %) 36(18%) 200 17. Nom du premier Président du Cameroun indépendant 162(81%) 0(0 %) 33(16,5 %) 5(2,5%) 200 18. Nom du leadeur nationaliste de l’UPC assassiné à Genève 63(31,5%) 0(0 %) 41(20,5 %) 96(48%) 200 19. Les régions du Cameroun ayant souffert de la lutte pour 53(26,5%) 58(29 %) 7(3,5 %) 82(41%) 200 11 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. l’indépendance du Cameroun 20.Nomdudernier leadeur nationaliste à être tué 49(24,5%) 47(23,5 %) 104(52%) 200 21. Date et lieu où le dernier grand leadeur nationaliste de l’UPCfuttué 28(14%) 37(18,5 %) 135 (67,5%) 200 Source:notreenquête Commeonpeutlevoirdansletableauci‐dessus,leniveaudeconnaissancedesélèvesausujet delaluttepourl’indépendanceauCamerounesttrèsfaible.Sur21questionsposées,seules cinqontobtenudesréponsesexactesvenantdeplusdelamoitiédes200élèvesinterrogés, soit23,8%desquestionsposées(questions1,2,13,16et17).Parcontre,ceuxquiontun peuplusdeconnaissancessurleNCainsiquesurdesfaitsquinesontpasenseignésàl’école (par exemple la guerre d’indépendance), puisent ces connaissances dans les programmes télévisés (émissions sur l’histoire du Cameroun), dans les journaux et les documentaires vendus en borduredesrues,etdans leslivreshorsduprogrammeofficiel.Autrement dit, dans les sources secondaires d’apprentissage. Le tableau et le graphique ci‐dessous présententlareprésentativitédecessourcessecondairesd’apprentissagedel’histoireduNC chezles200jeunesscolairesinterrogés: Tableau6:lessourcessecondairesd’apprentissagedel’histoireduCamerounchezlesjeunesscolaires Sourcescomplémentaires Effectifvalide Effectifnonvalide Total Livreshorsprogramme 42(21 %) 158(79 %) 200(100 %) Télévision 131(65,5 %) 69(34,5 %) 200(100 %) Documentairesetjournaux 105(52,5 %) 95(47,5 %) 200(100 %) Autre 31(15,5 %) 169(84,5 %) 200(100 %) Nullepart 13(6,5 %) 187(93,5 %) 200(100 %) Source:notreenquête 12 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. Source:notreenquête Du tableau ci‐dessus, il apparait que 187 jeunes sur 200 interrogés, soit 93,5%, ont des sourcessecondairesd’apprentissagedel’histoireduCameroun.Etdugraphiqueci‐dessus, s’observentclairementlesdeuxprincipalessourcessecondairesd’apprentissagedel’histoire duNC:latélévisionenpremier(enrouge)etlesjournauxetdocumentairesensecond(en vers). Àlatélévisioneneffet,ilexistedesémissionsconsacréesàl’histoireduCameroun.Lachaine de télévision camerounaiseCanal2 Internationala par exemple une émission consacrée à cela:« Latribunedel’histoire ».Etdanscetteémission,estparfoisabordéel’histoiredela décolonisationduCamerounainsiquelaguerred’indépendancequ’elleaconnue.Dansles journaux également, principalement de la presse privée camerounaise, les nationalistes et leursactionsenfaveurdeladécolonisationduCamerounsontassezsouventabordésdans des articles, des dossiers, des hors‐séries et des éditions spéciales. À titre illustratif, le quotidienprivéLeMessagerapublié,pourlaseuleannée1993,10éditionscomportantdes articlessurl’histoireduNC ;en1990,8éditionsdontdeuxHors‐sériesetundossier ;en1992, 6 éditions dont une édition spéciale et deux dossiers. À l’occasion des cinquante ans de l’indépendanceduCameroun,enjanvier2010,lejournalapubliéuneéditionspécialesur