Notions fondamentales - Droit international humanitaire - Croix

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Notions fondamentales - Droit international humanitaire - Croix
/ Service DIH
DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
FICHE 1.2.
NOTIONS FONDAMENTALES
1. Droit international humanitaire
Le droit international humanitaire (DIH) est un ensemble de règles qui, pour des raisons
humanitaires, visent à limiter les effets néfastes des conflits armés, tout en tenant compte des
nécessités militaires. Ces règles, d’origines conventionnelles et coutumières, visent plus
spécifiquement à protéger les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités, et à limiter
les moyens et méthodes de combat.
Terminologie :
Le DIH est également appelé «droit de la guerre» ou «droit des conflits armés». Ces expressions droit international humanitaire, droit des conflits armés et droit de la guerre - peuvent être
considérées comme équivalentes et le choix de l’une ou de l’autre dépendra essentiellement des
habitudes et du public. Ainsi, en général, les organisations internationales, les universités ou encore
les États utiliseront celle de «droit international humanitaire» (ou «droit humanitaire»), tandis
qu’au sein des forces armées les deux autres expressions sont plus couramment en usage.
Branche du droit international public, le DIH a deux axes d’action :
Le «droit de Genève» ou «droit humanitaire proprement dit», qui tend à protéger les militaires
mis hors de combat (notamment les prisonniers de guerre, les malades et les blessés), ainsi que
les personnes qui ne participent pas aux hostilités (la population civile, le personnel religieux et
le personnel sanitaire essentiellement);
et le «droit de La Haye» qui fixe les droits et les devoirs des belligérants dans la conduite des
opérations militaires et limite le choix des moyens et des méthodes de nuire à l’ennemi.
Chacun de ces deux axes du DIH tire son nom de celui de la ville où il a été initialement codifié.
Cependant, avec l’adoption des Protocoles additionnels de 1977, dans lesquels ces deux axes ont
été réunis, cette distinction n’a plus, aujourd’hui, qu’une valeur historique et didactique.
Pour rappel, le DIH, qui s’applique dans les situations de conflit armé, ne détermine pas si un État a
ou non le droit de recourir à la force. Cette question de la légitimité et de la légalité d’un recours à
la force armée est directement régie par la Charte des Nations Unies (voir fiche 1.1. Contexte et
rôle du DIH, point 3).
2. Conflit armé, conflit armé international et conflit armé non international 1
Ni la notion de conflit armé, ni celle du recours à la force armée, n’ont été définies par les
conventions qui les régissent.
Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a tenté de donner une définition très générale
qui a été reprise dans d’autres décisions par la suite: « Un conflit armé existe chaque fois qu’il y a
recours à la force armée entre Etats ou un conflit armé prolongé entre les autorités
gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels groupes au sein d’un Etat.2 »
Il suffit donc qu’il y ait un recours à la force armée par un groupe armé à l’encontre d’un autre,
sans qu’il soit nécessaire de formuler une déclaration de guerre ou une reconnaissance de l’état de
guerre.
Cette définition est susceptible d’interprétations diverses. La jurisprudence du TPIY a toutefois
formulé des critères permettant de distinguer une situation de conflit armé (interne) des situations
de troubles intérieurs et de tensions internes (voir le point 2.2). Une appréciation doit être faite au
cas par cas.
1
2
Pour plus d’informations lire Vité S., Typologie des conflits armés en droit international humanitaire :
concepts juridiques et réalités, CICR, 2009, n° 87. http://www.icrc.org/fre/assets/files/other/irrc-873vite-fre.pdf
Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Chambre d’appel, aff. IT-94-1-AR 72, 2 octobre 1995,
Tadic, § 70. Confirmation par le même Tribunal, Chambre de première instance II, aff. IT-03-66-T, 30
novembre 2005, Limaj et consorts, § 84.
1
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2.1.
DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
Conflit armé international
Les conflits armés internationaux sont ceux qui opposent deux ou plusieurs Etats, même si l’état de
guerre n’est pas reconnu par l’un d’entre eux (art. 2, al. 1 commun aux Conventions de Genève de
1949).
