george sand studies - The George Sand Association

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george sand studies - The George Sand Association
GEORGE SAND STUDIES
Volume XII, Nos. 1 & 2
Spring, 1993
CONTENTS
Guest Editor's Column
ARTICLES
Jeanne Goldin. Voyage et descriptif sandien: Une serie infinie de miroirs
Benedicte Monicat. Les lettres d'un voyageur: recit de voyage au feminin?
Anna Szabo. Departs et retours--une dialectique
Simone Vieme. George Sand: La halte et le chemin
Maryline Lukacher. Consuelo ou la defaite politique de la femme
Ione Crummy. The Unorthodox Beliefs of Pious Peasants in Sand's
Jeanne and Flaubert's Un Coeur simple
Henriette Bessis. George Sand critique d'art
2
11
18
26
36
46
65
REVIEWS
Chalon, Jean. Chere George Sand. (Franklin I. Triplett)
Datloff, Natalie, Jeanne Fuchs, and David A. Powell, eds. The World of
George Sand. (Germaine Bree)
Didier, Beatrice and Jacques Neefs, eds. Ecritures du romantisme II.
George Sand. (Isabelle Naginski)
Lara, Catherine. Sand et Les romantiques: un musical rock symphonique.
(David A. Powell)
Naginski, Isabelle, ed. George Sand. Revue des Sciences Humaines 226.
(Nancy Rogers)
Powell, David A. George Sand Today. (Benedicte Monicat)
Sand, George. Correspondance XXV. Ed. Georges Lubin. (Ann McCall)
Sand, George. Questions d'art et de litterature. Ed. Henriette Bessis
and Janis Glasgow. (Marie-Pierre Le Hir)
73
BIBLIOGRAPHY
87
74
75
77
79
81
82
84
Guest Editor's Column
Frarn;oise Massardier-Kenney
This twelfth volume of George Sand Studies bears witness to the importance of
Sand research today. As the bibliography for 1992 indicates, this year has been
particularly rich both in terms of criticism on Sand and of reeditions. The Editions de
l 'Aurore keep reissuing remarkable scholarly reeditions of Sand's novels (in this regard,
we should mention that although the Editions de 1'Aurore is now defunct, its reeditions
of Sand's work will be continued by the Editions Glenat of Grenoble), and Des Femmes
is also keeping its commitment to Sand's works. It is also s"ignificant that the Presses de
la Cite are issuing volumes containing several difficult to obtain novels and stories by
Sand.
1992 has also seen the publication of a special issue of the Revue des Sciences
Humaines on Sand, a feat inconceivable ten years ago. A sure sign also of the
"canonization" of Sand is the joint conference of the Xie Collogue International George
Sand and that of the Vie Collogue International Balzac in Montreal (May 1994).
Similarly, the last XIXth Century French Studies Conference included three panels
devoted to Sand. Clearly, Sand criticism has moved from the margins of French Studies
to its center.
Most of the articles presented here reflect the focus of the Ninth International
George Sand Conference (Bethlehem, Pa., 1991) which focused on travel in the works
of George Sand. Jeanne Goldin analyzes the complexity of the description of nature in
two travel pieces and shows the presence of political commentary in seemingly innocuous
descriptions. Benedicte Monicat traces the elusiveness of Sand as female subject in the
genre of travel writing while Anna Szabo offers a structural analysis of departures and
returns in several of Sand's novels. Simone Vierne presents a complementary analysis
in addressing the function of moments and spaces of rest in Consuelo in particular.
Maryline Lukacher assesses the limits of Sand's espousal of female emancipation in
Consuelo again. lone Crummy shows the intellectual and formal influence of Jeanne on
Flaubert's Un coeur simple. Last Henriette Bessis presents an overview of Sand's
writings on art.
We hope that the variety of works studied in the articles presented in this issue
will be even greater in the future and lead to the rediscovery and analysis of Sand's
astonishing production. At a moment when literary studies are focusing on the cultural
dimensions of literature, what better example could there be than Sand, who precisely
worked at the intersection of several cultural fields and who was passionately involved
with her times?
Goldin
3
le voyage vers le recit intime, voire dit-elle "la confession"; elle redit le caractere
autoreferentiel de l'Ecriture aux depens de l'exactitude des faits, de la fidelite al'objet
decrit, modele exteme qui fait pourtant partie partiellement des lois du recit de voyage.
Nous savons de fait que dans la premiere Lettre d'un voyageur, le contexte
personnel joue plus qu'ailleurs, un role essentiel. Comme toutes les lettres du recueil,
"ecrites [... ] a la suite d'emotions graves", 6 celle-ci renvoie directement a la liaison
orageuse avec Musset. Explicitement dans sa correspondance posterieure avec celui-ci,
George Sand mettra l'accent sur le contenu psychologique et moral aux depens du recit
de voyage proprement dit: "Je n'y ai vu qu'un cadre et un pretexte pour parler tout haut
de ma tendresse pour toi".7 Ceci en toute ambiguite, dans la mesure ou est deja
envisage un destinataire elargi: "pour fermer la gueule-- poursuit-elle--a ceux qui ne
manqueront pas de dire que tu m'as ruinee et abandonnee". En fait, George Sand y
"liquide" au moins provisoirement son accablante liaison avec Musset.
Mais la preface de 1843 fait plus que privilegier l'expression aux depens de la
representation entre !'oeuvre et le monde. Dans la lancee des prefaces de Lelia, elle
derive tres vite vers le commentaire philosophique, le schema des trois ages de la vie et
l'exemplarite de toute experience personnelle. Denorn;:ant la crise morale qui traverse la
France et exaltant l'action et !'engagement, elle devoile dans la metaphore generale du
"chemin de la vie", l'intertextualite qui structure la premiere lettre et le procede qui nous
interesse ici. La liturgie pascale de la Passion ala Resurrection, en particulier l'episode
evangelique du jardin des Oliviers, si cher aux Romantiques8 pose le schema intentionnel
de la lettre: Au depart, le desespoir et le doute: "Yous avez bu le meme calice, vous avez
souffert les memes tourments. Comme moi, vous avez doute, comme moi vous avez nie
et blaspheme, comme moi vous avez erre dans les tenebres, maudissant la Divinite et
l'humanite, faute de comprendre!" A I'arrivee, la soumission a Dieu, le pardon aux
hommes et l'avenir glorieux: de "la liberte" a "l'esperance", de l'esperance a "la
connaissance", de la connaissance a"la foi".
La structure de la premiere Lettre d 'un voyageur est done basee sur un double
symbolisme: celui de chemin de la vie, celui de la Passion christique; les nombreuses
descriptions mnemoniques en dependent.9 L'on sait que les continuels decrochages
temporels, entre le present de !'excursion proprement dite et le passe, sont ventiles a
diverses profondeurs non seulement des relations du couple: de leur depart pour l'Italie
et du passage aGenes (3), par le sejour a Venise (39, 45-7, 67), au depart recent de
Musset pour Paris (69); mais renvoie egalement au passe plus ancien du narrateur,
remontant dix ans en arriere apropos du reve du Tyrol (40-3) et plus loin encore dans
l'enfance, apropos de !'episode des palombes (68). Ces analepses sont doublees d'un
autre type de decrochages vers un espace et un temps imaginaires, l'un renvoyant au
passe: le reve du Tyrol (43-4), l'autre ouvrant le present onirique vers l'avenir: le reve
d' Amerique (75-6). Mais si ces decrochages par leur frequence dans la premiere partie
du texte, leur diminution par la suite au profit du present et de l'avenir, signalent
effectivement la trame initiatique du texte, !'on a moins vu le role generateur qu'y joue
l'intention morale et le procede allegorique ou la position du narrateur par rapport a
I'enonce joue un role cle.
George Sand en mai 1834 est, selon son expression, "entre une existence qui
n'est pas bien finie et une autre qui n'est pas encore commencee". 10 L'ambivalence du
Goldin
7
ou telle lande. Et celui-la, celui a qui j'ai pense aujourd'hui et dont
tout l'univers va parler demain, s'est agite toute sa vie pour realiser les
reves superstitieux d'une ambition demesuree. 23
Et de fait !'article porte sur Napoleon III qui vient de mourir en Angleterre, le
9 janvier. George Sand rappelle leurs relations, de la correspondance avec le prisonnier
de Ham jusqu'aux visites au Prince President apres l'echec de la revolution de 1848; elle
commente le contexte, les resultats du plebiscite et la chute d'un second Empire qui
voulait imiter le premier. Bref elle fait un portrait severe des "grands hommes", aussi
bien des "hommes a destin: Napoleon le foudroye" que des "empereurs a mission:
Napoleon le nefaste". 24
Mais notre sujet n'est pas cette reflexion politique mais !'articulation entre le
corps de !'article et la promenade introductive. Sans doute, les bois sont-ils
successivement le cadre de !'observation botanique et des souvenirs: ''J'ai reconstruit [ce
portrait] en me promenant dans les bois et en me rappelant !'ensemble des details qui
m'ont frappe"--dit George Sand. Sans doute, dans la citation deja faite, introduit-elle
directement le sujet, en opposant le narrateur a son objet, la vie de solitaire qu'elle mene
a Nohant avec la carriere publique d'un homme politique. Mais, on l'a vu, elle occulte
volontairement le lien entre la description botanique faite "malgre elle" et le sujet
politique.
Et pourtant! Ce n'est qu'apres avoir acheve !'article que nous comprenons ce
lien. George Sand a fait la critique des deux regnes imperiaux, ou "de grandes
prosperites apparentes, [cachaient] des plaies profondes et des cataclysmes imminents".
Elle a fait aussi son autocritique et une critique collective aussi: "Ah! nous sommes des
Fran<;:ais du XIXe siecle, et nous voulons encore nous payer des enfants du miracle!".
Durant la promenade, le narrateur a saisi, comme dans une revelation subite, la le<;:on
implicite de la Nature aux hommes, le<;:on de patience et de prudence. N'etait-ce pas
celle que servait deja George Sand en 1848? La nature non seulement ne s'est pas fiee
a la douceur exceptionnelle de l'hiver, mais encore, par "un surcroit de prudence" a
protege Jes fleurs tardives: "C'est ce qu'on est convenu d'appeler une prevision de la
nature, n'en deplaise a ceux qui Jui refusent toute prevision et toute conscience d'elle­
meme". 25 II faut esperer mais ne pas croire aux miracles.
L'on voit done comment, dans la lettre sur les Alpes, la narration et la
description sont investies et gauchies par un autre type de discours relevant d'un
symbolique culture!. Que ce soit le chemin de la vie ou le recit evangelique, le nouveau
schema reste lineaire et epouse done etroitement l'itineraire du voyage. Dans l'analogie
entre Musset et la Brenta, en particulier, I'entrelacement se fait dans une denudation trop
systematique pour que !'on doute de la pleine maitrise du narrateur. Le procede est
intentionnel, transitif; ii fait appel a l'intellection; Jes topoI memes Jui donnent dans une
certaine mesure, un sens preexistant. La narration en epuise Jes analogies. George Sand
d' ailleurs donne explicitement le sens du signe sans laisser a M usset ou au lecteur la
chance de ne pas le comprendre. Et les souvenirs d'enfance ou Jes reves, de fa<;:on moins
explicite il est vrai mais non moins reelle, se lisent comme des paraboles. Mais
neanmoins la souplesse des decrochages, la multiplicite des registres feutrent ce que
Musset aurait pu considerer comme une entreprise assez perverse. Le fait est que,
faisant peut-etre contre mauvaise fortune, bon coeur, il trouvera la lettre "sublime" !26
Goldin
9
NOTES
1. Beatrice Didier, "Deux joumaux de voyage en Auvergne: George Sand en
1827 et en 1859" dans Le Journal de voyage de Stendhal, Colloque de Grenoble,
(Geneva: Slatkine, 1986) 353; cf. egalement Lucienne Frappier-Mazur, "La description
mnemonique dans le roman romantique", in Litterature 38,
(1980): 23-6.
2. George Sand, Lettres d'un voyageur dans Oeuvres autobiographiques, vol.
2 (Paris: Gallimard, 1970) 651-78. La Jere lettre a parue dans La Revue des deu:x
mondes 5 mai 1834. Itineraire suivi: Bassano, le cafe des fosses et Jes compagnons de
voyage (1-36), la gorge de la Brenta (37-57), Jes grottes d'Oliero (58-69), Jes rencontres
insolites (70-4), sur la route de Trevise (75-6), Posagno (77-82), Assolo, la plaine de
Venetie, Trevise et Mestre avant le retour a Venise (83-6).
3. Cite par Tzvetan Todorov, Theories du symboles (Paris: Seuil, 1977) 183.
4. "L'allegorie est une operation rationnelle, n'impliquant de passage ni a un
nouveau plan de l'etre, ni a une nouvelle profondeur de conscience; c'est la figuration,
a un meme niveau de conscience, de ce qui peut etre deja fort bien connu d'une autre
maniere. Le symbole annonce un autre plan de conscience que !'evidence rationnelle;
ii est chiffre d'un mystere, le seul moyen de dire ce qui ne peut etre apprehende
autrement; ii n'est jamais explique une fois pour toutes, mais toujours a dechiffrer de
nouveau, de meme qu'une partition musicale n'est jamais dechiffree une fois pour toutes,
mais appelle a une execution toujours nouvelle". Henry Corbin, cite par Jean Chevalier
et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, vol. 1 (Paris: Seghers, 1964) XVI.
5. Cite par Todorov, Theories du symboles, 231-2.
6. Preface de 1843 aux Lettres d'un voyageur.
7. Lettre de Sand du 29 avril 1834. In Preface aux Lettres 59.
8. Frank Bowman, Le Christ romantique (Geneve: Droz, 1973) et "George
Sand, le Christ et le royaume", dans CAIEF 28 (1976): 243-62.
9. Bien des critiques ont analyse dans Jes joumaux de voyage et meme Jes
romans, l'interet des descriptions mnemoniques, "ou le phenomene de souvenir intervient
a partir d'un paysage reel, COntempJe, rememore OU revisite par Je sujet".
L'allegorisation des paysages, est souvent liee a ces descriptions mnemoniques et l'une
des modalites du paysage romantique; s'il n'est specifique ni a la litterature de voyage,
ni a l'ecriture sandienne, il est extremement frequent dans l'une et l'autre.
10. Lettre de Sand du 29 avril 1834 (60). Expression reprise par Musset dans
la lettre du 10 mai (72).
11. George Sand, Lettres d'un voyageur, dans Oeuvres autobiographiques, 2:
660.
12. Frank Bowman, "George Sand, le Christ et le royaume" 256-7.
13. Lettres 772-6.
14. Lettres 665.
15. Lettres 669.
16. Lettres 669.
Les Lettres d'un voyageur: recit de voyage au feminin?
Benedicte Monicat
C'est dans une perspective "generique", dans les deux sens du terme, que je me
propose ici de lire les Lettres d'un voyageur: recit de voyage et oeuvre feminine. Texte
charniere dans !'evolution litteraire de l'ecrivaine, ainsi que le precise Marie-Jacques
Hoog qui y voit "un passage du negatif au positif" (138). Texte frontiere et initiatique
comme peut l'etre le recit de voyage lorsqu'il s'inscrit dans la tradition romantique,
l'ouvrage de Sand est certes un texte complexe qui revele tout en les multipliant les
masques de l'ecriture sandienne.
Avant meme d'aborder la question de !'intersection du genre, le recit de voyage,
avec le genre, le feminin, dans l'ouvrage de Sand, j'identifierai les elements qui
determinent la categorie utilisee ici comme point de reference, a savoir celle du recit de
voyage au feminin. Je lierai la question de l'identite problematique du moi romantique
a celle de l'identite nom moins problematique du sujet feminin. J'aborderai ce theme en
comparant rapidement le texte de Sand a deux autres recits de voyages publies a la meme
epoque par des contemporaines de la romanciere, Voyage d'une ignorante dans le midi
de la France et l'Italie (1835) de la comtesse de Gasparin et Les peregrinations d'une
paria de Flora Tristan (1838). Je terminerai par une reflexion sur la manipulation des
diverses voix qui emergent dans les Lettres, sur ce que cette ecriture echappant a
l'autorite d'une identite fixe nous revele dans ses rapports a l'ecriture feminine du voyage
ci-dessous analysee.
Les elements constitutifs du recit de voyage au feminin gravitent autour du
paradigme central de la feminite qui se pense dans le texte et determine, ouvertement
dans la plupart des cas, un developpement dialectique du recit de voyage. Les donnees
essentielles de cette reflexion sur l'ecriture sont d'une part la feminite de convention dans
ses rapports avec une ecriture feminine elle aussi de convention (superficielle, distrayante
mais insignifiante, subjective par-dessus tout), et d'autre part l'affirmation par l'ecrivaine
d'une feminite ne s'inscrivant pas dans les normes prescrites, d'une ecriture feminine
autre (substantielle, signifiante, subjective peut-etre, valorisee avant tout). A partir de
ces elements, le texte procede de fa�on dialectique, opposant constamment le pre-suppose
au vecu feminin. Ce processus pourrait etre qualifie de dialectique negative dans la
mesure ou le discours du voyage au feminin emerge de la confrontation entre ce qui est
suppose etre de l'ordre du feminin mais n'est pas et ce qui n'est pas suppose etre dans
le registre du feminin mais surgit dans l'ecriture du voyage.
Dans cette perspective, l 'ecriture autobiographique est au coeur de la
problematique de l'ecriture du voyage au feminin. Elle en revele la complexite en tant
qu'ecriture interdite et cependant necessaire au developpement du recit, a sa legitimite.
Ce dilemme est le plus clairement revele dans la preface du recit de voyage au feminin.
En effet la preface est marquee par une rhetorique justificatrice qui a pour objet la
feminite de l'auteur et en consequence celle du texte. Justifier son depart devient justifier
sa feminite, justifier son recit devient justifier la validite d'une ecriture au feminin.
Ce qui est en jeu dans le recit de voyage au feminin est en fin de compte
l'ecrivaine elle-meme, la legitimite de l'ecriture feminine aboutissant a la valorisation du
11
Monicat
13
Lorsqu'on a subi !es avis et conseils de cent personnes[ ...]. Lorsque
votre plan, discute par un conseil de famille, a re9u !'approbation
generale, moyennant quelques rognures aux endroits qui vous
touchaient le plus (...). Un vehicule rapide [ ...] vous arrache aux
ennuis, aux tracasseries, aux deboires inevitables du 'chez soi'. (12)
Depart au feminin pour un ouvrage qui oscille entre I'effusion et le lyrisme romantique,
la meditation, la reflexion morale, le tout ponctue a intervalles reguliers de declarations
denigrant et affirmant a la fois la marque du ferninin dans le texte ("Ma pauvre tete de
femme n'a su observer la qu'un salon elegant" (1: 89); "cependant le coeur humain . .. ou
feminin, est rempli de faiblesse" (2: 209); "je ne suis qu'une ignorante" (1: 251).
Les Lettres d'un voyageur paraissent done a priori avoir peu en commun avec
I' autobiographie feminine militante de Flora Tristan ou la narration se definissant au
feminin (parfois ironiquement) de la comtesse de Gasparin. L'identite du narrateur dans
le texte de Sand, sa masculinite, est !'evidence qui cree cette distance. Le discours auto­
biographique feminin, ouvertement employe et discute par Tristan et Gasparin, est
dissimule par George Sand, meme si ce n'est que sommairement et de maniere
superficielle puisque I'auteur ne cesse de faire reference a des evenements
autobiographiques. Plus encore, la notion meme de l'identite du narrateur est
deconstruite par l 'ecrivaine qui note dans sa preface: "Ainsi on ne voit guere, en lisant
ces lettres, si c'est un homme, un vieillard ou un enfant qui nous raconte ses
impressions" (38). Le "coeur personnifie" (38) qui est ici le sujet du discours refuse de
se laisser enfermer dans une identite qui influerait sur la lecture et I'ecriture du texte.
Claudine Chonez interprete le masque du masculin dans !es Lettres comme un
refus du ferninin de convention (le feminin etant pris ici dans un sens pejoratif). La
critique evoque "ces etranges et charmantes Lettres d'un voyageur ou, comme pour
s' assurer contre la tentation des exces du lyrisme, des plaintes et eris trop 'feminins',
Aurore parle d'elle constamment au masculin" (93). Autrement dit, !'usage du masculin
"assurerait" l'ouvrage de Sand "contre" le recit de voyage tel qu'il est pratique, entre
autres, par la comtesse de Gasparin. II semble qu'une telle interpretation definisse par
trop negativement l'ouvrage de Sand. C'est a mon sens la question des repercussions de
!'identification feminine plut6t que celle des "exces" du feminin de convention qui est ici
en jeu. Ecrire ouvertement au feminin dans un texte non fictionnel signifie s'enfermer
ou se mettre dans I'obligation de prendre en consideration ladite feminite de convention.
Sand traite indirectement de la question en faisant usage de I'ironie et en
etablissant entre l'ecriture et le genre la distance de !'humour. Cet humour differe de
celui qu'utilise la comtesse de Gasparin dans la mesure ou cette demiere oppose a la
feminite de convention qu'elle toume en derision une experience valorisee qu'elle definit
comme feminine. Sand, quant a elle, joue du stereotype mais ne le met pas en cause en
prenant sa propre histoire de femme comme moyen de defense. "Je me mis a pleurer
comme une femme" (58), nous dit-elle avec un sourire, se decrivant ailleurs comme "un
homme de quatre pieds six pouces" (61) et plus loin comme "un poete, c'est-a-dire une
femmelette" (187). L'ecriture au masculin, ou l'ecriture utilisant le masque du masculin,
ne doit pas passer par Jes detours multiples et user des justifications constantes qui
caracterisent tant de recits de voyages ecrits par des femmes. L'aspect creatif de
Monicat
15
ecrivaines paraissent bien souvent aux antipodes l'une de l'autre, point n'est besoin de
Jes dresser l'une contre l'autre ainsi qu'a pu le faire par exemple Therese Plantier, de
maniere insultante pour Sand, dans George Sand, ou Ces dames voyagent, ou I'auteur fait
de Flora Tristan la representante du "vrai feminisme" et de George Sand le "porte-parole
[... ] de la masculinite la plus outranciere" (11). Le passage suivant des Lettres montre
au contraire que Sand s'insurge, comme Tristan le fait dans Les peregrinations, contre
le sort parfois tragique qui est reserve aux femmes dans le mariage:
Et parce qu'en ecrivant des contes pour gagner le pain qu'on me
refusait, je me suis souvenu d'avoir ete malheureux, parce que j'ai ose
dire qu'il y avait des etres miserables dans le mariage, a cause de la
faiblesse qu'on ordonne a la femme, a cause de la brutalite qu'on
permet au mari, a cause des turpitudes que la societe couvre d'un voile
et protege du manteau de l'abus, on m'a declare immoral, on m'a traite
comme si j'etais I'ennemi du genre humain ! (257)
Sand, comme Tristan, analyse la condition des femmes en termes d'esclavage. Toutes
deux "sont nees dans Jes fers", et plus encore, ainsi que le precise Mireille Bossis,
Tristan "parle comme une heroi:ne sandienne. Sa femme-messie est une soeur jumelle
de la femme pretresse de George Sand" (268).
Plus que dans Jes declarations ouvertes de Sand sur Jes droits des femmes, c'est
dans Jes refus de I'auteur qu'il faut aller chercher au plus profond !'inscription du genre
dans le genre. Le plus exemplaire de ces retranchements est sans doute celui que !'auteur
opere dans la derniere des lettres, consacree a une reflexion sur le contenu subversif de
son oeuvre quant a la question du mariage. Repondant au critique qui Jui reproche
d'avoir generalise une infortune particuliere a un probleme de societe, Sand ne se laisse
pas prendre a l'appat qui aurait fait de sa biographie le seul element legitime de son
discours. Elle replique: Si j'ecrivais a un pretre, peut-etre le recit d'une confession
generale entrainerait-il victorieusement !'absolution en meme temps que la reprimande
et la penitence. Mais ii n'y a encore eu que Jean-Jacques qui ait eu le droit de se
confesser en public. Je repondrai done d'une maniere generale" (316). Non seulement
Sand esquive-t-elle habilement l'attaque visant a mettre en cause la "normalite" de sa vie
privee (qui demeure telle par la meme occasion), mais encore fait-elle en sorte que la
discussion de cette question maintienne la rigueur intellectuelle essentielle a la gravite de
son objet.
Ce passage et !es paragraphes qui suivent illustrent la position complexe de Sand
dans le genre du recit de voyage au feminin. Se servant d'une experience de femme
"connue", elle rejette la tentation d'en faire le sujet direct de son recit, se protegeant ainsi
de toute attaque contre le "particulier", le "prive" de son texte. C'est ce "prive", dans
les deux acceptions du terme, le personnel et le manque, qui signale la singularite et la
complexite de l'ouvrage. En effet Sand n'assume pas dans les Lettres le fait d'etre
femme comme un combat social et intellectuel motivant l'ecriture, ainsi que le fait
Tristan. Elle ne l'integre pas non plus comme element constitutif de son texte et de sa
qualite d'ecrivain femme, ainsi que la comtesse de Gasparin le fait. Mais elle use de l'un
et de l'autre modele, brouillant Jes pistes de l'identite et de la lecture.
Monicat
Tristan, Flora. Les peregrinations d'une paria: 1833-34. Paris: Maspero, 1983.
17
Szabo
19
depart est decide dans des circonstances pour ainsi dire mures et bien precises. C'est
tantot la presence d'un opposant et/ou le desespoir, ne plus d'une fois d'un malentendu-­
qui les poussent a partir, tantot quelque devoir a accomplir. 2
Rituels du depart
Si la moitie au moins des personnages partent tout seuls, c'est que leur depart
est plutot une fuite: ils fuient une passion, veulent oublier un amour contrarie par un rival
ou un parent. Ils croient parfois agir dans l'interet ou pour le bonheur de l'autre et
accomplir ainsi un sacrifice, comme Caroline ou Sept-Epees. Ces amoureux desesperes
partent alors bouleverses et blesses comme Bernard, avec, parfois, la "joie amere et
farouche de n'avoir plus rien a aimer" et croient meme "ne vouloir remettre les pieds"
(Jean de la Roche 89) dans un pays ou ils avaient tant souffert.3 Le moment propice a
ces departs clandestins est bien evidemment l'aube ou la nuit, car ils quittent la rnaison
sans dire adieu a personne, a moins qu'ils ne laissent ou n'envoient plus tard un billet,
dont le destinataire est, du reste, rarement I'objet de leur amour mais plutot un oncle, une
mere ou un ami et dans lequel, par orgueil ou delicatesse, ils n'avouent jamais le vrai
motif du depart. S'ils partent la nuit, c'est aussi qu'ils n'ont pas le courage de revoir
leurs amants: "Je partis avant que personne ne filt leve dans la maison--dit Bernard, je
craignais que ma resolution ne m'abandonnfit au moindre signe d'amitie" (Mauprat 178).
Bernard ne peut cependant s'empecher de passer devant l'appartement d'Edmee, pour
coller ses levres sur la serrure. Comme il s'agit de departs brusques, decides sous le
choc d'une vive emotion, il n'est nullement question de preparatifs, sauf dans le cas de
Sept-Epees qui est oblige de confier sa fabrique a son associe. On apprend seulement
que Bernard reste "enferme dans [sa] chambre" et que toute la nuit il y marche "avec
agitation" (178). Sept-Epees part avec un "mince paquet" et son sac d'outils, Caroline
a son tour "enveloppee et voilee jusqu'au rnenton", porte elle-meme son paquet (Le
Marquis de Villemer 279). La rapidite de ces departs est soulignee aussi par la vitesse
de la narration--quelques lignes dans le texte--et par l'emploi d'expressions
hyperboliques, comme dans Mauprat ou Bernard se met a courir "comme un fou" et ne
s'arrete guere que "de l'autre cote des Pyrenees" (178). Si Bernard va en Amerique et
Caroline dans les Cevennes ou elle espere trouver refuge et consolation aupres de sa
nourrice, les autres desesperes de l'amour ne savent pas trop ou ils vont: au desequilibre
de leur etat correspond !'incertitude de leur destination. Jean de la Roche entreprend une
errance a travers le monde et quant a Sept-Epees, Jui aussi "incertain de la route qu'il
prendrait", il se fixe neanmoins un but plus precis: tout en essayant de se faire oublier,
il veut aussi "mettre a profit pour son instruction cet exil volontaire" (La Ville noire 134).
Le rituel du depart change sensiblement des que ce n'est pas le desespoir
d'amour qui pousse les personnages a partir. C'est que, meme lorsqu'ils sont tristes ou
qu'ils om le "coeur transperce" comme Germain, la petite Marie ou Franc;ois, ils ne se
sentent ni abandonnes ni trahis et, dans la plupart des cas, ils nourrissent l'espoir de
revenir. Ces personnages ressemblent au heros-queteur des contes populaires: les uns
partent a la recherche d'une "princesse", d'un ami ou d'un savoir, d'autres cherchent du
travail ou, plus ambitieusement, la gloire ou l'honneur (Germain, la petite Marie, Jeanne,
Joset, Brulette, Franc;ois, Stephen, Emilien). Quand on n'est pas chasse comme
Szabo
21
pourrait etre appliquee a presque tous les voyages qui figurent dans ses romans. La
conquete essentielle, la seule qui importe, est la conquete de soi-rneme.
Si le recit des evenements proprement dits du voyage et du sejour passe a un
autre endroit que le lieu de depart ne represente, tres souvent, qu'une faible proportion
par rapport a l'ensemble, l'importance du voyage dans la formation du personnage n'en
reste pas moins evidente. 9 Qu'il s'agisse de romans ayant des affinites avec les contes
populaires, les romans de formation ou d'autres types, plus ou moins "bourgeois", le
voyage reserve au personnage une serie d'epreuves ou du moins une occasion d'affirmer
sa personnalite.
Le trajet entre le point de depart et le point d'arrivee est rarement evoque, sauf
dans La Mare au Diable, Le Marquis de Villemer, La Ville noire; les evenements ou
rencontres decisifs etant a l'origine de la metamorphose du personnage, ont lieu plutot
apres l'arrivee ou sur le chemin du retour. Ces personnages affirment d'abord leurs
qualites, font preuve de courage ou de perseverance: dans la guerre--ou ils deviennent
officiers--, ou dans une lutte corps a corps, dans une situation dangereuse ou eprouvante,
ou dans le travail (Bernard, Emilien, Germain, Brulette, Franr,:ois, Cristiano Waldo,
Caroline, Sept-Epees). Ces epreuves enrichissent leur savoir sur eux-memes, sur les
autres, sur un metier, sur le monde. Joset va dans le Bourbonnais pour y "boire a la
source" et apprendre la musique qui s'y renouvelle "comme les fleurs de chaque
printemps" et qui "fait foisonner des idees pour les pays qui en manquent" (Les Maitres
sonneurs 177); Cristiano Waldo, le seul "voyageur heureux", tout en continuant ses
recherches geologiques, decouvre les merveilles de la nature, la bonte des gens et devient
un "ouvrier extraordinaire", puis inventeur; Sept-Epees se revele presque artiste dans son
metier, connait et comprend les perspectives du progres industriel; Jean de la Roche a
son tour, peut declarer au bout de son voyage que "rien ne [lui] est tout a fait etranger
sous le ciel" (91). Meme Stephen dans La Filleule, qui par ailleurs reste etonnamment
impermeable aux influences benefiques du voyage, apprend au moins une chose, c'est
qu'il n'etait pas ne "pour ce qu'on appelle les grandes choses" (134), car la vie se
renferme pour lui la ou vit Anicee (142). Ce qui explique que, dans l'histoire de
Stephen, ce n'est au fond que le retour qui compte, aucun renseignement sur les
evenements du voyage n'est donne, tout comme dans le cas d'Yseult: tous les deux
possedent deja, bien avant leur depart, un point fixe dans !'existence, celui ou vit leur
amoureux, en qui ils ont une confiance absolue. 10
Les personnages font aussi des progres d'ordre moral. Sept-Epees, par exemple,
comprend mieux desormais sa propre situation et devient par la plus calme et modeste;
Abel a son tour, dans sa "retraite", decouvre en lui "l'homme doux et tendre" dont i1
espere pouvoir "reprendre possession absolue" (Malgretout 204).
Sans pouvoir (ni vouloir) analyser ici les episodes de voyages, je me contente
d'en signaler au moins quelques elements bien connus qui existent aussi dans les contes
populaires et les mythes, et qui ont un role a jouer dans la metamorphose et le retour des
personnages. 11 Ceux-ci font quelquefois des rencontres decisives d'adjuvants qui,
comme Arthur dans Mauprat, "envoye du ciel" et "frere d'armes", apprennent aux
personnages a "se connaitre et a reflechir sur [leurs] impressions" (182), tout en projetant
"la lumiere de la sagesse dans les orages tenebreux" de l'fune (187). Les personnages
trouvent aussi parfois "l'objet magique" des contes qui prend d'ailleurs des formes tres
Szabo
23
Sauf les cas ou les amoureux rentrent ensemble, le bonheur des retrouvailles est
precede d'un moment non moins heureux ou le voyageur aperc;:oit le pays natal dont il
connait tous les coins et dont ii respire l'air a "pleins poumons" (Jean de la Roche 93).
On retrouve sa patrie, son "nid", son "asile", son "Eden" comme Stephen (141). A cet
instant supreme, le plus humble des paysages se montre le plus beau du monde, etant fait
a l'image de l'ame et de l'amour de celui qui arrive. Stephen, revenu de son expedition,
ne regrette ni les forets vierges, ni les cimes et les cataractes qu'il a vues, ii ne veut
"rien de mieux, rien de plus que cet horizon de pauvres herbes, ce ruisseau sablonneux
[ ... ], cette apathie des boeufs qui [viennent] tremper leurs genoux cagneux dans la vase"
(141-2). Sept-Epees, lui, retrouve avec joie un paysage tout different, sublime et
sauvage, des "roes denteles en scie" ou planent des vautours, des "eaux violentes" et des
"bois sombres", bref un passage qui n'a rien a voir avec les "grandes prairies momes et
les grasses etables de la veuve allemande" . 15 Pour Jeanne, cette "vierge de l'age d'or",
ii s'agit moins de retrouver quelqu'un, sinon la mere dans sa tombe, mais de regagner
un pays heureux, a la fois lieu natal et lieu des origines. L'episode de sa premiere
tentative, avortee, de retour dans le pays et celui du vrai retour--la mort de l'heroi:ne--,
se trouvent relies entre eux par le motif du sacre qui prend la forme du clocher de Toull.