l’évènement avec pour grand titre « Indépendance: La guerre secrète de la France au Cameroun ». Enfin, des documentaires sur la décolonisation du Cameroun se vendent en bordurederouteàvilprix(500FCFA=0,76Euro),sursupportsDVDpiratés. Oncomprenddoncpourquoilesélèvespeuventavoirdesconnaissancessurcertainspoints duNCquinesontpasenseignésenmilieuscolaire.Celaparceque,d’aprèslasociologiede l’éducation,danslessociétésmodernes,« l’écolenedétientpluslemonopoledeladiffusiondes connaissances. La télévision et les journaux s’en sont mêlés » (Quivy R., Campenhoudt L. V., 1995,P.p.89‐90). Par ailleurs, lesquestionsposéesaux200élèves ont aussi évaluélaconnaissancevisuelle qu’ilsontdesacteursdel’histoireduNC.Ilsdevaientidentifiersurlesphotosquileurontété présentées,lesvisagesdespersonnageshistoriquesqu’ilsconnaissaient.Voicilesrésultats: 13 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. Tableau7: état des connaissances visuelles des élèves au sujet des acteurs de l’histoire du nationalisme camerounais QUESTIONS REPONSES Totaux Connaissances exactes Connaissances approximatives Connaissances inexactes Ignorance totale 1. Abel KINGUE 0(0%) 0(0%) 32(16%) 168 (84%) 200 2. NGOSSO DIN 2(1%) 1(0,5%) 39(19,5%) 158 (79%) 200 3. Charles ATANGANA 65(32,5%) 3(1,5%) 34(17%) 98(49%) 4. Martin PaulSAMBA 11(5,5%) 0(0%) 63(31,5%) 126 (63%) 5. Ahmadou AHIDJO 133(66,5%) 9(4,5%) 12(6%) 46(23%) 6. André‐ Marie MBIDA 37(18,5%) 2(1%) 50(25%) 111 (55,5%) 7. Félix MOUMIE 11(5,5%) 4(2%) 20(10%) 165 (82,5%) 200 8. Pierre MESSMER 20(10%) 9(4,5%) 36(18%) 135 (67,5%) 200 9.RubenUM NYOBE 72(36%) 1(0,5%) 21(10,5%) 106 (53%) 200 10. Rudolph DOUALA MANGA BELL 19(9,5%) 1(0,5%) 11(5,5%) 169 (84,5%) 11. Ernest OUANDIE 3(1,5%) 2(1%) 19(9,5%) 176 (88%) 200 200 200 200 200 200 14 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. 12. Castor OSSENDE AFANA 1(0,5%) 0(0%) 40(20%) 159 (79,5%) 200 Source:notreenquête Onpeutobserverplusdistinctementlasituationdanslegraphiquesuivant: Source:notreenquête La constatation qui ressort du tableau et du graphique ci‐dessus est qu’au niveau de l’identificationvisuelledesacteursdel’histoireduNC,leniveaudeconnaissancedesjeunes d’âge scolaires est extrêmement faible. Cela peut se voir à travers la courbe violette représentantl’ignorancetotaledanslegraphique.Eneffet,seuleunefiguredel’histoiredu NCsurles12proposéesaétéidentifiéeparplusdelamoitiédesélèvesinterrogésàsavoir 133/200élèves.Ils’agitd’AhmadouAhidjo.Lasecondefigurevientavec72identifications exactes.Ils’agitdeRubenUmNyobé.Ilfautdirequelesphotosdecesdeuxacteursfigurent effectivement dans les manuels d’histoire, principalement dans ceux du primaire. Les réponsesexactesapportéesseraientdoncliéesàcela. Autotal,laplacedunationalismecamerounaisdanslesauxiliairespédagogiquesd’histoire estlargementinfime ;cequiinduituntrèsfaibleniveaudeconnaissancedecenationalisme chezlesjeunesscolaires.Qu’est‐cequijustifieunetellesituation ? Perspective théorique et enjeux Pourquoi donc n’enseigne‐t‐on pas suffisamment l’histoire du nationalisme camerounais danslesécolesetlesuniversitésalorsqu’onsaitquecenationalismeacontribuélargement àl’évolutionpolitiqueduCameroun ?Cettequestionestd’autantpluspertinentequel’onsait quel’undesobjectifsdel’enseignementdel’histoireauCamerounestdedonnerauxjeunes scolaires« uneplusgrandeconsciencedeleuridentité18 » ;celaafindeproduiresocialement 18C’estcequiestécritdanslepréambuledesprogrammesd’histoiredel’enseignementsecondairegénéral. 