Ils ne se mesurent pas à l’ampleur des incidents. Une simple escarmouche, même sans coup de feu,
entre deux armées nationales suffit pour la qualification de conflit armé international.
Dans son commentaire de cet article 2, le Comité international de la Croix-Rouge précise que :
« Tout différend surgissant entre deux États et provoquant l’intervention de membres des forces
armées, est un conflit armé au sens de l’article 2, même si l’une des Parties conteste l’état de
belligérance. Ni la durée du conflit, ni le caractère plus ou moins meurtrier de ses effets ne jouent
de rôle. Le respect dû à la personne humaine ne se mesure pas au nombre des victimes3 .»
A noter que les guerres de libération nationale ont également été reconnues comme des conflits
armés internationaux par le Protocole additionnel I de 1977 aux CG (art. 1, §4). Ces guerres
concernent plus spécifiquement les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la
domination coloniale, l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes tel que reconnu par la Charte des Nations unies.
Cas de l’occupation : les CG précisent dans leur article 2 commun 2ème alinéa qu’elles s'appliquent
« également dans tous les cas d'occupation de tout ou partie du territoire d'une Haute Partie
contractante, même si cette occupation ne rencontre aucune résistance militaire. » La CPI a
confirmé que l’occupation est couverte par la notion de conflit armé international4. Selon le
Règlement de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, l’occupation
renvoie à une situation où un territoire « se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée
ennemie ». L’occupation ne concerne que les territoires « où cette autorité est établie et en
mesure de s’exercer »5. Pour qu’il y ait occupation, deux conditions doivent donc être satisfaites :
a) l’occupant est en mesure de contrôler de manière effective un territoire qui n’est pas le sien ; b)
son intervention n’a pas été agréée par le souverain légitime6.
Cas de l’intervention étrangère dans un conflit armé interne : celui-ci peut s’internationaliser en
un second temps par l’intervention sur le territoire des troupes d’un autre Etat, voire d’une force
multinationale (ex : forces de l’ONU si elles participent aux hostilités), ou si certains participants au
conflit armé interne agissent au nom d’un autre État (intervention indirecte)7. Dans ce dernier cas,
un groupe armé agit en tant qu’organe de fait d’un Etat étranger8.
L’évaluation d’une intervention indirecte d’un autre Etat fait l’objet d’opinions divergentes.
Selon le TPIY, il faut établir si l’Etat étranger a exercé un contrôle global sur le groupe militaire ou
paramilitaire, qui va au-delà de la simple aide financière, fourniture d’équipements militaires ou
formation. Ce critère du contrôle global est réalisé lorsque l’Etat étranger « joue un rôle dans
l’organisation, la coordination ou la planification des actions militaires du groupe militaire, en plus
de le financer, l’entraîner, l’équiper ou lui apporter son soutien opérationnel. » 9 Il doit donc y avoir
3
J. Pictet (Dir. pub.), Commentaire : IVe Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles
en temps de guerre, Comité international de la Croix–Rouge, 1956, p. 26.
4
Voir affaite Bemba, Décision sur la confirmation des charges, 15 juin 2009, para.220
5
Règlement en annexe de la Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, La Haye,
18 octobre 1907, art.42.
6
Un exemple actuel d’occupation est le Haut-Karabagh depuis 1994 : l’Azerbaïdjan n’est en effet plus en
mesure d’exercer sa souveraineté dans cette zone et l’administration du territoire est exercée en pratique
par un gouvernement autoproclamé suite à un référendum local, non reconnu par la communauté
internationale, et se trouvant de fait dans une relation de subordination vis-à-vis de l’Arménie.
Vité S., opus cité, p.5
7
Idem
8
L’article 8 du texte de la Commission de Droit international sur la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite (2001), donne quelques précisions sur cette notion. Il estime que : « Le
comportement d’une personne ou d’un groupe de personnes est considéré comme un fait de l’Etat d’après
le droit international si cette personne ou ce groupe de personnes, en adoptant ce comportement, agit en
fait sur les instructions ou les directives ou sous le contrôle de cet Etat.» Texte en annexe de la résolution
56/83 de l’Assemblée générale des Nations Unies, 12 décembre 2001.
