george sand studies - The George Sand Association
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GEORGE SAND STUDIES Volume XII, Nos. 1 & 2 Spring, 1993 CONTENTS Guest Editor's Column ARTICLES Jeanne Goldin. Voyage et descriptif sandien: Une serie infinie de miroirs Benedicte Monicat. Les lettres d'un voyageur: recit de voyage au feminin? Anna Szabo. Departs et retours--une dialectique Simone Vieme. George Sand: La halte et le chemin Maryline Lukacher. Consuelo ou la defaite politique de la femme Ione Crummy. The Unorthodox Beliefs of Pious Peasants in Sand's Jeanne and Flaubert's Un Coeur simple Henriette Bessis. George Sand critique d'art 2 11 18 26 36 46 65 REVIEWS Chalon, Jean. Chere George Sand. (Franklin I. Triplett) Datloff, Natalie, Jeanne Fuchs, and David A. Powell, eds. The World of George Sand. (Germaine Bree) Didier, Beatrice and Jacques Neefs, eds. Ecritures du romantisme II. George Sand. (Isabelle Naginski) Lara, Catherine. Sand et Les romantiques: un musical rock symphonique. (David A. Powell) Naginski, Isabelle, ed. George Sand. Revue des Sciences Humaines 226. (Nancy Rogers) Powell, David A. George Sand Today. (Benedicte Monicat) Sand, George. Correspondance XXV. Ed. Georges Lubin. (Ann McCall) Sand, George. Questions d'art et de litterature. Ed. Henriette Bessis and Janis Glasgow. (Marie-Pierre Le Hir) 73 BIBLIOGRAPHY 87 74 75 77 79 81 82 84 Guest Editor's Column Frarn;oise Massardier-Kenney This twelfth volume of George Sand Studies bears witness to the importance of Sand research today. As the bibliography for 1992 indicates, this year has been particularly rich both in terms of criticism on Sand and of reeditions. The Editions de l 'Aurore keep reissuing remarkable scholarly reeditions of Sand's novels (in this regard, we should mention that although the Editions de 1'Aurore is now defunct, its reeditions of Sand's work will be continued by the Editions Glenat of Grenoble), and Des Femmes is also keeping its commitment to Sand's works. It is also s"ignificant that the Presses de la Cite are issuing volumes containing several difficult to obtain novels and stories by Sand. 1992 has also seen the publication of a special issue of the Revue des Sciences Humaines on Sand, a feat inconceivable ten years ago. A sure sign also of the "canonization" of Sand is the joint conference of the Xie Collogue International George Sand and that of the Vie Collogue International Balzac in Montreal (May 1994). Similarly, the last XIXth Century French Studies Conference included three panels devoted to Sand. Clearly, Sand criticism has moved from the margins of French Studies to its center. Most of the articles presented here reflect the focus of the Ninth International George Sand Conference (Bethlehem, Pa., 1991) which focused on travel in the works of George Sand. Jeanne Goldin analyzes the complexity of the description of nature in two travel pieces and shows the presence of political commentary in seemingly innocuous descriptions. Benedicte Monicat traces the elusiveness of Sand as female subject in the genre of travel writing while Anna Szabo offers a structural analysis of departures and returns in several of Sand's novels. Simone Vierne presents a complementary analysis in addressing the function of moments and spaces of rest in Consuelo in particular. Maryline Lukacher assesses the limits of Sand's espousal of female emancipation in Consuelo again. lone Crummy shows the intellectual and formal influence of Jeanne on Flaubert's Un coeur simple. Last Henriette Bessis presents an overview of Sand's writings on art. We hope that the variety of works studied in the articles presented in this issue will be even greater in the future and lead to the rediscovery and analysis of Sand's astonishing production. At a moment when literary studies are focusing on the cultural dimensions of literature, what better example could there be than Sand, who precisely worked at the intersection of several cultural fields and who was passionately involved with her times? Goldin 3 le voyage vers le recit intime, voire dit-elle "la confession"; elle redit le caractere autoreferentiel de l'Ecriture aux depens de l'exactitude des faits, de la fidelite al'objet decrit, modele exteme qui fait pourtant partie partiellement des lois du recit de voyage. Nous savons de fait que dans la premiere Lettre d'un voyageur, le contexte personnel joue plus qu'ailleurs, un role essentiel. Comme toutes les lettres du recueil, "ecrites [... ] a la suite d'emotions graves", 6 celle-ci renvoie directement a la liaison orageuse avec Musset. Explicitement dans sa correspondance posterieure avec celui-ci, George Sand mettra l'accent sur le contenu psychologique et moral aux depens du recit de voyage proprement dit: "Je n'y ai vu qu'un cadre et un pretexte pour parler tout haut de ma tendresse pour toi".7 Ceci en toute ambiguite, dans la mesure ou est deja envisage un destinataire elargi: "pour fermer la gueule-- poursuit-elle--a ceux qui ne manqueront pas de dire que tu m'as ruinee et abandonnee". En fait, George Sand y "liquide" au moins provisoirement son accablante liaison avec Musset. Mais la preface de 1843 fait plus que privilegier l'expression aux depens de la representation entre !'oeuvre et le monde. Dans la lancee des prefaces de Lelia, elle derive tres vite vers le commentaire philosophique, le schema des trois ages de la vie et l'exemplarite de toute experience personnelle. Denorn;:ant la crise morale qui traverse la France et exaltant l'action et !'engagement, elle devoile dans la metaphore generale du "chemin de la vie", l'intertextualite qui structure la premiere lettre et le procede qui nous interesse ici. La liturgie pascale de la Passion ala Resurrection, en particulier l'episode evangelique du jardin des Oliviers, si cher aux Romantiques8 pose le schema intentionnel de la lettre: Au depart, le desespoir et le doute: "Yous avez bu le meme calice, vous avez souffert les memes tourments. Comme moi, vous avez doute, comme moi vous avez nie et blaspheme, comme moi vous avez erre dans les tenebres, maudissant la Divinite et l'humanite, faute de comprendre!" A I'arrivee, la soumission a Dieu, le pardon aux hommes et l'avenir glorieux: de "la liberte" a "l'esperance", de l'esperance a "la connaissance", de la connaissance a"la foi". La structure de la premiere Lettre d 'un voyageur est done basee sur un double symbolisme: celui de chemin de la vie, celui de la Passion christique; les nombreuses descriptions mnemoniques en dependent.9 L'on sait que les continuels decrochages temporels, entre le present de !'excursion proprement dite et le passe, sont ventiles a diverses profondeurs non seulement des relations du couple: de leur depart pour l'Italie et du passage aGenes (3), par le sejour a Venise (39, 45-7, 67), au depart recent de Musset pour Paris (69); mais renvoie egalement au passe plus ancien du narrateur, remontant dix ans en arriere apropos du reve du Tyrol (40-3) et plus loin encore dans l'enfance, apropos de !'episode des palombes (68). Ces analepses sont doublees d'un autre type de decrochages vers un espace et un temps imaginaires, l'un renvoyant au passe: le reve du Tyrol (43-4), l'autre ouvrant le present onirique vers l'avenir: le reve d' Amerique (75-6). Mais si ces decrochages par leur frequence dans la premiere partie du texte, leur diminution par la suite au profit du present et de l'avenir, signalent effectivement la trame initiatique du texte, !'on a moins vu le role generateur qu'y joue l'intention morale et le procede allegorique ou la position du narrateur par rapport a I'enonce joue un role cle. George Sand en mai 1834 est, selon son expression, "entre une existence qui n'est pas bien finie et une autre qui n'est pas encore commencee". 10 L'ambivalence du Goldin 7 ou telle lande. Et celui-la, celui a qui j'ai pense aujourd'hui et dont tout l'univers va parler demain, s'est agite toute sa vie pour realiser les reves superstitieux d'une ambition demesuree. 23 Et de fait !'article porte sur Napoleon III qui vient de mourir en Angleterre, le 9 janvier. George Sand rappelle leurs relations, de la correspondance avec le prisonnier de Ham jusqu'aux visites au Prince President apres l'echec de la revolution de 1848; elle commente le contexte, les resultats du plebiscite et la chute d'un second Empire qui voulait imiter le premier. Bref elle fait un portrait severe des "grands hommes", aussi bien des "hommes a destin: Napoleon le foudroye" que des "empereurs a mission: Napoleon le nefaste". 24 Mais notre sujet n'est pas cette reflexion politique mais !'articulation entre le corps de !'article et la promenade introductive. Sans doute, les bois sont-ils successivement le cadre de !'observation botanique et des souvenirs: ''J'ai reconstruit [ce portrait] en me promenant dans les bois et en me rappelant !'ensemble des details qui m'ont frappe"--dit George Sand. Sans doute, dans la citation deja faite, introduit-elle directement le sujet, en opposant le narrateur a son objet, la vie de solitaire qu'elle mene a Nohant avec la carriere publique d'un homme politique. Mais, on l'a vu, elle occulte volontairement le lien entre la description botanique faite "malgre elle" et le sujet politique. Et pourtant! Ce n'est qu'apres avoir acheve !'article que nous comprenons ce lien. George Sand a fait la critique des deux regnes imperiaux, ou "de grandes prosperites apparentes, [cachaient] des plaies profondes et des cataclysmes imminents". Elle a fait aussi son autocritique et une critique collective aussi: "Ah! nous sommes des Fran<;:ais du XIXe siecle, et nous voulons encore nous payer des enfants du miracle!". Durant la promenade, le narrateur a saisi, comme dans une revelation subite, la le<;:on implicite de la Nature aux hommes, le<;:on de patience et de prudence. N'etait-ce pas celle que servait deja George Sand en 1848? La nature non seulement ne s'est pas fiee a la douceur exceptionnelle de l'hiver, mais encore, par "un surcroit de prudence" a protege Jes fleurs tardives: "C'est ce qu'on est convenu d'appeler une prevision de la nature, n'en deplaise a ceux qui Jui refusent toute prevision et toute conscience d'elle meme". 25 II faut esperer mais ne pas croire aux miracles. L'on voit done comment, dans la lettre sur les Alpes, la narration et la description sont investies et gauchies par un autre type de discours relevant d'un symbolique culture!. Que ce soit le chemin de la vie ou le recit evangelique, le nouveau schema reste lineaire et epouse done etroitement l'itineraire du voyage. Dans l'analogie entre Musset et la Brenta, en particulier, I'entrelacement se fait dans une denudation trop systematique pour que !'on doute de la pleine maitrise du narrateur. Le procede est intentionnel, transitif; ii fait appel a l'intellection; Jes topoI memes Jui donnent dans une certaine mesure, un sens preexistant. La narration en epuise Jes analogies. George Sand d' ailleurs donne explicitement le sens du signe sans laisser a M usset ou au lecteur la chance de ne pas le comprendre. Et les souvenirs d'enfance ou Jes reves, de fa<;:on moins explicite il est vrai mais non moins reelle, se lisent comme des paraboles. Mais neanmoins la souplesse des decrochages, la multiplicite des registres feutrent ce que Musset aurait pu considerer comme une entreprise assez perverse. Le fait est que, faisant peut-etre contre mauvaise fortune, bon coeur, il trouvera la lettre "sublime" !26 Goldin 9 NOTES 1. Beatrice Didier, "Deux joumaux de voyage en Auvergne: George Sand en 1827 et en 1859" dans Le Journal de voyage de Stendhal, Colloque de Grenoble, (Geneva: Slatkine, 1986) 353; cf. egalement Lucienne Frappier-Mazur, "La description mnemonique dans le roman romantique", in Litterature 38, (1980): 23-6. 2. George Sand, Lettres d'un voyageur dans Oeuvres autobiographiques, vol. 2 (Paris: Gallimard, 1970) 651-78. La Jere lettre a parue dans La Revue des deu:x mondes 5 mai 1834. Itineraire suivi: Bassano, le cafe des fosses et Jes compagnons de voyage (1-36), la gorge de la Brenta (37-57), Jes grottes d'Oliero (58-69), Jes rencontres insolites (70-4), sur la route de Trevise (75-6), Posagno (77-82), Assolo, la plaine de Venetie, Trevise et Mestre avant le retour a Venise (83-6). 3. Cite par Tzvetan Todorov, Theories du symboles (Paris: Seuil, 1977) 183. 4. "L'allegorie est une operation rationnelle, n'impliquant de passage ni a un nouveau plan de l'etre, ni a une nouvelle profondeur de conscience; c'est la figuration, a un meme niveau de conscience, de ce qui peut etre deja fort bien connu d'une autre maniere. Le symbole annonce un autre plan de conscience que !'evidence rationnelle; ii est chiffre d'un mystere, le seul moyen de dire ce qui ne peut etre apprehende autrement; ii n'est jamais explique une fois pour toutes, mais toujours a dechiffrer de nouveau, de meme qu'une partition musicale n'est jamais dechiffree une fois pour toutes, mais appelle a une execution toujours nouvelle". Henry Corbin, cite par Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, vol. 1 (Paris: Seghers, 1964) XVI. 5. Cite par Todorov, Theories du symboles, 231-2. 6. Preface de 1843 aux Lettres d'un voyageur. 7. Lettre de Sand du 29 avril 1834. In Preface aux Lettres 59. 8. Frank Bowman, Le Christ romantique (Geneve: Droz, 1973) et "George Sand, le Christ et le royaume", dans CAIEF 28 (1976): 243-62. 9. Bien des critiques ont analyse dans Jes joumaux de voyage et meme Jes romans, l'interet des descriptions mnemoniques, "ou le phenomene de souvenir intervient a partir d'un paysage reel, COntempJe, rememore OU revisite par Je sujet". L'allegorisation des paysages, est souvent liee a ces descriptions mnemoniques et l'une des modalites du paysage romantique; s'il n'est specifique ni a la litterature de voyage, ni a l'ecriture sandienne, il est extremement frequent dans l'une et l'autre. 10. Lettre de Sand du 29 avril 1834 (60). Expression reprise par Musset dans la lettre du 10 mai (72). 11. George Sand, Lettres d'un voyageur, dans Oeuvres autobiographiques, 2: 660. 12. Frank Bowman, "George Sand, le Christ et le royaume" 256-7. 13. Lettres 772-6. 14. Lettres 665. 15. Lettres 669. 16. Lettres 669. Les Lettres d'un voyageur: recit de voyage au feminin? Benedicte Monicat C'est dans une perspective "generique", dans les deux sens du terme, que je me propose ici de lire les Lettres d'un voyageur: recit de voyage et oeuvre feminine. Texte charniere dans !'evolution litteraire de l'ecrivaine, ainsi que le precise Marie-Jacques Hoog qui y voit "un passage du negatif au positif" (138). Texte frontiere et initiatique comme peut l'etre le recit de voyage lorsqu'il s'inscrit dans la tradition romantique, l'ouvrage de Sand est certes un texte complexe qui revele tout en les multipliant les masques de l'ecriture sandienne. Avant meme d'aborder la question de !'intersection du genre, le recit de voyage, avec le genre, le feminin, dans l'ouvrage de Sand, j'identifierai les elements qui determinent la categorie utilisee ici comme point de reference, a savoir celle du recit de voyage au feminin. Je lierai la question de l'identite problematique du moi romantique a celle de l'identite nom moins problematique du sujet feminin. J'aborderai ce theme en comparant rapidement le texte de Sand a deux autres recits de voyages publies a la meme epoque par des contemporaines de la romanciere, Voyage d'une ignorante dans le midi de la France et l'Italie (1835) de la comtesse de Gasparin et Les peregrinations d'une paria de Flora Tristan (1838). Je terminerai par une reflexion sur la manipulation des diverses voix qui emergent dans les Lettres, sur ce que cette ecriture echappant a l'autorite d'une identite fixe nous revele dans ses rapports a l'ecriture feminine du voyage ci-dessous analysee. Les elements constitutifs du recit de voyage au feminin gravitent autour du paradigme central de la feminite qui se pense dans le texte et determine, ouvertement dans la plupart des cas, un developpement dialectique du recit de voyage. Les donnees essentielles de cette reflexion sur l'ecriture sont d'une part la feminite de convention dans ses rapports avec une ecriture feminine elle aussi de convention (superficielle, distrayante mais insignifiante, subjective par-dessus tout), et d'autre part l'affirmation par l'ecrivaine d'une feminite ne s'inscrivant pas dans les normes prescrites, d'une ecriture feminine autre (substantielle, signifiante, subjective peut-etre, valorisee avant tout). A partir de ces elements, le texte procede de fa�on dialectique, opposant constamment le pre-suppose au vecu feminin. Ce processus pourrait etre qualifie de dialectique negative dans la mesure ou le discours du voyage au feminin emerge de la confrontation entre ce qui est suppose etre de l'ordre du feminin mais n'est pas et ce qui n'est pas suppose etre dans le registre du feminin mais surgit dans l'ecriture du voyage. Dans cette perspective, l 'ecriture autobiographique est au coeur de la problematique de l'ecriture du voyage au feminin. Elle en revele la complexite en tant qu'ecriture interdite et cependant necessaire au developpement du recit, a sa legitimite. Ce dilemme est le plus clairement revele dans la preface du recit de voyage au feminin. En effet la preface est marquee par une rhetorique justificatrice qui a pour objet la feminite de l'auteur et en consequence celle du texte. Justifier son depart devient justifier sa feminite, justifier son recit devient justifier la validite d'une ecriture au feminin. Ce qui est en jeu dans le recit de voyage au feminin est en fin de compte l'ecrivaine elle-meme, la legitimite de l'ecriture feminine aboutissant a la valorisation du 11 Monicat 13 Lorsqu'on a subi !es avis et conseils de cent personnes[ ...]. Lorsque votre plan, discute par un conseil de famille, a re9u !'approbation generale, moyennant quelques rognures aux endroits qui vous touchaient le plus (...). Un vehicule rapide [ ...] vous arrache aux ennuis, aux tracasseries, aux deboires inevitables du 'chez soi'. (12) Depart au feminin pour un ouvrage qui oscille entre I'effusion et le lyrisme romantique, la meditation, la reflexion morale, le tout ponctue a intervalles reguliers de declarations denigrant et affirmant a la fois la marque du ferninin dans le texte ("Ma pauvre tete de femme n'a su observer la qu'un salon elegant" (1: 89); "cependant le coeur humain . .. ou feminin, est rempli de faiblesse" (2: 209); "je ne suis qu'une ignorante" (1: 251). Les Lettres d'un voyageur paraissent done a priori avoir peu en commun avec I' autobiographie feminine militante de Flora Tristan ou la narration se definissant au feminin (parfois ironiquement) de la comtesse de Gasparin. L'identite du narrateur dans le texte de Sand, sa masculinite, est !'evidence qui cree cette distance. Le discours auto biographique feminin, ouvertement employe et discute par Tristan et Gasparin, est dissimule par George Sand, meme si ce n'est que sommairement et de maniere superficielle puisque I'auteur ne cesse de faire reference a des evenements autobiographiques. Plus encore, la notion meme de l'identite du narrateur est deconstruite par l 'ecrivaine qui note dans sa preface: "Ainsi on ne voit guere, en lisant ces lettres, si c'est un homme, un vieillard ou un enfant qui nous raconte ses impressions" (38). Le "coeur personnifie" (38) qui est ici le sujet du discours refuse de se laisser enfermer dans une identite qui influerait sur la lecture et I'ecriture du texte. Claudine Chonez interprete le masque du masculin dans !es Lettres comme un refus du ferninin de convention (le feminin etant pris ici dans un sens pejoratif). La critique evoque "ces etranges et charmantes Lettres d'un voyageur ou, comme pour s' assurer contre la tentation des exces du lyrisme, des plaintes et eris trop 'feminins', Aurore parle d'elle constamment au masculin" (93). Autrement dit, !'usage du masculin "assurerait" l'ouvrage de Sand "contre" le recit de voyage tel qu'il est pratique, entre autres, par la comtesse de Gasparin. II semble qu'une telle interpretation definisse par trop negativement l'ouvrage de Sand. C'est a mon sens la question des repercussions de !'identification feminine plut6t que celle des "exces" du feminin de convention qui est ici en jeu. Ecrire ouvertement au feminin dans un texte non fictionnel signifie s'enfermer ou se mettre dans I'obligation de prendre en consideration ladite feminite de convention. Sand traite indirectement de la question en faisant usage de I'ironie et en etablissant entre l'ecriture et le genre la distance de !'humour. Cet humour differe de celui qu'utilise la comtesse de Gasparin dans la mesure ou cette demiere oppose a la feminite de convention qu'elle toume en derision une experience valorisee qu'elle definit comme feminine. Sand, quant a elle, joue du stereotype mais ne le met pas en cause en prenant sa propre histoire de femme comme moyen de defense. "Je me mis a pleurer comme une femme" (58), nous dit-elle avec un sourire, se decrivant ailleurs comme "un homme de quatre pieds six pouces" (61) et plus loin comme "un poete, c'est-a-dire une femmelette" (187). L'ecriture au masculin, ou l'ecriture utilisant le masque du masculin, ne doit pas passer par Jes detours multiples et user des justifications constantes qui caracterisent tant de recits de voyages ecrits par des femmes. L'aspect creatif de Monicat 15 ecrivaines paraissent bien souvent aux antipodes l'une de l'autre, point n'est besoin de Jes dresser l'une contre l'autre ainsi qu'a pu le faire par exemple Therese Plantier, de maniere insultante pour Sand, dans George Sand, ou Ces dames voyagent, ou I'auteur fait de Flora Tristan la representante du "vrai feminisme" et de George Sand le "porte-parole [... ] de la masculinite la plus outranciere" (11). Le passage suivant des Lettres montre au contraire que Sand s'insurge, comme Tristan le fait dans Les peregrinations, contre le sort parfois tragique qui est reserve aux femmes dans le mariage: Et parce qu'en ecrivant des contes pour gagner le pain qu'on me refusait, je me suis souvenu d'avoir ete malheureux, parce que j'ai ose dire qu'il y avait des etres miserables dans le mariage, a cause de la faiblesse qu'on ordonne a la femme, a cause de la brutalite qu'on permet au mari, a cause des turpitudes que la societe couvre d'un voile et protege du manteau de l'abus, on m'a declare immoral, on m'a traite comme si j'etais I'ennemi du genre humain ! (257) Sand, comme Tristan, analyse la condition des femmes en termes d'esclavage. Toutes deux "sont nees dans Jes fers", et plus encore, ainsi que le precise Mireille Bossis, Tristan "parle comme une heroi:ne sandienne. Sa femme-messie est une soeur jumelle de la femme pretresse de George Sand" (268). Plus que dans Jes declarations ouvertes de Sand sur Jes droits des femmes, c'est dans Jes refus de I'auteur qu'il faut aller chercher au plus profond !'inscription du genre dans le genre. Le plus exemplaire de ces retranchements est sans doute celui que !'auteur opere dans la derniere des lettres, consacree a une reflexion sur le contenu subversif de son oeuvre quant a la question du mariage. Repondant au critique qui Jui reproche d'avoir generalise une infortune particuliere a un probleme de societe, Sand ne se laisse pas prendre a l'appat qui aurait fait de sa biographie le seul element legitime de son discours. Elle replique: Si j'ecrivais a un pretre, peut-etre le recit d'une confession generale entrainerait-il victorieusement !'absolution en meme temps que la reprimande et la penitence. Mais ii n'y a encore eu que Jean-Jacques qui ait eu le droit de se confesser en public. Je repondrai done d'une maniere generale" (316). Non seulement Sand esquive-t-elle habilement l'attaque visant a mettre en cause la "normalite" de sa vie privee (qui demeure telle par la meme occasion), mais encore fait-elle en sorte que la discussion de cette question maintienne la rigueur intellectuelle essentielle a la gravite de son objet. Ce passage et !es paragraphes qui suivent illustrent la position complexe de Sand dans le genre du recit de voyage au feminin. Se servant d'une experience de femme "connue", elle rejette la tentation d'en faire le sujet direct de son recit, se protegeant ainsi de toute attaque contre le "particulier", le "prive" de son texte. C'est ce "prive", dans les deux acceptions du terme, le personnel et le manque, qui signale la singularite et la complexite de l'ouvrage. En effet Sand n'assume pas dans les Lettres le fait d'etre femme comme un combat social et intellectuel motivant l'ecriture, ainsi que le fait Tristan. Elle ne l'integre pas non plus comme element constitutif de son texte et de sa qualite d'ecrivain femme, ainsi que la comtesse de Gasparin le fait. Mais elle use de l'un et de l'autre modele, brouillant Jes pistes de l'identite et de la lecture. Monicat Tristan, Flora. Les peregrinations d'une paria: 1833-34. Paris: Maspero, 1983. 17 Szabo 19 depart est decide dans des circonstances pour ainsi dire mures et bien precises. C'est tantot la presence d'un opposant et/ou le desespoir, ne plus d'une fois d'un malentendu- qui les poussent a partir, tantot quelque devoir a accomplir. 2 Rituels du depart Si la moitie au moins des personnages partent tout seuls, c'est que leur depart est plutot une fuite: ils fuient une passion, veulent oublier un amour contrarie par un rival ou un parent. Ils croient parfois agir dans l'interet ou pour le bonheur de l'autre et accomplir ainsi un sacrifice, comme Caroline ou Sept-Epees. Ces amoureux desesperes partent alors bouleverses et blesses comme Bernard, avec, parfois, la "joie amere et farouche de n'avoir plus rien a aimer" et croient meme "ne vouloir remettre les pieds" (Jean de la Roche 89) dans un pays ou ils avaient tant souffert.3 Le moment propice a ces departs clandestins est bien evidemment l'aube ou la nuit, car ils quittent la rnaison sans dire adieu a personne, a moins qu'ils ne laissent ou n'envoient plus tard un billet, dont le destinataire est, du reste, rarement I'objet de leur amour mais plutot un oncle, une mere ou un ami et dans lequel, par orgueil ou delicatesse, ils n'avouent jamais le vrai motif du depart. S'ils partent la nuit, c'est aussi qu'ils n'ont pas le courage de revoir leurs amants: "Je partis avant que personne ne filt leve dans la maison--dit Bernard, je craignais que ma resolution ne m'abandonnfit au moindre signe d'amitie" (Mauprat 178). Bernard ne peut cependant s'empecher de passer devant l'appartement d'Edmee, pour coller ses levres sur la serrure. Comme il s'agit de departs brusques, decides sous le choc d'une vive emotion, il n'est nullement question de preparatifs, sauf dans le cas de Sept-Epees qui est oblige de confier sa fabrique a son associe. On apprend seulement que Bernard reste "enferme dans [sa] chambre" et que toute la nuit il y marche "avec agitation" (178). Sept-Epees part avec un "mince paquet" et son sac d'outils, Caroline a son tour "enveloppee et voilee jusqu'au rnenton", porte elle-meme son paquet (Le Marquis de Villemer 279). La rapidite de ces departs est soulignee aussi par la vitesse de la narration--quelques lignes dans le texte--et par l'emploi d'expressions hyperboliques, comme dans Mauprat ou Bernard se met a courir "comme un fou" et ne s'arrete guere que "de l'autre cote des Pyrenees" (178). Si Bernard va en Amerique et Caroline dans les Cevennes ou elle espere trouver refuge et consolation aupres de sa nourrice, les autres desesperes de l'amour ne savent pas trop ou ils vont: au desequilibre de leur etat correspond !'incertitude de leur destination. Jean de la Roche entreprend une errance a travers le monde et quant a Sept-Epees, Jui aussi "incertain de la route qu'il prendrait", il se fixe neanmoins un but plus precis: tout en essayant de se faire oublier, il veut aussi "mettre a profit pour son instruction cet exil volontaire" (La Ville noire 134). Le rituel du depart change sensiblement des que ce n'est pas le desespoir d'amour qui pousse les personnages a partir. C'est que, meme lorsqu'ils sont tristes ou qu'ils om le "coeur transperce" comme Germain, la petite Marie ou Franc;ois, ils ne se sentent ni abandonnes ni trahis et, dans la plupart des cas, ils nourrissent l'espoir de revenir. Ces personnages ressemblent au heros-queteur des contes populaires: les uns partent a la recherche d'une "princesse", d'un ami ou d'un savoir, d'autres cherchent du travail ou, plus ambitieusement, la gloire ou l'honneur (Germain, la petite Marie, Jeanne, Joset, Brulette, Franc;ois, Stephen, Emilien). Quand on n'est pas chasse comme Szabo 21 pourrait etre appliquee a presque tous les voyages qui figurent dans ses romans. La conquete essentielle, la seule qui importe, est la conquete de soi-rneme. Si le recit des evenements proprement dits du voyage et du sejour passe a un autre endroit que le lieu de depart ne represente, tres souvent, qu'une faible proportion par rapport a l'ensemble, l'importance du voyage dans la formation du personnage n'en reste pas moins evidente. 9 Qu'il s'agisse de romans ayant des affinites avec les contes populaires, les romans de formation ou d'autres types, plus ou moins "bourgeois", le voyage reserve au personnage une serie d'epreuves ou du moins une occasion d'affirmer sa personnalite. Le trajet entre le point de depart et le point d'arrivee est rarement evoque, sauf dans La Mare au Diable, Le Marquis de Villemer, La Ville noire; les evenements ou rencontres decisifs etant a l'origine de la metamorphose du personnage, ont lieu plutot apres l'arrivee ou sur le chemin du retour. Ces personnages affirment d'abord leurs qualites, font preuve de courage ou de perseverance: dans la guerre--ou ils deviennent officiers--, ou dans une lutte corps a corps, dans une situation dangereuse ou eprouvante, ou dans le travail (Bernard, Emilien, Germain, Brulette, Franr,:ois, Cristiano Waldo, Caroline, Sept-Epees). Ces epreuves enrichissent leur savoir sur eux-memes, sur les autres, sur un metier, sur le monde. Joset va dans le Bourbonnais pour y "boire a la source" et apprendre la musique qui s'y renouvelle "comme les fleurs de chaque printemps" et qui "fait foisonner des idees pour les pays qui en manquent" (Les Maitres sonneurs 177); Cristiano Waldo, le seul "voyageur heureux", tout en continuant ses recherches geologiques, decouvre les merveilles de la nature, la bonte des gens et devient un "ouvrier extraordinaire", puis inventeur; Sept-Epees se revele presque artiste dans son metier, connait et comprend les perspectives du progres industriel; Jean de la Roche a son tour, peut declarer au bout de son voyage que "rien ne [lui] est tout a fait etranger sous le ciel" (91). Meme Stephen dans La Filleule, qui par ailleurs reste etonnamment impermeable aux influences benefiques du voyage, apprend au moins une chose, c'est qu'il n'etait pas ne "pour ce qu'on appelle les grandes choses" (134), car la vie se renferme pour lui la ou vit Anicee (142). Ce qui explique que, dans l'histoire de Stephen, ce n'est au fond que le retour qui compte, aucun renseignement sur les evenements du voyage n'est donne, tout comme dans le cas d'Yseult: tous les deux possedent deja, bien avant leur depart, un point fixe dans !'existence, celui ou vit leur amoureux, en qui ils ont une confiance absolue. 10 Les personnages font aussi des progres d'ordre moral. Sept-Epees, par exemple, comprend mieux desormais sa propre situation et devient par la plus calme et modeste; Abel a son tour, dans sa "retraite", decouvre en lui "l'homme doux et tendre" dont i1 espere pouvoir "reprendre possession absolue" (Malgretout 204). Sans pouvoir (ni vouloir) analyser ici les episodes de voyages, je me contente d'en signaler au moins quelques elements bien connus qui existent aussi dans les contes populaires et les mythes, et qui ont un role a jouer dans la metamorphose et le retour des personnages. 11 Ceux-ci font quelquefois des rencontres decisives d'adjuvants qui, comme Arthur dans Mauprat, "envoye du ciel" et "frere d'armes", apprennent aux personnages a "se connaitre et a reflechir sur [leurs] impressions" (182), tout en projetant "la lumiere de la sagesse dans les orages tenebreux" de l'fune (187). Les personnages trouvent aussi parfois "l'objet magique" des contes qui prend d'ailleurs des formes tres Szabo 23 Sauf les cas ou les amoureux rentrent ensemble, le bonheur des retrouvailles est precede d'un moment non moins heureux ou le voyageur aperc;:oit le pays natal dont il connait tous les coins et dont ii respire l'air a "pleins poumons" (Jean de la Roche 93). On retrouve sa patrie, son "nid", son "asile", son "Eden" comme Stephen (141). A cet instant supreme, le plus humble des paysages se montre le plus beau du monde, etant fait a l'image de l'ame et de l'amour de celui qui arrive. Stephen, revenu de son expedition, ne regrette ni les forets vierges, ni les cimes et les cataractes qu'il a vues, ii ne veut "rien de mieux, rien de plus que cet horizon de pauvres herbes, ce ruisseau sablonneux [ ... ], cette apathie des boeufs qui [viennent] tremper leurs genoux cagneux dans la vase" (141-2). Sept-Epees, lui, retrouve avec joie un paysage tout different, sublime et sauvage, des "roes denteles en scie" ou planent des vautours, des "eaux violentes" et des "bois sombres", bref un passage qui n'a rien a voir avec les "grandes prairies momes et les grasses etables de la veuve allemande" . 15 Pour Jeanne, cette "vierge de l'age d'or", ii s'agit moins de retrouver quelqu'un, sinon la mere dans sa tombe, mais de regagner un pays heureux, a la fois lieu natal et lieu des origines. L'episode de sa premiere tentative, avortee, de retour dans le pays et celui du vrai retour--la mort de l'heroi:ne--, se trouvent relies entre eux par le motif du sacre qui prend la forme du clocher de Toull. Jeanne, en s'approchant du village, n'arrive pas a l'apercevoir, l'image du clocher ne lui apparaissant finalement que dans son delire: "voila le soleil qui s'en va...