Ce carnet appartient à Henri GANTELET - Europeana 1914-1918

Transcription

Ce carnet appartient à Henri GANTELET - Europeana 1914-1918
Ce carnet appartient à Henri GANTELET, Maréchal des Logis, 46ème d’artillerie,
8ème Batterie, secteur 30
En cas de perte de ce carnet ou pour tout autre chose, il devra être envoyé à
Madame Henri GANTELET, émigrée à Jussy par Changes (Yonne)
Pièce Martinet
Frein : N° 167 Futeaux 1907 Tube N° 1525 FB9 – 1847
Frein N° 590 Futeaux 1894 Tube N° 96 FB1 – 1897
Guerre 1914 – 1915
Vendredi 1 Janvier 1915 - Circoncision
Mobilisation – départ – voit le 46 partir – brouhaha infernal – l’on compte que la guerre
durera 3 mois – rencontre de nombreux camarades – reste plusieurs jours sans être affecté –
on dit que d’amade est à Mulhouse – poudre Turpin ! – recrutement des chevaux camions
automobiles – réservistes arrivant en grand nombre restant très longtemps sans être habillés –
casernement en désordre – constitution des Batteries de dépôt très lentes à faire –
Samedi 2 Janvier – S.Basile
Me fait inscrire à la 73ème Batterie – Batterie de renforcement se constituant mieux et
attendant chevaux de réquisition pour partir – Voit Maurice Grassière qui part aux Batteries
de renforcement – Reçois lettre d’Elise, désolée – section de guerre se formant – H.Bouquant
y est ainsi que Gaston Roger – bataillons d’Afrique dévalisant tout au quartier national –
soldat moitié en civil se baladant à Mourmelon – Pas assez d’officiers pour organiser les
réserves – apprenant invasion par la Belgique – armée Belge barrant la route – Nous sommes
600 par Batterie de départ – indiscipline – Fais le peloton aux Alsaciens – Arrivée des
Marocains – Les troupes de l’Est remontent vers le Nord – Apprend la mort de J. Tortin –
Revue du Commandant – Touchons des chevaux pour nos Batteries – Faisons manœuvre dans
le camp – Jeunes officiers arrivés Batterie – Emigrés passant Mourmelon – Départ dépôt –
Voit ma famille avant – Embarquons St Hilaire au Temple Mme Petalet me donne 2 bouteilles de bon vin
Soir à « ça » entassés Noyon – Voyons train d’émigrés – débarquons hommes – chaleur
lourde – Apprenons gouvernement parti – Français reculent – Logés dans des fermes –
Bretons pas sociables – Buvons du cidre
Aucune nouvelle famille – envoie télégramme sans réponse – très inquiet réel soulagement
par fragments Petit Parisien de Mme Pate – Fais les classes aux Bleus – Désigné par le
Commandant pour porter plis aux …très content – voit le théâtre des opérations – me trompe
de route la première fois – repasse deux fois dans ma famille – réelle joie – correspond avec
toute ma famille sauf ma grand-mère et Léon et Berthe – rencontre Jules Gangand je ne peux
pas le reconnaître – Voit E.Odin, A.Thomas – apprends par Mourrich la mort de Raphaël –
voit Herbin – voit Robert – fritz – à Noizy le sec voit Ponsinet – Chenet – ai vu Ch. Hemat
gare Châlons – vu Léon Guénard St Florentin – vu Angèle Chaumont et Léonie à Troyes Vu Fernand Journet à Troyes vu Malmy St Hilaire à Troyes vu Ch.Leroy sergent 192 à ….au
dépôt de connaissances
Tati, Vaillant, Duvivier, Marette, Lhote, Guerin partis Infanterie, Manteaux, Lacroix, Lefort,
Husson, Morin, Baudry, vu 4 ème Renaudin, Hateu,
Jeudi 7 janvier – Ste Mélanie
Partons de Rennes le 7 janvier, embarquons rue St Hélier – les copains fêtent mon départ on
s’embrasse – copieuses libations – va de chez Cocherie à Rennes avec la voiture des officiers
– embarquons à 3 heures – le commandant Meyer y assiste et me donne une poignée de main
en me disant : « Bonne Chance » - avec nous, le 61ème embarque quelques chevaux – voyage
par Le Mans – Chartres où nous déjeunons à l’Hôtel – partons à midi 19 par Orléans,
Montargis, Sens, Troyes et Chaumont où je rencontre Mme Lemaire qui était à la gare à
Dontrien au moment de la mobilisation – nous arrêtons une heure et partons pour Bologne où
nous touchons du café à la station : halte repas – passons à St Dizier – Revigny où nous
voyons un pont sauté et réparé par le génie – Givry en Argonne – Ste Menehould et Verdun
où on nous dirige sur Dugny – arrivons à 9h du soir nous dormons dans le train et nous
débarquons le lendemain.
Samedi 9 janvier – S.Julien
Débarquons matin Dugny moitié des chevaux à Troyon et Monts – arrivés Houdainville, y
voit Gérard Meyer – mange menu confortable avec Dubosc avant de repartir musette égarée –
part à cheval pour Dugny poursuit jusque Landricourt puis Lempin où je rentre en possession
– reviens à Houdainville où je couche avec Gérard et son chien – ramasse une bûche avec
mon cheval en sortant de Lempin aucun mal – repartirai demain de bonne heure pour Monts.
Dimanche 10 janvier – S.Paul
Arrive à Monts les cotes 9h du matin – cheval fourbu – suis parti d’Houdainville au jour,
passe par ferme Miranvaux où se trouve Maurice Ticot, ne l’ai pas vu – me présente à …,
poignée de main, trouve Guinard qui part pour Troyon – me présente au Commandant Hardy
– prends des renseignements auprès du Maréchal des Logis Allart que je remplace – porte les
ordres à la batterie – voit le capitaine Heudon – mange au bois avec ma pièce – cuisine dans la
boue – monte à la crête des Hures avec Loyal pour voir ce qu’il y a à faire – descends avec le
lieutenant Thery – ai vu tirer le 120 à la crête des Hures – touche le prêt de mes hommes – lie
connaissance avec les sous-officiers – couche à côté de Bernard…ai vu J.Gangand le matin,
très désolé : il part pour 6 jours aux tranchées – voit Emile Colin – dit au revoir à Guinard –
monte les ordres –voit les chevaux de ma pièce dans la carrière – descends tous les jours au
Lieutenant Diem la situation des munitions – porte mon livret au chef – écris à Elise Thérèse
Marcel etc…apprends que Winchler doit être au 132 – apprends la présence de Raymond à
Miranvaux. Les hommes charrient des pierres pour mettre le cantonnement en état – à ma
pièce il y a un nommé Machault de Machault.