9
Voir arrêt de la chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Tadiç (aff. IT-94-1-A) du 15 juillet 1999, para 137,
http://www.icty.org/x/cases/tadic/acjug/fr/tad-991507f.pdf
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une implication plus forte qu’un simple soutien logistique, mais cette implication ne suppose pas
que toutes les actions du groupe concerné soient dirigées par l’Etat intervenant de l’extérieur.
Selon la CIJ, le contrôle global ne suffit pas. Il faut établir si l’Etat extérieur a exercé un contrôle
effectif des opérations militaires du groupe armé. La responsabilité de l’Etat extérieur n’est
engagée que s’il a ordonné ou imposé au groupe armé, la perpétration des faits10. Dans ce cas, les
actes commis par le groupe armé peuvent lui être imputés et on pourra parler d’internationalisation
du conflit.
En outre, s’il existe en général un consensus au niveau de la doctrine pour dire qu’un conflit armé
interne peut devenir international lorsque des forces multinationales ou celles d’un Etat extérieur
affrontent les forces gouvernementales impliquées dans le conflit interne à la base, il n’en est pas
de même concernant l’hypothèse où ces forces armées étrangères affrontent des groupes armés qui
participent au conflit interne.11 Ainsi, certains auteurs, estiment qu’il est important de tenir
compte de la nature de l’adversaire : a-t-on affaire à un organe de l’Etat ou à un groupe armé non
gouvernemental ? Si des forces armées étrangères affrontent un groupe armé non gouvernemental,
le conflit armé reste non international. Il s’agit d’une approche adoptée notamment par le CICR.
Celle-ci tient en compte les aspects opérationnels : on ne voit pas comment des groupes armés
peuvent appliquer par exemple, le régime des prisonniers de guerre prévu par la CG III ou le régime
de l’occupation prévu par la CG IV, ces conventions étant applicables en cas de conflit armé
international.
2.2.
Conflit armé non international (ou conflit armé interne)
Les conflits armés non internationaux opposent au sein d’un Etat des forces armées ou groupes
armés entre eux. Il s’agit donc d’hostilités mettant aux prises des forces armées. Cette situation
générale de conflit armé interne est régie par l’article 3 commun aux Conventions de Genève de
1949.
Le IIe Protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève s’applique dans une situation
de conflit armé interne aux conditions plus strictes (art. 1, §1) :
Opposition sur un même territoire entre les forces armées régulières et les forces armées
dissidentes ou groupes armés organisés ;
Ces forces armées dissidentes ou groupes armés organisés :
- sont sous la conduite d’un commandement responsable
- exercent un contrôle sur une partie du territoire de manière telle qu’ils peuvent
mener des opérations militaires continues et concertées.
De plus, le PA II exclut explicitement de son champ d’application « les situations de
tensions internes, de troubles intérieurs, comme les émeutes, les actes isolés et
sporadiques de violence et autres actes analogues » (art.1, § 2)12 .
Le Statut de la CPI aborde la notion de conflit armé interne de manière encore différente :
En ce qui concerne « les violations graves de l’article 3 commun », elle ne définit pas plus
précisément ce qu’il faut entendre par conflit armé interne (art. 8 §2, c).
Par contre l’article 8, §2, f), du Statut qui concerne « les autres violations graves des lois et
coutumes de guerre applicable dans ces situations », définit cette notion de manière plus
restrictive en précisant qu’il y a conflit armé interne lorsque celui-ci « oppose de manière
prolongée sur le territoire d’un Etat les autorités du gouvernement de cet Etat et des
groupes armés organisés ou des groupes armés organisés entre eux ». Deux conditions sont
donc requises : le caractère prolongé du conflit et le niveau d’organisation des groupes
armés concernés ; il n’est par contre pas exigé que les forces armées régulières soient
impliquées dans le conflit, ni que le groupe armé concerné exerce un contrôle territorial.