--dit-elle avant de mourir, et le clocher de Toull qui remonte. M'y voila arrivee, Dieu merci!" (283). Les retrouvailles se font dans une extase pour ainsi dire religieuse: on s'eerie, on s'elance, on se met a genoux, on rec;:oit une benediction (Mauprat, Le Compagnon du Tour de France, Franrois le Champi, Jean de la Roche, Nanon). On doit cependant plus d'une fois endurer l'epreuve de la reconnaissance: si le personnage risque d'abord de n'etre reconnu que par un vieux chien ou un cheval, ii le sera par contre toujours et immediatement par l'etre aime (Mauprat, Franc;:ois, Cristiano Waldo, Jean de la Roche). Si parfois le personnage meme est oblige de se faire connaitre, comme Mattea qui revient habille en homme, "beau comme le jour ou comme un prince de conte de fee" (315-6), c'est qu'il a subi la metamorphose bien connue du heros. En effet, presque tous les personnages reviennent de leur voyage physiquement et/ou moralement changes. Ils sont plus forts, mieux instruits, plus lucides et mieux equilibres. C'est particulierement evident chez Mattea, Sabina, Bernard, Franc;:ois, Brulette, Jean de la Roche, Sept-Epees ou Emilien. 16 Si Caroline, Stephen ou Celie Merquem (son bref voyage a elle est, par ailleurs, d'un ordre tout different des autres) ne presentent apparemment aucune metamorphose, leur fac;:on de penser n'en a pas moins subi un profond changement: c'est pendant leur voyage qu'ils ont reconnu la veritable force de l'amour. Meme Joset--dont on sait pourtant la fin tragique--revient la seconde fois tout transforme: joli et muscle, il a la "meme physionomie triste et songeuse, mais il s'y etait mele quelque chose de decide et de hardi qui montrait enfin le rude vouloir si longtemps cache". 17 Tous les personnages rentrent done a la fois identiques a ce qu'ils ont ete au moment de leur depart et neanmoins foncierement differents, car meilleurs. Ils meritent done d'etre restitues dans leurs droits--au sens propre ou figure du terme--, comme Cristiano Waldo, ou combles de recompenses: la main de leur "princesse" ou de leur "prince", un "royaume", meme s'il n'est pas de ce monde, comme celui de Jeanne. Szabo 25 I 'introduction de Simone Vieme in Jeanne, ed. Simone Vieme (MeyIan: Ed. de I'Aurore, 1986). 11. Sur !'importance des schemas narratifs du conte populaire chez George Sand, voir Beatrice Didier, "George Sand et les structures du conte populaire," in George Sand, ed. Simone Vieme (Paris: SEDES, 1983) 101-14. 12. Jean de la Roche 91. Le meme motif se trouve dans Mauprat 180 et dans La Ville noire 140. 13. Le Compagnon du Tour de France, Jeanne, La Mare au Diable, Franrois le Champi, La Ville noire, L 'Homme de neige. Dans La Mare au Diable, tous les elements du voyage suggerent la necessite du retour: la conviction de plus en plus forte de Germain que sa princesse a lui ne peut etre que la petite Marie, l'attachement de l'enfant a Marie, le cheval qui refuse de suivre la route, la fa<;on dont ils s'egarent pour se retrouver toujours au meme endroit, etc. 14. Dans le cas de Brulette, le regret du pays et des amis quittes est l'indice certain d'un retour futur. 15. La Ville noire 150; voir encore Jean de la Roche 110. 16. Meme Abel, personnage pourtant problematique, est plutot prometteur a la fin de Malgretout. 17. Les Maitres sonneurs 396-7. Le seul cas ou l'on trouve des indices plutot negatifs est celui de Stephen, pour qui, par ailleurs, le voyage n'etait qu'un martyre. II rentre amaigri et avec des cheveux blancs sur les deux tempes. II est vrai qu'il est presente par les yeux d'une toute jeune fille. 18. II en est tout particulierement ainsi dans Les Maitres sonneurs ou le voyage apparait surtout comme une tentation, liee a celle de la gloire. Le sens de l'echec final de Joset a ete maintes fois analyse. Voir, entre autres, la preface de Maire-Claire Bancquart, (Paris: Gallimard, 1979). Vieme 27 "I'enceinte sacree": ce sont Jes "flexibles et complaisants barreaux de [sa] chere prison" (c'est moi qui souligne). On voit que le theme evoque plus haut n'est pas force ... Et l'on comprend des lors que, malgre les incommodites de la prison de Spandaw, lieu de halte forcee, cette fois, Consuelo, finalement, y jouisse avec plaisir de la solitude, du moment qu'elle peut faire de la musique, tout en fortifiant sa volonte, et en se preparant, sans le savoir, a la prochaine et decisive etape de sa vie. II lui arrivera meme, dans cette autre prison beaucoup plus doree, la villa du domaine du Graal, de ne pas parvenir a dominer l'ennui "qu'elle avait victorieusement combattu a Spandaw" (3: 247). 2-Le jardin d'Eden II n'en va pas tout a fait de meme lorsque la halte se passe dans la nature. Deja, la maison de Bourges, dans les Lettres d'un voyageur, possedait un jardin d'herbes sauvages qui l'avait accueillie au seuil de la demeure. Plus nettement encore, bien des haltes ont lieu dans les oasis des jardins, lieux fermes mais riants et exuberants, a la connotation plus nettement religieuse encore que les "prisons": en arriere-plan, bien entendu, se dessine le jardin de Nohant, celui auquel elle donne ses soins toute sa vie, et celui du souvenir de l'enfance avec l'autel du dieu Corambe. Le plus caracteristique, dans les romans, est sans doute le merveilleux jardin du chanoine, dans Consuelo. Ce "prieure mysterieux" a un attrait particulier pour une imagination poetique parce que, dit le narrateur, ii est un "jardin reserve" ou comme par une influence magique, Consuelo se sent brusquement reposee des fatigues de son voyage a pied avec Haydn (2: 115-6). Elle y entend aussi les fleurs "chanter" un choeur, dans une synesthesie qui unit leurs parfums et leurs couleurs: apres Hoffmann, et avant Baudelaire, "la nature est un temple ou de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles..." G. Sand emploie d'ailleurs le terme sacre d'elysee (2: 131-2). Dans Teverino, le jardin du couvent de Notre-Dame du Refuge--dont le nom se passe de commentaire--est double: une partie, la plus centrale et protegee par la seconde enceinte ou ne penetrent pas les femmes, est magnifiquement cultivee; 6 on l'apen;oit a travers les grilles, et une partie OU des batiments ont ete delaisses, et OU "les grandes herbes abandonnees avaient plus de caractere et de poesie", d'autant que le lieu est "completement desert". Sabina et Uonce peuvent s'y promener, tres romantiquement (163-4). Mais la description de ce decor va bien au-dela du stereotype de la nature sauvage. Le "murmure uniforme de la fontaine", l'horloge qui "annonce minutieusement chaque parcelle de temps ecoulee" mais ne semble pas marquer l'heure, le silence, tout concourt a faire de cette demeure un lieu ou "le temps n'avait pas d'emploi veritable et la vie semblait s'etre arretee" (163-4)--comme les voyageurs et le voyage. On se trouve en somme hors du temps dans un au-dela du monde profane, et la tonalite sacree de ces asiles en fait un paradis un instant retrouve, un lieu de bonheur meme s'il doit etre perdu, et ii l'est forcement. 3-La grotte et le chateau Une variante plus symbolique encore du refuge s'engrene autour de l'image de la grotte, la halte peut-etre la plus primitive, aux deux sens du terme, puisqu'on la trouve dans l'un des tous premiers textes, non publies, de G. Sand, L'Histoire du reveur. 1 Le Vieme 29 dans !'episode des grottes d'Oliero dans les Lettres d'un voyageur, ou l'hirondelle est expressement reliee au renouveau. On rappellera, dans le meme registre de conquete de soi, cette "reverie du repos" dans la maison de Bourges, comme l'avait bien vu Bachelard, ou le "voyageur" medite sur Lavater, sur le sens de la vie, sur l'art, dans l'immobilite propice au ressourcement. 2-Le voyage en reve La halte est plus encore necessaire pour permettre une autre sorte de voyage, sans aucun doute superieur, aux yeux de G. Sand, au voyage reel ou romanesque (c'est-a dire suppose reel dans la fiction): le voyage en reve et par le reve. On a vu que l'un des premiers essais de I' ecrivain racontait un voyage de ce type, enchasse dans le recit d'une excursion supposee reelle a l'Etna, elle-meme histoire racontee par le genie Tricket, qui converse familierement avec la narratrice, et precise: "Je veux te raconter [...] l'histoire d'une maligne fee de mes amies qui se divertit aux depens d'un fou qui te ressemblait". Et, nouvel emboitement, ce recit a lieu pendant le sommeil "magnetique" de la narratrice... Dans la Grotte des Chevres, le voyageur est gratifie d'un reve fantastique, qui lui permet un voyage bien autrement exaltant que !'ascension du volcan. Sans bouger de son lit de feuilles, ou il va se reveiller, Amedee le reveur, musicien et chanteur, est entraine par un esprit qui a la fin le saisit par les cheveux, le fait voler et l'entraine dans le volcan, ou son corps se consume tandis que "ce qui restait de lui" est invite a suivre jusque dans les entrailles du volcan son compagnon metamorphose en femme. La fin de l'histoire est renvoyee a une autre fois par le fantasque Tricket, et ne sera reprise, mais non terminee, qu'au chapitre 4, troisieme partie. En contraste, la seconde partie raconte l'histoire du grillon (histoire reelle qu'on retrouvera dans Histoire de ma vie), dont la tonalite s'oppose totalement au fantastique et au voyage, avec sa note familiere et intimiste. On verra plus loin que ces contradictions seront, dans la suite de la production de G. Sand, placees sous le signe de la coi"ncidence des contraires, et non plus de la fantaisie a la matiere de Sterne. On pourrait aussi rappeler, dans Lettres d 'un voyageur, l'evocation du reve de la "barque des amis", lorsque le voyageur, a Venise, prend le frais, immobile, sur le promontoire du jardin public (2: 69). Cette barque se materialise a l'arrivee de la gondole portant Pietro, Beppa et Giulio, comme si elle avait ete en quelque sorte provoquee par le reve et par les vagabondages de I'imagination devant le paysage venitien. Ces derniers ont d'ailleurs une toute autre ampleur que la promenade qui suit, malgre la poursuite de la gondole chargee de musiciens, et ne sont possibles que grace a l'immobilite du reveur. Dans Teverino, qui apparemment est construit sur la course pleine d'imprevus et quasi haletante agencee par Leonce, pour seduire Sabina, l'hommage au reve est annonce par la reference au conte que G. Sand aima tant dans son enfance, Gracieuse et Percinet. Leonce, metteur en scene du dejeuner sur l'herbe, s'attribue le meme pouvoir que le Prince du conte: Tous vos tresors sont rentres dans le coffret magique, et nous pouvons poursuivre notre route, certains de les retrouver quand nous voudrons, a quelque nouvelle halte, dans le royaume des songes" (44: c'est moi qui souligne). De meme, peu apres, a une sorte de desert "affreux", la description se termine par cette reflexion: Vieme 31 caracteristiques du genie de G. Sand, les diverses possibilites de la halte finale dont les contradictions sont assumees par l'imaginaire "synthetique"10 de l'auteur. 1-Le retour au nid, ou le quotidien transfigure On sait que la voyageuse George Sand retourne toujours au nid de Nohant, quelles que soient ses escapades, et ace propos, on remarquera que, malgre leur titre, les Lettres d'un voyageur sont envoyees pour une bonne moitie de Nohant. De meme, bon nombre de voyageurs romanesques reviennent au bercail. L'exemple le plus frappant est peut-etre celui du heros, Alexis, dans la longue nouvelle fantastiqueLaura. II fait en reve d'extraordinaires voyages, dans la geode, puis jusqu'au pole nord, d'ou ii penetre dans la grotte matrice de toutes les pierres precieuses. Son corps, toutefois, ne quitte pas "la celebre ville de Fischausen", ni plus precisement la maison de son oncle, conservateur du cabinet d'histoire naturelle, section de mineralogie, apres une jeunesse qui fut une "ecole buissonniere, dans le sens le plus litteral du mot" (9), ou ii se livrait aux "delices du vagabondage" (10). Les deux expressions montrent bien que ce plaisir sans but, qui fut aussi celui de la petite Aurore, ne peut <lurer au-delade l'enfance, et qu'il faut donner un sens a sa vie. Mais apres les deux experiences hallucinatoires du voyage magique, qui ne sont pas sans rappeler Histoire du reveur, la quete s'acheve par le retour au quotidien, compense par la conquete definitive de la femme aimee. Le reveur exalte est devenu M. Harz, vendeur de mineraux, qui a epouse "une bonne petite personne sans pretention" (185). Mais s'il l'a acceptee telle qu'elle etait, sa propre transformation initiatique 11 lui permet tout de meme de la voir "a la fois dans le prisme enchante [du cristal] et dans la vie reelle [... ]" (185). Loin d'avoir oublie son aventure, qu'il raconte avec un visible plaisir, ii n'en jouit pas moins de la vie paisible qu'il mene, vie desormais pleine de sagesse, au sens ou la sagesse est l'acquis supreme de la philosophie, comme l'indique l'etymologie de ce dernier terme. Les inities. du reste, reviennent a la vie profane. Ils la considerent simplement d'un autre oeil, ayant acquis la certitude qu'elle ne represente pas l'essentiel de la vie. C'est sans doute ce qu'indique symboliquement, tout a la fin du recit, le portrait de Laura. Si elle est devenue "une ronde matrone entouree de fort beaux enfants", ii y a, quand elle parle, "dans son oeil bleu un certain eclat de saphir qui avait beaucoup de charme et meme un peu de magie" (l 94). 2-L'errance finale: voyage a l'interieur de I'Autre monde II y a pourtant des romans ou la fin de l'aventure ne se traduit pas par une halte definitive. Ainsi, l'artiste Teverino pourrait, au choix, demeurer dans le couvent de Notre-Dame du Refuge, ou poursuivre une carriere reguliere de chanteur, comme le lui propose Leonce, ce qui serait aussi, et malgre les voyages qu'elle implique, une situation stable, vers "la gloire tranquille et les revenus assures par-devant notaire" (173). Devant cette perspective, ii crie done, comme Consuelo lors de son voyage avec Haydn: "Vive la sainte liberte! ". A peu pres de la meme maniere, au moins apparemment, dans l'epilogue de La Comtesse de Rudolstadt, Albert et Consuelo sont devenus--ou pour Consuelo redevenus- des bohemiens, et precisement dans cette Boheme qui, pour etre un decor fictionnel, a toujours eu pour G. Sand une valeur mythique. Qu'on se souvienne de l'invocation qui clot la septieme Lettre d'un voyageur, "A Everard": Vieme 33 outre, ce voyage plutot erratique se passe en fait dans un temps et un lieu proprement mythiques, ou precisement temporalite et localisation, chemins parcourus et lieux de halte ont perdu leurs caracteristiques profanes et contingentes, et se retrouvent dans la meme signification: le but est atteint. IV-CHOISIR DE NE PAS CHOISIR J'aimerais insister un peu sur cette notion que j'ai exprimee a l'aide de termes divers mais analogiques, lorsque j'ai parle d'imaginaire "synthetique", "alchimique", de "coi'ncidence des contraires". Sur les theories de base concemant l'imaginaire, je renvoie a l'ouvrage de Gilbert Durand deja cite. Plus precisement, ii m'a semble cependant, lorsque j'ai etudie certaines images mythiques de la femme, notamment dans les romans du XIXeme siecle, 12 qu'il existe une maniere d'imaginer qui est specifique de la femme, ce que Beatrice Didier appelle aussi "l'ecriture-femme". 13 II faut s'empresser d'ajouter avec elle qu'on la trouve aussi chez nombre d'artistes masculins. Cet imaginaire prend sa racine dans ce qu'on pourrait appeler, avec Bachelard et Jung, I'anima, tout en faisant appel forcement aux ressources de I'animus pour s'exprimer dans un language soumis aux regles rationnelles de !'expression (meme si les techniques poetiques au sens strict du terme lui laissent un peu plus de liberte). Dans le cas precis de notre theme, on voit bien que la maniere dont George Sand traite les paysages symboliques comme les caracteres des voyageurs, les aventures du chemin comme les reves de la halte, est sous-tendue par une force imaginaire qui refuse le choix rationnel entre deux polarites opposees, la marche et le repos. Ce qui, d'ailleurs, n'est rationnel que dans les limites etroites et desormais depassees, meme sur le plan du raisonnement scientifique, 14 de la logique purement aristotelicienne, logique <lite du "tiers exclu". Car ii existe une logique du "tiers inclus", qui, loin d'exclure comme la premiere la possibilite que l'un et l'autre termes opposes d'un raisonnement soient vrais ou seulement possibles en meme temps, les prend en compte de sorte qu'une troisieme solution est incluse dans !'opposition binaire primitive. Pour rester dans le domaine litteraire, une figure de style rend bien compte de cette far,;on d'apprehender le monde, et d'en rendre la complexite, c'est celle de !'oxymoron: "Noire et pourtant lumineuse", comme l'exprimait si bien Baudelaire. Les deux "valeurs" (au sens pictural du terme) antithetiques du noir et du lumineux, exclusives l'une de l'autre si l'on s'en tient au niveau de la logique rationnelle, nous disent pourtant une realite poetique, surreelle si l'on veut mais non moins vraie que l'opposition binaire somme toute banale (heroi'que, selon les termes de Gilbert Durand) entre l'ombre et la lumiere. George Sand, dans son traitement du theme du "voyageur", si caracteristique du Romantisme, ne nous <lit pas seulement qu'en cours de chemin, il est necessaire de faire halte. Elle nous le dit aussi, naturellement, car elle a un grand bon sens. Mais surtout elle nous fait sentir, plus profondement, par exemple qu'il est necessaire de faire halte pour pouvoir entreprendre ce voyage bien plus essentiel pour l'ame qu'est le reve, et que done la halte et le voyage, a ce point, sont une seule et meme chose. Elle fait comprendre de meme que toute transmutation de l'etre humain, pour acceder a un stade superieur. a un statut different de celui de l'homme mortel et ephemere (ce qui pour elle se traduit par le fait d'"etre artiste"), se fait a la fois par l'errance bohemienne qui Vieme 35 NOTES J. Paru dans La Presse du 19 ao-fit au 3 septembre 1845. Nos references sont faites a la reedition aux Editions d'Aujourd'hui, collection Les lntrouvables, notice de Georges Lubin, 1977. 2. Georges Lubin parle du roman le plus gratuit de George Sand. 3. Nos references sont faites a ['edition Flammarion prefacee par H. Bonnet (Paris, 1971). 4. Vair Gilbert Durand, Le Decor mythique de la Chartreuse de Parme. (Paris: Corti, 1961, reed. 1989). 5. Nos references sont faites al'edition introduite et annotee par Rene Bourgeois et moi-meme, Editions de ['Aurore, 1983, reedition 1991. 6. On se rappellera que ce roman est de peu posterieur a Consuelo. 7. Publie dans le numeros 17 de la revue Presence de George Sand, juin 1983, presentation par Thierry Bodin. Une premiere publication avait ete faite, de fa<;on imcomplete, en 1931, par Aurore Sand. 8. Publiee a la suite de Laura et du texte Les Charmettes dans !'edition Michel Levy, a laquelle nous nous referons pour ce texte et plus loin Laura. 9. Dans Rite, roman, initiation (Grenoble: Presses universitaires de Grenoble, 1973, reedition 1987), et dans !'introduction a !'edition de Consuelo aux editions de !'Aurore. I 0. Vair Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l 'lmaginaire (Paris: Bordas, 1969). 11. Vair man article, "Deux voyages initiatiques en 1864" in Hommage a George Sand, (Paris: P.U.F., 1969); Laura de George Sand et Voyage au centre de la terre de J. Verne, (Paris: P.U.F., 1989). 12. Mais pas seulement du XIXeme siecle. Vair mes articles: "Figures mythiques de la femme dans L'homme qui rit de V. Hugo", in IRIS, revue du Centre de Recherche sur l'imaginaire. 1 (2e trimestre 1986) et "La troisieme voix", in Cahiers internationaux de symbolisme (Mons, Belgique: Ciephum, 1989). 13. L'ecriture1emme (Paris: P.U.F., 1981). 14. Vair notamment, en mathematiques, les travaux de Rene Thom, en physique ceux d'llya Prygogine et de Basarab Nicolescu, en biologie d'Henri Atlan, en astrophysique, ceux d'Hubert Reeves. Vair ['article d'Hubert Reeves dans Sciences et lmaginaire, Centre de Recherche sur l'Imaginaire, ELLUG, U.F.R. de Lettres, Universite Stendhal, Grenoble, et !'article de Basarab Nicolescu dans IRIS 2. 15. Didier 259. 16. Didier 6. 17. Isabelle Naginski, George Sand. Writing for Her Life. (New Brunswick, N.J.: Rutgers University Press, 1991). Lukacher 37 jeu au niveau du politique. La declaration de Sand ne rejette-t-elle pas du meme coup les theses des franc-mac;ons et de Leroux dans l'oubli? C'est en effet sous l'influence des doctrines de Pierre Leroux que Sand va parler de la franc-mac;onnerie et de I 'initiation mac;onnique a laquelle Consuelo est soumise dans le troisieme volume de La Comtesse de Rudolstadt. L'utopie sandienne de 1844 deviendra pourtant realite lorsqu'en 1882 Maria Deraismes sera la premiere femme a etre admise dans la loge des Libres Penseurs. Trop tard bien sur pour que Sand s'en rejouisse puisqu'elle meurt en 1876. La croyance dans le "progres continu" et "l'immortalite de l'homme dans l'Humanite" sont les grands themes de Leroux que Sand va incorporer a son roman. L'ideal de justice et !'absence de prejuges qui poussent George Sand a s'occuper de politique sociale correspondent parfaitement aux idees de Leroux et le role misericordieux qu'elle trouve primordial pour la femme, s'illustre dans le personnage de Consuelo. Mais s'il est necessaire de commencer par ce stade de la mission feminine, "et ne pas commencer par ou on doit finir" selon Sand, que reste-t-il de l'emancipation de Consuelo? C'est la declaration de Sand a Flaubert qui remet precisement en question les intentions de l'auteur. Les diverses identites de Consuelo, ses roles multiples se trouvent finalement reduits a celui de mere et d'epouse a }'exclusion des autres modeles feminins (la diva, l'initiee mac;onnique). Les restrictions historiques qui contraignent finalement Consuelo a devenir l'interprete des paroles de son mari, Albert de Rudolstadt, a la fois mage et fou, rendent compte d'une autre lecture de Consuelo liant le politique a I 'idealisation de la domestication feminine. Dans cette etude, je montrerai les differentes phases conduisant a la mise en place de la domestication du feminin. I. Le sujet disciplinaire. Oh! qu'alors le sejour de cette terre sera doux aux hommes, et qu'il fera hon d'y etre ne! Quand nous serons tous freres et soeurs, quand les unions seront librement consenties et librement maintenues par la seule force qu'on puise en soi. George Sand, La comtesse de Rudolstadt Le pouvoir disciplinaire, lui, s'exerce en se rendant invisible; en revanche ii impose a ceux qu'il soumet un principe de visibilite disciplinaire. Michel Foucault, Surveiller et punir. Commenc;ons done par le resume de l'intrigue qui nous permettra de mettre en valeur le dressage de Consuelo dans un recit qui se donne pour tout autre chose. Le roman se deroule dans l'Europe du dix-huitieme siecle. Consuelo, brillante diva et enfant illegitime d'une bohemienne espagnole croit que son mari, le comte Albert de Rudolstadt est mort. Elle a epouse Albert par devoir, sur son lit de mort. La comtesse de Rudolstadt s'ouvre sur les succes de la Porporina (nom donne a Consuelo par son maitre de chant Porpora) a l'opera de Berlin. Mais ayant deplu a Frederic II de Prusse, elle est enfermee a la prison de Spandaw. Elle echappe a I'incarceration a perpetuite grace a !'intervention d'un chevalier masque, Liverani, dont elle tombe amoureuse et qui partage sa passion. 11 l'amene au chateau des Invisibles, le Saint Graal ou elle doit subir une Lukacher 39 excellence pour favoriser la creation litteraire. La venue a l'ecriture est le moment privilegie de la communication, elle s'adresse toujours a un destinataire en tant que message: "Mais j'ignore les maux que me reserve l'avenir, et si j'y succombe, du moins une trace de moi et une peinture de mon agonie resteront dans vos mains" (La. comtesse de Rudolstadt 3: 206). L'ecriture en tant que trace du moi equivaut a une sorte de survie de l'individu. Comme le rappelle Jacques Derrida dans Parages, "La voix narratrice revient a un sujet qui raconte quelque chose, se souvenant d'un evenement ou d'une sequence historique, sachant qui ii est, ou ii est et de quoi ii parle. Elle 'repond' a une police, a une force de l'ordre ou de loi. La voix narrative, elle, deborderait, si c'etait possible, l'investigation policiere."7 Dans La. comtesse de Rudolstadt, la voix narrative rend compte d'un temoignage futur de Consuelo contre le pouvoir du roi et de la loi. Ecriture captive du present mais qui imagine faire revenir le revenant ("une trace du moi") apres la mort. Mais n'est-ce pas de faire revenir un autre revenant dont ii est toujours question dans la fiction sandienne? Dans ce passage ou Consuelo s'interroge sur les chances d'etre lue un jour, elle revient sur les conditions de l'ecriture: "Oh! maintenant je remercie ma mere de m'avoir fait apprendre a ecrire, elle qui ne le savait pas!" (La comtesse de Rudolstadt 3: 206). Le retour a la mere morte est dans La comtesse de Rudolstadt ce qui rend finalement possible la venue a l'ecriture. Pour Sand, le don createur est lie au pouvoir de la mere. Deja en 1829, dans Le Voyage en Auvergne, Sand cherche une raison pour commencer a ecrire: "Me voila bien! si j'ecrivais a quelqu'un? oui, a ma mere, par exemple! a ma mere, ah Dieu! 'Oh ma mere, que vous ai-je fait? pourquoi ne m'aimez-vous pas? Je suis bonne pourtant. .."8 Dans cette lettre qui marque le desir de revenir a la mere, et son impossibilite, Sand signale sa defaite. L'ecriture est a la fois ce qul lie litteralement Consuelo a la mere, mais aussi ce qui separe Sand de la sienne. Le Voyage en Auvergne signale done l'absence de la mere et revele du meme coup la question de "a qui ecrire si ce n'est a ma mere?" Toujours dans Le Voyage en Auvergne, Sand s'adresse a une serie de destinataires possibles: "Mais mon Dieu a qui ecrirai-je done? Je vais ecrire a Zoe. A Jane plutot. Decidement je n'ecrirai pas, mais qu'est-ce que je fais done a present?" La figure de la mere en tant que mere interdite renvoie a la tentation du suicide d'une part et a la figure de la bonne mere d'autre part: "Si je me tuais? Mais non je ne peux pas. Maurice qui est la! Oh mon fils, n'aie pas peur que je te quitte. Va, ta mere t'aimera!" (OA 2: 505). Dans ce questionnement incessant, Sand a pris la place de la mere, Sophie Dupin. C'est elle qui restera avec son fils Maurice, le garantissant de son amour matemel. Sand marque le moment ou elle s'identifie dans l'ecriture a sa mere et en meme temps se differencie d'elle. Mais le rapport Sand/Sophie Dupin n'est pas analogue a celui de Sand/Maurice. Le rapport fille/mere est different du rapport fils/mere. Pour Luce Irigaray, c'est precisement dans cette difference que se joue le binarisme sexuel: "La femme n'est pas du tout dans le meme type d'identite subjective que l'homme. En effet, elle n'a pas a se distancer de sa mere comme lui: par un oui et surtout un non, un pres ou loin, un dedans oppose a un dehors, pour decouvrir son sexe. Elle se trouve devant un tout autre probleme. La femme, elle, devient sujet immediatement par rapport a un autre sujet meme qu'elle: sa mere."9 Or Sand contredit et invertit les termes de cette opposition: 'Tai observe Lukacher 41 D'apres Lucienne Frappier-Mazur: "The novel does not work through all of the potential meanings, but makes it clear that Liverani, because he preserves traits of a protecting, reassuring, living mother, can arouse physical passion in Consuelo. He introduces ar.. identification of the feminine with the life of the senses and a perfect continuity from the parental to the sexual, thanks to the mediation of the maternal." 14 L'association du maternel au sexuel dans le personnage de Liverani peut egalement rendre compte de la reaction de Flaubert. Liverani rend possible le passage des frontieres sexuelles en depassant !'opposition anatomique traditionnelle. Ce que Sand etablit c'est Ia presence du feminin dans Liverani/Albert. Cette fusion des deux sexes en un est deja ebauchee quand Albert raconte a Consuelo comment ii a ete designe, ii y a Iongtemps, par Ia mere de Consuelo pour etre son substitut. Elle Jui a confie un moment I'enfant (Consuelo) qu'elle portait: "Je vis alors un enfant de cinq a six ans, pale et hale comme sa mere, mais d'une physionomie douce et calme qui me remplit le coeur d'attendrissement. Je la pris dans mes bras." 15 La bisexualite d'Albert-Liverani repond en quelque sorte a la question de Flaubert, "j'ai Jes deux sexes, peut-etre." De plus, comme le souligne Frappier-Mazur: "Only when Liverani is recognized as Albert, however, does the novel fully sweep away the traditional opposition between woman as lover and as wife/mother."16 II devient aussi evident que la feminisation de Liverani permet I'identification inverse, Ia masculinisation de Consuelo. Ce processus deviendra particulierement interessant quand Sand, s'appropriant le mythe d'Orphee, le transforme en femme. II. Orphee au Feminin Orphee, oubliant sa promesse, se retourna trop tot; et Eurydice Jui fut ravie presque avant qu'il put Ia voir. La douleur d'Orphee imposa de nouveau silence a sa musique, cela jusq11'aux temps ou ii mourut sur Jes bords de l'Hebre. Mallarme, Les Dieux Antiques Le deuxieme enfermement de Consuelo au chateau du Saint Graal suit directement !'evasion de la forteresse de Spandaw: "Elle ne pouvait plus lever Jes yeux autour d'elle sans decouvrir quelque nouvelle sentence qu'elle n'avait pas encore remarquee, et qui semblait Jui defendre de respirer a l'aise dans ce sanctuaire d'une justice soupr;onneuse et vigilante" (La comtesse de Rudolstadt 3: 298). La surveillance invisible qui organise Ia place et le temps de Consuelo au Saint Graal est aussi rigoureuse que celle qui s'imposait a Spandaw: "Ma forteresse est belle, se dit Consuelo, mais elle n'en est que mieux close" (La comtesse de Rudolstadt 3: 292). Comme Foucault le remarque, Jes disciplines organisent des espaces a la fois architecturaux, fonctionnels et hierarchiques qui garantissent l'obeissance des individus. Or, toujours d'apres Foucault, I'amenagement des hierarchies amene a la constitution des tableaux: "Le tableau au XVIIIe siecle, c'est a Ia fois une technique de pouvoir et une procedure de savoir. II s'agit d'organiser le multiple, de se donner un instrument pour le parcourir et le maitriser; ii s'agit de Jui imposer un 'ordre'." 17 Cette volonte de hierarchiser, de discipliner qui s'applique aux differentes taxinomies du dix-huitieme siecle prend la forme de rites d'initiation a la residence des Invisibles. Lukacher 43 regard vers l'aimee n'abolit-il pas du meme coup la perfection du chant? Sand repose le probleme dans ses propres termes en montrant comment la perte de la voix de Consuelo la conduit a devenir uniquement mere et epouse. Dans le mythe comme dans le texte sandien, la domestication de !'artiste semble condamner l'art. Comme Orphee dont le chant est sacrifie a Eurydice, Consuelo perd la voix: "[elle] se presenta sur la scene. Elle se posa, et ses levres articulerent un mot...mais pas un son ne sortit de sa poitrine, elle avait perdu la voix" (La comtesse de Rudolstadt 3: 524). La faillite artistique de Consuelo est liee a son destin d'epouse. En acceptant de perdre la voix, Consuelo marque du meme coup !'impossible reconciliation de !'art et du mariage: "et remerciant Dieu de Jui envoyer cette infirmite subite qui allait Jui permettre de quitter le theatre et de rejoindre Albert" (La comtesse de Rudolstadt 3: 524). Pourtant la perte de la voix de Consuelo marque le moment d'un echec general: "Les Invisibles avaient disparu sous la persecution. Consuelo avait irremediablement perdu sa voix. A partir de cette epoque, ii est a peu pres certain qu'une vie obscure et de plus en plus pauvre fut le partage des deux epoux" (La comtesse de Rudolstadt 3: 531). Redevenue la Zingara, comme jadis sa mere, Consuelo reintegre son identite de femme et de mere. Le mythe initiatique sandien demontre, en 1844, !'effacement de !'artiste dans la mere et l'epouse. Si "ecrire commence avec le regard d'Orphee" selon Blanchot, ce regard est le mouvement du desir qui brise le destin et consacre le chant. En respectant l'interdit, Sand montre bien son intention de creer une autre possibilite artistique. La perte de la voix de Consuelo va finalement en sens inverse du regard d'Orphee. Alors qu'Orphee etait venu, non pas faire vivre Eurydice, mais avoir vivante en elle la plenitude de la mort, Consuelo sauve Albert de la mort en echange de sa voix. Si !'emancipation de la femme dans le mariage est parfaitement realisee ici: "Ecoutez mon fils; ii va vous chanter un cantique dont sa mere a fait la musique, et moi les vers" (La comtesse de Rudolstadt 3: 551), c'est tout de meme au prix du don artistique. Les identifications de Consuelo a Orphee et d'Albert a Eurydice ne sont que momentanees dans l'ecriture sandienne. Dans "La lettre de Philon" qui termine La comtesse de Rudolstadt, les divines improvisations d'Albert sont comparees a celles d'Orphee: "Ce Rudolstadt, qui n'avait d'abord voulu nous parler qu'avec Jes sons de la musique, comme autrefois Orphee, cet artiste qui nous disait avoir depuis lontemps abandonne la logique et la raison pure pour le pur sentiment [...] devint tout a coup le plus raisonnable des philosophes, au point de nous guider dans la voie de Ia vraie methode et de la certitude" (La comtesse de Rudolstadt 3: 559). Le regard d'Orphee condamne Eurydice a la mart une deuxieme fois. En abandonnant la place d'Eurydice pour celle d'Orphee, Albert a triomphe de la mart. Et Orphee-Consuelo se met au service de la bonne parole et d'une propagande egalitaire dans les villages de Boheme. L'echec politique de Consuelo La comtesse de Rudolstadt reste attache au role predominant de la mere: "Chacun reprit son fardeau, le pere le sac de voyage, le jeune homme les instruments de musique, et la mere les mains de ses deux filles" (La comtesse de Rudolstadt 3: 578). II est curieux que le retour a la figure matemelle chez Sand s'apparente a l'ideologie dominante du role de Ia mere au dix-neuvieme siecle. Dans "Fetal Attraction: Hegel's An-aesthetics of Gender," Eric Clarke note: "Bourgeois ideals of family life as a safe heaven of affective and intimate bonds, beyond the competitive and public world of men and their work, led to 'the differentiation of a mother-role.' Lukacher 45 18. A propos du bon emploi du corps discipline, Foucault reprend l'exemple de l 'ecriture: "Une bonne ecriture par exemple suppose une gymnastique--toute une routine dont le code rigoureux investit le corps en son entier, de la pointe du pied au bout de !'index" dans Foucault, Surveiller et punir 154. Alors que Foucault rappelle Jes prescriptions corporelles que Jes ecoliers doivent tenir en ecrivant, la naissance de l'ecriture est chez Sand liee a l'emprisonnement du sujet. L'ecriture devient done pour Sand comme pour Foucault le modele par excellence du sujet disciplinaire. 