Le maréchal des Logis Allart que j’ai remplacé était le beau frère de Léon Daudet de l’Action
Française.
Mardi 12 Janvier – S.Arcade
Il pleut toujours – monte les ordres – menu pommes sautées viande rôtie – écris l’après-midi
chez une bonne femme – fantassin revenant des tranchées ne pouvant plus marcher – ai bien
dormi la nuit, je me suis mis dans mon sac à avoine – lie connaissance avec mon Brigadier
Bernard, sa femme très religieuse – il est d’Ay
Mercredi 13 Janvier – Bapt. De N.S.
Toujours de la pluie – en montant les ordres au capitaine, un avion Boche signalé mais avions
français lui donnent la chasse ; il fait demi-tour – Les Boches bombardent Villers en Woëvre
– connaissance avec Mr Merjing – partons soir crête des Hures – boue, bûches à volonté –
Impossible de trouver abri, enfin après recherches trouvons notre cabane. Médard fait du feu –
Mangeons camembert – Ecris à Elise et Léon Soudant – Le H tonne, les Boches ne répondent
pas – Quelques coups de fusil isolés – touche une peau de mouton – faisons du feu, séchons
nos chaussettes – m’endort sur une planche, Médard veille en fumant la pipe et me laisse
dormir jusqu’au matin petit jour – Rien de bien important à signaler.
Jeudi 14 Janvier – S.Hilaire
Descendons des Hures – chose importante, je perds le culot de ma pipe, impossible de le
retrouver – repassons par Menil où de ce pays, il ne reste que des ruines, nous sommes faits
comme des cochons – Je fais un rapport à l’Etat-Major : rien à signaler – monte à ma batterie
– Capitaine me signale un cheval crevé à ma pièce – descends à Monts – Chauvet revenu 9ème
Batterie de ….apprends que Winchler se trouve 16ème Compagnie 2ème section à Menil par
Ponsinet de la Neuville sergent – ( le sergent Ponsinet a été tué aux Eparges le 29 Mars en
même temps qu’Emile Colin)
Rencontre un de mes Bleus : Capeletail 132 que je charge de porter un mot à Winchler –
Winchler ne peut venir, il descend des tranchées et a les pieds en marmelade : m’envoie le
bonjour – Maurice Ticot est à Mont, je le vois à 6h du soir – le trouve très maigre : 70 livres –
très contrarié au sujet de sa femme, aucune nouvelle ; buvons une bonne bouteille, m’annonce
enfant Georges Quenet mort – recevons ordre de partir au repos à Houdainville demain –
nous couchons - dort bien
Vendredi 15 Janvier – S.Maur
Réveil 4 heures – Médard selle mon cheval – rejoint ma batterie, ne voit pas clair à 2 mètres –
faisons route de Mont à Houdainville par la pluie battante – casons nos chevaux – faisons la
cuisine chez une bonne femme : grand-mère – régime plutôt maigre, viande oubliée à Mont –
revois Melinette et compte revoir Gosme demain – apprends que je suis de garde ce soir –
Ramasse une bûche dans un tas de fumier – habitants d’Houdainville très bons – apprends que
peut-être le premier demi régiment qui était dans le Nord venait nous rejoindre
Samedi 16 Janvier – S.Marcel
Séjour à Houdainville – va dire bonjour à Mounich – change de linge et Mounich se charge de
le faire laver – Le matin voit Gosme et suis invité à diner avec lui demain soir – Il pleut –
Revue de chevaux le matin pour le veto et l’après-midi pour le Colonel – au rapport de 4h,
apprends que je suis de jour – le soir, sort avec les sous-officiers, petite bombe – rentre au
cantonnement et me couche
Dimanche 17 Janvier – S.Antoine
Suis de jour – impossible d’aller à la messe, il y a marches pour la Batterie
L’après-midi je prends le café avec Bertrand (Betheniville), Hubert, Chegnault, Mounisch,
Muzart, on cause pays. Nous comptions voir Quenet mais il ne vient pas – vers 9 heures,
apprends qu’un brigadier de la 9ème nommé Lamale de Mareuil/Ay est tombé avec son cheval
dans le canal et s’est noyé, terrible chose – le soir va diner avec Gosme et Melinette et un
autre camarade – Menu : soupe, bœuf, choucroute garnie et fromage, nous nous calons les
joues – En sortant nous voyons très bien l’effet de lumières de plusieurs projecteurs – vais
retrouver mes camarades, prends le café et ne parviens à me coucher qu’à minuit.
Lundi 18 Janvier – Ch. de S.Pierre
Lever de bonne heure – Fais rassemblement pour promenade des chevaux – Le lieutenant
Jonenhans nous prend en photographie – Menu maigre : haricots – revue par Jonenhans pour
le harnachement – Il fait très froid en ce moment – le soir, coucher de bonne heure.
Mardi 19 Janvier – S.Sulpice
Lever de bonne heure – la neige est tombée la nuit, il fait très froid – on cramponne les
chevaux – revue d’armes – J’écris chez des personnes très agréables – on admire la
photographie de Marie-Thérèse – vais manger à ma pièce et finit la soirée au coin du feu en
faisant de nombreuses charades et tours – J’ai reçu également une lettre de Remy Bouquant, il
compte venir me voir au prochain repos.
Mercredi 20 Janvier - St Sébastien
Matin – Il fait un froid de chien, l’hiver se déchaîne, on réclame le bon feu de la maison
paternelle – revue de draps bleus
Ordre pour partir dans la nuit – départ 2h1/4 – réveil 1h1/4 chevaux sellés le soir – emprunte
4 F à Jupply suis fauché – ai vu Bertrand il viendra me voir à Monts – encore pas de lettre de
mon Elise – soir, organisons un petit souper, menu : haricots, filet porc, salade, fromage, café,
on se cale les joues, il est 11h du soir quand nous sortons et nous partons à 1h du matin !…je
me jette 2h sur la paille, un copain doit venir m’éveiller, je n’ai qu’à monter à cheval…une
pensée à mon Elise et le sommeil me prend.