15 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. des« citoyenspatriotes,éclairés,fiersdeleuridentité19… »Commentpeut‐onvouloirfairedes jeunescamerounaisdespatriotestoutenleurcachantlaviedesCamerounaisquiontposé desactespatriotiquesenluttantpourl’indépendancedeleurpays ?Enfait,lesprogrammes etmanuelsd’histoireneprésententqu’uneseuleversiondel’histoirepolitiqueduCameroun etcetteversionoccultelaluttedesnationalistes. Cadre théorique Pour mieux comprendre cette situation, il importe d’abord d’envisager une explication théorique qui est la suivante : Au moment des indépendances des pays soumis au joug colonialdesgrandespuissancesoccidentales,cesdernièresontinstituéunnouveausystème derapportdedominationquileurpermitdecontinueràgarderlamainmisesurlesmatières premièresdecespayscommecefutlecasdurantlapériodecoloniale,celaaveclacomplicité desdirigeantslocaux(théoriedunéocolonialisme,KwaméNkrumah,1973).Pouréviterque lespopulationsautochtonesneserévoltentfaceàcettereconductiondusystèmecolonial,la violence symbolique est utilisée à travers l’institution dans tous les domaines de la vie nationale(politique,économique,social,culturel,éducatif,etc.)desmécanismessubtilsde domination.Cesmécanismesvisentlaréificationdelaconsciencedecespopulations,cequi permetdemieuxlesmanipuler.L’ensembledecesmécanismessubtils—pourcequiestdes rapportspostcoloniauxentrelaFranceetsesanciennescoloniesafricainesdontleCameroun —apournom« Françafrique »(théoriedela Françafrique,François‐XavierVerschave,2004). Ainsi,lecapitalismeoccidental,pouratteindresesobjectifsdedominationetd’exploitation danslesex‐colonies,commel’expliqueJeanZiegler(1980,p.28),détruitnonseulementles modesdeproductionnoncapitalisteslocaux ;il« liquideaussil’universculturel,lesstructures motivationnellesautochtones ».Bref,il« détruitl’identitépropre,lamémoireetl’histoiredes peuplesdelapériphérie ».Autrementdit,ilréifielaconsciencedecespeuples.Parconséquent, dans ces pays exploités, l’école a fondamentalement pour but, en ce qui concerne l’enseignement de l’histoire, la reproduction sociale des individus ignorants de leur passé (théoriedel’écolereproductricePierreBourdieuetJean‐ClaudePasseron,1970).Ducoup, l’histoireestenseignéeàl’écolenonpasdanslebutdeconstruireunemémoirecollective,et partant,unevéritableconscienceetuneidentiténationaleetculturelle,maisdanslebutde légitimeretdemaintenirl’ordrededominationetd’exploitationexistant.Eneffet,lamémoire collectivedespeuplesdominésestunréservoirdesignificationsalternativesappelées« faits culturels » (Amilcar Cabral)20. Chaque fait culturel comportant des significations pouvant concourir à la construction nationale, à la construction de l’identité alternative et à la conscience de résistance est paralysé, étouffé, rendu muet par la violence symbolique des dominants(AmilcarCabral, Op.Cit.). AuCameroun,l’États’estmêmedonnépourmission,pendantplusdetrenteans,d’êtreleseul rédacteurdel’histoireduCamerounafinquelesCamerounaisnesachentdel’histoiredeleur pays que ce que l’État a décidé qu’ils doivent savoir21 (théorie de l’État‐historien, Achille Mbembé,1989).