Jeanne, en s'approchant du village, n'arrive pas a l'apercevoir, l'image du clocher ne lui
apparaissant finalement que dans son delire: "voila le soleil qui s'en va...--dit-elle avant
de mourir, et le clocher de Toull qui remonte. M'y voila arrivee, Dieu merci!" (283).
Les retrouvailles se font dans une extase pour ainsi dire religieuse: on s'eerie,
on s'elance, on se met a genoux, on rec;:oit une benediction (Mauprat, Le Compagnon du
Tour de France, Franrois le Champi, Jean de la Roche, Nanon). On doit cependant plus
d'une fois endurer l'epreuve de la reconnaissance: si le personnage risque d'abord de
n'etre reconnu que par un vieux chien ou un cheval, ii le sera par contre toujours et
immediatement par l'etre aime (Mauprat, Franc;:ois, Cristiano Waldo, Jean de la Roche).
Si parfois le personnage meme est oblige de se faire connaitre, comme Mattea
qui revient habille en homme, "beau comme le jour ou comme un prince de conte de fee"
(315-6), c'est qu'il a subi la metamorphose bien connue du heros. En effet, presque tous
les personnages reviennent de leur voyage physiquement et/ou moralement changes. Ils
sont plus forts, mieux instruits, plus lucides et mieux equilibres. C'est particulierement
evident chez Mattea, Sabina, Bernard, Franc;:ois, Brulette, Jean de la Roche, Sept-Epees
ou Emilien. 16 Si Caroline, Stephen ou Celie Merquem (son bref voyage a elle est, par
ailleurs, d'un ordre tout different des autres) ne presentent apparemment aucune
metamorphose, leur fac;:on de penser n'en a pas moins subi un profond changement: c'est
pendant leur voyage qu'ils ont reconnu la veritable force de l'amour. Meme Joset--dont
on sait pourtant la fin tragique--revient la seconde fois tout transforme: joli et muscle,
il a la "meme physionomie triste et songeuse, mais il s'y etait mele quelque chose de
decide et de hardi qui montrait enfin le rude vouloir si longtemps cache". 17
Tous les personnages rentrent done a la fois identiques a ce qu'ils ont ete au
moment de leur depart et neanmoins foncierement differents, car meilleurs. Ils meritent
done d'etre restitues dans leurs droits--au sens propre ou figure du terme--, comme
Cristiano Waldo, ou combles de recompenses: la main de leur "princesse" ou de leur
"prince", un "royaume", meme s'il n'est pas de ce monde, comme celui de Jeanne.
Szabo
25
I 'introduction de Simone Vieme in Jeanne, ed. Simone Vieme (MeyIan: Ed. de I'Aurore,
1986).
11. Sur !'importance des schemas narratifs du conte populaire chez George Sand,
voir Beatrice Didier, "George Sand et les structures du conte populaire," in George
Sand, ed. Simone Vieme (Paris: SEDES, 1983) 101-14.
12. Jean de la Roche 91. Le meme motif se trouve dans Mauprat 180 et dans
La Ville noire 140.
13. Le Compagnon du Tour de France, Jeanne, La Mare au Diable, Franrois
le Champi, La Ville noire, L 'Homme de neige. Dans La Mare au Diable, tous les
elements du voyage suggerent la necessite du retour: la conviction de plus en plus forte
de Germain que sa princesse a lui ne peut etre que la petite Marie, l'attachement de
l'enfant a Marie, le cheval qui refuse de suivre la route, la fa<;on dont ils s'egarent pour
se retrouver toujours au meme endroit, etc.
14. Dans le cas de Brulette, le regret du pays et des amis quittes est l'indice
certain d'un retour futur.
15. La Ville noire 150; voir encore Jean de la Roche 110.
16. Meme Abel, personnage pourtant problematique, est plutot prometteur a la
fin de Malgretout.
17. Les Maitres sonneurs 396-7. Le seul cas ou l'on trouve des indices plutot
negatifs est celui de Stephen, pour qui, par ailleurs, le voyage n'etait qu'un martyre. II
rentre amaigri et avec des cheveux blancs sur les deux tempes. II est vrai qu'il est
presente par les yeux d'une toute jeune fille.
18. II en est tout particulierement ainsi dans Les Maitres sonneurs ou le voyage
apparait surtout comme une tentation, liee a celle de la gloire. Le sens de l'echec final
de Joset a ete maintes fois analyse. Voir, entre autres, la preface de Maire-Claire
Bancquart, (Paris: Gallimard, 1979).
Vieme
27
"I'enceinte sacree": ce sont Jes "flexibles et complaisants barreaux de [sa] chere prison"
(c'est moi qui souligne). On voit que le theme evoque plus haut n'est pas force ...
Et l'on comprend des lors que, malgre les incommodites de la prison de
Spandaw, lieu de halte forcee, cette fois, Consuelo, finalement, y jouisse avec plaisir de
la solitude, du moment qu'elle peut faire de la musique, tout en fortifiant sa volonte, et
en se preparant, sans le savoir, a la prochaine et decisive etape de sa vie. II lui arrivera
meme, dans cette autre prison beaucoup plus doree, la villa du domaine du Graal, de ne
pas parvenir a dominer l'ennui "qu'elle avait victorieusement combattu a Spandaw" (3:
247).
2-Le jardin d'Eden
II n'en va pas tout a fait de meme lorsque la halte se passe dans la nature. Deja,
la maison de Bourges, dans les Lettres d'un voyageur, possedait un jardin d'herbes
sauvages qui l'avait accueillie au seuil de la demeure. Plus nettement encore, bien des
haltes ont lieu dans les oasis des jardins, lieux fermes mais riants et exuberants, a la
connotation plus nettement religieuse encore que les "prisons": en arriere-plan, bien
entendu, se dessine le jardin de Nohant, celui auquel elle donne ses soins toute sa vie,
et celui du souvenir de l'enfance avec l'autel du dieu Corambe. Le plus caracteristique,
dans les romans, est sans doute le merveilleux jardin du chanoine, dans Consuelo. Ce
"prieure mysterieux" a un attrait particulier pour une imagination poetique parce que, dit
le narrateur, ii est un "jardin reserve" ou comme par une influence magique, Consuelo
se sent brusquement reposee des fatigues de son voyage a pied avec Haydn (2: 115-6).
Elle y entend aussi les fleurs "chanter" un choeur, dans une synesthesie qui unit leurs
parfums et leurs couleurs: apres Hoffmann, et avant Baudelaire, "la nature est un temple
ou de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles..." G. Sand emploie
d'ailleurs le terme sacre d'elysee (2: 131-2).
Dans Teverino, le jardin du couvent de Notre-Dame du Refuge--dont le nom se
passe de commentaire--est double: une partie, la plus centrale et protegee par la seconde
enceinte ou ne penetrent pas les femmes, est magnifiquement cultivee; 6 on l'apen;oit a
travers les grilles, et une partie OU des batiments ont ete delaisses, et OU "les grandes
herbes abandonnees avaient plus de caractere et de poesie", d'autant que le lieu est
"completement desert". Sabina et Uonce peuvent s'y promener, tres romantiquement
(163-4). Mais la description de ce decor va bien au-dela du stereotype de la nature
sauvage. Le "murmure uniforme de la fontaine", l'horloge qui "annonce minutieusement
chaque parcelle de temps ecoulee" mais ne semble pas marquer l'heure, le silence, tout
concourt a faire de cette demeure un lieu ou "le temps n'avait pas d'emploi veritable et
la vie semblait s'etre arretee" (163-4)--comme les voyageurs et le voyage. On se trouve
en somme hors du temps dans un au-dela du monde profane, et la tonalite sacree de ces
asiles en fait un paradis un instant retrouve, un lieu de bonheur meme s'il doit etre perdu,
et ii l'est forcement.
3-La grotte et le chateau
Une variante plus symbolique encore du refuge s'engrene autour de l'image de
la grotte, la halte peut-etre la plus primitive, aux deux sens du terme, puisqu'on la trouve
dans l'un des tous premiers textes, non publies, de G. Sand, L'Histoire du reveur. 1 Le
Vieme
29
dans !'episode des grottes d'Oliero dans les Lettres d'un voyageur, ou l'hirondelle est
expressement reliee au renouveau.
On rappellera, dans le meme registre de conquete de soi, cette "reverie du
repos" dans la maison de Bourges, comme l'avait bien vu Bachelard, ou le "voyageur"
medite sur Lavater, sur le sens de la vie, sur l'art, dans l'immobilite propice au
ressourcement.
2-Le voyage en reve
La halte est plus encore necessaire pour permettre une autre sorte de voyage,
sans aucun doute superieur, aux yeux de G. Sand, au voyage reel ou romanesque (c'est-a­
dire suppose reel dans la fiction): le voyage en reve et par le reve.
On a vu que l'un des premiers essais de I' ecrivain racontait un voyage de ce
type, enchasse dans le recit d'une excursion supposee reelle a l'Etna, elle-meme histoire
racontee par le genie Tricket, qui converse familierement avec la narratrice, et precise:
"Je veux te raconter [...] l'histoire d'une maligne fee de mes amies qui se divertit aux
depens d'un fou qui te ressemblait". Et, nouvel emboitement, ce recit a lieu pendant le
sommeil "magnetique" de la narratrice... Dans la Grotte des Chevres, le voyageur est
gratifie d'un reve fantastique, qui lui permet un voyage bien autrement exaltant que
!'ascension du volcan. Sans bouger de son lit de feuilles, ou il va se reveiller, Amedee
le reveur, musicien et chanteur, est entraine par un esprit qui a la fin le saisit par les
cheveux, le fait voler et l'entraine dans le volcan, ou son corps se consume tandis que
"ce qui restait de lui" est invite a suivre jusque dans les entrailles du volcan son
compagnon metamorphose en femme. La fin de l'histoire est renvoyee a une autre fois
par le fantasque Tricket, et ne sera reprise, mais non terminee, qu'au chapitre 4,
troisieme partie. En contraste, la seconde partie raconte l'histoire du grillon (histoire
reelle qu'on retrouvera dans Histoire de ma vie), dont la tonalite s'oppose totalement au
fantastique et au voyage, avec sa note familiere et intimiste. On verra plus loin que ces
contradictions seront, dans la suite de la production de G. Sand, placees sous le signe de
la coi"ncidence des contraires, et non plus de la fantaisie a la matiere de Sterne.
On pourrait aussi rappeler, dans Lettres d 'un voyageur, l'evocation du reve de
la "barque des amis", lorsque le voyageur, a Venise, prend le frais, immobile, sur le
promontoire du jardin public (2: 69). Cette barque se materialise a l'arrivee de la
gondole portant Pietro, Beppa et Giulio, comme si elle avait ete en quelque sorte
provoquee par le reve et par les vagabondages de I'imagination devant le paysage
venitien. Ces derniers ont d'ailleurs une toute autre ampleur que la promenade qui suit,
malgre la poursuite de la gondole chargee de musiciens, et ne sont possibles que grace
a l'immobilite du reveur.
Dans Teverino, qui apparemment est construit sur la course pleine d'imprevus
et quasi haletante agencee par Leonce, pour seduire Sabina, l'hommage au reve est
annonce par la reference au conte que G. Sand aima tant dans son enfance, Gracieuse et
Percinet. Leonce, metteur en scene du dejeuner sur l'herbe, s'attribue le meme pouvoir
que le Prince du conte: Tous vos tresors sont rentres dans le coffret magique, et nous
pouvons poursuivre notre route, certains de les retrouver quand nous voudrons, a quelque
nouvelle halte, dans le royaume des songes" (44: c'est moi qui souligne). De meme, peu
apres, a une sorte de desert "affreux", la description se termine par cette reflexion:
Vieme
31
caracteristiques du genie de G. Sand, les diverses possibilites de la halte finale dont les
contradictions sont assumees par l'imaginaire "synthetique"10 de l'auteur.
1-Le retour au nid, ou le quotidien transfigure
On sait que la voyageuse George Sand retourne toujours au nid de Nohant,
quelles que soient ses escapades, et ace propos, on remarquera que, malgre leur titre,
les Lettres d'un voyageur sont envoyees pour une bonne moitie de Nohant. De meme,
bon nombre de voyageurs romanesques reviennent au bercail. L'exemple le plus frappant
est peut-etre celui du heros, Alexis, dans la longue nouvelle fantastiqueLaura. II fait en
reve d'extraordinaires voyages, dans la geode, puis jusqu'au pole nord, d'ou ii penetre
dans la grotte matrice de toutes les pierres precieuses. Son corps, toutefois, ne quitte pas
"la celebre ville de Fischausen", ni plus precisement la maison de son oncle, conservateur
du cabinet d'histoire naturelle, section de mineralogie, apres une jeunesse qui fut une
"ecole buissonniere, dans le sens le plus litteral du mot" (9), ou ii se livrait aux "delices
du vagabondage" (10). Les deux expressions montrent bien que ce plaisir sans but, qui
fut aussi celui de la petite Aurore, ne peut <lurer au-delade l'enfance, et qu'il faut donner
un sens a sa vie. Mais apres les deux experiences hallucinatoires du voyage magique,
qui ne sont pas sans rappeler Histoire du reveur, la quete s'acheve par le retour au
quotidien, compense par la conquete definitive de la femme aimee. Le reveur exalte est
devenu M. Harz, vendeur de mineraux, qui a epouse "une bonne petite personne sans
pretention" (185). Mais s'il l'a acceptee telle qu'elle etait, sa propre transformation
initiatique 11 lui permet tout de meme de la voir "a la fois dans le prisme enchante [du
cristal] et dans la vie reelle [... ]" (185). Loin d'avoir oublie son aventure, qu'il raconte
avec un visible plaisir, ii n'en jouit pas moins de la vie paisible qu'il mene, vie desormais
pleine de sagesse, au sens ou la sagesse est l'acquis supreme de la philosophie, comme
l'indique l'etymologie de ce dernier terme. Les inities. du reste, reviennent a la vie
profane. Ils la considerent simplement d'un autre oeil, ayant acquis la certitude qu'elle
ne represente pas l'essentiel de la vie. C'est sans doute ce qu'indique symboliquement,
tout a la fin du recit, le portrait de Laura. Si elle est devenue "une ronde matrone
entouree de fort beaux enfants", ii y a, quand elle parle, "dans son oeil bleu un certain
eclat de saphir qui avait beaucoup de charme et meme un peu de magie" (l 94).
2-L'errance finale: voyage a l'interieur de I'Autre monde
II y a pourtant des romans ou la fin de l'aventure ne se traduit pas par une halte
definitive. Ainsi, l'artiste Teverino pourrait, au choix, demeurer dans le couvent de
Notre-Dame du Refuge, ou poursuivre une carriere reguliere de chanteur, comme le lui
propose Leonce, ce qui serait aussi, et malgre les voyages qu'elle implique, une situation
stable, vers "la gloire tranquille et les revenus assures par-devant notaire" (173). Devant
cette perspective, ii crie done, comme Consuelo lors de son voyage avec Haydn: "Vive
la sainte liberte! ".
A peu pres de la meme maniere, au moins apparemment, dans l'epilogue de La
Comtesse de Rudolstadt, Albert et Consuelo sont devenus--ou pour Consuelo redevenus-­
des bohemiens, et precisement dans cette Boheme qui, pour etre un decor fictionnel, a
toujours eu pour G. Sand une valeur mythique. Qu'on se souvienne de l'invocation qui
clot la septieme Lettre d'un voyageur, "A Everard":
Vieme
33
outre, ce voyage plutot erratique se passe en fait dans un temps et un lieu proprement
mythiques, ou precisement temporalite et localisation, chemins parcourus et lieux de halte
ont perdu leurs caracteristiques profanes et contingentes, et se retrouvent dans la meme
signification: le but est atteint.
IV-CHOISIR DE NE PAS CHOISIR
J'aimerais insister un peu sur cette notion que j'ai exprimee a l'aide de termes
divers mais analogiques, lorsque j'ai parle d'imaginaire "synthetique", "alchimique", de
"coi'ncidence des contraires". Sur les theories de base concemant l'imaginaire, je renvoie
a l'ouvrage de Gilbert Durand deja cite. Plus precisement, ii m'a semble cependant,
lorsque j'ai etudie certaines images mythiques de la femme, notamment dans les romans
du XIXeme siecle, 12 qu'il existe une maniere d'imaginer qui est specifique de la femme,
ce que Beatrice Didier appelle aussi "l'ecriture-femme". 13 II faut s'empresser d'ajouter
avec elle qu'on la trouve aussi chez nombre d'artistes masculins. Cet imaginaire prend
sa racine dans ce qu'on pourrait appeler, avec Bachelard et Jung, I'anima, tout en faisant
appel forcement aux ressources de I'animus pour s'exprimer dans un language soumis aux
regles rationnelles de !'expression (meme si les techniques poetiques au sens strict du
terme lui laissent un peu plus de liberte).
Dans le cas precis de notre theme, on voit bien que la maniere dont George Sand
traite les paysages symboliques comme les caracteres des voyageurs, les aventures du
chemin comme les reves de la halte, est sous-tendue par une force imaginaire qui refuse
le choix rationnel entre deux polarites opposees, la marche et le repos. Ce qui,
d'ailleurs, n'est rationnel que dans les limites etroites et desormais depassees, meme sur
le plan du raisonnement scientifique, 14 de la logique purement aristotelicienne, logique
<lite du "tiers exclu". Car ii existe une logique du "tiers inclus", qui, loin d'exclure
comme la premiere la possibilite que l'un et l'autre termes opposes d'un raisonnement
soient vrais ou seulement possibles en meme temps, les prend en compte de sorte qu'une
troisieme solution est incluse dans !'opposition binaire primitive.
Pour rester dans le domaine litteraire, une figure de style rend bien compte de
cette far,;on d'apprehender le monde, et d'en rendre la complexite, c'est celle de
!'oxymoron: "Noire et pourtant lumineuse", comme l'exprimait si bien Baudelaire. Les
deux "valeurs" (au sens pictural du terme) antithetiques du noir et du lumineux,
exclusives l'une de l'autre si l'on s'en tient au niveau de la logique rationnelle, nous
disent pourtant une realite poetique, surreelle si l'on veut mais non moins vraie que
l'opposition binaire somme toute banale (heroi'que, selon les termes de Gilbert Durand)
entre l'ombre et la lumiere.
George Sand, dans son traitement du theme du "voyageur", si caracteristique du
Romantisme, ne nous <lit pas seulement qu'en cours de chemin, il est necessaire de faire
halte. Elle nous le dit aussi, naturellement, car elle a un grand bon sens. Mais surtout
elle nous fait sentir, plus profondement, par exemple qu'il est necessaire de faire halte
pour pouvoir entreprendre ce voyage bien plus essentiel pour l'ame qu'est le reve, et que
done la halte et le voyage, a ce point, sont une seule et meme chose. Elle fait
comprendre de meme que toute transmutation de l'etre humain, pour acceder a un stade
superieur. a un statut different de celui de l'homme mortel et ephemere (ce qui pour elle
se traduit par le fait d'"etre artiste"), se fait a la fois par l'errance bohemienne qui
Vieme
35
NOTES
J. Paru dans La Presse du 19 ao-fit au 3 septembre 1845. Nos references sont
faites a la reedition aux Editions d'Aujourd'hui, collection Les lntrouvables, notice de
Georges Lubin, 1977.
2. Georges Lubin parle du roman le plus gratuit de George Sand.
3. Nos references sont faites a ['edition Flammarion prefacee par H. Bonnet
(Paris, 1971).
4. Vair Gilbert Durand, Le Decor mythique de la Chartreuse de Parme. (Paris:
Corti, 1961, reed. 1989).
5. Nos references sont faites al'edition introduite et annotee par Rene Bourgeois
et moi-meme, Editions de ['Aurore, 1983, reedition 1991.
6. On se rappellera que ce roman est de peu posterieur a Consuelo.
7. Publie dans le numeros 17 de la revue Presence de George Sand, juin 1983,
presentation par Thierry Bodin. Une premiere publication avait ete faite, de fa<;on
imcomplete, en 1931, par Aurore Sand.
8. Publiee a la suite de Laura et du texte Les Charmettes dans !'edition Michel
Levy, a laquelle nous nous referons pour ce texte et plus loin Laura.
9. Dans Rite, roman, initiation (Grenoble: Presses universitaires de Grenoble,
1973, reedition 1987), et dans !'introduction a !'edition de Consuelo aux editions de
!'Aurore.
I 0. Vair Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l 'lmaginaire (Paris:
Bordas, 1969).
11. Vair man article, "Deux voyages initiatiques en 1864" in Hommage a
George Sand, (Paris: P.U.F., 1969); Laura de George Sand et Voyage au centre de la
terre de J. Verne, (Paris: P.U.F., 1989).
12. Mais pas seulement du XIXeme siecle. Vair mes articles: "Figures mythiques
de la femme dans L'homme qui rit de V. Hugo", in IRIS, revue du Centre de Recherche
sur l'imaginaire. 1 (2e trimestre 1986) et "La troisieme voix", in Cahiers internationaux
de symbolisme (Mons, Belgique: Ciephum, 1989).
13. L'ecriture1emme (Paris: P.U.F., 1981).
14. Vair notamment, en mathematiques, les travaux de Rene Thom, en physique
ceux d'llya Prygogine et de Basarab Nicolescu, en biologie d'Henri Atlan, en
astrophysique, ceux d'Hubert Reeves. Vair ['article d'Hubert Reeves dans Sciences et
lmaginaire, Centre de Recherche sur l'Imaginaire, ELLUG, U.F.R. de Lettres,
Universite Stendhal, Grenoble, et !'article de Basarab Nicolescu dans IRIS 2.
15. Didier 259.
16. Didier 6.
17. Isabelle Naginski, George Sand. Writing for Her Life. (New Brunswick,
N.J.: Rutgers University Press, 1991).
Lukacher
37
jeu au niveau du politique. La declaration de Sand ne rejette-t-elle pas du meme coup
les theses des franc-mac;ons et de Leroux dans l'oubli?
C'est en effet sous l'influence des doctrines de Pierre Leroux que Sand va parler
de la franc-mac;onnerie et de I 'initiation mac;onnique a laquelle Consuelo est soumise dans
le troisieme volume de La Comtesse de Rudolstadt. L'utopie sandienne de 1844
deviendra pourtant realite lorsqu'en 1882 Maria Deraismes sera la premiere femme a etre
admise dans la loge des Libres Penseurs. Trop tard bien sur pour que Sand s'en
rejouisse puisqu'elle meurt en 1876. La croyance dans le "progres continu" et
"l'immortalite de l'homme dans l'Humanite" sont les grands themes de Leroux que Sand
va incorporer a son roman. L'ideal de justice et !'absence de prejuges qui poussent
George Sand a s'occuper de politique sociale correspondent parfaitement aux idees de
Leroux et le role misericordieux qu'elle trouve primordial pour la femme, s'illustre dans
le personnage de Consuelo. Mais s'il est necessaire de commencer par ce stade de la
mission feminine, "et ne pas commencer par ou on doit finir" selon Sand, que reste-t-il
de l'emancipation de Consuelo?
C'est la declaration de Sand a Flaubert qui remet precisement en question les
intentions de l'auteur. Les diverses identites de Consuelo, ses roles multiples se trouvent
finalement reduits a celui de mere et d'epouse a }'exclusion des autres modeles feminins
(la diva, l'initiee mac;onnique). Les restrictions historiques qui contraignent finalement
Consuelo a devenir l'interprete des paroles de son mari, Albert de Rudolstadt, a la fois
mage et fou, rendent compte d'une autre lecture de Consuelo liant le politique a
I 'idealisation de la domestication feminine. Dans cette etude, je montrerai les differentes
phases conduisant a la mise en place de la domestication du feminin.
I. Le sujet disciplinaire.
Oh! qu'alors le sejour de cette terre sera doux aux hommes, et qu'il
fera hon d'y etre ne! Quand nous serons tous freres et soeurs, quand
les unions seront librement consenties et librement maintenues par la
seule force qu'on puise en soi.
George Sand, La comtesse de Rudolstadt
Le pouvoir disciplinaire, lui, s'exerce en se rendant invisible; en
revanche ii impose a ceux qu'il soumet un principe de visibilite
disciplinaire.
Michel Foucault, Surveiller et punir.
Commenc;ons done par le resume de l'intrigue qui nous permettra de mettre en
valeur le dressage de Consuelo dans un recit qui se donne pour tout autre chose. Le
roman se deroule dans l'Europe du dix-huitieme siecle. Consuelo, brillante diva et enfant
illegitime d'une bohemienne espagnole croit que son mari, le comte Albert de Rudolstadt
est mort. Elle a epouse Albert par devoir, sur son lit de mort. La comtesse de
Rudolstadt s'ouvre sur les succes de la Porporina (nom donne a Consuelo par son maitre
de chant Porpora) a l'opera de Berlin. Mais ayant deplu a Frederic II de Prusse, elle est
enfermee a la prison de Spandaw. Elle echappe a I'incarceration a perpetuite grace a
!'intervention d'un chevalier masque, Liverani, dont elle tombe amoureuse et qui partage
sa passion. 11 l'amene au chateau des Invisibles, le Saint Graal ou elle doit subir une
Lukacher
39
excellence pour favoriser la creation litteraire. La venue a l'ecriture est le moment
privilegie de la communication, elle s'adresse toujours a un destinataire en tant que
message: "Mais j'ignore les maux que me reserve l'avenir, et si j'y succombe, du moins
une trace de moi et une peinture de mon agonie resteront dans vos mains" (La. comtesse
de Rudolstadt 3: 206). L'ecriture en tant que trace du moi equivaut a une sorte de survie
de l'individu. Comme le rappelle Jacques Derrida dans Parages, "La voix narratrice
revient a un sujet qui raconte quelque chose, se souvenant d'un evenement ou d'une
sequence historique, sachant qui ii est, ou ii est et de quoi ii parle. Elle 'repond' a une
police, a une force de l'ordre ou de loi. La voix narrative, elle, deborderait, si c'etait
possible, l'investigation policiere."7 Dans La. comtesse de Rudolstadt, la voix narrative
rend compte d'un temoignage futur de Consuelo contre le pouvoir du roi et de la loi.
Ecriture captive du present mais qui imagine faire revenir le revenant ("une trace du
moi") apres la mort.
Mais n'est-ce pas de faire revenir un autre revenant dont ii est toujours question
dans la fiction sandienne? Dans ce passage ou Consuelo s'interroge sur les chances
d'etre lue un jour, elle revient sur les conditions de l'ecriture: "Oh! maintenant je
remercie ma mere de m'avoir fait apprendre a ecrire, elle qui ne le savait pas!" (La
comtesse de Rudolstadt 3: 206). Le retour a la mere morte est dans La comtesse de
Rudolstadt ce qui rend finalement possible la venue a l'ecriture.
Pour Sand, le don createur est lie au pouvoir de la mere. Deja en 1829, dans
Le Voyage en Auvergne, Sand cherche une raison pour commencer a ecrire: "Me voila
bien! si j'ecrivais a quelqu'un? oui, a ma mere, par exemple! a ma mere, ah Dieu! 'Oh
ma mere, que vous ai-je fait? pourquoi ne m'aimez-vous pas? Je suis bonne pourtant. .."8
Dans cette lettre qui marque le desir de revenir a la mere, et son impossibilite, Sand
signale sa defaite. L'ecriture est a la fois ce qul lie litteralement Consuelo a la mere,
mais aussi ce qui separe Sand de la sienne.
Le Voyage en Auvergne signale done l'absence de la mere et revele du meme
coup la question de "a qui ecrire si ce n'est a ma mere?" Toujours dans Le Voyage en
Auvergne, Sand s'adresse a une serie de destinataires possibles: "Mais mon Dieu a qui
ecrirai-je done? Je vais ecrire a Zoe. A Jane plutot. Decidement je n'ecrirai pas, mais
qu'est-ce que je fais done a present?" La figure de la mere en tant que mere interdite
renvoie a la tentation du suicide d'une part et a la figure de la bonne mere d'autre part:
"Si je me tuais? Mais non je ne peux pas. Maurice qui est la! Oh mon fils, n'aie pas
peur que je te quitte. Va, ta mere t'aimera!" (OA 2: 505). Dans ce questionnement
incessant, Sand a pris la place de la mere, Sophie Dupin. C'est elle qui restera avec son
fils Maurice, le garantissant de son amour matemel. Sand marque le moment ou elle
s'identifie dans l'ecriture a sa mere et en meme temps se differencie d'elle. Mais le
rapport Sand/Sophie Dupin n'est pas analogue a celui de Sand/Maurice. Le rapport
fille/mere est different du rapport fils/mere. Pour Luce Irigaray, c'est precisement dans
cette difference que se joue le binarisme sexuel: "La femme n'est pas du tout dans le
meme type d'identite subjective que l'homme. En effet, elle n'a pas a se distancer de
sa mere comme lui: par un oui et surtout un non, un pres ou loin, un dedans oppose a
un dehors, pour decouvrir son sexe. Elle se trouve devant un tout autre probleme. La
femme, elle, devient sujet immediatement par rapport a un autre sujet meme qu'elle: sa
mere."9 Or Sand contredit et invertit les termes de cette opposition: 'Tai observe
Lukacher
41
D'apres Lucienne Frappier-Mazur: "The novel does not work through all of the
potential meanings, but makes it clear that Liverani, because he preserves traits of a
protecting, reassuring, living mother, can arouse physical passion in Consuelo. He
introduces ar.. identification of the feminine with the life of the senses and a perfect
continuity from the parental to the sexual, thanks to the mediation of the maternal." 14
L'association du maternel au sexuel dans le personnage de Liverani peut egalement
rendre compte de la reaction de Flaubert. Liverani rend possible le passage des
frontieres sexuelles en depassant !'opposition anatomique traditionnelle. Ce que Sand
etablit c'est Ia presence du feminin dans Liverani/Albert. Cette fusion des deux sexes
en un est deja ebauchee quand Albert raconte a Consuelo comment ii a ete designe, ii y
a Iongtemps, par Ia mere de Consuelo pour etre son substitut. Elle Jui a confie un
moment I'enfant (Consuelo) qu'elle portait: "Je vis alors un enfant de cinq a six ans, pale
et hale comme sa mere, mais d'une physionomie douce et calme qui me remplit le coeur
d'attendrissement. Je la pris dans mes bras." 15 La bisexualite d'Albert-Liverani repond
en quelque sorte a la question de Flaubert, "j'ai Jes deux sexes, peut-etre." De plus,
comme le souligne Frappier-Mazur: "Only when Liverani is recognized as Albert,
however, does the novel fully sweep away the traditional opposition between woman as
lover and as wife/mother."16 II devient aussi evident que la feminisation de Liverani
permet I'identification inverse, Ia masculinisation de Consuelo. Ce processus deviendra
particulierement interessant quand Sand, s'appropriant le mythe d'Orphee, le transforme
en femme.
II. Orphee au Feminin
Orphee, oubliant sa promesse, se retourna trop tot; et Eurydice Jui fut
ravie presque avant qu'il put Ia voir. La douleur d'Orphee imposa de
nouveau silence a sa musique, cela jusq11'aux temps ou ii mourut sur
Jes bords de l'Hebre.
Mallarme, Les Dieux Antiques
Le deuxieme enfermement de Consuelo au chateau du Saint Graal suit
directement !'evasion de la forteresse de Spandaw: "Elle ne pouvait plus lever Jes yeux
autour d'elle sans decouvrir quelque nouvelle sentence qu'elle n'avait pas encore
remarquee, et qui semblait Jui defendre de respirer a l'aise dans ce sanctuaire d'une
justice soupr;onneuse et vigilante" (La comtesse de Rudolstadt 3: 298). La surveillance
invisible qui organise Ia place et le temps de Consuelo au Saint Graal est aussi rigoureuse
que celle qui s'imposait a Spandaw: "Ma forteresse est belle, se dit Consuelo, mais elle
n'en est que mieux close" (La comtesse de Rudolstadt 3: 292). Comme Foucault le
remarque, Jes disciplines organisent des espaces a la fois architecturaux, fonctionnels et
hierarchiques qui garantissent l'obeissance des individus. Or, toujours d'apres Foucault,
I'amenagement des hierarchies amene a la constitution des tableaux: "Le tableau au
XVIIIe siecle, c'est a Ia fois une technique de pouvoir et une procedure de savoir. II
s'agit d'organiser le multiple, de se donner un instrument pour le parcourir et le
maitriser; ii s'agit de Jui imposer un 'ordre'." 17 Cette volonte de hierarchiser, de
discipliner qui s'applique aux differentes taxinomies du dix-huitieme siecle prend la forme
de rites d'initiation a la residence des Invisibles.
Lukacher
43
regard vers l'aimee n'abolit-il pas du meme coup la perfection du chant? Sand repose
le probleme dans ses propres termes en montrant comment la perte de la voix de
Consuelo la conduit a devenir uniquement mere et epouse. Dans le mythe comme dans
le texte sandien, la domestication de !'artiste semble condamner l'art.
Comme Orphee dont le chant est sacrifie a Eurydice, Consuelo perd la voix:
"[elle] se presenta sur la scene. Elle se posa, et ses levres articulerent un mot...mais pas
un son ne sortit de sa poitrine, elle avait perdu la voix" (La comtesse de Rudolstadt 3:
524). La faillite artistique de Consuelo est liee a son destin d'epouse. En acceptant de
perdre la voix, Consuelo marque du meme coup !'impossible reconciliation de !'art et du
mariage: "et remerciant Dieu de Jui envoyer cette infirmite subite qui allait Jui permettre
de quitter le theatre et de rejoindre Albert" (La comtesse de Rudolstadt 3: 524). Pourtant
la perte de la voix de Consuelo marque le moment d'un echec general: "Les Invisibles
avaient disparu sous la persecution. Consuelo avait irremediablement perdu sa voix. A
partir de cette epoque, ii est a peu pres certain qu'une vie obscure et de plus en plus
pauvre fut le partage des deux epoux" (La comtesse de Rudolstadt 3: 531). Redevenue
la Zingara, comme jadis sa mere, Consuelo reintegre son identite de femme et de mere.
Le mythe initiatique sandien demontre, en 1844, !'effacement de !'artiste dans
la mere et l'epouse. Si "ecrire commence avec le regard d'Orphee" selon Blanchot, ce
regard est le mouvement du desir qui brise le destin et consacre le chant. En respectant
l'interdit, Sand montre bien son intention de creer une autre possibilite artistique. La
perte de la voix de Consuelo va finalement en sens inverse du regard d'Orphee. Alors
qu'Orphee etait venu, non pas faire vivre Eurydice, mais avoir vivante en elle la
plenitude de la mort, Consuelo sauve Albert de la mort en echange de sa voix. Si
!'emancipation de la femme dans le mariage est parfaitement realisee ici: "Ecoutez mon
fils; ii va vous chanter un cantique dont sa mere a fait la musique, et moi les vers" (La
comtesse de Rudolstadt 3: 551), c'est tout de meme au prix du don artistique.