Jeudi 21 Janvier – Ste Agnès
Maurice Clère, vient crier « Debout ! » à 1 heure, on se lève, le lieutenant vient voir si nous
sommes levés, nous partons au parc, il fait très froid, ni attelle, difficile là de démarrer les
pièces rapport à la gelée – faisons route par fort d’Houdainville, descends de cheval, suis gelé,
le projecteur du Rozelier nous éclaire et projette un reflet féérique sur la neige, c’est la guerre
telle que Detaille l’a peinte – les chevaux commencent à glisser et s’abattent par moment, ça
ne vaut pas un bon lit, en passant en haut du Rozelier la bise siffle sur la neige – arrivons à
Monts, dé-selle Jacquelin, et m’étend sur un peu de paille jusqu’au jour – apprenons qu’obus
Boches sont tombés sur Mont hier – quelle joie, j’ai reçu deux lettres de mon Elise, bonnes
nouvelles, Marie-Thérèse va bien – enterrement d’un sous-officier 9ème Génie – triste…
Vendredi 22 Janvier – St Vincent
Il a neigé la nuit, monte porter les ordres à la batterie, comme menu, impossible de manger la
viande, dure comme du bois – à midi on entend un moteur ronfler, tout le monde à son poste,
aéro Boche, nous ouvrons le feu, il disparaît – 10 minutes après un autre survient et se fait
bombarder de plus belle mais n’est pas atteint – Viens de voir Emile Colin, nous causons du
pays – une visite inattendue : Constant Bacquenois qui est avec du 155 à la tranchée de
Calonne, il doit revenir après-demain pour avoir du vin ; je le reconduis un bout de chemin,
nous causons de nos familles – étant au fort de ….son sous-off était Paul Lemaire de St
Thierry – Le soir je reçois 16 lettres quelle joie, il y en a 2 de Levasseur - à 9 heures du soir je
lisais encore mon courrier, tout va bien.
Samedi 22 Janvier – S.Raymond
Lever comme d’ordinaire, il a gelé très fort, essaye de trouver un litre de lait : impossible, je
mange du saucisson que mon Elise m’a envoyé – Le bataillon de Winchler est là, je le cherche
et je le vois revenant de nettoyer son fusil. Je le trouve vieilli, il est très fatigué et craint d’y
rester – nous buvons une bouteille ensemble et prends rendez-vous ce soir avec lui car il est là
pour 3 jours – monte les ordres, le temps est très brumeux : c’est de la neige
Dimanche 24 Janvier - S.Babylas
Lever de bonne heure ou le bonheur de pouvoir entendre la messe à Mont par un prêtre soldat
– très beau sermon, beaucoup de monde – le canon tonne pendant – je vois Winchler, nous
parlons encore du pays – Constant Bacquenois vient le soir chercher du vin – Astica, Balan,
Banni viennent de Rennes, bons copains apportent cigares
Les Boches nous envoient des pruneaux sur Mont, aucun dégâts
Mardi 26 Janvier - Ste Paule
Toujours bombardés, je vois Jules Gangand et nous pouvons parler de nos familles
Robin 7ème Batterie est lui à la côte des Hures, encore un de plus du 46
Soir concert – opéras
Vendredi 20 Janvier – S.Franç.de S.
Départ 4h, nous avons eu réveil à 3h1/2, pour Houdainville, il gèle et cela glisse très fort, les
chevaux s’abattent, nous faisons la route à pied, nous arrivons à Houdainville vers 7h – Nous
allons chez grand-mère qui nous reçoit très bien nous mangeons saucisson – puis désigné pour
être de ronde ce soir – Mme Roger nous reçoit très bien et nous nous proposons d’y aller faire
un repas durant notre séjour – Ronde avec Médard nous nous amusons et rentrons vers minuit
dans le foin –
Samedi 30 Janvier – Ste Bathilde
Promenade des chevaux – mangeons avec Bernard café au lait – soupe ;bifteck de cheval –
reçois un colis de mon Elise – nous organisons un repas pour demain chez Mme Roger – nous
avons fait photographier à Houdainville – Je suis de ronde ce soir avec Médard, nous rentrons
un peu tard car je rencontre beaucoup de copains –
Dimanche 31 Janvier – Septuagès
Nous avons organisé un gentil petit repas chez de braves gens à Houdainville Mme Roger – Je
suis de jour –
Je peux pourtant aller à la messe, il y a beaucoup de militaires – La neige tombe à flocons
l’après-midi – Le soir petit banquet avec 6 copains – comme menu : choucroute – huîtres –
vin blanc café – salade – entrain joyeux – J’ai reçu une lettre de 8 pages de mon Elise : quelle
joie également une de Léon Soudant de St Souplet –
Lundi 1er Février – St Ignace
Promenade des chevaux – revue d’armes – Nous nous chauffons chez grand-mère Mme
Prudhomme – sur le petit journal je vois sur une photographie l’incendie de Suippes et de
l’usine Bunette – Le soir chez Mme Roger vins chaud table tournante – nous nous amusons
bien –
Mardi 2 Février – Purification
Suis invité à dîner avec Gosme, Mélinette et Cruet – Je reçois une lettre de mon Elise
m’annonçant l’envoi d’un paquet contenant un cache-nez – nous avons visite des chevaux par
le nouveau vétérinaire – ce matin au repas nous faisons du chocolat – Le soir je vais dîner
avec Gosme - menu : soupe, pâté aux allumettes de pythiviers : excellent - bœuf, frites –
camembert et cigares – ensuite partie de cartes, soirée très agréable
Mercredi 3 Février – S.Blaise
Nous préparons le départ – je suis de garde cette nuit – je reçois le colis de mon Elise : cachenez, pâté, saucisson, cigares, cigarettes, crayon et un gentil petit mot, quel bonheur de
recevoir de bonnes choses de sa bien-aimée – Faisons nos paquetages pour le départ cette nuit
– je prends ma garde à 1h1/2, je réveille la Batterie. Nous avons touché des toiles de tente
chaque homme –
(Haut de page) Nos
obus ont tiré le feu à Sault en Woëvre
Jeudi 4 Février – S.Gilbert
Temps calme, la route se fait normalement, il y a clair de lune, nous arrivons sur la position
vers 5 heures du matin – en cours de route je suis mal fichu et me sens grippé – en arrivant, je
vais à la visite pour avoir un cachet – monte les ordres – temps clair de nombreux aéros sont
signalés – tirs contre tombés et les Boches tirent contre les nôtres.
A Villers sous Vauchamp un obus tue un caporal du Génie et en blesse trois autres – suis sans
argent car j’ai un mandat qui n’est pas encore arrivé, j’en demande un par lettre recommandée
– On nous donne de la paille chose rare – reçois une lettre d’Elise – pas encore de mandat
(Haut de page) Riaville brûle aujourd’hui.