Àpartirduprésentcadrethéorique,peuventsedégagerlesenjeux. 19Lirelesétatsgénérauxdel’éducation,établisen1998,etfixantlesobjectifsdel’écoleauCameroun. 20AmilcarCabral,citéparJeanZiegler,Mainsbassessurl’Afrique,Paris,Seuil,1980,p.215. 21PendantunelonguepériodeauCameroun(desannées1960jusqu’audébutdesannées1990),ilétaitinterdit, même dans un cadre scientifique et de recherche, de parler de l’histoire du Cameroun et de ses acteurs, principalementencequiconcernelapériodedeladécolonisation.Lireletémoignaged’AchilleMbembé« L’État‐ historien »,dabsRubenUmNyobé,Écritssousmaquis,Paris,L’Harmattan,1989,p.9‐42. 16 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. Enjeux Nos recherches — à travers des interviews réalisées auprès des chercheurs, enseignants, inspecteurspédagogiquesethommespolitiques—nousontpermisd’avoirdesélémentsde réponseàlaquestiondupourquoidel’absencequasitotaledeNCdansl’enseignementde l’histoireauCameroun.Eneffet,lamémoirenationalisteduCamerounrenfermedesenjeux nonseulementauxyeuxdel’Étatcamerounais,maisaussiauxyeuxdel’Étatfrançais.Carces deuxÉtatsontcoopéréàlarépressiondesrevendicationsindépendantistesmenéesparles nationalistescamerounais,etcoopèrentencore,depuis196022,àladéfinitionducontenudes programmesetdesmanuelsd’enseignementduCameroun.Celadit,cesenjeux—auregard decequiestressortidesinterviewsquenousavonsmenéessurlaquestion23 —serésument ainsi : l’histoire du nationalisme camerounais renferme des vérités qui, si elles étaient révélées à la jeunesse camerounaise, pourraient ébranler les fondements de l’État camerounaisetceuxdeladominationfrançaiseauCameroun.End’autresmots,relatercette histoireseraitfaireunprocèsauxÉtatscamerounaisetfrançais.Pourquoi ? En fait, il se trouve qu’au moment où le Cameroun francophone devait acquérir son indépendancedeuxcampssesontformésparmilesCamerounais.Onavaitd’unepartlecamp deceuxquivoulaientetrevendiquaientl’indépendanceduCameroun,représentéparl’UPC etunelargemajoritédesCamerounais ;etd’autrepart,lecampdeceuxquinevoulaientpas du tout de cette indépendance, représenté par les collaborateurs de l’administration colonialefrançaise.Maisparadoxalement,c’estàceuxquirefusaientcetteindépendance— et qui combattaient avec acharnement les Camerounais qui la revendiquaient —, que la Franceremitlepouvoiren1960.Autrementdit,commel’ontmontréAchilleMbembé(1984 et 1989) ainsi que Thomas Deltombe et Al. (2011), la France attribua finalement l’indépendance à ceux qui ne l’avaient jamais revendiquée et qui s’étaient même farouchement opposés à son principe ; alors que, logiquement, cette indépendance et le pouvoirquiendécoulaitdevaientrevenirauxnationalistesdel’UPC.Cequiestuncasunique danstoutel’histoiredesdécolonisationsdanslemondeentier. Sidonclesjeunesscolairessontsuffisammentimprégnésdecesfaitshistoriquesàl’école,ils pourraient s’interroger sur la légitimité de ceux qui sont au pouvoir au Cameroun depuis 1960 et qui se disent être les « pères fondateurs » du Cameroun moderne ainsi que les « artisans » de l’indépendance