Les identifications de Consuelo a Orphee et d'Albert a Eurydice ne sont que
momentanees dans l'ecriture sandienne. Dans "La lettre de Philon" qui termine La
comtesse de Rudolstadt, les divines improvisations d'Albert sont comparees a celles
d'Orphee: "Ce Rudolstadt, qui n'avait d'abord voulu nous parler qu'avec Jes sons de la
musique, comme autrefois Orphee, cet artiste qui nous disait avoir depuis lontemps
abandonne la logique et la raison pure pour le pur sentiment [...] devint tout a coup le
plus raisonnable des philosophes, au point de nous guider dans la voie de Ia vraie
methode et de la certitude" (La comtesse de Rudolstadt 3: 559). Le regard d'Orphee
condamne Eurydice a la mart une deuxieme fois. En abandonnant la place d'Eurydice
pour celle d'Orphee, Albert a triomphe de la mart. Et Orphee-Consuelo se met au
service de la bonne parole et d'une propagande egalitaire dans les villages de Boheme.
L'echec politique de Consuelo La comtesse de Rudolstadt reste attache au role
predominant de la mere: "Chacun reprit son fardeau, le pere le sac de voyage, le jeune
homme les instruments de musique, et la mere les mains de ses deux filles" (La comtesse
de Rudolstadt 3: 578). II est curieux que le retour a la figure matemelle chez Sand
s'apparente a l'ideologie dominante du role de Ia mere au dix-neuvieme siecle. Dans
"Fetal Attraction: Hegel's An-aesthetics of Gender," Eric Clarke note: "Bourgeois ideals
of family life as a safe heaven of affective and intimate bonds, beyond the competitive
and public world of men and their work, led to 'the differentiation of a mother-role.'
Lukacher
45
18. A propos du bon emploi du corps discipline, Foucault reprend l'exemple de
l 'ecriture: "Une bonne ecriture par exemple suppose une gymnastique--toute une routine
dont le code rigoureux investit le corps en son entier, de la pointe du pied au bout de
!'index" dans Foucault, Surveiller et punir 154. Alors que Foucault rappelle Jes
prescriptions corporelles que Jes ecoliers doivent tenir en ecrivant, la naissance de
l'ecriture est chez Sand liee a l'emprisonnement du sujet. L'ecriture devient done pour
Sand comme pour Foucault le modele par excellence du sujet disciplinaire.
19. Maurice Blanchot, L'espace litteraire (Paris: Gallimard, 1955) 228.
20. Isabelle Naginski, George Sand, Writing for her life (New Brunswick:
Rutgers University Press, 1991) 206.
21. Eric 0. Clarke, "Fetal Attracton: Hegel's An-aesthetics of Gender,"
Differences 3 (1991): 72-3.
22. Clarke 73.
Crummy
47
Flaubert sums up in a few lines what Sand develops in several chapters; Jeanne, during
her period of service at the chateau de Boussac, also takes care of the cows, becomes an
object of jealousy and is driven away by an unjust accusation.
Both works describe these faithful servants as they are seen through the eyes of
their employers and are judged according to bourgeois criteria. Mme de Boussac values
Jeanne primarily for her ability to work and speaks of her as a domestic convenience:
Elle garde mes vaches, fait le beurre et les fromages a la creme dans
la perfection. Elle dirige la lessive, range le linge, et conserve les
fruits...c'est un excellent sujet: sage, rangee, laborieuse, douce et
fidele, elle m'est devenue fort necessaire. C'est une veritable trouvaille
que mon fils a faite la pour ma maison. (Jeanne 196)
Like Jeanne, Felicite is characterized in terms of what a good deal she is for her
employer:
Pendant un demi-siecle, les bourgeoises de Pont-l'Eveque envierent a
Mme Aubain sa servante Felicite. Pour cent francs par an, elle faisait
la cuisine et le menage, cousait, lavait, repassait, savait brider un
cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et resta fidele a sa
maitresse... ( CS 27)
Her "bonne volonte et si peu d'exigences" make her a very useful and inexpensive
household appliance. Felicite's praiseworthy traits are her industry and her economy; she
wastes neither time nor money. She works so hard that she makes the other servants
look bad: "Elle se levait des l'aube... et travaillait jusqu'au soir sans
interruption... Personne, dans les marchandages, ne montrait plus d'entetement. Quant
a la proprete, le poli de ses casseroles faisait le desespoir des autres servantes" ( CS 29).
Hirsch and Czyba perceive a similar repressive social function in Sand's and
Flaubert's portrayals of these peasant women. "Le corps de la servante est
immanquablement source de desordre, d'ennuis et de dommages pour ses maitres,"
claims Czyba, "Aussi la morale bourgeoise tente-t-elle d'en nier l'existence" (287). It
is true that both servants deflect desire. Felicite, who dresses modestly (covering her
hair, legs and bosom), and never above her social station, seems middle-aged and sexless
even as a young woman (CS 29), while Sand's Jeanne is oblivious to physical desire and
effectively removes herself as a source of temptation and social disorder. Hirsch sees
in Jeanne's vow of celibacy Sand's desire to: "... entraver l'exode rural, a fixer sur place
les femmes qui s'expatrient pour gagner l'or des bourgeois, comme servantes ou comme
maitresses. [...] Jeanne, refusant d'etre achetee, refuse de vivre: elle se trouve ainsi
garantir l'ordre social que sa beaute a failli troubler..." (125, 126).
Even more striking than the similarities in Jeanne's and Felicite's material lives
and social roles, are the similarities in Sand's and Flaubert's portrayal of these peasant
women's unorthodox religious beliefs. Although Hirsch and Czyba touch on the
similarity between Jeanne's and Felicite's religious beliefs, they are primarily attentive
Crummy
49
sorte d'extase tranquille, ou Jes images se succedent avec rapidite, merveilleuses, terribles
ou riantes" (94).
Upon waking, precisely in the moment between "veille" and "sommeil,"
Felicite's thoughts are a series of musings, a sort of tranquil ecstasy: "Chaque matin, en
s' eveillant, ...elle se rappelait...Jes jours disparus, et d' insignifiantes actions jusqu'en leurs
moindres details, sans douleur, pleine de tranquillite" (CS 7 4). Significantly, when
Felicite is knocked down on the road to Honfleur, Flaubert communicates her thought as
a rapid succession of painful images: ".. .la misere de son enfance, la deception du
premier amour, le depart de son neveu, la mort de Virginie, comme Jes flots d'une
maree, revinrent a la fois, et, lui montant a la gorge, l'etouffaient" (CS 73).
Flaubert's image is reminiscent of Jeanne remembering her deceased mother: "sa
reverie douloureuse Ia promenait dans tous les souvenirs de ce passe dont elle ne pouvait
plus sortir" (Jeanne 94). In each scene memories wash over the heroine, pull her down;
Felicite is smothered by her memories, Jeanne is trapped by hers.
This similarity between Sand's and Flaubert's conception of peasant thought is
not coincidental; it was a topic they discussed in their correspondence. In Jeanne, Sand
likens the thought processes of peasants to those of children or ancient peoples: "C'est
la meme activite, la meme poesie et la meme impuissance que !'effort de l'enfant a
degager l'inconnu de son existence du voile qui la couvre. C'est le genie des songes
s'agitant dans le vaste et faible cerveau de !'Hercule gaulois" (94).
Sand believed that the thought of children and of more "primitive" peoples,
although weak, contains the source of imagination, of poetry. 10 In his letter of February
24, 1869, Flaubert agrees with her assessment:
Yous me dites des choses bien vraies sur l'inscience des enfants. Celui
qui lirait nettement dans ces petits cerveaux y saisirait les racines meme
[sic] du genie humain, l'origine des Dieux... Un negre qui parle a son
idole et un enfant a sa poupee me semblent pres l'un de l'autre.
L'enfant et le barbare (le primitif) ne distinguent pas le reel du
fantastique. (Corr., Jacobs 219)
It is a short step from Flaubert's equation of negre/idole, enfant/poupee to
Jeanne/Grand'Fade and Felicite/Loulou. Felicite prays in front of her parrot Loulou,
whom she equates with the Holy Spirit, "...elle implorait le Saint-Esprit, et contracta
l'habitude idolatre de dire ses oraisons agenouillee devant le perroquet" (CS 77), just as
Jeanne prays to a statue of the Virgin Mary, whom she equates with la grand'fade, the
Queen of the fairies: "...Jeanne a genoux, sur son prie-Dieu, pale comme la vierge
d'albatre qui recevait sa priere..." (468). In Un Coeur simple, Flaubert links Felicite's
Holy Spirit with Jeanne's Virgin: "sur un vitrail de l'abside, le Saint-Esprit dominait la
Vierge" (CS 45). These ignorant but devout peasant women weave disparate beliefs
together to form their own unorthodox cosmology.
Elements of ancient, non-Christian religious traditions such as animism,
pantheism and Brahmanism in Sand's peasants' beliefs serve as a model for Felicite's
unorthodox piety. Because of their lack of religious instruction, Sand's peasants in
Jeanne confuse Christian beliefs with those of more ancient religions. "Nos paysans
Crummy
51
fades [...]Les druidesses, les saintes fades ou les saintes femmes, etaient
a ses yeux de bonnes chretiennes, des iimes envoyees du ciel... (377,
378)
Although the cure considers the dolmen of Ep-Nell a pagan altar, the pious Jeanne does
not doubt its sacredness. Rather, she combines its protective powers with her Christian
beliefs, explaining to her frightened companions, while keeping an all-night prayer vigil
over her mother's body on the dolmen: ".. . la pierre est une bonne pierre, et en disant des
prieres sans avoir peur, il n'y a pas a craindre" (158). Nor does Jeanne see any conflict
in calling the Blessed Virgin la Grand'Fade, responding to the cure's accusation of
idolatry: "c;a ne lui fait pas deshonneur" (464). Likewise, she makes no logical distinction
between her belief in fairies and in God; to her, both are equally orthodox, since she has
seen neither: " ...il faut bien que j'y croie [aux fades]...Je n'ai pas vu le bon Dieu...et
cependant j'y crois. D'ailleurs, ma mere y croyait, et je crois ce qu'elle m'a dit" (102).
The beliefs Jeanne learned from her mother carry more weight with her than does official
church dogma; she even goes so far as to dismiss the role of the Catholic church as an
intermediary between herself and God: "Ce n'est pas au grand pretre [le pape], pas plus
qu'a l'eglise de Rome, ou a celle de Saint-Martial de Toull, que j'ai fait mes promesses,
...c'est au bon Dieu du ciel, a la Grand'Vierge et a ma chere defunte mere" (467).
Flaubert's portrait of Felicite's idolatrous prayers and ecstasies before her stuffed parrot
pale in comparison to Jeanne's pious but heretical statements.
George Willenbrink has admirably studied the pantheism of Felicite' s beliefs in
Un Coeur simple, pointing out that Flaubert's notes repeatedly describe as "pantheiste" her
reverie during the catechism lessons and her reflections on the Holy Spirit, which she
imagines, etendu "sur tout, il y eut comme sa presence epandue partout, une assistance
latente. "12 Flaubert's definitive version of Felicite's understanding of the Holy Spirit is
also strikingly pantheistic: " ...il n'etait seulement oiseau, mais encore un feu, et d'autre
fois un souffle. C'est peut-etre sa lumiere qui voltige la nuit aux bords des marecages, son
haleine qui pousse les nuees, sa voix qui rend les cloches harmonieuses..." (CS 46).
Willenbrink remarks that Felicite's pantheistic conception of the Holy Spirit contains
similarities not only with the powers of the god Krishna, but especially with Western
paganism, in particular the goddess Cybele, whom Flaubert describes in his first version
of Saint Antoine.13 This similarity with the pagan goddess provides a link with Jeanne's
Druidic lineage as the daughter of a priestess, thereby further underlining George Sand's
contribution to Flaubert's conception of Felicite's primitive religious beliefs.
Like Jeanne the good shepherdess, Felicite has a special affinity to the animal
kingdom; the scenario stresses her power over animals: "Grande douceur de Felicite-­
puissance magnetique sur les animaux, poulets, abeilles, chiens, si furieux qu'ils soient"
(Willenbrink 82). In the definitive version of Un Coeur simple, she calms cows by
"murmurant une sorte de complainte" and wards off a raging bull by throwing clods of dirt
in his eyes, a natural solution that does him no permanent harm and signals her connection
to the earth and the animal kingdom (CS 37-8).
Flaubert, who considered himself " .. .le frere en Dieu de tout ce qui vit, de la
girafe et du crocodile, comme de l'homme...," dreamed of having such a link with the
animal world: " ...me sentant de la meme nature que les animaux et fraternisant avec eux
Voyage et descriptif sandien: Une serie infinie de miroirs
Jeanne Goldin
Dans tout texte relatant un voyage, une promenade: "l'espace est celui meme de
l'itineraire fourni par la vie; et toute la conquete du voyageur, consistera justement en
cette appropriation de l'espace d'abord par la marche (ou ses substituts) ensuite par
l'ecriture" . 1 La narration epousera la linearite du parcours; la description en delimitera
visuellement le cadre et en fixera les details. Dans l'utilisation scripturale d'un voyage
reel et par-dela les variations de genres proteiformes, le reel decrit--et d'autant plus dans
un recit a la premiere personne--est toujours important en soi et joue un role essentiel
dans la progression temporelle de l'ensemble.
Des deux textes que nous utiliserons, la premiere Lettre d'un voyageur suit ainsi
l'excursion faite avec Pagello dans les Alpes du Trentin du 30 mars au 6 avril 1834.2
Le second texte: la promenade "Dans les bois", lors de l'hiver 1873, suivra le parcours
de l'ecrivain et ses observations botaniques.
Mais il n'est plus a demontrer en 1834 en plein apogee romantique, et encore
moins en 1873, en pleine revolte symboliste, que l'interet de ces textes n'est pas de
representer en quelques pages,--comme le disait ironiquement Schlegel--la Nature en
abrege sans "chenilles ni insectes". 3 Ce que nous voudrions suivre ici, c'est le role
essentiel des images donnees par la tradition dans l'organisation narrative; ce que nous
pourrions appeler, eludant provisoirement les distinctions terminologiques et prenant
l'expression dans un sens generique, la lecture allegorique des paysages. 4
Ce n'est pas un hasard si dans la preface de 1843 aux Lettres d'un voyageur,
George Sand donne les cles de lecture en mettant l'accent sur les processus d'expression
et d'action sur autrui aux depens des processus d'imitation, de representation, ou de
designation.
[La poes1e romantique]--ecrivait Goethe dans le fragment 116 de
l'Athenaeum, generalement considere comme le manifeste de l'ecole
romantique--peut a tel point se perdre dans le represente, qu'on
voudrait croire que son but unique et ultime soit de caracteriser les
individualites poetiques de toutes sortes; et pourtant il n'existe aucune
forme qui soit apte a exprimer pleinement l'esprit de l'auteur: de telle
sorte que tel artiste qui ne voulait qu'ecrire un roman s'est fortuitement
represente lui-meme. 5
Cette autorepresentation dans les Lettres d'un voyageur n'est pas "fortuite" et
le texte prefaciel, raffine les topoi" de l'ecriture autobiographique, insistant sur la forme
epistolaire et les lettres lyriques et elegiaques, non sur la diversite des sujets et les
differents types de voyages reels ou figures du recueil. En precisant que le recit n'est
que le "reflet" des emotions qui l'ont fait naitre, en explicitant les theatralisations du
narrateur, intermediaires entre la personne et les personnages de fiction, George Sand tire
2
Crummy
53
II la re�oit, ii s'en nourrit et la transmet toujours jeune et brillante a ses enfants nes de Jui,
qui vivent et meurent enfants comme Jui" (Jeanne 378).
What is distinctive of Jeanne, and what Sand most admires, is her. "volonte," the
strength of her devotion to la Grand'fade and to her beliefs. Even when faced with a
rational explanation for what she believed was the fairies' gift, she holds fast to her beliefs
and to her vow never to marry: "Rien ne put ebranler la resolution saintement fanatique
de Jeanne" (467). Jeanne's beliefs, however illogical they seem to the educated, make her
strong, enable her to face life serenely with confidence in herself and in her destiny.
"...[L]e serment, le contrat, le voeu de Jeanne, qui a engage sa foi," remarks Hirsch, "la
garantit de la crainte, l'installe dans la confiance, la foi, foi en elle-meme et en l'avenir
aussi bien que dans l'objet de sa croyance" (123). Sand explains that Jeanne faces life,
"armee de la supreme patience, qui est la seule grandeur laissee en partage au pauvre et
au foible" (Jeanne 79). Sand repeatedly describes Jeanne in terms of her beatitude, indeed,
the first glimpse of the sleeping child remarks "un calme angelique" in her physionomy
(24).
Felicite exhibits this same serene confidence in her beliefs. Her pantheistic union
with the natural world, like Jeanne's, seems effortless; her religion, according to Stirling
Haig, is "a humble, Franciscan effusiveness and a steady acceptance of mortification."21
In his notes Flaubert describes Felicite's peaceful devotion as "une sorte de beatitude
lethargique, sa meditation confuse" that contains "quelque chose d'indien, de
brahmanique. "22 According to Willenbrink, Flaubert wanted to stress the similarity
between Felicite's devotion and "the blissful state...of supreme peace... extolled in the
Upanishads and in the Bhagavad Gita, which ascetics must seek through detachment... "
(242): "...la toutes Jes passions sont inconnues, taus Jes sentiments s'evanouissent, et la
conscience elle-meme se perd dans !'ineffable jouissance d'une felicite sans borne et sans
fin". 23 As his correspondence attests, Flaubert believed that one only attained peace by
relinquishing the search for happiness: "Le bonheur est un mensonge dont la recherche
cause toutes Jes calamites de la vie. Mais ii y a des paix sereines qui l'imitent et qui sont
superieures peut-etre."24 Similarly, it is the way Jeanne cared for her mother, "avec
quelle abnegation elle Jui avait consacre sa vie," that makes her "un etre de quelque valeur"
(Jeanne 86, 87).
Both Felicite and Jeanne accept what life offers with a serene resignation similar
to the Brahmanic quest for Nirvana. Neither seeks ordinary human fulfillment; they seem
immune to the temptations of the flesh and react to the physical desire they inspire in
others as to a joke; Felicite's response to Theodore's hints of marriage, "Elle reprit, en
souriant, que c'etait mal de se moquer" (CS 33), echoes Jeanne's response to Marsillat's
seduction attempts: "Bon, ban, amusez-vous! vous savez bien que Jes galants et moi �a
ne va pas ensemble.[...] Ne me taquinez pas..." (Jeanne 383). Nor does Jeanne for an
instant abandon "sa tranquille et grave innocence" when kissing her young and handsome
godfather, Guillaume de Boussac (124).
Both women's indifference to ordinary human desire is part of a process of
detachment from earthly life. Jeanne's vow never to marry ultimately leads to her death,
as she jumps from a window to avoid seduction. By maintaining her vow, suggests Jean
Delabroy, Jeanne "affirme...!'exigence de !'abnegation, en tant que fondement de toute
morale" (66). Felicite has made no such vow (although in Flaubert's notes she refuses
4
George Sand Studies
sujet de l'enonce de la premiere lettre d'un voyageur est flagrante: entre Ia tendresse et
I'amertume, Ia depression et l'espoir. Mais le narrateur, sujet de I'enonciation
necessairement retrospective, Jui, a fait son choix, ii jouera sur cet entre-deux et utilisera
le schema moral du recit evangelique pour structurer Ia Iettre.
De fait, des le debut de I'excursion le long de la Brenta, Jes elements descriptifs:
le premier plan dramatique, "la nature triste et voi!ee", Jes gemissements du vent,
I' orage, le bois d'oliviers sont choisis en fonction de I'analogie evangelique explicitee et
fondue dans une courte analepse: "Je pensais a Ia veillee du Christ dans le jardin des
Olives et je me rappelai que nous avions parle tout un soir de ce chant du poeme divin.
C'etait un triste soir que celui-la, une de ces sombres veillees ou nous avons bu ensemble
Ia calice d'amertume."11 Suivra une Iongue apostrophe a Musset ou les expressions
religieuses filent l'analogie: "Et toi aussi, tu as souffert un martyre inexorable; toi aussi
tu as ete cloue sur une croix", le poete-Christ "connaitra son couronnement dans
l'avenir".12
Revenant au cours de Ia Brenta qu'elle entend "gemir dans les tenebres", George
Sand filera sans trop de subtilite, l'analogie entre le torrent et Ia vie de Musset, variante
du chemin de Ia vie repris dans Ia 5e Lettre d'un voyageur: 13 Ia limpidite de Ia source
originelle, la jeunesse sauvage de son cours tumultueux, Jes repos poetiques des lacs, Ia
"course haletante parmi Jes rochers", l'accalmie qu'aurait pu Jui procurer leur liaison,
vallee amicale qui en echange de "ses fleurs et de ses ombrages" se voit encombree de
"graviers et de roches aigues".
Mais ii faut bien dire que tres vite, l'analogie se gauchit: si Musset a "quelque
grand peche a racheter", ce n'est pas dans le sens du rachat divin, s'il est l'enfant genial
couronne par Dieu, s'il se souvient d'une autre vie, !'image du Christ s'efface au profit
de celles d'Hamlet delirant ou de Stenio ruinant ses dons dans Ia debauche. Par une
curieuse et significative inversion, c'est le narrateur lui-meme qui devient une figure
christique et qui, buvant le calice jusqu'a la lie, est pret a "offrir [son] coeur" a "donner
[sa] vie". Et c'est Jui qui assume la fin du recit dans une soumission a Dieu, qui, elle
aussi, dans une demiere ambiguite, pourrait bien, indirectement, viser Musset:
Ecoute, ecoute, Dieu terrible et bon! [...] Ecoute done celui qui te benit
dans le desert, et qui aujourd'hui, comme toujours, t'offre sa vie et
soupire apres le jour ou tu daigneras Ia reprendre. Ce n'est pas un
demandeur avide qui te fatigue de ses desirs en ce monde, c'est un
solitaire resigne qui te remercie du bien et du ma! que tu Jui as fait.14
Dans Ia suite de Ia Iettre, la symbolisation, pour etre plus subtile, n'en est pas
moins de meme nature. Evoquant "les joies et !es souffrances" [...] partagees et portant
les mains a son visage, le narrateur y sent l'odeur d'une sauge touchee quelques heures
auparavant. Mais c'est a tort que l'on evoquerait Proust, car l'explicitation releve d'une
interpretation toute I ucide:
Quelle chose precieuse est done le parfum qui, sans rien faire perdre
a Ia plante dont elle emane, s'attache aux mains d'un ami, et le suit en
Crummy
55
To the urban observer, Felicite's behavior after her nephew's death seems
unfeeling, for she automatically continues her usual domestic routine: "Des femmes
passerent dans la cour avec un bard d'ou degouttelait du linge. En !es apercevant par !es
carreaux, elle se rappela sa lessive; I'ayant coulee la veille, ii fallait aujourd'hui la rincer;
et elle sortit de I'appartement" ( CS 56).
Felicite's stoicism stands in sharp contrast to Mme Aubain's grief upon the death
of Virginie:
Le desespoir de Mme Aubain fut illimite.
D'abord elle se revolta contre Dieu, le trouvant injuste de Jui avoir pris sa fille,
--elle qui n'avait jamais fait de ma!, et dont la conscience etait si pure! ...Elle
s'accusait, voulait la rejoindre, criait en detresse au milieu de ses reves. [...]
Pendant plusieurs mois, elle resta dans sa chambre, inerte. (CS 60-61)
As Sand explains in Jeanne, unlike an upper-class woman, a peasant woman cannot allow
herself the luxury of self-indulgent grief: "L'habitude du travail, et l'impossibilite de se
reposer de ses devoirs sur !es autres, l'empechent de s'abandonner aux temoignages
extremes de sa douleur..." (Jeanne 105). Likewise, Felicite must tend to the practical
aspects of death and life, preparing Virginie's body for burial and daily tending her grave:
"Elle fit sa toilette, l'enveloppa de son linceul, la descendit dans sa biere, lui posa une
couronne, etala ses cheveux (CS 60). ...Les plates-bandes disparaissaient sous une
couverture de fleurs. Elle arrosait leurs feuilles, renouvelait le sable, se mettait a genoux
pour mieux labourer la terre" (CS 61-62).
Yet despite their stoicism, their Brahmanic resignation, these peasant women do
grieve deeply, as Jeanne and Un Coeur simple clearly show. Felicite lets out her emotions
and works through her grief by beating the washing:
Sa planche et son tonneau etaient au bord de la Toucques. Elle
jeta sur la berge un tas de chemises, retroussa ses manches, prit son
battoir; et !es coups forts qu'elle donnait s 'entendaient dans Jes autres
jardins a cote. Les prairies etaient vides, le vent agitait la riviere... ( CS
56)
Felicite's solitary "coups forts" ringing out across the empty, windswept prairie evoke the
ghostly "bruit d'un battoir de laveuse sur le ruisseau" that pierces the silence of Jeanne's
midnight veillee of her mother's body, a noise she attributes to the legendary lavandieres
nocturnes: "...ces etres fantastiques qui s'emparent, au clair de la lune, des planches et des
battoirs des laveuses oublies dans !es endroits ecartes, pour venir y faire un sabbat
aquatique d'une espece particuliere" (Jeanne 158).
Both scenes associate this laundry-beating sound with death. In Jeanne, a
superstitious peasant, fearing he will be drowned by the lavandiere, refuses to investigate
the noise, "Je n'ai guere d'envie d'etre lave, battu et torsu comme un linge, a nuite, pour
etre neye (sic) a matin" (Jeanne 160). Flaubert's melancholic description of the
6
George Sand Studies
en voyant la neige, elle revint comme la colombe de l'arche et s'enfonc;a dans sa retraite
pour y attendre le printemps encore." 19
Le reve d'Amerique, que le paysage sauvage de la route de Trevise a fait naitre,
fera alors pendant au reve du Tyrol, mais cette fois-ci en ouvrant le present, "conquete
epuisee[... ] espace deja franchi", sur l'avenir:
Ce voyage d'Amerique avait deroule, en cinq minutes, un immense
avenir devant moi; et quand je me reveillai sur une cime des Alpes, il
me sembla que, de mon pied, j'allai repousser la terre et m'elancer
dans l'immensite [... ] Hier me sembla resumer parfaitement trente ans
de fatigue; aujourd'hui, ce mot terrible qui, dans la grotte d'Oliero,
m 'avait represente 1'effray ante immobilite de la tombe, s'effac;a du livre
de ma vie [ ...] et je sentis ma volonte s'elancer vers une nouvelle
periode de ma destinee. "C'est done la oil tu en es? me disait une voix
interieure; eh bien! marehe, avance, apprends".20
Et 1'evocation de Canova, liee a la traversee de Possagno et a la visite du musee,
explicitera, sur le mode d'une parabole implicite, la destinee d'artiste qui s'ouvre au
narrateur et l'immortalite de l 'Art comme remede a la mort.
Dans les Derniere pages, volume posthume de 1877, dont certains textes, par
leur sujet ou leur forme epistolaire sont comparables aux Nouvelles lettres d'un
voyageur,2 1 l'on trouve un texte etrange de 1873: "Dans les bois". Sans etre une lettre,
i1 s'adresse explicitement a un lecteur et nous foumit un exemple plus bref mais plus
subtil du procede que nous avons etudie plus haut.
11 ouvre la premiere partie du recueil intitulee "Impressions et souvenirs",
comme le recueil paru en 1873, sous ce titre. La structure du texte: Impressions et
souvenirs/Reveries et souvenirs, 22 suit en effet cette heterogeneite apparente.
Une tongue introduction justifie le titre de !'article. 11 s'agit d'une promenade
botanique dans les bois, lors d'un hiver d'une douceur exceptionnelle. L'itineraire est
marque ici par la description des plantes que le narrateur recherche et examine. A
propos de la "floraison intempestive" et imprudente de la scabieuse, George Sand critique
les descriptions livresques de 1'anthese, commente le role de "la spathe, cette tongue
enveloppe boliacee qui sert a proteger les ombelles naissantes de l'angelique", elle
observe les proportions inhabituelles qu'ont pris "les calices, les involucres, [...] les
bractees [... ] les feuilles caulinaires", l'etat des genets pileux, des differentes bruyeres
dont elle detaille les especes. Puis, apres quelques pages, elle interrompt brusquement
la description:
Yous croyez que j'ai pris la plume pour vous parter de botanique? Pas
du tout, je signale malgre moi la situation florale, car je comptais parter
de souvenirs et des reflexions qui me sont venus sur un sujet bien
different. Oh! oui, bien different, car bien diverses sont les destinees
humaines et les preoccupations des esprits. Celui-ci, enferme dans le
cercle d'une modeste existence, s'en va, comme moi aujourd'hui,
marcher tout un jour pour savoir si telle ou telle fleurette habite telle
Crummy
57
Flaubert sincerely respected and admired Felicite's beatitude and selfless love.
What mattered to Flaubert, says Willenbrink, was "the human goodness" of which
Felicite's piety "was both an aspect and a symbol, and which amounted to one thing: love.
.. .love is her answer to the absurdity of the human condition" (247). Clearly, Flaubert
believed in the power of love, as he wrote in 1853: "L'amour! ...le secret du bon Dieu,
l'ame sans quoi rien ne se comprend. "35 Flaubert perceived a Felicite-like serenity and
capacity for love in George Sand,36 writing after her visit to Croisset in 1868, "[e]lle vous
communique quelque chose de sa serenite" (Corr. Jacobs 181), and to Maurice Sand after
her death, "[d]ans plusieurs siecles... on lira ses livres c'est-a-dire qu'on songera d'apres
ses idees et qu'on aimera de son amour. "37 Indeed, to Flaubert, love was a higher
aspiration than happiness, than life itself:
Au-dessus de la vie, au-dessus du bonheur, ii y a quelque chose de bleu
et d'incandescent, un grand ciel immuable et subtil dont les rayonnements
qui nous arrivent suffisent a animer le monde; !'amour, !'amour,
!'aspiration nous y envoie.38
Love is perhaps an illusion, but it is a powerful one that makes life and death bearable.
Jeanne and Felicite face their own deaths with the same Brahmanic resignation
with which they accepted the loss of their loved ones. On her deathbed, Jeanne "paraissait
jouir d'un grand calme," and even when questioned about Marsillat, the would-be seducer
who contributed to her death, she merely smiles with "une douceur angelique" (Jeanne
470, 471). Felicite, making her final peace, asks forgiveness of Fabu the butcher's helper,
whom she suspected of having killed Loulou (CS 79). Both Sand and Flaubert describe
their heroines' passing as a gradual extinguishing, a peaceful, Brahmanic sort of death:
"...la fin de Jeanne devait etre aussi douce et aussi resignee que sa vie. [...] sa
voix...s'affaiblissait de plus en plus ... " (Jeanne 473, 474). "Les mouvements de son coeur
se ralentirent un a un, plus vagues chaque fois, plus doux, comme une fontaine s'epuise,
comme un echo disparait..." (CS 83).
Flaubert echoes Sand's stylistic device; Felicite's heartbeats slow "un a un," just
as Jeanne's voice weakens "de plus en plus." Both Jeanne's and Felicite's tranquility and
their climactic deathbed visions can be considered a reward for their virtuous lives, the
ultimate consolation, the Nirvana of Brahman in the Bhagavad Gita:
For the man who forsakes all desires and abandons all pride of
possession and of self reaches the goal of peace supreme.
This is the Eternal in man... Even in the last hour of his life upon earth,
man can reach the Nirvana of Brahman, man can find peace in the peace
of his God.39
Albert Thibaudet perceives "Jes puissances de lumiere" at Felicite's deathbed, a sign of
"une vie gagnee." 40 I remark the presence of the power of light at Jeanne's deathbed as
well.
Jeanne's dying vision of the Queen of the fairies contains a powerful white light:
"Oh! mon Dieu, voila la grand'fade devant moi; comme elle est blanche! Elle eclaire
8
George Sand Studies
Dans le second texte, le rapport de George Sand a la nature a change. Sans
doute s'agit-il encore d'une l�on, mais elle est implicite. Le lecteur ne voit pas
immediatement que l'image presentee possede un sens autre; ce n'est que plus tard qu'il
est conduit a un travail de reinterpretation. Le registre du descriptif n'est plus rhetorique
exterieure et culturelle deployee dans son exhaustivite, mais experience instantanee; la
contemplation n'est plus concentrique mais oeuvre sur un monde analogique ou tout est
signe et que le narrateur trouve trop evident pour l' expliciter.
La sensation de la vie universelle--lit-on dans "Le pays des Anemones"­
-prend possession de notre etre et le spiritualise en le dispersant dans
le grand tout. C'est peut-etre la la signification du mot mysterieux de
contemplation[...] Regarder la vie agir dans l'univers en meme temps
qu'elle agit en nous, c'est la sentir universalisee en soi et personnifiee
dans l'univers [...] Tout nous appartient, puisque nous appartenons a
tout, et ce perpetuel echange de vie s'opere dans la splendeur du plus
sublime mecanisme qu'il nous soit possible de concevoir. Tout y est
beau [...] Tout y est grand[ ...] Tout y est heureux[...]! 27
Le texte de Goethe deja cite, exaltant le lien de nature entre poesie et symbolique,
pourrait s'appliquer a la polyvalence du recit de voyage, a la decription romantique et a
l'ecriture sandienne:
Sa vocation n'est pas seulement d'unifier de nouveau tous les genres
separes de la poesie et de mettre en contact la poesie avec la
philosophie et la rhetorique. Elle veut et doit aussi tantot melanger et
tantot amalgamer poesie et prose, genialite et critique, poesie d'art et
poesie naturelle, rendre la poesie vivante et sociale[... ] Elle peut se
perdre dans le represente[...] Elle seule peut devenir [...] un miroir
du monde environnant tout entier, un tableau du siecle. Et pourtant,
elle peut encore mieux flotter au milieu, entre le represente et le
representant, sur les ailes de la reflexion poetique, libre de tout interet
reel et ideal, et donner a cette reflexion une puissance toujours
grandissante et la multiplier comme une serie infinie de miroirs.28
Universite de Montreal
Crummy
59
apprehension critique de mythes anterieurs..." (121, 122). Sand believes that peasant
folklore recounts the original myths, the most primitive human belief systems; thus, like
peasant folklore,Jeanne's beliefs, which Sand valorizes as "poesie populaire" (Hirsch 123),
and Felicite's, recount original myths.