Triste tableau
Vendredi 5 Février – Ste Agathe
Me lève de la grange très tard et me fait agonir par le chef – temps magnifique – deux avions
Boches viennent, nous en saluons un, il disparaît – je vois Berru d’Aubérive, il est au 132 –
La section des Hures démolit une pièce de 105 qui avait canardé quelques jours auparavant –
Constant Bacquenois vient me voir – Me rend aux Hures le soir avec Médard, en passant à
Menil j’y vois Jules Gangand, il est toujours triste de n’avoir aucune nouvelle. Nous prenons
rendez-vous avec lui et Constant pour demain – Nous grimpons aux Hures avec Médard,
bûches à volonté, nous sommes en nage – 2 projecteurs français éclairent nous voyons aussi
les projecteurs Boches. Arrivons à l’abri, nous faisons du feu – Fantassins et Boches se
canardent à volonté – Etant sur la crête, je vois les flammes de marmites Boches sur Riaville
Samedi 6 Février – S.Amand
Nuit aux Hures normale. Je descends avec Gosme et ses fantassins. Nous disons bonjour à
Jules Gangand en passant le matin à Menil. Je fais mon compte-rendu à l’état-major – Monte
les ordres – Duel d’artillerie intermittent – Je parle avec Berru d’Aubérive : il est père de 5
enfants et va dans les tranchées
Dimanche 7 Février – Sexagésime
Me lève tard et par ce fait ne peut aller à la messe – mea culpa – encore un fantassin de tué –
Le lieutenant Mesman de la crête des Hures a démoli 3 pièces de 105 et un groupe d’officiers
Boches qui regardait du sommet des Eparges dans un télescope – Je reçois une lettre
recommandée avec 50 balles – Le dégel, de la boue jusqu’aux genoux – un caisson d’obus
pour ravitailler les Hures est enlisé dans la plaine – 12 chevaux ne peuvent le sortir, la terre
est comme de la glaise. On abandonne le caisson après en avoir retiré les obus au casque. Les
boches tirent dessus -
Lundi 8 Février – S.Jean de Matha.
Toujours le dégel, je reçois une lettre de mon Elise, toujours tout le monde en bonne santé –
Marie-Thérèse dit bien : « Papa »
Mardi 9 Février – Ste Apolline
Nous avons fait sauter 40 mètres de tranchées aux Boches – nous devions aller au repos mais
au dernier moment, nous recevons ordre de rester sur nos positions, peut-être craignons nous
une attaque des Boches, nous touchons un quart de vin le soir, c’est une vraie fête car à Mont
impossible de trouver un litre de vin. J’ai rencontré Maillard de Saint Souplet – facteur à
Jonchery – Cause souvent avec quelques fantassins de leur vie de tranchée – Ils causent
parfois et souvent avec les Boches, surtout lorsque les Bavarois y sont, car ils sont moins
mauvais que les Prussiens. Apprend que Fernand Simonet est blessé dans l’Argonne
Mercredi 10 Février – Ste Scholastiq.
Préparation d’attaque aux Eparges, nombreuses pièces de canons sont installées dans le bois
Haut, tranchée de Calonne, la 9ème Batterie monte ce soir deux pièces aux Hures, 2 nouvelles
pièces de 105 sont installées à la tranchée de Calonne, je fais connaissance avec Clément de
Reims - le père qui est prêtre-soldat nous annonce que demain fête de Notre Dame de Lourdes
il y aura une messe à 7h1/2, et une à 9h1/2 et vêpres à 3heures – me promet d’aller à une des
deux – J’ai écris à Georges Quénet –
Jeudi 11 Février – S.Adolphe
Je vais à la messe de 9h1/2 – Eglise très bien décorée de drapeaux. A l’entrée de l’église, 4
des nôtres du 132 sont sur des brancards recouverts du drap des morts et semblent attendre
qu’on les conduise à leur dernière demeure – triste vision – très beau sermon sur Lourdes, on
chante le cantique bien connu de Lourdes – Je parle avec Clément – une attaque sur les
Eparges est proche – Les Boches nous envoient des marmites en grand nombre – Menil
toujours bombardé, même la nuit – apprends la mort de mon cousin Thévenard – 2 escadrilles
d’aéros Boches nous survolent, nous comptons 12 avions se dirigeant sur Verdun – J’ai lu
l’écho de l’abbé Michelet de St Hilaire et retrouve de nombreuses adresses des habitants –
Vendredi 12 Février – Ste Eulalie
Réveil ce matin par les marmites Boches tout près de la grange où l’on couche, nous nous
levons en vitesse, aucun blessé – La neige recommence à tomber, nous ravitaillons la côte des
Hures en obus à dos de cheval, nous mettons 12 obus sur chaque cheval car les chemins sont
très mauvais. Je vois un jeune homme de St Hilaire Buiron le matin, il est au 132 et fait partie
de la classe 1914 – Je vois aussi le commis boucher de chez Duyois, le nommé Gabriel.
Samedi 13 Février – S.Grégoire
Je vois Winchler, il est très malade, une forte bronchite le tient et il a très mauvaise mine.
L’attaque se prépare aux Eparges – De nombreux groupes d’artillerie sont venus nous
renforcer ; 7èm e- 8ème - 9ème Batteries sont aux Hures – Nous comptons un bombardement de
36 ou 48 heures – Les lignes de téléphone sont triplées et quadruplées – Je vois Siegel du
dépôt qui amène des chevaux – Je suis inculpé par un lieutenant d’Infanterie qui veut me faire
punir injustement parce que des hommes ont chanté – c’est probablement un officier de
parade – crâneur – Il s’appelle : Chedekert !!!
Reçois une lettre de Thil, maman va mieux.
Je reçois 10 F de papa -
Dimanche 14 Février – Quinquag. (N.L.)
