Abbott : l`analyse

Transcription

Abbott : l`analyse
Un labo au crible
Abbott
La diversification,
clef du succès
Bien campé dans ses trois métiers, le groupe américain connaît une croissance
soutenue qui devrait perdurer. Sa stratégie lui permet de limiter les risques et
de traverser sans trop d’encombre les aléas de l’environnement.
Dossier réalisé
par Christine Colmont
N
e jamais mettre ses œufs dans le même panier ! Abbott a fait sien le vieil adage, cher
aux boursiers, en menant tambour battant
une diversification particulièrement payante.
« Ces huit dernières années, nous avons caressé l’ambition
de transformer Abbott en une entreprise capable d’enregistrer une forte croissance, de surcroît durable. Pour
atteindre ce but, nous avons constitué un portefeuille de
structures innovantes, toutes leaders sur leur marché et/ou
qui ont la capacité de le devenir », se félicite le président
Miles White. Que de chemin parcouru pour le numéro
neuf mondial de la pharmacie (un peu plus de la moitié
de son CA). Le groupe américain a posé ses jalons dans
le secteur des produits médicaux et dans la nutrition. Ces
trois secteurs très complémentaires et profitables évoluent
suivant des cycles très différents et ne présentent donc pas
les mêmes risques, en matière de recherche
notamment.
Franc succès sur plusieurs fronts
Une diversification qui fait avancer le groupe
sans trop d’encombre dans les turbulences
secouant le secteur. « Nos domaines d’expertise étendus, allant des produits médicaux à
la nutrition en passant par la pharmacie, font
d’Abbott l’une des entreprises les plus diversifiées, bâtie sur des fondations stables, ajoute
Miles White. De plus dans chaque pays, nous
sommes en mesure d’offrir l’ensemble des produits et des technologies les plus appropriés
pour chaque marché. » Il est donc logique que
l’entreprise souhaite conserver précieusement
toutes ses activités. Après que le conglomérat
américain General Electric a annulé le projet
d’acquisition de son pôle diagnostics pour huit
milliards de dollars, le groupe a donc décidé de
conserver ce pôle. Il est vrai qu’avoir un pied
dans ce métier constitue un atout non négligeable pour un laboratoire pharmaceutique,
54
PHARMACEUTIQUES - NOVEMBRE 2007
en lui donnant les moyens de cibler de plus en plus finement l’efficacité de ses médicaments, voire dans certains
cas de mener de front des recherches sur des tests diagnostics associés à une molécule.
Dans la pharmacie, le groupe connaît un franc succès sur
plusieurs fronts. Pour son patron, Abbott est aujourd’hui
une entreprise dont les champs d’activités correspondent
aux besoins de santé les plus importants. « Nous nous employons en effet à traiter des pathologies touchant de larges
populations de patients et ayant un impact majeur sur la
société telles le diabète, les maladies cardiovasculaires, les
maladies auto-immunes et le cancer. Notre environnement
concurrentiel nous a poussé à innover sur le plan technologique. Ce qui nous a permis de nous différencier d’autant
que nos produits apportent une valeur significative pour
les patients et les clients ». Ainsi, son médicament phare,
Humira®, d’abord prescrit la polyarthrite rhumatoïdes, a
bénéficié depuis d’extensions d’indications dans le rhumatisme psoriasique, la spondylarthrite ankilosante, puis dans la
maladie de Crohn. Avec un chiffre d’affaires de deux milliards
de dollars, il est devenu de loin le premier produit du groupe.
Ses ventes pourraient même atteindre trois milliards
l’an prochain. Quant à l’anti-cholestérol, TriCor®, il connaît une croissance annuelle très
forte (15 à 20 %). Dans le même domaine,
le lancement du nouveau Niaspan® a été
Accord
couronné de succès, tandis que le dossier
de Simcor® – qui agit contre la concencommercial
tration de lipides dans le sang – a été déavec Solvay
posé aux Etats-Unis. Pour mettre toutes
les chances de son côté et réduire les coûts
de lancement, Abbott vient de signer un
accord avec Solvay Pharmaceuticals pour la
commercialisation de ce produit. Solvay apportera son soutien commercial aux Etats-Unis, contribuera
aux frais de développement et de promotion et percevra une
partie du produit des ventes. Il est vrai que sceller des accords
fait partie de la stratégie du groupe, comme en témoigne la
collaboration nouée en oncologie avec Genentech. Le portefeuille en développement d’Abbott recèle d’ailleurs plusieurs
molécules dans le traitement des cancers.