Sand's portrayal of a simple peasant girl's beliefs in Jeanne, like Flaubert's after
her, seeks to call into question the alleged rationality of the educated classes and to
revalorize the "original," pre-rational belief systems of more "primitive" peoples. Hirsch
characterizes Jeanne's beliefs as: "...une resistance de Ia 'superstition' aux Lumieres, a
I' ouverture, a la civilisation, ...[aux] desirs, supposes rationnels et civilisateurs,...de[s]
'bourgeois'" (120). As Delabroy remarks, Jeanne's strength lies in opposing to "le
mouvement privatif de la modemite," "l'idee d'une origine comme en-dec;a de Ia
representation meme, [...] le point hors raison mais essentiel a Ia raison, et hors histoire
mais necessaire a I'histoire" (61). The peasants possess a knowledge of the divine that is
not irrational, but pre-rational. As Delabroy summarizes, reason cannot explain
everything:
Jeanne reflechit ainsi sur la constitution d'un ordre du vrai, a la fois
anterieur et transversal par rapport aux couches de rationalite
accumulees: [...]Jeanne ou le peuple peuvent evidemment etre rapportes
a !eur 'insuffisance' quant a Ia parole et quant a Ia pensee..., mais a
l'envers, ...ils ...demontre[nt] l'insuffisance de la parole et le caractere
obscene, toujours deplace de la raison. (62)
In the beliefs of Sand's peasants, Delabroy remarks " ...une indifferenciation des figures,
des identites, ...qui constituent...la reiteration clairvoyante des signes de !'essence de
I'histoire" (64). As Simone Vieme has stated: "Cette religion du paysan, malgre ses
puerilites, Iui[Sand] semble plus proche du sentiment de la divinite...que la religion
officielle, et plus proche d'une certaine verite, d'ordre mystique, que la froide rationalite
de I' education donnee au XIXe siecle aux enfants des nobles et des bourgeois."47
Sand believed that the peasants' knowledge of human origins gives them a
mysterious strength: "Le paysan qui demeure fidele a son etre particulier possede une
sorte de supplement d'ame. II sait des choses que Jes autres ignorent" (Vieme 21). Sand
attempts to show that whether or not Jeanne's beliefs are based on superstition is irrelevant;
they are the source of her strength, illusion equals strength. Jeanne, and Un Coeur simple
after it, demonstrate the life sustaining, transcendent power of allegedly "irrational" beliefs.
Both Jeanne and Un Coeur simple express nostalgia for the capacity for
unquestioning belief and the accompanying security and confidence that modem, educated
"rational" people have lost. Un Coeur simple is indeed, as Czyba claims, an ambiguous
text, "a la fois constat de la perte des valeurs religieuses au XIXe siecle et expression de
la nostalgie de ces valeurs perdues, d'un sacre, qu'a defaut de la religion, I'Art, le style,
permettent de retrouver" (286). Likewise Jeanne, in Delabroy's eyes, "...constitue Ia
commemoration d'une origine perdue et de ce qui va avec elle, ...ou la construction
deliberee d'une impasse pour les modemes"; it is ".. .l'histoire de l'impossibilite de [!']
accomodation du regard modeme a l'origine..." (55, 57). In Jeanne, Sand writes that
although modems only love symbols for the sake of finding a hidden meaning in them,
10
George Sand Studies
17. Lettres 659.
18. Lettres 667.
19. Lettres 668.
20. Lettres 674.
21. George Sand, Dernieres pages (Paris: Calmann-Levy, 1877). L'on y trouve
des textes divers: des critiques de livres, des souvenirs a !'occasion de la mort d'un ami,
de courts recits dont certains sont aujourd'hui dans !'edition des Oeuvres
autobiographiques etc... "Dans Jes bois" 3-20.
22. Premier titre des quatre premiers articles de Impressions et souvenirs.
23. "Dans Jes bois" 7-8.
24. Jeanne Goldin, "George Sand et Jes grands hommes" dans Hommage a
Annarosa Poli, (A paraitre).
25. "Dans Jes bois" 4.
26. George Sand et Alfred de Musset, Lettres d'amour (Montreal: La Pleine
Lune, 1989), lettre de Musset du 10 mai 1834 (76).
27. George Sand, "Au pays des anemones", dans Nouvelles Lettres d'un
voyageur (Plan de la Tour: Ed. d'Aujourd'hui, 1976) 58-9.
28. Ibid.
Crummy
61
NOTES
1. Letter to Maurice Sand, August 29, 1877, Correspondance George Sand­
Gustave Flaubert, C.L. #318, qtd. in Claude Tricotel, Comme deux Troubadours:
Histoire de l'aimitie Flaubert Sand (Paris: SEDES, 1978).
2. Claire-Lise Tondeur attributes Flaubert's interest in Sand's work to their
friendship: "...c'est !'affection qu'il a pour !'auteur qui Jui fait apprecier !'oeuvre."
"Flaubert et Sand: une admiration piegee," Revue de l'Universite d'Ottawa 54 (1984):
13. Alphonse Jacobs claims: "II nous semble hors de doute que Flaubert, s'il n'avait
jamais connu George Sand aurait ecrit sa nouvelle quand meme, et que 'la tendance
morale' et 'le dessous humain' de !'oeuvre n'en aurait pas ete change."
"Introduction," Gustave Flaubert-George Sand Correspondance, (Paris: Flammarion,
1981) 11-2. Future references in the text as Corr., Jacobs.
3. Flaubert attended Sand's funeral at Nohant, "brise de chagrin," and
immediately resumed work on the conte upon his return to Croisset, June 13, 1876,
Corr., Jacobs 534.
4. George Sand, "Notice," Jeanne, (Paris: Nelson, CalmannLevy, n.d.) 5.
Future references included in the text as Jeanne. Flaubert, who admired Sand's
novels as an adolescent (praising Jacques in his Jetter to Earnest Chevalier, March 18,
1838), may well have read Jeanne when it was first published, and he could have
consulted it later, as Sand presented him with her complete works around September
12, 1866, Corr., Jacobs 29, 75.
5. Sand's practice of openly voicing her opinions and emotions throughout
her works ran counter to Flaubert's belief that great art should be "scientific and
impersonal." As he wrote to Sand: "Je ne crois meme pas que le romancier doive
exprimer son opinion sur Jes choses de ce monde. II peut Ia communiquer, mais je
n'aime pas ace qu'il Ia dise (cela fait partie de ma poetique amoi)" qtd. in Jacobs
110, 190. Nevertheless, Flaubert, "qui aimait Jes sentiments exaltes" (Tondeur 12),
appreciated the beauty and sensitivity, the emotional impact and the cathartic,
purifying effect that certain of Sand's passages had on him, as his correspondence
with her attests: ''<;:a m'a fait du bien, comme c'est tendre et exaltant" (12: 501),
"apres avoir ete attendri, je me sens ranime" (14: 346), "votre piece m'a charme et
fait pleurer comme une bete" (16: 152), Gustave Flaubert, Correspondance, 18 vols.
(Lausanne: Rencontre, 1964), qtd. in Tondeur II. Future references as Corr.,
Rencontre.
6. Lucette Czyba, "La Servante au grand coeur," Lafemme dans Les romans
de Flaubert (Mythes et ideologie), (Lyon: Presses Universitaires de Lyon, 1983) 28889. Michele Hirsch, "George Sand: Jeanne (1844): Esquisse d'une theorie de Ia
magie," La magie et ses langages, (Lille: Universite de Lille III, 1980) 119-26.
"[Jeanne] pourrait bien inaugurer dans Ia litterature fran<;aise, une serie de recits de Ia
servitude feminine. II fait comprendre pourquoi Flaubert a dedie a Sand Un Coeur
simple... " 126.
7. Gustave Flaubert, "Un Coeur simple," Trois Contes, (Paris: Garnier­
Flammarion, 1965) 30. Future references in the text as CS.
12
George Sand Studies
sujet femme en tant que sujet complexe, sujet en mouvement et non fige dans une essence
de convention. Cette entreprise de valorisation du feminin trouve son objet dans Jes
themes que choisissent de traiter Jes voyageuses. La matiere de ces recits est en effet
marquee par le feminin, le domaine le plus souvent explore par Jes voyageuses etant la
vie domestique, la vie des femmes.
Comment le texte de George Sand s'inscrit-il dans un tel ensemble? II
semblerait plutot s'en eloigner et devoir etre associe en premier lieu avec le recit de
voyage de la tradition romantique, "transport de l'ame avant d'etre celui du corps" ecrit
Francis Claudon, "image dynamique ou s'inscrit le desir ou la nostalgie qui motive la
quete toujours recommencee du moi romantique" precise Christian La Cassagnere (5).
Dans cette perspective Henri Bonnet, commentant le passage ou Sand se proclame le sujet
de son propre discours, l'objet meme de son voyage, conclut avec justesse: "On ne
saurait etre plus explicite ni mieux definir le voyage romantique dont !'ensemble des
Lettres foumit une belle illustration" (20). Le critique affirme plus loin que !'auteur
"refuse de s'enfermer dans le role de la femme de lettres" (20). Le rejet de !'etiquette
rigide d'une ecriture au feminin n'implique pas pour autant !'adoption d'une ecriture
indeterminee, ne serait-ce que negativement au travers dudit rejet. Pour mieux saisir la
complexite de l'ecriture sandienne du voyage, je la contrasterai a des ecritures qui se
disent plus ouvertement feminines, celles de la comtesse de Gasparin et de Flora Tristan.
La maniere dont ces ecrivaines identifient la personne narrant le recit illustre des
rapports divers, si ce n'est divergents, a la feminite de convention identifiee plus haut
comme l'une des donnees importantes de l'ecriture du voyage au feminin. Flora Tristan
pose immediatement son texte comme texte autobiographique et se fait ouvertement sujet
de son propre discours, ou mieux encore, l'enjeu de son ouvrage. La frontiere est alors
delicatement definie entre l'autobiographie et le recit de voyage. Le texte de Tristan se
veut regard feminin, temoignage du vecu feminin, autobiographie de l'apprentissage de
!'existence feminine. II est en outre difficile de separer le militantisme declare de
l'ecrivaine de son entreprise litteraire, et l'on ne peut dissocier cette entreprise litteraire
de la feminite de !'auteur: son experience de femme est la substance de son recit.
L'ouvrage de la comtesse de Gasparin n'est pas aussi decidement marque par le
debat sur la condition des femmes. Cependant, en evitant la confrontation ouverte mais
en faisant un usage parfois devastateur de l'ironie, la comtesse de Gasparin parvient a
nous faire partager la situation ambigiie dans laquelle elle se trouve en tant qu'ecrivaine
voyageuse. Le titre meme de l'ouvrage, Voyage d'une ignorante, suggere une lecture
du texte comme voyage conventionnellement feminin et voyage se moquant du feminin
de convention. L'auteur debute son recit de maniere lyrique et pour le moins
traditionnelle: "Qu'il est triste et douloureux a passer le jour du depart, lorsque, vous
entrainant loin de vos affections Jes plus cheres, ii ouvre votre coeur a des emotions
dechirantes, ade sombres, ad'effrayantes idees" (7).
Elle ne manque pas, neanmoins, de rappeler facetieusement a ses lecteurs et
lectrices la difficulte d'une telle entreprise lorsqu'elle est celle d'une femme. Ainsi
evoque-t-elle, apres les quelques paragraphes dument emotionnels sur le depart, les
obstacles mis ace meme depart:
Crnmmy
63
23. Frederic Creuzer, Religions de l'antiquite, trad. et adap. J.D. Guigniaut I:
1 (Paris, 1825) 27, qtd. in Willenbrink 242.
24. Letter #206 to Louise Colet, October, 1847, Conard 2: 55, qtd. in Carlut
799.
25. First Series scenario I (fo. 382), qtd. in Willenbrink 71.
26. Letter #181 to Louise Colet, December 19, 1846, Conard 1: 427, qtd. in
Carlut 676.
27. Souvenirs, notes et pensees intimes, ed. Lucie Chevalley Sabatier (Paris:
Buchet/Chastel, 1965) 60-1, qtd. in Willenbrink 238.
28. Letter #111 to Emmanuel Vasse, June 4, 1846, Conard 1: 209, qtd. in
Carlut 796.
29. Folio 406, qtd. in Willenbrink 242.
30. Letter to Maxime DuCamp, April 7, 1846, shortly after his sister
Caroline's death, "... a force de s'elargir par la souffrance, l'fune en arrive a des
capacites prodigieuses," Conard 1: 202, qtd. in Carlut 793. Letter #113 to Louise
Colet, August 6, 1846, "...le coeur humain ne s'elargir qu'avec un tranchant qui le
dechire..." Conard 1: 218, qtd. in Carlut 793.
31. Letter to Louise Colet, September 30, 1853, Conard 3: 358, qtd. in Carlut
794.
32. Letter to Mlle Leroyer de Chantepie, November 4, 1857, Jacobs 5.
33. Letter #571 to Mlle Leroyer de Chantepie, April 6, 1858, Conard 4: 251,
qtd. in Carlut 796.
34. R(ene) D(umesnil), Introduction, Trois Contes, by Flaubert, Oeuvres, vol.
2 (Paris: Pleiade, Gallimard, 1952) 577.
35. Letter #424 to Louise Colet, September 7, 1853, Conard 3: 337, qtd. in
Carlut 677.
36. According to Wendy Deutelbaum, Flaubert admired Sand's "narrative
genius, her wisdom, goodness, strength and serenity ..." "Desolation and Consolation:
The Correspondence of Gustave Flaubert and George Sand," Genre 1 (1982): 283.
37. Corr., Rencontre 16: 179-80, qtd. in Tondeur 13.
38. Letter #441 to Louise Colet, November 29, 1853, Conard 3: 389, qtd. in
Carlut 800.
39. Bhagavad Gita 2.71-2. trans. Juan Mascaro, (Baltimore: Penguin, 1962)
54-55, qtd. in Willenbrink, who claims that Flaubert knew this work in French
translation (see Seznec 43-44). Willenbrink cites Flaubert's notation on the
subscenario of the deathbed scene: "Souvenirs sans amertume--recompense de sa
vertu," fo. 391 insert 242.
40. Albert Thibaudet, Gustave Flaubert (Paris: Gallimard, 1935) 194.
41. Martin Bidney remarks a parallel between Felicite's ecstacy before Loulou
and George Sand's account in the last fifty pages of Histoire de ma vie Part III of her
"experience of the love of God, an epiphany accompanied by a 'hallucination' (Sand's
words) involving a dizzying white light." "Parrots, Pictures, Rays, Perfumes:
Epiphanies in George Sand and Flaubert," Studies in Short Fiction 22 (1985): 210.
Flaubert wrote to Sand, "[c]e qui m'a surtout frappe, [dans Histoire de ma vie] c'est
la vie du couvent." Corr., Rencontre 12: 130, qtd. in Tondeur 10.
14
George Sand Studies
l'ecriture du voyage, et du voyage romantique en particulier, peut alors librement
supplanter chez George Sand I'aspect argumentatif du discours justificateur que I'on note
dans un nombre important de recits de voyages au feminin (ce qui ne veut pas dire que
l'argumentatif ne soit pas poetique ou creatif bien sur, mais plut6t que la position de
!'auteur dans le texte y est mise en jeu differemment). C'est en ecrivain que Sand se met
en scene. Le "juste", dira-t-elle dans un texte d'enfance mentionne dans Jes Lettres, "n'a
pas de sexe moral" (134).
La preface des Lettres est particulierement revelatrice dans la mesure ou elle
precise la maniere dont I'auteur se pose comme personnage de son texte. Les lectrices
et lecteurs savent pertinemment ce qu'il en est de la "reelle" identite de l'ecrivaine.
Lorsque !'auteur se confond en excuse pour s'etre fait personnage de son propre texte,
la dimension menac;ante du discours autobiographique feminin est alors revelee:
Je mentionne tout ceci pour excuser aupres de mes lecteurs, amateurs
de romans, habitues a ne me voir faire rien de pis, la malheureuse idee
que j'ai eue de me mettre en scene a la place de personnages un peu
mieux poses et un peu mieux drapes pour paraitre en public. (37-8)
Sand attenue cette menace en minimisant la portee du discours strictement
autobiographique:
Que Jes amateurs de fiction me pardonnent un peu cependant. Dans
plusieurs de ces lettres, j'ai travaille pour eux en habillant mon triste
personnage, mon pauvre 'moi', d'un costume qui n'etait pas
habituellement le sien, et en faisant disparaitre le plus possible son
existence materielle derriere une existence morale plus vraie et plus
interessante. (38)
Le texte autobiographique est devalorise en premier lieu dans son opposition au romance
pour n'etre que mieux introduit ensuite dans sa dimension fictionnelle. Un tel processus
est contraire a ce qui se produit generalement dans le recit de voyage au feminin, ou la
"verite" autobiographique est l'une des donnees du discours justificateur de la preface,
mais le stratageme de Sand, son jeu avec le "je", revele egalement l'incongru et la
complexite de l'autobiographie feminine telle que Domna Stanton !'analyse: "Because of
woman's different status in the symbolic order, autogynography [ ...] dramatized the
fundamental alterity and non presence of the subject, even as it asserts itself discursively
and strives toward an always impossible self-possession" (15). L'ouvrage de Sand
illustre de maniere litterale le processus de dramatisation du sujet analyse par Stanton.
L'ecrivaine y refuse toute identification definitive avec les references offertes (homme,
femme, enfant, vieillard) et met en scene le recit autobiographique par le biais de ces
memes references. Le "je" feminin se multiplie dans l'ecriture: ii nous est revele dans
son absence.
Cependant le refus de Sand d"'ecrire en femme" ne doit pas faire ignorer Jes
discussions developpees par l'ecrivaine dans certaines des lettres autour de themes se
rapprochant de ceux que traite Tristan dans Les peregrinations. Bien que Jes deux
40
George Sand Studies
l'enfance et le developpement de mon fils et de ma fille. Mon fils etait moi, par
consequent femme bien plus que ma fille qui etait un homme pas reussi. "10 Cette
economie subjective entre Sand et son fils peut se traduire par une identite sexuelle du
meme.
Des les premieres compositions orales d'Aurore, que Sophie Dupin appelle "ses
romans," Sand s'exprime en fonction de sa mere; parlant d'une voix narrative feminine
(Aurore), a la difference des romans ou intervient ce narrateur masculin, George, qu'elle
s'est cree pour signer son oeuvre. Mais cette double identification sexuelle marque chez
Sand une notion a laquelle elle reste attachee. Toujours dans cette meme lettre du 15
janvier 1867 adressee a Flaubert, Sand affirme que vues de pres les differences
anatomiques n'existent pas, et ce qui apparait n'est plus qu'un sexe: "Et puis encore, il
y a ceci pour les gens forts en anatomie: il n 'y a qu 'un sexe. Un homme et une femme
c'est si bien la meme chose que l'on ne comprend guere les tas de distinctions et de
raisonnements subtils dont se sont nourries les societes sur ce chapitre-la. " 11 La notion
sandienne d'un "seul sexe" n'est-elle pas une metaphore pour l'acte meme d'auto-creation
de l'ecrivaine? Entre les distinctions anatomiques, n'y a-t-il pas un autre element, une
autre variante qui traversent ces differences alors meme qu'ils les marquent? Alors
qu'Irigaray signale la necessite de construire et non de detruire la relation mere-fille,
Sand marque l'arbitraire d'une telle relation. "Pour se constituer comme identite
sexuelle, affirme Irigaray, une relation genealogique avec son propre sexe et le respect
des deux genres est necessaire. " 12 Par !'affirmation d'un sexe unique Sand echappe aux
contraintes de !'identification matemelle. L'ecriture sandienne est un autre exercice de
liberation.
Nee dans I'enfermement, I'ecriture viendra precisement temoigner un jour des
conditions de sa liberation. L'ecriture est une sorte de traversee des frontieres, sa sortie,
une condition de sa creation: "Oui, c'est un grand soulagement que d'ecrire en prison.
Mon triste chant ne pen;ait pas l'epaisseur de ces murailles. Mon ecriture vous
parviendra un jour" (La comtesse de Rudolstadt 3: 206). C'est done en tant que
temoignage que l'ecriture occupe cet espace privilegie. L'ecriture est bien cette
effraction sur le dehors qui s'emancipe des dispositifs disciplinaires dont elle reste
prisonniere. Ce processus createur a toujours ete joue par Sand de la meme fai;on:
incarceree au couvent dans sa jeunesse, elle se libere des contraintes environnantes en
redigeant un journal satirique. II est evident que Sophie Dupin marque depuis toujours
ce double mouvement par lequel l'ecriture sandienne nait du mouvement meme qui la
tient prisonniere.
Finalement, la declaration de Sand vient en reponse a la lettre que Flaubert lui
ecrivait le 13 janvier 1867: "Je vous ai dit, n'est-ce pas, que j'avais relu Consuelo et La
comtesse de Rudolstadt. Cela m'a pris quatre jours. Pourquoi suis-je 'amoureuse' de
Liverani? C'est que j'ai les deux sexes, peut-etre. " 13 La question posee par Flaubert
rend compte de cette indetermination sexuelle contenue dans le texte sandien. En etant
"amoureuse" de Liverani (autre pseudonyme d' Albert de Rudolstadt), Flaubert questionne
sa propre identification sexuelle ("j'ai les deux sexes, peut-etre") et celle de Liverani.
La comtesse de Rudolstadt rend compte de ces "sexes qui en sont un" en refusant de
representer des identifications sexuelles stables.
George Sand critique d'art
Henriette Bessis
Les chefs d'oeuvre qu'on lit, qu'on entend ne vous penetrent jamais
mieux que doubles en quelque sorte dans leur puissance par
appreciation d'un puissant genie.
Histoire de ma vie (262)
Ecrivant a Delacroix 1 et parlant du demier livre d'Eugene Fromentin, ce
peintre-ecrivain, cet ecrivain et peintre, George Sand estime que dans cet Ete dans le
Sahara "la peinture est le mieux exprimee en mots et (...) le sentiment de l'art le mieux
pense" (C 14: 345), ce qui complete ce qu'elle avait ecrit a l'auteur lui-meme le 27 mars
1857 au sujet du meme ouvrage: "C'est un tableau de Delacroix et j'y sens plus de
certitude encore" (345).
Peinture-ecriture, le signe et le mot, !'expression par !'image ou par le texte, le
pinceau et la plume, art plastique et mot s'interpenetrent, se correspondent, se repondent,
se conjuguent, dialoguent, en un echange constant et fort. Voila comment George Sand
est habitee par ces deux representations puissantes qui sont "le resultat du sentiment et
de !'imagination" .2
L'on retrouve bien souvent ce va-et-vient chez George Sand. Certains des
personnages nes de son imagination semblent parfois avoir emprunte leurs traits a des
visages peints ou sculptes que sa memoire aurait enregistres voire--photographies--d'une
maniere indelebile.
Pensons a sa notice en avant-propos de Jeanne3 ou elle evoque la Vierge
d'Holbein qui l'avait "toujours frappe comme un type mysterieux ou [elle] ne pouvai[t]
voir qu'une fille des champs reveuse, severe et simple... ".
Pensons aussi a ce qu'elle disait de la Judith de Vernet. Elle la considerait
"comme ce qu'elle avait vu de plus beau dans [sa] vie et apres laquelle on ne peut plus
rien regarder" (C 1: 348, 790).4 Certains y ont vu une inspiration certaine du
personnage, de la figure d'Indiana.
Ne dit-elle pas dans Histoire de ma vie que "c'est dans la belle peinture qu'on
sent ce que c'est que la vie: c'est comme un resume splendide de la forme et de
l'expression des etres et des choses."5
Et combien George Sand aurait aime etre peintre! (OA 2: 845, 1835). C'est par
la peinture qu'elle pensait acquerir un metier qui la libererait, par lequel elle
s'exprimerait le mieux. Des 1831, elle faisait des portraits au crayon et a l'aquarelle qui
Jui plaisaient assez car elle savait saisir la ressemblance (OA 2: 105) tout en manquant
d'originalite, pensait-elle, mais susceptibles cependant de provoquer "une attaque
d'apoplexie d'admiration" a Emile Regnault (C 1: 871).6
Le dessin, le croquis, on le sait, l'ont toujours tentee. Demierement, a Paris,
s'est ouverte une exposition a la Bibliotheque Nationale, ou ont ete exposes certains de
ses dessins inedits et un collectionneur prive en possede pres de 200: un savoir et une
exquise delicatesse de sentiment se conjuguent a une surete de la main et du regard. 7
65
42
George Sand Studies
Les rites d'initiation ma�onniques dont le dernier est le plus terrible au chateau
du Saint Graal, rendent compte du dressage et du controle exerces sur l 'individu. Dans
Surveiller et punir, le dressage peut etre "la mise en correlation du corps et du geste,"
c'est-a-dire "qu'un corps discipline est le soutien d'un geste efficace. " 18 Chez Sand,
l'ecriture est un savoir qui reste toujours menace. En tant qu'artiste, Sand elle-meme
revient au mythe d'Orphee qui est ce grand espace ouvert sur le chant, la creation
poetique, le retour a l 'origine.
Sand retrouve dans le mythe d'Orphee, dans l'interdit du geste, plutot que dans
sa prescription, le modele de controle absolu. Dans le rite de passage que Jes Invisibles
Jui imposent, Consuelo effectue une veritable descente aux Enfers ou ii Jui est interdit de
se retourner sur son passage: "mais craignez pour votre ame; craignez de ne jamais
arriver a la porte du temple, si vous avez le malheur de regarder une seule fois derriere
vous en marchant" (La comtesse de Rudolstadt 3: 460). Sand place ici Consuelo dans
la position qu'Orphee occupe dans le mythe quand ii vient chercher Eurydice. Mais alors
qu'Orphee n'a jamais cesse d'etre tourne vers Eurydice, vers l'interdit, Consuelo ne se
retourne jamais sur son epoux Liverani-Albert. Est-ii done encore question dans la
reincorporation du mythe orphique dans le texte sandien de I'experience demesuree de
la profondeur, experience que Jes grecs reconnaissaient comme necessaire a !'oeuvre?
L'experience orphique devient pour Sand !'experience des limites. Elle est aussi pour
Sand le triomphe de la vie.
Ce que Blanchot remarque dans "Le regard d'Orphee," c'est qu'en se tournant
vers Eurydice, Orphee ruine !'oeuvre, elle se defait immediatement, et Eurydice retourne
dans l'ombre. En ce sens, Orphee est !'experience de la mort: "Mais ne pas se tourner
vers Eurydice, ce ne serait pas moins etre infidele a la force sans mesure et sans
prudence de son mouvement, qui ne veut pas Eurydice dans sa verite diurne, qui la veut
dans son obscurite nocturne, dans son eloignement, avec son corps ferme et son visage
scelle. " 19 Au contraire, Sand construit une Consuelo orphique qui libere finalement
Albert de la nuit et de la mort en ne se retournant pas: "Que! etait done ce redoutable
compagnon qu'il Jui etait defendu de regarder?" (La comtesse de Rudolstadt 3: 467).
Comme Virgile qui affirme que Jes <lieux ont interdit a Orphee de regarder Eurydice,
Sand souligne que !'interdiction de se retourner en arriere peut etre interpretee comme
une defense de s'enquerir de la presence ou de l'identite "de ce redoutable compagnon."
L'appropriation sandienne du mythe transforme aussi cet arret de tout mouvement en
arriere vers une propulsion en avant. Dans George Sand. Writing for Her Life, Isabelle
Naginski souligne Jes inversions que Sand fait subir au mythe d'Orphee, particulierement
dans la transformation d'Albert en Eurydice: "Like Eurydice, Albert will return to the
Netherworld. Prey to cataleptic fits that plunge him into deathlike trances, Albert
convinces everyone, including his doctor, that he has died. Although his symbolic death
is a prelude to his spiritual and affective regeneration, he never fully returns to the world
of the living. "20 La reinvention du mythe orphique chez Sand marque aussi le
glissement des identifications sexuelles. La feminisation d'Albert-Liverani deja soulignee
par Frappier-Mazur permet d'explorer la masculinisation symbolique de Consuelo. En
fait, comme !'a remarque Naginski, Consuelo marque la possibilite d'un Orphee femme.
Le mythe d'Orphee contient aussi la problematique du devenir-artiste dans sa forme la
plus evidente. L'amour conjugal est-ii finalement un obstacle a la creation poetique? Le
16
George Sand Studies
En conclusion, la lecture des Lettres d'un voyageur comme texte feminin parait
done illustrer de maniere exemplaire, dans sa dissimulation et sa "revelation", ce avec
quoi le recit de voyage au feminin est aux prises mais qui est assume par Sand et integre
des lors au processus de l'ecriture sans etre ouvertement debattu ou problematise par
l'ecrivaine. Le sujet feminin est alors reellement sujet en mouvement, sujet insaisissable.
Le portrait au style indirect que Sand fait d'elle-meme est certes caracteristique des
interdits de l'ecriture au feminin, mais l'extraordinaire talent de l'ecrivaine est de jouer
de ces detours jusqu'au point ou elle fait reculer et s'estomper l'interdit. La dialectique
du recit de voyage au feminin entre dans sa phase synthetique. Ne pourrait-on finalement
pas lire les Lettres d'un voyageur comme le moment de la legitimation de l'ecriture au
feminin?
The Pennsylvania State University
OUVRAGES CITES
Bonnet, Henri. "Introduction". Lettres d'un voyageur. Paris: Garnier-Flammarion,
1971. 11-32.
Bossis, Mireille. "La femme pretresse dans les romans de George Sand". George
Sand: Collected Essays. Janis
Glasgow, ed. New York: The Whitston Publishing Company, 1985. 250-70.
Chonez, Claudine. George Sand. Paris: Seghers, 1973.
Claudon, Francis. Le voyage romantique: Des itineraires pour aujourd'hui. Paris:
Philippe Lebaud, 1986.
Gasparin, comtesse de. Voyage d'une ignorante dans le midi de la France et l'ltalie.
2 vols. Paris: Paulin, 1835.
Hoog, Marie-Jacques. "Lettres d'un Voyageur: Texte initiatique". George Sand:
Colloque de Cerisy. Simone Vieme, ed. Paris:
C.D.U. et SEDES, 1983.
137-47.
La Cassagnere, Christian. "Preface". Le voyage romantique et ses reecritures.
Clermont-Ferrand: Association des Publications de la Faculte des Lettres et
Sciences Humaines de Clermont-Ferrand, 1987. 5-7.
Plantier, Therese. George Sand, ou Ces dames voyagent. Lyon: Atelier de Creation
Libertaire, 1986.
Sand, George. Lettres d'un voyageur. Paris: Garnier-Flammarion, 1971.
Stanton Domna. "Autogynography: Is the Subject Different?" The Female Autograph.
Ed. Domna Stanton. Chicago: U.C.P., 1984. 3-20.
44
George Sand Studies
This 'mother-role' became the paradigm of femininity for many middle-class
households. "21 En replac;ant Consuelo dans son role de mere et d'epouse, Sand remet
implicitement en question l'emancipation de la femme. L'echec politique de Consuelo
semble du meme coup retablir la difference sexuelle, "For Hegel the biological and social
status of women were inseparable. '122
Le glissement de l'ernancipation feminine aux problemes du social est un des
avatars de Consuelo. L'oubli sandien ("Consuelo La comtesse de Rudolstadt, est-ce que
c'est de moi?") rejoue l'abandon de la fin oil Sand laisse Consuelo. Enfin, d'apres la
notice de 1854, Sand remarque: "de sorte que je pourrais dire que ce qu'il y a de plus
impossible dans mon livre, est precisement ce qui s'est passe dans la realite des choses"
(Consuelo 1: 6). Et dans ce sens, Sand ne pouvait pas realiser encore la liberation de la
femme.
Northern Illinois University
NOTES
1. Alphonse Jacob, ed., Gustave Flaubert-George Sand Correspondance (Paris:
Flammarion, 1981) 120.
2. George Sand, Consuelo, La comtesse de Rudolstadt, vol. 1 (Paris: Editions
Garnier Freres, 1959) iv. Toutes les references aConsuelo, La comtesse de Rudolstadt
seront faites d'apres cette edition.
3. Marie Collins and Sylvia Weil Sayre, eds., Les Femmes en France (New
York: Scribner's, 1974) 142.
4. George Sand, La comtesse de Rudolstadt in Consuelo, La comtesse de
Rudolstadt, vol. 3 (Paris: Garnier, 1959) 297. Toute reference ace texte se fera selon
cette edition.
(Paris:
5. Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison
Gallimard, 1975) 211.
6. Foucault 172.
7. Jacques Derrida, Parages (Paris: Galilee, 1986) 150.
8. George Sand, Oeuvres Autobiographiques, vol. 2 (Paris: Gallimard, 1971)
504. Toutes references aOeuvres Autobiographiques seront faites selon cette edition.
9. Luce Irigaray, Le Temps de la difference (Paris: Le livre de poche, 1989) 36.
10. Gustave Flaubert-George Sand Correspondance 121.
11. Gustave Flaubert-George Sand Correspondance 121.
12. lrigaray 37.
13. Gustave Flaubert-George Sand Correspondance 118.
14. Lucienne Frappier-Mazur, "Desire, Writing, and Identity in the Romantic
Mystical Novel: Notes for a Definition of the Feminine," Style 18 (1984): 346.
15. George Sand, Consuelo, vol. 1 (Paris: Garnier Freres, 1959) 341.
16. Frappier-Mazur 346.
17. Foucault 150.
Bessis
67
des peintures celebres pour Jes populariser et, dit-elle, "conserver intacte a la posterite
la pensee des maitres a travers le temps et Jes evenements qui detruisent Jes originaux".
Calamatta possedait une etonnante maitrise de son metier. L'on connait peu
d'oeuvres originales de Jui car ii mit son talent au service des artistes; ses gravures sont
ce que J'on appelle Jes gravures de reproduction, ce que Theophile Gautier appelait
"J'instrument miroir" alors que d'autres n'appreciaient pas cet art-la.
La gravure de reproduction est un art difficile qui demande avec une
connaissance de la technique, un respect envers J'oeuvre a reproduire. N'oublions pas
que la photographie ne commence a se repandre que dans la deuxieme moitie du XIXeme
siecle et que la photogravure n'a pas encore, dans les magazines memes, remplace la
gravure.