19. Maurice Blanchot, L'espace litteraire (Paris: Gallimard, 1955) 228. 20. Isabelle Naginski, George Sand, Writing for her life (New Brunswick: Rutgers University Press, 1991) 206. 21. Eric 0. Clarke, "Fetal Attracton: Hegel's An-aesthetics of Gender," Differences 3 (1991): 72-3. 22. Clarke 73. Crummy 47 Flaubert sums up in a few lines what Sand develops in several chapters; Jeanne, during her period of service at the chateau de Boussac, also takes care of the cows, becomes an object of jealousy and is driven away by an unjust accusation. Both works describe these faithful servants as they are seen through the eyes of their employers and are judged according to bourgeois criteria. Mme de Boussac values Jeanne primarily for her ability to work and speaks of her as a domestic convenience: Elle garde mes vaches, fait le beurre et les fromages a la creme dans la perfection. Elle dirige la lessive, range le linge, et conserve les fruits...c'est un excellent sujet: sage, rangee, laborieuse, douce et fidele, elle m'est devenue fort necessaire. C'est une veritable trouvaille que mon fils a faite la pour ma maison. (Jeanne 196) Like Jeanne, Felicite is characterized in terms of what a good deal she is for her employer: Pendant un demi-siecle, les bourgeoises de Pont-l'Eveque envierent a Mme Aubain sa servante Felicite. Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le menage, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et resta fidele a sa maitresse... ( CS 27) Her "bonne volonte et si peu d'exigences" make her a very useful and inexpensive household appliance. Felicite's praiseworthy traits are her industry and her economy; she wastes neither time nor money. She works so hard that she makes the other servants look bad: "Elle se levait des l'aube... et travaillait jusqu'au soir sans interruption... Personne, dans les marchandages, ne montrait plus d'entetement. Quant a la proprete, le poli de ses casseroles faisait le desespoir des autres servantes" ( CS 29). Hirsch and Czyba perceive a similar repressive social function in Sand's and Flaubert's portrayals of these peasant women. "Le corps de la servante est immanquablement source de desordre, d'ennuis et de dommages pour ses maitres," claims Czyba, "Aussi la morale bourgeoise tente-t-elle d'en nier l'existence" (287). It is true that both servants deflect desire. Felicite, who dresses modestly (covering her hair, legs and bosom), and never above her social station, seems middle-aged and sexless even as a young woman (CS 29), while Sand's Jeanne is oblivious to physical desire and effectively removes herself as a source of temptation and social disorder. Hirsch sees in Jeanne's vow of celibacy Sand's desire to: "... entraver l'exode rural, a fixer sur place les femmes qui s'expatrient pour gagner l'or des bourgeois, comme servantes ou comme maitresses. [...] Jeanne, refusant d'etre achetee, refuse de vivre: elle se trouve ainsi garantir l'ordre social que sa beaute a failli troubler..." (125, 126). Even more striking than the similarities in Jeanne's and Felicite's material lives and social roles, are the similarities in Sand's and Flaubert's portrayal of these peasant women's unorthodox religious beliefs. Although Hirsch and Czyba touch on the similarity between Jeanne's and Felicite's religious beliefs, they are primarily attentive Crummy 49 sorte d'extase tranquille, ou Jes images se succedent avec rapidite, merveilleuses, terribles ou riantes" (94). Upon waking, precisely in the moment between "veille" and "sommeil," Felicite's thoughts are a series of musings, a sort of tranquil ecstasy: "Chaque matin, en s' eveillant, ...elle se rappelait...Jes jours disparus, et d' insignifiantes actions jusqu'en leurs moindres details, sans douleur, pleine de tranquillite" (CS 7 4). Significantly, when Felicite is knocked down on the road to Honfleur, Flaubert communicates her thought as a rapid succession of painful images: ".. .la misere de son enfance, la deception du premier amour, le depart de son neveu, la mort de Virginie, comme Jes flots d'une maree, revinrent a la fois, et, lui montant a la gorge, l'etouffaient" (CS 73). Flaubert's image is reminiscent of Jeanne remembering her deceased mother: "sa reverie douloureuse Ia promenait dans tous les souvenirs de ce passe dont elle ne pouvait plus sortir" (Jeanne 94). In each scene memories wash over the heroine, pull her down; Felicite is smothered by her memories, Jeanne is trapped by hers. This similarity between Sand's and Flaubert's conception of peasant thought is not coincidental; it was a topic they discussed in their correspondence. In Jeanne, Sand likens the thought processes of peasants to those of children or ancient peoples: "C'est la meme activite, la meme poesie et la meme impuissance que !'effort de l'enfant a degager l'inconnu de son existence du voile qui la couvre. C'est le genie des songes s'agitant dans le vaste et faible cerveau de !'Hercule gaulois" (94). Sand believed that the thought of children and of more "primitive" peoples, although weak, contains the source of imagination, of poetry. 10 In his letter of February 24, 1869, Flaubert agrees with her assessment: Yous me dites des choses bien vraies sur l'inscience des enfants. Celui qui lirait nettement dans ces petits cerveaux y saisirait les racines meme [sic] du genie humain, l'origine des Dieux... Un negre qui parle a son idole et un enfant a sa poupee me semblent pres l'un de l'autre. L'enfant et le barbare (le primitif) ne distinguent pas le reel du fantastique. (Corr., Jacobs 219) It is a short step from Flaubert's equation of negre/idole, enfant/poupee to Jeanne/Grand'Fade and Felicite/Loulou. Felicite prays in front of her parrot Loulou, whom she equates with the Holy Spirit, "...elle implorait le Saint-Esprit, et contracta l'habitude idolatre de dire ses oraisons agenouillee devant le perroquet" (CS 77), just as Jeanne prays to a statue of the Virgin Mary, whom she equates with la grand'fade, the Queen of the fairies: "...Jeanne a genoux, sur son prie-Dieu, pale comme la vierge d'albatre qui recevait sa priere..." (468). In Un Coeur simple, Flaubert links Felicite's Holy Spirit with Jeanne's Virgin: "sur un vitrail de l'abside, le Saint-Esprit dominait la Vierge" (CS 45). These ignorant but devout peasant women weave disparate beliefs together to form their own unorthodox cosmology. Elements of ancient, non-Christian religious traditions such as animism, pantheism and Brahmanism in Sand's peasants' beliefs serve as a model for Felicite's unorthodox piety. Because of their lack of religious instruction, Sand's peasants in Jeanne confuse Christian beliefs with those of more ancient religions. "Nos paysans Crummy 51 fades [...]Les druidesses, les saintes fades ou les saintes femmes, etaient a ses yeux de bonnes chretiennes, des iimes envoyees du ciel... (377, 378) Although the cure considers the dolmen of Ep-Nell a pagan altar, the pious Jeanne does not doubt its sacredness. Rather, she combines its protective powers with her Christian beliefs, explaining to her frightened companions, while keeping an all-night prayer vigil over her mother's body on the dolmen: ".. . la pierre est une bonne pierre, et en disant des prieres sans avoir peur, il n'y a pas a craindre" (158). Nor does Jeanne see any conflict in calling the Blessed Virgin la Grand'Fade, responding to the cure's accusation of idolatry: "c;a ne lui fait pas deshonneur" (464). Likewise, she makes no logical distinction between her belief in fairies and in God; to her, both are equally orthodox, since she has seen neither: " ...il faut bien que j'y croie [aux fades]...Je n'ai pas vu le bon Dieu...et cependant j'y crois. D'ailleurs, ma mere y croyait, et je crois ce qu'elle m'a dit" (102). The beliefs Jeanne learned from her mother carry more weight with her than does official church dogma; she even goes so far as to dismiss the role of the Catholic church as an intermediary between herself and God: "Ce n'est pas au grand pretre [le pape], pas plus qu'a l'eglise de Rome, ou a celle de Saint-Martial de Toull, que j'ai fait mes promesses, ...c'est au bon Dieu du ciel, a la Grand'Vierge et a ma chere defunte mere" (467). Flaubert's portrait of Felicite's idolatrous prayers and ecstasies before her stuffed parrot pale in comparison to Jeanne's pious but heretical statements. George Willenbrink has admirably studied the pantheism of Felicite' s beliefs in Un Coeur simple, pointing out that Flaubert's notes repeatedly describe as "pantheiste" her reverie during the catechism lessons and her reflections on the Holy Spirit, which she imagines, etendu "sur tout, il y eut comme sa presence epandue partout, une assistance latente. "12 Flaubert's definitive version of Felicite's understanding of the Holy Spirit is also strikingly pantheistic: " ...il n'etait seulement oiseau, mais encore un feu, et d'autre fois un souffle. C'est peut-etre sa lumiere qui voltige la nuit aux bords des marecages, son haleine qui pousse les nuees, sa voix qui rend les cloches harmonieuses..." (CS 46). Willenbrink remarks that Felicite's pantheistic conception of the Holy Spirit contains similarities not only with the powers of the god Krishna, but especially with Western paganism, in particular the goddess Cybele, whom Flaubert describes in his first version of Saint Antoine.13 This similarity with the pagan goddess provides a link with Jeanne's Druidic lineage as the daughter of a priestess, thereby further underlining George Sand's contribution to Flaubert's conception of Felicite's primitive religious beliefs. Like Jeanne the good shepherdess, Felicite has a special affinity to the animal kingdom; the scenario stresses her power over animals: "Grande douceur de Felicite- puissance magnetique sur les animaux, poulets, abeilles, chiens, si furieux qu'ils soient" (Willenbrink 82). In the definitive version of Un Coeur simple, she calms cows by "murmurant une sorte de complainte" and wards off a raging bull by throwing clods of dirt in his eyes, a natural solution that does him no permanent harm and signals her connection to the earth and the animal kingdom (CS 37-8). Flaubert, who considered himself " .. .le frere en Dieu de tout ce qui vit, de la girafe et du crocodile, comme de l'homme...," dreamed of having such a link with the animal world: " ...me sentant de la meme nature que les animaux et fraternisant avec eux Voyage et descriptif sandien: Une serie infinie de miroirs Jeanne Goldin Dans tout texte relatant un voyage, une promenade: "l'espace est celui meme de l'itineraire fourni par la vie; et toute la conquete du voyageur, consistera justement en cette appropriation de l'espace d'abord par la marche (ou ses substituts) ensuite par l'ecriture" . 1 La narration epousera la linearite du parcours; la description en delimitera visuellement le cadre et en fixera les details. Dans l'utilisation scripturale d'un voyage reel et par-dela les variations de genres proteiformes, le reel decrit--et d'autant plus dans un recit a la premiere personne--est toujours important en soi et joue un role essentiel dans la progression temporelle de l'ensemble. Des deux textes que nous utiliserons, la premiere Lettre d'un voyageur suit ainsi l'excursion faite avec Pagello dans les Alpes du Trentin du 30 mars au 6 avril 1834.2 Le second texte: la promenade "Dans les bois", lors de l'hiver 1873, suivra le parcours de l'ecrivain et ses observations botaniques. Mais il n'est plus a demontrer en 1834 en plein apogee romantique, et encore moins en 1873, en pleine revolte symboliste, que l'interet de ces textes n'est pas de representer en quelques pages,--comme le disait ironiquement Schlegel--la Nature en abrege sans "chenilles ni insectes". 3 Ce que nous voudrions suivre ici, c'est le role essentiel des images donnees par la tradition dans l'organisation narrative; ce que nous pourrions appeler, eludant provisoirement les distinctions terminologiques et prenant l'expression dans un sens generique, la lecture allegorique des paysages. 4 Ce n'est pas un hasard si dans la preface de 1843 aux Lettres d'un voyageur, George Sand donne les cles de lecture en mettant l'accent sur les processus d'expression et d'action sur autrui aux depens des processus d'imitation, de representation, ou de designation. [La poes1e romantique]--ecrivait Goethe dans le fragment 116 de l'Athenaeum, generalement considere comme le manifeste de l'ecole romantique--peut a tel point se perdre dans le represente, qu'on voudrait croire que son but unique et ultime soit de caracteriser les individualites poetiques de toutes sortes; et pourtant il n'existe aucune forme qui soit apte a exprimer pleinement l'esprit de l'auteur: de telle sorte que tel artiste qui ne voulait qu'ecrire un roman s'est fortuitement represente lui-meme. 5 Cette autorepresentation dans les Lettres d'un voyageur n'est pas "fortuite" et le texte prefaciel, raffine les topoi" de l'ecriture autobiographique, insistant sur la forme epistolaire et les lettres lyriques et elegiaques, non sur la diversite des sujets et les differents types de voyages reels ou figures du recueil. En precisant que le recit n'est que le "reflet" des emotions qui l'ont fait naitre, en explicitant les theatralisations du narrateur, intermediaires entre la personne et les personnages de fiction, George Sand tire 2 Crummy 53 II la re�oit, ii s'en nourrit et la transmet toujours jeune et brillante a ses enfants nes de Jui, qui vivent et meurent enfants comme Jui" (Jeanne 378). What is distinctive of Jeanne, and what Sand most admires, is her. "volonte," the strength of her devotion to la Grand'fade and to her beliefs. Even when faced with a rational explanation for what she believed was the fairies' gift, she holds fast to her beliefs and to her vow never to marry: "Rien ne put ebranler la resolution saintement fanatique de Jeanne" (467). Jeanne's beliefs, however illogical they seem to the educated, make her strong, enable her to face life serenely with confidence in herself and in her destiny. "...[L]e serment, le contrat, le voeu de Jeanne, qui a engage sa foi," remarks Hirsch, "la garantit de la crainte, l'installe dans la confiance, la foi, foi en elle-meme et en l'avenir aussi bien que dans l'objet de sa croyance" (123). Sand explains that Jeanne faces life, "armee de la supreme patience, qui est la seule grandeur laissee en partage au pauvre et au foible" (Jeanne 79). Sand repeatedly describes Jeanne in terms of her beatitude, indeed, the first glimpse of the sleeping child remarks "un calme angelique" in her physionomy (24). Felicite exhibits this same serene confidence in her beliefs. Her pantheistic union with the natural world, like Jeanne's, seems effortless; her religion, according to Stirling Haig, is "a humble, Franciscan effusiveness and a steady acceptance of mortification."21 In his notes Flaubert describes Felicite's peaceful devotion as "une sorte de beatitude lethargique, sa meditation confuse" that contains "quelque chose d'indien, de brahmanique. "22 According to Willenbrink, Flaubert wanted to stress the similarity between Felicite's devotion and "the blissful state...of supreme peace... extolled in the Upanishads and in the Bhagavad Gita, which ascetics must seek through detachment... " (242): "...la toutes Jes passions sont inconnues, taus Jes sentiments s'evanouissent, et la conscience elle-meme se perd dans !'ineffable jouissance d'une felicite sans borne et sans fin". 23 As his correspondence attests, Flaubert believed that one only attained peace by relinquishing the search for happiness: "Le bonheur est un mensonge dont la recherche cause toutes Jes calamites de la vie. Mais ii y a des paix sereines qui l'imitent et qui sont superieures peut-etre."24 Similarly, it is the way Jeanne cared for her mother, "avec quelle abnegation elle Jui avait consacre sa vie," that makes her "un etre de quelque valeur" (Jeanne 86, 87). Both Felicite and Jeanne accept what life offers with a serene resignation similar to the Brahmanic quest for Nirvana. Neither seeks ordinary human fulfillment; they seem immune to the temptations of the flesh and react to the physical desire they inspire in others as to a joke; Felicite's response to Theodore's hints of marriage, "Elle reprit, en souriant, que c'etait mal de se moquer" (CS 33), echoes Jeanne's response to Marsillat's seduction attempts: "Bon, ban, amusez-vous! vous savez bien que Jes galants et moi �a ne va pas ensemble.[...] Ne me taquinez pas..." (Jeanne 383). Nor does Jeanne for an instant abandon "sa tranquille et grave innocence" when kissing her young and handsome godfather, Guillaume de Boussac (124). Both women's indifference to ordinary human desire is part of a process of detachment from earthly life. Jeanne's vow never to marry ultimately leads to her death, as she jumps from a window to avoid seduction. By maintaining her vow, suggests Jean Delabroy, Jeanne "affirme...!'exigence de !'abnegation, en tant que fondement de toute morale" (66). Felicite has made no such vow (although in Flaubert's notes she refuses 4 George Sand Studies sujet de l'enonce de la premiere lettre d'un voyageur est flagrante: entre Ia tendresse et I'amertume, Ia depression et l'espoir. Mais le narrateur, sujet de I'enonciation necessairement retrospective, Jui, a fait son choix, ii jouera sur cet entre-deux et utilisera le schema moral du recit evangelique pour structurer Ia Iettre. De fait, des le debut de I'excursion le long de la Brenta, Jes elements descriptifs: le premier plan dramatique, "la nature triste et voi!ee", Jes gemissements du vent, I' orage, le bois d'oliviers sont choisis en fonction de I'analogie evangelique explicitee et fondue dans une courte analepse: "Je pensais a Ia veillee du Christ dans le jardin des Olives et je me rappelai que nous avions parle tout un soir de ce chant du poeme divin. C'etait un triste soir que celui-la, une de ces sombres veillees ou nous avons bu ensemble Ia calice d'amertume."11 Suivra une Iongue apostrophe a Musset ou les expressions religieuses filent l'analogie: "Et toi aussi, tu as souffert un martyre inexorable; toi aussi tu as ete cloue sur une croix", le poete-Christ "connaitra son couronnement dans l'avenir".12 Revenant au cours de Ia Brenta qu'elle entend "gemir dans les tenebres", George Sand filera sans trop de subtilite, l'analogie entre le torrent et Ia vie de Musset, variante du chemin de Ia vie repris dans Ia 5e Lettre d'un voyageur: 13 Ia limpidite de Ia source originelle, la jeunesse sauvage de son cours tumultueux, Jes repos poetiques des lacs, Ia "course haletante parmi Jes rochers", l'accalmie qu'aurait pu Jui procurer leur liaison, vallee amicale qui en echange de "ses fleurs et de ses ombrages" se voit encombree de "graviers et de roches aigues". Mais ii faut bien dire que tres vite, l'analogie se gauchit: si Musset a "quelque grand peche a racheter", ce n'est pas dans le sens du rachat divin, s'il est l'enfant genial couronne par Dieu, s'il se souvient d'une autre vie, !'image du Christ s'efface au profit de celles d'Hamlet delirant ou de Stenio ruinant ses dons dans Ia debauche. Par une curieuse et significative inversion, c'est le narrateur lui-meme qui devient une figure christique et qui, buvant le calice jusqu'a la lie, est pret a "offrir [son] coeur" a "donner [sa] vie". Et c'est Jui qui assume la fin du recit dans une soumission a Dieu, qui, elle aussi, dans une demiere ambiguite, pourrait bien, indirectement, viser Musset: Ecoute, ecoute, Dieu terrible et bon! [...] Ecoute done celui qui te benit dans le desert, et qui aujourd'hui, comme toujours, t'offre sa vie et soupire apres le jour ou tu daigneras Ia reprendre. Ce n'est pas un demandeur avide qui te fatigue de ses desirs en ce monde, c'est un solitaire resigne qui te remercie du bien et du ma! que tu Jui as fait.14 Dans Ia suite de Ia Iettre, la symbolisation, pour etre plus subtile, n'en est pas moins de meme nature. Evoquant "les joies et !es souffrances" [...] partagees et portant les mains a son visage, le narrateur y sent l'odeur d'une sauge touchee quelques heures auparavant. Mais c'est a tort que l'on evoquerait Proust, car l'explicitation releve d'une interpretation toute I ucide: Quelle chose precieuse est done le parfum qui, sans rien faire perdre a Ia plante dont elle emane, s'attache aux mains d'un ami, et le suit en Crummy 55 To the urban observer, Felicite's behavior after her nephew's death seems unfeeling, for she automatically continues her usual domestic routine: "Des femmes passerent dans la cour avec un bard d'ou degouttelait du linge. En !es apercevant par !es carreaux, elle se rappela sa lessive; I'ayant coulee la veille, ii fallait aujourd'hui la rincer; et elle sortit de I'appartement" ( CS 56). Felicite's stoicism stands in sharp contrast to Mme Aubain's grief upon the death of Virginie: Le desespoir de Mme Aubain fut illimite. D'abord elle se revolta contre Dieu, le trouvant injuste de Jui avoir pris sa fille, --elle qui n'avait jamais fait de ma!, et dont la conscience etait si pure! ...Elle s'accusait, voulait la rejoindre, criait en detresse au milieu de ses reves. [...] Pendant plusieurs mois, elle resta dans sa chambre, inerte. (CS 60-61) As Sand explains in Jeanne, unlike an upper-class woman, a peasant woman cannot allow herself the luxury of self-indulgent grief: "L'habitude du travail, et l'impossibilite de se reposer de ses devoirs sur !es autres, l'empechent de s'abandonner aux temoignages extremes de sa douleur..." (Jeanne 105). Likewise, Felicite must tend to the practical aspects of death and life, preparing Virginie's body for burial and daily tending her grave: "Elle fit sa toilette, l'enveloppa de son linceul, la descendit dans sa biere, lui posa une couronne, etala ses cheveux (CS 60). ...Les plates-bandes disparaissaient sous une couverture de fleurs. Elle arrosait leurs feuilles, renouvelait le sable, se mettait a genoux pour mieux labourer la terre" (CS 61-62). Yet despite their stoicism, their Brahmanic resignation, these peasant women do grieve deeply, as Jeanne and Un Coeur simple clearly show. Felicite lets out her emotions and works through her grief by beating the washing: Sa planche et son tonneau etaient au bord de la Toucques. Elle jeta sur la berge un tas de chemises, retroussa ses manches, prit son battoir; et !es coups forts qu'elle donnait s 'entendaient dans Jes autres jardins a cote. Les prairies etaient vides, le vent agitait la riviere... ( CS 56) Felicite's solitary "coups forts" ringing out across the empty, windswept prairie evoke the ghostly "bruit d'un battoir de laveuse sur le ruisseau" that pierces the silence of Jeanne's midnight veillee of her mother's body, a noise she attributes to the legendary lavandieres nocturnes: "...ces etres fantastiques qui s'emparent, au clair de la lune, des planches et des battoirs des laveuses oublies dans !es endroits ecartes, pour venir y faire un sabbat aquatique d'une espece particuliere" (Jeanne 158). Both scenes associate this laundry-beating sound with death. In Jeanne, a superstitious peasant, fearing he will be drowned by the lavandiere, refuses to investigate the noise, "Je n'ai guere d'envie d'etre lave, battu et torsu comme un linge, a nuite, pour etre neye (sic) a matin" (Jeanne 160). Flaubert's melancholic description of the 6 George Sand Studies en voyant la neige, elle revint comme la colombe de l'arche et s'enfonc;a dans sa retraite pour y attendre le printemps encore." 19 Le reve d'Amerique, que le paysage sauvage de la route de Trevise a fait naitre, fera alors pendant au reve du Tyrol, mais cette fois-ci en ouvrant le present, "conquete epuisee[... ] espace deja franchi", sur l'avenir: Ce voyage d'Amerique avait deroule, en cinq minutes, un immense avenir devant moi; et quand je me reveillai sur une cime des Alpes, il me sembla que, de mon pied, j'allai repousser la terre et m'elancer dans l'immensite [... ] Hier me sembla resumer parfaitement trente ans de fatigue; aujourd'hui, ce mot terrible qui, dans la grotte d'Oliero, m 'avait represente 1'effray ante immobilite de la tombe, s'effac;a du livre de ma vie [ ...] et je sentis ma volonte s'elancer vers une nouvelle periode de ma destinee. "C'est done la oil tu en es? me disait une voix interieure; eh bien! marehe, avance, apprends".20 Et 1'evocation de Canova, liee a la traversee de Possagno et a la visite du musee, explicitera, sur le mode d'une parabole implicite, la destinee d'artiste qui s'ouvre au narrateur et l'immortalite de l 'Art comme remede a la mort. Dans les Derniere pages, volume posthume de 1877, dont certains textes, par leur sujet ou leur forme epistolaire sont comparables aux Nouvelles lettres d'un voyageur,2 1 l'on trouve un texte etrange de 1873: "Dans les bois". Sans etre une lettre, i1 s'adresse explicitement a un lecteur et nous foumit un exemple plus bref mais plus subtil du procede que nous avons etudie plus haut. 11 ouvre la premiere partie du recueil intitulee "Impressions et souvenirs", comme le recueil paru en 1873, sous ce titre. La structure du texte: Impressions et souvenirs/Reveries et souvenirs, 22 suit en effet cette heterogeneite apparente. Une tongue introduction justifie le titre de !'article. 11 s'agit d'une promenade botanique dans les bois, lors d'un hiver d'une douceur exceptionnelle. L'itineraire est marque ici par la description des plantes que le narrateur recherche et examine. A propos de la "floraison intempestive" et imprudente de la scabieuse, George Sand critique les descriptions livresques de 1'anthese, commente le role de "la spathe, cette tongue enveloppe boliacee qui sert a proteger les ombelles naissantes de l'angelique", elle observe les proportions inhabituelles qu'ont pris "les calices, les involucres, [...] les bractees [... ] les feuilles caulinaires", l'etat des genets pileux, des differentes bruyeres dont elle detaille les especes. Puis, apres quelques pages, elle interrompt brusquement la description: Yous croyez que j'ai pris la plume pour vous parter de botanique? Pas du tout, je signale malgre moi la situation florale, car je comptais parter de souvenirs et des reflexions qui me sont venus sur un sujet bien different. Oh! oui, bien different, car bien diverses sont les destinees humaines et les preoccupations des esprits. Celui-ci, enferme dans le cercle d'une modeste existence, s'en va, comme moi aujourd'hui, marcher tout un jour pour savoir si telle ou telle fleurette habite telle Crummy 57 Flaubert sincerely respected and admired Felicite's beatitude and selfless love. What mattered to Flaubert, says Willenbrink, was "the human goodness" of which Felicite's piety "was both an aspect and a symbol, and which amounted to one thing: love. .. .love is her answer to the absurdity of the human condition" (247). Clearly, Flaubert believed in the power of love, as he wrote in 1853: "L'amour! ...le secret du bon Dieu, l'ame sans quoi rien ne se comprend. "35 Flaubert perceived a Felicite-like serenity and capacity for love in George Sand,36 writing after her visit to Croisset in 1868, "[e]lle vous communique quelque chose de sa serenite" (Corr. Jacobs 181), and to Maurice Sand after her death, "[d]ans plusieurs siecles... on lira ses livres c'est-a-dire qu'on songera d'apres ses idees et qu'on aimera de son amour. "37 Indeed, to Flaubert, love was a higher aspiration than happiness, than life itself: Au-dessus de la vie, au-dessus du bonheur, ii y a quelque chose de bleu et d'incandescent, un grand ciel immuable et subtil dont les rayonnements qui nous arrivent suffisent a animer le monde; !'amour, !'amour, !'aspiration nous y envoie.38 Love is perhaps an illusion, but it is a powerful one that makes life and death bearable. Jeanne and Felicite face their own deaths with the same Brahmanic resignation with which they accepted the loss of their loved ones. On her deathbed, Jeanne "paraissait jouir d'un grand calme," and even when questioned about Marsillat, the would-be seducer who contributed to her death, she merely smiles with "une douceur angelique" (Jeanne 470, 471). Felicite, making her final peace, asks forgiveness of Fabu the butcher's helper, whom she suspected of having killed Loulou (CS 79). Both Sand and Flaubert describe their heroines' passing as a gradual extinguishing, a peaceful, Brahmanic sort of death: "...la fin de Jeanne devait etre aussi douce et aussi resignee que sa vie. [...] sa voix...s'affaiblissait de plus en plus ... " (Jeanne 473, 474). "Les mouvements de son coeur se ralentirent un a un, plus vagues chaque fois, plus doux, comme une fontaine s'epuise, comme un echo disparait..." (CS 83). Flaubert echoes Sand's stylistic device; Felicite's heartbeats slow "un a un," just as Jeanne's voice weakens "de plus en plus." Both Jeanne's and Felicite's tranquility and their climactic deathbed visions can be considered a reward for their virtuous lives, the ultimate consolation, the Nirvana of Brahman in the Bhagavad Gita: For the man who forsakes all desires and abandons all pride of possession and of self reaches the goal of peace supreme. This is the Eternal in man... Even in the last hour of his life upon earth, man can reach the Nirvana of Brahman, man can find peace in the peace of his God.39 Albert Thibaudet perceives "Jes puissances de lumiere" at Felicite's deathbed, a sign of "une vie gagnee." 40 I remark the presence of the power of light at Jeanne's deathbed as well. Jeanne's dying vision of the Queen of the fairies contains a powerful white light: "Oh! mon Dieu, voila la grand'fade devant moi; comme elle est blanche! Elle eclaire 8 George Sand Studies Dans le second texte, le rapport de George Sand a la nature a change. Sans doute s'agit-il encore d'une l�on, mais elle est implicite. Le lecteur ne voit pas immediatement que l'image presentee possede un sens autre; ce n'est que plus tard qu'il est conduit a un travail de reinterpretation. Le registre du descriptif n'est plus rhetorique exterieure et culturelle deployee dans son exhaustivite, mais experience instantanee; la contemplation n'est plus concentrique mais oeuvre sur un monde analogique ou tout est signe et que le narrateur trouve trop evident pour l' expliciter. La sensation de la vie universelle--lit-on dans "Le pays des Anemones" -prend possession de notre etre et le spiritualise en le dispersant dans le grand tout. C'est peut-etre la la signification du mot mysterieux de contemplation[...] Regarder la vie agir dans l'univers en meme temps qu'elle agit en nous, c'est la sentir universalisee en soi et personnifiee dans l'univers [...] Tout nous appartient, puisque nous appartenons a tout, et ce perpetuel echange de vie s'opere dans la splendeur du plus sublime mecanisme qu'il nous soit possible de concevoir. Tout y est beau [...] Tout y est grand[ ...] Tout y est heureux[...]! 27 Le texte de Goethe deja cite, exaltant le lien de nature entre poesie et symbolique, pourrait s'appliquer a la polyvalence du recit de voyage, a la decription romantique et a l'ecriture sandienne: Sa vocation n'est pas seulement d'unifier de nouveau tous les genres separes de la poesie et de mettre en contact la poesie avec la philosophie et la rhetorique. Elle veut et doit aussi tantot melanger et tantot amalgamer poesie et prose, genialite et critique, poesie d'art et poesie naturelle, rendre la poesie vivante et sociale[... ] Elle peut se perdre dans le represente[...] Elle seule peut devenir [...] un miroir du monde environnant tout entier, un tableau du siecle. Et pourtant, elle peut encore mieux flotter au milieu, entre le represente et le representant, sur les ailes de la reflexion poetique, libre de tout interet reel et ideal, et donner a cette reflexion une puissance toujours grandissante et la multiplier comme une serie infinie de miroirs.28 Universite de Montreal Crummy 59 apprehension critique de mythes anterieurs..." (121, 122). Sand believes that peasant folklore recounts the original myths, the most primitive human belief systems; thus, like peasant folklore,Jeanne's beliefs, which Sand valorizes as "poesie populaire" (Hirsch 123), and Felicite's, recount original myths. Sand's portrayal of a simple peasant girl's beliefs in Jeanne, like Flaubert's after her, seeks to call into question the alleged rationality of the educated classes and to revalorize the "original," pre-rational belief systems of more "primitive" peoples. Hirsch characterizes Jeanne's beliefs as: "...une resistance de Ia 'superstition' aux Lumieres, a I' ouverture, a la civilisation, ...