Qu`est-ce que l`ADMD ? Les Annales du Marché Commun, 1985

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Qu`est-ce que l`ADMD ? Les Annales du Marché Commun, 1985
KENIS Y., Staelens A.M.. Les Annales du Marché Commun, 1985, 28 (3) : 21-24.
Qu’est-ce que l’ADMD ?
« Qualité de la vie, qualité de la mort ? ». « Bien vivre, bien mourir », « droit de
mourir dans la dignité », ces expressions nous sont devenues familières depuis quelques
années ; la fréquence avec laquelle ce sujet est traité par la presse ou les moyens
d’information audio-visuels et l’intérêt qu’il suscite, montrent que la mort a cessé d’être
un sujet tabou – même pour les médecins – et que la période historique de déni de la
mort, que nous connaissons depuis un siècle, est peut-être en train de s’achever. Cela
signifie-t-il que nous rentrons dans cette très longue histoire de la familiarité de l’homme
avec la mort ? Les préhistoriens, les paléontologues, les anthropologues nous disent que
la conscience de la mort, attestée par les premières sépultures, par le souci des dépouilles,
constitue le passage à l’hominisation. Depuis lors, l’homme a eu peur de la mort et il a
rusé avec elle. Toutes les philosophies ont voulu nous « apprendre à mourir », les
épicuriens comme les stoïciens, les chrétiens comme les païens. La médecine, depuis
qu’elle dispose de quelques moyens, a tenté de s’opposer à cette tendance. Les premiers
signes de ce changement d’attitude apparaissent au siècle des lumières. Rousseau en a été
conscient, d’ailleurs pour s’y opposer au nom de la philosophie, mais Jean-Jacques n’a
pas arrêté les progrès de la médecine et les succès thérapeutiques de plus en plus évidents
ont amené petit à petit le corps médical, et le corps social tout entier, à considérer la mort
– quel qu’en soit le moment ou la cause – comme un échec intolérable.
LA MORT INACCEPTABLE.
Aujourd’hui, la mort n’est plus, comme jadis, une étape ou un passage : c’est un
accident ! Elle est la conséquence d’une maladie. Les progrès de la science médicale
doivent non seulement en reculer l’heure, mais la mettre en fuite. L’inaction humaine en
face d’elle est inacceptable : il faut faire quelque chose à tout prix, parfois jusqu’à
l’absurde. D’autre part, dans notre société, depuis le milieu ou le dernier tiers du 19e
siècle, la mort est refoulée, escamotée, comme l’ont bien montré au cours de la dernière
décennie, historiens, sociologues et philosophes.
Lutter pour maintenir en vie – ou plutôt pour maintenir un organisme en état de
fonctionnement – c’est encore une façon de nier la mort. Une autre raison de cette
attitude médicale – que le Professeur Debray a appelée l’acharnement thérapeutique – est
l’incertitude du pronostic. Peut-on jamais être absolument sûr qu’un état pathologique est
irréversible ? Une dernière raison – heureusement encore exceptionnelle chez nous, mais
qui existe dans d’autres pays – est la crainte de poursuites, sur le plan pénal ou civil, pour
abandon de soins.
LA MORT ACCEPTEE.
Depuis quelques années, on assiste à un changement d’attitude. La mort,
d’escamotée, d’occultée, est devenue bavarde. Outre les historiens et les sociologues cités
plus haut, les anthropologues, les psychologues, les moralistes, les journalistes, les
politiciens en parlent, répondent à des interviews, écrivent des articles ou de gros
ouvrages, rédigent des propositions de loi. L’excès même du déni de la mort a amené une
réaction à laquelle les médecins ne sont pas restés étrangers. Les agonies sinistrement
caricaturales d’hommes d’état comme Tito, Franco ou Boumedienne, ont par la publicité
qui leur a été faite, secoué l’opinion publique. Cet acharnement thérapeutique a été perçu
comme un abus, comme une prolongation intolérable du processus de mourir, comme une
atteinte à la dignité de l’homme à la dernière heure.