La gravure de reproduction a connu un essor important au XIXeme siecle et elle
etait prisee autant par Jes artistes que par Jes collectionneurs. George Sand avait
beaucoup d'admiration pour Calamatta et Jeur amitie dura toujours, scellee par la suite
par les liens de parente qui Jes unissaient. En effet, Lina Calamatta epousa Maurice Sand
et elle entretint toujours une relation privilegiee avec sa belle-mere.
Entre George Sand et Calamatta, ii n'y eut qu'une seule ombre tres legere due
aux froissements qu'elle eut dans son amitie avec Delacroix. Celui-ci avait, en 1833,
execute un portrait de George Sand, commande par Buloz. Calarnatta le grave en 1836
pour la Revue des Deux Mondes et ii prit la Jiberte d'apporter quelques retouches qui ne
furent pas du gout de Delacroix.
George Sand prit la defense de Calamatta tout en s'etonnant qu'il ait omis de
signaler que la gravure etait une reproduction d'apres Delacroix (C 3: 440). Elle fut
surprise de la reaction de Delacroix qui lui en voulait d'avoir pose pour le graveur et qui
se brouilla quelque temps avec elle "pour bien peu de chose". Coi:ncidence peut-etre
mais ii n'y eut aucun echange de correspondance entre eux pendant J'annee 1836. 11
semble bien vrai de toute far;:on que, selon les propres mots de Delacroix, Calarnatta ait
"voulu refaire son portrait". Calarnatta en effet a plus interprete Delacroix que reproduit
son oeuvre, et George Sand avait du s'en rendre compte elle-meme.
George Sand a pose pour Jui plusieurs fois. Ce n'est que vingt ans plus tard que
Calarnatta gravera un autre portrait d'apres ses propres dessins, la une gravure originale.
George Sand n'a pas, a ma connaissance tout au moins, ecrit sur l'oeuvre
originale de Calarnatta. En revanche elle a, a trois reprises, publie des articles11 sur des
oeuvres de reproduction. Je vais done m'arreter a ces trois articles, concemant trois
gravures de Calarnatta.
C'est en 1837 que Calamatta expose au Salon sa gravure reproduisant l'oeuvre
celebre de Monsieur Ingres, Calarnatta (1801-1869) le voeu de Louis XIII, Bibliotheque
Nationale, Estampes, Paris.
George Sand se charge en quelque sorte de la "promotion" de l'artiste-graveur.
Elle ecrit a tous ses amis des Debats, de la Revue des Deux Mondes, de !'Artiste, du
Temps, pour leur demander un article sur lui et "le faire mousser" (C 3: 697).
Jules Janin Jui conseille d'ecrire elle-meme pour les Debats, mais elle refuse a
cause de la divergence de ses opinions avec le journal. De plus, se trouvant "lourde,
prolixe, declamatoire", elle prefere, dit-elle, publier dans Le Monde de Larnennais ou elle
The Unorthodox Beliefs of Pious Peasants in Sand's Jeanne and in Flaubert's Un
Coeur simple: a Comparison of Jeanne's and Felicite's Pantheism
M. Ione Crummy
Despite Gustave Flaubert's acknowledgement, "J'avais commence Un Coeur
simple a son intention exclusive uniquement pour Jui plaire, " 1 critics have dismissed
George Sand's influence on Un Coeur simple as primarily personal, because of basic
differences in the two authors' aesthetic sense and writing style. 2 In this study, drawing
on Sand's novel Jeanne and the correspondence she exchanged with Flaubert prior to and
during the composition of his short story, I will show that Sand's influence on Un Coeur
simple was both literary and intellectual.
In Sand's letter to Flaubert of January 15, 1876 (a mere month before he began
Un Coeur simple) she encouraged him to represent virtue in literature: "Ne prends pas
la vertu vraie pour un lieu commun en litterature. Donne-Jui son representant [...]
reviens a la vraie realite, qui est melee de beau et de laid, de terne et de brillant, mais
ou la volonte du bien trouve quand meme sa place et son emploi" (Corr., Jacobs 519).
George Willenbrink has perceptively interpreted Flaubert's letter to Sand of May
29, 1876 as his response to this earlier letter: "Yous verrez par mon Histoire d'un coeur
simple oil vous reconnaitrez votre influence immediate que je ne suis pas si entete que
vous le croyez. Je crois que la tendance morale, ou plutot le dessous humain de cette
petite oeuvre vous sera agreable!" Un Coeur simple is indeed Flaubert's final tribute to
George Sand, for she died on June 8, 1876, a little more than a week after this letter, and
he completed the short story, burdened with deep sadness, two months later.3
This study examines George Sand's first romanjeuilleton, Jeanne, published in
1844 in the Constitutionnel, 4 as a literary source of Felicite's material life and spiritual
beliefs in Flaubert's Un Coeur simple. The main character of both stories is a simple
peasant woman of rock solid, if unorthodox, faith who devotes her life to those she
serves. Despite the indisputable stylistic differences that separate Flaubert's tale from
Sand's, 5 in comparing the two works, I find that Flaubert communicates indirectly
through Felicite's appearance, thoughts and actions, the pantheism, the beatific
resignation to suffering, grief, and death that Sand directly attributes to Jeanne.
The material lives and social roles of the two servants, Jeanne and Felicite, are
strikingly similar, a similarity that has been remarked, but not explored in depth, by
Lucette Czyba and Michele Hirsch.6 Orphaned at a young age, Felicite, like Jeanne,
earned her living caring for livestock and knew the rough, outdoor life, the arbitrary
violence and injustice of the powerful, and the double bind of not pleasing her employers,
or of pleasing them too much!
... un fermier .. .l'employa toute petite a garder les vaches dans la
campagne. Elle grelottait sous des haillons, buvait aplat ventre l'eau
des mares, apropos de rien etait battue, et finalement fut chassee pour
un vol de trente sols, qu'elle n'avait pas commis. Elle entra dans une
autre ferme, y devint fille de basse-cour, et, comme elle plaisait aux
patrons, ses camarades la jalousaient.7
46
Departs et retours - une dialectique
Anna Szabo
De tous les departs qui puissent se faire dans un roman, l'un des plus
significatifs est certainement celui qui, apres bien des peripeties, finit par se reproduire
en sens inverse: le meme personnage qui, en obeissant a des motifs precis, quitte un lieu,
va se decider, en obeissant a d'autres motifs non moins precis, a retoumer a son point
de depart. A bien regarder ce phenomene, on voit qu'il y a la une vraie dialectique dans
la mesure ou deux termes contradictoires finissent par se resoudre en une synthese, une
sorte d'unite superieure. Aussi le voyage, dans le roman sandien, est bien plus qu'un
simple deplacement dans l'espace. Ce motif archetypal, element recurrent et organisateur
de l'histoire, se trouve, dans tous les cas, etroitement lie a l'itineraire spirituel du
personnage dont le savoir--sur le monde et sur lui-meme--resterait beaucoup moins
complet sans ce jeu d'affrontement a autrui et de repliement sur soi--d'action et de
reflexion--que lui procurent les aventures et les epreuves d'un voyage.
Rien qu'a faire l'inventaire des varietes de voyage qu'on trouve dans les romans
sandiens, on depasserait largement les cadres d'un article. II y en a ou, comme l'avait
dit Sand elle-meme, "ii ne s'agit pas tant de voyager que de partir", pour se distraire de
quelque douleur ou secouer quelque joug. 1 Ainsi dans La Fille d'Albano, La Marquise,
Lavinia, Metella, Leone Leoni, Jacques ou Le Dernier amour, les personnages partent
vers l'incertain, l'infini ou vers quelque fatalite; ils se mettent en route pour eviter
quelque faute ou fuir une trahison morale. Le mouvement du depart est ici a lui seul
fonctionnel et porteur de signification; l'idee meme du retour s'y avere--et pour cause-­
impossible. A ce type d'histoire, ayant une partie cloturale essentiellement ouverte,
peuvent en etre opposees d'autres ou la presence d'elements aussi antithetiques que le
depart et le retour n'est pas etrangere a la composition plutot circulaire du recit. Dans
cette categorie, on trouve encore des voyages metaphysiques, comme dans Laura ou-­
quoique les aventures "reelles" se trouvent remplacees par un voyage metaphorique,
produit du reve et de l'imagination--le retour au reel (le reveil) est accompagne d'effets
pareils a ceux qui s'affirment au bout des voyages "reels". Quant a Consuelo, avec ses
peregrinations a la fois reelles et metaphysiques, c'est un roman qui peut jouir, sous cet
aspect aussi, d'un statut particulier. Si !'episode final du roman, a caractere par ailleurs
essentiellement ouvert, donne d'abord I'idee d'un voyage sans fin, il n'en suggere pas
moins celle d'un retour aux origines. Dans ce cas-la, ii ne s'agit bien evidemment pas
de retour au point topographique du depart, mais d'un retour a l'etat initial qui, du reste,
a subi certaines transformations au meme titre que le personnage meme que son itineraire
a litteralement metamorphose.
Mais notre propos est ailleurs. Ce qui nous interesse, ce sont les "vrais" departs
et les "vrais" retours lies a ce que Vladimir Propp appelle la sphere des protagonistes,
consideres comme fonctions essentielles dans le deroulement de !'intrigue et jouant par
la un role decisif dans le denouement meme de l'histoire.
Si le depart a rarement lieu dans la partie preparatoire (mais bien plutot au coeur
de !'intrigue, sinon a la fin de l'histoire, comme dans Mattea), c'est que les personnages
ne se mettent pas en route par curiosite ou pour le simple plaisir de voyager. Leur
18
48
George Sand Studies
to socially repressive ramifications. "[L]'etat de servante", asserts Hirsch, "...est vecu
selon les categories du sacre; toutes renoncent a agir selon leurs desirs propres, pour
attendre un autre sort dans un autre monde" (126). Sand and Flaubert do glorify
Jeanne's and Felicite's ascetic lives of self-denial, but their motive is not to use religion
as a means of controlling the lower social classes.8 In Un Coeur simple and Jeanne,
Flaubert and Sand criticize bourgeois who can only appreciate these exemplary women
as household conveniences; their central concern is to show Jeanne's and Felicite's
deeper, hidden merits, beyond the economic merit of the faithful servant.
In Jeanne, Sand explains that her peasant heroine's true nature is unappreciated,
that she is "une a.me perdue dans l'infini de la creation intellectuelle, un etre ignore,
inapen;:u" (Jeanne 86).
Comparing Jeanne to "ces magnifiques solitudes du
Nouveau-Monde qui n'auraient pour ainsi dire jarnais existe si elles ne se fussent revelees
a un artiste ou a un poete," Sand justifies her own artistic mission (86). In her
description of Jeanne at her mother's wake, Sand pierces the peasant girl's natural
"reserve craintive et fiere" to expose, not "une a.me defiante et hautaine," as the
uninitiated urban reader might expect, but rather "un coeur capable des plus grands
devouements" (86-87). Lucette Czyba sets up a sharp dichotomy between Sand's social
message and her appreciation of Jeanne's beliefs, and those of Flaubert, writing of
Felicite: "...sa soumission al'ordre social, son respect des signes du pouvoir, sa devotion
fetichiste et derisoire, la solitude finale de sa surdite au monde I'opposent radicalement
a une heroine sandienne" (288). I believe, however, that Flaubert's respect for his
heroine's beliefs is no less profound than Sand's respect for hers.
Both authors seek, through their portrayals of these simple peasant women, to
understand and illustrate the thought processes and belief systems of more "primitive"
peoples. In Jeanne, Sand sought to portray primitive woman, "cette vierge de l'age d'or,
ce type mysterieux," in a setting untouched by modem civilization, in the wildest regions
of France. She believed that in order to be truly uncorrupted by modem civilization such
a woman had to be illiterate: "Du moment qu'elle sait lire et ecrire, ...elle est autre"
(Jeanne 6). Sand ponders a Rousseauian question: "quelles pouvaient etre les pensees
d'un enfant de la nature, qui n'avait pas appris a lire, et dont !'intelligence (si tant est
qu'elle en eut) n'avait re9u aucune espece de culture?" (Jeanne 93) Unlike Sand, who
felt she had attenuated "la vraie grandeur" of her primitive peasant woman and altered
"sa simplicite necessaire" by contrasting her with "des types de notre civilisation" (Jeanne
7-8), Flaubert had no such compunction; he juxtaposed Felicite with the modem world
to accentuate her "grandeur," to show that her simplicity is inalterable.9
Sand's portrayal of the thought processes of an illiterate peasant woman inspires
Flaubert's depiction of the illiterate servant Felicite. Textual similarities provide striking
evidence of Flaubert's debt to Sand. She depicts Jeanne as "une fille des champs
reveuse, severe et simple: la candeur infinie de l'ame, par consequent un sentiment
profond dans une meditation vague, ou Jes idees ne se formulent point" (Jeanne 6).
Felicite incarnates the dreamy, simple severity of an infinitely innocent soul, while her
thought processes exhibit the vague, peaceful meditation of unformed ideas. Jeanne's
thought is described as: "... [une] suite de reveries qui remplace dans le cerveau du
paysan le travail de la meditation, et qui fait de sa veille, comme de son sommeil, une
Bessis
69
Delacroix?). En effet, elle ecrira dans Impressions et Souvenirs, par exemple, (73),
qu'elle ne comprend pas qu'il dedaigne la couleur ou tienne "en profond mepris l'ecole
venitienne, le Titien en tete". Elle avoue cependant a Delacroix qu'elle l'aime, bien
qu'elle le trouve parfois trop "systematique" et elle regrette qu'il Jui manque "la moitie
de la peinture, la moitie de la vue, la moitie de la vie" (Impressions 75). Elle s'accorde
done la avec Delacroix pour reconnaitre que la lumiere n'est pas "faite pour embellir"
mais pour "animer".
Cependant, toujours dans ce meme article, elle s'inquiete de savoir si la France
artiste comprendra "le merite superieur de cette production" de Calamatta. Calamatta sur
lequel elle va ecrire un second article a propos d'une autre gravure d'apres un autre
grand artiste. C'est le Calamatta, La Joconde d'apres Leonard de Vinci, 1858,
Bibliotheque Nationale, Estampes, Paris.
"Quand je dessinais cette suave figure, seul, sous Jes voutes du musee, je me
surprenais a rire avec elle (...). J'ai fini La Joconde. C'est une douleur pour moi. II
y a si longtemps que j'etais heureux et tranquille avec elle", ecrit-il.
L'on comprend peut-etre mieux avec cette confidence, ce qu'impliquait de concentration,
d'identification a un autre ce travail de reproduction pour un artiste.
Dans cet article, George Sand consacre une page a Calamatta alors que ses
commentaires sur La Joconde et Leonard de Vinci occupent sept pages et quelles pages!
agreables alire, presque intimes, fourmillant de references et de renseignements apropos
du modele, cette celebre Mona Lisa, cette "!aide seduisante, ecrit-elle, [...] ideal de
jeunesse, de candeur, d'intelligence et de bonte [...] une rose mystique, un sourire du
ciel". Elle ne savait pas, disait Vasari que cite George Sand (et !'on sait combien
George Sand se renseignait, s'informait avant d'ecrire), elle ne savait pas tenir la pose
et Leonard avait "alors tenu" autour d'elle des chanteurs, des joueurs d'instruments et des
bouffons pour la rendre gaie et Jui conserver ce divin sourire qu'apres quatre ans
d'efforts le maitre parvint a saisir.
Toujours ce gout du detail chez George Sand, et surtout, semble-t-il, ce respect
pour !'effort (comme nous l'avons vu plus haut) pour le temps mis par !'artiste pour
mener a terme et parfaire son oeuvre. Lecteur, semble-t-elle vouloir nous dire, sois
attentif au fait qu'un artiste, meme genial, doit souffrir et connaitre parfaitement son
metier pour nous donner a voir ou a lire son oeuvre. Mais elle se contredit soudain en
affirmant que "!'expression de La Joconde fut saisie au vol par un coup d'oeil d'aigle".
Quant au visage si connu, de Mona Lisa, jamais on n'a pu en percer le mystere
et George Sand trouve son sourire "melancolique", propre a "l'etonnement" ou a "la
reverie", tournant "le dos a un pays bien triste" du vraisemblablement a la couleur
indefinissable de ce fond.
Mais, poursuit-elle, n'est-ce pas le privilege des "grandes choses d'etre
mysterieuses et d'exercer sans cesse !'imagination"? Car si La Joconde a provoque tant
de commentaires, d'interrogations, c'est qu'elle intrigue tout autant que le Hamlet de
Shakespeare, l' Enfer de Dante, le Faust de Goethe ou la Nuit de Michel Ange. Et voici
George Sand exerc;ant elle aussi son imagination et batissant un veritable roman sur La
Joconde.
50
George Sand Studies
connaissent si peu le christianisme, !'education religieuse qu'ils peuvent recevoir est si
elementaire ou plutot si nulle, que le mystere catholique et le mystere sans nom des cultes
anterieurs sont egalement impenetrables pour eux" (378), and "...ils croient tout, la verite
comme le mensonge, l'idolatrie comme la religion, et le druidisme comme le
polytheisme" (115).
Similarly, Felicite's sketchy religious instruction makes her unable to grasp
dogma: "Quant aux dogmes, elle n'y comprenait rien, ne ta.cha meme pas de comprendre.
[...] son education religieuse ayant ete negligee clans sa jeunesse" ( CS 46). Felicite's
ignorance, claims George Willenbrink, enables Flaubert to illustrate her unconventional
piety.11
The belief system of Sand's peasants is pantheist or animist, for they perceive
God in all manifestations of the self-existing universe and attribute souls to natural
phenomena. The peasants perceive Les fades, "Jes bons et Jes mauvais esprits [qui]
melent Ieurs attributions autour de leur existence," in inanimate nature, particularly in the
sound of the wind on the pierres-levees: "La pierre d'Ep-Nell est...harmonieuse, car son
chant est presque continue!, et nos pauvres paysans veulent qu'il y ait Ia dedans un esprit
enferme qui raconte le passe et predit l'avenir, en pleurant sur le present" (Jeanne 108).
Jeanne, who considers the fades "des femmes qu'on ne voit pas, mais qui font
du bien ou du mal"(102), experiences a communion with them through this sound:
"... quand !'echo des rochers, repetait Jes demiers sons, Jeanne frissonnait d'une
religieuse terreur qui n'etait pas sans charmes, s'imaginant entendre la voix claire et frele
de la bonne fade se marier a la sienne..." (377).
Sand's peasants practice nature
worship, leaving offerings in the fairies' caves:
...toutes ces grottes...sont en grande veneration chez le paysan, a cause
du sejour d'etres invisibles qu'ils cherchent a se rendre favorables en
apportant clans leur sanctuaire un tribut quelconque, une feuille, un brin
de mousse, n'importe quoi, pourvu que ce soit une marque de souvenir
et de respect. (Jeanne 115-16)
Jeanne follows this practice, leaving a bit of thym de bergere and a stone for the fades,
preferring not to displease a power she does not understand: "<;a ne coute pas beaucoup
de mettre une petite pierre" (103). She believes that the fades have a constant, powerful
influence on her life: "...elles sont filles de Dieu ou filles du <liable. Elles nous aiment ou
nous haissent, nous soulagent ou nous tourmentent, nous conservent clans le bien ou nous
jettent clans le mal..." (307).
Jeanne invents her own cosmology, centered on these fades or holy women,
composed of Christian and pagan beliefs:
Jeanne ne connaissait ni Jes mots ni Jes epoques auxquelles se
rapportaient ces croyances vagues et profondes. Elle savait seulement,
par sa mere, qu'il y avait eu autrefois des femmes saintes qui, vivant
clans le celibat, avaient protege le pays et initie le peuple aux choses
divines. Ces pretresses se confondaient clans son interpretation avec Jes
20
George Sand Studies
Franc;ois, l'initiative du depart n'en vient pas moins d'un autre, le plus souvent d'une
sorte de mandateur qui invite ou encourage le personnage a partir. Aussi, ces departs
sont-ils moins brusques que les precedents et rarement solitaires: 4 les personnages partent
en compagnie d'amis ou de parents ayant la meme destination et/ou le meme but.5 Les
preparatifs proprement dits, la non plus, ne sont pas davantage mentionnes, sauf pour
Germain a qui son beau-pere conseille de prendre ses "habits neufs" et la belle jument
pour avoir "meilleur air" aux yeux de la veuve Guerin. Puisqu'il ne s'agit pas de departs
clandestins, ces personnages prennent conge de leurs families et amis, les amoureux ont
de tongues conversations avant de se separer, comme Yseult et Pierre ou Franc;ois et
Madeleine; le depart lui-meme se fait parfois a la vue de tous, ou meme au milieu de
signes d'amitie de tout un village comme dans La Mare au Diable. (Si Emilien part en
profitant de l'absence de Nanon, il n'en dit pas moins ses intentions a son serviteur.) 11
arrive aussi qu'un regard amoureux ou amical accompagne le personnage qui s'en va.
Ainsi Madeleine entrebaille sa porte afin de voir encore une fois Franc;ois; les jeunes
maries a leur tour, dans Les Maitres sonneurs, montent sur une hauteur pour voir Joset
et le grand bucheux le plus longtemps possible. Cette scene de separation est par ailleurs
pleine de signes inquietants: les pressentiments de Joset, la fac;on dont il demande pardon
a ses amis ou sa maniere de s'en aller "en silence et la tete baissee, comme brise ou
recueilli" anticipent sur son destin tragique (492). Le depart de Jeanne n'est pas moins
accompagne de funestes presages: sa mere morte, sa maison brulee, elle part "effrayee"
et confusement consciente de transgresser un interdit.6 Elle est, en plus, escortee par
son futur agresseur dont l'adjuvant guette le passage, cache derriere les blocs de rocher.
Meme le bon cure qui la regarde s'eloigner, se sent a la fois triste et "soulage d'un grand
trouble" apres s'etre debarrasse de Jeanne (127).
Ces personnages ont une destination plus ou moins precise: un village, une
region ou quelque but comme celui d'Emilien qui va rejoindre les armees republicaines
pour "rentrer en possession de [son] honneur" (Nanon 174) et aussi pour meriter le
bonheur qu'il veut se donner "comme une recompense" (176).7
Si, parmi ces departs, une place toute particuliere doit revenir a celui de
Mattea, c'est qu'il est motive par la ferme volonte de rompre avec un mode d'existence.
Analyser ce depart reviendrait a analyser toute la nouvelle dont la majeure partie est
consacree aux preparatifs de la fuite qui n'a lieu qu'a la fin de l'histoire. Le recit
sommaire du retour et de la reussite du personnage n'occupe qu'un dixieme du recit. 11
s'agit d'une fuite premeditee et realisee en plusieurs etapes dont l'elaboration soigneuse
est a la mesure de l'enjeu: la liberation d'une jeune fille qui, de "pauvre opprimee"
(267), devient "l'artisane" de son propre salut.8
Voyages
"Ne lis jamais mes lettres avec l'intention d'y apprendre la moindre chose
certaine sur les objets exterieurs; je vois tout au travers des impressions personnelles.
Un voyage n'est pour moi qu'un cours de psychologie et de physiologie dont je suis le
sujet, soumis a toutes les epreuves et a toutes les experiences qui me tentent [...] ."
Cette "definition" que George Sand donne dans la Xe de ses Lettres d'un voyageur
52
George Sand Studies
d'une communion pantheistique et tendre. " 14 His correspondence clearly indicates that
he shares Felicite's pantheistic conception of divine presence:
...l'homme convaincu de Ia grande harmonie, celui qui espere le neant
de son corps, en meme temps que son ame retoumera dormir au grand
Tout pour animer peut-etre le corps des pantheres ou briller dans Jes
etoiles, celui-Ia...n'est pas tourmente.15
As Willenbrink asserts, Felicite clearly represents Flaubert's own religious sentiments
(245).
Although neither Flaubert nor Sand had much use for organized religion, they both
appreciated its attractions. Flaubert understood the sensual attraction of religion's myths
and rituals, writing in 1847, "[l]a religion comporte en soi des sensations presque
charnelles," and in 1859, "[q]uelle excitation ne puise-t-on pas dans les pompes du
catholicisme?" 16 while Sand appreciated Christianity's emotional seductiveness, writing
to Flaubert: "[l]e christianisme...en tout temps, ...est une seduction. Quand on n'en voit
que le cote tendre, il prend le coeur" (Corr., Jacobs 189). Flaubert considered religion,
and even dogmas, which he hated, 17 a natural human need: "...je considere le sentiment
qui Jes a inventes comme le plus naturel et le plus poetique de l'humanite...J'y
retrouve...necessite et instinct...".18 He appreciated Felicite's kind of dogma-free
piety, 19 writing in Un Coeur simple: "[p]our de pareilles ames le sumaturel est tout
simple" (CS 60). To Flaubert, dogmas are transient, but human beings' belief in
something beyond themselves and their physical existence remains constant:
Ce qui a change sur la terre, ce sont Jes dogmes, Jes histoires des
Vischnou, Ormuzd, Jupiter, Jesus Christ. Mais ce qui n'a pas change ce
sont Jes amulettes, Jes fontaines sacrees, Jes ex-voto, etc., Jes brahmans,
les santons, les ermites, Ia croyance enfin a quelque chose de superieur
a la vie.20
Flaubert considered belief in the Supernatural to be universal, as he wrote to Sand
on September 19, 1868, "Ils sont rares ceux qui n' ont pas besoin du Sumaturel," yet he
also believed that the majority of human beings are only able to conceive of God in their
own image: "...quant a hausser les idees de la masse, a lui donner une conception de Dieu
plus large et partant moins Humaine, j'en doute..." (Corr., Jacobs 196). This passage
suggests that Flaubert had a greater respect for broader, less human conceptions of God;
therefore, in his eyes, Felicite's ability to conceive of the divine in the form of Loulou, and
even Jeanne's belief in the Grand'Fade would set them above the common herd, or what
he disparagingly called "le betail humain." Thus Felicite and Jeanne share a transcendence
as superior beings because they believe in something beyond themselves and beyond human
perceptions. Flaubert, and Sand before him, seek to show that these "primitive"
representations of the divine are no less valid than official dogma, and what is more, they
are empowering. However unorthodox Jeanne's beliefs may seem, they are life sustaining,
as Sand states: "Qu'importe l'ordre des faits au paysan? L'idee pour lui n'a pas d'age.
Bessis
71
de l'un a l' autre artiste, de l'une a l' autre oeuvre, ce qui est un exercise de reflexion, de
regard, de critique, de jugement, d'idee, de sentiment.
George Sand se situe a la frontiere entre la realite (qui est ici !'oeuvre d'art
qu'elle etudie) et le reve OU la realite revee qui est Sa propre fa9on de recevoir une
oeuvre d'art et de la commenter.
Bien entendu, il ne faut pas oublier, comme je le disais au debut, que ces articles
sont nes de son amitie pour Calamatta dont elle appreciait tout a fait !'execution mais
qu'elle voulait aussi promouvoir et mettre en valeur au-dessus de cette grande cohorte des
graveurs du XIXeme siecle au metier sublime et au talent souvent incomparables.
Mais George Sand aimait la gravure, elle la defendait, elle en possedait et elle
en commandait aussi pour !'illustration de ses ouvrages dans cette correspondance qui Jui
etait chere entre la litterature et l'art graphique.
L'on connait Jes gravures de Tony Johannot et plus tard de Maurice Sand; elle
encourage aussi Alexandre Manceau qui faisait egalement beaucoup d'estampes de
reproduction d'apres Jes oeuvres de ses contemporains; elle aurait d'ailleurs aime, confie­
t-elle a Delacroix, le voir reproduire certaines de ses oeuvres qu'elle jugeait superieures
a toutes Jes autres.
Elle juge Jes Lambert "charmants" et j'en passe car tout au long de ses ecrits
l'on pourrait relever toutes ses allusions a !'art plastique, comment ii a fait partie de sa
vie, de ses emotions, de ses sentiments, de ses idees.
"L'art, ecrit-elle, est pour nous une forme de la verite, une expression de la vie,
tout aussi utile, tout aussi importante, tout aussi necessaire au progres que la polemique
politique et la discussion parlementaire [... ]. L'art est le travail de !'esprit sur le
sentiment" (Questions d'art 223-4). Quant a la critique d'art, bien comprise, elle est
pour elle une veritable creation. Dans ces articles sur Calamatta, George Sand nous le
prouve absolument puisque, comme elle !'a ecrit a propos de Gustave Planche (OA 2:
270), son but etait de nous instruire, de nous persuader, de nous apprendre a voir
!'oeuvre et au-dela de nous apprendre a reflechir et a mieux nous comprendre nous­
memes. Ce qu'elle n'a pas dit mais que nous ressentons dans tout ce qu'elle ecrit sur Jes
questions d'art est que nous, nous avons !'impression, la sensation, le sentiment de la
connaitre mieux.
Paris
54
George Sand Studies
several marriage proposals), 25 but her fidelity to Loulou indirectly contributes to her
death, since her deafness, ensuing isolation, and physical disintegration follow upon her
frantic search for him. Indeed, Stirling Haig views Felicite's deafness and declining
eyesight as "indices of her absorption into inner existence and slow, but steady passage
from the human to the other worldly...her detachment from earthly concerns..." (313).
Jeanne is similarly absorbed in her inner existence; when no one requires her services,
"elle avait coutume de se perdre dans ses pensees" (Jeanne 93).
This sort of absorption beyond earthly concerns appealed to Flaubert as well, as
he wrote in 1846: " ...brahme...je voudrais bien l'etre. Je voudrais... exister dans cette
absorption demesuree." He was attracted to the escape from self that religion permits
and envied the mystic's fulfillment: "Je voudrais bien etre mystique: ii doit y avoir de
belles voluptes a croire au paradis, a se noyer dans les flots d'encens, a s'aneantir au pied
de la Croix, a se refugier sur les ailes de la colombe."27 Flaubert believed, as he wrote
in his correspondence: "[p]our vivre...tranquille, il faut se creer...une existence interne et
inaccessible..." . 28
In Jeanne, Sand shows that when peasant women react to emotional loss and grief
with just such resignation and absorption, their reaction can be misinterpreted as unfeeling.
To the urban observer, Jeanne's grief at her mother's death, which Sand describes as "cette
douleur patiente et simple," seems strange: "...elle a toute sa presence d'esprit, elle semble
resignee a tout, et en meme temps elle parait inconsolable" (Jeanne 106, 105). At her
mother's wake, Jeanne appears numb, like a statue:
...agenouillee tout pres du cadavre, [elle] pleurait en silence, les yeux
fixes a terre, et les mains entr'ouvertes sur ses genoux, ... ses yeux
blancs, ouverts et fixes, tandis que des larmes qu'elle ne songeait point
a essuyer ruisselaient sur ses joues; ...l'immobilite de sa consternation:
tout contribuait a lui donner l'apparence d'une statue. (61-62)
When she does move, it is automatically, "comme une machine poussee par un ressort"
(71).
Sand's portrayal of Jeanne's stoic grief is a model for Flaubert's depiction of
Felicite's grief. Felicite reacts to the news of her nephew Victor's death with similar numb
immobility, hands hanging empty, staring gaze:
Felicite tomba sur une chaise, en s'appuyant la tete a la cloison, et ferma ses
paupieres, qui devinrent roses tout a coup. Puis, le front baisse, les mains
pendantes, l'oeil fixe, elle repetait par intervalles:
--"Pauvre petit gars! pauvre petit gars!"...
Sa tete retomba; et machinalement elle soulevait, de temps a autre, les longues
aiguilles sur la table a ouvrage. ( CS 56)
Just as Jeanne did, Felicite moves like an automat, mechanically repeating the same words
and gestures at this moment and later at Virginie's deathbed: "Pendant deux nuits, Felicite
ne quitta pas la morte. Elle repetait les memes prieres, jetait de l'eau benite sur les draps,
revenait s'asseoir, et la contemplait" (CS 59).
22
George Sand Studies
diverses (la cornemuse, puis la musique elle-meme pour Joset; !'heritage pour Franc;ois
ou Didier pour Caroline); ils rec;oivent des "marques"--des blessures--comme Bernard ou
Emilien. Ils subissent Ia tentation de l'amour--ou plutot de Ia chair--a Iaquelle, a
!'exception d'Abel, ils finissent par resister grace au "fantome de l'arnie" qui se leve
constamment devant eux. 12 Tot ou tard s'imposent le desir ou la possibilite du retour
dont la motivation essentiellement psychologique--le desir par exemple de "revenir
pleurer tout bas dans [son] berceau" (Jean de la Roche 93)--se trouve completee par une
nouvelle rec;ue, un evenement imprevu ou une situation intenable.'3
Retours
Sauf Germain--dont le voyage n' est pas des plus typiques--, tous les personnages
rentrent au bout d'une absence plus ou moins prolongee, qui va de quelques mois a six
ans, le plus souvent pendant la belle saison, accompagnes de chants d'oiseau, au milieu
d'une nature gaie et luxuriante ou tout est promesse de vie et de bonheur.
Ceux qui ont subi l'epreuve de la separation, rentrent seuls (sauf Bernard qui a
ete entre-temps rejoint par Marcasse et Caroline, ramenee par son fiance et sa famille),
apres la fin d'une guerre, la disparition d'un obstacle ou apres un exploit. D'autres
peuvent arriver escortes d'amis ou de parents, comme Cristiano Waldo, avec sa rentree
triomphale accompagnee d'une "petite caravane" (L'Homme de neige V: 183). Les
circonstances du retour ne sont pas toujours aussi faciles ni aussi sans nuages que dans
Mattea ou dans L'Homme de neige; Jes personnages ont plus d'une fois a affronter une
derniere epreuve: Jes vicissitudes d'une longue traversee et d'une tempete comme
Bernard; une explication penible avec Ia famille comme Germain ou des malentendus
comme Sept-Epees. Fran�ois a son tour trouve Madeleine malade et ruinee, une belle
occasion pour Jui de la guerir et de Ia secourir; Jeanne est agressee et enlevee sur le
chemin du retour pour ne pouvoir rentrer que morte. Si la brusquerie du retour se trouve
amortie par !'evocation de certaines etapes, ce n'est pas pour dedramatiser le retour mais
bien plutot pour mieux preparer l'arrivee triomphale, voire I'apotheose du personnage
(Mauprat, Jeanne, Franrois le Champi, La Mare au Diable, L'Homme de neige).