[aux] desirs, supposes rationnels et civilisateurs,...de[s] 'bourgeois'" (120). As Delabroy remarks, Jeanne's strength lies in opposing to "le mouvement privatif de la modemite," "l'idee d'une origine comme en-dec;a de Ia representation meme, [...] le point hors raison mais essentiel a Ia raison, et hors histoire mais necessaire a I'histoire" (61). The peasants possess a knowledge of the divine that is not irrational, but pre-rational. As Delabroy summarizes, reason cannot explain everything: Jeanne reflechit ainsi sur la constitution d'un ordre du vrai, a la fois anterieur et transversal par rapport aux couches de rationalite accumulees: [...]Jeanne ou le peuple peuvent evidemment etre rapportes a !eur 'insuffisance' quant a Ia parole et quant a Ia pensee..., mais a l'envers, ...ils ...demontre[nt] l'insuffisance de la parole et le caractere obscene, toujours deplace de la raison. (62) In the beliefs of Sand's peasants, Delabroy remarks " ...une indifferenciation des figures, des identites, ...qui constituent...la reiteration clairvoyante des signes de !'essence de I'histoire" (64). As Simone Vieme has stated: "Cette religion du paysan, malgre ses puerilites, Iui[Sand] semble plus proche du sentiment de la divinite...que la religion officielle, et plus proche d'une certaine verite, d'ordre mystique, que la froide rationalite de I' education donnee au XIXe siecle aux enfants des nobles et des bourgeois."47 Sand believed that the peasants' knowledge of human origins gives them a mysterious strength: "Le paysan qui demeure fidele a son etre particulier possede une sorte de supplement d'ame. II sait des choses que Jes autres ignorent" (Vieme 21). Sand attempts to show that whether or not Jeanne's beliefs are based on superstition is irrelevant; they are the source of her strength, illusion equals strength. Jeanne, and Un Coeur simple after it, demonstrate the life sustaining, transcendent power of allegedly "irrational" beliefs. Both Jeanne and Un Coeur simple express nostalgia for the capacity for unquestioning belief and the accompanying security and confidence that modem, educated "rational" people have lost. Un Coeur simple is indeed, as Czyba claims, an ambiguous text, "a la fois constat de la perte des valeurs religieuses au XIXe siecle et expression de la nostalgie de ces valeurs perdues, d'un sacre, qu'a defaut de la religion, I'Art, le style, permettent de retrouver" (286). Likewise Jeanne, in Delabroy's eyes, "...constitue Ia commemoration d'une origine perdue et de ce qui va avec elle, ...ou la construction deliberee d'une impasse pour les modemes"; it is ".. .l'histoire de l'impossibilite de [!'] accomodation du regard modeme a l'origine..." (55, 57). In Jeanne, Sand writes that although modems only love symbols for the sake of finding a hidden meaning in them, 10 George Sand Studies 17. Lettres 659. 18. Lettres 667. 19. Lettres 668. 20. Lettres 674. 21. George Sand, Dernieres pages (Paris: Calmann-Levy, 1877). L'on y trouve des textes divers: des critiques de livres, des souvenirs a !'occasion de la mort d'un ami, de courts recits dont certains sont aujourd'hui dans !'edition des Oeuvres autobiographiques etc... "Dans Jes bois" 3-20. 22. Premier titre des quatre premiers articles de Impressions et souvenirs. 23. "Dans Jes bois" 7-8. 24. Jeanne Goldin, "George Sand et Jes grands hommes" dans Hommage a Annarosa Poli, (A paraitre). 25. "Dans Jes bois" 4. 26. George Sand et Alfred de Musset, Lettres d'amour (Montreal: La Pleine Lune, 1989), lettre de Musset du 10 mai 1834 (76). 27. George Sand, "Au pays des anemones", dans Nouvelles Lettres d'un voyageur (Plan de la Tour: Ed. d'Aujourd'hui, 1976) 58-9. 28. Ibid. Crummy 61 NOTES 1. Letter to Maurice Sand, August 29, 1877, Correspondance George Sand Gustave Flaubert, C.L. #318, qtd. in Claude Tricotel, Comme deux Troubadours: Histoire de l'aimitie Flaubert Sand (Paris: SEDES, 1978). 2. Claire-Lise Tondeur attributes Flaubert's interest in Sand's work to their friendship: "...c'est !'affection qu'il a pour !'auteur qui Jui fait apprecier !'oeuvre." "Flaubert et Sand: une admiration piegee," Revue de l'Universite d'Ottawa 54 (1984): 13. Alphonse Jacobs claims: "II nous semble hors de doute que Flaubert, s'il n'avait jamais connu George Sand aurait ecrit sa nouvelle quand meme, et que 'la tendance morale' et 'le dessous humain' de !'oeuvre n'en aurait pas ete change." "Introduction," Gustave Flaubert-George Sand Correspondance, (Paris: Flammarion, 1981) 11-2. Future references in the text as Corr., Jacobs. 3. Flaubert attended Sand's funeral at Nohant, "brise de chagrin," and immediately resumed work on the conte upon his return to Croisset, June 13, 1876, Corr., Jacobs 534. 4. George Sand, "Notice," Jeanne, (Paris: Nelson, CalmannLevy, n.d.) 5. Future references included in the text as Jeanne. Flaubert, who admired Sand's novels as an adolescent (praising Jacques in his Jetter to Earnest Chevalier, March 18, 1838), may well have read Jeanne when it was first published, and he could have consulted it later, as Sand presented him with her complete works around September 12, 1866, Corr., Jacobs 29, 75. 5. Sand's practice of openly voicing her opinions and emotions throughout her works ran counter to Flaubert's belief that great art should be "scientific and impersonal." As he wrote to Sand: "Je ne crois meme pas que le romancier doive exprimer son opinion sur Jes choses de ce monde. II peut Ia communiquer, mais je n'aime pas ace qu'il Ia dise (cela fait partie de ma poetique amoi)" qtd. in Jacobs 110, 190. Nevertheless, Flaubert, "qui aimait Jes sentiments exaltes" (Tondeur 12), appreciated the beauty and sensitivity, the emotional impact and the cathartic, purifying effect that certain of Sand's passages had on him, as his correspondence with her attests: ''<;:a m'a fait du bien, comme c'est tendre et exaltant" (12: 501), "apres avoir ete attendri, je me sens ranime" (14: 346), "votre piece m'a charme et fait pleurer comme une bete" (16: 152), Gustave Flaubert, Correspondance, 18 vols. (Lausanne: Rencontre, 1964), qtd. in Tondeur II. Future references as Corr., Rencontre. 6. Lucette Czyba, "La Servante au grand coeur," Lafemme dans Les romans de Flaubert (Mythes et ideologie), (Lyon: Presses Universitaires de Lyon, 1983) 28889. Michele Hirsch, "George Sand: Jeanne (1844): Esquisse d'une theorie de Ia magie," La magie et ses langages, (Lille: Universite de Lille III, 1980) 119-26. "[Jeanne] pourrait bien inaugurer dans Ia litterature fran<;aise, une serie de recits de Ia servitude feminine. II fait comprendre pourquoi Flaubert a dedie a Sand Un Coeur simple... " 126. 7. Gustave Flaubert, "Un Coeur simple," Trois Contes, (Paris: Garnier Flammarion, 1965) 30. Future references in the text as CS. 12 George Sand Studies sujet femme en tant que sujet complexe, sujet en mouvement et non fige dans une essence de convention. Cette entreprise de valorisation du feminin trouve son objet dans Jes themes que choisissent de traiter Jes voyageuses. La matiere de ces recits est en effet marquee par le feminin, le domaine le plus souvent explore par Jes voyageuses etant la vie domestique, la vie des femmes. Comment le texte de George Sand s'inscrit-il dans un tel ensemble? II semblerait plutot s'en eloigner et devoir etre associe en premier lieu avec le recit de voyage de la tradition romantique, "transport de l'ame avant d'etre celui du corps" ecrit Francis Claudon, "image dynamique ou s'inscrit le desir ou la nostalgie qui motive la quete toujours recommencee du moi romantique" precise Christian La Cassagnere (5). Dans cette perspective Henri Bonnet, commentant le passage ou Sand se proclame le sujet de son propre discours, l'objet meme de son voyage, conclut avec justesse: "On ne saurait etre plus explicite ni mieux definir le voyage romantique dont !'ensemble des Lettres foumit une belle illustration" (20). Le critique affirme plus loin que !'auteur "refuse de s'enfermer dans le role de la femme de lettres" (20). Le rejet de !'etiquette rigide d'une ecriture au feminin n'implique pas pour autant !'adoption d'une ecriture indeterminee, ne serait-ce que negativement au travers dudit rejet. Pour mieux saisir la complexite de l'ecriture sandienne du voyage, je la contrasterai a des ecritures qui se disent plus ouvertement feminines, celles de la comtesse de Gasparin et de Flora Tristan. La maniere dont ces ecrivaines identifient la personne narrant le recit illustre des rapports divers, si ce n'est divergents, a la feminite de convention identifiee plus haut comme l'une des donnees importantes de l'ecriture du voyage au feminin. Flora Tristan pose immediatement son texte comme texte autobiographique et se fait ouvertement sujet de son propre discours, ou mieux encore, l'enjeu de son ouvrage. La frontiere est alors delicatement definie entre l'autobiographie et le recit de voyage. Le texte de Tristan se veut regard feminin, temoignage du vecu feminin, autobiographie de l'apprentissage de !'existence feminine. II est en outre difficile de separer le militantisme declare de l'ecrivaine de son entreprise litteraire, et l'on ne peut dissocier cette entreprise litteraire de la feminite de !'auteur: son experience de femme est la substance de son recit. L'ouvrage de la comtesse de Gasparin n'est pas aussi decidement marque par le debat sur la condition des femmes. Cependant, en evitant la confrontation ouverte mais en faisant un usage parfois devastateur de l'ironie, la comtesse de Gasparin parvient a nous faire partager la situation ambigiie dans laquelle elle se trouve en tant qu'ecrivaine voyageuse. Le titre meme de l'ouvrage, Voyage d'une ignorante, suggere une lecture du texte comme voyage conventionnellement feminin et voyage se moquant du feminin de convention. L'auteur debute son recit de maniere lyrique et pour le moins traditionnelle: "Qu'il est triste et douloureux a passer le jour du depart, lorsque, vous entrainant loin de vos affections Jes plus cheres, ii ouvre votre coeur a des emotions dechirantes, ade sombres, ad'effrayantes idees" (7). Elle ne manque pas, neanmoins, de rappeler facetieusement a ses lecteurs et lectrices la difficulte d'une telle entreprise lorsqu'elle est celle d'une femme. Ainsi evoque-t-elle, apres les quelques paragraphes dument emotionnels sur le depart, les obstacles mis ace meme depart: Crnmmy 63 23. Frederic Creuzer, Religions de l'antiquite, trad. et adap. J.D. Guigniaut I: 1 (Paris, 1825) 27, qtd. in Willenbrink 242. 24. Letter #206 to Louise Colet, October, 1847, Conard 2: 55, qtd. in Carlut 799. 25. First Series scenario I (fo. 382), qtd. in Willenbrink 71. 26. Letter #181 to Louise Colet, December 19, 1846, Conard 1: 427, qtd. in Carlut 676. 27. Souvenirs, notes et pensees intimes, ed. Lucie Chevalley Sabatier (Paris: Buchet/Chastel, 1965) 60-1, qtd. in Willenbrink 238. 28. Letter #111 to Emmanuel Vasse, June 4, 1846, Conard 1: 209, qtd. in Carlut 796. 29. Folio 406, qtd. in Willenbrink 242. 30. Letter to Maxime DuCamp, April 7, 1846, shortly after his sister Caroline's death, "... a force de s'elargir par la souffrance, l'fune en arrive a des capacites prodigieuses," Conard 1: 202, qtd. in Carlut 793. Letter #113 to Louise Colet, August 6, 1846, "...le coeur humain ne s'elargir qu'avec un tranchant qui le dechire..." Conard 1: 218, qtd. in Carlut 793. 31. Letter to Louise Colet, September 30, 1853, Conard 3: 358, qtd. in Carlut 794. 32. Letter to Mlle Leroyer de Chantepie, November 4, 1857, Jacobs 5. 33. Letter #571 to Mlle Leroyer de Chantepie, April 6, 1858, Conard 4: 251, qtd. in Carlut 796. 34. R(ene) D(umesnil), Introduction, Trois Contes, by Flaubert, Oeuvres, vol. 2 (Paris: Pleiade, Gallimard, 1952) 577. 35. Letter #424 to Louise Colet, September 7, 1853, Conard 3: 337, qtd. in Carlut 677. 36. According to Wendy Deutelbaum, Flaubert admired Sand's "narrative genius, her wisdom, goodness, strength and serenity ..." "Desolation and Consolation: The Correspondence of Gustave Flaubert and George Sand," Genre 1 (1982): 283. 37. Corr., Rencontre 16: 179-80, qtd. in Tondeur 13. 38. Letter #441 to Louise Colet, November 29, 1853, Conard 3: 389, qtd. in Carlut 800. 39. Bhagavad Gita 2.71-2. trans. Juan Mascaro, (Baltimore: Penguin, 1962) 54-55, qtd. in Willenbrink, who claims that Flaubert knew this work in French translation (see Seznec 43-44). Willenbrink cites Flaubert's notation on the subscenario of the deathbed scene: "Souvenirs sans amertume--recompense de sa vertu," fo. 391 insert 242. 40. Albert Thibaudet, Gustave Flaubert (Paris: Gallimard, 1935) 194. 41. Martin Bidney remarks a parallel between Felicite's ecstacy before Loulou and George Sand's account in the last fifty pages of Histoire de ma vie Part III of her "experience of the love of God, an epiphany accompanied by a 'hallucination' (Sand's words) involving a dizzying white light." "Parrots, Pictures, Rays, Perfumes: Epiphanies in George Sand and Flaubert," Studies in Short Fiction 22 (1985): 210. Flaubert wrote to Sand, "[c]e qui m'a surtout frappe, [dans Histoire de ma vie] c'est la vie du couvent." Corr., Rencontre 12: 130, qtd. in Tondeur 10. 14 George Sand Studies l'ecriture du voyage, et du voyage romantique en particulier, peut alors librement supplanter chez George Sand I'aspect argumentatif du discours justificateur que I'on note dans un nombre important de recits de voyages au feminin (ce qui ne veut pas dire que l'argumentatif ne soit pas poetique ou creatif bien sur, mais plut6t que la position de !'auteur dans le texte y est mise en jeu differemment). C'est en ecrivain que Sand se met en scene. Le "juste", dira-t-elle dans un texte d'enfance mentionne dans Jes Lettres, "n'a pas de sexe moral" (134). La preface des Lettres est particulierement revelatrice dans la mesure ou elle precise la maniere dont I'auteur se pose comme personnage de son texte. Les lectrices et lecteurs savent pertinemment ce qu'il en est de la "reelle" identite de l'ecrivaine. Lorsque !'auteur se confond en excuse pour s'etre fait personnage de son propre texte, la dimension menac;ante du discours autobiographique feminin est alors revelee: Je mentionne tout ceci pour excuser aupres de mes lecteurs, amateurs de romans, habitues a ne me voir faire rien de pis, la malheureuse idee que j'ai eue de me mettre en scene a la place de personnages un peu mieux poses et un peu mieux drapes pour paraitre en public. (37-8) Sand attenue cette menace en minimisant la portee du discours strictement autobiographique: Que Jes amateurs de fiction me pardonnent un peu cependant. Dans plusieurs de ces lettres, j'ai travaille pour eux en habillant mon triste personnage, mon pauvre 'moi', d'un costume qui n'etait pas habituellement le sien, et en faisant disparaitre le plus possible son existence materielle derriere une existence morale plus vraie et plus interessante. (38) Le texte autobiographique est devalorise en premier lieu dans son opposition au romance pour n'etre que mieux introduit ensuite dans sa dimension fictionnelle. Un tel processus est contraire a ce qui se produit generalement dans le recit de voyage au feminin, ou la "verite" autobiographique est l'une des donnees du discours justificateur de la preface, mais le stratageme de Sand, son jeu avec le "je", revele egalement l'incongru et la complexite de l'autobiographie feminine telle que Domna Stanton !'analyse: "Because of woman's different status in the symbolic order, autogynography [ ...] dramatized the fundamental alterity and non presence of the subject, even as it asserts itself discursively and strives toward an always impossible self-possession" (15). L'ouvrage de Sand illustre de maniere litterale le processus de dramatisation du sujet analyse par Stanton. L'ecrivaine y refuse toute identification definitive avec les references offertes (homme, femme, enfant, vieillard) et met en scene le recit autobiographique par le biais de ces memes references. Le "je" feminin se multiplie dans l'ecriture: ii nous est revele dans son absence. Cependant le refus de Sand d"'ecrire en femme" ne doit pas faire ignorer Jes discussions developpees par l'ecrivaine dans certaines des lettres autour de themes se rapprochant de ceux que traite Tristan dans Les peregrinations. Bien que Jes deux 40 George Sand Studies l'enfance et le developpement de mon fils et de ma fille. Mon fils etait moi, par consequent femme bien plus que ma fille qui etait un homme pas reussi. "10 Cette economie subjective entre Sand et son fils peut se traduire par une identite sexuelle du meme. Des les premieres compositions orales d'Aurore, que Sophie Dupin appelle "ses romans," Sand s'exprime en fonction de sa mere; parlant d'une voix narrative feminine (Aurore), a la difference des romans ou intervient ce narrateur masculin, George, qu'elle s'est cree pour signer son oeuvre. Mais cette double identification sexuelle marque chez Sand une notion a laquelle elle reste attachee. Toujours dans cette meme lettre du 15 janvier 1867 adressee a Flaubert, Sand affirme que vues de pres les differences anatomiques n'existent pas, et ce qui apparait n'est plus qu'un sexe: "Et puis encore, il y a ceci pour les gens forts en anatomie: il n 'y a qu 'un sexe. Un homme et une femme c'est si bien la meme chose que l'on ne comprend guere les tas de distinctions et de raisonnements subtils dont se sont nourries les societes sur ce chapitre-la. " 11 La notion sandienne d'un "seul sexe" n'est-elle pas une metaphore pour l'acte meme d'auto-creation de l'ecrivaine? Entre les distinctions anatomiques, n'y a-t-il pas un autre element, une autre variante qui traversent ces differences alors meme qu'ils les marquent? Alors qu'Irigaray signale la necessite de construire et non de detruire la relation mere-fille, Sand marque l'arbitraire d'une telle relation. "Pour se constituer comme identite sexuelle, affirme Irigaray, une relation genealogique avec son propre sexe et le respect des deux genres est necessaire. " 12 Par !'affirmation d'un sexe unique Sand echappe aux contraintes de !'identification matemelle. L'ecriture sandienne est un autre exercice de liberation. Nee dans I'enfermement, I'ecriture viendra precisement temoigner un jour des conditions de sa liberation. L'ecriture est une sorte de traversee des frontieres, sa sortie, une condition de sa creation: "Oui, c'est un grand soulagement que d'ecrire en prison. Mon triste chant ne pen;ait pas l'epaisseur de ces murailles. Mon ecriture vous parviendra un jour" (La comtesse de Rudolstadt 3: 206). C'est done en tant que temoignage que l'ecriture occupe cet espace privilegie. L'ecriture est bien cette effraction sur le dehors qui s'emancipe des dispositifs disciplinaires dont elle reste prisonniere. Ce processus createur a toujours ete joue par Sand de la meme fai;on: incarceree au couvent dans sa jeunesse, elle se libere des contraintes environnantes en redigeant un journal satirique. II est evident que Sophie Dupin marque depuis toujours ce double mouvement par lequel l'ecriture sandienne nait du mouvement meme qui la tient prisonniere. Finalement, la declaration de Sand vient en reponse a la lettre que Flaubert lui ecrivait le 13 janvier 1867: "Je vous ai dit, n'est-ce pas, que j'avais relu Consuelo et La comtesse de Rudolstadt. Cela m'a pris quatre jours. Pourquoi suis-je 'amoureuse' de Liverani? C'est que j'ai les deux sexes, peut-etre. " 13 La question posee par Flaubert rend compte de cette indetermination sexuelle contenue dans le texte sandien. En etant "amoureuse" de Liverani (autre pseudonyme d' Albert de Rudolstadt), Flaubert questionne sa propre identification sexuelle ("j'ai les deux sexes, peut-etre") et celle de Liverani. La comtesse de Rudolstadt rend compte de ces "sexes qui en sont un" en refusant de representer des identifications sexuelles stables. George Sand critique d'art Henriette Bessis Les chefs d'oeuvre qu'on lit, qu'on entend ne vous penetrent jamais mieux que doubles en quelque sorte dans leur puissance par appreciation d'un puissant genie. Histoire de ma vie (262) Ecrivant a Delacroix 1 et parlant du demier livre d'Eugene Fromentin, ce peintre-ecrivain, cet ecrivain et peintre, George Sand estime que dans cet Ete dans le Sahara "la peinture est le mieux exprimee en mots et (...) le sentiment de l'art le mieux pense" (C 14: 345), ce qui complete ce qu'elle avait ecrit a l'auteur lui-meme le 27 mars 1857 au sujet du meme ouvrage: "C'est un tableau de Delacroix et j'y sens plus de certitude encore" (345). Peinture-ecriture, le signe et le mot, !'expression par !'image ou par le texte, le pinceau et la plume, art plastique et mot s'interpenetrent, se correspondent, se repondent, se conjuguent, dialoguent, en un echange constant et fort. Voila comment George Sand est habitee par ces deux representations puissantes qui sont "le resultat du sentiment et de !'imagination" .2 L'on retrouve bien souvent ce va-et-vient chez George Sand. Certains des personnages nes de son imagination semblent parfois avoir emprunte leurs traits a des visages peints ou sculptes que sa memoire aurait enregistres voire--photographies--d'une maniere indelebile. Pensons a sa notice en avant-propos de Jeanne3 ou elle evoque la Vierge d'Holbein qui l'avait "toujours frappe comme un type mysterieux ou [elle] ne pouvai[t] voir qu'une fille des champs reveuse, severe et simple... ". Pensons aussi a ce qu'elle disait de la Judith de Vernet. Elle la considerait "comme ce qu'elle avait vu de plus beau dans [sa] vie et apres laquelle on ne peut plus rien regarder" (C 1: 348, 790).4 Certains y ont vu une inspiration certaine du personnage, de la figure d'Indiana. Ne dit-elle pas dans Histoire de ma vie que "c'est dans la belle peinture qu'on sent ce que c'est que la vie: c'est comme un resume splendide de la forme et de l'expression des etres et des choses."5 Et combien George Sand aurait aime etre peintre! (OA 2: 845, 1835). C'est par la peinture qu'elle pensait acquerir un metier qui la libererait, par lequel elle s'exprimerait le mieux. Des 1831, elle faisait des portraits au crayon et a l'aquarelle qui Jui plaisaient assez car elle savait saisir la ressemblance (OA 2: 105) tout en manquant d'originalite, pensait-elle, mais susceptibles cependant de provoquer "une attaque d'apoplexie d'admiration" a Emile Regnault (C 1: 871).6 Le dessin, le croquis, on le sait, l'ont toujours tentee. Demierement, a Paris, s'est ouverte une exposition a la Bibliotheque Nationale, ou ont ete exposes certains de ses dessins inedits et un collectionneur prive en possede pres de 200: un savoir et une exquise delicatesse de sentiment se conjuguent a une surete de la main et du regard. 7 65 42 George Sand Studies Les rites d'initiation ma�onniques dont le dernier est le plus terrible au chateau du Saint Graal, rendent compte du dressage et du controle exerces sur l 'individu. Dans Surveiller et punir, le dressage peut etre "la mise en correlation du corps et du geste," c'est-a-dire "qu'un corps discipline est le soutien d'un geste efficace. " 18 Chez Sand, l'ecriture est un savoir qui reste toujours menace. En tant qu'artiste, Sand elle-meme revient au mythe d'Orphee qui est ce grand espace ouvert sur le chant, la creation poetique, le retour a l 'origine. Sand retrouve dans le mythe d'Orphee, dans l'interdit du geste, plutot que dans sa prescription, le modele de controle absolu. Dans le rite de passage que Jes Invisibles Jui imposent, Consuelo effectue une veritable descente aux Enfers ou ii Jui est interdit de se retourner sur son passage: "mais craignez pour votre ame; craignez de ne jamais arriver a la porte du temple, si vous avez le malheur de regarder une seule fois derriere vous en marchant" (La comtesse de Rudolstadt 3: 460). Sand place ici Consuelo dans la position qu'Orphee occupe dans le mythe quand ii vient chercher Eurydice. Mais alors qu'Orphee n'a jamais cesse d'etre tourne vers Eurydice, vers l'interdit, Consuelo ne se retourne jamais sur son epoux Liverani-Albert. Est-ii done encore question dans la reincorporation du mythe orphique dans le texte sandien de I'experience demesuree de la profondeur, experience que Jes grecs reconnaissaient comme necessaire a !'oeuvre? L'experience orphique devient pour Sand !'experience des limites. Elle est aussi pour Sand le triomphe de la vie. Ce que Blanchot remarque dans "Le regard d'Orphee," c'est qu'en se tournant vers Eurydice, Orphee ruine !'oeuvre, elle se defait immediatement, et Eurydice retourne dans l'ombre. En ce sens, Orphee est !'experience de la mort: "Mais ne pas se tourner vers Eurydice, ce ne serait pas moins etre infidele a la force sans mesure et sans prudence de son mouvement, qui ne veut pas Eurydice dans sa verite diurne, qui la veut dans son obscurite nocturne, dans son eloignement, avec son corps ferme et son visage scelle. " 19 Au contraire, Sand construit une Consuelo orphique qui libere finalement Albert de la nuit et de la mort en ne se retournant pas: "Que! etait done ce redoutable compagnon qu'il Jui etait defendu de regarder?" (La comtesse de Rudolstadt 3: 467). Comme Virgile qui affirme que Jes <lieux ont interdit a Orphee de regarder Eurydice, Sand souligne que !'interdiction de se retourner en arriere peut etre interpretee comme une defense de s'enquerir de la presence ou de l'identite "de ce redoutable compagnon." L'appropriation sandienne du mythe transforme aussi cet arret de tout mouvement en arriere vers une propulsion en avant. Dans George Sand. Writing for Her Life, Isabelle Naginski souligne Jes inversions que Sand fait subir au mythe d'Orphee, particulierement dans la transformation d'Albert en Eurydice: "Like Eurydice, Albert will return to the Netherworld. Prey to cataleptic fits that plunge him into deathlike trances, Albert convinces everyone, including his doctor, that he has died. Although his symbolic death is a prelude to his spiritual and affective regeneration, he never fully returns to the world of the living. "20 La reinvention du mythe orphique chez Sand marque aussi le glissement des identifications sexuelles. La feminisation d'Albert-Liverani deja soulignee par Frappier-Mazur permet d'explorer la masculinisation symbolique de Consuelo. En fait, comme !'a remarque Naginski, Consuelo marque la possibilite d'un Orphee femme. Le mythe d'Orphee contient aussi la problematique du devenir-artiste dans sa forme la plus evidente. L'amour conjugal est-ii finalement un obstacle a la creation poetique? Le 16 George Sand Studies En conclusion, la lecture des Lettres d'un voyageur comme texte feminin parait done illustrer de maniere exemplaire, dans sa dissimulation et sa "revelation", ce avec quoi le recit de voyage au feminin est aux prises mais qui est assume par Sand et integre des lors au processus de l'ecriture sans etre ouvertement debattu ou problematise par l'ecrivaine. Le sujet feminin est alors reellement sujet en mouvement, sujet insaisissable. Le portrait au style indirect que Sand fait d'elle-meme est certes caracteristique des interdits de l'ecriture au feminin, mais l'extraordinaire talent de l'ecrivaine est de jouer de ces detours jusqu'au point ou elle fait reculer et s'estomper l'interdit. La dialectique du recit de voyage au feminin entre dans sa phase synthetique. Ne pourrait-on finalement pas lire les Lettres d'un voyageur comme le moment de la legitimation de l'ecriture au feminin? The Pennsylvania State University OUVRAGES CITES Bonnet, Henri. "Introduction". Lettres d'un voyageur. Paris: Garnier-Flammarion, 1971. 11-32. Bossis, Mireille. "La femme pretresse dans les romans de George Sand". George Sand: Collected Essays. Janis Glasgow, ed. New York: The Whitston Publishing Company, 1985. 250-70. Chonez, Claudine. George Sand. Paris: Seghers, 1973. Claudon, Francis. Le voyage romantique: Des itineraires pour aujourd'hui. Paris: Philippe Lebaud, 1986. Gasparin, comtesse de. Voyage d'une ignorante dans le midi de la France et l'ltalie. 2 vols. Paris: Paulin, 1835. Hoog, Marie-Jacques. "Lettres d'un Voyageur: Texte initiatique". George Sand: Colloque de Cerisy. Simone Vieme, ed. Paris: C.D.U. et SEDES, 1983. 137-47. La Cassagnere, Christian. "Preface". Le voyage romantique et ses reecritures. Clermont-Ferrand: Association des Publications de la Faculte des Lettres et Sciences Humaines de Clermont-Ferrand, 1987. 5-7. Plantier, Therese. George Sand, ou Ces dames voyagent. Lyon: Atelier de Creation Libertaire, 1986. Sand, George. Lettres d'un voyageur. Paris: Garnier-Flammarion, 1971. Stanton Domna. "Autogynography: Is the Subject Different?" The Female Autograph. Ed. Domna Stanton. Chicago: U.C.P., 1984. 3-20. 44 George Sand Studies This 'mother-role' became the paradigm of femininity for many middle-class households. "21 En replac;ant Consuelo dans son role de mere et d'epouse, Sand remet implicitement en question l'emancipation de la femme. L'echec politique de Consuelo semble du meme coup retablir la difference sexuelle, "For Hegel the biological and social status of women were inseparable. '122 Le glissement de l'ernancipation feminine aux problemes du social est un des avatars de Consuelo. L'oubli sandien ("Consuelo La comtesse de Rudolstadt, est-ce que c'est de moi?") rejoue l'abandon de la fin oil Sand laisse Consuelo. Enfin, d'apres la notice de 1854, Sand remarque: "de sorte que je pourrais dire que ce qu'il y a de plus impossible dans mon livre, est precisement ce qui s'est passe dans la realite des choses" (Consuelo 1: 6). Et dans ce sens, Sand ne pouvait pas realiser encore la liberation de la femme. Northern Illinois University NOTES 1. Alphonse Jacob, ed., Gustave Flaubert-George Sand Correspondance (Paris: Flammarion, 1981) 120. 2. George Sand, Consuelo, La comtesse de Rudolstadt, vol. 1 (Paris: Editions Garnier Freres, 1959) iv. Toutes les references aConsuelo, La comtesse de Rudolstadt seront faites d'apres cette edition. 3. Marie Collins and Sylvia Weil Sayre, eds., Les Femmes en France (New York: Scribner's, 1974) 142. 4. George Sand, La comtesse de Rudolstadt in Consuelo, La comtesse de Rudolstadt, vol. 3 (Paris: Garnier, 1959) 297. Toute reference ace texte se fera selon cette edition. (Paris: 5. Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison Gallimard, 1975) 211. 6. Foucault 172. 7. Jacques Derrida, Parages (Paris: Galilee, 1986) 150. 8. George Sand, Oeuvres Autobiographiques, vol. 2 (Paris: Gallimard, 1971) 504. Toutes references aOeuvres Autobiographiques seront faites selon cette edition. 9. Luce Irigaray, Le Temps de la difference (Paris: Le livre de poche, 1989) 36. 10. Gustave Flaubert-George Sand Correspondance 121. 11. Gustave Flaubert-George Sand Correspondance 121. 12. lrigaray 37. 13. Gustave Flaubert-George Sand Correspondance 118. 14. Lucienne Frappier-Mazur, "Desire, Writing, and Identity in the Romantic Mystical Novel: Notes for a Definition of the Feminine," Style 18 (1984): 346. 15. George Sand, Consuelo, vol. 1 (Paris: Garnier Freres, 1959) 341. 16. Frappier-Mazur 346. 17. Foucault 150. Bessis 67 des peintures celebres pour Jes populariser et, dit-elle, "conserver intacte a la posterite la pensee des maitres a travers le temps et Jes evenements qui detruisent Jes originaux". Calamatta possedait une etonnante maitrise de son metier. L'on connait peu d'oeuvres originales de Jui car ii mit son talent au service des artistes; ses gravures sont ce que J'on appelle Jes gravures de reproduction, ce que Theophile Gautier appelait "J'instrument miroir" alors que d'autres n'appreciaient pas cet art-la. La gravure de reproduction est un art difficile qui demande avec une connaissance de la technique, un respect envers J'oeuvre a reproduire. N'oublions pas que la photographie ne commence a se repandre que dans la deuxieme moitie du XIXeme siecle et que la photogravure n'a pas encore, dans les magazines memes, remplace la gravure. La gravure de reproduction a connu un essor important au XIXeme siecle et elle etait prisee autant par Jes artistes que par Jes collectionneurs. George Sand avait beaucoup d'admiration pour Calamatta et Jeur amitie dura toujours, scellee par la suite par les liens de parente qui Jes unissaient. En effet, Lina Calamatta epousa Maurice Sand et elle entretint toujours une relation privilegiee avec sa belle-mere. Entre George Sand et Calamatta, ii n'y eut qu'une seule ombre tres legere due aux froissements qu'elle eut dans son amitie avec Delacroix. Celui-ci avait, en 1833, execute un portrait de George Sand, commande par Buloz. Calarnatta le grave en 1836 pour la Revue des Deux Mondes et ii prit la Jiberte d'apporter quelques retouches qui ne furent pas du gout de Delacroix. George Sand prit la defense de Calamatta tout en s'etonnant qu'il ait omis de signaler que la gravure etait une reproduction d'apres Delacroix (C 3: 440). Elle fut surprise de la reaction de Delacroix qui lui en voulait d'avoir pose pour le graveur et qui se brouilla quelque temps avec elle "pour bien peu de chose". Coi:ncidence peut-etre mais ii n'y eut aucun echange de correspondance entre eux pendant J'annee 1836. 11 semble bien vrai de toute far;:on que, selon les propres mots de Delacroix, Calarnatta ait "voulu refaire son portrait". Calarnatta en effet a plus interprete Delacroix que reproduit son oeuvre, et George Sand avait du s'en rendre compte elle-meme. George Sand a pose pour Jui plusieurs fois. Ce n'est que vingt ans plus tard que Calarnatta gravera un autre portrait d'apres ses propres dessins, la une gravure originale. George Sand n'a pas, a ma connaissance tout au moins, ecrit sur l'oeuvre originale de Calarnatta. En revanche elle a, a trois reprises, publie des articles11 sur des oeuvres de reproduction. Je vais done m'arreter a ces trois articles, concemant trois gravures de Calarnatta. C'est en 1837 que Calamatta expose au Salon sa gravure reproduisant l'oeuvre celebre de Monsieur Ingres, Calarnatta (1801-1869) le voeu de Louis XIII, Bibliotheque Nationale, Estampes, Paris. George Sand se charge en quelque sorte de la "promotion" de l'artiste-graveur. Elle ecrit a tous ses amis des Debats, de la Revue des Deux Mondes, de !'Artiste, du Temps, pour leur demander un article sur lui et "le faire mousser" (C 3: 697). Jules Janin Jui conseille d'ecrire elle-meme pour les Debats, mais elle refuse a cause de la divergence de ses opinions avec le journal. De plus, se trouvant "lourde, prolixe, declamatoire", elle prefere, dit-elle, publier dans Le Monde de Larnennais ou elle The Unorthodox Beliefs of Pious Peasants in Sand's Jeanne and in Flaubert's Un Coeur simple: a Comparison of Jeanne's and Felicite's Pantheism M. Ione Crummy Despite Gustave Flaubert's acknowledgement, "J'avais commence Un Coeur simple a son intention exclusive uniquement pour Jui plaire, " 1 critics have dismissed George Sand's influence on Un Coeur simple as primarily personal, because of basic differences in the two authors' aesthetic sense and writing style. 