Je vais à la messe – très impressionnant : l’église est pleine de soldats – beaucoup
communient, que c’est triste – très beau sermon sur Lourdes – Je monte avec Médard à la côte
des Hures par Bonzée, suis éreinté en arrivant au sommet –
Le lieutenant Thery y est et vient avec moi dans le boyau en avant m’expliquer le panorama
et me montre le triangle de visée – Des hommes visitent toutes les lignes de téléphone la nuit
en prévision de l’attaque – peut-être pour cette nuit ? nous sommes dans l’abri du colonel
avec 3 téléphones. Impossible de faire du feu la nuit, nous sommes gelés de froid et
impossible de dormir car on téléphone souvent – Les Boches envoient des fusées éclairantes
et des grenades toute la nuit – Je perds ma pipe aux Hures – Le Lieutenant de Pelissier vient
nous relever le matin. Nous sommes gelés
Lundi 15 Février – S.Faustin
Descends des Hures avec Médard, suis très fatigué et rempli de boue des pieds à la tête –
Nous comptons l’attaque des Eparges pour aujourd’hui – Le général Heer est arrivé à Mont et
confère avec l’état-major, il doit aller aux tranchées ce soir – Le capitaine m’interroge au sujet
de l’affaire du lieutenant d’Infanterie –Serait puni injustement –
Je perds ma pipe aux Hures –
Mardi 16 Février – Mardi Gras
Je vois Jules Gangand, Winchler. Jules revient des tranchées, il a reçu le colis de mon Elise et
a reçu une lettre de maman et une de Louis Longis et de Levasseur
Winchler va mieux et compte repartir aux tranchées – On demande mon livret pour une
punition ! Je reçois un colis de mon Elise et apprends la mort de ma cousine Marie Tritant –
c’est terrible – reçois une carte d’Alyre Lefèvre et de Breton – Je m’ennuie aujourd’hui
Mercredi 17 Février – Cendres
Le bataillon de Jules Gangand qui était à Mont est parti cette nuit, l’attaque est proche, les
mitrailleuses n’ont pas cessé de taper cette nuit – Le matin, le chef me donne une paire de
chaussures – Je rencontre le lieutenant d’Infanterie qui m’a puni et demande ce qu’il en est, il
a regret pour moi – A l’état-major je vois que l’attaque est pour cet après-midi – Monte les
ordres et les grosses pièces…à tirer, l’attaque est proche – L’Argonne tape dur et St Mihiel
aussi – Un silence calme règne, précurseur de l’attaque ; encore quelques heures et l’on sent
que ça va chauffer. Exactement à 2 heures de l’après-midi, sur un signal du 106 qui fait
exploser une mine, à la minute même un bruit épouvantable, un ouragan de mitraille, un
sifflement sinistre, 200 pièces de canons de tout calibre, 75, 80, 90, 120,100, 220, 140 de
marine, crachent à toute volée sur le sommet de la crête des Eparges en y semant la mort dans
les tranchées Boches ; il n’y a pas un coin de terrain qui ne soit pas balayé par nos pièces, la
terre vole avec les obus…et des nuages de fumée avec les fusants, les maisons de Mont en
tremblent, impossible de trouver un mot pour donner une idée de ce que fut ce bombardement
qui n’arrête pas une seconde, les Hures, le Bois Haut, la tranchée de Calonne, les pièces de
Bonzée, la crête de Menil, de ces endroits partent sans cesse des milliers d’obus, l’infanterie
se tient prête à sortir, le 132 sur les Eparges et le 106 du côté de Combres, notre artillerie
allonge son tir et nos fantassins sortent, d’abord le 132 qui arrive dans les tranchées Boches et
les voit comblées de cadavres Boches, parfois 3 ou 4 entassés l’un sur l’autre, un officier
prussien enfoui jusqu’à la ceinture tire encore avec son revolver, mais il est embroché d’un
coup de baïonnette dans l’œil, des prisonniers font signe de se rendre mais tirent en voyant les
nôtres arriver, mais ils sont tous embrochés sans exception.
Le 106 entre en action et s’élance d’un entrain admirable dans la direction de Combres ; le
général Heer arrête l’ardeur de son action et le fait rester sur des positions désignées par lui,
car le général craint que Combres ne soit minée et ne saute.
Nous avons fait une trentaine de prisonniers et l’on compte 500 tués du côté Boche dans les
tranchées où ils sont ensevelis, des pieds et des mains passent de la terre. A la tombée de la
nuit, la voix du canon se calme, on entend seulement les mitrailleuses. Dans la nuit, les
Boches firent plusieurs contre-attaques sans résultat, car nos 75 donnaient sitôt qu’ils sortaient
de leurs tranchées, pour le premier bombardement nos pièces ont tiré environ 15 à 20 000
obus en une heure et demie.
Les prisonniers Boches sont amenés à Mont et conduits au poste de police du 132 ; ce sont en
partie des Bavarois, on les occupe à des corvées dans le pays.
Nous occupons une partie de la crête des Eparges et le bombardement va reprendre le
lendemain presque à la même heure et avec autant d’intensité.
Les Boches répondent aujourd’hui sur les Hures, Menil, Tusnes, Bonzée, Bois Haut…nous
leur versons encore quelque chose .
Le 67ème de ligne est en réserve à Mont pour l’attaque ; le bombardement se prolonge toute la
nuit sans arrêt ; vers 4h30 un obus de 105 arrive sur Mont dans une écurie de la 9ème et tue 6
chevaux et blesse un conducteur ; les tuiles volent en éclats, une autre marmite arrive sur le
mur du cimetière, juste en face de la maison où se trouve l’état-major, le ravitaillement en
obus pour les Hures se fait toute la nuit à dos de cheval.
Aujourd’hui troisième jour, le bombardement va encore recommencer sur les Eparges, car
hier dans la nuit les Boches firent voir 9 contre-attaques à la baïonnette mais furent fauchés
comme des lapins.
Dimanche 21 Février - Quadragésime
J’oubliai de dire qu’au 2ème jour de l’attaque nous avons fait encore des prisonniers Boches et
un officier. Hier 20 Février, à 11 heures, l’attaque recommence et les Boches répondent et
doivent avoir amené de Metz par le train des renforts.
Comme pertes dans ces attaques la pièce à Mélinette a… : 12 servants de tués, un grièvement
blessé et Mélinette brûlé à l’œil. Hier, un infirmier de tué, 5 autres blessés, et entre autre
Espaque adjudant.
Le ravitaillement en obus se fait la nuit, car l’attaque doit reprendre aujourd’hui. Le matin
nous attaquons vers 6 heures avec toute l’artillerie – Vers 11 heures l’attaque reprend de plus
belle, le 67ème d’Infanterie doit attaquer ; l’attaque se fait très bien, notre 75 comble de
cadavres leurs tranchées, le 67 fait une attaque…en faisant de nombreux prisonniers ; le 106 a
atteint la gare de Combres mais est forcé de reculer sur de meilleures positions – Nous tenons
presque toute la crête – Le général Heer a dit qu’on l’aurait coûte que coûte. Nous avons
beaucoup de blessés, environ plusieurs centaines. Le soir, un groupe de prisonniers Boches de
72 hommes arrive à Mont à 9 heures du soir. Un deuxième groupe de prisonniers de 104
hommes Boches arrive quelques heures plus tard. Parmi eux se trouve un capitaine Boche, ils
font partie du 130ème prussien.
Les blessés Français ne cessent de repasser toute la nuit et le matin beaucoup sont atteints de
balles explosives. Nous avons encore une pièce aux Hures de la 9ème Batterie qui a explosé en
faisant 5 blessés.
Aujourd’hui on se canonne de part et d’autre, les Boches ont amené une quantité de renforts.
Notre attaque paraît localisée, les fantassins ont reçu l’ordre de tenir leurs positions.