10
CIJ, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua contre Etats-Unis
d’Amérique), arrêt du 27 juin1986, Rec. CIJ, 1986, § 115 : http://www.icjcij.org/docket/files/70/6502.pdf. Position confirmée par la CIJ (qui n’adhère pas à la doctrine du
contrôle global défendue par le TPIY) dans l’arrêt suivant : CIJ, Affaire relative à l’application de la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine contre Serbieet-Monténégro), arrêt du 27 février 2007, Rec. CIJ, 2007, §§ 399-407 : http://www.icjcij.org/docket/files/91/13684.pdf
11
Voir S. VITE, loc.cit., p. 16.
12
http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/475?OpenDocument
3
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De la même manière que le PA II, la CPI exclut également de son champ de compétence
« les situations de troubles et tensions internes telles que les émeutes, les actes isolés et
sporadiques de violence ou les actes de nature similaire » (art. 8 § 2, d) et 8 § 2, f))13.
Le conflit armé interne se distingue donc des situations de violence interne qui n’atteignent pas
l’intensité d’une guerre14. Une analyse précise de la situation doit conclure à une certaine intensité
des violences pour que celles-ci puissent être qualifiées de conflit armé interne. Dans les autres
situations de simple violence interne, ce seront le droit international des droits de l’homme et le
droit national qui s’appliqueront.
Le TPIY estime qu’il y a deux éléments fondamentaux à prendre en compte pour qu’il y ait
conflit armé interne :
l’intensité du conflit armé qui peut s’apprécier au regard des indicateurs suivants : la
gravité des attaques, la multiplication des affrontements armés, la propagation des
affrontements sur un territoire et une période donnés, les effectifs des forces armées et
l’armement des parties, ainsi que l’intérêt du Conseil de sécurité des Nations Unies pour le
conflit et l’adoption de résolutions y afférentes ;
l’organisation des parties au conflit qui peut être évaluée selon les indicateurs suivants :
l’existence d’une structure de commandement, d’un quartier général et de théâtres
d’opérations définis et la capacité de se procurer, de transporter et de distribuer des
armes.15
* Qualification des conflits armés et enjeu de la distinction
Aucun organe international indépendant n’a été désigné pour qualifier de manière objective les
situations de violence armée et pour définir si une situation spécifique correspond à un conflit armé
ou simplement à des troubles internes et, si conflit armé il y a, s’il est de caractère international ou
non. De plus, cette qualification est souvent tributaire de considérations d’ordre politique. En
pratique, la qualification d’une situation varie d’un acteur à l’autre: gouvernements, groupes armés
dissidents, organisations internationales, ONG, tribunaux… n’ont pas nécessairement la même
analyse. Ainsi, un même événement peut être qualifié de trouble intérieur par le gouvernement de
l’Etat, et de conflit armé par des forces armées rebelles.
Le CICR a pour règle de communiquer aux parties concernées son évaluation des situations, sauf si
l’intérêt des victimes s’y oppose ou que la qualification de la situation est controversée.
Cependant, les destinataires de cette évaluation ne sont pas liés par cette position du CICR.
De plus, la réalité des conflits n’est pas toujours aussi tranchée que les catégories juridiques. Il
arrive que certains d’entre eux ne correspondent clairement à aucune des notions envisagées en DIH
et la qualification de certains types de situations peut prêter à controverse. Quelques exemples de
situations concrètes et de leurs problèmes de qualification sont décrits en annexe.
En fin de compte, en cas de poursuite contre des auteurs accusés d’infractions graves au DIH, il
relève de la responsabilité du tribunal saisi de l’affaire, de qualifier précisément la nature de la
situation dans laquelle les faits reprochés se sont déroulés, afin de déterminer les règles de droit
applicables.