2 In this study, drawing on Sand's novel Jeanne and the correspondence she exchanged with Flaubert prior to and during the composition of his short story, I will show that Sand's influence on Un Coeur simple was both literary and intellectual. In Sand's letter to Flaubert of January 15, 1876 (a mere month before he began Un Coeur simple) she encouraged him to represent virtue in literature: "Ne prends pas la vertu vraie pour un lieu commun en litterature. Donne-Jui son representant [...] reviens a la vraie realite, qui est melee de beau et de laid, de terne et de brillant, mais ou la volonte du bien trouve quand meme sa place et son emploi" (Corr., Jacobs 519). George Willenbrink has perceptively interpreted Flaubert's letter to Sand of May 29, 1876 as his response to this earlier letter: "Yous verrez par mon Histoire d'un coeur simple oil vous reconnaitrez votre influence immediate que je ne suis pas si entete que vous le croyez. Je crois que la tendance morale, ou plutot le dessous humain de cette petite oeuvre vous sera agreable!" Un Coeur simple is indeed Flaubert's final tribute to George Sand, for she died on June 8, 1876, a little more than a week after this letter, and he completed the short story, burdened with deep sadness, two months later.3 This study examines George Sand's first romanjeuilleton, Jeanne, published in 1844 in the Constitutionnel, 4 as a literary source of Felicite's material life and spiritual beliefs in Flaubert's Un Coeur simple. The main character of both stories is a simple peasant woman of rock solid, if unorthodox, faith who devotes her life to those she serves. Despite the indisputable stylistic differences that separate Flaubert's tale from Sand's, 5 in comparing the two works, I find that Flaubert communicates indirectly through Felicite's appearance, thoughts and actions, the pantheism, the beatific resignation to suffering, grief, and death that Sand directly attributes to Jeanne. The material lives and social roles of the two servants, Jeanne and Felicite, are strikingly similar, a similarity that has been remarked, but not explored in depth, by Lucette Czyba and Michele Hirsch.6 Orphaned at a young age, Felicite, like Jeanne, earned her living caring for livestock and knew the rough, outdoor life, the arbitrary violence and injustice of the powerful, and the double bind of not pleasing her employers, or of pleasing them too much! ... un fermier .. .l'employa toute petite a garder les vaches dans la campagne. Elle grelottait sous des haillons, buvait aplat ventre l'eau des mares, apropos de rien etait battue, et finalement fut chassee pour un vol de trente sols, qu'elle n'avait pas commis. Elle entra dans une autre ferme, y devint fille de basse-cour, et, comme elle plaisait aux patrons, ses camarades la jalousaient.7 46 Departs et retours - une dialectique Anna Szabo De tous les departs qui puissent se faire dans un roman, l'un des plus significatifs est certainement celui qui, apres bien des peripeties, finit par se reproduire en sens inverse: le meme personnage qui, en obeissant a des motifs precis, quitte un lieu, va se decider, en obeissant a d'autres motifs non moins precis, a retoumer a son point de depart. A bien regarder ce phenomene, on voit qu'il y a la une vraie dialectique dans la mesure ou deux termes contradictoires finissent par se resoudre en une synthese, une sorte d'unite superieure. Aussi le voyage, dans le roman sandien, est bien plus qu'un simple deplacement dans l'espace. Ce motif archetypal, element recurrent et organisateur de l'histoire, se trouve, dans tous les cas, etroitement lie a l'itineraire spirituel du personnage dont le savoir--sur le monde et sur lui-meme--resterait beaucoup moins complet sans ce jeu d'affrontement a autrui et de repliement sur soi--d'action et de reflexion--que lui procurent les aventures et les epreuves d'un voyage. Rien qu'a faire l'inventaire des varietes de voyage qu'on trouve dans les romans sandiens, on depasserait largement les cadres d'un article. II y en a ou, comme l'avait dit Sand elle-meme, "ii ne s'agit pas tant de voyager que de partir", pour se distraire de quelque douleur ou secouer quelque joug. 1 Ainsi dans La Fille d'Albano, La Marquise, Lavinia, Metella, Leone Leoni, Jacques ou Le Dernier amour, les personnages partent vers l'incertain, l'infini ou vers quelque fatalite; ils se mettent en route pour eviter quelque faute ou fuir une trahison morale. Le mouvement du depart est ici a lui seul fonctionnel et porteur de signification; l'idee meme du retour s'y avere--et pour cause- impossible. A ce type d'histoire, ayant une partie cloturale essentiellement ouverte, peuvent en etre opposees d'autres ou la presence d'elements aussi antithetiques que le depart et le retour n'est pas etrangere a la composition plutot circulaire du recit. Dans cette categorie, on trouve encore des voyages metaphysiques, comme dans Laura ou- quoique les aventures "reelles" se trouvent remplacees par un voyage metaphorique, produit du reve et de l'imagination--le retour au reel (le reveil) est accompagne d'effets pareils a ceux qui s'affirment au bout des voyages "reels". Quant a Consuelo, avec ses peregrinations a la fois reelles et metaphysiques, c'est un roman qui peut jouir, sous cet aspect aussi, d'un statut particulier. Si !'episode final du roman, a caractere par ailleurs essentiellement ouvert, donne d'abord I'idee d'un voyage sans fin, il n'en suggere pas moins celle d'un retour aux origines. Dans ce cas-la, ii ne s'agit bien evidemment pas de retour au point topographique du depart, mais d'un retour a l'etat initial qui, du reste, a subi certaines transformations au meme titre que le personnage meme que son itineraire a litteralement metamorphose. Mais notre propos est ailleurs. Ce qui nous interesse, ce sont les "vrais" departs et les "vrais" retours lies a ce que Vladimir Propp appelle la sphere des protagonistes, consideres comme fonctions essentielles dans le deroulement de !'intrigue et jouant par la un role decisif dans le denouement meme de l'histoire. Si le depart a rarement lieu dans la partie preparatoire (mais bien plutot au coeur de !'intrigue, sinon a la fin de l'histoire, comme dans Mattea), c'est que les personnages ne se mettent pas en route par curiosite ou pour le simple plaisir de voyager. Leur 18 48 George Sand Studies to socially repressive ramifications. "[L]'etat de servante", asserts Hirsch, "...est vecu selon les categories du sacre; toutes renoncent a agir selon leurs desirs propres, pour attendre un autre sort dans un autre monde" (126). Sand and Flaubert do glorify Jeanne's and Felicite's ascetic lives of self-denial, but their motive is not to use religion as a means of controlling the lower social classes.8 In Un Coeur simple and Jeanne, Flaubert and Sand criticize bourgeois who can only appreciate these exemplary women as household conveniences; their central concern is to show Jeanne's and Felicite's deeper, hidden merits, beyond the economic merit of the faithful servant. In Jeanne, Sand explains that her peasant heroine's true nature is unappreciated, that she is "une a.me perdue dans l'infini de la creation intellectuelle, un etre ignore, inapen;:u" (Jeanne 86). Comparing Jeanne to "ces magnifiques solitudes du Nouveau-Monde qui n'auraient pour ainsi dire jarnais existe si elles ne se fussent revelees a un artiste ou a un poete," Sand justifies her own artistic mission (86). In her description of Jeanne at her mother's wake, Sand pierces the peasant girl's natural "reserve craintive et fiere" to expose, not "une a.me defiante et hautaine," as the uninitiated urban reader might expect, but rather "un coeur capable des plus grands devouements" (86-87). Lucette Czyba sets up a sharp dichotomy between Sand's social message and her appreciation of Jeanne's beliefs, and those of Flaubert, writing of Felicite: "...sa soumission al'ordre social, son respect des signes du pouvoir, sa devotion fetichiste et derisoire, la solitude finale de sa surdite au monde I'opposent radicalement a une heroine sandienne" (288). I believe, however, that Flaubert's respect for his heroine's beliefs is no less profound than Sand's respect for hers. Both authors seek, through their portrayals of these simple peasant women, to understand and illustrate the thought processes and belief systems of more "primitive" peoples. In Jeanne, Sand sought to portray primitive woman, "cette vierge de l'age d'or, ce type mysterieux," in a setting untouched by modem civilization, in the wildest regions of France. She believed that in order to be truly uncorrupted by modem civilization such a woman had to be illiterate: "Du moment qu'elle sait lire et ecrire, ...elle est autre" (Jeanne 6). Sand ponders a Rousseauian question: "quelles pouvaient etre les pensees d'un enfant de la nature, qui n'avait pas appris a lire, et dont !'intelligence (si tant est qu'elle en eut) n'avait re9u aucune espece de culture?" (Jeanne 93) Unlike Sand, who felt she had attenuated "la vraie grandeur" of her primitive peasant woman and altered "sa simplicite necessaire" by contrasting her with "des types de notre civilisation" (Jeanne 7-8), Flaubert had no such compunction; he juxtaposed Felicite with the modem world to accentuate her "grandeur," to show that her simplicity is inalterable.9 Sand's portrayal of the thought processes of an illiterate peasant woman inspires Flaubert's depiction of the illiterate servant Felicite. Textual similarities provide striking evidence of Flaubert's debt to Sand. She depicts Jeanne as "une fille des champs reveuse, severe et simple: la candeur infinie de l'ame, par consequent un sentiment profond dans une meditation vague, ou Jes idees ne se formulent point" (Jeanne 6). Felicite incarnates the dreamy, simple severity of an infinitely innocent soul, while her thought processes exhibit the vague, peaceful meditation of unformed ideas. Jeanne's thought is described as: "... [une] suite de reveries qui remplace dans le cerveau du paysan le travail de la meditation, et qui fait de sa veille, comme de son sommeil, une Bessis 69 Delacroix?). En effet, elle ecrira dans Impressions et Souvenirs, par exemple, (73), qu'elle ne comprend pas qu'il dedaigne la couleur ou tienne "en profond mepris l'ecole venitienne, le Titien en tete". Elle avoue cependant a Delacroix qu'elle l'aime, bien qu'elle le trouve parfois trop "systematique" et elle regrette qu'il Jui manque "la moitie de la peinture, la moitie de la vue, la moitie de la vie" (Impressions 75). Elle s'accorde done la avec Delacroix pour reconnaitre que la lumiere n'est pas "faite pour embellir" mais pour "animer". Cependant, toujours dans ce meme article, elle s'inquiete de savoir si la France artiste comprendra "le merite superieur de cette production" de Calamatta. Calamatta sur lequel elle va ecrire un second article a propos d'une autre gravure d'apres un autre grand artiste. C'est le Calamatta, La Joconde d'apres Leonard de Vinci, 1858, Bibliotheque Nationale, Estampes, Paris. "Quand je dessinais cette suave figure, seul, sous Jes voutes du musee, je me surprenais a rire avec elle (...). J'ai fini La Joconde. C'est une douleur pour moi. II y a si longtemps que j'etais heureux et tranquille avec elle", ecrit-il. L'on comprend peut-etre mieux avec cette confidence, ce qu'impliquait de concentration, d'identification a un autre ce travail de reproduction pour un artiste. Dans cet article, George Sand consacre une page a Calamatta alors que ses commentaires sur La Joconde et Leonard de Vinci occupent sept pages et quelles pages! agreables alire, presque intimes, fourmillant de references et de renseignements apropos du modele, cette celebre Mona Lisa, cette "!aide seduisante, ecrit-elle, [...] ideal de jeunesse, de candeur, d'intelligence et de bonte [...] une rose mystique, un sourire du ciel". Elle ne savait pas, disait Vasari que cite George Sand (et !'on sait combien George Sand se renseignait, s'informait avant d'ecrire), elle ne savait pas tenir la pose et Leonard avait "alors tenu" autour d'elle des chanteurs, des joueurs d'instruments et des bouffons pour la rendre gaie et Jui conserver ce divin sourire qu'apres quatre ans d'efforts le maitre parvint a saisir. Toujours ce gout du detail chez George Sand, et surtout, semble-t-il, ce respect pour !'effort (comme nous l'avons vu plus haut) pour le temps mis par !'artiste pour mener a terme et parfaire son oeuvre. Lecteur, semble-t-elle vouloir nous dire, sois attentif au fait qu'un artiste, meme genial, doit souffrir et connaitre parfaitement son metier pour nous donner a voir ou a lire son oeuvre. Mais elle se contredit soudain en affirmant que "!'expression de La Joconde fut saisie au vol par un coup d'oeil d'aigle". Quant au visage si connu, de Mona Lisa, jamais on n'a pu en percer le mystere et George Sand trouve son sourire "melancolique", propre a "l'etonnement" ou a "la reverie", tournant "le dos a un pays bien triste" du vraisemblablement a la couleur indefinissable de ce fond. Mais, poursuit-elle, n'est-ce pas le privilege des "grandes choses d'etre mysterieuses et d'exercer sans cesse !'imagination"? Car si La Joconde a provoque tant de commentaires, d'interrogations, c'est qu'elle intrigue tout autant que le Hamlet de Shakespeare, l' Enfer de Dante, le Faust de Goethe ou la Nuit de Michel Ange. Et voici George Sand exerc;ant elle aussi son imagination et batissant un veritable roman sur La Joconde. 50 George Sand Studies connaissent si peu le christianisme, !'education religieuse qu'ils peuvent recevoir est si elementaire ou plutot si nulle, que le mystere catholique et le mystere sans nom des cultes anterieurs sont egalement impenetrables pour eux" (378), and "...ils croient tout, la verite comme le mensonge, l'idolatrie comme la religion, et le druidisme comme le polytheisme" (115). Similarly, Felicite's sketchy religious instruction makes her unable to grasp dogma: "Quant aux dogmes, elle n'y comprenait rien, ne ta.cha meme pas de comprendre. [...] son education religieuse ayant ete negligee clans sa jeunesse" ( CS 46). Felicite's ignorance, claims George Willenbrink, enables Flaubert to illustrate her unconventional piety.11 The belief system of Sand's peasants is pantheist or animist, for they perceive God in all manifestations of the self-existing universe and attribute souls to natural phenomena. The peasants perceive Les fades, "Jes bons et Jes mauvais esprits [qui] melent Ieurs attributions autour de leur existence," in inanimate nature, particularly in the sound of the wind on the pierres-levees: "La pierre d'Ep-Nell est...harmonieuse, car son chant est presque continue!, et nos pauvres paysans veulent qu'il y ait Ia dedans un esprit enferme qui raconte le passe et predit l'avenir, en pleurant sur le present" (Jeanne 108). Jeanne, who considers the fades "des femmes qu'on ne voit pas, mais qui font du bien ou du mal"(102), experiences a communion with them through this sound: "... quand !'echo des rochers, repetait Jes demiers sons, Jeanne frissonnait d'une religieuse terreur qui n'etait pas sans charmes, s'imaginant entendre la voix claire et frele de la bonne fade se marier a la sienne..." (377). Sand's peasants practice nature worship, leaving offerings in the fairies' caves: ...toutes ces grottes...sont en grande veneration chez le paysan, a cause du sejour d'etres invisibles qu'ils cherchent a se rendre favorables en apportant clans leur sanctuaire un tribut quelconque, une feuille, un brin de mousse, n'importe quoi, pourvu que ce soit une marque de souvenir et de respect. (Jeanne 115-16) Jeanne follows this practice, leaving a bit of thym de bergere and a stone for the fades, preferring not to displease a power she does not understand: "<;a ne coute pas beaucoup de mettre une petite pierre" (103). She believes that the fades have a constant, powerful influence on her life: "...elles sont filles de Dieu ou filles du <liable. Elles nous aiment ou nous haissent, nous soulagent ou nous tourmentent, nous conservent clans le bien ou nous jettent clans le mal..." (307). Jeanne invents her own cosmology, centered on these fades or holy women, composed of Christian and pagan beliefs: Jeanne ne connaissait ni Jes mots ni Jes epoques auxquelles se rapportaient ces croyances vagues et profondes. Elle savait seulement, par sa mere, qu'il y avait eu autrefois des femmes saintes qui, vivant clans le celibat, avaient protege le pays et initie le peuple aux choses divines. Ces pretresses se confondaient clans son interpretation avec Jes 20 George Sand Studies Franc;ois, l'initiative du depart n'en vient pas moins d'un autre, le plus souvent d'une sorte de mandateur qui invite ou encourage le personnage a partir. Aussi, ces departs sont-ils moins brusques que les precedents et rarement solitaires: 4 les personnages partent en compagnie d'amis ou de parents ayant la meme destination et/ou le meme but.5 Les preparatifs proprement dits, la non plus, ne sont pas davantage mentionnes, sauf pour Germain a qui son beau-pere conseille de prendre ses "habits neufs" et la belle jument pour avoir "meilleur air" aux yeux de la veuve Guerin. Puisqu'il ne s'agit pas de departs clandestins, ces personnages prennent conge de leurs families et amis, les amoureux ont de tongues conversations avant de se separer, comme Yseult et Pierre ou Franc;ois et Madeleine; le depart lui-meme se fait parfois a la vue de tous, ou meme au milieu de signes d'amitie de tout un village comme dans La Mare au Diable. (Si Emilien part en profitant de l'absence de Nanon, il n'en dit pas moins ses intentions a son serviteur.) 11 arrive aussi qu'un regard amoureux ou amical accompagne le personnage qui s'en va. Ainsi Madeleine entrebaille sa porte afin de voir encore une fois Franc;ois; les jeunes maries a leur tour, dans Les Maitres sonneurs, montent sur une hauteur pour voir Joset et le grand bucheux le plus longtemps possible. Cette scene de separation est par ailleurs pleine de signes inquietants: les pressentiments de Joset, la fac;on dont il demande pardon a ses amis ou sa maniere de s'en aller "en silence et la tete baissee, comme brise ou recueilli" anticipent sur son destin tragique (492). Le depart de Jeanne n'est pas moins accompagne de funestes presages: sa mere morte, sa maison brulee, elle part "effrayee" et confusement consciente de transgresser un interdit.6 Elle est, en plus, escortee par son futur agresseur dont l'adjuvant guette le passage, cache derriere les blocs de rocher. Meme le bon cure qui la regarde s'eloigner, se sent a la fois triste et "soulage d'un grand trouble" apres s'etre debarrasse de Jeanne (127). Ces personnages ont une destination plus ou moins precise: un village, une region ou quelque but comme celui d'Emilien qui va rejoindre les armees republicaines pour "rentrer en possession de [son] honneur" (Nanon 174) et aussi pour meriter le bonheur qu'il veut se donner "comme une recompense" (176).7 Si, parmi ces departs, une place toute particuliere doit revenir a celui de Mattea, c'est qu'il est motive par la ferme volonte de rompre avec un mode d'existence. Analyser ce depart reviendrait a analyser toute la nouvelle dont la majeure partie est consacree aux preparatifs de la fuite qui n'a lieu qu'a la fin de l'histoire. Le recit sommaire du retour et de la reussite du personnage n'occupe qu'un dixieme du recit. 11 s'agit d'une fuite premeditee et realisee en plusieurs etapes dont l'elaboration soigneuse est a la mesure de l'enjeu: la liberation d'une jeune fille qui, de "pauvre opprimee" (267), devient "l'artisane" de son propre salut.8 Voyages "Ne lis jamais mes lettres avec l'intention d'y apprendre la moindre chose certaine sur les objets exterieurs; je vois tout au travers des impressions personnelles. Un voyage n'est pour moi qu'un cours de psychologie et de physiologie dont je suis le sujet, soumis a toutes les epreuves et a toutes les experiences qui me tentent [...] ." Cette "definition" que George Sand donne dans la Xe de ses Lettres d'un voyageur 52 George Sand Studies d'une communion pantheistique et tendre. " 14 His correspondence clearly indicates that he shares Felicite's pantheistic conception of divine presence: ...l'homme convaincu de Ia grande harmonie, celui qui espere le neant de son corps, en meme temps que son ame retoumera dormir au grand Tout pour animer peut-etre le corps des pantheres ou briller dans Jes etoiles, celui-Ia...n'est pas tourmente.15 As Willenbrink asserts, Felicite clearly represents Flaubert's own religious sentiments (245). Although neither Flaubert nor Sand had much use for organized religion, they both appreciated its attractions. Flaubert understood the sensual attraction of religion's myths and rituals, writing in 1847, "[l]a religion comporte en soi des sensations presque charnelles," and in 1859, "[q]uelle excitation ne puise-t-on pas dans les pompes du catholicisme?" 16 while Sand appreciated Christianity's emotional seductiveness, writing to Flaubert: "[l]e christianisme...en tout temps, ...est une seduction. Quand on n'en voit que le cote tendre, il prend le coeur" (Corr., Jacobs 189). Flaubert considered religion, and even dogmas, which he hated, 17 a natural human need: "...je considere le sentiment qui Jes a inventes comme le plus naturel et le plus poetique de l'humanite...J'y retrouve...necessite et instinct...".18 He appreciated Felicite's kind of dogma-free piety, 19 writing in Un Coeur simple: "[p]our de pareilles ames le sumaturel est tout simple" (CS 60). To Flaubert, dogmas are transient, but human beings' belief in something beyond themselves and their physical existence remains constant: Ce qui a change sur la terre, ce sont Jes dogmes, Jes histoires des Vischnou, Ormuzd, Jupiter, Jesus Christ. Mais ce qui n'a pas change ce sont Jes amulettes, Jes fontaines sacrees, Jes ex-voto, etc., Jes brahmans, les santons, les ermites, Ia croyance enfin a quelque chose de superieur a la vie.20 Flaubert considered belief in the Supernatural to be universal, as he wrote to Sand on September 19, 1868, "Ils sont rares ceux qui n' ont pas besoin du Sumaturel," yet he also believed that the majority of human beings are only able to conceive of God in their own image: "...quant a hausser les idees de la masse, a lui donner une conception de Dieu plus large et partant moins Humaine, j'en doute..." (Corr., Jacobs 196). This passage suggests that Flaubert had a greater respect for broader, less human conceptions of God; therefore, in his eyes, Felicite's ability to conceive of the divine in the form of Loulou, and even Jeanne's belief in the Grand'Fade would set them above the common herd, or what he disparagingly called "le betail humain." Thus Felicite and Jeanne share a transcendence as superior beings because they believe in something beyond themselves and beyond human perceptions. Flaubert, and Sand before him, seek to show that these "primitive" representations of the divine are no less valid than official dogma, and what is more, they are empowering. However unorthodox Jeanne's beliefs may seem, they are life sustaining, as Sand states: "Qu'importe l'ordre des faits au paysan? L'idee pour lui n'a pas d'age. Bessis 71 de l'un a l' autre artiste, de l'une a l' autre oeuvre, ce qui est un exercise de reflexion, de regard, de critique, de jugement, d'idee, de sentiment. George Sand se situe a la frontiere entre la realite (qui est ici !'oeuvre d'art qu'elle etudie) et le reve OU la realite revee qui est Sa propre fa9on de recevoir une oeuvre d'art et de la commenter. Bien entendu, il ne faut pas oublier, comme je le disais au debut, que ces articles sont nes de son amitie pour Calamatta dont elle appreciait tout a fait !'execution mais qu'elle voulait aussi promouvoir et mettre en valeur au-dessus de cette grande cohorte des graveurs du XIXeme siecle au metier sublime et au talent souvent incomparables. Mais George Sand aimait la gravure, elle la defendait, elle en possedait et elle en commandait aussi pour !'illustration de ses ouvrages dans cette correspondance qui Jui etait chere entre la litterature et l'art graphique. L'on connait Jes gravures de Tony Johannot et plus tard de Maurice Sand; elle encourage aussi Alexandre Manceau qui faisait egalement beaucoup d'estampes de reproduction d'apres Jes oeuvres de ses contemporains; elle aurait d'ailleurs aime, confie t-elle a Delacroix, le voir reproduire certaines de ses oeuvres qu'elle jugeait superieures a toutes Jes autres. Elle juge Jes Lambert "charmants" et j'en passe car tout au long de ses ecrits l'on pourrait relever toutes ses allusions a !'art plastique, comment ii a fait partie de sa vie, de ses emotions, de ses sentiments, de ses idees. "L'art, ecrit-elle, est pour nous une forme de la verite, une expression de la vie, tout aussi utile, tout aussi importante, tout aussi necessaire au progres que la polemique politique et la discussion parlementaire [... ]. L'art est le travail de !'esprit sur le sentiment" (Questions d'art 223-4). Quant a la critique d'art, bien comprise, elle est pour elle une veritable creation. Dans ces articles sur Calamatta, George Sand nous le prouve absolument puisque, comme elle !'a ecrit a propos de Gustave Planche (OA 2: 270), son but etait de nous instruire, de nous persuader, de nous apprendre a voir !'oeuvre et au-dela de nous apprendre a reflechir et a mieux nous comprendre nous memes. Ce qu'elle n'a pas dit mais que nous ressentons dans tout ce qu'elle ecrit sur Jes questions d'art est que nous, nous avons !'impression, la sensation, le sentiment de la connaitre mieux. Paris 54 George Sand Studies several marriage proposals), 25 but her fidelity to Loulou indirectly contributes to her death, since her deafness, ensuing isolation, and physical disintegration follow upon her frantic search for him. Indeed, Stirling Haig views Felicite's deafness and declining eyesight as "indices of her absorption into inner existence and slow, but steady passage from the human to the other worldly...her detachment from earthly concerns..." (313). Jeanne is similarly absorbed in her inner existence; when no one requires her services, "elle avait coutume de se perdre dans ses pensees" (Jeanne 93). This sort of absorption beyond earthly concerns appealed to Flaubert as well, as he wrote in 1846: " ...brahme...je voudrais bien l'etre. Je voudrais... exister dans cette absorption demesuree." He was attracted to the escape from self that religion permits and envied the mystic's fulfillment: "Je voudrais bien etre mystique: ii doit y avoir de belles voluptes a croire au paradis, a se noyer dans les flots d'encens, a s'aneantir au pied de la Croix, a se refugier sur les ailes de la colombe."27 Flaubert believed, as he wrote in his correspondence: "[p]our vivre...tranquille, il faut se creer...une existence interne et inaccessible..." . 28 In Jeanne, Sand shows that when peasant women react to emotional loss and grief with just such resignation and absorption, their reaction can be misinterpreted as unfeeling. To the urban observer, Jeanne's grief at her mother's death, which Sand describes as "cette douleur patiente et simple," seems strange: "...elle a toute sa presence d'esprit, elle semble resignee a tout, et en meme temps elle parait inconsolable" (Jeanne 106, 105). At her mother's wake, Jeanne appears numb, like a statue: ...agenouillee tout pres du cadavre, [elle] pleurait en silence, les yeux fixes a terre, et les mains entr'ouvertes sur ses genoux, ... ses yeux blancs, ouverts et fixes, tandis que des larmes qu'elle ne songeait point a essuyer ruisselaient sur ses joues; ...l'immobilite de sa consternation: tout contribuait a lui donner l'apparence d'une statue. (61-62) When she does move, it is automatically, "comme une machine poussee par un ressort" (71). Sand's portrayal of Jeanne's stoic grief is a model for Flaubert's depiction of Felicite's grief. Felicite reacts to the news of her nephew Victor's death with similar numb immobility, hands hanging empty, staring gaze: Felicite tomba sur une chaise, en s'appuyant la tete a la cloison, et ferma ses paupieres, qui devinrent roses tout a coup. Puis, le front baisse, les mains pendantes, l'oeil fixe, elle repetait par intervalles: --"Pauvre petit gars! pauvre petit gars!"... Sa tete retomba; et machinalement elle soulevait, de temps a autre, les longues aiguilles sur la table a ouvrage. ( CS 56) Just as Jeanne did, Felicite moves like an automat, mechanically repeating the same words and gestures at this moment and later at Virginie's deathbed: "Pendant deux nuits, Felicite ne quitta pas la morte. Elle repetait les memes prieres, jetait de l'eau benite sur les draps, revenait s'asseoir, et la contemplait" (CS 59). 22 George Sand Studies diverses (la cornemuse, puis la musique elle-meme pour Joset; !'heritage pour Franc;ois ou Didier pour Caroline); ils rec;oivent des "marques"--des blessures--comme Bernard ou Emilien. Ils subissent Ia tentation de l'amour--ou plutot de Ia chair--a Iaquelle, a !'exception d'Abel, ils finissent par resister grace au "fantome de l'arnie" qui se leve constamment devant eux. 12 Tot ou tard s'imposent le desir ou la possibilite du retour dont la motivation essentiellement psychologique--le desir par exemple de "revenir pleurer tout bas dans [son] berceau" (Jean de la Roche 93)--se trouve completee par une nouvelle rec;ue, un evenement imprevu ou une situation intenable.'3 Retours Sauf Germain--dont le voyage n' est pas des plus typiques--, tous les personnages rentrent au bout d'une absence plus ou moins prolongee, qui va de quelques mois a six ans, le plus souvent pendant la belle saison, accompagnes de chants d'oiseau, au milieu d'une nature gaie et luxuriante ou tout est promesse de vie et de bonheur. Ceux qui ont subi l'epreuve de la separation, rentrent seuls (sauf Bernard qui a ete entre-temps rejoint par Marcasse et Caroline, ramenee par son fiance et sa famille), apres la fin d'une guerre, la disparition d'un obstacle ou apres un exploit. D'autres peuvent arriver escortes d'amis ou de parents, comme Cristiano Waldo, avec sa rentree triomphale accompagnee d'une "petite caravane" (L'Homme de neige V: 183). Les circonstances du retour ne sont pas toujours aussi faciles ni aussi sans nuages que dans Mattea ou dans L'Homme de neige; Jes personnages ont plus d'une fois a affronter une derniere epreuve: Jes vicissitudes d'une longue traversee et d'une tempete comme Bernard; une explication penible avec Ia famille comme Germain ou des malentendus comme Sept-Epees. Fran�ois a son tour trouve Madeleine malade et ruinee, une belle occasion pour Jui de la guerir et de Ia secourir; Jeanne est agressee et enlevee sur le chemin du retour pour ne pouvoir rentrer que morte. Si la brusquerie du retour se trouve amortie par !'evocation de certaines etapes, ce n'est pas pour dedramatiser le retour mais bien plutot pour mieux preparer l'arrivee triomphale, voire I'apotheose du personnage (Mauprat, Jeanne, Franrois le Champi, La Mare au Diable, L'Homme de neige). L'irresistible desir des personnages, leur impatience se manifestent plus d'une fois par une impression de vitesse que nous donne leur retour. Franc;ois va "si vite qu'il ne [sent] pas la froidure et ne [songe] ni a boire, ni a manger, ni a souffler" (327); Sept-Epees prend la route "leger comme l'oiseau" (148) et marche si vite que "ses pieds [laissent] a peine Ieur trace sur le sable du chemin" (150). Quant a Jean de la Roche, ii arrive a l'insu de tous, aussi brusquement qu'il est parti. Quand le retour est presente dans l'optique de celui qui !'attend, cette impression de soudainete est tout a fait naturelle: Emilien arrive a l'improviste, alors qu'on le croyait deja mort; quant a Yseult, elle surgit devant Pierre "comme si elle filt descendue dans un rayon de lune" (385). Les personnages sont rarement aussi completement heureux que Cristiano Waldo. Dans la plupart des cas, ils sont partages entre Ia joie et Ia peur comme Fran�ois or Bernard; ce dernier invoque le ciel "avec une sorte de terreur" avant d'aller retrouver Edmee, pour eprouver encore devant sa porte "un nouvel effroi" (204). D'autres sont franchement tristes, pour des raisons par ailleurs tres differentes, comme Brulette ou Jean de la Roche. 