Eos 18 - reneschils.nl

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La neige artificielle est l'arme ultime
contre le changement climatique, sauf qu'il
produit davantage de gaz à effet de serre.
Eos 18
LES STATIONS DE SKI COMPTENT DE PLUS EN PLUS SUR LA NEIGE ARTIFICIELLE
Neige sur commande
La fiabilité de l'enneigement est la clé du succès pour les stations de ski
des Alpes. Changement climatique ou non, il neigera. Car sans neige, pas
de touristes.
C
et automne, la station de ski Pitztaler Gletscher a présenté la toute
dernière nouveauté en matière
de lutte contre le réchauffement
climatique. A une altitude de 2.800 mètres
s'élève désormais une petite fabrique de
neige. Des températures jusqu'à 30 degrés
Celsius ne posent aucun problème au Snowmaker. En cas de défaillance de la nature, elle
produit chaque jour jusqu'à 1.900 mètres
cubes de neige. Assez pour permettre aux
skieurs et amateurs de snowboard de dévaler
les pentes du glacier, même en automne.
Que le changement climatique représente
une menace sérieuse pour le tourisme hivernal, ce n'est plus une surprise. La hausse des
températures et la modification des modèles
de précipitations sont les principaux changements prévus pour le futur. En 2050, les tem-
René SCHILS
geux a une épaisseur d'au moins 30 à 50 cm
pendant 100 jours, sept hivers sur dix". Une
épaisseur de 30 cm suffit pour les sols relativement égaux, comme les alpages. Une
épaisseur minimale de 50 cm est nécessaire
sur les sols rocheux inégaux. En 2007, première année prise en compte dans le rapport
de l'OCDE, 91 pour cent des domaines examinés étaient encore fiables. La limite de la
fiabilité de l'enneigement naturel varie de
1.050 mètres - dans les régions plus froides
du nord et de l'est des Alpes - à 1.500 mètres - dans les régions plus chaudes du sud
et de l'ouest. Cette limite augmente d'environ 150 mètres par degré Celsius gagné. Si le
réchauffement est de 1 degré, le nombre de
domaines fiables chute à 75 pour cent. Si la
température continue à augmenter, ce nombre se réduit davantage encore: 61 pour cent
Si le réchauffement est de 1 degré Celsius,
le nombre de domaines skiables
à coup sûr chute de 25 pour cent
pératures hivernales seront plus élevées de 1
à 3 degrés. En été, il pleuvra de 5 à 40 pour
cent en moins. En hiver, les précipitations
augmentent de 5 à 25 pour cent, il est vrai,
mais il tombera de moins en moins de neige.
Il y a quelques années, l'Organisation de
Coopération et de Développement Economiques (OCDE) a étudié l'effet du changement
climatique sur le tourisme dans les Alpes.
Elle a examiné la fiabilité de l'enneigement
de 666 domaines skiables, en France, Suisse,
Allemagne, Autriche et Italie. Selon l'OCDE,
un domaine skiable est considéré comme
fiable du point de vue de son enneigement
naturel si la moitié supérieure de la plage
d'altitude dans laquelle il se situe répond aux
exigences de la règle des 100 jours: "Entre le
1er décembre et le 15 avril, le manteau nei-
vallées moins bien couvertes. Depuis lors, tout
est allé très vite. Chaque année, la superficie
à enneiger augmente. En outre, les installations se dressent de plus en plus haut, parfois
même maintenant au-delà des 3.000 mètres.
Autrefois, seules les zones insuffisamment
enneigées étaient traitées, mais aujourd'hui,
la neige artificielle se généralise systématiquement. Très tôt dans la saison, les pistes les
plus importantes reçoivent un enneigement
Bientôt plus de neige du tout?
Réduction des domaines fiables dans deux
régions autrichiennes pour une hausse
de température de 2 °C. Les pistes de ski
dans le domaine de Kitzbühel se trouvent
en moyenne 700 mètres plus bas que les
domaines skiables de Landeck. La fiabilité
d’enneigement naturel y diminuera fortement à l’avenir. A Landeck, les pro­blèmes
seront moins importants.
(Source: Mayer, Steiger en Trawöger, 2007.
Technischer Schnee rieselt vom touristischen
District Landeck
Machbarkeitshimmel)
pour un réchauffement de 2 degrés Celsius,
ou même 30 pour cent dans le cas d'un réchauffement de 4 degrés.