L'irresistible desir des personnages, leur impatience se manifestent plus d'une fois par
une impression de vitesse que nous donne leur retour. Franc;ois va "si vite qu'il ne [sent]
pas la froidure et ne [songe] ni a boire, ni a manger, ni a souffler" (327); Sept-Epees
prend la route "leger comme l'oiseau" (148) et marche si vite que "ses pieds [laissent]
a peine Ieur trace sur le sable du chemin" (150). Quant a Jean de la Roche, ii arrive a
l'insu de tous, aussi brusquement qu'il est parti. Quand le retour est presente dans
l'optique de celui qui !'attend, cette impression de soudainete est tout a fait naturelle:
Emilien arrive a l'improviste, alors qu'on le croyait deja mort; quant a Yseult, elle surgit
devant Pierre "comme si elle filt descendue dans un rayon de lune" (385).
Les personnages sont rarement aussi completement heureux que Cristiano
Waldo. Dans la plupart des cas, ils sont partages entre Ia joie et Ia peur comme Fran�ois
or Bernard; ce dernier invoque le ciel "avec une sorte de terreur" avant d'aller retrouver
Edmee, pour eprouver encore devant sa porte "un nouvel effroi" (204). D'autres sont
franchement tristes, pour des raisons par ailleurs tres differentes, comme Brulette ou Jean
de la Roche. 14
56
George Sand Studies
wind-agitated river recuperates this drowning theme: "...au fond, de grandes herbes s'y
penchaient, comme des chevelures de cadavres flottant dans l'eau" (CS 56).
In Jeanne, inspection of the mysterious, melancholic sound reveals: " ...une
paysanne vetue comme les vieilles, et qui maniait son battoir a coups precipites, parlant
seule, a demi-voix, tres vite, d'une maniere inintelligible, et comme en proie a une sorte
de frenesie" (161). The ghostly lavandiere may well be Jeanne's aunt, the bad-tempered
Grand'Gothe, like Felicite, working through her grief and anger at the loss of her sister
and her home. When interrupted, her reaction is violent: "La lavandiere fit entendre une
sorte de grognement comme celui d'une bete sauvage, et jetant son battoir dans l'eau, elle
se leva, ramassa precipitamment des pierres dont elle accabla, en fuyant, Jes curieux qui
venaient l'interrompre" (Jeanne 161).
Similarly, Felicite, upon losing, first Theodore, then Victor, only gives vent to her
grief at night when she is alone: "Ce fut un chagrin desordonne. Elle se jeta par terre,
poussa des eris, appela le bon Dieu, et gemit toute seule dans la campagne jusqu'au soleil
levant" (CS 33). "Elle retenait sa douleur, jusqu'au soir fut tres brave; mais, dans sa
chambre, elle s'y abandonna, a plat ventre sur son matelas, le visage dans l'oreiller, et Jes
deux poings contre Jes tempes" (CS 56).
Felicite's "chagrin desordonne" is reminiscent of the "frenesie" of the lavandiere
(although Felicite's violence is turned inward). Felicite's "eris" and "gemissement" recall
the "parler inintelligible" and "grognement" of the lavandiere, underlining the animal
intensity of her grief. Flaubert linked Felicite's resignation with animality in the Second
Series as well, referring to "Son genre de calme et de beatitude" as "moitie animale, moitie
mystique. "29 Sand too remarks the difficulty of distinguishing between Jeanne's
resignation and the dumb plodding of a draft animal: "Et maintenant qu'elle n'avait plus
personne a qui se consacrer, qui pouvait savoir si c'etait un etre de quelque valeur ou une
creature stupide, attachee aux travaux rustiques comme le boeuf !'est a la charrue?"
(Jeanne 87) To Sand, however, Jeanne's devotion to others lifts her above the common
herd, makes her "un etre de quelque valeur."
In Jeanne, Sand suggests that the intense yet resigned suffering of these peasant
women enlarges their hearts, increases their capacity to love: "mais cette douleur patiente
et simple prend racine dans son coeur plus profondement peut-etre que dans tout autre"
(106). To Flaubert as well, suffering was an integral part of loving, indeed, as he
expressed many times in his correspondence, suffering causes the human heart, the human
soul to grow.30 In Flaubert's eyes, the greater one's capacity for suffering, the greater
one's worth: "...a mesure qu'on s'eleve dans l'echelle des etres, la faculte nerveuse
augmente, c'est a dire la faculte de souffrir."31 Suffering is yearning, striving, he wrote
in 1857: "[m]ais nous ne valons peut-etre quelque chose que par nos souffrances, car elles
sont toutes des aspirations."32 Felicite, whose love for Virginie and loyalty to Mme
Aubain are reminiscent of Jeanne's devotion to her mother and to the de Boussac family,
especially Marie (Jeanne 379), perfectly illustrates this, for her enormous capacity for love
is closely linked to her capacity for suffering. These statements also reflect Flaubert's own
experience ofloving, particularly his mother, who, in her last years, like Mme Aubain,
"n'etait pas une personne agreable" and about whom he wrote: ''Comme nous souffrons
par nos affections. ,m Flaubert himself made Felicite-like sacrifices to his own family,
turning over properties to save his niece's husband from bankruptcy.34
REVIEWS
CHALON, JEAN. Chere George Sand. Paris: Flammarion, 1991.
475pp.
If one seeks a retelling and reinterpretation of George Sand's love affairs, Jean
Chalan's recent biography is the perfect choice. Referring to statements written by
George Sand in her correspondence, Chalan attempts to build the case that Sand's real
romantic interests were Pietro Pagello, Michel de Bourges, Alexandre Manceau and
Charles Marchal, rather than Stephane Ajasson de Grandsagne, Jules Sandeau, Alfred de
Musset and, especially, Frederic Chopin. Sand scholars will not find this a particularly
satisfying work, though, because Chalan reveals no new information about Sand's life
or work. Chalan makes no effort to explain the need for yet another biography, and he
relies almost entirely on the George Sand biographies of Andre Maurois, Joseph Barry
and Pierre Salomon for his information. He also makes frequent reference to Georges
Lubin's massive edition of over 24 volumes of Sand's correspondence, but he is
completely silent on other sources of information that he, Chalan, may have consulted
or discovered.
Chere George Sand is essentially a popularized version of the life of Amantine­
Aurore-Lucie Dupin, baronne Dudevant. It reads easily, like a novel, following a
chronology based primarily on romantic events in Sand's life. Chalan provides no new
insight on Sand's work--it is not clear that he has even read very much of Sand's work!
The main effect of the book will probably be to attract more readers to George Sand as
an unconventional "personality," rather than as a novelist.
A section of photographs and copies of drawings in the center of the book adds
interest and authenticity but by no means equals the extensive photographic section in
Curtis Cate's landmark biography of George Sand. The Sand scholar will be
disappointed to find nothing that has not already been available for many years. Chalan's
captions for the photo-graphs are sometimes helpful. The book has no index, no formal
list of works consulted, and no introduction, and it is consequently difficult to work with
for scholarly purposes.
FRANKLIN I. TRIPLETT
Muskingum College
73
58
George Sand Studies
comme le soleil... Elle a le boeuf d'or sous ses pieds!" (Jeanne 475).41 Just as Jeanne's
final vision is illuminated by the sun's light, so in Felicite's last moments, Flaubert
describes a "grand soleil d'or qui rayonnait" (CS 83), thereby recuperating the golden
quality of Sand's "boeuf d'or." Both Jeanne and Felicite are dominated by their respective
visions; the Queen of the fairies appears "devant" Jeanne in a whiteness that lights up all,
while for Felicite the heavens open and she is overshadowed by the multi-colored wings
of "un perroquet gigantesque, planant au-dessus de sa tete" (CS 83). "Devant'' conveys
a sense of being able to see, of presence, of judgement, while "planant" conveys a feeling
of detachment, of floating in a dream, of being lost in abstraction or in a state of
well-being and indifference to reality, while experiencing great pleasure. Flaubert had long
envisioned such a death, writing in 1850 of his Flemish novel about a virginal mystic,
"mon hero'ine creve d'exaltation religieuse apres avoir connu !'exaltation des sens."42 As
Stirling Haig states, "Felicite is from the beginning associated with light, with color and
with vision..." through her light filled room with its view of the prairies, which emphasizes
access to a fertile, pastoral, "biblical world of Life and revelation" (304). Like Sand
before him, Flaubert stresses his heroine's special affinity to this world at the moment of
her death. In her final moments each former shepherdess thinks of her flock; Jeanne
deliriously calls out the herding commands to her dog, "[e]lle rassemble son troupeau pour
partir" (473), while to the dying Felicite, the parishioners gathered beneath her window
make "le bruit d'un troupeau sur du gazon" (CS 82). It is significant that the "lucarne"
with its view of the pastoral world is the source of the light that strikes the dead parrot's
glass eye and "en faisait jaillir un grand rayon lumineux," sending Felicite into ecstasy ( CS
77).
I do not believe, as Czyba claims, that "[l]e texte tend a degrader le devouement
de Felicite et a en montrer la vanite," nor that Flaubert derides Felicite's final vision
because it is based on illusion (285). I believe, rather, with Willenbrink, that Flaubert
"was serious about Felicite, about her virtues, about her vision" (244), that, as Victor
Brombert has stated, the "tenderness and compassion" of Un Coeur simple outweighs its
irony. 43 Flaubert was in deep sympathy with Felicite.44 In Un Coeur simple, claims
Haig, Flaubert emphasizes "the holy nature of illusion, ...its simultaneous powers of
preservation and deliverance" (314), and it is Felicite's unquestioning belief and her
acceptance of decay that preserves her from disillusion (311-12). Felicite's acceptance of
the death of Victor and Virginie and her attention to the material aspects of death-­
preparing the body for burial and maintaining the grave--preserve her from despair. Haig
suggests that, "Qu'importe la croyance! Le principal est de croire," may be Flaubert's
"definitive statement on belief."45 The important thing for Flaubert was that Felicite
believed she saw Loulou as the Holy Spirit, so she died happy, attaining spiritual comfort.
Since Felicite dies at the moment of her vision, Alexandra Lajoux points out, its duration
is "infinite."46 Thus illusion or belief gives Felicite, like Jeanne, the confidence to face
life and death.
Both Jeanne and Un Coeur simple explore the origins of belief and express
nostalgia for this lost capacity for unquestioning belief and the security and confidence that
accompany it. "Jeanne met en scene et reflechit, en-de<;:a, l'origine de la croyance", claims
Hirsch, " ...pour Sand,...le conte est le premier savoir, 'la merveillosite primitive' est un
temoignage du travail de I 'esprit, a la fois activite intellectuelle obscure a elle-meme et
24
George Sand Studies
Si le voyage presente d'habitude un bilan positif, la fin de chaque histoire n'en
suggere pas moins, parfois de fa�on tout a fait explicite, un desir de fixation.18 Apres
l'equilibre retrouve, a quoi pourrait-on encore aspirer? Dans cet univers, pour emprunter
ici les paroles de Stephen, on "a besoin d'etre aime d'abord, et puis de quelques instants
de repos absolus apres le travail" (La Filleule 142).
Universite Lajos Kossuth (Debrecen)
NOTES
1. Un hiver a Majorque. (Meylan: Ed. de l'Aurore, 1985) 50.
2. Le depart au debut de Teverino semble faire exception. En effet, Sabina ne
part que "pour passer gaiement la matinee". On sait cependant, combien ce voyage se
revelera a son tour transformateur.
3. Editions utilisees: Matt ea, in Nouvelles (Paris: Des Femmes, 1986); Mauprat
(Paris: Garnier-Flammarion, 1969); Le Compagnon du Tour de France (Grenoble:
P.U.G., 1979); Jeanne (Meylan: Ed. de l'Aurore, 1986); Teverino (Paris: Michel Levy,
1869); La Mare au Diable (Paris: Garnier, 1981); Franrois le Champi (Paris: Garnier,
1981); Les Maftres sonneurs (Paris: Gallimard. Folio, 1979); La Filleule (Paris: Ed. de
l'Aurore, 1989); L'homme de neige (Paris: Naumbourg, 1858); Jean de la Roche
(Meylan: Ed. de l'Aurore, 1988); La Vallee Noire (Grenoble: P.U.G., 1978); Le
Marquis de Villemer (Paris: Michel Levy, 1864); Mademoiselle Merquem (Ottawa: Ed.
de l'Universite d'Ottawa, 1981); Malgretout (Ed. de la Societe des Ecrivains Ardennais,
1953); Nanon (Meylan: Ed. de l'Aurore, 1987).
4. Sauf les deux premiers departs de Joset, artiste "maudit", qui disparait tout
simplement, sans avertir personne.
5. Germain et Marie, Jeanne, Brulette; le dernier depart de Joset; Yseult, qui
est, quoique consentante, "enlevee" en quelque sorte, tout comme Jeanne; Cristiano
Waldo, Celie Merquem.
6. "... �a n'est pas bon de quitter sa famille et sa maison"--lui disait sa mere
(111). Le souvenir de ces paroles revient a Jeanne lorsqu'elle tente de regagner son pays
(234).
7. Dans les episodes de depart, on trouve aussi des motifs archetypaux, comme
une benediction ou un gage de fidelite re�us. Voir Mauprat, Franrois le Champi.
8. Pour !'analyse de Mattea, voir la preface de Marie-Jacques Hoog, in
Nouvelles 237-46.
9. Sur les 16 romans analyses, il y en a 5 ou la sequence du voyage represente
une partie considerable du recit: Teverino (presque 100%), Jeanne, La Mare au Diable
(50%), Les Maftres sonneurs et Le Marquis de Villemer (a peu pres 30%); dans le reste,
elle oscille entre 0% et 15%.
10. Le cas de Jeanne, malgre certaines ressemblances, est tout a fait particulier,
a cause surtout du caractere mythique du personnage. Si elle ne change pas, c'est qu'elle
possede deja la perfection. Elle aussi apprend neanmoins ou plutot, pressent confusement
une chose: c'est que ses valeurs a elle n'ont pas cours dans le monde. Voir
60
George Sand Studies
"Jeanne et ses pareilles" see in them "de grosses et terribles realites" and that encouraging
them to see symbols as mere symbols destroys their faith in poetry. Delabroy, referring
to this, states:
...le rapport d'un modeme au symbole ne saurait etre le meme, puisque
toujours necessairement pris dans I'explication, que celui du peuple,
toujours immediatete; et d'autre part, on ne peut tenir ni faire tenir
ensemble symbole et rationalite, ou poesie des origines et education
positive. . . .impossible de se degager du symbole sans sortir
completement de sa sphere, ou encore de le traiter comme outil de sens
sans entarner le processus du pittoresque, ou I 'image devient jeu au lieu
de manifester I'absolu, avec l'ensemble des effets degradants du point de
vue de la socialite qui accompagnent la disparition de toute croyance.
(65)
This passage can explain why educated readers have so often interpreted Flaubert's
depiction of Felicite's belief and her vision as ironic. Modems lack the immediacy of the
peasant; their positive education and habits of rationality have made it impossible for them
to view the symbol or image as a manifestation of the absolute rather than as a mere
literary tool. They have lost the ability to believe without analyzing.
What Flaubert's creation, Felicite, has in common with Sand's Jeanne, is her
transcendence as a superior being, because she believes in something (however "irrational")
beyond herself. Both authors portray these peasant women as modem saints, unappreciated
by the modem world, but nevertheless worthy of imitation, as Flaubert's marginal notes
of the First Series scenario substantiate: "Son genre de bonheur. Son calme. Pour que
ce soit la moralite de l'histoire, qu'on ait envie de l'imiter" (fo. 400, Willenbrink 242).
I agree with Willenbrink's assertion that "without George Sand" (and indeed, without
Jeanne) " ...the scenario and drafts might never have spoken of [Felicite's] tranquility and
blessedness as qualities deserving of imitation ..." (246). Contrary to Czyba's assertions,
Felicite's destiny is no less sublime nor more pathetic than Jeanne's; Felicite, to whom
Flaubert attributes "un coeur qui n'a battu pour rien d'ignoble," is as pure as Jeanne, and
like Jeanne, has a superior understanding of nature and of life. Czyba's statement about
Jeanne, although meant to exclude Felicite, does apply to her as well: "[!]a 'simplicite' de
Jeanne est synonyme de purete heroi:que, c'est-a-dire de la seule saintete encore possible
sur cette terre. Aussi cette heroi:ne peut-elle incamer le mythe romantique du peuple sacre,
etre...la figure revee de l'etre superieur" (288). Like Jeanne's, Felicite's simplicity is that
of heroic purity, and she too is a superior, transcendent being.
University of South Dakota
Reviews
75
audience to which it appeals because of its apparent simplicity and humanity. "Let us
wander forth, through the woods and fields, with hearts as open as our eyes." So Sand
addresses her readers in the introduction of one of her "rustic" novels, Les Maitres
sonneurs. With this double injunction in mind, readers can travel into the rich vistas of
the writer's "world," so vividly evoked in its many aspects in the 1991 volume.
GERMAINE BREE
Kenan Professor of Humanities Emerita
Wake Forest University
DIDIER, BEATRICE AND JACQUES NEEFS, eds. Ecriture du romantisme II.
George Sand. Saint Denis: Presses universitaires de Vincennes, 1989, 159pp.
Today there are several ways to gage a French writer's degree of inclusion into
the literary canon: an annotated edition of the completed works; publication in the Pleiade
collection; scholarly studies of the manuscripts. To this day there is still no complete
edition of George Sand's works. Only Histoire de ma vie has been deemed sufficiently
canonical for the Pleiade collection. The book under review, however, provides a fresh
and serious examination of Sand's manuscripts, surely a sign of progress.
Sandistes know that there are three important "fonds George Sand" in France:
the Spoelberch de Lovenjoul Collection (recently moved from Chantilly to Paris), the
collection at the Bibliotheque nationale and the one at the Biliotheque historique de la
Ville de Paris. This volume provides an eminently useful overview of the first two.
Jacques Suffel describes the Lovenjoul Collection; Roger Pierrot's article regarding the
Sand holdings at the Bibliotheque Nationale is supplemented by an appendix compiled by
Anne Herschberg-Pierrot of the Sand manuscripts which can be found there. This is
followed by a remarkable article by Georges Lubin, the dean of Sand studies, that not
only affords an extremely useful guide to the location of the various collections of letters,
but also offers perceptive insights into Sand's dramatic change of handwriting in April
1856. Finally, in the appendix, Marie-Liesse Petit-Housty provides a general inventory
of Sand's manuscripts. These studies alone are worth the price of the volume, providing
precious information about the Sand corpus in unpublished form.
The remaining articles deal with individual texts. In their various examinations
all critics show how Sand's manuscripts are rich in suppressions, corrections,
transformations and rewritings. Beatrice Didier studies what she calls the "zones
cachees" in Histoire de ma vie. The various levels of suppressions vary from self­
censorship to stylistic concerns to a refusal to delve into sensitive family issues. Nicole
Mozet's article on Pauline, a text which was composed in two periods, 1832 and 1839,
shows that the opposition of the two heroines is yet another instance of the binary
structuration in Sand's early works. But she also suggests that Sand's own fears are
latent in the text: "Pauline est le repoussoir de Laurence-George Sand mais il plane sur
62
George Sand Studies
8. In his correspondence, Flaubert criticized the bourgeois who would do so
(Jacobs 82).
9. Flaubert initially conceived of Emma Bovary as "une vierge, vivant au
milieu de la province, vieillissant dans le chagrin et arrivant ainsi aux demiers etats
du mysticisme et de la passion revee," which is precisely how he later portrays
Felicite. Letter #526 to Mlle Leroyer de Chantepie, March 30, 1857, Oeuvres
completes de Gustave Flaubert, Co"espondance, nouvelle edition augmentee, 9 vols.
(Paris: Louis Conard, 1926-1930) 4: 168, qtd. in Charles Carlut, La Correspondance
de Flaubert, Etude et Repertoire Critique (Paris: Nizet, 1968) 794. Future references
as Conard.
10. Robert T. Denomme calls Felicite a "child poet," "Felicite's View of
Reality and the Nature of Flaubert's Irony in 'Un Coeur simple,"' Studies in Short
Fiction 7 (1970): 579. Sand's comparison of the peasant with the child, according to
Jean Delabroy, "...design[e] aussi dans le peuple l'origine de nous-meme: la deraison
peut s'entendre aussi comme cette puissance surproductive et figurative gagee sur une
intimite quasi organique avec le reel, et qui s 'appelle 'poesie' au sens premier et
fort." "Homere en rebus: Jeanne ou la representation aux prises avec la question de
l'origine," George Sand, Collogue de Cerisy, ed. Simone Vieme, (Paris: SEDES­
CDU, 1983) 55.
11. George A. Willenbrink, "Religion and the Dossier," The Dossier of
Flaubert's 'Un Coeur simple,' (Amsterdam: Rodopi N.V., 1976) 239.
12. First subscenario, (300 vo., 302 vo., Ill: 4), qtd. in Willenbrink 239.
13. Jean Seznec refers to Saint Antoine, 1849 version; ed. Masson, I: 464, in
Les sources de ['episode des Dieux dans la tentation de Saint Antoine, (Paris: 1940)
133-35, qtd. in Willenbrink 241.
14. Letter #128 to Louise Colet, August 26, 1846, Conard 1: 271, qtd. in
Carlut 675.
15. Letter #108 to Maxime DuCamp, April 7, 1846, Conard, 1: 202, qtd. in
Carlut 675.
16. Par les champs et par les greves, VII; ed. Masson I: 684, qtd. in
Willenbrink 238. Letter to Jules Duplan 1859, Conard SI: 249, qtd. in Carlut 679.
17. Flaubert's letter to Sand, February 7, 1874, "ayant comme [vous] savez la
haine essentielle de tout dogmatisme, de tout parti," Jacobs 452.
18. Letter to Mlle Leroyer de Chantepie, March 30, 1857, qtd. in Willenbrink
238.
19. "Felicite's lack of education permits him to ignore the one aspect of
[religion] he found distasteful--dogma... Hers was the very kind of dogma-free piety
he had always found attractive," Willenbrink 245.
20. Letter #379 to Louise Colet, March 31, 1853, Conard 3: 148, qtd. in
Carlut 677.
21. Stirling Haig, "The Substance of Illusion in Flaubert's Un Coeur simple,"
Stanford French Review 7 (1983): 307.
22. First Series scenario, (fo. 300 inserst, fo. 397) qtd. in Willenbrink 239,
241.
George Sand: La halte et le chemin
Simone Vieme
"Vogue la galere", s'intitule le premier chapitre de Teverina1 , roman de la
promenade fantasque, "folle joumee" ou s'entremelent amour, hasard et peregrination,
mais aussi jeu joyeux sur le theme du bohemien, figure mythique de I 'artiste, "voyageur
sur la terre" (172). En arriere-fond est invoque de temps a autre, comme pour donner
sens a la fantaisie2, le Wilhelm Meister de Goethe. Pourtant, cet eloge du voyage par
Teverino, comme celui de la promenade par Leonce, fait place, a intervalles reguliers,
a un eloge du voyage imaginaire dans les songes, lequel, evidemment, n'est possible que
durant les haltes. En outre, a la fin du roman, le "voyageur sur la terre" parle avec
emotion de son "reve monastique", dont on sait qu'il fut aussi l'un des grands themes de
l'imaginaire sandien, au meme titre que celui de la "verte Boheme" invoquee dans la
sixieme Lettre d'un voyageur a Everard (1835).3 Est-ce tellement contradictoire? Le
plaisir du voyage, c'est aussi le plaisir des haltes, et il faut bien, pour que le voyage ait
un sens, qu'il arrive quelque part, aboutisse au lieu de la decouverte, qu'elle soit
amoureuse ou initiatique. Ce sont done ces haltes, ces lieux de repos, provisoires mais
non moins imaginairement investis de pouvoir poetique, dont je voudrais examiner la
forme et le sens, en prenant seulement quelques exemples, parmi lesquels evidemment
le roman quasi archetypal en ce qui conceme le voyage, Consuelo. Cette etude,
forcement tres partielle, voudrait en outre mettre en relief un trait caracteristique de
l'imaginaire sandien, imaginaire de femme-ecrivain, que l'on pourrait montrer d'ailleurs
dans bien d'autres themes.
I-LIEUX SYMBOLIQUES DE LA HALTE
On peut, il me semble, distinguer dans les haltes trois grandes formes
symboliques.
1-Prisons heureuses
Celle qui peut sembler la plus absolue est assurement celle du lieu clos, qui peut
aller de la chambre ou de la maison retiree, sorte de prison volontaire, a la prison
volontaire mais neanmoins "heureuse", comme on a qualifie celle de Fabrice dans La
Chartreuse de Parme. 4 On evoquera la petite chambre haute ou se refugie Consuelo a
Venise, apres ses errances dans la ville ou ses "prestations" musicales, et surtout apres
ses "premieres annees [ ... ] errantes et miserables" (3: 59)5 sur les routes avec sa mere,
la Zingarella. D'une certaine maniere, cette petite chambre est elle-meme dans un rapport
d'"emboitement" avec l'ile de Venise, lieu de halte que son insularite isole.
C'est aussi bien, dans le meme registre, la "maison deserte" des Lettres d'un
voyageur (A Franz Liszt 201-3) ou le "voyageur solitaire" decide, ayant "devie de sa
route", d'accepter l'offre d'un ami: une maison "petite, tres modeste et mal tenue", mais
qui est pour le voyageur un havre de solitude. Apres un parcours labyrinthique dans la
vieille ville, George Sand y penetre avec un "plaisir religieux"; elle la compare a "la
terre sainte" et les "courtines de feuillage" l'enferment pour son plus grand bonheur dans
26
64
George Sand Studies
42. Letter #270 to Louis Bouilhet, November 14, 1850, Conard 2: 254, qtd.
in Carlut 679.
43. Victor Brombert, Flaubert the Master (New York: Atheneum, 1927) 260;
The Novels of Flaubert (Princeton, N.J.: Princeton University Press, 1966) 237, qtd.
in Haig 302.
44. This is not in contradiction to his impersonal approach to writing: "Je ne
veux avoir ni amour, ni haine, ni pitie, ni colere. Quant a la sympathie, c'est
different. Jamais on n'en a assez" (Jacobs 190).
45. Bouvard et Pecuchet, Oeuvres completes, 2: 289, qtd. in Haig 315.
46. Alexandre Reed Lajoux, "From Emma to Felicite: The Use of
Hagiography in the Works of Gustave Flaubert," Studies in Medievalism 1 (1979): 47.
47. Simone Vieme, ed., Jeanne by George Sand. (Grenoble: Presses
Universitaires de Grenoble, 1978) 20.
Reviews
77
impetus of such a radical reassessment, we may hope to see Sand's fiction published in
the Pleiade, and renewed support for a modern edition of Sand's complete works.
Tufts University
ISABELLE NAGINSKI
LARA, CATHERINE. Sand et Les romantiques: un musical rock symphonique. CD:
Trema, 1991.
George Sand has recently resurfaced in the mass media as a subject of interest,
first in the 1990 film by James Lapine, Impromptu, and now in musical form. Now,
Catherine Lara, an established French rock singer and composer, has written, along with
her lyricist, Luc Plamondon, and several other composers, a musical tribute to "la bonne
dame de Nahant." The cast of seven, reflecting Sand's relationships with some of the
Romantic artists of the period 1832 to 1849, includes Musset, Chopin, Dorval, and
Delacroix. An attractive 18-page booklet (designed by FKGB) provides full lyrics as well
as some artwork, including a close-up detail of Charpentier's portrait of Sand and a photo
of Lara and Plamondon in the garden behind the chateau de Nahant.
A few notes open the booklet, in which Lara and Plamondon offer their
conception of the recording. Sand is described as "la premiere femme libre du monde
moderne [... ] la premiere femme a vivre de sa plume." The hyperbole of this statement
reflects the overall tone of the recording, which, although laudatory of Sand's efforts and
accomplishments, overlooks the endeavors of other women of her era and before.
Perhaps the most disturbing statement of intent is the promise to depict what they see as
Sand's most pervasive attribute, the secret of her success: "sa plus belle f�on d'etre libre
ne fut-elle pas sa fa�on d'aimer?" And it is, in fact, Sand's personal relationships with
Dorval, Musset, and Chopin which constitute the principal parts of the recording. These
"romantics," with whom Sand is seen to associate in the context of the recording, are
described as "jeunes," "beaux," "fous;" "ils ont du genie et ils veulent changer le monde.
Ils sont 'romantiques'." As romantic as he may have been, Chopin never wanted to
change the world; Liszt might have made a better choice in this respect. Lara and
Plamondon's definition of "romanticism" stands as the basis of comparison between
Sand's world and the present-day rebelliousness, which is portrayed in the rock aspect
of the recording: "si proches de nous [ ... ] comparable[s] au mouvement rock de notre
epoque."
The recording consists of twenty selections, each with a title and introduced in
the booklet by a brief paragraph of biographical details to situate the listener. The first
piece, "Appelez-moi George," introduces the main character as she comes into her own.
The romantic tone of the music as well as Lara's raspy--and sometimes overly dramatic-­
voice, indicate the mixture of lyrical and narrative aspects which characterize the
recording. The second selection, "Les Romantiques," employs an interesting flashback
technique: an aging Sand remembers the Romantics and the passion of her youth in Paris,
comparing them to the marionnettes of Nahant. The connotation that she played the
characters of her Parisian youth as her son controlled his puppets is somewhat disturbing,
66
George Sand Studies
Comment s'etonner alors de son interet passionne pour l'art, qu'elle sait
regarder, qu'elle comprend parfaitement? Comment s'etonner qu'elle ait tant ecrit, qu'elle
ait fait tant de references a la peinture dans ses oeuvres? Comment s'etonner qu'elle ait
su s'entourer d'oeuvres d'art d'artistes qu'elle aimait, qu'elle ait encourage tant de ses
amis par ses lettres laudatives ou par ses articles dans la presse, et comment s'etonner
enfin qu'elle ait tant aide son fils Maurice a poursuivre sa carriere d'ecrivain et de
plasticien: ne resumait-il pas en lui les deux grands poles d'interet de George Sand:
l'ecriture et le graphique?
Le texte et l'image se rencontrent, les mots peuvent exalter l'image et celle-ci
donner plus de force au texte. George Sand sait parler de la composition d'une oeuvre,
de la couleur, de l'ombre et de la lumiere, du style: par son erudition, par son
imagination, par l'evocation d'oeuvres de maitres celebres, elle fait des comparaisons,
des paralleles, y mele des notations intimes, des rapports avec le contemporain social ou
artistique et nous confie ainsi, dans le meme temps, son sentiment et ses propres idees.
Dans toute l'oeuvre de George Sand, on pourrait relever ces "correspondances"
entre l'ecrit et le "represente". J'ai choisi, ici, de m'en tenir a trois de ses articles de
critique d'art, parus respectivement en 1837, 1858 et en 1863.
Elle, qui "tant de fois [a ete] traduit au tribunal de l'opinion8 et qui n'a pas
hesite a se defendre dans ses prefaces ou ailleurs, se sent "tres nouvelle et nai"ve" dans
le metier de critique.
Tout comme dans ses romans, son premier but dans ses critiques est d'"eclairer
le peuple", lui montrer ou est la verite, ou se trouve le beau, le bien dans le contexte
"des croyances de son epoque( ... ) et du milieu ou il respire" car on ne peut "etre poete
ou artiste(... ) sans etre un echo de l'humanite" (Questions d'Art 9). L'on retrouve ainsi
l'influence du temps, des Saint-Simoniens dont elle ne partageait pas toutes les idees,
mais il y a comme un echo du point de vue de Flora Tristan ou plus tard de Jules Valles
qui se posaient en educateurs par la mediation de l'Art, sans oublier bien entendu les
theories de Taine. L'on ne peut demander a !'artiste, ecrit-elle, "de creer en dehors de
ce qui le frappe. 11 subit l'action du milieu qu'il traverse, et c'est fort bien fait, car il
s'eteindrait et deviendrait sterile le jour ou cette action viendrait a cesser". 9
L'art pour l'art n'a aucun sens pour George Sand, car seul compte !'art qui fait
penser, qui fait rever et les mots pour le dire ont tout autant d'importance.
Comment definir la critique d'art de George Sand? A mon sens, en citant ses
propres paroles a propos de celle de Zacharie Astruc:
c'est un monde de couleurs, de formes, de compositions [qui]
tourbillonne dans son style et deborde ses discussions. Que le peintre
dont il parle le ravisse ou le fache, il lui arrache sans far;:on sa palette
et le voila de peindre a sa place, c'est-a-dire qu'a l'aide d'un autre art,
la parole, il explique ou refait a sa guise le sujet traite par le
pinceau. 10
C'est ainsi que George Sand parle de l'oeuvre d'un artiste, et meme de deux artistes a
la fois lorsqu'elle prend pour sujet d'article !'oeuvre de Calamatta, graveur, reproduisant
28
George Sand Studies
heros de ce recit fantaisiste et fantastique, d'ailleurs arrete brusquement, montre dans un
premier temps un personnage qui veut gravir l'Etna, excursion qu'il connait bien, et fait
done seul. Mais il n'ira pas plus loin que la (reelle) Grotte des Chevres, "station
ordinaire des voyageurs et seul gite qu'ils puissent trouver dans cette foret inhabitable"
(10). II y fera le reve qui foumit la matiere de presque toute la premiere partie. On
connait aussi le tres beau passage des Lettres d'un voyageur sur les grottes d'Oliero en
Lombardie, ou George Sand a reellement fait un voyage, durant l'episode venitien de sa
vie. Des trois grottes, la moins pittoresque la retient, et meme si le froid et la tristesse
la gagnent, la premiere emotion est de pur "bien-etre", de "joie". A la fin du recit, une
hirondelle qui sort de la grotte et traverse le ciel, puis y revient comme pour attendre le
printemps, s'affirme comme un symbole d'espoir (56-7).
La grotte, en outre, et meme si elle est le plus primitif des lieux de halte, est
souvent liee, comme en emboitement, au chateau, le plus construit des edifices ou puisse
se reposer le voyageur. Au chateau des Geants, comme au Chateau du Graal, Consuelo
descend, dans le premier cas par un glissant escalier, dans le second par une echelle
tandis que se referme la trappe, dans un labyrinthe qui aboutit, dans le premier cas aux
trois salles de la grotte du Schrekenstein, dans le second a des salles souterraines. Dans
les deux c as, ce sont des lieux de revelation essentiels, a la sacralite attirante et effrayante
a la fois.
II-LE SENS DE LA HALTE ET LE SENS DU VOYAGE
Si done le voyage ne se con�it pas sans haltes, volontaires ou forcees, celles-ci
prennent leur sens par rapport au voyage, et inversement lui donnent sens.