Le débat est d’une telle importance qu’en 1976, l’Assemblée consultative du Conseil
de l’Europe 1 publiait un rapport sur les droits des malades et des mourants, dans lequel
étaient examinés, non seulement la question de l’acharnement thérapeutique, mais aussi
les aspects juridiques de l’euthanasie. La recommandation 779 qui lui fait suite, invite
notamment « les gouvernements des pays membres à créer des commissions nationales
d’enquête, composées de représentants de la profession médicale, de juristes, de
théologiens moraux, de psychologues et de sociologues, chargés d’élaborer des règles
éthiques pour le traitement des mourants, de déterminer les principes médicaux
d’orientation en vue de prolonger la vie, et d’examiner entre autres la situation dans
laquelle pourraient se trouver les membres de la profession médicale – par exemple dans
l’éventualité de sanctions prévues par la législation civile ou pénale – lorsqu’ils ont
renoncé à rendre des mesures artificielles de prolongation du processus de la mort sur des
malades chez qui l’agonie a déjà commencé et dont la vie ne peut être sauvée dans l’état
actuel de la science médicale, ou lorsqu’ils sont intervenus en prenant des mesures
destinées avant tout à apaiser les souffrances de tels malades et susceptibles d’avoir un
effet secondaire sur le processus de la mort, et d’examiner la question des déclarations
écrites faites par des personnes juridiquement capables, autorisant les médecins renoncer
aux mesures pour prolonger la vie… »
Dans plusieurs pays, dans un grand nombre d’institutions de soins, des comités
d’éthique, réunissant médecins, juristes, moralistes, ministres du culte ont été constitués
et ont essayé de définir les conditions dans lesquelles il était préférable d’abandonner ou
de ne pas entreprendre un traitement actif ou une réanimation. Des associations se sont
créées, qui regroupent tous ceux qui se sentent concernés par ces problèmes et l’ADMD,
Association Belge pour le Droit de Mourir dans la Dignité, en est un exemple parmi
d’autres.
1
Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe – Rapport sur les droits des malades et des mourants.
26 janvier 1976 – Doc. 3699.
27 janvier 1976 – Doc. 3735.
29 janvier 1976 – Recommandation 779.
29 janvier 1976 – Résolution 613.
LES ASSOCIATIONS
Au nombre d’une trentaine actuellement, elles s’appellent A.D.M.D. (Belgique,
France), Exit (Angleterre, Ecosse, Suisse) ou V.E.S. (Voluntary Euthanasia Society :
U.S.A., Pays-Bas…).
CONTRE L’ACHARNEMENT THERAPEUTIQUE
Elles ont en commun la conviction première que la décision finale, en ce qui concerne
les soins à refuser ou à accepter, appartient au patient et qu’il a droit à l’information
complète sur son état s’il la demande.
Pour accéder à cette légitime exigence, les Associations donnent à rédiger à leurs
membres un « testament de vie » dit aussi « biologique », où figurent toutes les volontés
de l’intéressé concernant la fin de sa vie, y compris une éventuelle requête d’euthanasie,
passive et active. Ces testaments n’ont généralement pas de valeur légale; ils sont
destinés à faire connaître les intentions de celui qui ne serait plus capable de les exprimer;
à quoi s’ajoutent des témoins, désignés par le testateur, et chargés d’appuyer la
déclaration de celui-ci, afin de convaincre tant le personnel médical que la famille, de
respecter ses volontés.
Par ce moyen, l’action de ces associations n’est guère plus qu’une simple pression
morale en vue du respect de la liberté individuelle, mais il semble qu’elle commence à
porter ses fruits puisqu’on rencontre aujourd’hui bien plus d’adhésion à ce principe, qu’il
y a quelques années, en particulier chez les médecins.
On peut dire que l’opposition à l’acharnement thérapeutique fait presque l’unanimité
à l’heure actuelle, tant dans le grand public que chez les spécialistes des questions
médicales, éthiques et juridiques, Eglises y compris.
JUSQU’OU ALLER PLUS LOIN ?
En insistant sur le droit de mourir à son heure, les associations touchent
nécessairement à la question brûlante de savoir à qui incombera la responsabilité d’en
fournir les moyens ou d’en accomplir l’acte. Le débat éthique est intense tant chez les
croyants que chez les athées et l’examen juridique du problème plus qu’amorcé
actuellement. Certaines propositions de loi ont été déposées dans des sens divers.
Il semble que tout en reconnaissant le bien fondé de l’aspiration à une mort digne,
sans douleur et choisie, l’on s’interroge et l’on hésite.