Canons à neige
L'arme ultime contre le changement climatique est la neige artificielle, ou plus exactement la neige de culture, selon son appellation officielle. Tous ceux qui ont un jour été
aux sports d'hiver les connaissent bien: ces
grands pulvérisateurs à l'allure de réverbères
ou ces grands canons qui ressemblent quelque peu à un réacteur d'avion.
La neige artificielle a été utilisée pour la première fois en 1950 aux Etats-Unis. 10 à 20 ans
plus tard, la technique a atteint l'Europe. Tout
d'abord pour assurer un enneigement suffisant au bas de certaines pistes et de pentes de
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0
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15% District Landeck
8%
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Bergkastel - Nauders
Diasalpe – Kappl
Fendels
Bergkastel - Nauders
Diasalpe – Galtür
Kappl
Ischgl - Silvretta
Fendels
Kaunertaler Gletscher
Galtür
Pettneu
Ischgl - Silvretta
See - Medrigjoch
Kaunertaler
Gletscher
Serfaus – FissPettneu
– Ladis
St. AntonSee
- Kapall
– Galzig
- Medrigjoch
St. Anton
Serfaus
– Fiss -– Rendl
Ladis
St. Anton
- Kapall
Galzig
Venet
– Zams– -Fliess
St. Anton - Rendl
Venet – Zams -Fliess
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District Kitzbühel
Buchensteinwand – Pillerseetal
100% District Kitzbühel
Fieberbrunn – Streuböden
84%
Buchensteinwand – Pillerseetal
100%
Hochkogel
100%
Fieberbrunn – Streuböden
84%
Kitzbühel – Kirchberg – Jochberg
46%
Hochkogel
100%
Kössen - Unterberghorn
82%
Kitzbühel – Kirchberg – Jochberg
46%
Ski Wilder Kaiser – Brixental
75%
Kössen - Unterberghorn
82%
St. Johann – Oberndorf
99%
Ski Wilder Kaiser – Brixental
75%
Waidring - Steinplatte
50%
St. Johann – Oberndorf
99%
49%
Waidring - Westendorf
Steinplatte
50%
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Westendorf
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de base, généralement entre la mi-novembre
et le début décembre. Dans certains domaines
skiables, la capacité s'est aujourd'hui tellement
étendue que presque toutes les pistes peuvent
être enneigées. Des dépôts de neige artificielle
sont constitués, qui serviront par la suite à enneiger les pistes selon les besoins. En Suisse et
en France, 20 pour cent de la superficie peuvent désormais être enneigés; en Autriche, on
en est déjà à 60 pour cent.
Il est absolument évident que le développement spectaculaire de la neige artificielle est
directement lié au changement climatique.
Mais les choses ne sont pas si simples. Des
facteurs économiques et touristiques interviennent également. Les domaines skiables
investissent des montants énormes en remonte-pentes rapides. Ce coût n'est financièrement supportable que si ces installations peuvent tourner à plein rendement pendant toute
la saison, de la mi-décembre à la fin mars. Par
ailleurs, les exigences des amateurs de glisse
ont changé. Le snowboarding et le carving, les
tendances de ces dernières années, exigent des
pistes larges et bien préparées. Ce qui est plus
facile à réaliser à l'aide de neige artificielle.
Prix
En ouvrant un atlas de ski des Alpes, on découvre une offre abondante de presque mille
domaines skiables différents. Pour choisir
leur destination de sports d'hiver, les touristes
considèrent notamment le prix, la distance à
parcourir, la longueur et le calibre des pistes,
les possibilités de sorties, mais aussi et surtout la fiabilité de l'enneigement. Il n'est pas
étonnant dès lors que des centaines de millions d'euros aient déjà été investis en neige
artificielle dans les Alpes. Les Kitzbühel Bergbahnen, par exemple, gèrent un domaine de
près de 700 hectares, avec 170 kilomètres
de pistes. 710 canons à neige permettent
d'enneiger techniquement 60 pour cent des
pentes. Cela représente un investissement de
quatre millions d'euros par an. Une partie seulement de ce montant est consacrée à l'acquisition des canons à neige eux-mêmes. Le reste
passe en bassins d'eau, stations de pompage,
compresseurs et conduites souterraines pour
l'électricité, l'eau et l'air comprimé. Si l'on additionne le coût de l'acquisition, de l'entretien,
de l'énergie et de l'eau, un mètre cube de neige
artificielle coûte entre 1 et 5 euros.
