République Démocratique du Congo: à Quatorze Mois des

Transcription

République Démocratique du Congo: à Quatorze Mois des
05 Octobre 2015
www.othersolutions.eu
République Démocratique du Congo: à Quatorze Mois
des Présidentielles, l’Incertitude Persiste
La république démocratique du Congo (RDC) est censée organiser les présidentielles en novembre 2016. Et
pourtant, avec la création des nouvelles provinces, dont le fonctionnement nécessite à la fois des fonds et les
élections des gouverneurs, la commission électorale nationale indépendante (CENI) pourrait ne pas être capable
d’organiser les présidentielles dans le délai tel qu'exigé par la constitution. Alors que la question des prochaines
présidentielles suscite des doutes au sein de l’opposition, il ya déjà des frondes au sein même de la majorité
présidentielles. 1 Ceci a provoqué des révocations et des démissions au sein du gouvernement, suivies des
représailles contre certains «gros poissons» parmi les frondeurs.2
Ce rapport a pour objectif d’analyser 1) les principaux opposants congolais, 2) l’impact du découpage des
provinces sur les enjeux politiques et socioéconomiques, ainsi que 3) les groupes armés à l’est et au sud du pays.
A propos de la RDC
Population: 67.5 million
Taux de Pauvreté: 63.4%
Revenu par tête: $732
Indice de
développement humain:
0,414
(Source: PNUD)
Source: Jeune Afrique
Jeune Afrique, ‘RDC: crise politique au sein de la coalition au pouvoir’ Disponible sur
http://www.jeuneafrique.com/264853/politique/rdc-crise-politique-sein-de-majorite-pouvoir/ (Accédé le 21 septembre
2015).
2 Radio Okapi, ‘Gabriel Kyungu wa Kumwanza prive de sa garde rapprochee’ Disponible sur
http://www.radiookapi.net/2015/09/21/actualite/politique/gabriel-kyungu-wa-kumwanza-prive-de-sa-garde-rapprochee
(Accédé le 22 septembre 2015).
1
1
Le 28 septembre 2015
www.othersolutions.eu
1. Etienne Tshisekedi: affaibli mais pas abattu
Président fondateur du principal parti d’opposition, l’UDPS, 3
Tshisekedi a toujours été populaire partout en RDC, en particulier
dans la capitale Kinshasa, et les deux anciennes provinces du
Kasaï. Il est très influent sur la scène politique Congolaise, et, suite
à sa longue carrière dans l’opposition (23 ans), il maintiendrait de
nombreux contacts tant dans le corps diplomatique à Kinshasa qu’à
Washington et Bruxelles — les capitales des deux pays les plus
influents sur la politique congolaise. Pourtant, il a déjà 82 ans et est
affaibli par la maladie; il pourrait donc avoir du mal à convaincre les
grands lobbies dans les pays précités, qui préfèreraient transférer
leurs poids vers un candidat beaucoup plus jeune et énergétique.
Etienne Tshisekedi, (RFI/Didi Kannah)
Son fils, Felix Tshisekedi, s’est fait remarquer ces derniers mois pendant les consultations (avec le pouvoir) qui
devraient conduire à un dialogue national. Nombre d’observateurs soupçonnent que Felix pourrait succéder à son
père, surtout grâce aux démarches que mène sa mère, Maman Marthe, très influente au sein du parti, pourtant
sans aucune fonction officielle.
La politique congolaise a souvent été dominée plus par des personnalités que des idéologies (les masses
s’identifiant plus aux leaders qu’aux partis politiques), le retrait de Tshisekedi de la scène politique pourrait
entrainer la chute de l’UDPS. Cela dépendrait de la capacité de son successeur à rassembler les voix. Pourtant
avec les présidentielles prévues dans 14 mois, il serait imprudent de disqualifier ya Tshisthi—comme le
surnomment les militants de son parti—qui pourrait attendre le moment opportun pour rebondir sur la scène
politique congolaise.
2. Vital Kamerhe et Jean-Pierre Bemba: deux poids lourds de l’opposition
Ancien allié de Kabila, Vital Kamerhe, président de l’Union pour la
nation congolaise (UNC) n’est pas du même calibre que Tshisekedi.
Cependant, son ancien rôle de secrétaire général du parti au pouvoir
(PPRD),4 et celui de président de l’Assemblée nationale (2006-2009)
l’ont propulsé au premier rang dans la politique congolaise. Il a de
plus joué un rôle-clé dans la victoire de Kabila aux présidentielles de
2006.
Originaire de la province du Sud-Kivu, Kamerhe est très populaire
dans les deux provinces du Kivu, et détiendrait également une base
d’électeurs non négligeable dans les autres provinces. Il parle les
quatre langues nationales du Congo, 5 et a une réputation de
rassembleur des masses.