du Cameroun. En d’autres termes, ils réaliseraient que c’est ceuxquin’ontpasluttépourl’indépendancequisontaupouvoirdepuis1960.Celapourrait expliquerlescraintesdesgouvernantscamerounais,etjustifierl’occultationetlafalsification dupassénationalisteduCameroun. Ducôtédel’Étatfrançais,l’enjeuestliéàl’imagedelaFrancedanslemonde.Celaàcausede lafaçondontlaFranceréprimalesrevendicationsindépendantistesauCameroun.Elleusa en effet — selon l’historiographie récente (films documentaires, ouvrages) —, de tous les 22LeCamerounacquitsonindépendancele1erjanvier1960etsignadenombreuxaccordsdecoopérationavecla Francesurpratiquementtouslesplansdelavienationale,dontsurleplandel’éducationetceluidelaculture. 23Danslebutdecomprendre,entreautres,lesenjeuxdeladévalorisationdunationalismecamerounaisdansles programmes et manuels d’histoire, nous avons interviewé des responsables et agents du système éducatif camerounais (Inspecteurs pédagogiques, Inspecteurs généraux d’enseignement, enseignants…) des hommes politiques,despolitologues…Àcesinterviews,aétéajoutéelarecherchedocumentairevisantàlirecequeles autreschercheursontdéjàditsurlaquestion. 17 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. moyenspossiblespouranéantirpolitiquementetmilitairementl’UPCetsespartisans.Tandis que l’armée française disposait des armes de guerre modernes (chars d’assaut, avions, bombardiers,artillerie…),lescombattantscamerounaisnedisposaient,poursedéfendre,que des machettes, des gourdins, des fusils de chasse… C’est ainsi que plusieurs centaines de milliersdeCamerounais(civilsetcombattants)furentmassacrésparl’arméefrançaise24.La Francenevoudraitdoncpasquel’onsachequ’ellefitlaguerreàunpaysafricainavecdes armessophistiquées,maissurtoutàdesNoirsquasimentdésarmés ;et,quiplusest,dansun territoirequin’étaitpassacolonie.Ainsi,officiellement,pourlaFrance,ilnes’estrienpassé au Cameroun. Cette position de la France a été réitérée en mai 2009 lors de la visite du Premier ministre français au Cameroun, François Fillon. Il affirmait alors ceci : « Je dénie absolumentquedesforcesfrançaisesaientparticipéenquoiquecesoitàdesassassinatsau Cameroun.Toutcelac’estdelapureinvention25. » Quoi qu’il en soit, au sujet de cet enjeu lié à l’image de la France, Ferdinant Chindji‐ Kouleu26 donneplusd’explications: « LaFranceafaituneguerreencachette.LesFrançaisontcachécequisepassaitparhonte. Ilsétaientgênésquelemondeapprennequ’ilsfontuneguerrecontredesNoirs.Àl’époque, onconsidéraitlesNoirscommedessous‐hommes.C’étaituneguerreinégaleetlaFrancequi venaitdeperdreenIndochine,avoulul’étoufferpartouslesmoyens.Ilyaeudesmassacres incroyables.Or,dansbeaucoupdedocuments,onneparlepasdeguerre,maisde “mouvements”,“d’actions”…Bref,c’estdifficilepourlaFranced’assumerqu’elleadéployéde l’artillerielourdecontredesgensarmésdemachette,degourdinetdepistoletsdepetit calibre27[…] » Enoutre,enplusdecesenjeuxidéologiques,onapurecenser,pourl’Étatcamerounaiset pourl’Étatfrançais,desenjeuxpolitiques,économiquesetsocioculturels28: Auplanpolitique,lesenjeux,pourleCamerounetpourlaFrance,sontunenjeude pouvoir : le maintien au pouvoir de ceux qui dirigent l’État camerounais, et le maintiendeladominationdelaFrancesurleCameroun. Au