14 56 George Sand Studies wind-agitated river recuperates this drowning theme: "...au fond, de grandes herbes s'y penchaient, comme des chevelures de cadavres flottant dans l'eau" (CS 56). In Jeanne, inspection of the mysterious, melancholic sound reveals: " ...une paysanne vetue comme les vieilles, et qui maniait son battoir a coups precipites, parlant seule, a demi-voix, tres vite, d'une maniere inintelligible, et comme en proie a une sorte de frenesie" (161). The ghostly lavandiere may well be Jeanne's aunt, the bad-tempered Grand'Gothe, like Felicite, working through her grief and anger at the loss of her sister and her home. When interrupted, her reaction is violent: "La lavandiere fit entendre une sorte de grognement comme celui d'une bete sauvage, et jetant son battoir dans l'eau, elle se leva, ramassa precipitamment des pierres dont elle accabla, en fuyant, Jes curieux qui venaient l'interrompre" (Jeanne 161). Similarly, Felicite, upon losing, first Theodore, then Victor, only gives vent to her grief at night when she is alone: "Ce fut un chagrin desordonne. Elle se jeta par terre, poussa des eris, appela le bon Dieu, et gemit toute seule dans la campagne jusqu'au soleil levant" (CS 33). "Elle retenait sa douleur, jusqu'au soir fut tres brave; mais, dans sa chambre, elle s'y abandonna, a plat ventre sur son matelas, le visage dans l'oreiller, et Jes deux poings contre Jes tempes" (CS 56). Felicite's "chagrin desordonne" is reminiscent of the "frenesie" of the lavandiere (although Felicite's violence is turned inward). Felicite's "eris" and "gemissement" recall the "parler inintelligible" and "grognement" of the lavandiere, underlining the animal intensity of her grief. Flaubert linked Felicite's resignation with animality in the Second Series as well, referring to "Son genre de calme et de beatitude" as "moitie animale, moitie mystique. "29 Sand too remarks the difficulty of distinguishing between Jeanne's resignation and the dumb plodding of a draft animal: "Et maintenant qu'elle n'avait plus personne a qui se consacrer, qui pouvait savoir si c'etait un etre de quelque valeur ou une creature stupide, attachee aux travaux rustiques comme le boeuf !'est a la charrue?" (Jeanne 87) To Sand, however, Jeanne's devotion to others lifts her above the common herd, makes her "un etre de quelque valeur." In Jeanne, Sand suggests that the intense yet resigned suffering of these peasant women enlarges their hearts, increases their capacity to love: "mais cette douleur patiente et simple prend racine dans son coeur plus profondement peut-etre que dans tout autre" (106). To Flaubert as well, suffering was an integral part of loving, indeed, as he expressed many times in his correspondence, suffering causes the human heart, the human soul to grow.30 In Flaubert's eyes, the greater one's capacity for suffering, the greater one's worth: "...a mesure qu'on s'eleve dans l'echelle des etres, la faculte nerveuse augmente, c'est a dire la faculte de souffrir."31 Suffering is yearning, striving, he wrote in 1857: "[m]ais nous ne valons peut-etre quelque chose que par nos souffrances, car elles sont toutes des aspirations."32 Felicite, whose love for Virginie and loyalty to Mme Aubain are reminiscent of Jeanne's devotion to her mother and to the de Boussac family, especially Marie (Jeanne 379), perfectly illustrates this, for her enormous capacity for love is closely linked to her capacity for suffering. These statements also reflect Flaubert's own experience ofloving, particularly his mother, who, in her last years, like Mme Aubain, "n'etait pas une personne agreable" and about whom he wrote: ''Comme nous souffrons par nos affections. ,m Flaubert himself made Felicite-like sacrifices to his own family, turning over properties to save his niece's husband from bankruptcy.34 REVIEWS CHALON, JEAN. Chere George Sand. Paris: Flammarion, 1991. 475pp. If one seeks a retelling and reinterpretation of George Sand's love affairs, Jean Chalan's recent biography is the perfect choice. Referring to statements written by George Sand in her correspondence, Chalan attempts to build the case that Sand's real romantic interests were Pietro Pagello, Michel de Bourges, Alexandre Manceau and Charles Marchal, rather than Stephane Ajasson de Grandsagne, Jules Sandeau, Alfred de Musset and, especially, Frederic Chopin. Sand scholars will not find this a particularly satisfying work, though, because Chalan reveals no new information about Sand's life or work. Chalan makes no effort to explain the need for yet another biography, and he relies almost entirely on the George Sand biographies of Andre Maurois, Joseph Barry and Pierre Salomon for his information. He also makes frequent reference to Georges Lubin's massive edition of over 24 volumes of Sand's correspondence, but he is completely silent on other sources of information that he, Chalan, may have consulted or discovered. Chere George Sand is essentially a popularized version of the life of Amantine Aurore-Lucie Dupin, baronne Dudevant. It reads easily, like a novel, following a chronology based primarily on romantic events in Sand's life. Chalan provides no new insight on Sand's work--it is not clear that he has even read very much of Sand's work! The main effect of the book will probably be to attract more readers to George Sand as an unconventional "personality," rather than as a novelist. A section of photographs and copies of drawings in the center of the book adds interest and authenticity but by no means equals the extensive photographic section in Curtis Cate's landmark biography of George Sand. The Sand scholar will be disappointed to find nothing that has not already been available for many years. Chalan's captions for the photo-graphs are sometimes helpful. The book has no index, no formal list of works consulted, and no introduction, and it is consequently difficult to work with for scholarly purposes. FRANKLIN I. TRIPLETT Muskingum College 73 58 George Sand Studies comme le soleil... Elle a le boeuf d'or sous ses pieds!" (Jeanne 475).41 Just as Jeanne's final vision is illuminated by the sun's light, so in Felicite's last moments, Flaubert describes a "grand soleil d'or qui rayonnait" (CS 83), thereby recuperating the golden quality of Sand's "boeuf d'or." Both Jeanne and Felicite are dominated by their respective visions; the Queen of the fairies appears "devant" Jeanne in a whiteness that lights up all, while for Felicite the heavens open and she is overshadowed by the multi-colored wings of "un perroquet gigantesque, planant au-dessus de sa tete" (CS 83). "Devant'' conveys a sense of being able to see, of presence, of judgement, while "planant" conveys a feeling of detachment, of floating in a dream, of being lost in abstraction or in a state of well-being and indifference to reality, while experiencing great pleasure. Flaubert had long envisioned such a death, writing in 1850 of his Flemish novel about a virginal mystic, "mon hero'ine creve d'exaltation religieuse apres avoir connu !'exaltation des sens."42 As Stirling Haig states, "Felicite is from the beginning associated with light, with color and with vision..." through her light filled room with its view of the prairies, which emphasizes access to a fertile, pastoral, "biblical world of Life and revelation" (304). Like Sand before him, Flaubert stresses his heroine's special affinity to this world at the moment of her death. In her final moments each former shepherdess thinks of her flock; Jeanne deliriously calls out the herding commands to her dog, "[e]lle rassemble son troupeau pour partir" (473), while to the dying Felicite, the parishioners gathered beneath her window make "le bruit d'un troupeau sur du gazon" (CS 82). It is significant that the "lucarne" with its view of the pastoral world is the source of the light that strikes the dead parrot's glass eye and "en faisait jaillir un grand rayon lumineux," sending Felicite into ecstasy ( CS 77). I do not believe, as Czyba claims, that "[l]e texte tend a degrader le devouement de Felicite et a en montrer la vanite," nor that Flaubert derides Felicite's final vision because it is based on illusion (285). I believe, rather, with Willenbrink, that Flaubert "was serious about Felicite, about her virtues, about her vision" (244), that, as Victor Brombert has stated, the "tenderness and compassion" of Un Coeur simple outweighs its irony. 43 Flaubert was in deep sympathy with Felicite.44 In Un Coeur simple, claims Haig, Flaubert emphasizes "the holy nature of illusion, ...its simultaneous powers of preservation and deliverance" (314), and it is Felicite's unquestioning belief and her acceptance of decay that preserves her from disillusion (311-12). Felicite's acceptance of the death of Victor and Virginie and her attention to the material aspects of death- preparing the body for burial and maintaining the grave--preserve her from despair. Haig suggests that, "Qu'importe la croyance! Le principal est de croire," may be Flaubert's "definitive statement on belief."45 The important thing for Flaubert was that Felicite believed she saw Loulou as the Holy Spirit, so she died happy, attaining spiritual comfort. Since Felicite dies at the moment of her vision, Alexandra Lajoux points out, its duration is "infinite."46 Thus illusion or belief gives Felicite, like Jeanne, the confidence to face life and death. Both Jeanne and Un Coeur simple explore the origins of belief and express nostalgia for this lost capacity for unquestioning belief and the security and confidence that accompany it. "Jeanne met en scene et reflechit, en-de<;:a, l'origine de la croyance", claims Hirsch, " ...pour Sand,...le conte est le premier savoir, 'la merveillosite primitive' est un temoignage du travail de I 'esprit, a la fois activite intellectuelle obscure a elle-meme et 24 George Sand Studies Si le voyage presente d'habitude un bilan positif, la fin de chaque histoire n'en suggere pas moins, parfois de fa�on tout a fait explicite, un desir de fixation.18 Apres l'equilibre retrouve, a quoi pourrait-on encore aspirer? Dans cet univers, pour emprunter ici les paroles de Stephen, on "a besoin d'etre aime d'abord, et puis de quelques instants de repos absolus apres le travail" (La Filleule 142). Universite Lajos Kossuth (Debrecen) NOTES 1. Un hiver a Majorque. (Meylan: Ed. de l'Aurore, 1985) 50. 2. Le depart au debut de Teverino semble faire exception. En effet, Sabina ne part que "pour passer gaiement la matinee". On sait cependant, combien ce voyage se revelera a son tour transformateur. 3. Editions utilisees: Matt ea, in Nouvelles (Paris: Des Femmes, 1986); Mauprat (Paris: Garnier-Flammarion, 1969); Le Compagnon du Tour de France (Grenoble: P.U.G., 1979); Jeanne (Meylan: Ed. de l'Aurore, 1986); Teverino (Paris: Michel Levy, 1869); La Mare au Diable (Paris: Garnier, 1981); Franrois le Champi (Paris: Garnier, 1981); Les Maftres sonneurs (Paris: Gallimard. Folio, 1979); La Filleule (Paris: Ed. de l'Aurore, 1989); L'homme de neige (Paris: Naumbourg, 1858); Jean de la Roche (Meylan: Ed. de l'Aurore, 1988); La Vallee Noire (Grenoble: P.U.G., 1978); Le Marquis de Villemer (Paris: Michel Levy, 1864); Mademoiselle Merquem (Ottawa: Ed. de l'Universite d'Ottawa, 1981); Malgretout (Ed. de la Societe des Ecrivains Ardennais, 1953); Nanon (Meylan: Ed. de l'Aurore, 1987). 4. Sauf les deux premiers departs de Joset, artiste "maudit", qui disparait tout simplement, sans avertir personne. 5. Germain et Marie, Jeanne, Brulette; le dernier depart de Joset; Yseult, qui est, quoique consentante, "enlevee" en quelque sorte, tout comme Jeanne; Cristiano Waldo, Celie Merquem. 6. "... �a n'est pas bon de quitter sa famille et sa maison"--lui disait sa mere (111). Le souvenir de ces paroles revient a Jeanne lorsqu'elle tente de regagner son pays (234). 7. Dans les episodes de depart, on trouve aussi des motifs archetypaux, comme une benediction ou un gage de fidelite re�us. Voir Mauprat, Franrois le Champi. 8. Pour !'analyse de Mattea, voir la preface de Marie-Jacques Hoog, in Nouvelles 237-46. 9. Sur les 16 romans analyses, il y en a 5 ou la sequence du voyage represente une partie considerable du recit: Teverino (presque 100%), Jeanne, La Mare au Diable (50%), Les Maftres sonneurs et Le Marquis de Villemer (a peu pres 30%); dans le reste, elle oscille entre 0% et 15%. 10. Le cas de Jeanne, malgre certaines ressemblances, est tout a fait particulier, a cause surtout du caractere mythique du personnage. Si elle ne change pas, c'est qu'elle possede deja la perfection. Elle aussi apprend neanmoins ou plutot, pressent confusement une chose: c'est que ses valeurs a elle n'ont pas cours dans le monde. Voir 60 George Sand Studies "Jeanne et ses pareilles" see in them "de grosses et terribles realites" and that encouraging them to see symbols as mere symbols destroys their faith in poetry. Delabroy, referring to this, states: ...le rapport d'un modeme au symbole ne saurait etre le meme, puisque toujours necessairement pris dans I'explication, que celui du peuple, toujours immediatete; et d'autre part, on ne peut tenir ni faire tenir ensemble symbole et rationalite, ou poesie des origines et education positive. . . .impossible de se degager du symbole sans sortir completement de sa sphere, ou encore de le traiter comme outil de sens sans entarner le processus du pittoresque, ou I 'image devient jeu au lieu de manifester I'absolu, avec l'ensemble des effets degradants du point de vue de la socialite qui accompagnent la disparition de toute croyance. (65) This passage can explain why educated readers have so often interpreted Flaubert's depiction of Felicite's belief and her vision as ironic. Modems lack the immediacy of the peasant; their positive education and habits of rationality have made it impossible for them to view the symbol or image as a manifestation of the absolute rather than as a mere literary tool. They have lost the ability to believe without analyzing. What Flaubert's creation, Felicite, has in common with Sand's Jeanne, is her transcendence as a superior being, because she believes in something (however "irrational") beyond herself. Both authors portray these peasant women as modem saints, unappreciated by the modem world, but nevertheless worthy of imitation, as Flaubert's marginal notes of the First Series scenario substantiate: "Son genre de bonheur. Son calme. Pour que ce soit la moralite de l'histoire, qu'on ait envie de l'imiter" (fo. 400, Willenbrink 242). I agree with Willenbrink's assertion that "without George Sand" (and indeed, without Jeanne) " ...the scenario and drafts might never have spoken of [Felicite's] tranquility and blessedness as qualities deserving of imitation ..." (246). Contrary to Czyba's assertions, Felicite's destiny is no less sublime nor more pathetic than Jeanne's; Felicite, to whom Flaubert attributes "un coeur qui n'a battu pour rien d'ignoble," is as pure as Jeanne, and like Jeanne, has a superior understanding of nature and of life. Czyba's statement about Jeanne, although meant to exclude Felicite, does apply to her as well: "[!]a 'simplicite' de Jeanne est synonyme de purete heroi:que, c'est-a-dire de la seule saintete encore possible sur cette terre. Aussi cette heroi:ne peut-elle incamer le mythe romantique du peuple sacre, etre...la figure revee de l'etre superieur" (288). Like Jeanne's, Felicite's simplicity is that of heroic purity, and she too is a superior, transcendent being. University of South Dakota Reviews 75 audience to which it appeals because of its apparent simplicity and humanity. "Let us wander forth, through the woods and fields, with hearts as open as our eyes." So Sand addresses her readers in the introduction of one of her "rustic" novels, Les Maitres sonneurs. With this double injunction in mind, readers can travel into the rich vistas of the writer's "world," so vividly evoked in its many aspects in the 1991 volume. GERMAINE BREE Kenan Professor of Humanities Emerita Wake Forest University DIDIER, BEATRICE AND JACQUES NEEFS, eds. Ecriture du romantisme II. George Sand. Saint Denis: Presses universitaires de Vincennes, 1989, 159pp. Today there are several ways to gage a French writer's degree of inclusion into the literary canon: an annotated edition of the completed works; publication in the Pleiade collection; scholarly studies of the manuscripts. To this day there is still no complete edition of George Sand's works. Only Histoire de ma vie has been deemed sufficiently canonical for the Pleiade collection. The book under review, however, provides a fresh and serious examination of Sand's manuscripts, surely a sign of progress. Sandistes know that there are three important "fonds George Sand" in France: the Spoelberch de Lovenjoul Collection (recently moved from Chantilly to Paris), the collection at the Bibliotheque nationale and the one at the Biliotheque historique de la Ville de Paris. This volume provides an eminently useful overview of the first two. Jacques Suffel describes the Lovenjoul Collection; Roger Pierrot's article regarding the Sand holdings at the Bibliotheque Nationale is supplemented by an appendix compiled by Anne Herschberg-Pierrot of the Sand manuscripts which can be found there. This is followed by a remarkable article by Georges Lubin, the dean of Sand studies, that not only affords an extremely useful guide to the location of the various collections of letters, but also offers perceptive insights into Sand's dramatic change of handwriting in April 1856. Finally, in the appendix, Marie-Liesse Petit-Housty provides a general inventory of Sand's manuscripts. These studies alone are worth the price of the volume, providing precious information about the Sand corpus in unpublished form. The remaining articles deal with individual texts. In their various examinations all critics show how Sand's manuscripts are rich in suppressions, corrections, transformations and rewritings. Beatrice Didier studies what she calls the "zones cachees" in Histoire de ma vie. The various levels of suppressions vary from self censorship to stylistic concerns to a refusal to delve into sensitive family issues. Nicole Mozet's article on Pauline, a text which was composed in two periods, 1832 and 1839, shows that the opposition of the two heroines is yet another instance of the binary structuration in Sand's early works. But she also suggests that Sand's own fears are latent in the text: "Pauline est le repoussoir de Laurence-George Sand mais il plane sur 62 George Sand Studies 8. In his correspondence, Flaubert criticized the bourgeois who would do so (Jacobs 82). 9. Flaubert initially conceived of Emma Bovary as "une vierge, vivant au milieu de la province, vieillissant dans le chagrin et arrivant ainsi aux demiers etats du mysticisme et de la passion revee," which is precisely how he later portrays Felicite. Letter #526 to Mlle Leroyer de Chantepie, March 30, 1857, Oeuvres completes de Gustave Flaubert, Co"espondance, nouvelle edition augmentee, 9 vols. (Paris: Louis Conard, 1926-1930) 4: 168, qtd. in Charles Carlut, La Correspondance de Flaubert, Etude et Repertoire Critique (Paris: Nizet, 1968) 794. Future references as Conard. 10. Robert T. Denomme calls Felicite a "child poet," "Felicite's View of Reality and the Nature of Flaubert's Irony in 'Un Coeur simple,"' Studies in Short Fiction 7 (1970): 579. Sand's comparison of the peasant with the child, according to Jean Delabroy, "...design[e] aussi dans le peuple l'origine de nous-meme: la deraison peut s'entendre aussi comme cette puissance surproductive et figurative gagee sur une intimite quasi organique avec le reel, et qui s 'appelle 'poesie' au sens premier et fort." "Homere en rebus: Jeanne ou la representation aux prises avec la question de l'origine," George Sand, Collogue de Cerisy, ed. Simone Vieme, (Paris: SEDES CDU, 1983) 55. 11. George A. Willenbrink, "Religion and the Dossier," The Dossier of Flaubert's 'Un Coeur simple,' (Amsterdam: Rodopi N.V., 1976) 239. 12. First subscenario, (300 vo., 302 vo., Ill: 4), qtd. in Willenbrink 239. 13. Jean Seznec refers to Saint Antoine, 1849 version; ed. Masson, I: 464, in Les sources de ['episode des Dieux dans la tentation de Saint Antoine, (Paris: 1940) 133-35, qtd. in Willenbrink 241. 14. Letter #128 to Louise Colet, August 26, 1846, Conard 1: 271, qtd. in Carlut 675. 15. Letter #108 to Maxime DuCamp, April 7, 1846, Conard, 1: 202, qtd. in Carlut 675. 16. Par les champs et par les greves, VII; ed. Masson I: 684, qtd. in Willenbrink 238. Letter to Jules Duplan 1859, Conard SI: 249, qtd. in Carlut 679. 17. Flaubert's letter to Sand, February 7, 1874, "ayant comme [vous] savez la haine essentielle de tout dogmatisme, de tout parti," Jacobs 452. 18. Letter to Mlle Leroyer de Chantepie, March 30, 1857, qtd. in Willenbrink 238. 19. "Felicite's lack of education permits him to ignore the one aspect of [religion] he found distasteful--dogma... Hers was the very kind of dogma-free piety he had always found attractive," Willenbrink 245. 20. Letter #379 to Louise Colet, March 31, 1853, Conard 3: 148, qtd. in Carlut 677. 21. Stirling Haig, "The Substance of Illusion in Flaubert's Un Coeur simple," Stanford French Review 7 (1983): 307. 22. First Series scenario, (fo. 300 inserst, fo. 397) qtd. in Willenbrink 239, 241. George Sand: La halte et le chemin Simone Vieme "Vogue la galere", s'intitule le premier chapitre de Teverina1 , roman de la promenade fantasque, "folle joumee" ou s'entremelent amour, hasard et peregrination, mais aussi jeu joyeux sur le theme du bohemien, figure mythique de I 'artiste, "voyageur sur la terre" (172). En arriere-fond est invoque de temps a autre, comme pour donner sens a la fantaisie2, le Wilhelm Meister de Goethe. Pourtant, cet eloge du voyage par Teverino, comme celui de la promenade par Leonce, fait place, a intervalles reguliers, a un eloge du voyage imaginaire dans les songes, lequel, evidemment, n'est possible que durant les haltes. En outre, a la fin du roman, le "voyageur sur la terre" parle avec emotion de son "reve monastique", dont on sait qu'il fut aussi l'un des grands themes de l'imaginaire sandien, au meme titre que celui de la "verte Boheme" invoquee dans la sixieme Lettre d'un voyageur a Everard (1835).3 Est-ce tellement contradictoire? Le plaisir du voyage, c'est aussi le plaisir des haltes, et il faut bien, pour que le voyage ait un sens, qu'il arrive quelque part, aboutisse au lieu de la decouverte, qu'elle soit amoureuse ou initiatique. Ce sont done ces haltes, ces lieux de repos, provisoires mais non moins imaginairement investis de pouvoir poetique, dont je voudrais examiner la forme et le sens, en prenant seulement quelques exemples, parmi lesquels evidemment le roman quasi archetypal en ce qui conceme le voyage, Consuelo. Cette etude, forcement tres partielle, voudrait en outre mettre en relief un trait caracteristique de l'imaginaire sandien, imaginaire de femme-ecrivain, que l'on pourrait montrer d'ailleurs dans bien d'autres themes. I-LIEUX SYMBOLIQUES DE LA HALTE On peut, il me semble, distinguer dans les haltes trois grandes formes symboliques. 1-Prisons heureuses Celle qui peut sembler la plus absolue est assurement celle du lieu clos, qui peut aller de la chambre ou de la maison retiree, sorte de prison volontaire, a la prison volontaire mais neanmoins "heureuse", comme on a qualifie celle de Fabrice dans La Chartreuse de Parme. 4 On evoquera la petite chambre haute ou se refugie Consuelo a Venise, apres ses errances dans la ville ou ses "prestations" musicales, et surtout apres ses "premieres annees [ ... ] errantes et miserables" (3: 59)5 sur les routes avec sa mere, la Zingarella. D'une certaine maniere, cette petite chambre est elle-meme dans un rapport d'"emboitement" avec l'ile de Venise, lieu de halte que son insularite isole. C'est aussi bien, dans le meme registre, la "maison deserte" des Lettres d'un voyageur (A Franz Liszt 201-3) ou le "voyageur solitaire" decide, ayant "devie de sa route", d'accepter l'offre d'un ami: une maison "petite, tres modeste et mal tenue", mais qui est pour le voyageur un havre de solitude. Apres un parcours labyrinthique dans la vieille ville, George Sand y penetre avec un "plaisir religieux"; elle la compare a "la terre sainte" et les "courtines de feuillage" l'enferment pour son plus grand bonheur dans 26 64 George Sand Studies 42. Letter #270 to Louis Bouilhet, November 14, 1850, Conard 2: 254, qtd. in Carlut 679. 43. Victor Brombert, Flaubert the Master (New York: Atheneum, 1927) 260; The Novels of Flaubert (Princeton, N.J.: Princeton University Press, 1966) 237, qtd. in Haig 302. 44. This is not in contradiction to his impersonal approach to writing: "Je ne veux avoir ni amour, ni haine, ni pitie, ni colere. Quant a la sympathie, c'est different. Jamais on n'en a assez" (Jacobs 190). 45. Bouvard et Pecuchet, Oeuvres completes, 2: 289, qtd. in Haig 315. 46. Alexandre Reed Lajoux, "From Emma to Felicite: The Use of Hagiography in the Works of Gustave Flaubert," Studies in Medievalism 1 (1979): 47. 47. Simone Vieme, ed., Jeanne by George Sand. (Grenoble: Presses Universitaires de Grenoble, 1978) 20. Reviews 77 impetus of such a radical reassessment, we may hope to see Sand's fiction published in the Pleiade, and renewed support for a modern edition of Sand's complete works. Tufts University ISABELLE NAGINSKI LARA, CATHERINE. Sand et Les romantiques: un musical rock symphonique. CD: Trema, 1991. George Sand has recently resurfaced in the mass media as a subject of interest, first in the 1990 film by James Lapine, Impromptu, and now in musical form. Now, Catherine Lara, an established French rock singer and composer, has written, along with her lyricist, Luc Plamondon, and several other composers, a musical tribute to "la bonne dame de Nahant." The cast of seven, reflecting Sand's relationships with some of the Romantic artists of the period 1832 to 1849, includes Musset, Chopin, Dorval, and Delacroix. An attractive 18-page booklet (designed by FKGB) provides full lyrics as well as some artwork, including a close-up detail of Charpentier's portrait of Sand and a photo of Lara and Plamondon in the garden behind the chateau de Nahant. A few notes open the booklet, in which Lara and Plamondon offer their conception of the recording. Sand is described as "la premiere femme libre du monde moderne [... ] la premiere femme a vivre de sa plume." The hyperbole of this statement reflects the overall tone of the recording, which, although laudatory of Sand's efforts and accomplishments, overlooks the endeavors of other women of her era and before. Perhaps the most disturbing statement of intent is the promise to depict what they see as Sand's most pervasive attribute, the secret of her success: "sa plus belle f�on d'etre libre ne fut-elle pas sa fa�on d'aimer?" And it is, in fact, Sand's personal relationships with Dorval, Musset, and Chopin which constitute the principal parts of the recording. These "romantics," with whom Sand is seen to associate in the context of the recording, are described as "jeunes," "beaux," "fous;" "ils ont du genie et ils veulent changer le monde. Ils sont 'romantiques'." As romantic as he may have been, Chopin never wanted to change the world; Liszt might have made a better choice in this respect. Lara and Plamondon's definition of "romanticism" stands as the basis of comparison between Sand's world and the present-day rebelliousness, which is portrayed in the rock aspect of the recording: "si proches de nous [ ... ] comparable[s] au mouvement rock de notre epoque." The recording consists of twenty selections, each with a title and introduced in the booklet by a brief paragraph of biographical details to situate the listener. The first piece, "Appelez-moi George," introduces the main character as she comes into her own. The romantic tone of the music as well as Lara's raspy--and sometimes overly dramatic- voice, indicate the mixture of lyrical and narrative aspects which characterize the recording. The second selection, "Les Romantiques," employs an interesting flashback technique: an aging Sand remembers the Romantics and the passion of her youth in Paris, comparing them to the marionnettes of Nahant. The connotation that she played the characters of her Parisian youth as her son controlled his puppets is somewhat disturbing, 66 George Sand Studies Comment s'etonner alors de son interet passionne pour l'art, qu'elle sait regarder, qu'elle comprend parfaitement? Comment s'etonner qu'elle ait tant ecrit, qu'elle ait fait tant de references a la peinture dans ses oeuvres? Comment s'etonner qu'elle ait su s'entourer d'oeuvres d'art d'artistes qu'elle aimait, qu'elle ait encourage tant de ses amis par ses lettres laudatives ou par ses articles dans la presse, et comment s'etonner enfin qu'elle ait tant aide son fils Maurice a poursuivre sa carriere d'ecrivain et de plasticien: ne resumait-il pas en lui les deux grands poles d'interet de George Sand: l'ecriture et le graphique? Le texte et l'image se rencontrent, les mots peuvent exalter l'image et celle-ci donner plus de force au texte. George Sand sait parler de la composition d'une oeuvre, de la couleur, de l'ombre et de la lumiere, du style: par son erudition, par son imagination, par l'evocation d'oeuvres de maitres celebres, elle fait des comparaisons, des paralleles, y mele des notations intimes, des rapports avec le contemporain social ou artistique et nous confie ainsi, dans le meme temps, son sentiment et ses propres idees. Dans toute l'oeuvre de George Sand, on pourrait relever ces "correspondances" entre l'ecrit et le "represente". J'ai choisi, ici, de m'en tenir a trois de ses articles de critique d'art, parus respectivement en 1837, 1858 et en 1863. Elle, qui "tant de fois [a ete] traduit au tribunal de l'opinion8 et qui n'a pas hesite a se defendre dans ses prefaces ou ailleurs, se sent "tres nouvelle et nai"ve" dans le metier de critique. Tout comme dans ses romans, son premier but dans ses critiques est d'"eclairer le peuple", lui montrer ou est la verite, ou se trouve le beau, le bien dans le contexte "des croyances de son epoque( ... ) et du milieu ou il respire" car on ne peut "etre poete ou artiste(... ) sans etre un echo de l'humanite" (Questions d'Art 9). L'on retrouve ainsi l'influence du temps, des Saint-Simoniens dont elle ne partageait pas toutes les idees, mais il y a comme un echo du point de vue de Flora Tristan ou plus tard de Jules Valles qui se posaient en educateurs par la mediation de l'Art, sans oublier bien entendu les theories de Taine. L'on ne peut demander a !'artiste, ecrit-elle, "de creer en dehors de ce qui le frappe. 11 subit l'action du milieu qu'il traverse, et c'est fort bien fait, car il s'eteindrait et deviendrait sterile le jour ou cette action viendrait a cesser". 9 L'art pour l'art n'a aucun sens pour George Sand, car seul compte !'art qui fait penser, qui fait rever et les mots pour le dire ont tout autant d'importance. Comment definir la critique d'art de George Sand? A mon sens, en citant ses propres paroles a propos de celle de Zacharie Astruc: c'est un monde de couleurs, de formes, de compositions [qui] tourbillonne dans son style et deborde ses discussions. Que le peintre dont il parle le ravisse ou le fache, il lui arrache sans far;:on sa palette et le voila de peindre a sa place, c'est-a-dire qu'a l'aide d'un autre art, la parole, il explique ou refait a sa guise le sujet traite par le pinceau. 