La question de la qualification est en effet fondamentale pour déterminer le droit applicable et
donc les obligations qui s’imposent aux parties en présence : hors conflit armé, seuls le droit
international des droits de l’homme et le droit national s’appliquent, alors qu’en situation de
conflit armé, le DIH s’applique (en plus du droit international des droits de l’homme, sauf
dérogation pour certains droits, et du droit national). En outre, les règles conventionnelles du DIH
diffèrent en fonction du type de conflit. Il faut effectivement souligner que la communauté
internationale, considérant que les conflits armés non internationaux relèvent de la souveraineté
nationale, a largement plus développé les règles applicables aux conflits armés internationaux. A
titre d’illustration, les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs deux Protocoles additionnels
de 1977 comptent près de 600 articles dont seul l’article 3 commun aux CG est applicable aux
conflits armés internes au sens large tandis que les 28 articles du PA II sont applicables aux conflits
13
14
15
http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/585?OpenDocument
Voir notamment décision de la CPI dans l’affaire Bemba, Décision sur la confirmation des charges, 15 juin
2009, para. 243, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc733862.pdf
TPIY, Chambre de première instance II, aff. IT-03-66-T, 30 novembre 2005, Limaj et consorts, §§ 83-90.
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armés internes dans un sens plus restreint ; tous les autres articles ne sont d’application que dans
les conflits armés internationaux.
Concrètement, il arrive qu’un conflit entre dans le champ d’application de l’article 3 commun aux
CG, mais ne remplisse pas les conditions fixées par le PA II (parce que le groupe armé concerné ne
maîtrise pas une portion de territoire ou parce que le conflit se déroule sans implication des forces
gouvernementales). En revanche, tous les conflits armés couverts par le PA II, le sont aussi par
l’article 3 commun.
Cependant, une littérature extensive suggère que le droit international coutumier réduit le fossé
entre les différents régimes. Le CICR a répertorié en 2005 161 règles considérées aujourd’hui
comme étant du droit coutumier. Cette étude s’est basée sur la pratique de plus de 50 Etats issus
des cinq continents (législations nationales, jurisprudence des juridictions nationales et
internationales, manuels militaires des forces armées, déclarations des Etats,…). La plupart de ces
règles couvrent tant les conflits armés internationaux que non internationaux16.
De même, les décisions des tribunaux internationaux, se fondant sur la coutume, tendent à limiter
l’importance de la distinction entre les différents types de conflits armés en harmonisant les règles
applicables17.
Plus généralement, nombreux sont ceux qui conviennent que cette différentiation des conflits est
arbitraire, indésirable, difficile à justifier et frustrante sur le plan humanitaire et qui plaident pour
la suppression, en droit international humanitaire, de la distinction entre les conflits armés
internationaux et les conflits amés internes. Comme l’a exprimé la Chambre d’appel du TPIY
« Pourquoi protéger les civils de la violence de la guerre, ou interdire le viol, la torture ou la
destruction injustifiée d'hôpitaux, édifices du culte, musées ou biens privés ainsi qu'interdire des
armes causant des souffrances inutiles quand deux Etats souverains sont en guerre et, dans le
même temps, s'abstenir de décréter les mêmes interdictions ou d'offrir les mêmes protections
quand la violence armée éclate "uniquement" sur le territoire d'un Etat souverain ? Si le droit
international, tout en sauvegardant, bien sûr, les intérêts légitimes des Etats, doit
progressivement assurer la protection des êtres humains, l'effacement progressif de la dichotomie
susmentionnée n'est que naturel. »18
3. Civils / combattants
Les dispositions du DIH reposent essentiellement sur la distinction entre civils et combattants. Ces
derniers doivent respecter des obligations précises pendant le combat et dans les situations de
conflits armés internationaux bénéficient de la protection particulière du statut de prisonnier de
guerre, prévue par la troisième Convention de Genève. Les civils, eux, disposent d’une protection
générale contre les dangers résultant d’opérations militaires.
Le combattant est celui qui est autorisé à utiliser la force. Il ne pourra pas faire l’objet de
poursuite pénale s’il a utilisé la force de façon conforme aux dispositions du droit des conflits
armés. Le statut de combattant impose par contre une responsabilité pénale individuelle au regard
des crimes de guerre.
La liste des personnes considérées comme combattant définie par la CG III (art. 4.A.1, 2, 3, et 6) a
conduit à certains problèmes et interprétations abusives. Le PA I a clarifié et simplifié la
définition (art. 43):
Sont des combattants (qui ont donc le droit de participer directement aux hostilités), les membres
des forces armées d'une partie à un conflit (autres que le personnel sanitaire et religieux).