Je reçois l’ordre du chef de porter un ordre aux Hures ; il est 4 heures de l’après-midi, je
monte à cheval et passe par Bonzée pour être défilé des Boches mais quel chemin pour
atteindre le front !…mon cheval enfonce parfois jusqu’au poitrail et s’enlise par moment, les
Boches envoient des marmites sur les Hures, instinctivement je pense à mon Elise, à ma
Marie-Térèse et à mes chers parents ; peut-être dans quelques minutes un obus viendra me
tuer.
J’arrive au pied des Hures, toujours de la boue, de plus en plus, j’attache mon cheval à un
buisson car j’aime mieux …..si je peux au sifflement sinistre d’un obus. Partout des trous
d’obus, des arbres hachés, j’arrive à la cuisine de la Batterie où je vois des camarades, je
monte ensuite aux pièces sur le haut de la crête où je vois Maurice Clère et son peloton de
pièces : de vrais rescapés de la mort, car ils ont été entourés de trous d’obus, son caisson est
défoncé, sa pièce est trouée sur la crosse et à l’œilleton la crête est une véritable écumoire.
Je m’assieds un instant sur la pièce, une marmite arrive, nous baissons la tête, un
frissonnement parcourt nos veines mais ce n’est pas pour nous : le coup est long et la marmite
éclate dans le bas de la crête.
Je redescends pour reprendre mon cheval, je repasse par Mesnil car la nuit est arrivée et
j’arrive à Monts, Dieu soit béni, j’arrive sain et sauf.
J’apprends aujourd’hui que Berru d’Aubérive, père de 5 enfants, est tué aux Eparges à la
première attaque – Nos pertes sont très grosses environ 1800 hors de combat – A l’avis de
tous, si nous avions poursuivi les Boches le premier jour, nous aurions enlevé les Eparges et
le plateau de Combres avant qu’ils aient pu amener des renforts.
Mercredi 24 Février – S.Mathias
Nuit assez calme malgré des rafales d’obus de temps à autre – Toutes les nuits, l’artillerie fait
un barrage pour arrêter les contre-attaques allemandes qui sont fréquentes parfois, 8 ou 9 dans
la même nuit : ils arrivent en colonnes par quatre, poussés à coup de revolver par leurs
officiers, parfois même ces fumiers leur lancent des bombes pour les obliger à sortir de leurs
tranchées et à attaquer.
Aujourd’hui d’après réception des pertes, on estime nos pertes à environ 3000 hommes hors
de combat. Le 67ème d’Infanterie a 1000 hommes hors de combat. Le 106 en a près de 700,
dont l’officier ; vient le 132, le 173. Berru d’Aubérive a été tué à l’attaque ; il est père de 5
enfants et m’avait montré leur photographie quelques jours avant de partir aux tranchées. Il
me parlait de son aînée qui était espiègle, de sa femme, et était réputé très bon soldat.
Aujourd’hui, 25 Février, 11 cercueils étaient dans l’église, parmi lesquels Chevillon, député
de Marseille qui était lieutenant au 132ème – Le prêtre-soldat a prononcé quelques mots dont
voici l’en-tête : « Fleurs de France, tombées pour la Patrie sur le sommet des Eparges… »
Paroles très émouvantes en ce moment
Le colonel du 106ème prit la parole et saluant d’une voix forte, vibrante et énergique de chef la
dépouille de ces braves, bénit leur cercueil et sortit à la tête de ces officiers.
Aujourd’hui 25 Février, il neige et fait très froid, Médard a été évacué hier et j’ai un
remplaçant – Gosme a été évacué hier pour un flegmon. J’ai rencontré un fils Leroy, le
dernier, il est sergent – Canonnade de temps en temps – Il paraît qu’on prépare une attaque du
côté de Macheville.
Vendredi 26 Février – S.Nestor
Reçois l’ordre d’aller à Houdainville porter un ordre à l’échelon. Je passe par le fort
d‘Houdainville, y voit Maurice et Bertrand, et prends rendez-vous au patelin, porte mes ordres
et fait faire des œufs sur le plat avec de la saucisse chez Mme Roger-Charlier, de très bonnes
gens – Nous faisons un bon repas et causons du pays – Je repars et rentre de nuit au front –
Samedi 27 Février – Ste Honorine
Il a gelé – monte les ordres – Des aéros Boches et français survolent réciproquement les
lignes – canonnade de part et d’autre –
Dimanche 28 Février - Reminiscere
Rien de bien important à signaler – même service de tous les jours. Apprêtons paquetages
pour partir à Houdainville.
Lundi 1 Mars – S.Aubin
Partons de bonne heure pour Houdainville – la pluie commence à tomber en partant, en
arrivant au Rozelière c’est de la neige, de la glace. Je rencontre Bertrand qui va à Haudiomont
voir son beau-frère, arrivons trempés comme une soupe, obligés de nous faire sécher –
Mardi 2 Mars – S.Simplice
2ème jour repos – va voir Moumich – nous pouvons organiser un déjeuner avec les sous-off,
nous faisons la fête toute la journée
Mercredi 3 Mars – Ste Cunégonde
3ème jour repos
revue d’armes le matin et de chevaux à 1 H
Le soir soupons avec des copains chez Mme Roger-Charlier, nous mangeons un lapin,
homard, dessert
Jeudi 4 Mars – S.Casimir
4ème jour
rien de nouveau, sommes épatés de revoir certaines choses que nous avons quittées dans la vie
civile
Vendredi 5 Mars S.Adrien
Avons Batterie attelée tenue de campagne – mettons en batterie fort d’Houdainville et vois
Maurice Ticot, je suis avec le commandant : agent de liaison
Rencontre un copain de pension : Froment de la Malmaison, un gros fermier
Samedi 6 Mars –Ste Colette
6ème jour de repos
Avons encore Batterie attelée allons vers Verdun, du côté Bellerupt – partons cette nuit –
faisons un petit repas qui dure jusque minuit et partons à 2 heures
Dimanche 7 Mars – Oculi
Revenons à Monts par un beau temps, ai un peu mal aux cheveux
Je vais à la messe, beaucoup de monde – Il y a encore 3 malheureux du 132 qui reposent au
pied de l’autel.
Constant Bacquenois est venu me voir
Lundi 8 Mars – Ste Véronique
Canonnade du matin au soir – La section qui était aux Hures n’y est pas retournée : elle est à
Menil-Haut –
Jeudi 11 Mars – S.Euloge
Il neige et fait très froid. J’apprends une triste nouvelle, la mort de Georges Allart, blessé dans
l’Argonne et mort à Ste Menehould – ai vu Winchler, il va mieux
Vendredi 12 Mars – S.Pol, évêque
Il fait un temps superbe, recevons l’ordre d’aller au repos à Houdainville.