10 C'est ainsi que George Sand parle de l'oeuvre d'un artiste, et meme de deux artistes a la fois lorsqu'elle prend pour sujet d'article !'oeuvre de Calamatta, graveur, reproduisant 28 George Sand Studies heros de ce recit fantaisiste et fantastique, d'ailleurs arrete brusquement, montre dans un premier temps un personnage qui veut gravir l'Etna, excursion qu'il connait bien, et fait done seul. Mais il n'ira pas plus loin que la (reelle) Grotte des Chevres, "station ordinaire des voyageurs et seul gite qu'ils puissent trouver dans cette foret inhabitable" (10). II y fera le reve qui foumit la matiere de presque toute la premiere partie. On connait aussi le tres beau passage des Lettres d'un voyageur sur les grottes d'Oliero en Lombardie, ou George Sand a reellement fait un voyage, durant l'episode venitien de sa vie. Des trois grottes, la moins pittoresque la retient, et meme si le froid et la tristesse la gagnent, la premiere emotion est de pur "bien-etre", de "joie". A la fin du recit, une hirondelle qui sort de la grotte et traverse le ciel, puis y revient comme pour attendre le printemps, s'affirme comme un symbole d'espoir (56-7). La grotte, en outre, et meme si elle est le plus primitif des lieux de halte, est souvent liee, comme en emboitement, au chateau, le plus construit des edifices ou puisse se reposer le voyageur. Au chateau des Geants, comme au Chateau du Graal, Consuelo descend, dans le premier cas par un glissant escalier, dans le second par une echelle tandis que se referme la trappe, dans un labyrinthe qui aboutit, dans le premier cas aux trois salles de la grotte du Schrekenstein, dans le second a des salles souterraines. Dans les deux c as, ce sont des lieux de revelation essentiels, a la sacralite attirante et effrayante a la fois. II-LE SENS DE LA HALTE ET LE SENS DU VOYAGE Si done le voyage ne se con�it pas sans haltes, volontaires ou forcees, celles-ci prennent leur sens par rapport au voyage, et inversement lui donnent sens. 1-La paix de l'ame et la conquete de soi Ainsi, les jardins edeniques aussi bien que la prison, et le cloitre qui est la fonne syncretique des deux, sont avant tout des lieux de repos, ou l'agitation et le mouvement un moment suspendus permettent de "faire le point", tenne de navigation qui fait image, de conquerir ou retrouver la paix de l'ame, de fortifier la volonte. C'est d'ailleurs pourquoi la trop riche villa du chateau du Graal, dans Consuelo, a un effet negatif que n'avait pas la prison inconfortable de Spandaw, ou elle "avait roidi sa volonte, contre des perils extremes, contre des souffrances reelles; elle avait triomphe de tout avec vaillance; et puis la resignation lui semblait naturelle a Spandaw" (248). Mais au Chateau du Graal, la solitude se fait d'autant plus lourde que tout y semble "dispose pour une vie d'epanchement poetique ou de paisible intirnite", qui ne lui est nullement donnee, tandis que le bonheur de Spandaw etait un bonheur spirituel conquis par l'heroine elle-meme. Quant au "jardin de cure" du chanoine, alors qu'en principe Consuelo a "horreur des jardins bien tenus", il n'acquiert sa valeur magique qu'a cause des tribulations anterieures, et ne l'aurait pas sans cela. Tres symboliquement, l'immobilite des fleurs que contemple Consuelo ne la touche que "parce qu'elle succede aux ondulations que la brise vient de leur imprimer" (2: 118). Mais tout aussi symboliquement, cet episode est relie a l'histoire d'une naissance--qui succede immediatement au "choeur des fleurs" ' celle de la fille de la Corilla, que recueille Consuelo. Ce theme de la naissance se retrouve symboliquement tout au long de ce roman initiatique. Mais on l'avait deja vu 68 George Sand Studies se sent plus en conformite d'idees et ou elle fait "acte de devouement en meme temps envers l 'abbe de Lamennais" (C 3: 702-04). II y eut plusieurs comptes-rendus sur cette gravure clans le meme temps que paraissait celui de George Sand intitule M. Ingres et M. Calamatta ou elle glorifie a la fois le peintre et le graveur. Ingres (1780-1867) le voeu de Louis XIII, Salon de 1824, Cathedrale Notre Dame, Montauban. C'est un tres grand tableau de 4,21m sur 2,62m, et la gravure de Calamatta est de 0,58m de long sur 0,393m de largeur. II est important de se souvenir que le graveur de reproduction part souvent d'une oeuvre de grand format, qu'il doit reduire aux proportions de sa gravure. De plus, partant d'une peinture, ii doit savoir traduire en noir et blanc toutes Jes finesses et Jes valeurs de la couleur (OA 2: 278). Ingres a execute sa peinture a Florence, pendant quatre ans. Selon George Sand, ii a fallu sept grandes annees a Calamatta pour rendre ce tableau avec une perfection "qui ne laisse rien a desirer" car ii a "le sentiment du beau et la puissance de le reproduire fidelement". Calamatta pense, dit-elle ailleurs (20) "qu'il faut savoir tres bien dessiner pour savoir copier et que, qui ne le sait pas, ne comprend pas ce qu'il voit et ne peut pas le rendre". Calamatta est "le Ingres de la gravure" ajoute-t-elle. M. Ingres lui-meme est tres satisfait du travail de Calamatta et desormais "L'avenir est dote d'une page sublime". Voila, en resume, ce que dit George Sand de la gravure de Calamatta. Tout le reste de I'article est consacre a Ingres dont elle commente avec beaucoup de subtilite, de sensibilite et de "sentiment" !'oeuvre. C'est "la plus grande page de M. Ingres", ecrit elle, pour "la simplicite" de sa composition, pour la "sobriete des details" [qui] "servent a appeler !'attention et a concentrer l'effet principal sur la figure de la vierge". L'on voit ici combien George Sand sait regarder une oeuvre et aussi combien, par le regard, elle a su memoriser ce qu'elle a vu. Ainsi, clans sa comparaison de cette oeuvre avec l'Assomption du Titien, sa "rivale en puissance" ajoute-t-elle, ce parallele la conduit a comparer egalement la condition sociale des deux artistes. Alors que Titien fut "plus puissant et plus riche qu'un doge", ecrit-elle, "M. Ingres ne jouit que d'une gloire contestee par l'envie ou meconnue par !'ignorance". On croirait lire Flora Tristan 12 qui regrettait, elle aussi, de ne plus voir Jes artistes jouir comme autrefois de la "veneration publique". George Sand regrette de savoir ce "chef-d'oeuvre mystique" clans la Cathedrale de Montauban ou personne ne va le voir et elle s'insurge contre la Jutte opiniatre menee par Ingres pour s'imposer, alors que clans ce voeu de Louis XIII, clans "cette personnification de la foi", ii a "mis toute son fune, toute sa pensee, tout son genie". II y a mis aussi, ajoute-t-elle, "plus de science" que Titien clans son Assunta car la distribution de la lumiere donne plus de force aux personnages, plus de solemnite clans la distribution et Jes gestes des personnages. Elle parle aussi de la position de la tete de la vierge, des bras tendus du Roi vers celle qui "porte avec une joie muette la redemption du monde, l'avenir des generations". L'on voit done clans cet article comment George Sand use de la critique d'art, de cet art qui fait en quelque sorte partie d'elle-meme; elle desire communiquer son enthousiasme au lecteur pour I'enseigner, pour lui apprendre a voir. George Sand se montre ici une fervente admiratrice de Ingres. L'on sait cependant qu'elle evoluera a ce sujet (est-ce sous !'influence de ses conversations avec Reviews 79 is a sort of rock ballad which reflects as much about the genre as about Sand's personal experiences: "Decrire la femme que je suis/Comme je la fuis, comme elle m'ennuie..." The final piece, aptly named "Laissez verdure," gaps a leap in chronology from 1848 to 1876. The musical tone of this piece is hymn-like, calm, and at times ponderous. The garden at Nohant is personified and beckons to Sand to succumb to the calm of a natural after-life. Lara sings a duet with herself in this piece, as though Sand were at once alive and dead, singing from both sides of the abyss. The song fades away, repeating "Laissez verdure ou finit l'aventure, ou prend vie la nature," and finally ending with church bells ringing. A most interesting line commands "Laissez mes livres garder leurs secrets," a request which most artists would understand, but which all critics will ignore. While Sand scholars will be disturbed by a number of details in Lara's interpretation of Sand's life and by some of the aspects of her life which were chosen to be highlighted in this recording, having the Berrichon author the subject of a rock musical does have some advantageous results. The reception of the recent staging of the event in Paris (it had a short run at the Olympia in early November 1992) was mixed but leaning to the positive side. As with Impromptu, Lara's recording has its flaws in detail and in essence. Mass media representations of George Sand have, however, helped bring Sand's more complex side to the attention of the general public, which was after all Sand's own public. Further, the musical manifestation of Sand's life, or a part of her life, is entirely appropriate given the enormous importance of music for Sand. Sand et les romantiques will certainly not advance Sand scholarship, but it may provide a link for our students to take another look at the person behind the novels. It may also allow the all-important general public to reexamine the life and works of George Sand, romantic extraordinaire. I recommend at least one serious listen to Catherine Lara's symphonic rock musical, Sand et les romantiques. DAYID A. POWELL Hofstra University NAGIN SKI, ISABELLE, ed., George Sand, special issue of Revue des Sciences Humaines, number 226, April-June 1992. 228pp. There has recently been some suggestion in American academic circles that a "Sand factory" has been created, with the concomitant implication that merchandise (i.e., Sand criticism) is being rapidly produced without serious attention to quality. That suggestion could well be annihilated by the recent issue of Revue des Sciences Humaines edited by Isabelle Naginski and focused entirely on Sand and her oeuvre. This fine collection of essays by Naginski and eleven other scholars, both French and American, sheds new light on many facets of Sand's work. Organized chronologically by Sand's publication dates, the volume is a most happy addition to the serious reassessment of Sand as a writer that has been taking place on both sides of the Atlantic in the past fifteen years. A partial purpose of this collection is to contribute to the refutation of Sand's own 70 George Sand Studies Amoureux sincere mais econduit, Leonard n'a jamais devoile la personnalite de son modele, l'entourant d'un epais mystere tout en mettant toute son ame et son genie dans cette figure. George Sand avoue cependant que, confrontee a cette image, elle en a toujours ressenti quelque effroi car elle y sent vibrer l'ame du personnage et du peintre; elle lui rappelle meme une autre toile de Leonard, Uonard--La meduse, Florence, qu'elle trouve "tout aussi effrayante". Cette analogie entre La Joconde et La Meduse donne une idee de la remarquable finesse de George Sand dans cette approche de la peinture et ramene a ce que disait Freud parlant de la Meduse, cette "femme inapprochable qui repousse tout desir sexuel" comme la Joconde qui se serait refusee a Leonard. En imaginant ce roman de !'artiste et de son modele, George Sand donne ici une autre facette de sa critique d'art. Nous sommes desormais tentes de regarder differemment Mona Lisa, en lui ajoutant cet apport de George Sand qui !'a re-creee en quelque sorte. Et c'est alors la seulement que George Sand fait intervenir Calamatta qui a, dit-elle, resolu tous Jes problemes que cette figure a re-creer Jui avaient apportes: Calamatta, La Joconde d'apres Leonard de Vinci, Bibliotheque Nationale, Estampes, Paris. Elle aime le rendu de !'oeuvre dans "son aspect general" qui est "sombre comme la peinture", "austere et doux a la fois", "limpide et voile comme !'expression de la Joconde". Elle n'evoque pas Jes problemes techniques rencontres par Calamatta, elle se contente d'applaudir a !'execution de la reproduction, tout comme elle applaudira plus tard (mars 1863) a une autre reproduction "fidele et sincere" d'un autre chef-d'oeuvre celui de Raphael, La Vierge a la Chaise, Florence. "Une des grandes pensees qui viennent d'un seul jet au maitre" (meme remarque que pour I'expression de La Joconde). Cette "composition si simple et si heureuse" ou Calamatta, a nouveau, a su se mettre au service de Raphael pour nous donner a voir son idee et son sentiment ainsi que "la maniere large et meme jusqu'aux libertes de pinceau du modele". George Sand connait la plupart des reproductions gravees de cette oeuvre (une soixantaine environ) qu'elle trouve "deplorables" et comprend la reaction de son ami Louis Viardot de vouloir interdire ces reproductions qui sont un outrage, dit-il, "a la memoire des maitres", elle qui, cependant est pour la popularisation des chefs-d'oeuvres, a condition toutefois de ne pas les trahir. C'est pourquoi elle apprecie d'autant plus le respect qu'a demontre Calamatta envers Raphael en le copiant stricto sensu et en usant de son burin comme Raphael de sa brosse. Se parant de I'ignorance de la technique, George Sand prefere citer un "connaisseur exquis" qu'elle ne nomme pas mais qui, tout comme elle le fait elle-meme, reconnait la valeur de cette reproduction. Ce qu'elle critique dans Raphael simplement ce sont Jes concessions faites a certains signes du code obligatoire impose aux artistes, ici, entre autres la croix au bras de l'enfant, "ces fioritures apocryphes" qui n'apportent rien au sujet. Nous voici arrives au terme de ces trois articles de critique de George Sand, articles qui, tout en parlant de la gravure de reproduction, se referent a !'oeuvre originale ainsi popularisee. Dans ces trois textes, sa critique est done double et renvoie toujours 30 George Sand Studies "C'etait un lieu de delices ou tout invitait au repos et d'ou cependant !'imagination pouvait s'elancer encore dans de mysterieuses regions" (51: c'est moi qui souligne). Malgre la conjonction "cependant", ii n'y a pas en fait d'opposition, bien au contraire, entre le repos du corps et l'elan de !'imagination. Que le voyage imaginaire soit superieur au voyage reel ne saurait etonner de la part de quelqu'un qui a toujours affirme que I 'imagination etait de beaucoup superieure a la simple perception. Que I'on se souvienne par exemple de la seconde Lettre d'un voyageur deja citee, ou eUe proclame, contre l'avis de Musset et celui de Page11o: "[... ] dans le vrai, quelque beau qu'il soit, j'aime a batir encore" (73), de sorte que la ligne tremblante des reverberes se refletant dans la Seine tient sa beaute de ce qu'e1le s'imagine (c'est le verbe qu'e11e utilise) "voir dans le reflet de ces lumieres des colonnes de feu et des cascades d' etinceUes qui s'enfom;:aient a perte de vue dans une grotte de cristal" (74). EUe a alors la tentation de sauter dans la riviere, pour parcourir ce "palais enchante" ou elle croit voir danser ensemble Jes esprits de l'eau et ceux du feu. Car tout est possible, y compris cette conjonction des contraires, pour le reveur. C'est meme la superiorite de l'etre humain, selon une Lettre d'un voyageur adressee a Manceau en 1865: 8 "L'instinct ne Jui a pas dit comme aux animaux: Trouve ce qu'il te faut; il lui a dit: Cherche ce que tu reves, et l'homme a cherche, il cherchera toujours" (316). Ainsi sont lies la quete, qui est voyage, et le reve, comme sens profond a donner a la vie de l 'homme. 3-La halte initiatique Car le symbolisme de la halte s'insere dans cette problematique du voyage comme quete d'une condition differente de l 'etre humain. Dans ce parcours, qui est parcours spirituel plus encore que topographique, filt-ce une topographie fictionelle ou fantastique, les haltes sont necessaires pour permettre la progression spirituelle, et le regressus qui permet de mourir pour renaitre. J'ai deja souligne les symboles de renaissance, dans les exemples donnes, et j'ai traite ailleurs assez longuement, apres Leon Cellier, le sens initiatique de Consuelo pour ne pas insister sur ce point.9 Rappelons seulement que les grands moments de l'initiationont lieu dans le lieu dos de Venise, puis dans la grotte du Schrekenstein et le Chateau des Geants, enfin dans le Chateau du Graal, ce supreme degre initiatique precede de la periode probatoire et purificatrice de la prison de Spandaw. Dans cette demiere halte, on remarquera que se dessine deja la figure finale de l'heroi:ne, artiste createur et non plus seulement interprete profane. Dans ces lieux, entre les voyages, Consuelo se trouve peu a peu, se forme et se transforme. III-LE BOUT DU CHEMIN Une demiere question se pose, que souleve precisement le roman-modele de Consuelo, dans cette dialectique du voyage et du repos, de la halte et du chemin. Qu'advient-il tout au bout de la route? Le voyage peut-il etre sans fin, conclu seulement par la mort inevitable? On pourrait le croire, en ce qui conceme le personnage de Teverino, pour qui la "maniere de voyager est une maniere de vivre" (74), qu'il developpe complaisamment en racontant sa vie d'artiste, et a la fin, en prevoyant sa vie future. Mais a y regarder de plus pres, on voit se deployer, et c'est la l'un des traits 72 George Sand Studies NOTES 1. George Sand, Correspondance, sous la direction de Georges Lubin, vol. 14 (Paris: Gamier, 1979) Avril 1857, 14: 345. Les references a ce texte apparaitront dans !'article. L'initiale identificatrice (C) sera suivie du numero du tome et de la page. 2. Revue des Deux Mandes 15 mai 1864: 259. 3. George Sand, Jeanne, ed. Simone Vieme (Grenoble: P.U.G., 1978) 30-1. 4. Lettre du 28 janvier 1831, 1: 789-90. 5. George Sand, Oeuvres autobiographiques, sous la direction de Georges Lubin, vol. 2 (Paris: Gallimard, 1971) 106-7. Les references a ce texte apparaitront dans !'article. L'initiale identifcatrice (OA) sera suivie du numero du tome et de la page. 6. Lettre du 16 mai 1831, 1: 866-72. 7. Une aventure d'editeurs au XIXe siecle, Michel et Calmann-Levy, B. 88, 24 avril 1986. 8. George Sand, Questions d'Art et de Litterature (Paris: Calmann-Levy, 1878) 5, 8, 227. 9. George Sand, "Voyage dans le cristal," Revue des Deux Mandes 1864: 6. 10. George Sand, Souvenirs de 1848. Ch. XI, preface aux quatorze stations du Salon de 1859, par Zacharie Astruc, (Nohant, 19 aout 1859) 371-3. 11. George Sand, "Monsieur Ingres et Monsieur Calamatta," Le Monde 2 mars 1837, repris in Questions d'art et de litterature sous le titre Ingres et Calamatta (Paris: Calmann-Levy, 1878) 65-71 et in Questions, eds. H. Bessis & J. Glasgow, (Paris: des Femmes, 1991) 99-107. George Sand, La Joconde de Leonard de Vinci gravee par M. Louis Calamatta, La Presse 8 decembre 1858; repris dans Souvenirs et Impressions Litteraires, (Paris: E. Dentu, 1862) 205-13. George Sand, La Vierge a la Chaise de Raphael, Revue des Deux Mandes 15 mars 1963 repris in Questions d'art et de litterature (Paris: Calmann-Levy 1878) 313-18 et in nouvelle edition de l'ouvrage par H. Bessis & J. Glasgow (Paris: des Femmes, 1991) 243-51. 12. Flora Tristan, Un Fabuleux Destin, presente par Stephane Michaud (Dijon: Ed. Universitaires, 1985), cite in H. Bessis, Flora Tristan et I'Art 175-85. Reviews 81 "cohabitation dialogique," in Naginski's felicitous phrase. Finally, Brigitte Lane's brilliant study, "George Sand, 'ethnographe' et utopiste: rhetorique de l'imaginaire," is worthy of a volume in itself for its probing analysis of Sand's complex depiction of the Berrichon peasantry, culminating in Nanon, which Lane calls "...le premier roman fran.;:ais a perspective ethnologique." This critic sees Nanon as the realization of the three dreams that Sand had for the peasant: educated, free from the idea of class, and recognized publically by the French nation. In conclusion, I would venture to say that if products such as this volume continue to flow from the "Sand factory," we should all be ready to buy stock in the company. National Endowment for the Humanities NANCY ROGERS POWELL, DAYID A, ed. George Sand Today: Proceedings of the Eight International George Sand Conference - Tours 1989. Lanham, New York, London: University Press of America, 1992. 310pp. La reflexion sur l'ecriture du lieu et de l'origine domine les articles contenus dans ce volume reprenant vingt-quatre des communications faites lors de Ia huitieme Conference George Sand. De maniere plus large encore, la reflexion sur I'origine de l'ecriture sandienne est le contexte dans lequel s'inscrivent la plupart de ces essais. Ce vaste et complexe domaine est explore non seulement avec richesse et profondeur mais encore dans la diversite et la qualite des perspectives critiques (psychanalyse, intertextualite, feminisme pour n'en citer que quelques unes), perspectives refletees dans chacun des six chapitres qui composent I'ouvrage: "Gender/Writing", "(Auto)biography", "Berry", "Politics", "Textual Analysis", "Literaries Affinities". Ces redecouvertes seront sans doute aussi des decouvertes pour nombre de Iectrices et lecteurs (en particulier pour ce qui est des essais traitant de textes moins connus, tels I'Histoire du reveur presente par Annarosa Poli ou Les Agendas presente par Anne Chevereau, qui devraient a l'avenir donner lieu a de nouvelles et passionnantes analyses). Au travers de lieux/textes revolutionnaires et revolutionnes--en particulier par la mise en question du "genre" comme le montre I'essai d'Yvette Bozon-Scalzitti sur Iequel s'ouvre le volume de maniere appropriee (une analyse de l'ecriture de la Revolution dans Nanon)--Sand questionne et reinvestit I'espace. Cette vision est manifeste, entre autres, dans l'ecriture de l'espace rural interprete comme Iueu de la resistance feminine chez Sand (Jane A. Nicholson). Les geographies sandiennes nourrissent l'ecriture ou elles s'organisent en un systeme symbolique complexe (voir les deux analyses du couvert par Jeanne Goldin et Susan Leger, ou celle des rivieres et fontaines par Sylvie Charron Witkin). Ces lieux articulent des reves d'unite fondamentale a partir d'une realite fondamentalement fissuree (voir l'analyse riche et toute en nuances que Denise Brahimi fait de la dichotomie Berry/Bourbonnais), realite qui est egalement revelee dans les analyses de la quete, de la perte et du personnage d'Albert dans le chapitre "Textual Analysis". 74 George Sand Studies DATLOF, NATALIE, JEANNE FUCHS AND DAVID A. POWELL, eds. The World of George Sand. Westport, Conn.: Greenwood Press, 1992. 318 pp. For a dozen years now, Hofstra University has been at the center of a highly successful scholarly venture: the revival of interest in the work and personality of George Sand. That revival was started by the activities of an association, "The Friends of George Sand," founded in 1976 on the lOOth anniversary of her death. Under able leadership, the association fast became international. The "George Sand Annual Conference," the proceedings of which were published in successive issues of George Sand Studies deservedly acquired a high reputation; the quality of the papers given and the meticulous work of the editors soon added new dimensions to the stereotyped image of the writer as the typical romantic heroine of scandalous love affairs (with Chopin and the poet Alfred de Musset), and the author of "pastoral" novels for young readers. Meanwhile, new documents were being translated or published. In France, a Sandist scholar par excellence, Georges Lubin, brought out twenty-five volumes of Sand's Correspondence (1964-92); while an able team of American scholars brought out a remarkable translation of Sand's monumental (1168 pp.) Story of My Life, edited by Thelma Jurgrau, one of the well-known contributors to the "Friends of George Sand." A collection of essays presented in 1986, at the seventh international George Sand Conference (held at Hofstra University), and celebrating the tenth anniversary of the founding of the organization, provides a quite transformed, complex image of that famous and undeservedly forgotten woman writer. Twenty-nine papers cover the new field of Sand studies. The contributions have been distributed under six headings providing a structure of help to the reader, i.e. 1) Rustic Novels; 2) Lettres d'un voyageur (notes on her travels included in Sand's correspondence and formerly unpublished); 3) Text and Ideology; 4) Political Affinities; 5) Sexual Politics; 6) Contemporaries. The book is brilliantly prefaced by two "keynote speakers," the late Henri Peyre who provides a historical perspective; and Marilyn French who looks at Sand from a feminist viewpoint, establishing a telling parallel between the fate of the nineteenth century writer, and that of "another woman of great stature and accomplishment who was important in her own time but immediately forgotten" (xxiii), Christine de Pisan. Perhaps because the essays were spoken, rather that written, they are eloquently alive, devoid of abstruse terminology, clearly written and carefully documented; all bring out new facts--whether it be George Sand's enormously varied work, her sense of collective responsibility, her friendship with Flaubert, for instance, and many other men of stature, her firm belief in the writer's role in society: a rich harvest. The volume includes a good selected bibliography, the fascinating program of the Hofstra Conference, a name index and a subject index and a brief biographical sketch of the contributors. I add that the George Sand Studies for Spring 1992 have come out in a new and attractive format with, as cover, an attractive drawing of "George Sand at Nohant" by Fran�oise Gilot; and they announce the publication of a Newsletter bringing to Sand scholars the latest information concerning this rapidly burgeoning cosmopolitan field. Clearly Sand's work, perhaps because of her versatility and story-telling ability, also because of the professional excellence of today's Sand scholars, has reached a world- 32 George Sand Studies O verte Boheme! patrie fantastique des ames sans ambition et sans entraves, je vais done te revoir! J'ai erre souvent dans tes montagnes et voltige sur la cime de tes sapins; je m'en souviens fort bien, quoique je ne fusse pas ne parmi les hornrnes, et mon malheur est venu de n'avoir pu t'oublier en venant ici. (198) Consuelo et Albert y vivent desormais une vie ideale et utopique, ou tout se passe par l'echange, de sorte qu'ils ne mendient jarnais, mais re�oivent l'hospitalite de ces populations pauvres et dignes, vraie figure du Peuple, auxquelles ils apportent a leur tour ''l'art et l'enthousiasme" (3: 445). Ils menent alors la "veritable vie d'artiste" (3: 445). Ainsi, dans le finale de ce roman exemplaire, est evoque "le chemin sable d'or, le chernin sans maftre de la foret" sur lequel s'eloignent la Zingara, Trismegiste et leurs enfants, tandis que le narrateur, l'initie venu recuellir la Parole sacree du Maitre, s'ecrie: "Et nous aussi, nous sommes sur la route et nous marchons. La vie est un voyage qui a la vie pour but, et non la mort, cornrne le dit dans un sens material et grossier" (3: 467). On ne peut que donner a cet eternal voyage son sens symbolique et initiatique evident: le destin de l'artiste-prophete, dans Consuelo, est finalement de semer la bonne parole de la liberte, et l'enthousiasme au sens etymologique. Au reste, Teverino se trouve dans le meme cas, quoiqu'a un stade beaucoup moins eleve, car il se laisse encore, dit-il, conduire par la vanite, et s'il deteste la regle, c'est de fa�on toute instinctive (172). 3-La rencontre alchimique du chemin et de la halte 11 faut pourtant reprendre la configuration imaginaire de cette fin de roman, comme d'ailleurs de Consuelo. Dans Teverino, l'artiste aime a la fois la vie du bohemien-artiste, et la paix des couvents: ''J'ai toujours airne les couvents et reve de cette vie molle et beate, pourvu qu'elle ne se prolongeat pas au dela du terme assigne a ma fantaisie" (170). Il y a done en lui une aspiration paradoxale, dont il ne se sent nullement gene, mais qu'au contraire il assume avec une desinvolture qui correspond du reste au ton de tout le roman. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faille pas le prendre serieusement sur le plan du sens, comme l'indiquent assez les references deja mentionnees a Goethe. . . D'autant que cette forme d'imaginaire qu'on pourrait dire alchimique, en ce sens qu'elle concilie les contraires, est, on l'a deja vu, tres caracteristique de l'imaginaire sandien; et aussi tres initiatique. Cela est d'ailleurs redouble dans Teverino, puisque l'un des couples, Leonce et Sabina va revenir a la villa du debut, ils vont y vivre leur amour enfin accepte, tandis que le couple Teverino-Madeleine demeure sournis a l'attente, au hasard, aux aleas de la vie vagabonde de l'un et l'autre partenaire. Et aucun des deux choix n'est privilegie, meme si celui de Teverino est plus brillant, temoignant des preferences de G. Sand l'artiste. Le voyage final de Consuelo, malgre les apparences, reste dans le meme registre de coi'ncidentia oppositorum, mais sur un plan plus eleve. On assiste en fait a un triple retour a l'origine: au pays natal, qu'il s'agisse de celui de Jean Ziska ou du pays des zingaras; au voyage vers Vienne qui fut l'un des moments heureux du parcours anterieur de Consuelo; aux temps primitifs de l'age d'or social. Dans les trois cas, la Boheme prefigure en meme temps un futur ideal: premiere coi:ncidence des contraires. Mais en 76 George Sand Studies elle l'ombre noire de ce que George Sand elle-meme aurait pu devenir si elle n'avait pas pu choisir la liberte d'une vie d'artiste" (67). Simone Vieme concentrates on Jeanne, a text which she knows extremely well, having prepared the critical edition for the Editions de ['Aurore in 1986. The manuscript shows that the author carefully adhered to what one might call the rules of serialization: "elle calibre tres exactement ses pages de 20 a 23 lignes, suivant les ratures" (77), in preparation for publication of her text in Le Constitutionnel. Particular attention seems to have been paid to the ends of chapters, so as to sustain the suspense inherent in the feuilleton's "to be continued" format. In examing the manuscript of Le Meunier d'Angibault, Fran9oise van Rossum-Guyon deconstructs the myth perpetuated by Zola, among others, that Sand wrote in a perfectly regular hand as if someone was dictating what she wrote. The manuscript, located in Holland (in the Queen's collection), shows on the contrary a writing process in several stages, with numerous corrections, and variations in the handwriting--large and round in moments of fatigue, as Sand herself explains in a letter to Hetzel (14 November 1846), tighter and finer when she is feeling refreshed and inspired. Thus is verified Jean Courrier's thesis that Sand was "une grande professionnelle du style" (136). His article entitled "George Sand raturiere," focuses on le Marquis de Villemer. While preparing the critical edition, published by Les Editions de I'Aurore in 1988, Courrier catalogued no less than 3249 variants. Some of Sand's corrections point to a concern for euphony which leads Courrier to suppose that this great prose writer "pratiquait la methode flaubertienne du 'gueuloir' pour ameliorer un premier jet parfois sifflant" (126). The crucial and final article by Didier provides what one could call a reexamination and reevaluation of Sand's writing habits. Traditionally, critics have claimed that Sand did not work very hard at her craft, that she produced her novels by letting herself be carried off by the inspiration of the moment, as if in a kind of trance. She did not really write her books, the critics seemed to insinuate; the texts wrote themselves through her. Beatrice Didier measures the extent to which this point of view is erroneous. Here is her final assessment: Nous avons tous ete amenes a constater que ces manuscrits portaient la trace d'un travail beaucoup plus important qu'on ne le dit en general. Certes, le mode de travail de George Sand n'est pas celui de Flaubert [... ] Mais ce n'est pas pour autant que George Sand ecrit a la <liable; ensuite, apres avoir laisse galope sa plume, elle remanie, elle cree des cesures, elle organise. (138) Didier confirms that, like any serious writer, Sand rewrote and reworked her texts. This book not only does much to rehabilitate Sand as a novelist, but it also valorizes the very process by which she produced fictional texts. We can go beyond the notion of Sand the Delphic Sibyl through whom the word was written, dismiss Theophile Gautier's nasty comment, recorded by the Goncourt brothers in their Journal entry for 14 September 1863: "la copie est une fonction chez Madame Sand." In a word, we can be assured that Sand's writing regimen, while perhaps unique for its prolific vigor, was by no means freakish or the mark of a second-rate talent. And perhaps, spurred by the Reviews 83 Some of these texts have been edited in fragment form, a few others have recently been published elsewhere, as in the Bulletin de la societe de la revolution de 1848, while Georges Lubin was able to present samplings in four issues of Presence de George Sand. The majority, nonetheless, are previously unedited letters. They include the usual ration of short notes, some only one sentence long, and many mundane business letters confirming, for example, the arrival of bank notes sent from Paris to Nohant. Most notably, numerous letters add valuable information to our knowledge of Sand as a letter writer and author. Sandists working on the correspondence with Michel de Bourges, for example, will be pleased to see that, while the original letters have yet to be unearthed, older, more reliable copies confirm the global accuracy of those contained in volumes three and four (25: 285, 295-6, 298, 299, 302-5, 307-8). The hyperboles, emphatic style, and painful self-effacements that readers have found suspiciously uncharacteristic of Sand would be, in fact, as authentic as her famous dialogue and farce letters, two of which appear in this volume (778-9, 851). Those interested in the history of her novels' publication will appreciate a letter from 1831 concerning Rose et Blanche (227-9), another treating the arrangements to be made for reimbursing the price of Engelwald (388-392), and the full text of a missive in which Sand defends le Meunier d'Angibault to her recalcitrant editor, Doctor Louis Veron (443-7). After the riots in June 1848, her bitter disappointment is expressed in several texts addressed to Marc Dufraisse (e.g., 576-581), and, two years later, in a poignant appeal for unity made to Louis Blanc (742-8). Letters sent to Augustine Bertholdi and Eugene Lambert also enrich the idea one can have of Sand's relationships with these young adults. The most remarkable contributions, however, include letters from the period 1817-32. As conventional and self-conscious as they may be, they render more palpable Aurore's passage from the obscure life of an adolescent to the author that took Paris by surprise fifteen years later. While many readers of Histoire de ma vie have found George Sand's descriptions of her youth unlikely and ideologically informed, several texts confirm the accuracy of her autobiography, or, in any event, attest to the early elaboration of memories in the form that they would ultimately retain in her life story. In a letter from 1820 (26-8), the depression and freedom that were hers after her grand-mother's illness are commented upon freely, while as early as 1826, a yet unpoliticized Aurore recounts her happy memories of playing with the village children (127). Time and time again, she nostalgically evokes the period spent in the convent boarding school (e.g., 171, 192) and muses in disillusioned fashion over the lot of women in marriage (160). Indeed, Aurore's early unenthusiastic resolve to marry, her lucidity as to the alternatives available to her (25), and her desire at one point to become a nun, should her grandmother die before she wed, all come to the fore in newly revealed letters (29). In addition, they confirm, if need be, the letter-writer's deep-rooted identification with the figure of the hermit, attachment destined to become a signature of sorts, as Isabelle Naginski and Nicole Mozet have so aptly demonstrated. Numerous "post-Pyrenees" letters in particular reinforce the importance of conjugal difficulties and epistolary friendships in Aurore's passage from private to public author. This final volume fittingly provides several elements in an apprenticeship made through, by, and around epistolarity. In 1821, Aurore acts as a secretary for her failing 78 George Sand Studies but the tone of reminiscence presents an intriguing aspect, which Lara will use later in the recording. Musically this piece differs drastically from the first in its rock tonalities, though a symphonic orchestra (London Symphony Orchestra) provides somewhat of a link. The modern French rock sound permeates this and most other pieces of the recording, with Lara's voice recalling the timbre and style of Barbara and Jeanne Mas, yet always keeping the individuality of Lara herself. We notice here as in almost all the selections a spate of literary references, allusions to writing and to literary forms: story, travel, paper, words, fable, etc. These evocations demonstrate the importance of Sand's writing career and reassure us that Lara's concept is not solely based on her love life. Still, the transposition of Sand's romantic-aesthetic ideals into Lara's musical manifestation result in rather idealistic language: "Et la musique comme la poesie va reinventer la vie." Sand's relationship with Marie Dorval is the subject of one selection, "Entre elle et moi." The duet (Veronique Sanson sings Dorval), a ballad with a mysterious tone, hints at a private relationship, the details of which are known only by the two characters of the song, with a sidelong comparison to Indiana and Lelia. The only indication as to the possible physical side of the relationship is to be found in the following line: " ... une histoire qui donne envie d'aller jusqu'au bout." Musset's character, sung in a high, nasal voice by Claude Lauzzana, parallels the androgynous qualities indicated by the lyrics. Some of the music depicting the Venice episode presents a nervous and frenetic pseudo-Baroque sound; the reprise is a more relaxed rock version of the melody. An unidentified character, called simply "le modele" (sung by Joniece Jamison), plays the third role in this piece. He and Musset dialogue about the ills of women. This character recurs in a later piece with Sand, "Nympho man," sung partly in English, where the model--here a woman--seems to be posing for Delacroix at the same time that Sand poses for her own famous portrait. This piece, as its title evinces, leads us into an area of older (and poorer) Sand scholarship which most Sandistes would prefer to ignore; Lara's approach seems to be a knee-jerk form of feminism which maintains that the liberated woman should love and leave men just as men have traditionally treated women: "aimer Jes hommes comme ils aiment Jes femmes." The song is sung in a black woman's vocal style, though not quite Tina Turner quality. Another piece portrays Delacroix with Sand, although his involvement in the recording seems rather tangential and incoherent, a token Romantic artist to fit in with the litterateurs. Chopin, sung by Richard Cocciante, constitutes the remaining important role in this musical narrative. Several pieces depict his relationship with Sand, including a mournful, Ravel-like piece pitying Sand and Chopin for the way the Majorcans treated them, and an invocation of the Muse of Music (sung by Maurane) hoping that composing music, "la langue des anges," might cure Chopin of his tuberculosis. Some of Chopin's piano music is mixed with orchestral musings. Chopin's voice has the same raspy quality as Sand's, although not quite Gainsbourg; his gratitude to Sand, in "La femme en noir," for all she has done for him sounds vaguely like a Broadway musical, yet without sparkle and poignancy. Sand has several pieces to herself, one in particular which addresses the issue of autobiography and what it means to write about oneself. "L'[sic] Histoire de ma vie" 34 George Sand Studies conduit aux lieux initiatiques et par le repos conventuel, qu'il s'agisse de la maison cachee de Bourges, de la prison de Spandaw ou du couvent de Notre-Dame du Refuge. On pourrait facilement relier ce refus de choisir, ou plutot de choisir toutes Jes possibilites, par son statut particulier de femme dans la societe de son temps, et Jes circonstances particulieres de sa vie. Que cela soit pour une part dans les choix de son imagination n'est pas niable. Mais d'autres exemples, chez d'autres femmes, m'inclinent a penser que le probleme est plus general et, comme le dit tres bien Beatrice Didier, que "le meme grand tissu mythique enveloppe l'humanite toute entiere; mais [que] hommes et femmes ne s'y taillent pas Jes memes vetements". 