La construction et l'utilisation d'installations
d'enneigement ont une influence indéniable sur l'environnement. Les installations
de production de neige artificielle utilisent
de l'énergie et de l'eau, produisent du bruit
et influencent le paysage et ses écosystèmes.
Le facteur crucial dans la production de neige
artificiel est l'approvisionnement en eau. La
production d'un mètre cube de neige deman-
de de 400 à 500 litres d'eau. L'eau est prélevée dans les réserves d'eau naturelles. Mais
en hiver, les réserves d'eau des ruisseaux et
des lacs sont souvent faibles. C'est pourquoi
des bassins spéciaux sont construits dans de
nombreux domaines skiables. Ils sont remplis au printemps à l'aide des eaux provenant
de la fonte des neiges et des glaces situées
cie sont enneigés artificiellement, un quart de
l'eau est nécessaire pour la neige artificielle.
La production d'un mètre cube de neige
consomme de trois à cinq kWh. Mais la
consommation d'énergie ne joue qu'un rôle
secondaire par rapport à l'eau. Il ne s'agit
que de quelques dixièmes de pour cent de la
consommation d'énergie totale. Le plus grand
Davos utilise un quart de son eau pour la
production de neige artificielle
plus en altitude. Si cela ne suffit pas, de l'eau
est pompée depuis des lacs situés plus bas.
La quantité d'eau qui peut être stockée et utilisée est toutefois régie par certaines règles. Il
faut bien entendu aussi qu'il reste suffisamment d'eau pour les autres utilisateurs tels
que l'agriculture, la nature, la pêche, l'industrie et les ménages. La consommation d'eau
peut être un problème au niveau régional
principalement, et pendant des mois spécifiques. Dans la commune suisse de Davos par
exemple, où 20 à 45 pour cent de la superfi-
domaine skiable de Davos, Parsenn-Gotschna,
consomme chaque année 1,7 million de kWh
d'électricité pour la production de neige artificielle. Pour remettre les choses en perspective:
l'ensemble du domaine skiable, y compris les
remonte-pentes, consomme 12,7 millions de
kWh d'électricité, et les dameuses – ratracks
– consomment annuellement l'équivalent de
4,4 millions de kWh de diesel. Même si la
consommation d'énergie est faible, chaque
kWh d'électricité produit 200 grammes de
dioxyde de carbone. La lutte contre le chan-
Fiabilité d'enneigement technique
Robert Steiger, chercheur à l'Institut de Géographie de l'Université d'Innsbruck, travaille actuellement à une thèse sur l'effet du changement climatique sur le tourisme fondé sur le ski
au Tyrol. "Le concept de fiabilité de l'enneigement naturel n'est plus de ce temps, estimet-il. A une époque où nous pouvons recouvrir toutes les pistes de neige artificielle, il faut
considérer la fiabilité de l'enneigement technique." La nouvelle définition se base elle aussi
sur la règle des 100 jours, mais relativement à la neige artificielle. Pendant 10 hivers sur 10,
l'épaisseur du manteau neigeux doit être d'au moins 30 cm pendant 100 jours, situés entre
le 1er décembre et le 15 avril. Son module de simulation Skisim permet à Steiger de prévoir
pour différents scénarios climatiques la quantité de neige artificielle qu'il est possible de
produire. Si la température diurne moyenne est inférieure à -2 degrés, Skisim considère qu'il
y a production de neige potentielle. Dans cet exemple, le modèle tient compte d'une production de neige de 10 centimètres par jour. Donc 3 jours suffisent pour enneiger la totalité du
domaine skiable. Il n'y a pas encore actuellement beaucoup de domaines skiables capables
d'atteindre ce chiffre, mais on estime que la capacité future y suffira... Le modèle tient également compte de la perte par fonte des neiges les jours de chaleur.
Les calculs de Steiger montrent qu'il n'est pas possible de conserver pendant 30 à 60 ans
la fiabilité d'enneigement technique à son ancien niveau. Il existe bien entendu déjà des
techniques permettant de produire de la neige à des températures plus élevées, mais la
question est de savoir si elles sont abordables.
Le modèle est valable pour prévoir les possibilités de skier à Noël, où les domaines skiables
réalisent 20 pour cent de leur chiffre d'affaires. Dans 40 ans, les chances que vous puissiez
encore skier dans la vallée ne seront plus que de 25 pour cent. Heureusement, il sera possible de garder ouvertes les parties supérieures grâce à la neige artificielle.
Fiabilité d’enneigement technique et
possibilités de skier aux environs de Noël,
2 scénarios climatiques calculés avec Skisim.