Vital Kamerhe
Pourtant ce cofondateur du Parti au pouvoir pourrait vite être rattrapé par son passé récent. Nombre de Congolais
(hormis ceux de sa base au Kivu) unis dans leur désapprobation envers le président Kabila, ont toujours eu du
mal à lui faire confiance. C’est lui qui a joué en 2006 un rôle très important dans l’élection de Kabila, dont il est
resté l’un des piliers jusqu’en 2009.
Candidat perdant aux élections de 2011, Kamerhe avait pourtant fini troisième avec 7.74% des voix, derrière
Tshisekedi et Kabila. Il n’est pas capable à lui seul de gagner les élections présidentielles, mais serait quand
même un élément clé dans une coalition soit avec l’UDPS ou le MLC,6 ce qui permettrait à son parti d’être inclus
dans un gouvernement de coalition, avec lui comme Vice-Président ou Premier ministre.
3
Union pour la démocratie et le progrès social (fondé en 1982, c’est le plus ancien parti d’opposition en RDC).
Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie.
5 Kiswahili, Kikongo, Lingala, et Tshiluba.
6 Mouvement de Libération du Congo de Jean-Pierre Bemba
4
OTHER SOLUTIONS Consulting
England and Wales Registration number 85 48 765 | VAT 169 5909 53
2
Le 28 septembre 2015
www.othersolutions.eu
Jean-Pierre Bemba, quant à lui, a une réputation de vrai opposant.
En 2006 il avait perdu au deuxième tour des scrutins face à Kabila,
et reste toujours très populaire dans la ville de Kinshasa ainsi que
dans l’ancienne province de l’Équateur, dont il est originaire. Son
parti, le MLC, malgré sa présence sur la scène politique, semble
avoir perdu sa vigueur après que Bemba ait été détenu à la cour
pénale internationale (CPI).
Nombre de ses partisans considèrent sa détention à la Haye comme
étant motivée par des raisons politiques, mais n’ont jamais exclu la
possibilité de sa libération avant 2016. Si jamais libéré, le
Jean-Pierre Bemba (Afrik-online.com)
«chairman» comme le surnomment ses partisans, serait accueilli en
héros, et n’aurait pas de mal à mobiliser sa base électorale pour se
représenter aux présidentielles. Une telle libération, bien qu’improbable, pourrait quand même avoir des
conséquences significatives aux affaires politiques courantes.
3. Découpage des provinces: une politique aux enjeux importants
Le calendrier électoral tel que publié par la CENI prévoit 7 scrutins en 14 mois, y compris les présidentielles.
Pourtant, en plus d’être vaste et avec des problèmes d’infrastructures de base, la RDC a également de sérieuses
contraintes budgétaires pour organiser tous ces scrutins.
Alors que ce calendrier posait déjà problème, la création des 15 nouvelles provinces en cette période préélectorale
pourrait aggraver la situation. Quoique cette démarche soit prévue par la constitution, doter ces nouvelles
provinces des structures pouvant leur permettre de fonctionner convenablement nécessite d’énormes moyens
financiers. En plus, le pays doit procéder aux élections des gouverneurs de ces nouvelles provinces; ce qui rend
le calendrier électoral très surchargé et presque irréalisable. Cette démarche pourrait donc être interprétée comme
étant une stratégie du pouvoir de créer des obstacles à la tenue des présidentielles dans le délai prévu par la
constitution.
La création des nouvelles provinces pourrait aussi causer des problèmes socioéconomiques. Les habitants du
Katanga, en particulier, ont depuis longtemps forgé une forte identité Katangaise. Or, avec le présent arrangement,
la province du Katanga n’existera plus. De plus, seule la nouvelle province du Haut Katanga, avec comme capitale
la ville minière de Lubumbashi, regorge des richesses minérales; le reste étant très pauvre et sous-développé. Ce
déséquilibre économique pourrait donc créer de sérieux problèmes économiques dans les nouvelles provinces,
qui dépendent jusque-là de l’unité du Katanga pour leur fonctionnement.
Le découpage de certaines provinces pourrait aussi avoir des
conséquences politiques non négligeables, surtout dans la riche
province du Katanga. Il pourrait affaiblir l’influence de certains
«hommes forts» locaux, tel que le gouverneur Moïse Katumbi. Ce
dernier prône l’alternance et possède des qualités nécessaires pour se
faire élire président (popularité, réseaux nationaux et internationaux,
poids économique).
La création de la province de Tanganyika, au nord, considérée comme
Moïse Katumbi Chapwe
étant la province originaire de Kabila, pourrait permettre à sa sœur
Jeanette Kabila, aujourd’hui députée élue de cette circonscription, ou
même son jeune frère Zoe Kabila (dont les ambitions de devenir gouverneur du Katanga sont bien connues) de
se faire facilement élire pour diriger cette nouvelle province.
Enfin, le découpage de la province du Kasaï-Oriental, qui était l’une des plus petites du Congo, et dont est
originaire le leader du principal parti d’opposition (UDPS), en trois nouvelles petites provinces, pourrait affecter
l’influence de ce dernier dans cette région.