1-La paix de l'ame et la conquete de soi
Ainsi, les jardins edeniques aussi bien que la prison, et le cloitre qui est la fonne
syncretique des deux, sont avant tout des lieux de repos, ou l'agitation et le mouvement
un moment suspendus permettent de "faire le point", tenne de navigation qui fait image,
de conquerir ou retrouver la paix de l'ame, de fortifier la volonte. C'est d'ailleurs
pourquoi la trop riche villa du chateau du Graal, dans Consuelo, a un effet negatif que
n'avait pas la prison inconfortable de Spandaw, ou elle "avait roidi sa volonte, contre des
perils extremes, contre des souffrances reelles; elle avait triomphe de tout avec vaillance;
et puis la resignation lui semblait naturelle a Spandaw" (248). Mais au Chateau du
Graal, la solitude se fait d'autant plus lourde que tout y semble "dispose pour une vie
d'epanchement poetique ou de paisible intirnite", qui ne lui est nullement donnee, tandis
que le bonheur de Spandaw etait un bonheur spirituel conquis par l'heroine elle-meme.
Quant au "jardin de cure" du chanoine, alors qu'en principe Consuelo a "horreur
des jardins bien tenus", il n'acquiert sa valeur magique qu'a cause des tribulations
anterieures, et ne l'aurait pas sans cela. Tres symboliquement, l'immobilite des fleurs
que contemple Consuelo ne la touche que "parce qu'elle succede aux ondulations que la
brise vient de leur imprimer" (2: 118). Mais tout aussi symboliquement, cet episode est
relie a l'histoire d'une naissance--qui succede immediatement au "choeur des fleurs"
'
celle de la fille de la Corilla, que recueille Consuelo. Ce theme de la naissance se
retrouve symboliquement tout au long de ce roman initiatique. Mais on l'avait deja vu
68
George Sand Studies
se sent plus en conformite d'idees et ou elle fait "acte de devouement en meme temps
envers l 'abbe de Lamennais" (C 3: 702-04).
II y eut plusieurs comptes-rendus sur cette gravure clans le meme temps que
paraissait celui de George Sand intitule M. Ingres et M. Calamatta ou elle glorifie a la
fois le peintre et le graveur.
Ingres (1780-1867) le voeu de Louis XIII, Salon de 1824, Cathedrale Notre
Dame, Montauban. C'est un tres grand tableau de 4,21m sur 2,62m, et la gravure de
Calamatta est de 0,58m de long sur 0,393m de largeur. II est important de se souvenir
que le graveur de reproduction part souvent d'une oeuvre de grand format, qu'il doit
reduire aux proportions de sa gravure. De plus, partant d'une peinture, ii doit savoir
traduire en noir et blanc toutes Jes finesses et Jes valeurs de la couleur (OA 2: 278).
Ingres a execute sa peinture a Florence, pendant quatre ans. Selon George Sand, ii a
fallu sept grandes annees a Calamatta pour rendre ce tableau avec une perfection "qui ne
laisse rien a desirer" car ii a "le sentiment du beau et la puissance de le reproduire
fidelement". Calamatta pense, dit-elle ailleurs (20) "qu'il faut savoir tres bien dessiner
pour savoir copier et que, qui ne le sait pas, ne comprend pas ce qu'il voit et ne peut pas
le rendre". Calamatta est "le Ingres de la gravure" ajoute-t-elle. M. Ingres lui-meme
est tres satisfait du travail de Calamatta et desormais "L'avenir est dote d'une page
sublime".
Voila, en resume, ce que dit George Sand de la gravure de Calamatta. Tout le
reste de I'article est consacre a Ingres dont elle commente avec beaucoup de subtilite, de
sensibilite et de "sentiment" !'oeuvre. C'est "la plus grande page de M. Ingres", ecrit­
elle, pour "la simplicite" de sa composition, pour la "sobriete des details" [qui] "servent
a appeler !'attention et a concentrer l'effet principal sur la figure de la vierge".
L'on voit ici combien George Sand sait regarder une oeuvre et aussi combien,
par le regard, elle a su memoriser ce qu'elle a vu. Ainsi, clans sa comparaison de cette
oeuvre avec l'Assomption du Titien, sa "rivale en puissance" ajoute-t-elle, ce parallele
la conduit a comparer egalement la condition sociale des deux artistes. Alors que Titien
fut "plus puissant et plus riche qu'un doge", ecrit-elle, "M. Ingres ne jouit que d'une
gloire contestee par l'envie ou meconnue par !'ignorance". On croirait lire Flora
Tristan 12 qui regrettait, elle aussi, de ne plus voir Jes artistes jouir comme autrefois de
la "veneration publique". George Sand regrette de savoir ce "chef-d'oeuvre mystique"
clans la Cathedrale de Montauban ou personne ne va le voir et elle s'insurge contre la
Jutte opiniatre menee par Ingres pour s'imposer, alors que clans ce voeu de Louis XIII,
clans "cette personnification de la foi", ii a "mis toute son fune, toute sa pensee, tout son
genie". II y a mis aussi, ajoute-t-elle, "plus de science" que Titien clans son Assunta car
la distribution de la lumiere donne plus de force aux personnages, plus de solemnite clans
la distribution et Jes gestes des personnages. Elle parle aussi de la position de la tete de
la vierge, des bras tendus du Roi vers celle qui "porte avec une joie muette la redemption
du monde, l'avenir des generations".
L'on voit done clans cet article comment George Sand use de la critique d'art,
de cet art qui fait en quelque sorte partie d'elle-meme; elle desire communiquer son
enthousiasme au lecteur pour I'enseigner, pour lui apprendre a voir.
George Sand se montre ici une fervente admiratrice de Ingres. L'on sait
cependant qu'elle evoluera a ce sujet (est-ce sous !'influence de ses conversations avec
Reviews
79
is a sort of rock ballad which reflects as much about the genre as about Sand's personal
experiences: "Decrire la femme que je suis/Comme je la fuis, comme elle m'ennuie..."
The final piece, aptly named "Laissez verdure," gaps a leap in chronology from 1848 to
1876. The musical tone of this piece is hymn-like, calm, and at times ponderous. The
garden at Nohant is personified and beckons to Sand to succumb to the calm of a natural
after-life. Lara sings a duet with herself in this piece, as though Sand were at once alive
and dead, singing from both sides of the abyss. The song fades away, repeating "Laissez
verdure ou finit l'aventure, ou prend vie la nature," and finally ending with church bells
ringing. A most interesting line commands "Laissez mes livres garder leurs secrets," a
request which most artists would understand, but which all critics will ignore.
While Sand scholars will be disturbed by a number of details in Lara's
interpretation of Sand's life and by some of the aspects of her life which were chosen to
be highlighted in this recording, having the Berrichon author the subject of a rock
musical does have some advantageous results. The reception of the recent staging of the
event in Paris (it had a short run at the Olympia in early November 1992) was mixed but
leaning to the positive side. As with Impromptu, Lara's recording has its flaws in detail
and in essence. Mass media representations of George Sand have, however, helped bring
Sand's more complex side to the attention of the general public, which was after all
Sand's own public. Further, the musical manifestation of Sand's life, or a part of her
life, is entirely appropriate given the enormous importance of music for Sand. Sand et
les romantiques will certainly not advance Sand scholarship, but it may provide a link for
our students to take another look at the person behind the novels. It may also allow the
all-important general public to reexamine the life and works of George Sand, romantic
extraordinaire. I recommend at least one serious listen to Catherine Lara's symphonic
rock musical, Sand et les romantiques.
DAYID A. POWELL
Hofstra University
NAGIN SKI, ISABELLE, ed., George Sand, special issue of Revue des Sciences
Humaines, number 226, April-June 1992. 228pp.
There has recently been some suggestion in American academic circles that a
"Sand factory" has been created, with the concomitant implication that merchandise (i.e.,
Sand criticism) is being rapidly produced without serious attention to quality. That
suggestion could well be annihilated by the recent issue of Revue des Sciences Humaines
edited by Isabelle Naginski and focused entirely on Sand and her oeuvre. This fine
collection of essays by Naginski and eleven other scholars, both French and American,
sheds new light on many facets of Sand's work. Organized chronologically by Sand's
publication dates, the volume is a most happy addition to the serious reassessment of
Sand as a writer that has been taking place on both sides of the Atlantic in the past fifteen
years. A partial purpose of this collection is to contribute to the refutation of Sand's own
70
George Sand Studies
Amoureux sincere mais econduit, Leonard n'a jamais devoile la personnalite de
son modele, l'entourant d'un epais mystere tout en mettant toute son ame et son genie
dans cette figure. George Sand avoue cependant que, confrontee a cette image, elle en
a toujours ressenti quelque effroi car elle y sent vibrer l'ame du personnage et du peintre;
elle lui rappelle meme une autre toile de Leonard, Uonard--La meduse, Florence, qu'elle
trouve "tout aussi effrayante".
Cette analogie entre La Joconde et La Meduse donne une idee de la remarquable
finesse de George Sand dans cette approche de la peinture et ramene a ce que disait
Freud parlant de la Meduse, cette "femme inapprochable qui repousse tout desir sexuel"
comme la Joconde qui se serait refusee a Leonard.
En imaginant ce roman de !'artiste et de son modele, George Sand donne ici une
autre facette de sa critique d'art. Nous sommes desormais tentes de regarder
differemment Mona Lisa, en lui ajoutant cet apport de George Sand qui !'a re-creee en
quelque sorte. Et c'est alors la seulement que George Sand fait intervenir Calamatta qui
a, dit-elle, resolu tous Jes problemes que cette figure a re-creer Jui avaient apportes:
Calamatta, La Joconde d'apres Leonard de Vinci, Bibliotheque Nationale, Estampes,
Paris.
Elle aime le rendu de !'oeuvre dans "son aspect general" qui est "sombre comme
la peinture", "austere et doux a la fois", "limpide et voile comme !'expression de la
Joconde".
Elle n'evoque pas Jes problemes techniques rencontres par Calamatta, elle se
contente d'applaudir a !'execution de la reproduction, tout comme elle applaudira plus
tard (mars 1863) a une autre reproduction "fidele et sincere" d'un autre chef-d'oeuvre
celui de Raphael, La Vierge a la Chaise, Florence. "Une des grandes pensees qui
viennent d'un seul jet au maitre" (meme remarque que pour I'expression de La Joconde).
Cette "composition si simple et si heureuse" ou Calamatta, a nouveau, a su se
mettre au service de Raphael pour nous donner a voir son idee et son sentiment ainsi que
"la maniere large et meme jusqu'aux libertes de pinceau du modele".
George Sand connait la plupart des reproductions gravees de cette oeuvre (une
soixantaine environ) qu'elle trouve "deplorables" et comprend la reaction de son ami
Louis Viardot de vouloir interdire ces reproductions qui sont un outrage, dit-il, "a la
memoire des maitres", elle qui, cependant est pour la popularisation des chefs-d'oeuvres,
a condition toutefois de ne pas les trahir. C'est pourquoi elle apprecie d'autant plus le
respect qu'a demontre Calamatta envers Raphael en le copiant stricto sensu et en usant
de son burin comme Raphael de sa brosse.
Se parant de I'ignorance de la technique, George Sand prefere citer un
"connaisseur exquis" qu'elle ne nomme pas mais qui, tout comme elle le fait elle-meme,
reconnait la valeur de cette reproduction. Ce qu'elle critique dans Raphael simplement
ce sont Jes concessions faites a certains signes du code obligatoire impose aux artistes,
ici, entre autres la croix au bras de l'enfant, "ces fioritures apocryphes" qui n'apportent
rien au sujet.
Nous voici arrives au terme de ces trois articles de critique de George Sand,
articles qui, tout en parlant de la gravure de reproduction, se referent a !'oeuvre originale
ainsi popularisee. Dans ces trois textes, sa critique est done double et renvoie toujours
30
George Sand Studies
"C'etait un lieu de delices ou tout invitait au repos et d'ou cependant !'imagination
pouvait s'elancer encore dans de mysterieuses regions" (51: c'est moi qui souligne).
Malgre la conjonction "cependant", ii n'y a pas en fait d'opposition, bien au
contraire, entre le repos du corps et l'elan de !'imagination. Que le voyage imaginaire
soit superieur au voyage reel ne saurait etonner de la part de quelqu'un qui a toujours
affirme que I 'imagination etait de beaucoup superieure a la simple perception. Que I'on
se souvienne par exemple de la seconde Lettre d'un voyageur deja citee, ou eUe
proclame, contre l'avis de Musset et celui de Page11o: "[... ] dans le vrai, quelque beau
qu'il soit, j'aime a batir encore" (73), de sorte que la ligne tremblante des reverberes se
refletant dans la Seine tient sa beaute de ce qu'e1le s'imagine (c'est le verbe qu'e11e
utilise) "voir dans le reflet de ces lumieres des colonnes de feu et des cascades
d' etinceUes qui s'enfom;:aient a perte de vue dans une grotte de cristal" (74). EUe a alors
la tentation de sauter dans la riviere, pour parcourir ce "palais enchante" ou elle croit
voir danser ensemble Jes esprits de l'eau et ceux du feu. Car tout est possible, y compris
cette conjonction des contraires, pour le reveur.
C'est meme la superiorite de l'etre humain, selon une Lettre d'un voyageur
adressee a Manceau en 1865: 8 "L'instinct ne Jui a pas dit comme aux animaux: Trouve
ce qu'il te faut; il lui a dit: Cherche ce que tu reves, et l'homme a cherche, il cherchera
toujours" (316). Ainsi sont lies la quete, qui est voyage, et le reve, comme sens profond
a donner a la vie de l 'homme.
3-La halte initiatique
Car le symbolisme de la halte s'insere dans cette problematique du voyage
comme quete d'une condition differente de l 'etre humain. Dans ce parcours, qui est
parcours spirituel plus encore que topographique, filt-ce une topographie fictionelle ou
fantastique, les haltes sont necessaires pour permettre la progression spirituelle, et le
regressus qui permet de mourir pour renaitre. J'ai deja souligne les symboles de
renaissance, dans les exemples donnes, et j'ai traite ailleurs assez longuement, apres Leon
Cellier, le sens initiatique de Consuelo pour ne pas insister sur ce point.9 Rappelons
seulement que les grands moments de l'initiationont lieu dans le lieu dos de Venise, puis
dans la grotte du Schrekenstein et le Chateau des Geants, enfin dans le Chateau du Graal,
ce supreme degre initiatique precede de la periode probatoire et purificatrice de la prison
de Spandaw. Dans cette demiere halte, on remarquera que se dessine deja la figure
finale de l'heroi:ne, artiste createur et non plus seulement interprete profane. Dans ces
lieux, entre les voyages, Consuelo se trouve peu a peu, se forme et se transforme.
III-LE BOUT DU CHEMIN
Une demiere question se pose, que souleve precisement le roman-modele de
Consuelo, dans cette dialectique du voyage et du repos, de la halte et du chemin.
Qu'advient-il tout au bout de la route? Le voyage peut-il etre sans fin, conclu seulement
par la mort inevitable? On pourrait le croire, en ce qui conceme le personnage de
Teverino, pour qui la "maniere de voyager est une maniere de vivre" (74), qu'il
developpe complaisamment en racontant sa vie d'artiste, et a la fin, en prevoyant sa vie
future. Mais a y regarder de plus pres, on voit se deployer, et c'est la l'un des traits
72
George Sand Studies
NOTES
1. George Sand, Correspondance, sous la direction de Georges Lubin, vol. 14
(Paris: Gamier, 1979) Avril 1857, 14: 345. Les references a ce texte apparaitront dans
!'article. L'initiale identificatrice (C) sera suivie du numero du tome et de la page.
2. Revue des Deux Mandes 15 mai 1864: 259.
3. George Sand, Jeanne, ed. Simone Vieme (Grenoble: P.U.G., 1978) 30-1.
4. Lettre du 28 janvier 1831, 1: 789-90.
5. George Sand, Oeuvres autobiographiques, sous la direction de Georges Lubin,
vol. 2 (Paris: Gallimard, 1971) 106-7. Les references a ce texte apparaitront dans
!'article. L'initiale identifcatrice (OA) sera suivie du numero du tome et de la page.
6. Lettre du 16 mai 1831, 1: 866-72.
7. Une aventure d'editeurs au XIXe siecle, Michel et Calmann-Levy, B. 88, 24
avril 1986.
8. George Sand, Questions d'Art et de Litterature (Paris: Calmann-Levy, 1878)
5, 8, 227.
9. George Sand, "Voyage dans le cristal," Revue des Deux Mandes 1864: 6.
10. George Sand, Souvenirs de 1848. Ch. XI, preface aux quatorze stations du
Salon de 1859, par Zacharie Astruc, (Nohant, 19 aout 1859) 371-3.
11. George Sand, "Monsieur Ingres et Monsieur Calamatta," Le Monde 2 mars
1837, repris in Questions d'art et de litterature sous le titre Ingres et Calamatta (Paris:
Calmann-Levy, 1878) 65-71 et in Questions, eds. H. Bessis & J. Glasgow, (Paris: des
Femmes, 1991) 99-107. George Sand, La Joconde de Leonard de Vinci gravee par M.
Louis Calamatta, La Presse 8 decembre 1858; repris dans Souvenirs et Impressions
Litteraires, (Paris: E. Dentu, 1862) 205-13. George Sand, La Vierge a la Chaise de
Raphael, Revue des Deux Mandes 15 mars 1963 repris in Questions d'art et de litterature
(Paris: Calmann-Levy 1878) 313-18 et in nouvelle edition de l'ouvrage par H. Bessis &
J. Glasgow (Paris: des Femmes, 1991) 243-51.
12. Flora Tristan, Un Fabuleux Destin, presente par Stephane Michaud (Dijon:
Ed. Universitaires, 1985), cite in H. Bessis, Flora Tristan et I'Art 175-85.
Reviews
81
"cohabitation dialogique," in Naginski's felicitous phrase. Finally, Brigitte Lane's
brilliant study, "George Sand, 'ethnographe' et utopiste: rhetorique de l'imaginaire," is
worthy of a volume in itself for its probing analysis of Sand's complex depiction of the
Berrichon peasantry, culminating in Nanon, which Lane calls "...le premier roman
fran.;:ais a perspective ethnologique." This critic sees Nanon as the realization of the
three dreams that Sand had for the peasant: educated, free from the idea of class, and
recognized publically by the French nation.
In conclusion, I would venture to say that if products such as this volume
continue to flow from the "Sand factory," we should all be ready to buy stock in the
company.
National Endowment for the Humanities
NANCY ROGERS
POWELL, DAYID A, ed. George Sand Today: Proceedings of the Eight International
George Sand Conference - Tours 1989. Lanham, New York, London: University Press
of America, 1992. 310pp.
La reflexion sur l'ecriture du lieu et de l'origine domine les articles contenus
dans ce volume reprenant vingt-quatre des communications faites lors de Ia huitieme
Conference George Sand. De maniere plus large encore, la reflexion sur I'origine de
l'ecriture sandienne est le contexte dans lequel s'inscrivent la plupart de ces essais. Ce
vaste et complexe domaine est explore non seulement avec richesse et profondeur mais
encore dans la diversite et la qualite des perspectives critiques (psychanalyse,
intertextualite, feminisme pour n'en citer que quelques unes), perspectives refletees dans
chacun des six chapitres qui composent I'ouvrage: "Gender/Writing", "(Auto)biography",
"Berry", "Politics", "Textual Analysis", "Literaries Affinities". Ces redecouvertes seront
sans doute aussi des decouvertes pour nombre de Iectrices et lecteurs (en particulier pour
ce qui est des essais traitant de textes moins connus, tels I'Histoire du reveur presente par
Annarosa Poli ou Les Agendas presente par Anne Chevereau, qui devraient a l'avenir
donner lieu a de nouvelles et passionnantes analyses).
Au travers de lieux/textes revolutionnaires et revolutionnes--en particulier par
la mise en question du "genre" comme le montre I'essai d'Yvette Bozon-Scalzitti sur
Iequel s'ouvre le volume de maniere appropriee (une analyse de l'ecriture de la
Revolution dans Nanon)--Sand questionne et reinvestit I'espace. Cette vision est
manifeste, entre autres, dans l'ecriture de l'espace rural interprete comme Iueu de la
resistance feminine chez Sand (Jane A. Nicholson). Les geographies sandiennes
nourrissent l'ecriture ou elles s'organisent en un systeme symbolique complexe (voir les
deux analyses du couvert par Jeanne Goldin et Susan Leger, ou celle des rivieres et
fontaines par Sylvie Charron Witkin). Ces lieux articulent des reves d'unite fondamentale
a partir d'une realite fondamentalement fissuree (voir l'analyse riche et toute en nuances
que Denise Brahimi fait de la dichotomie Berry/Bourbonnais), realite qui est egalement
revelee dans les analyses de la quete, de la perte et du personnage d'Albert dans le
chapitre "Textual Analysis".
74
George Sand Studies
DATLOF, NATALIE, JEANNE FUCHS AND DAVID A. POWELL, eds.
The World of George Sand. Westport, Conn.: Greenwood Press, 1992. 318 pp.
For a dozen years now, Hofstra University has been at the center of a highly
successful scholarly venture: the revival of interest in the work and personality of George
Sand. That revival was started by the activities of an association, "The Friends of
George Sand," founded in 1976 on the lOOth anniversary of her death. Under able
leadership, the association fast became international. The "George Sand Annual
Conference," the proceedings of which were published in successive issues of George
Sand Studies deservedly acquired a high reputation; the quality of the papers given and
the meticulous work of the editors soon added new dimensions to the stereotyped image
of the writer as the typical romantic heroine of scandalous love affairs (with Chopin and
the poet Alfred de Musset), and the author of "pastoral" novels for young readers.
Meanwhile, new documents were being translated or published. In France, a Sandist
scholar par excellence, Georges Lubin, brought out twenty-five volumes of Sand's
Correspondence (1964-92); while an able team of American scholars brought out a
remarkable translation of Sand's monumental (1168 pp.) Story of My Life, edited by
Thelma Jurgrau, one of the well-known contributors to the "Friends of George Sand."
A collection of essays presented in 1986, at the seventh international George Sand
Conference (held at Hofstra University), and celebrating the tenth anniversary of the
founding of the organization, provides a quite transformed, complex image of that famous
and undeservedly forgotten woman writer.
Twenty-nine papers cover the new field of Sand studies. The contributions have
been distributed under six headings providing a structure of help to the reader, i.e. 1)
Rustic Novels; 2) Lettres d'un voyageur (notes on her travels included in Sand's
correspondence and formerly unpublished); 3) Text and Ideology; 4) Political Affinities;
5) Sexual Politics; 6) Contemporaries. The book is brilliantly prefaced by two "keynote
speakers," the late Henri Peyre who provides a historical perspective; and Marilyn
French who looks at Sand from a feminist viewpoint, establishing a telling parallel
between the fate of the nineteenth century writer, and that of "another woman of great
stature and accomplishment who was important in her own time but immediately
forgotten" (xxiii), Christine de Pisan. Perhaps because the essays were spoken, rather
that written, they are eloquently alive, devoid of abstruse terminology, clearly written and
carefully documented; all bring out new facts--whether it be George Sand's enormously
varied work, her sense of collective responsibility, her friendship with Flaubert, for
instance, and many other men of stature, her firm belief in the writer's role in society:
a rich harvest.
The volume includes a good selected bibliography, the fascinating program of
the Hofstra Conference, a name index and a subject index and a brief biographical sketch
of the contributors. I add that the George Sand Studies for Spring 1992 have come out
in a new and attractive format with, as cover, an attractive drawing of "George Sand at
Nohant" by Fran�oise Gilot; and they announce the publication of a Newsletter bringing
to Sand scholars the latest information concerning this rapidly burgeoning cosmopolitan
field. Clearly Sand's work, perhaps because of her versatility and story-telling ability,
also because of the professional excellence of today's Sand scholars, has reached a world-
32
George Sand Studies
O verte Boheme! patrie fantastique des ames sans ambition et sans
entraves, je vais done te revoir! J'ai erre souvent dans tes montagnes
et voltige sur la cime de tes sapins; je m'en souviens fort bien, quoique
je ne fusse pas ne parmi les hornrnes, et mon malheur est venu de
n'avoir pu t'oublier en venant ici. (198)
Consuelo et Albert y vivent desormais une vie ideale et utopique, ou tout se passe par
l'echange, de sorte qu'ils ne mendient jarnais, mais re�oivent l'hospitalite de ces
populations pauvres et dignes, vraie figure du Peuple, auxquelles ils apportent a leur tour
''l'art et l'enthousiasme" (3: 445). Ils menent alors la "veritable vie d'artiste" (3: 445).
Ainsi, dans le finale de ce roman exemplaire, est evoque "le chemin sable d'or, le
chernin sans maftre de la foret" sur lequel s'eloignent la Zingara, Trismegiste et leurs
enfants, tandis que le narrateur, l'initie venu recuellir la Parole sacree du Maitre, s'ecrie:
"Et nous aussi, nous sommes sur la route et nous marchons. La vie est un voyage qui
a la vie pour but, et non la mort, cornrne le dit dans un sens material et grossier" (3:
467).
On ne peut que donner a cet eternal voyage son sens symbolique et initiatique
evident: le destin de l'artiste-prophete, dans Consuelo, est finalement de semer la bonne
parole de la liberte, et l'enthousiasme au sens etymologique. Au reste, Teverino se trouve
dans le meme cas, quoiqu'a un stade beaucoup moins eleve, car il se laisse encore, dit-il,
conduire par la vanite, et s'il deteste la regle, c'est de fa�on toute instinctive (172).
3-La rencontre alchimique du chemin et de la halte
11 faut pourtant reprendre la configuration imaginaire de cette fin de roman,
comme d'ailleurs de Consuelo. Dans Teverino, l'artiste aime a la fois la vie du
bohemien-artiste, et la paix des couvents: ''J'ai toujours airne les couvents et reve de cette
vie molle et beate, pourvu qu'elle ne se prolongeat pas au dela du terme assigne a ma
fantaisie" (170). Il y a done en lui une aspiration paradoxale, dont il ne se sent nullement
gene, mais qu'au contraire il assume avec une desinvolture qui correspond du reste au
ton de tout le roman. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faille pas le prendre serieusement
sur le plan du sens, comme l'indiquent assez les references deja mentionnees a Goethe.
. . D'autant que cette forme d'imaginaire qu'on pourrait dire alchimique, en ce sens
qu'elle concilie les contraires, est, on l'a deja vu, tres caracteristique de l'imaginaire
sandien; et aussi tres initiatique. Cela est d'ailleurs redouble dans Teverino, puisque l'un
des couples, Leonce et Sabina va revenir a la villa du debut, ils vont y vivre leur amour
enfin accepte, tandis que le couple Teverino-Madeleine demeure sournis a l'attente, au
hasard, aux aleas de la vie vagabonde de l'un et l'autre partenaire. Et aucun des deux
choix n'est privilegie, meme si celui de Teverino est plus brillant, temoignant des
preferences de G. Sand l'artiste.
Le voyage final de Consuelo, malgre les apparences, reste dans le meme registre
de coi'ncidentia oppositorum, mais sur un plan plus eleve. On assiste en fait a un triple
retour a l'origine: au pays natal, qu'il s'agisse de celui de Jean Ziska ou du pays des
zingaras; au voyage vers Vienne qui fut l'un des moments heureux du parcours anterieur
de Consuelo; aux temps primitifs de l'age d'or social. Dans les trois cas, la Boheme
prefigure en meme temps un futur ideal: premiere coi:ncidence des contraires. Mais en
76
George Sand Studies
elle l'ombre noire de ce que George Sand elle-meme aurait pu devenir si elle n'avait pas
pu choisir la liberte d'une vie d'artiste" (67). Simone Vieme concentrates on Jeanne,
a text which she knows extremely well, having prepared the critical edition for the
Editions de ['Aurore in 1986. The manuscript shows that the author carefully adhered
to what one might call the rules of serialization: "elle calibre tres exactement ses pages
de 20 a 23 lignes, suivant les ratures" (77), in preparation for publication of her text in
Le Constitutionnel. Particular attention seems to have been paid to the ends of chapters,
so as to sustain the suspense inherent in the feuilleton's "to be continued" format. In
examing the manuscript of Le Meunier d'Angibault, Fran9oise van Rossum-Guyon
deconstructs the myth perpetuated by Zola, among others, that Sand wrote in a perfectly
regular hand as if someone was dictating what she wrote. The manuscript, located in
Holland (in the Queen's collection), shows on the contrary a writing process in several
stages, with numerous corrections, and variations in the handwriting--large and round in
moments of fatigue, as Sand herself explains in a letter to Hetzel (14 November 1846),
tighter and finer when she is feeling refreshed and inspired.
Thus is verified Jean Courrier's thesis that Sand was "une grande professionnelle
du style" (136). His article entitled "George Sand raturiere," focuses on le Marquis de
Villemer. While preparing the critical edition, published by Les Editions de I'Aurore in
1988, Courrier catalogued no less than 3249 variants. Some of Sand's corrections point
to a concern for euphony which leads Courrier to suppose that this great prose writer
"pratiquait la methode flaubertienne du 'gueuloir' pour ameliorer un premier jet parfois
sifflant" (126).
The crucial and final article by Didier provides what one could call a
reexamination and reevaluation of Sand's writing habits. Traditionally, critics have
claimed that Sand did not work very hard at her craft, that she produced her novels by
letting herself be carried off by the inspiration of the moment, as if in a kind of trance.
She did not really write her books, the critics seemed to insinuate; the texts wrote
themselves through her. Beatrice Didier measures the extent to which this point of view
is erroneous. Here is her final assessment:
Nous avons tous ete amenes a constater que ces manuscrits portaient la
trace d'un travail beaucoup plus important qu'on ne le dit en general.
Certes, le mode de travail de George Sand n'est pas celui de Flaubert
[... ] Mais ce n'est pas pour autant que George Sand ecrit a la <liable;
ensuite, apres avoir laisse galope sa plume, elle remanie, elle cree des
cesures, elle organise. (138)
Didier confirms that, like any serious writer, Sand rewrote and reworked her
texts. This book not only does much to rehabilitate Sand as a novelist, but it also
valorizes the very process by which she produced fictional texts. We can go beyond the
notion of Sand the Delphic Sibyl through whom the word was written, dismiss Theophile
Gautier's nasty comment, recorded by the Goncourt brothers in their Journal entry for
14 September 1863: "la copie est une fonction chez Madame Sand." In a word, we can
be assured that Sand's writing regimen, while perhaps unique for its prolific vigor, was
by no means freakish or the mark of a second-rate talent. And perhaps, spurred by the
Reviews
83
Some of these texts have been edited in fragment form, a few others have
recently been published elsewhere, as in the Bulletin de la societe de la revolution de
1848, while Georges Lubin was able to present samplings in four issues of Presence de
George Sand. The majority, nonetheless, are previously unedited letters. They include
the usual ration of short notes, some only one sentence long, and many mundane business
letters confirming, for example, the arrival of bank notes sent from Paris to Nohant.
Most notably, numerous letters add valuable information to our knowledge of Sand as a
letter writer and author. Sandists working on the correspondence with Michel de
Bourges, for example, will be pleased to see that, while the original letters have yet to
be unearthed, older, more reliable copies confirm the global accuracy of those contained
in volumes three and four (25: 285, 295-6, 298, 299, 302-5, 307-8). The hyperboles,
emphatic style, and painful self-effacements that readers have found suspiciously
uncharacteristic of Sand would be, in fact, as authentic as her famous dialogue and farce
letters, two of which appear in this volume (778-9, 851). Those interested in the history
of her novels' publication will appreciate a letter from 1831 concerning Rose et Blanche
(227-9), another treating the arrangements to be made for reimbursing the price of
Engelwald (388-392), and the full text of a missive in which Sand defends le Meunier
d'Angibault to her recalcitrant editor, Doctor Louis Veron (443-7). After the riots in
June 1848, her bitter disappointment is expressed in several texts addressed to Marc
Dufraisse (e.g., 576-581), and, two years later, in a poignant appeal for unity made to
Louis Blanc (742-8). Letters sent to Augustine Bertholdi and Eugene Lambert also enrich
the idea one can have of Sand's relationships with these young adults. The most
remarkable contributions, however, include letters from the period 1817-32. As
conventional and self-conscious as they may be, they render more palpable Aurore's
passage from the obscure life of an adolescent to the author that took Paris by surprise
fifteen years later.
While many readers of Histoire de ma vie have found George Sand's
descriptions of her youth unlikely and ideologically informed, several texts confirm the
accuracy of her autobiography, or, in any event, attest to the early elaboration of
memories in the form that they would ultimately retain in her life story. In a letter from
1820 (26-8), the depression and freedom that were hers after her grand-mother's illness
are commented upon freely, while as early as 1826, a yet unpoliticized Aurore recounts
her happy memories of playing with the village children (127). Time and time again, she
nostalgically evokes the period spent in the convent boarding school (e.g., 171, 192) and
muses in disillusioned fashion over the lot of women in marriage (160). Indeed, Aurore's
early unenthusiastic resolve to marry, her lucidity as to the alternatives available to her
(25), and her desire at one point to become a nun, should her grandmother die before she
wed, all come to the fore in newly revealed letters (29). In addition, they confirm, if
need be, the letter-writer's deep-rooted identification with the figure of the hermit,
attachment destined to become a signature of sorts, as Isabelle Naginski and Nicole
Mozet have so aptly demonstrated. Numerous "post-Pyrenees" letters in particular
reinforce the importance of conjugal difficulties and epistolary friendships in Aurore's
passage from private to public author.
This final volume fittingly provides several elements in an apprenticeship made
through, by, and around epistolarity. In 1821, Aurore acts as a secretary for her failing
78
George Sand Studies
but the tone of reminiscence presents an intriguing aspect, which Lara will use later in
the recording. Musically this piece differs drastically from the first in its rock tonalities,
though a symphonic orchestra (London Symphony Orchestra) provides somewhat of a
link. The modern French rock sound permeates this and most other pieces of the
recording, with Lara's voice recalling the timbre and style of Barbara and Jeanne Mas,
yet always keeping the individuality of Lara herself. We notice here as in almost all the
selections a spate of literary references, allusions to writing and to literary forms: story,
travel, paper, words, fable, etc. These evocations demonstrate the importance of Sand's
writing career and reassure us that Lara's concept is not solely based on her love life.
Still, the transposition of Sand's romantic-aesthetic ideals into Lara's musical
manifestation result in rather idealistic language: "Et la musique comme la poesie va
reinventer la vie."