1971-2000
2041-2070
+1,4 °C
+2,5 °C
Fiabilité d’enneigement technique (%)
99
94
78
Noël: descente ouverte (%)
59
27
23
Noël: skier jusqu’à la station intermédiaire (%)
100
96
91
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Streamer
Les 710 canons à neige de Kitzbühel permettent d'enneiger 60 % des pistes.
gement climatique à l'aide de neige artificielle
produit donc davantage de gaz à effet de serre.
L'influence de la neige artificielle sur les écosystèmes est difficile à chiffrer, parce qu'un
domaine skiable, même avec des pistes de
neige exclusivement naturelle, a en lui-même
un impact important sur le sol et la végétation. La richesse en espèces végétales sous les
pistes est moindre, que la piste soit enneigée
artificiellement ou non. Dans les hivers avec
peu de neige, le seul effet positif que puisse
avoir la neige artificielle est de protéger la végétation contre les bords tranchants des skis
et des snowboards.
Slowmountain
La neige artificielle est-elle donc la seule solution? La question est justifiée, parce qu'il ne
sera pas facile, si les températures continuent
à grimper, d'enneiger durablement tous les
domaines. Une stratégie évidente est l'ouverture de domaines situés plus en altitude. Mais
Les dameuses consomment plus d'énergie
que les canons à neige.
l'on risque une forte résistance sociale.
Autre approche: au lieu de participer à la
course contre le climat, certains petits domaines de ski ont décidé volontairement de ne
pas utiliser de neige artificielle. Ils se profilent
comme domaines skiables "naturels". Cette
année par exemple, l'ancien domaine skiable
Schatzalp, près de Davos, sera rouvert. Mais
sous le nom de slowmountain. Pas de neige?
Tant pis, les remonte-pentes resteront un
temps à l'arrêt. Comme autrefois. ■
Neige de culture
La neige artificielle n'est pas constituée de plastique, mais bien, comme la neige naturelle, de petits
cristaux de glace. C'est la raison pour laquelle, dans les Alpes, on préfère parler de neige de culture. La
température et l'humidité de l'air sont les facteurs primordiaux pour la production de neige artificielle.
Si l'air est plus humide, il faut qu'il fasse plus froid. A une humidité moyenne de l'air de 60 pour cent,
il faut qu'il fasse 3 à 4 degrés sous zéro pour pouvoir fabriquer de la neige. Si l'humidité de l'air est
de 100 pour cent, il faut quelques degrés en moins encore. Si les conditions sont bonnes, le principe
de production de neige est très simple. Des canons à neige pulvérisent des gouttelettes d'eau froide
sous haute pression dans un air suffisamment froid pour qu'elles se congèlent avant d'atteindre le sol.
Il y a pourtant aussi des différences entre la neige naturelle et la neige de culture. La neige naturelle
provient de la vapeur d'eau qui, au départ d'un noyau de cristallisation, se transforme en flocons. Un
cristal de neige artificiel est une goutte d'eau qui se cristallise de l'extérieur vers l'intérieur. La forme
de la goutte reste plus ou moins préservée, et l'on trouve parfois encore un petit reste d'eau dans le
noyau. La densité de la neige naturelle varie de 50 à 250 grammes par litre. Celle de la neige artificielle
est de 300 à 500 grammes par litre, comparable à la densité d'une piste de ski préparée.
Il faut donc qu'il fasse suffisamment froid pour pouvoir fabriquer de la neige artificielle, mais les
"faiseurs de neige" font de leur mieux pour repousser les limites. Ils utilisent pour ce faire des moyens chimiques ou biologiques. Ceux-ci peuvent augmenter de quelques degrés la température limite à laquelle la cristallisation se produit. Mais dans de nombreux pays, ces agents sont interdits
parce qu'ils peuvent être nocifs pour l'environnement.
Plus rigoureuse encore est l'utilisation de techniques du froid permettant de produire de la neige
artificielle à des températures extérieures pouvant aller jusqu'à 30 degrés Celsius. Le Snowmaker
du Pitztaler Gletscher utilise par exemple une technique du froid directement issue de l'exploitation
minière. On y vaporise de l'eau froide sous vide. Dans la partie non vaporisée se forme un mélange
de neige et d'eau. Cette technique est encore trop chère pour une application à grande échelle.
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Le Snowmaker peut produire de la
neige artificielle à des températures
extérieures pouvant aller jusqu'à
30 ° Celsius.