plan économique, l’enjeu pour l’État camerounais est la conservation des privilègesetdesprofitséconomiquesliésàgestiondupays,tandisquel’enjeupour l’Étatfrançaisestlaconservationdesamainmisesurlesrichessesdusoletdusous‐ solcamerounais. Au plan social, les enjeux sont les mêmes pour l’État camerounais et pour l’État français : le risque d’une prise de conscience collective au sein des masses 24Unepolémiqueexisteencoresurlenombredemortsquecausalaguerred’indépendanceauCameroun.Lire poursavoirThomasDeltombe,ManuelDomergueetJacobTatsitsa,Kamerun !Uneguerre…,p.20‐26.Cependant, ilrestequelesvictimesontététrèsnombreuses. 25 Propos de François Fillon, Premier Ministre du gouvernement français, répondant aux questions des journalisteslorsdelaconférencedepressedonnéeàl’IRIC(InstitutdesRelationsInternationalesduCameroun) àYaoundé,lejeudi21mai2009.ExtraitdusitedeFrançoisFillon,surlelien:http://www.blog‐fillon.com/article‐ 31879495.html 26Enseignant‐chercheuraujourd’huienretraite,FerdinantChindji‐KouleualetitreProfesseurdesUniversités.Il beaucouptravaillésurl’histoireduCamerounetestl’auteurdel’ouvrageHistoirecachéeduCameroun(2006). Aussi,ilaétéuntémoindirectdelaguerred’indépendanceduCamerounpuisqu’ilaétéenrôlédeforcedansles rangsdelabranchearméedel’UPC,appeléeàl’époqueALNK(ArméedeLibérationNationaleduKamerun). 27 Extrait d’une interview de Ferdinand Chindji‐Kouleu, dans le quotidien privé camerounaisLa Nouvelle Expression,n°2317dujeudi25septembre2008. 28Touscesenjeuxsontissusdesrecherchesquenousavonsmenées(Interviews,recherchedocumentaire). 18 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. camerounaisesdetoutcequis’esteffectivementpassé,cequipourraitentrainerdes révoltes,dessoulèvementspopulaires,desinsurrections,bref,desrévolutionscontre l’ordrededominationexistant. Auplanculturel,l’enjeusesitueauniveaudelaFranceuniquement:laperpétuation deladestructiondel’identitéhistoriquedesCamerounais,cequientrainel’aliénation culturelleetempêcheparconséquentl’éclosiond’uneconsciencealternativeausein desmassescamerounaises. Commerecommandations,nousavonsproposéderevoirlecontenudesprogrammesetdes manuelsd’histoireenrevalorisantlaplacedunationalismecamerounais ;c’est‐à‐direenlui donnant plus de visibilité quantitativement et qualitativement, et plus de légitimité. Car vouloirbâtirunpaystoutenoubliantceuxquiontluttépoursalibérationc’estselancerdans uneentrepriseimpossible.EtcommeledisaitElieWiesel, « unpeuplesansmémoireestun peuplesansavenir29 ». Conclusion Voilàdonclaquintessencedutravailderecherchequenousavonsmenésurlaquestiondela place du nationalisme camerounais dans les programmes et manuels d’histoire. Jusqu’ici aucunvéritabletravailscientifique,dumoinsànotreconnaissance,n’avaitencoreétémené surcetteproblématique.Destravauxsemblablesontétémenés,maisenFrance,surlaplace delacolonisationetdeladécolonisationdanslesenseignementsfrançais.Lesrésultatsont aboutiàlamêmeconclusion:mêmeenFrance,ilyaunevolontéd’occulterlesméfaitsdu passécolonialfrançais30.End’autrestermes,laFranceaussiaunproblèmeavecsonpassé colonialquilahante,etqu’elleaparconséquentdumalàassumer31.Carcepassécolonial renfermedenombreuxmassacresetatteintesauxdroitsdel’Homme,principalementpour