Par forces armées d'une partie à un conflit on entend : toutes les forces et tous les groupes
- armés,
- organisés,
16
http://www.icrc.org/fre/resources/documents/publication/pcustom.htm
Voir notamment l’arrêt du TPIY du 2 octobre 1995 dans l’affaire Tadiç, para 127 : « il est indéniable que des
règles coutumières sont apparues pour régir les conflits internes. Ces règles, […], couvrent des domaines
comme la protection des civils contre des hostilités, en particulier à l'encontre d'attaques commises sans
motifs, la protection des biens civils, en particulier les biens culturels, la protection de tous ceux qui ne
participent pas (ou ne participent plus) directement aux hostilités ainsi que l'interdiction d'armements
prohibés dans les conflits armés internationaux et de certaines méthodes de conduite des hostilités. »
18
Arrêt du TPIY du 2 octobre 1995 dans l’affaire Tadiç, para 97
17
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placés sous un commandement responsable de la conduite de ses subordonnés, même si
celui-ci est représenté par un gouvernement ou une autorité non reconnu par une partie
adverse,
et soumis à un régime de discipline interne qui assure, notamment, le respect des règles du
droit international applicable dans les conflits armés.
Les combattants sont tenus de se distinguer de la population civile (par un uniforme, brassard ou
autre signe distinctif) lorsqu'ils prennent part à une attaque ou à une opération militaire
préparatoire d'une attaque. Dans certains cas toutefois, en raison de la nature des hostilités, un
combattant armé ne peut se distinguer en permanence de la population civile (ex : des résistants en
territoire occupé) ; il conserve cependant son statut de combattant à condition qu’il porte
ouvertement ses armes pendant chaque engagement militaire et pendant le temps où il est exposé
à la vue de l’ennemi alors qu'il prend part à un déploiement militaire qui précède le lancement
d'une attaque à laquelle il doit participer. (PA I art.44, § 3)
Tout combattant au sens du PA I qui tombe au pouvoir de l’ennemi bénéficie du statut de
prisonnier de guerre. Ce statut est présumé s’appliquer lorsqu’il est revendiqué par la personne
détenue ou qu’il existe un doute au sujet de son droit à ce statut jusqu’à ce que celui-ci soit
déterminé par un tribunal compétent. (PA I, art. 44 et 45)
Les mercenaires ne bénéficient pas du statut de combattant et ne bénéficient donc pas de la
protection des prisonniers de guerre. Toutefois, rien n’oblige la Puissance détentrice à refuser
d’octroyer ce statut. (PA I art. 47) 19
Les terroristes ne sont pas reconnus comme une catégorie spécifique du DIH. Ils sont soit
combattants, soit civils. Le DIH interdit cependant les méthodes de guerre dont le but est de
répandre la terreur dans la population (PA I, art. 51, §2 ; PA II, art. 13, §2). Une personne qui
recourt à de telles méthodes, qu’elle soit civil ou combattant, commet un acte criminel et peut
être poursuivie pour crimes de guerre.
Le civil est défini par opposition au combattant (voir art. 50 du PA I) : est considérée comme civile
toute personne n'appartenant pas à l'une des catégories visées à l'article 4 A. 1, 2, 3, et 6 de la CG
III et à l'article 43 du PA I.
4. Objectifs militaires / biens civils
Les objectifs militaires sont les biens qui :
1. par leur nature (ex : char ou aéroport militaire), leur emplacement (ex : pont), leur destination
(ex : usine d’armement) ou leur utilisation (ex : école réquisitionnée par l’armée), apportent
une contribution effective à l’action militaire
2. et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l’occurrence
un avantage militaire précis (art. 52, § 2 du PA I 77).
Les biens civils sont tous les biens qui ne sont pas des objectifs militaires au sens ci-dessus (art.52
§1 du PA I 77).
Annexe à la fiche 2 :
Exemples illustrant les problèmes de qualification
Document en cours de finalisation
19
Voyez en ce sens les commentaires de cet article : Y. SANDOZ , Ch. SWINARSKI, et B. ZIMMERMANN (Ed.),
Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949,
Genève, CICR, Martinus Nijhoff Publishers, 1986, p. 585, § 1795.
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