15 Une fois encore, et a la suite de Beatrice Didier, repetons qu'il n'est pas question de segregation. 16 Mais dans le cas qui nous occupe, ii est bien evident, comme je I'ai deja montre en ce qui conceme Jes figures de femmes, et notamment Consuelo, que l'imaginaire de George Sand est un imaginaire qui puise sa force et sa forme dans une structure "oxymoronique", qui joue de la rencontre et de la coincidence des contraires, pour en tirer une vision du monde ou Jes classements, Jes oppositions rationnelles, Jes divisions logiques sont en quelque sorte naturellement "resolues", comme on dit en musique, dans une harmonie poetique. Peut-etre jugera-t-on que c'est beaucoup tirer de cette etude sur un theme finalement tres commun dans toute la litterature, et pas seulement la litterature romantique. Mais precisement, des que nous avons tente de travailler sur ce theme, chez George Sand, Jes termes de la halte et du chemin nous sont apparus indissociables, et finalement faire sens, a condition de ne pas !es separer, de voir leurs polarites opposees reunies dans une sorte de metaphore commune qui non seulement refuse de Jes disjoindre, mais Jes transcende. Plus encore, cela jouait aussi bien dans une oeuvre legere comme Teverino, que dans le "grand oeuvre" Consuelo, ou dans la quasi-autobiographie des Lettres d'un voyageur. Cette constance a travers Jes genres comme a travers le temps, c'est aussi le voyage d'une ame feminine qui savait donner sa part au repos, qui savait faire d'un seul mouvement se rejoindre et se fortifier la halte et le chemin. Ainsi l'errance n'est pas le simple vagabondage de la fantaisie, elle s'ancre dans le lieu d'origine devenu figure du futur, et dans !'art comme supreme expression par laquelle l 'homme mortel temoigne de son destin superieur. Isabelle Naginski a bien montre 17 que l'oiseau est l'une des formes symboliques qui ont hante George Sand, la fille de l'oiseleur. Cette figure implique imaginairement le vol et le nid, la liberte de l'elan et la stabilite de la creation. Le vrai voyage, et la encore ii y a "coi:ncidence des contraires", c'est, a mon sens, celui que fait George Sand, immobile a sa table, sur Jes pages ou court sa plume, oiseau transmute, et sans cesse renaissant. Centre de recherche sur I'imaginaire Universite Stendhal (Grenoble) 80 George Sand Studies prediction regarding her literary future; as she wrote to Flaubert in 1872, ironically the year of the publication of the magnificent Nanon: "Je crois que dans cinquante ans je serai parfaitement oubliee et peut-etre durement meconnue." And, as in so many of her pronouncements, Sand was unfailingly correct, for it is hard to find any other French author of her status who was more effectively forgotten or maliciously misunderstood than was she for more than one hundred years after her death. The volume opens with a reassessment by Georges Lubin of the crucial matter of authorship in the early Rose et Blanche (1831) and closes with Nicole Mozet's study of the connection between coquettishness and power in Sand's novels of the Second Empire, written during the last decade of her life. As is true of almost any collection of essays, this one is somewhat uneven in quality and in depth of scholarship. For example, Per Nykrog's contribution on "La Tentation de Pere Alexis: Spiridion ou l'Agonie du Christianisme," which traces the spiritual evolution of Alexis, is a plot summary rather than an analysis of its meaning. On the whole, however, the collection illuminates both well-traveled ground in Sand's work and the history of ideas in her century. Several of the essays concentrate on large Sandian themes. For example, "Histoire et memoire dans Le Marquis de Villemer" by Lucienne Frappier-Mazur elucidates the relationship between history in the text-within-the-text, written by the hero, and his own future. Michele Hecquet makes a very interesting analysis of the symbolic and actual meaning of illegitimate birth in Horace and Consuelo. The theme of music in Sand's novels is addressed by Beatrice Didier in her observations on the writer's encoding of the opera Don Giovanni in Le Chateau des Desertes, and by David Powell, who studies the relationship between musical improvisation and the notion of freedom in Consuelo, ending with an intriguing, if not wholly convincing, hypothesis on Consuelo's voicelessness. Naomi Schor contributes to the ongoing controversy concerning Sand's feminism in her "Le feminisme et George Sand: Lettres a Marcie," in which she sees Sand's theoretical writings as indicative of her position as une utopiste feministe. Schor connects Sand's belief in the "division of spheres" for men and women to contemporary French feminists, showing that such a theory allows them to "imaginer un lieu protege ou I 'Ideal prevaut," as did Sand. For this reader, the highlights of this collection are four essays that use Sand as a point de depart to open new avenues to the culture of her time and the rich network of ideas that informed her work. Simone Vierne's very intelligent response to the "critical consensus" that Sand overused "good feelings" in her novels is contained in an essay entitled "George Sand et le roman sentimental." A comparison with the work of Octave Feuillet allows Vierne to discern Sand's ability to rise above the stereotypes and cliches of the sentimental novel to explore the nuances of character, landscape, and social milieu, with the result that her novels refuse a lecture facile. Two of the contributions focus on the second version of Lelia and through subtle and rich analysis make a well-versed case for the centrality of that work. Marie-Jacques Hoog's "Lelia au rocher" is written in a marvelously poetic style to pose the risky, highly original hypothesis that Sand used la Pierre de Bologne, l'Aenigma Bononiense, the famous enigma studied by C.G. Jung, as a model in creating the marble-encrusted, ambiguous personage of the second Lelia. "Les deux Lelia: une reecriture exemplaire," by Isabelle Naginski, depends partially on art history in the matter of "sexual space" to demonstrate that the second version is in Bakhtinian dialogue with the first, a kind of Refiews 85 Paris entre 1833 et 1870, auxquels s'ajoutent quelques prefaces. Journaliste, George Sand l'a ete au sens fort du terme: au meme titre que Balzac, Gautier, ou Dumas, elle appartient acet "ordre Gendelettre" que Balzac critique dans sa Monographie de la presse parisienne--bien qu'il en fasse lui aussi partie--mais dont la toute-puissante influence sur !'opinion publique atravers la presse quotidienne et les revues, et ceci surtout sous la Monarchie de Juillet, ne peut etre contestee. Republier l'ouvrage, c'est done avant tout refuter de maniere concrete la notion malheureuse-ment encore assez repandue selon laquelle George Sand n'aurait pas vraiment eu d'esthetique bien aelle. Questions d'art et de litterature temoigne ala fois de la constance de la reflexion critique chez Sand, de l'ampleur du travail critique qu'elle a realise et surtout, de son autorite en tant que critique. Ce qu'Isabelle Naginski appelle ''l'art poetique" de Sand, on le retrouve en effet dans cette serie d'articles qui fournit un apen;:u historique interessant et assez representatif des prises de position de Sand en matiere d'esthetique. Mais on ne le trouve pas tout entier, loin s'en faut, puisqu'il ne s'agit laque d'un echantillon de la production critique de Sand. Comme le disent Henriette Bessis et Janis Glasgow dans leur presentation de l'ouvrage, Questions d'art et de litterature reste un ouvrage "en miettes," le choix des textes restant un choix arbitraire, tout autant dans la premiere edition que dans celle-ci, puisqu'il s'agit pratiquement des memes articles. La nouvelle edition ne se distingue en effet de la premiere que par la suppression de "trois des articles sur Maurice Sand et quatre sur les poetes populaires" --cinq en realite--suppression que Bessis et Glasgow justifient par leur desir de "ne pas alourdir l'ouvrage" (10). Vu l'interet pro-fond que porta Sand a la "litterature des proletaires" pendant la majeure partie de sa vie, certains regretteront peut-etre ces suppressions. Leur absence ne contribue cependant pas reellement a presenter une image plus "elitiste" de Sand en tant que critique: tout d'abord parce qu'un texte representatif de sa pensee en ce domaine, "Les poetes populaires," a ete conserve; ensuite, parce que cette notion ne se soutiendrait pas ala lecture des articles de Sand. Certains sont en effet empreints d'une veritable irreverence tant al'egard des "grands" auteurs ses collegues (Lamartine, Hugo), que des institutions. "Reception de Sainte-Beuve al'Academie Fran<;:aise" (mars 48) et "Pourquoi les Femmes al'Academie?" (mai-juin 63) sont tres revelateurs acet egard. A sa maniere, chaque article montre l'aise avec laquelle Sand contribue atoutes les discussions critiques, quel qu'en soit le sujet et l'interlocuteur (Sainte-Beuve, Flaubert). Questions d'art et de litterature temoigne du large eventail d'interets critiques de Sand--peinture, theatre, roman, etc.--, mais aussi de la constance de ses propres principes esthetiques: sa croyance optimiste en l'art comme outil du progres et instrument de reconciliation sociale, pour les femmes et pour le peuple; son rejet des etiquettes et des ecoles au profit du "vrai" quelle qu'en soit la forme. L'analyse magistrale qu'elle fait du "mal du siece" dans son compte-rendu d'Obermann, ses trois plaidoyers pour Flaubert, qu'elle admire mais voudrait guerir de son pessimisme, sont, avec les deux textes sur l'Academie fran<;:aise, les plus interessants. Mais meme lorsqu'il s'agit de textes de commande --un compte-rendu d'une histoire de Jules Cesar par Napoleon III, par exemple--ou de faveurs pour des amis qu'elle veut lancer, Sand s'engage de maniere personnelle, avec une grande honnetete, beaucoup de tolerance et de serieux. 82 George Sand Studies Bien evidemment, un tel discours est par definition politique dans le sens le plus large du terme. Cette dimension est plus particulierement developee au chapitre quatre dans des essais abordant tout d'abord la question difficile de 1' ambiguite et des contradictions de l' engagement politique de Sand dans une comparaison Sand/Stael (Renee Winegarten), puis celle de la portee politique des romans champetres comme representifs d'un choix politique conscient de la part de l'ecrivaine (Marylou Gramm), jusqu'a une analyse du role de la femme dans le contexte ideologique de I'epoque (Bernadette Segoin). L'ouvrage se termine sur !'evocation des liens entre Sand et Rousseau (Jeanne Fuchs), d' Agoult et Allart (Mary Anne Garnett), Duras (Maryline Lukacher) et une analyse interessant de !'influence de Sand sur les ecrivaines allemandes elaboree a partir de !'opposition Iiberalisme reformateur-radicalisme revolutionnaire (Lorely French). George Sand Today temoigne done une fois encore de la vitalite de la recherche sandienne et surtout me semble-t-il ici de ses multiples racines et prolongements theoriques. Tel par exemple !'article d'Andreas Wetzel ou, dnas une analyse profonde temoignant de la complexite des questions que soulevent les textes sandiens, Un Voyage a Majorgue est brillamment interprete comme une ecriture du pittoresque irremediablement dissociee de son objet et vouee a l'echec en meme temps que seule productrice de ce meme objet et done de sa non-existence...comme de son existence. Une lecture stimulante et un ouvrage vivement recommande. BENEDICTE MONICAT The Pennsylvania State University SAND, GEORGE.Correspondance XXV Supplements (1817-76). Ed. Georges Lubin. Paris: Gamier, 1991. 1195pp. Supplements to general correspondences rarely provide reading material as compelling as letters covering a short period of time or limited to exchanges between two correspondents. Gone is the dense chronological continuum, absent also, the sense of a network of texts, the gradual fading in and out of correspondents, and at least the semblance of an epistolary plot. Each text retains its autonomy, and the ensuing impression of accrued frag-mentation risks discouraging all but the most unconditional of readers. Volume XXV of George Sand's Correspondance constitutes a felicitous exception to the rule and forms a fitting closure to a forty-year project unwittingly undertaken when Georges Lubin started gathering George Sand's letters with the intention of preparing a biography. What was first a means soon became a goal, and since 1964, in spite of the precarious commercial viability of such a monumental and erudite enterprise, hardly a year has passed without a volume being added to the published series. Now, however, the seasonal ritual of suspense, gratification, anxiety and relief is over. Spanning the greater part of George Sand's epistolary career, this volume contains letters found too late to appear previously in their proper place. Consuelo ou la defaite politique de la femme Maryline Lukacher Dans une lettre du 15 janvier 1867 adressee a Gustave Flaubert, George Sand ecrivait: "Consuelo, La Comtesse de Rudolstadt, qu'est-ce que c'est que r;a? est-ce que c'est de moi? Je ne m'en rappelle pas un trait re mot!" 1 Ce que la declaration de Sand marque, c'est l'oubli des annees 1842-44, periode durant laquelle Consuelo et La comtesse de Rudolstadt parurent dans La Revue Independante. C'est en effet en 1841 que Sand abandonne La Revue des deux Mandes et decide de lancer avec Louis Viardot et Pierre Leroux La Revue Independante. Or, Viardot, journaliste mais aussi disciple de Leroux epouse Pauline Garcia, cantatrice et arnie de George Sand. Comme le montre Leon Cellier dans son introduction a Consuelo, "cette union avait ete favorisee par G. Sand, et en verite on ne pouvait rever mariage plus typiquement reussi, puisque, en la personne de Pauline, et de Louis, etait reussie !'union de !'Art et de l'Humanite. Cette union definit a merveille la maturite de G. Sand et c'est elle qu'elle a voulu illustrer dans la somme romanesque qui porte pour titre le prenom feminin espagnol: Consuelo (Consolation). " 2 Sand ne repond pas seulement au probleme social de !'artiste dans Consuelo, mais elle evoque aussi le nouveau role que la femme doit avoir dans le mariage. La revolution de 1848 et la reponse de Sand au comite central de la gauche, l'annee suivante, exprimant son refus de se presenter aux elections rendent compte d'un changement d'opinion politique. Convaincue que le mariage et la maternite constituent la premiere vocation de la femme, Sand affirme qu'il faut avant tout realiser l'egalite totale des epoux devant la Joi avant d'envisager qu'aucune femme ne puisse loyalement remplir son rnandat politique: La femme etant sous la tutelle et dans la dependance de l'homme par le mariage, il est absolument impossible qu'elle presente des garanties d'independance politique, a moins de briser individuellement et au mepris des lois et des moeurs, cette tutelle que les moeurs et les lois consacrent. II me parait done insense, j'en demande pardon aux personnes de mon sexe qui ont cru proceder ainsi, de commencer par ou l'on doit finir, pour finir apparemment par ou l'on eiit du commencer. 3 La femme etant sous la tutelle et la dependance de l'homme par le mariage, la loi doit commencer par emanciper la femme avant que de lui donner des garanties d'independance politique. La decision sandienne de renoncer a tout role public et de se consacrer a l'ecriture coi:ncide avec le denouement de La Comtesse de Rudolstadt comme nous allons le voir. Quand Sand declare en 1867, "Consuelo, La comtesse_ de Rudolstadt, je ne m'en rappelle pas un traitre mot," on peut se demander quelle repression magistrale est ici en 36 84 George Sand Studies grand-mother, writing daily letters on her behalf (22). Three years later the young wife explains her habit of ordering the latest literary productions that she hears about in the papers (69), and within two years, she demands that her friend Jane Bazouin send her accounts of her trip to Switzerland, regardless of the countless available "voyages en Suisse" (116, 123, 142). In addition, Jane acts as a catalyst for Aurore's literary experimentations, from her new and improved "confession letter", where Aurore's jealousy over Jane's attachment to her own sister Aimee replaces the forbidden Jove for Aurelien (103-110), to the admission in 1829 that, without Jane, she would never have the courage to continue writing what was to become La Marraine (196). Given the component of literary emulation in their friendship, it is all the more noteworthy that in letters as late as March 1832, the soon to be G. Sand never mentions the career that she has been actively pursuing for over a year (230). Through these letters, and in a larger sense, thanks to the entire publication, readers witness a Proustian story in which Aurore Dupin slowly becomes the author of George Sand's Correspondance. In the introduction to this volume, Georges Lubin warns us that in spite of his indefatigable efforts, many letters remain to be discovered or bargained out of the hands of those who hold them. Certainly, more can always be done; nonetheless, Georges Lubin has surely done more than could be expected of one person. His own perseverance, erudition and enthusiasm are largely responsible for the availability of material by George Sand and, consequently, for the current renaissance in Sandian studies. The very existence of this last volume of George Sand's Correspondance is a tribute to Georges Lubin's work, and for this we are all humbly grateful. ANNE E. MCCALL Tulane University GEORGE SAND. Questions d'art et de litterature, presente par Henriette Bessis et Janis Glasgow. Paris: Des Femmes/Antoinette Fouque, 1991. 381pp. Apres les excellentes reeditions des romans de Sand aux Editions de l'Aurore, c'est la maison Des Femmes sous la direction d'Antoinette Fouque qui nous offre ces Questions d'art et de litterature. Cette reedition s'imposait: il reste bien quelques exemplaires de l'edition originale de Calmann-Levy (1878) eparpilles <;:a et la dans des bibliotheques universitaires, mais, a en juger par le mauvais etat de ceux que j'ai consultes, l'ouvrage n'allait pas tarder a devenir introuvable. Quand on sait combien la simple difficulte a se procurer les textes de Sand a pu contribuer a la survie des mythes qui l'entourent, toute reedition serieuse de ses ouvrages ne peut etre que bienvenue. Questions d'art et de litterature--le titre n'est pas de George Sand, mais de son fils Maurice--aurait pu fort bien s'intituler George Sand journaliste. 11 s'agit en effet d'une collection d'articles critiques publies par elle dans dix-huitjoumaux et revues de BIBLIOGRAPHY FOR 1992 Les Amis de George Sand 13 (1992). Contents: George Sand, "Arlequin medecin" (3-5); George Sand, "Quand 'Madame' faisait la salle" (9); Mariette Delamaire, "Le grand theatre" (10-25); Marie-Paule Rambeau, "Un Plutus moraliste" (26-30); Nathalie Abdelaziz, "Masques, mascarades" (31-40); Marie-Jeanne Boussinesq, "Cosima fan tutte" (41-44); Madeleine Brocard, "Elisa Fournier a Nohant" (4547). Autour de George Sand. Melanges offerts a George Lubin. Brest: Centre d'Etude des Correspondances des XIXe et XXe siecles, Faculte des Lettres et Sciences Sociales Universite de Brest, 1992. Pp. 248. Contents: Franc;ois Lugenot et Jacques-Philippe Saint-Gerand, "Alkan et George Sand. Analyse d'une relation epistolaire" (17-53); Phillipe Regnier, "Les saint-simoniens et George Sand" (55-73); Andre Guyaux, "Sainte-Beuve et George Sand. A l'ombre du rocher absurde" (75-86); Christian Croisille, "George Sand juge de Lamartine (18481859)" (87-101); Alain Mercier, "George Sand et les poetes ouvriers, Franc;ois Barrillot et Savinien Lapointe, d'apres la Correspondance editee par G. Lubin" (103-111); Michel Malicet, "George Sand devant quelques ecrivains catholiques" (113-119); Franc;ois Marotin, "Jules Valles, George Sand et les femmes de lettres" (121-129). Bernadac, Christian, ed. Dessins et aquarelles. Paris: Belfond, 1992. Bernadac, Christian, ed. Dessins, aquarelles, dendrites de George Sand: /es montagnes bleues. Beyer, Sandra and Frederick Kluck. "George Sand and Gertrudis Gomez de Avellaneda." NCFS 19 (1991-92): 203-209. Cassagne, Isabelle. "George Sand, Auteur fantastique?" Tropos 18 (Spring 1992): 1526. Chevereau, Anne, ed. Agendas. III: 1862-1866. Paris: Touzot, 1992. Delaigue-Moins, Sylvie. L'eventail de George Sand: Nohant, des heures et des entretiens. Limoges: Lucien Souny, 1992. Lambotte, Janine. Appelez-moi George Sand. (Les feuilletons de Point de Mire lus par Gerard Valet.) Bruxelles: Editions Labor/RTBF Editions, 1992. Lubin, Georges. George Sand en Berry. (la memoire des lieux, 3.) Brussels: Complexe (diffusion: Presses universitaires de France), 1992. Lubin, Georges, ed. Promenades dans le Berry: moeurs, coutumes, legendes. (Le regard litteraire, 55) Brussels: Presses universitaires de France, 1992. Lubin, Georges, pref. Promenades autour d'un village; Le Berry. Illustrations de Jules Veron, Eugene Grandsire, George Sand et al. Nouvelle edition (Monts et merveilles). Paris: Christian Pirot, 1992. Monin, Yves. George Sand, troubadour de l'eternelle verite. Paris: Edition La Table d'emeraude, 1992. 87 86 George Sand Studies Contrairement a certains joumalistes de l'epoque, qui preferent parler de tout sauf de leur sujet, Sand prend toujours clairement position. L'edition de Bessis et Glasgow est plus complete et plus facile a consulter que celle de Calmann-Levy, puisqu'elle possede, outre une preface a !'ensemble, de nombreuses notes explicatives et une introduction individuelle aux articles, elements qui faisaient defaut a la premiere edition. L'ouvrage est-il vraiment destine aux amateurs de Sand autant qu'aux chercheurs, comme l'affirment Bessis et Glasgow? On peut en douter. Couvrant une periode tres longue de la carriere joumalistique de Sand, il peut difficilement en traiter de maniere parfaitemment coherente et ces commentaires necessairement ponctuels de Sand posent done parfois de vraies enigmes. Quelle est, a titre d'exemple, la position critique de Sand vis-a-vis de Hugo? Questions d'art et de litterature nous offre trois reponses fort differentes a partir de textes publies entre 1848 et 1870. Que pensera l'amateur de ces 'contradictions' chez Sand? Qui <lira le "novice" de ces apparents revirements qui restent sans explication ici? En fait, ce que Questions d'art et de litterature illustre le mieux, c'est que le travail de reconstruction de la critique sandienne reste encore a faire. MARIE-PIERRE LE HIR Case Western Reserve University 38 George Sand Studies serie de rites d'initiation pour etre admise dans leur societe secrete qui propage des idees revolutionnaires a travers !'Europe. Albert est encore vivant, et Consuelo decide de renoncer a Liverani par devoir conjugal. Or, Albert et Liverani ne font qu'un et le mariage de Consuelo et d'Albert est confirme dans une ceremonie somptueuse qui clot en meme temps !'admission de Consuelo dans l'ordre des Invisibles. Sand ne manque pas de souligner l'egalite de rang qui existe entre Consuelo et Albert au sein des Invisibles. Dans !'epilogue, Consuelo perd la voix et Albert, menace d'emprisonnement doit renoncer a ses titres et a son identite. Devenue la traductrice des discours de son mari visionnaire, Consuelo et Albert finissent leur vie errante sur les routes de Boheme. Enfermee a la prison de Spandaw par ordre de Frederic II de Prusse, puis a la residence des Invisibles, le Saint Graal, Consuelo est soumise a une serie de disciplines rigoureuses. La soumission de Consuelo au Pouvoir (le roi, la societe secrete) rend compte d'un processus qui serait, selon Sand, caracteristique de la creation artistique: "A Spandaw, elle avait roidi sa volonte contre des perils extremes, contre des souffrances reelles; et puis la resignation lui semblait naturelle a Spandaw. [... ] au lieu que dans sa nouvelle prison tout semblait dispose pour une vie d'epanchement poetique. "4 En somme, Sand s'arrete sur le passage d'une discipline repressive a une discipline positive. Elle s'interroge, a partir du personnage de Consuelo, sur les societes disciplinaires du dix-huitieme siecle, ce que Michel Foucault a appele !'inversion fonctionnelle des disciplines: "On leur demandait a l'origine de neutraliser des dangers; on leur demande desormais, car elles en deviennent capables, de jouer un role positif, faisant croftre l'utilite possible des individus."5 Tout le chapitre quarante et un de La comtesse de Rudolstadt rend compte de cette transformation en rempla�ant les lois tyranniques de la vieille societe par l'egalite fondatrice de la nouvelle mais au prix d'une serie d'epreuves. Contactee par les Invisibles, a la cour de Frederic II de Prusse au elle est premiere chanteuse du theatre de sa majeste, Consuelo se trouve accusee de faire partie d'un complot contre le roi dont elle est innocente. Soumise au regime des prisonniers politiques a la forteresse de Spandaw, Consuelo est incarceree dans le chateau avec toutes les formalites et rigueurs d'usage. L'enfermement arbitraire de Consuelo offre un exemple du gouvernement disciplinaire de Frederic de Prusse et les moyens du ban dressement des individus par le pouvoir absolu du roi. Ce que montre Sand dans la privation de liberte, c'est la mise en place d'un dispositif repressif qui "fabrique" des individus. C'est sur ce point que Foucault insiste en montrant comment "la discipline est la technique specifique d'un pouvoir qui se donne les individus a la fois pour objet et pour instruments de son exercice. "6 L'emprisonnement reduit Consuelo a une soumission absolue: "Au bout de huit jours, elle s'etait deja si bien faite a sa prison qu'il lui semblait qu'elle n'eut jamais vecu autrement" (La comtesse de Rudolstadt 3: 175). Or que fait Sand de ce dispositif disciplinaire? Un jeu d'enonciation, de lignes de force et de subjectivation, qui deviennent la condition de la creation litteraire. C'est dans l'espace de l'enfermement que Consuelo/Sand s'interroge sur les conditions de la creativite: "Journal de Consuelo, <lite Porporina. Des mots, des phrases, cela me paraissait si froid au prix de ce que je pouvais exprimer avec le chant! C'est done la premiere fois que je sens le besoin de retracer par des paroles ce que j'eprouve et ce qui m'arrive. C'est meme un grand plaisir pour moi de !'essayer" (La comtesse de Rudolstadt 3: 205). Le corps restreint, emprisonne, menace est la condition par 88 George Sand Studies Powell, David A., ed. George Sand Today. Proceedings of the Eighth International George Sand Conference-Tours 1989. New York: University Press of America, 1992. Contents: David A. Powell, "Editor's Preface" (1-2); Yvette Bozon Scalzitti, "Nanon ou la Revolution comme fiction masculine" (3-18); Jane A. Nicholson, "The Sense of Place in Mauprat: Locating the Feminine in Sand's Female Pastoral" (19-28); Tamara Alvarez-Detrell, "A Room of her Own: The Role of the lieux from Aurore to Indiana" (29-35); Annarosa Poli, '"Histoire du reveur': Itineraire fantastique a la recherche d'une ecriture" (37-51); Jeanne Goldin, "Du couvent a la chambre a soi" (55-65); Susan Leger, "Le Papier peint jaune de George Sand" (67-79); Lucy M. Schwartz, "The Monastery: George Sand's Special Place" (81-88); Anne Chevereau, "The Agendas de George Sand" (89-94); Denise Brahimi, "Berry/Bourbonnais: Une geographie sandienne aux multiples sens" (97-107); Marielle Caors, "Paysages de George Sand" (109119); Andreas Wetzel, "Entre la vie 'factice' et la vie 'primitive'. Le lieu pittoresque de I'ecriture sandienne dans Un hiver a Majorque (121-129); Aleksandra Gruzinska, "Meconnaissance des lieux et connaissance de soi: Une relecture de La mare au diable" (131-143); Sylvie Charron Witkin, "Rivieres et fontaines dans Jes romans champetres" (145-152); Renee Winegarten, "Two Women in Politics: Germaine de Stael and George Sand"(155-166); Marylou Gramm, "The Politics of George Sand's Pastoral Novels" (167-179); Bernadette Segoin, "Le sentiment maternel: moteur d'une societe chez George Sand" (181199); Wendell McClendon, "Consuelo: Lost or Found?" (203-212); Gislinde Seybert, "Le lieu du pere. 'Fragments de souvenirs personnels "' (213-222); Natl'ja S. Trapeznikova, "Folie ou compassion? Contribution a l'etude du personnage d'Albert dans le diptyque historique Consuelo et La Comtesse de Rudolstadt" (223-29); Lorely French, "George Sand and the Women's Movement in 19th Century Germany: Louise Aston as a "German George Sand" (233-44); Jeanne Fuchs, "lntertextualities: Les reveries and Indiana" (245-254); Mary Anne Garnett, "La reine noire et la reine blanche: George Sand et Hortense Allart" (255-268); Maryline Lukacher, "La maladie du suicide; India (na) song, Sand/Duras" (269-285). Revue des Sciences Humaines 226 (1992): "George Sand." Ed. Isabelle Naginski. Contents: Isabelle Naginski, "George Sand" (7-11); George Lubin, "Rose et Blanche, roman renie" (13-20); Naomi Schor, "Le feminisme et George Sand: Lettres a Marcie" (21-35); Beatrice Didier, "George Sand et Don Giovanni" (3753); Marie-Jacques Hoog, "Lelia au rocher" (55-64); Isabelle Naginski, "Les deux Lelia: une reecriture exemplaire" (65-84); Per Nykrog, "La Tentation du Pere Alexis. Spiridion ou I'Agonie du Christianisme" (85-97); Michele Hecquet, "Enfants de Boheme" naissance et legitimation chez Sand" (99-116); David A. Powell, "lmprovisation(s) dans Consuelo (117-134); Brigitte Lane, "George Sand, 'ethnographe' et utopiste: rhetorique de l'imaginaire" (135-160); Lucienne Frappier-Mazur, "Histoire et memoire dans Le Marquis de Villemer" (161-174); Simone Vierne, "George Sand et le roman sentimental" (175-192); Nicole Mozet, "Coquetterie et pouvoir dans Jes romans sandiens du Second Empire" (193-209). Bibliography 89 Reid, Martine. "Mauprat: mariage et matemite chez Sand." Romantisme 76 (1992): 4359. Saint-Germain, Pierre. "Les voix du peuple." Litterature 86 (May 1992): 36-50. Sand, George. Gargilesse. Preface de Christiane Sand. Paris: Christian Pirot, 1991. Sand, George. Indiana. Paris: Editions de la Boheme, 1992. Sand, George. La Daniella. Ed. Annarosa Poli. 2 vols. Meylan: Editions de I' Aurore, 1992. Sand, George. Le dernier amour. Ed. Mireille Bossis. Paris: des Femmes, 1991. Sand, George. Questions d'art et de litterature. Texte integral. Ed. D.J. Colwell. Egham, Surrey: Runnymede Books, 1992. Sand, George. Malgretout. Preface de Jean Chalon, Notes de Claude Tricotel. Meylan: Editions de I' Aurore, 1992. Sand, George. Vies d 'artistes. Presentation de Marie-Madeleine Fragonard. Paris: Presses de la Cite (Omnibus), 1992. This volume contains La Marquise, Les Maftres sonneurs, La derniere Aldini, Pauline, Horace, Teverino, Lucrezia Floriani, Le chateau des desertes, and Les maftres mosai'stes. Tillier, Bertrand. Maurice Sand marionnettiste ou les 'menus plaisirs' d'une mere celebre. Tusson (Charentes): Duherot, 1992.