Constant Bacquenois est revenu – Winchler doit partir en Afrique –
Samedi 13 Mars – Ste Euphrasie
Partons 4h du matin pour Houdainville – arrivons vers 9h – beau temps – nous tapons la tête
avec les camarades – dis bonjour à Gérard
Dimanche 14 Mars – Letare
Maurice Ticot venu me voir – suis logé chez de bonnes gens avec ma pièce – écris à Pierre
Pignolet car un cousin aux personnes chez qui je suis logé a été disparu et se trouve dans le
régiment de Pierre.
Lundi 15 Mars – S.Zacharie
Craignons une alerte pour repartir sur le front – faisons une petite fête avec des camarades
Mardi 16 Mars – S.Cyriaque
A 1 heure de l’après-midi, recevons ordre de nous tenir prêts à démarrer à 1 heure du matin,
nous allons probablement attaquer
Mercredi 17 Mars – S.Patrice
Partons à 1h du matin – nuit noire – arrivons à Monts à 4h – Prenons position aux Hures,
toute la Batterie – suis complètement éreinté en arrivant en haut – me couche ou plutôt tombe
dans un abri pour dormir – vers midi les 150 rappliquant, nous nous mettons dans nos abris –
L’attaque est pour demain, toute la nuit les obus arrivent, ravitaillés par les conducteurs, nous
n’avons que 3 pièces car il y en a une en réparation.
Les téléphones sont vérifiés
Ai été de garde dans la carrière, les balles sifflent toute la nuit –
Jeudi 18 Mars – S.Alexandre
On nous amène toujours des obus pour l’attaque – nous attaquons à 3h de l’après-midi – A 3
heures, la danse commence, c’est un vacarme épouvantable, nos 75 crachent à pleine volée
ainsi que les Runailho et les grosses pièces, les Boches nous répondent avec du 150, l’effet de
ces obus est terrible, ils passent avec un sifflement terrible, les premiers qui passent me font
peur, mais petit à petit je m’y habitue – aux pièces de 120 un 105 fusant tue un homme et en
blesse deux – Nous cessons le bombardement après 1h ¼ de temps pour permettre à
l’Infanterie d’avancer sur la pointe Est des Eparges, c’est le 132 qui doit monter – Pendant le
bombardement nous avons cessé pendant 10 minutes pour permettre aux Boches d’amener du
renfort et de les canarder ensuite.
Le bombardement continue jusque vers 8h du soir –
Vendredi 19 Mars – S.Joseph
Nous ne savons pas encore le résultat de l’attaque, on nous dit que du côté de la plaine, cela a
très bien marché – Vers 9h du soir, nous savons que nous avons pris Marcheville et le point
Est de la côte des Eparges – Nous avons fait environ 200 prisonniers – Le lendemain nous
recommençons le bombardement à 4h du soir avec la même intensité que la veille – Nous
apprenons que les Boches nous ont repris Marcheville à 10h du soir – Les Boches nous ont
fait une section entière de prisonniers et les ont fusillés au fur et à mesure qu’ils se rendaient.
Voici leurs procédés à ces barbares – Vers 4h1/4 une pièce de canon de la 7ème Batterie saute
en tuant deux hommes et en blessant plusieurs. Les 2 tués n’ont plus de tête, la pièce est
totalement réduite en miettes, c’est un spectacle horrible – 5 minutes plus tard la 4ème pièce de
la 8ème (Herbillon) saute mais seul le pointeur est blessé, c’est un miracle – Un 150 éclate à 50
mètres de moi et blesse grièvement Merot le brigadier brancardier –
Dimanche 21 Mars - Passion
Les Boches font des contre-attaques sans cesse – Le 132 est très éprouvé et doit aller à
Sommedienne se reformer – Impossible de sortir de nos abris à chaque instant les marmites
éclatent autour de nous – Un 150 est tombé sur la pièce à Herbillon écrasant la pièce mais
personne n’est dessous car la pièce avait sauté la veille, c’est encore un miracle
Lundi 22 Mars – Ste Léa
On nous apporte la cuisine toute faite et énormément d’eau de vie et du vin – Chaque nuit une
pièce est de garde pour faire un barrage quand les Boches attaquent, car à chaque moment ils
font des contre-attaques successives – Aux Eparges nous conservons certains points enlevés le
premier jour. Nos pertes sont grandes mais celles des Boches doivent être supérieures –
Mardi 23 Mars – S.Victorien
Ai été de garde à la carrière avec Finet et le lieutenant Guesman – A 8h1/4 les fantassins
lancent les 3 fusées signal de faire un barrage d’artillerie – Je téléphone aussitôt et les 75 des
Hures, de Bonzée et du Bois-Haut crachent aussitôt.
La nuit se passe calme, les Boches lancent quelques torpilles et marmites.
Rien d’anormal dans la journée si ce n’est une contre-attaque Boche le matin qui a été
repoussée – Vers 5 heures du soir nous étions tous surpris par une rafale d’obus. J’étais le
dernier pour rentrer dans l’abri, il était temps, car les éclats volaient de tous côtés.
Mercredi 24 Mars – S.Timothée
Nous reposons des fatigues du dernier combat – Je dors dans l’abri une partie de la journée –
A chaque instant, nous agaçons les Boches : tantôt ce sont les Hures, le Bois-Haut, Bonzée et
les pièces de la plaine qui tirent – certainement l’attaque reprendra dans quelques jours, des
chasseurs à pied sont venus renforcer notre infanterie – Le capitaine Leroux est blessé à la
position de Bonzée – Emile Colin, d’après Georges Regnault a été tué au combat des Eparges
– Jules Gangand n’a pas été touché car il est venu demander de nos nouvelles à Monts
pendant que j’étais aux Hures – nous mangeons très peu, étant en position et de ce fait
sommes maigres comme des clous – sur les Eparges nous avons monté des lance-torpilles
pour répondre à ceux des Boches –
Jeudi 25 Mars – Annonciation
Sommes encore couchés dans l’abri – un téléphoniste arrive en criant : « Tinet est tué ». Les
brancardiers montent avec un brancard et quelques minutes après, je vois le corps de Tinet sur
le brancard, il est mort et semble dormir, un 77 percutant est venu le frapper au moment où il
réparait un fil de téléphone ; son épaule droite est arrachée, ainsi que son côté droit qui est
défoncé, sa figure est pâle, d’une blancheur de neige – On le met dans un abri, je le fouille en
présence de ses camarades – vais trouver le capitaine, lui remet les lettres de Tinet qu’il visite
et trie – Descends à Monts où je remets les lettres au chef.