Sand's relationship with Marie Dorval is the subject of one selection, "Entre elle
et moi." The duet (Veronique Sanson sings Dorval), a ballad with a mysterious tone,
hints at a private relationship, the details of which are known only by the two characters
of the song, with a sidelong comparison to Indiana and Lelia. The only indication as to
the possible physical side of the relationship is to be found in the following line: " ... une
histoire qui donne envie d'aller jusqu'au bout."
Musset's character, sung in a high, nasal voice by Claude Lauzzana, parallels
the androgynous qualities indicated by the lyrics. Some of the music depicting the Venice
episode presents a nervous and frenetic pseudo-Baroque sound; the reprise is a more
relaxed rock version of the melody. An unidentified character, called simply "le modele"
(sung by Joniece Jamison), plays the third role in this piece. He and Musset dialogue
about the ills of women. This character recurs in a later piece with Sand, "Nympho­
man," sung partly in English, where the model--here a woman--seems to be posing for
Delacroix at the same time that Sand poses for her own famous portrait. This piece, as
its title evinces, leads us into an area of older (and poorer) Sand scholarship which most
Sandistes would prefer to ignore; Lara's approach seems to be a knee-jerk form of
feminism which maintains that the liberated woman should love and leave men just as
men have traditionally treated women: "aimer Jes hommes comme ils aiment Jes
femmes." The song is sung in a black woman's vocal style, though not quite Tina
Turner quality. Another piece portrays Delacroix with Sand, although his involvement
in the recording seems rather tangential and incoherent, a token Romantic artist to fit in
with the litterateurs.
Chopin, sung by Richard Cocciante, constitutes the remaining important role in
this musical narrative. Several pieces depict his relationship with Sand, including a
mournful, Ravel-like piece pitying Sand and Chopin for the way the Majorcans treated
them, and an invocation of the Muse of Music (sung by Maurane) hoping that composing
music, "la langue des anges," might cure Chopin of his tuberculosis. Some of Chopin's
piano music is mixed with orchestral musings. Chopin's voice has the same raspy quality
as Sand's, although not quite Gainsbourg; his gratitude to Sand, in "La femme en noir,"
for all she has done for him sounds vaguely like a Broadway musical, yet without sparkle
and poignancy.
Sand has several pieces to herself, one in particular which addresses the issue
of autobiography and what it means to write about oneself. "L'[sic] Histoire de ma vie"
34
George Sand Studies
conduit aux lieux initiatiques et par le repos conventuel, qu'il s'agisse de la maison
cachee de Bourges, de la prison de Spandaw ou du couvent de Notre-Dame du Refuge.
On pourrait facilement relier ce refus de choisir, ou plutot de choisir toutes Jes
possibilites, par son statut particulier de femme dans la societe de son temps, et Jes
circonstances particulieres de sa vie. Que cela soit pour une part dans les choix de son
imagination n'est pas niable. Mais d'autres exemples, chez d'autres femmes, m'inclinent
a penser que le probleme est plus general et, comme le dit tres bien Beatrice Didier, que
"le meme grand tissu mythique enveloppe l'humanite toute entiere; mais [que] hommes
et femmes ne s'y taillent pas Jes memes vetements". 15 Une fois encore, et a la suite de
Beatrice Didier, repetons qu'il n'est pas question de segregation. 16 Mais dans le cas qui
nous occupe, ii est bien evident, comme je I'ai deja montre en ce qui conceme Jes figures
de femmes, et notamment Consuelo, que l'imaginaire de George Sand est un imaginaire
qui puise sa force et sa forme dans une structure "oxymoronique", qui joue de la
rencontre et de la coincidence des contraires, pour en tirer une vision du monde ou Jes
classements, Jes oppositions rationnelles, Jes divisions logiques sont en quelque sorte
naturellement "resolues", comme on dit en musique, dans une harmonie poetique.
Peut-etre jugera-t-on que c'est beaucoup tirer de cette etude sur un theme
finalement tres commun dans toute la litterature, et pas seulement la litterature
romantique. Mais precisement, des que nous avons tente de travailler sur ce theme, chez
George Sand, Jes termes de la halte et du chemin nous sont apparus indissociables, et
finalement faire sens, a condition de ne pas !es separer, de voir leurs polarites opposees
reunies dans une sorte de metaphore commune qui non seulement refuse de Jes disjoindre,
mais Jes transcende. Plus encore, cela jouait aussi bien dans une oeuvre legere comme
Teverino, que dans le "grand oeuvre" Consuelo, ou dans la quasi-autobiographie des
Lettres d'un voyageur. Cette constance a travers Jes genres comme a travers le temps,
c'est aussi le voyage d'une ame feminine qui savait donner sa part au repos, qui savait
faire d'un seul mouvement se rejoindre et se fortifier la halte et le chemin.
Ainsi l'errance n'est pas le simple vagabondage de la fantaisie, elle s'ancre dans
le lieu d'origine devenu figure du futur, et dans !'art comme supreme expression par
laquelle l 'homme mortel temoigne de son destin superieur. Isabelle Naginski a bien
montre 17 que l'oiseau est l'une des formes symboliques qui ont hante George Sand, la
fille de l'oiseleur. Cette figure implique imaginairement le vol et le nid, la liberte de
l'elan et la stabilite de la creation. Le vrai voyage, et la encore ii y a "coi:ncidence des
contraires", c'est, a mon sens, celui que fait George Sand, immobile a sa table, sur Jes
pages ou court sa plume, oiseau transmute, et sans cesse renaissant.
Centre de recherche sur I'imaginaire
Universite Stendhal (Grenoble)
80
George Sand Studies
prediction regarding her literary future; as she wrote to Flaubert in 1872, ironically the
year of the publication of the magnificent Nanon: "Je crois que dans cinquante ans je
serai parfaitement oubliee et peut-etre durement meconnue." And, as in so many of her
pronouncements, Sand was unfailingly correct, for it is hard to find any other French
author of her status who was more effectively forgotten or maliciously misunderstood
than was she for more than one hundred years after her death.
The volume opens with a reassessment by Georges Lubin of the crucial matter
of authorship in the early Rose et Blanche (1831) and closes with Nicole Mozet's study
of the connection between coquettishness and power in Sand's novels of the Second
Empire, written during the last decade of her life. As is true of almost any collection of
essays, this one is somewhat uneven in quality and in depth of scholarship. For example,
Per Nykrog's contribution on "La Tentation de Pere Alexis: Spiridion ou l'Agonie du
Christianisme," which traces the spiritual evolution of Alexis, is a plot summary rather
than an analysis of its meaning. On the whole, however, the collection illuminates both
well-traveled ground in Sand's work and the history of ideas in her century.
Several of the essays concentrate on large Sandian themes. For example,
"Histoire et memoire dans Le Marquis de Villemer" by Lucienne Frappier-Mazur
elucidates the relationship between history in the text-within-the-text, written by the hero,
and his own future. Michele Hecquet makes a very interesting analysis of the symbolic
and actual meaning of illegitimate birth in Horace and Consuelo. The theme of music
in Sand's novels is addressed by Beatrice Didier in her observations on the writer's
encoding of the opera Don Giovanni in Le Chateau des Desertes, and by David Powell,
who studies the relationship between musical improvisation and the notion of freedom in
Consuelo, ending with an intriguing, if not wholly convincing, hypothesis on Consuelo's
voicelessness. Naomi Schor contributes to the ongoing controversy concerning Sand's
feminism in her "Le feminisme et George Sand: Lettres a Marcie," in which she sees
Sand's theoretical writings as indicative of her position as une utopiste feministe. Schor
connects Sand's belief in the "division of spheres" for men and women to contemporary
French feminists, showing that such a theory allows them to "imaginer un lieu protege
ou I 'Ideal prevaut," as did Sand. For this reader, the highlights of this collection are
four essays that use Sand as a point de depart to open new avenues to the culture of her
time and the rich network of ideas that informed her work. Simone Vierne's very
intelligent response to the "critical consensus" that Sand overused "good feelings" in her
novels is contained in an essay entitled "George Sand et le roman sentimental." A
comparison with the work of Octave Feuillet allows Vierne to discern Sand's ability to
rise above the stereotypes and cliches of the sentimental novel to explore the nuances of
character, landscape, and social milieu, with the result that her novels refuse a lecture
facile. Two of the contributions focus on the second version of Lelia and through subtle
and rich analysis make a well-versed case for the centrality of that work. Marie-Jacques
Hoog's "Lelia au rocher" is written in a marvelously poetic style to pose the risky, highly
original hypothesis that Sand used la Pierre de Bologne, l'Aenigma Bononiense, the
famous enigma studied by C.G. Jung, as a model in creating the marble-encrusted,
ambiguous personage of the second Lelia. "Les deux Lelia: une reecriture exemplaire,"
by Isabelle Naginski, depends partially on art history in the matter of "sexual space" to
demonstrate that the second version is in Bakhtinian dialogue with the first, a kind of
Refiews
85
Paris entre 1833 et 1870, auxquels s'ajoutent quelques prefaces. Journaliste, George
Sand l'a ete au sens fort du terme: au meme titre que Balzac, Gautier, ou Dumas, elle
appartient acet "ordre Gendelettre" que Balzac critique dans sa Monographie de la presse
parisienne--bien qu'il en fasse lui aussi partie--mais dont la toute-puissante influence sur
!'opinion publique atravers la presse quotidienne et les revues, et ceci surtout sous la
Monarchie de Juillet, ne peut etre contestee. Republier l'ouvrage, c'est done avant tout
refuter de maniere concrete la notion malheureuse-ment encore assez repandue selon
laquelle George Sand n'aurait pas vraiment eu d'esthetique bien aelle. Questions d'art
et de litterature temoigne ala fois de la constance de la reflexion critique chez Sand, de
l'ampleur du travail critique qu'elle a realise et surtout, de son autorite en tant que
critique.
Ce qu'Isabelle Naginski appelle ''l'art poetique" de Sand, on le retrouve en effet
dans cette serie d'articles qui fournit un apen;:u historique interessant et assez representatif
des prises de position de Sand en matiere d'esthetique. Mais on ne le trouve pas tout
entier, loin s'en faut, puisqu'il ne s'agit laque d'un echantillon de la production critique
de Sand. Comme le disent Henriette Bessis et Janis Glasgow dans leur presentation de
l'ouvrage, Questions d'art et de litterature reste un ouvrage "en miettes," le choix des
textes restant un choix arbitraire, tout autant dans la premiere edition que dans celle-ci,
puisqu'il s'agit pratiquement des memes articles.
La nouvelle edition ne se distingue en effet de la premiere que par la suppression
de "trois des articles sur Maurice Sand et quatre sur les poetes populaires" --cinq en
realite--suppression que Bessis et Glasgow justifient par leur desir de "ne pas alourdir
l'ouvrage" (10). Vu l'interet pro-fond que porta Sand a la "litterature des proletaires"
pendant la majeure partie de sa vie, certains regretteront peut-etre ces suppressions. Leur
absence ne contribue cependant pas reellement a presenter une image plus "elitiste" de
Sand en tant que critique: tout d'abord parce qu'un texte representatif de sa pensee en ce
domaine, "Les poetes populaires," a ete conserve; ensuite, parce que cette notion ne se
soutiendrait pas ala lecture des articles de Sand. Certains sont en effet empreints d'une
veritable irreverence tant al'egard des "grands" auteurs ses collegues (Lamartine, Hugo),
que des institutions. "Reception de Sainte-Beuve al'Academie Fran<;:aise" (mars 48) et
"Pourquoi les Femmes al'Academie?" (mai-juin 63) sont tres revelateurs acet egard.
A sa maniere, chaque article montre l'aise avec laquelle Sand contribue atoutes
les discussions critiques, quel qu'en soit le sujet et l'interlocuteur (Sainte-Beuve,
Flaubert). Questions d'art et de litterature temoigne du large eventail d'interets critiques
de Sand--peinture, theatre, roman, etc.--, mais aussi de la constance de ses propres
principes esthetiques: sa croyance optimiste en l'art comme outil du progres et instrument
de reconciliation sociale, pour les femmes et pour le peuple; son rejet des etiquettes et
des ecoles au profit du "vrai" quelle qu'en soit la forme. L'analyse magistrale qu'elle
fait du "mal du siece" dans son compte-rendu d'Obermann, ses trois plaidoyers pour
Flaubert, qu'elle admire mais voudrait guerir de son pessimisme, sont, avec les deux
textes sur l'Academie fran<;:aise, les plus interessants. Mais meme lorsqu'il s'agit de
textes de commande --un compte-rendu d'une histoire de Jules Cesar par Napoleon III,
par exemple--ou de faveurs pour des amis qu'elle veut lancer, Sand s'engage de maniere
personnelle, avec une grande honnetete, beaucoup de tolerance et de serieux.
82
George Sand Studies
Bien evidemment, un tel discours est par definition politique dans le sens le plus
large du terme. Cette dimension est plus particulierement developee au chapitre quatre
dans des essais abordant tout d'abord la question difficile de 1' ambiguite et des
contradictions de l' engagement politique de Sand dans une comparaison Sand/Stael
(Renee Winegarten), puis celle de la portee politique des romans champetres comme
representifs d'un choix politique conscient de la part de l'ecrivaine (Marylou Gramm),
jusqu'a une analyse du role de la femme dans le contexte ideologique de I'epoque
(Bernadette Segoin). L'ouvrage se termine sur !'evocation des liens entre Sand et
Rousseau (Jeanne Fuchs), d' Agoult et Allart (Mary Anne Garnett), Duras (Maryline
Lukacher) et une analyse interessant de !'influence de Sand sur les ecrivaines allemandes
elaboree a partir de !'opposition Iiberalisme reformateur-radicalisme revolutionnaire
(Lorely French).
George Sand Today temoigne done une fois encore de la vitalite de la recherche
sandienne et surtout me semble-t-il ici de ses multiples racines et prolongements
theoriques. Tel par exemple !'article d'Andreas Wetzel ou, dnas une analyse profonde
temoignant de la complexite des questions que soulevent les textes sandiens, Un Voyage
a Majorgue est brillamment interprete comme une ecriture du pittoresque
irremediablement dissociee de son objet et vouee a l'echec en meme temps que seule
productrice de ce meme objet et done de sa non-existence...comme de son existence.
Une lecture stimulante et un ouvrage vivement recommande.
BENEDICTE MONICAT
The Pennsylvania State University
SAND, GEORGE.Correspondance XXV Supplements (1817-76). Ed. Georges Lubin.
Paris: Gamier, 1991. 1195pp.
Supplements to general correspondences rarely provide reading material as
compelling as letters covering a short period of time or limited to exchanges between two
correspondents. Gone is the dense chronological continuum, absent also, the sense of a
network of texts, the gradual fading in and out of correspondents, and at least the
semblance of an epistolary plot. Each text retains its autonomy, and the ensuing
impression of accrued frag-mentation risks discouraging all but the most unconditional
of readers. Volume XXV of George Sand's Correspondance constitutes a felicitous
exception to the rule and forms a fitting closure to a forty-year project unwittingly
undertaken when Georges Lubin started gathering George Sand's letters with the intention
of preparing a biography. What was first a means soon became a goal, and since 1964,
in spite of the precarious commercial viability of such a monumental and erudite
enterprise, hardly a year has passed without a volume being added to the published
series. Now, however, the seasonal ritual of suspense, gratification, anxiety and relief
is over. Spanning the greater part of George Sand's epistolary career, this volume
contains letters found too late to appear previously in their proper place.
Consuelo ou la defaite politique de la femme
Maryline Lukacher
Dans une lettre du 15 janvier 1867 adressee a Gustave Flaubert, George Sand
ecrivait: "Consuelo, La Comtesse de Rudolstadt, qu'est-ce que c'est que r;a? est-ce que
c'est de moi? Je ne m'en rappelle pas un trait re mot!" 1 Ce que la declaration de Sand
marque, c'est l'oubli des annees 1842-44, periode durant laquelle Consuelo et La
comtesse de Rudolstadt parurent dans La Revue Independante. C'est en effet en 1841 que
Sand abandonne La Revue des deux Mandes et decide de lancer avec Louis Viardot et
Pierre Leroux La Revue Independante. Or, Viardot, journaliste mais aussi disciple de
Leroux epouse Pauline Garcia, cantatrice et arnie de George Sand. Comme le montre
Leon Cellier dans son introduction a Consuelo, "cette union avait ete favorisee par G.
Sand, et en verite on ne pouvait rever mariage plus typiquement reussi, puisque, en la
personne de Pauline, et de Louis, etait reussie !'union de !'Art et de l'Humanite. Cette
union definit a merveille la maturite de G. Sand et c'est elle qu'elle a voulu illustrer dans
la somme romanesque qui porte pour titre le prenom feminin espagnol: Consuelo
(Consolation). " 2 Sand ne repond pas seulement au probleme social de !'artiste dans
Consuelo, mais elle evoque aussi le nouveau role que la femme doit avoir dans le
mariage.
La revolution de 1848 et la reponse de Sand au comite central de la gauche,
l'annee suivante, exprimant son refus de se presenter aux elections rendent compte d'un
changement d'opinion politique. Convaincue que le mariage et la maternite constituent
la premiere vocation de la femme, Sand affirme qu'il faut avant tout realiser l'egalite
totale des epoux devant la Joi avant d'envisager qu'aucune femme ne puisse loyalement
remplir son rnandat politique:
La femme etant sous la tutelle et dans la dependance de l'homme par
le mariage, il est absolument impossible qu'elle presente des garanties
d'independance politique, a moins de briser individuellement et au
mepris des lois et des moeurs, cette tutelle que les moeurs et les lois
consacrent. II me parait done insense, j'en demande pardon aux
personnes de mon sexe qui ont cru proceder ainsi, de commencer par
ou l'on doit finir, pour finir apparemment par ou l'on eiit du
commencer. 3
La femme etant sous la tutelle et la dependance de l'homme par le mariage, la loi doit
commencer par emanciper la femme avant que de lui donner des garanties
d'independance politique. La decision sandienne de renoncer a tout role public et de se
consacrer a l'ecriture coi:ncide avec le denouement de La Comtesse de Rudolstadt comme
nous allons le voir.
Quand Sand declare en 1867, "Consuelo, La comtesse_ de Rudolstadt, je ne m'en
rappelle pas un traitre mot," on peut se demander quelle repression magistrale est ici en
36
84
George Sand Studies
grand-mother, writing daily letters on her behalf (22). Three years later the young wife
explains her habit of ordering the latest literary productions that she hears about in the
papers (69), and within two years, she demands that her friend Jane Bazouin send her
accounts of her trip to Switzerland, regardless of the countless available "voyages en
Suisse" (116, 123, 142). In addition, Jane acts as a catalyst for Aurore's literary
experimentations, from her new and improved "confession letter", where Aurore's
jealousy over Jane's attachment to her own sister Aimee replaces the forbidden Jove for
Aurelien (103-110), to the admission in 1829 that, without Jane, she would never have
the courage to continue writing what was to become La Marraine (196). Given the
component of literary emulation in their friendship, it is all the more noteworthy that in
letters as late as March 1832, the soon to be G. Sand never mentions the career that she
has been actively pursuing for over a year (230). Through these letters, and in a larger
sense, thanks to the entire publication, readers witness a Proustian story in which Aurore
Dupin slowly becomes the author of George Sand's Correspondance.
In the introduction to this volume, Georges Lubin warns us that in spite of his
indefatigable efforts, many letters remain to be discovered or bargained out of the hands
of those who hold them. Certainly, more can always be done; nonetheless, Georges
Lubin has surely done more than could be expected of one person. His own
perseverance, erudition and enthusiasm are largely responsible for the availability of
material by George Sand and, consequently, for the current renaissance in Sandian
studies. The very existence of this last volume of George Sand's Correspondance is a
tribute to Georges Lubin's work, and for this we are all humbly grateful.
ANNE E. MCCALL
Tulane University
GEORGE SAND. Questions d'art et de litterature, presente par Henriette Bessis et Janis
Glasgow. Paris: Des Femmes/Antoinette Fouque, 1991. 381pp.
Apres les excellentes reeditions des romans de Sand aux Editions de l'Aurore,
c'est la maison Des Femmes sous la direction d'Antoinette Fouque qui nous offre ces
Questions d'art et de litterature. Cette reedition s'imposait: il reste bien quelques
exemplaires de l'edition originale de Calmann-Levy (1878) eparpilles <;:a et la dans des
bibliotheques universitaires, mais, a en juger par le mauvais etat de ceux que j'ai
consultes, l'ouvrage n'allait pas tarder a devenir introuvable. Quand on sait combien la
simple difficulte a se procurer les textes de Sand a pu contribuer a la survie des mythes
qui l'entourent, toute reedition serieuse de ses ouvrages ne peut etre que bienvenue.
Questions d'art et de litterature--le titre n'est pas de George Sand, mais de son
fils Maurice--aurait pu fort bien s'intituler George Sand journaliste. 11 s'agit en effet
d'une collection d'articles critiques publies par elle dans dix-huitjoumaux et revues de
BIBLIOGRAPHY FOR 1992
Les Amis de George Sand 13 (1992). Contents: George Sand, "Arlequin medecin" (3-5);
George Sand, "Quand 'Madame' faisait la salle" (9); Mariette Delamaire, "Le
grand theatre" (10-25); Marie-Paule Rambeau, "Un Plutus moraliste" (26-30);
Nathalie Abdelaziz, "Masques, mascarades" (31-40); Marie-Jeanne Boussinesq,
"Cosima fan tutte" (41-44); Madeleine Brocard, "Elisa Fournier a Nohant" (4547).
Autour de George Sand. Melanges offerts a George Lubin. Brest: Centre d'Etude des
Correspondances des XIXe et XXe siecles, Faculte des Lettres et Sciences
Sociales Universite de Brest, 1992. Pp. 248. Contents: Franc;ois Lugenot et
Jacques-Philippe Saint-Gerand, "Alkan et George Sand. Analyse d'une relation
epistolaire" (17-53); Phillipe Regnier, "Les saint-simoniens et George Sand"
(55-73); Andre Guyaux, "Sainte-Beuve et George Sand. A l'ombre du rocher
absurde" (75-86); Christian Croisille, "George Sand juge de Lamartine (18481859)" (87-101); Alain Mercier, "George Sand et les poetes ouvriers, Franc;ois
Barrillot et Savinien Lapointe, d'apres la Correspondance editee par G. Lubin"
(103-111); Michel Malicet, "George Sand devant quelques ecrivains catholiques"
(113-119); Franc;ois Marotin, "Jules Valles, George Sand et les femmes de
lettres" (121-129).
Bernadac, Christian, ed. Dessins et aquarelles. Paris: Belfond, 1992.
Bernadac, Christian, ed. Dessins, aquarelles, dendrites de George Sand: /es montagnes
bleues.
Beyer, Sandra and Frederick Kluck. "George Sand and Gertrudis Gomez de Avellaneda."
NCFS 19 (1991-92): 203-209.
Cassagne, Isabelle. "George Sand, Auteur fantastique?" Tropos 18 (Spring 1992): 1526.
Chevereau, Anne, ed. Agendas. III: 1862-1866. Paris: Touzot, 1992.
Delaigue-Moins, Sylvie. L'eventail de George Sand: Nohant, des heures et des
entretiens. Limoges: Lucien Souny, 1992.
Lambotte, Janine. Appelez-moi George Sand. (Les feuilletons de Point de Mire lus
par Gerard Valet.) Bruxelles: Editions Labor/RTBF Editions, 1992.
Lubin, Georges. George Sand en Berry. (la memoire des lieux, 3.) Brussels:
Complexe (diffusion: Presses universitaires de France), 1992.
Lubin, Georges, ed. Promenades dans le Berry: moeurs, coutumes, legendes. (Le regard
litteraire, 55) Brussels: Presses universitaires de France, 1992.
Lubin, Georges, pref. Promenades autour d'un village; Le Berry. Illustrations de Jules
Veron, Eugene Grandsire, George Sand et al. Nouvelle edition (Monts et
merveilles). Paris: Christian Pirot, 1992.
Monin, Yves. George Sand, troubadour de l'eternelle verite. Paris: Edition La
Table d'emeraude, 1992.
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86
George Sand Studies
Contrairement a certains joumalistes de l'epoque, qui preferent parler de tout sauf de leur
sujet, Sand prend toujours clairement position.
L'edition de Bessis et Glasgow est plus complete et plus facile a consulter que
celle de Calmann-Levy, puisqu'elle possede, outre une preface a !'ensemble, de
nombreuses notes explicatives et une introduction individuelle aux articles, elements qui
faisaient defaut a la premiere edition. L'ouvrage est-il vraiment destine aux amateurs de
Sand autant qu'aux chercheurs, comme l'affirment Bessis et Glasgow? On peut en
douter. Couvrant une periode tres longue de la carriere joumalistique de Sand, il peut
difficilement en traiter de maniere parfaitemment coherente et ces commentaires
necessairement ponctuels de Sand posent done parfois de vraies enigmes. Quelle est, a
titre d'exemple, la position critique de Sand vis-a-vis de Hugo? Questions d'art et de
litterature nous offre trois reponses fort differentes a partir de textes publies entre 1848
et 1870. Que pensera l'amateur de ces 'contradictions' chez Sand? Qui <lira le "novice"
de ces apparents revirements qui restent sans explication ici? En fait, ce que Questions
d'art et de litterature illustre le mieux, c'est que le travail de reconstruction de la critique
sandienne reste encore a faire.
MARIE-PIERRE LE HIR
Case Western Reserve University
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George Sand Studies
serie de rites d'initiation pour etre admise dans leur societe secrete qui propage des idees
revolutionnaires a travers !'Europe. Albert est encore vivant, et Consuelo decide de
renoncer a Liverani par devoir conjugal. Or, Albert et Liverani ne font qu'un et le
mariage de Consuelo et d'Albert est confirme dans une ceremonie somptueuse qui clot
en meme temps !'admission de Consuelo dans l'ordre des Invisibles. Sand ne manque
pas de souligner l'egalite de rang qui existe entre Consuelo et Albert au sein des
Invisibles. Dans !'epilogue, Consuelo perd la voix et Albert, menace d'emprisonnement
doit renoncer a ses titres et a son identite. Devenue la traductrice des discours de son
mari visionnaire, Consuelo et Albert finissent leur vie errante sur les routes de Boheme.
Enfermee a la prison de Spandaw par ordre de Frederic II de Prusse, puis a la
residence des Invisibles, le Saint Graal, Consuelo est soumise a une serie de disciplines
rigoureuses. La soumission de Consuelo au Pouvoir (le roi, la societe secrete) rend
compte d'un processus qui serait, selon Sand, caracteristique de la creation artistique: "A
Spandaw, elle avait roidi sa volonte contre des perils extremes, contre des souffrances
reelles; et puis la resignation lui semblait naturelle a Spandaw. [... ] au lieu que dans sa
nouvelle prison tout semblait dispose pour une vie d'epanchement poetique. "4 En
somme, Sand s'arrete sur le passage d'une discipline repressive a une discipline positive.
Elle s'interroge, a partir du personnage de Consuelo, sur les societes disciplinaires du
dix-huitieme siecle, ce que Michel Foucault a appele !'inversion fonctionnelle des
disciplines: "On leur demandait a l'origine de neutraliser des dangers; on leur demande
desormais, car elles en deviennent capables, de jouer un role positif, faisant croftre
l'utilite possible des individus."5 Tout le chapitre quarante et un de La comtesse de
Rudolstadt rend compte de cette transformation en rempla�ant les lois tyranniques de la
vieille societe par l'egalite fondatrice de la nouvelle mais au prix d'une serie d'epreuves.
Contactee par les Invisibles, a la cour de Frederic II de Prusse au elle est
premiere chanteuse du theatre de sa majeste, Consuelo se trouve accusee de faire partie
d'un complot contre le roi dont elle est innocente. Soumise au regime des prisonniers
politiques a la forteresse de Spandaw, Consuelo est incarceree dans le chateau avec toutes
les formalites et rigueurs d'usage. L'enfermement arbitraire de Consuelo offre un
exemple du gouvernement disciplinaire de Frederic de Prusse et les moyens du ban
dressement des individus par le pouvoir absolu du roi. Ce que montre Sand dans la
privation de liberte, c'est la mise en place d'un dispositif repressif qui "fabrique" des
individus. C'est sur ce point que Foucault insiste en montrant comment "la discipline est
la technique specifique d'un pouvoir qui se donne les individus a la fois pour objet et
pour instruments de son exercice. "6 L'emprisonnement reduit Consuelo a une
soumission absolue: "Au bout de huit jours, elle s'etait deja si bien faite a sa prison qu'il
lui semblait qu'elle n'eut jamais vecu autrement" (La comtesse de Rudolstadt 3: 175).
Or que fait Sand de ce dispositif disciplinaire? Un jeu d'enonciation, de lignes de force
et de subjectivation, qui deviennent la condition de la creation litteraire.
C'est dans l'espace de l'enfermement que Consuelo/Sand s'interroge sur les
conditions de la creativite: "Journal de Consuelo, <lite Porporina. Des mots, des phrases,
cela me paraissait si froid au prix de ce que je pouvais exprimer avec le chant! C'est
done la premiere fois que je sens le besoin de retracer par des paroles ce que j'eprouve
et ce qui m'arrive. C'est meme un grand plaisir pour moi de !'essayer" (La comtesse de
Rudolstadt 3: 205). Le corps restreint, emprisonne, menace est la condition par
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George Sand Studies
Powell, David A., ed. George Sand Today. Proceedings of the Eighth International
George Sand Conference-Tours 1989. New York: University Press of America,
1992. Contents: David A. Powell, "Editor's Preface" (1-2); Yvette Bozon­
Scalzitti, "Nanon ou la Revolution comme fiction masculine" (3-18); Jane A.
Nicholson, "The Sense of Place in Mauprat: Locating the Feminine in Sand's
Female Pastoral" (19-28); Tamara Alvarez-Detrell, "A Room of her Own: The
Role of the lieux from Aurore to Indiana" (29-35); Annarosa Poli, '"Histoire du
reveur': Itineraire fantastique a la recherche d'une ecriture" (37-51); Jeanne
Goldin, "Du couvent a la chambre a soi" (55-65); Susan Leger, "Le Papier peint
jaune de George Sand" (67-79); Lucy M. Schwartz, "The Monastery: George
Sand's Special Place" (81-88); Anne Chevereau, "The Agendas de George
Sand" (89-94); Denise Brahimi, "Berry/Bourbonnais: Une geographie sandienne
aux multiples sens" (97-107); Marielle Caors, "Paysages de George Sand" (109119); Andreas Wetzel, "Entre la vie 'factice' et la vie 'primitive'. Le lieu
pittoresque de I'ecriture sandienne dans Un hiver a Majorque (121-129);
Aleksandra Gruzinska, "Meconnaissance des lieux et connaissance de soi: Une
relecture de La mare au diable" (131-143); Sylvie Charron Witkin, "Rivieres
et fontaines dans Jes romans champetres" (145-152); Renee Winegarten, "Two
Women in Politics: Germaine de Stael and George Sand"(155-166); Marylou
Gramm, "The Politics of George Sand's Pastoral Novels" (167-179); Bernadette
Segoin, "Le sentiment maternel: moteur d'une societe chez George Sand" (181199); Wendell McClendon, "Consuelo: Lost or Found?" (203-212); Gislinde
Seybert, "Le lieu du pere. 'Fragments de souvenirs personnels "' (213-222);
Natl'ja S. Trapeznikova, "Folie ou compassion? Contribution a l'etude du
personnage d'Albert dans le diptyque historique Consuelo et La Comtesse de
Rudolstadt" (223-29); Lorely French, "George Sand and the Women's
Movement in 19th Century Germany: Louise Aston as a "German George Sand"
(233-44); Jeanne Fuchs, "lntertextualities: Les reveries and Indiana" (245-254);
Mary Anne Garnett, "La reine noire et la reine blanche: George Sand et
Hortense Allart" (255-268); Maryline Lukacher, "La maladie du suicide;
India (na) song, Sand/Duras" (269-285).
Revue des Sciences Humaines 226 (1992): "George Sand." Ed. Isabelle Naginski.
Contents: Isabelle Naginski, "George Sand" (7-11); George Lubin, "Rose et
Blanche, roman renie" (13-20); Naomi Schor, "Le feminisme et George Sand:
Lettres a Marcie" (21-35); Beatrice Didier, "George Sand et Don Giovanni" (3753); Marie-Jacques Hoog, "Lelia au rocher" (55-64); Isabelle Naginski, "Les
deux Lelia: une reecriture exemplaire" (65-84); Per Nykrog, "La Tentation du
Pere Alexis. Spiridion ou I'Agonie du Christianisme" (85-97); Michele Hecquet,
"Enfants de Boheme" naissance et legitimation chez Sand" (99-116); David A.
Powell, "lmprovisation(s) dans Consuelo (117-134); Brigitte Lane, "George
Sand, 'ethnographe' et utopiste: rhetorique de l'imaginaire" (135-160); Lucienne
Frappier-Mazur, "Histoire et memoire dans Le Marquis de Villemer" (161-174);
Simone Vierne, "George Sand et le roman sentimental" (175-192); Nicole
Mozet, "Coquetterie et pouvoir dans Jes romans sandiens du Second Empire"
(193-209).
Bibliography
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Reid, Martine. "Mauprat: mariage et matemite chez Sand." Romantisme 76 (1992): 4359.
Saint-Germain, Pierre. "Les voix du peuple." Litterature 86 (May 1992): 36-50.
Sand, George. Gargilesse. Preface de Christiane Sand. Paris: Christian Pirot, 1991.
Sand, George. Indiana. Paris: Editions de la Boheme, 1992.
Sand, George. La Daniella. Ed. Annarosa Poli. 2 vols. Meylan: Editions de I' Aurore,
1992.
Sand, George. Le dernier amour. Ed. Mireille Bossis. Paris: des Femmes, 1991.
Sand, George. Questions d'art et de litterature. Texte integral. Ed. D.J. Colwell.
Egham, Surrey: Runnymede Books, 1992.
Sand, George. Malgretout. Preface de Jean Chalon, Notes de Claude Tricotel. Meylan:
Editions de I' Aurore, 1992.
Sand, George. Vies d 'artistes. Presentation de Marie-Madeleine Fragonard. Paris: Presses
de la Cite (Omnibus), 1992. This volume contains La Marquise, Les Maftres
sonneurs, La derniere Aldini, Pauline, Horace, Teverino, Lucrezia Floriani,
Le chateau des desertes, and Les maftres mosai'stes.
Tillier, Bertrand. Maurice Sand marionnettiste ou les 'menus plaisirs' d'une mere
celebre. Tusson (Charentes): Duherot, 1992.

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