OTHER SOLUTIONS Consulting
England and Wales Registration number 85 48 765 | VAT 169 5909 53
3
Le 28 septembre 2015
www.othersolutions.eu
4. Les groupes armés persistent à l’est et dans le sud du pays
Alors que le sujet des élections fait débat dans la capitale, la présence des groupes armés (tant locaux
qu’étrangers) à l’est pourrait (re)descendre cette partie du pays dans le chaos. En fait, des groupes congolais
comme les Mai-Mai et les anciens CNDP et M23;7 ainsi que des étrangers tels que les Ugandais de l’ADF-NALU8
et les LRA de Joseph Kony; les Rwandais du FDLR; 9 ainsi que les Burundais du FNL, 10 sont une source
d’insécurité à l’est et au sud du pays.
Les Mai-Mai sont des milices indépendantes les unes des autres. Ils portent souvent les noms des leurs chefs
respectifs, et sont très actifs dans les deux provinces du Kivu. Nombre de ces groupes se disent de militer pour
des intérêts tribaux, à l’exception des Mai-Mai Kata Katanga, qui, comme leur nom l’indique,11 se battent pour la
sécession du Katanga. Ces groupes se livrent souvent à des pillages et exactions des populations pour leur survie,
et pourraient multiplier leur nuisance si jamais le pays devait (re)descendre dans le chaos. Quoiqu’ ils ne soient
pas trop nombreux et bien équipés, les Mai-Mai pourraient tisser des alliances avec certains politiciens locaux
pour forcer le gouvernement à négocier avec eux.
Les ADF-NALU et les milices de la force de Résistance Patriotique de l’Ituri (FRP) continuent à tendre des
embuscades aux militaires congolais, tout en terrorisant les populations en Ituri.12 Les FDLR et les FNL, quant à
eux, continuent à opérer dans les deux provinces du Kivu. Ils n’ont pas de revendications politiques au Congo,
mais profitent de la faiblesse de l’État pour exploiter les ressources naturelles dont regorge cette partie du pays,
tout en commettant des exactions contre des civils.
Quoiqu’ils aient été vaincus par les forces gouvernementales [avec l’appui de la MONUSCO13] les ex-combattants
M23 (essentiellement des Tutsi qui étaient issus du CNDP), seraient toujours présents dans l’est du Congo, y
compris au sein de l’armée, ainsi qu’au Rwanda et en Ouganda. Comme dans le passé, ses anciens rebelles
pourraient profiter d’une crise politique à Kinshasa pour installer une rébellion dans l’est du pays; ceci pourrait
mettre en péril la tenue des élections. Quelle que soit l’approche de Kabila et certains de ses proches à l’égard
de cette crise, ils pourraient en profiter pour ne pas organiser les élections, et s’accrocher au pouvoir.
5. Conclusion
Les prochaines élections au Congo portent des enjeux politiques et sécuritaires très importants. Les émeutes de
janvier dernier sont peut-être un signe que nombre de groupes politiques ainsi que la société civile, ne toléreront
pas un probable «glissement» du mandat de Kabila, et descendraient à nouveau dans les rues pour bloquer toute
tentative de ce dernier à se maintenir au pouvoir.
Pourtant, Kabila pourrait avoir tiré des leçons sur la situation du Burundi, et tenterait de mobiliser les forces de
l’ordre, surtout la garde républicaine, pour faire face à toute résistance. Cela dépendrait cependant de sa capacité
de rallier toutes les autres unités de l’armée et de la police derrière sa cause.
Une telle situation aurait des conséquences néfastes sur la situation sécuritaire. Pour nombre de Congolais, les
présidentielles s’annoncent les plus importantes; mais elles restent également les plus contentieuses. Compte
tenu des contraintes budgétaires, le gouvernement congolais devrait donc privilégier les élections présidentielles;
ce qui pourrait également sauver le pays d’un probable chaos.
Les partenaires de la RDC, et surtout la Belgique et les États-Unis, devraient donc mettre pression sur les acteurs
politiques congolais, pour que ces derniers puissent trouver une issue pacifique dans ce dossier.
CNDP: Congrès National pour la Défense du Peuple.
Forces Alliées pour la Démocratie.
9 Forces Démocratiques pour la libération du Rwanda.
10 Forces Nationales de Libération.
11 Swahili, Kata Katanga signifie «coupez le Katanga».
12 Réseau pour la Réforme du Secteur de Sécurité et Justice, ‘Nord-Kivu: retour en force des groupes armés!’ Disponible
sur http://www.rrssjrdc.org/?p=12441 (Accédé le 21 septembre 2015).
13 Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilization du Congo.
7
8
OTHER SOLUTIONS Consulting
England and Wales Registration number 85 48 765 | VAT 169 5909 53
4