Réduire les risques
Les clefs du succès d’Abbott résident en effet dans l’équilibre entre ses différentes activités. Le risque s’en trouve
réduit, les synergies jouent entre les différentes activités et
le cash généré par l’activité Nutrition et des produits médicaux permet de financer la R&D de la pharmacie, plus
grande consommatrice de capitaux. Les chiffres illustrent
cette réussite. La croissance des ventes d’Abbott se révèle effectivement supérieure à celle du marché, atteignant 15 %
pour les neuf premiers mois de l’année. Sur cette même
période, le chiffre d’affaires de la pharmacie seule a fortement progressé (+ 17,8 % à 10,43 milliards de dollars),
tout comme le diagnostic (+ 10,5 % à 2,3 milliards). Parallèlement, le pôle vasculaire s’est envolé de 80 % à 1,25 milliard permettant de compenser l’effritement de la nutrition
(– 1,4 % à 3,2 milliards). Cette stratégie lui permet aussi
de se démarquer de ses pairs. « Bon nombre de nos compétiteurs se concentrent sur des segments étroits et spécifiques et subissent de plein fouet les conséquences des aléas
du marché. Quant à nous, nous construisons
un ensemble varié de secteurs d’activité
au sein de marchés attractifs et dynamiques, où l’innovation médicale
est une véritable valeur ajoutée
et où le leadership assure un
niveau élevé de retour sur
investissement », explique
Miles White.
Chez Abbott, diversification ne rime pas
seulement avec métiers, mais aussi avec
pays, même si les
Etats-Unis restent le
marché de prédilection (53,4 % du chiffre
d’affaires 2006). Sur la
scène internationale, la
France occupe une place
de choix. « C’est le deuxième marché le plus important
en Europe, et l’un des plus importants dans le monde – pour
les produits pharmaceutiques et
médicaux. Nous arrivons à la fin d’une
excellente année. A ce jour, nous sommes le
laboratoire pharmaceutique qui, en 2007, connaît
la croissance la plus rapide en France et nous bénéficions
de solides perspectives pour 2008, dont le lancement
d’Humira® dans deux nouvelles indications – la maladie de
Crohn et le psoriasis. Par ailleurs, nous restons leader dans
les technologies d’immunoanalyse, dans les stents à revêtement inerte et Fil-Guide », indique Miles White.
Deuxième pour le meilleur
retour aux actionnaires
La croissance soutenue d’Abbott va de pair avec un retour
élevé aux actionnaires. L’an dernier, l’action a gagné 26 %
et poursuivi sur sa lancée en 2007, à un rythme certes
moins soutenu (+ 6 % jusqu’au 21 octobre). « Nous aspirons à présenter l’une des meilleures performances chaque année. C’est une tradition datant du début de notre
longue histoire. Par exemple, parmi les 500 entreprises du
classement Standard and Poor’s 500, Abbott se place à la
deuxième position pour le meilleur retour aux actionnaires, avec un taux de 16 % en 2006. Nous avons accru le
dividende, pendant trente-cinq années consécutives, avec
une augmentation de plus de 10 % cette année », rappelle
Miles White.
Le laboratoire ne devrait pas avoir de mal à atteindre
son objectif d’un bénéfice net par action (BNPA) compris
entre 2,80 et 2,84 dollars. Et pour 2008, les analystes s’attendent à un BNPA d’au moins 3,20 dollars. Même si le
brevet sur le Depakote® devrait expirer l’an prochain et que
ses produits Humira® et Niaspan® pourraient être concurrencés par des médicaments d’autres laboratoires. Cotée à
New-York, l’action pourra donc être mise en portefeuille
avec un objectif de cours de 62 dollars. n
55
11
NOVEMBRE 2007 - PHARMACEUTIQUES