cequiestdesesex‐coloniesd’Afrique32.Doncendéfinitive,l’intérêtduprésenttravailest qu’ilposelespremiersjalonsscientifiquesdevantaideretguiderlesrecherchesfuturessur laquestiondel’enseignementdel’histoiredunationalismecamerounaisdanslesécolesetles universitésduCameroun. Pour en savoir plus ABWA,Daniel.Cameroun:histoired’unnationalisme(1884‐1961).Yaoundé,Clé,2010,412p. BENOT,Yves.Massacrescoloniaux.1944‐1950:laIVRépubliqueetlamiseaupasdescolonies françaises. Paris, La Découverte, 2005, coll. « La Découverte Poche/Sciences Humaines et Sociales »,no107,224p. 29Citationtiréed’undocumentairetélévisésurlachaineToutel’histoire. 30Cestravauxsontdisponiblessurlesitedel’INRP.Ils’agitdestravauxdeAnne‐MarieBenhayoun,GillesBoyert Benoit Falaize, « Colonisation et décolonisation dans les Programmes de l’école primaire (1995‐2002) » ;« La colonisation et la décolonisation dans les manuels de l’École primaire1996‐2007 » ; « La colonisation et la décolonisationdanslesapprentissagesscolairesdel’écoleprimaire »,2010. 31Pourensavoirplus,lirePascalBlanchard,NicolasBancel,SandrineLemaire,dir.,Lafracturecoloniale.Lasociété françaiseauprismedel’héritagecolonial,Paris,LaDécouverte,2006,coll.« Essais »,no232,322p. 32LireYvesBenot,Massacrescoloniaux,1944‐1950:laIVeRépubliqueetlamiseaupasdescoloniesfrançaises, Paris,LaDécouverte,2005,coll.« LaDécouvertePoche/SciencesHumainesetSociales »,no107,224p. 19 SÉGNOU,Étienne.« Lenationalismecamerounaisdansleprogrammesetmanuelsd’histoire:réalitésetenjeux ». HistoireEngagee.ca(16avril2014),[enligne].http://histoireengagee.ca/?p=4178. BLANCHARD,Pascale,NicolasBANCEL etSandrine LEMAIRE,dir.Lafracturecoloniale.La sociétéfrançaiseauprisedel’héritagecoloniale.Paris,LaDécouverte,2006,coll.« Essais », no232,322p. BOURDIEU,PierreetPASSERON,Jean‐Claude.Lareproduction.Paris,Minuit,1970,284p. CHINDJI‐KOULEU,Ferdinand.HistoirecachéeduCameroun.Yaoundé,Saagraph,2006,352p. DELTOMBE,Thomas,ManuelDOMERGUEetJacobTATSITSA.Kamerun !Uneguerrecachée auxoriginesdelaFrançafrique1948‐1971.Paris,LaDécouverte,2011,coll.« Cahierslibres », 744p. JOSEPH, Richard. Le mouvement nationaliste au Cameroun. Paris, Karthala, 1986, coll. « Hommesetsociétés »,414p. MBEMBE,Achille.LanaissancedumaquisdansleSud‐Cameroun.Paris,Karthala,1996,coll. « Hommesetsociétés »,440p. MESSMER,Pierre.Lesblancss’envont.Récitdeladécolonisation.Paris,AlbinMichel,2000, 302p. NJEUMA,MartinZ.,dir.HistoireduCameroun(XIXes.–débutXXes.).Paris,L’Harmattan,1989, coll.« Racinesduprésent »,312p. NKRUMAH, Kwame.Le néo‐colonialisme dernier stade de l’impérialisme. Paris, Présence africaine,1973,269p. OYONO,Dieudonné.Colonieoumandatinternational,lapolitiquefrançaiseauCamerounde 1919à1946.Paris,L’Harmattan,1992,221p. QUIVY,RaymondetLucVANCAMPENHOUDT.Manuelderechercheensciencessociales.Paris, Dunod,1995,304p. UMNYOBE,Ruben.LeproblèmenationalKamerunais.Paris,L’Harmattan,1984,444p. UMNYOBE,Ruben.Écritssousmaquis.Paris,L’Harmattan,1989,295p. VERSCHAVE,François‐Xavier.DelaFrançafriqueàlaMafiafrique.Bruxelles,Tribord,2004, 70p. YAGNYETOM,Daniel.L’UPCfaceaumarasmecamerounais.Paris,L’Harmattan,2004,178p. ZIEGLER,Jean.Mainsbassessurl’Afrique.Larecolonisation.Paris,Seuil,1980,291p. 20