Ne craint-on pas, à juste titre, de prendre le chemin qui mènerait à rendre banal le fait
de donner la mort ?
C’est pourquoi, sans doute, se manifeste une réticence assez générale à l’égard d’une
législation quelconque de l’euthanasie, (mort douce, accordée à qui la demande), qui
obligerait – tout droit impliquant un devoir – nécessairement quelqu’un à accomplir ce
geste.
Certaines associations ont jugé légitime de distribuer à ceux de leurs membres qui en
font la demande expresse, une brochure dite d’autodélivrance contenant des
renseignements précis sur la manière de se suicider à l’aide de médicaments. Ceci pour
mettre leurs actes en accord avec leurs principes.
Les associations qui, elles, se refusent à aider leurs membres de cette manière, disent
redouter les effets de la multiplication de ce genre de publication sur les déprimés, les
déséquilibrés et surtout sur les jeunes momentanément suicidaires. Mais elles ont
conscience de faire preuve d’une insuffisance relative…
LUTTER CONTRE LA DOULEUR
Par crainte de voir se propager sans contrôle les moyens d’aide au suicide, un
mouvement est né qui a fortement attiré l’attention sur la nécessité et la possibilité de
soulager les souffrances des grands malades : c’est celui des « Hospices », dont le modèle
est le « St Christopher Hospital » de Londres, véritable clinique de la douleur, où les
malades au stade terminal trouvent une assistance totale à l’aide de soins palliatifs
adaptés à chaque cas. C’est un progrès considérable et extrêmement bienfaisant pour les
grands malades et l’on ne peut que souhaiter voir créer partout des hôpitaux ou des unités
de soins comparables.
SUR QUOI PORTE LE DEBAT AUJOURD’HUI ?
Dans l’ensemble, les croyants manifestent une préférence marquée pour le
soulagement des souffrances et une aversion équivalente vis-à-vis de toute formule
d’euthanasie. Ils sont cependant tous d’accord pour que l’on renonce à l’acharnement
thérapeutique.
On peut dire d’ailleurs que l’opinion publique est unanime à ce sujet. Néanmoins, la
pratique n’est pas toujours à la hauteur des convictions; certains patients se plaignent
encore de n’être pas suffisamment soulagés; la famille se montre encore souvent peu
coopérante, par manque de compréhension peut-être et parfois de confiance dans les
médecins qui, cependant agissent dans la grande majorité des cas, dans l’intérêt exclusif
du malade, même si l’excès d’examens inutiles est encore à déplorer. Il est sans doute
vrai aussi que le dialogue sincère entre le malade, le médecin et sa famille reste encore à
établir dans bien des cas. C’est de ce dialogue, pourtant que naîtra la possibilité, puis la
certitude pour le malade d’être non seulement soigné mais soulagé et accompagné
jusqu’à la fin.
Ne nous cachons pas, à présent, que la renonciation à l’acharnement thérapeutique est
un premier degré dans l’acceptation de donner la mort à qui la demande, même si
l’unanimité est faite là-dessus parce que souffrir est inhumain.
Voulons-nous atteindre un deuxième degré, celui de devancer l’heure de la mort par
l’usage de médicaments administrés à dose létale à la demande du patient ?
Et enfin, faut-il tendre à l’ultime degré d’acceptation qui suppose que l’on donne les
moyens de se suicider à ceux pour qui la vie ne vaut plus la peine d’être vécue : il est des
maladies non mortelles extrêmement pénibles, des handicaps terribles, des dispositions
psychiques catastrophiques pour la vie.
Que faire ?
L’absence de souffrance, un entourage aimant et chaleureux représente sans doute
pour la majorité des êtres humains des conditions suffisantes pour accepter sans révolte
une fin naturelle. Cela autorise-t-il à refuser à d’autres un autre choix ?
Nous tous, citoyens de l’Europe, voulons concilier respect de la personne et de sa
liberté; nous voulons développer la solidarité humaine, l’altruisme et la compassion,
maintenir la démocratie et les principes de droit qui la protègent.
Chacun a droit à sa propre mort, disons-nous. Comment sera-ce possible ? Y réfléchir
incombe à chacun d’entre nous.
Y. KENIS, Président.
A.-M. STAELENS, Secrétaire.
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15, rue des Prêtres,
1000 BRUXELLES
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