Le corps de Tinet est à l’église avec 2 de mes camarades. Je vais à l’église, découvre son
corps et coupe avec des ciseaux deux mèches de cheveux que je mets dans mon portefeuille –
Pauvre mère, ce sera la dernière consolation et le dernier souvenir de son fils – couche à
Monts et repart le lendemain à 4h –
Vendredi 26 Mars – S.Emmanuel
Nous nous préparons en vue d’une attaque – Le capitaine m’envoie l’ordre par téléphone de
descendre pour l’enterrement de notre pauvre camarade Tinet – Je descends en vitesse, surtout
dans le chemin encaissé du 120 – à peine en bas, quelques percutants arrivent à ma droite. A
6h1/2, nous nous rendons à l’église en groupe, le lieutenant Noir du 4ème groupe (prêtre) dit
les prières des morts et retrace en quelques mots la mort de notre cher camarade mort si
bravement, tous nous avons les larmes aux yeux – un peloton rend les Honneurs en armes –
une couronne de lierre faite par nous recouvre le cercueil – nous rendons au cimetière, une
dernière prière, un bref commandement : « Présentez armes ! », un signe de croix et tous nous
rejoignons nos postes en pensant que peut-être demain nous dormirons côte à côte avec celui
qui hier était avec nous – J’apprends en revenant qu’un de mes camarades Maréchal des Logis
Derrimaud vient d’être blessé aux Hures. Je vais le voir sur son brancard au poste de secours,
il est touché d’un éclat d’obus à la cuisse et sera évacué ce soir. Je lui dis Au Revoir .
Vais me coucher à Monts pour remonter vers 4h du matin aux Hures.
Samedi 27 Mars – Ste Lydie
Remonte aux Hures vers 5h le matin – L’attaque est pour aujourd’hui – Nous apprenons à
midi que l’attaque commence à 3h – Les abris des pièces sont garnis d’obus – A 2h 40 la
plaine du côté de Marcheville attaque brusquement, nous entendons les obus et la fusillade de
ce côté – Il est 3h, l’attaque commence de notre côté, les 75, 120, 90 des Hures ouvrent le feu,
les nombreuses batteries voisines crachent sur les Eparges. Le bombardement se fait
méthodiquement. Les Boches répondent avec du 150, 105, et 77 – Les abris des pièces sont
entourés d’obus, les coups longs passent au-dessus de nos têtes pour éclater du côté du 120 –
Les pièces de 220 qui sont au Bois-Haut n’arrêtent pas de tirer – Vers le soir, apprenons que
l’Infanterie a pu déboucher et gagner du terrain sur le plateau où de là elle domine les Boches.
Vers le point X nous n’avons pas pu déboucher vu le nombre supérieur des forces allemandes,
nous n’avons pas de pertes, notre Infanterie en a très peu, mais les Boches ont laissé beaucoup
des leurs – Vers le soir à 8h une de leur contre-attaque : repoussée – Toute la nuit des
marmites nous éclatent autour de nos abris – Reçu médaille Sacré-Cœur d’Elise
Dimanche 28 Mars – Rameaux
Le ravitaillement en obus s’est opéré toute la nuit malgré les marmites Boches – Le matin,
calme sur toute la ligne – Quelques coups de canons de temps en temps – Supposons reprise
de l’attaque aujourd’hui –
Aucune attaque ne se produit. Il paraît que le général Grammort ne veut pas tenter une attaque
sur le point X car nous craignons que ce point ne soit miné – Le soir, nous apprenons que
l’attaque est suspendue. Seul le Bois-Haut tire avec les 220 et 155 pour détruire les
fortifications Boches –
Lundi 29 Mars – S.Eustase
M’occupe le matin des distributions d’eau de vie – Matinée assez calme, nous envoyons aux
Boches une quarantaine d’obus – Nous faisons photographier par Martin Brig (téléphoniste) –
Un avion Boche vient nous survoler et se fait canarder et est obligé de rentrer dans ses lignes
– Le 4ème groupe rejoint Troyon où il était, donc l’attaque est finie – Que de victimes déjà pur
avoir cette position !…
Mardi 30 Mars – S.Jonas
Les Boches nous laissent un peu tranquilles, presque pas de marmites sur les Hures. Je suis de
garde ce soir, à la carrière, comme observateur – Le temps s’est refroidi – Nous ne tirons
presque pas, il n’y a que les 220 et les 155 du Bois-Haut et Bonzée qui tirent sur les Eparges –
Sur le point X, le général Grammort ne veut pas envoyer d’hommes car les Boches ont miné
ce point avec des boyaux en-dessous de leurs tranchées pour les reprendre en cas que notre
Infanterie avance – Notre Génie doit miner la crête pour la faire sauter.
Mercredi 31 Mars – S.Benjamin
Suis de garde à la carrière, la neige tombe abondamment. Je prends de 6 à 8 h – rien
d’anormal, quelques coups de fusils – le lieutenant Josnenhans vient me relever, ce n’est
qu’une couche de neige, je reprends ce 2h à 4h, une pièce de 77 qui doit se trouver dans le col
de Combres à contre-pente tire sur les Eparges toutes les 20 minutes ; impossible de repérer la
lueur car le brouillard est intense et la neige n’arrête pas de tomber.
Rejoins ma Batterie et mon abri sur la ligne des pièces après avoir fait mon rapport au
lieutenant – Vers 8h nous recevons un ordre de rouler nos couvertures et de nous tenir prêts à
descendre des Hures pour reprendre notre place à la Batterie d’avion où nous étions, nous
sommes très contents car c’est moins dangereux. Nous descendons à Monts en passant par
Mesnil, justement je rencontre Georges Regnault à Monts qui me dit que Jules Gangand y est
justement, je vais le voir tout de suite, nous causons du pays. Je dois revenir le voir l’aprèsmidi – Me change de linge car j’en ai besoin – Retourne voir Jules qui doit remonter aux
tranchées demain soir – Je remonte à 5h du matin à la Batterie d’avion pour faire la
promenade des chevaux avec les conducteurs, il y a 15 jours que je n’ai pas vu mon cheval –
Nous allons à Haudiomont impossible de trouver du vin ni de l’alcool – J’achète des
cigarettes – On fait évacuer les paysans aux alentours de Verdun car de nouvelles troupes vont
arriver – Le train régimentaire est parti d’Houdainville, il est à Ratentout près de Dienne – La
7ème Batterie est partie au repos pour quelques jours.
Agenda Souvenir Journalier – 1915 – Deuxième trimestre –
Notes
Quelques notes prises au hasard sur cette guerre L’armée allemande était déjà prête depuis 8 jours à la frontière alors que nous commencions
notre mobilisation – L’envahissement de la Belgique, les Boches nous mettent sur les reins 52
corps d’armées – Nos troupes étant massées en partie sur notre frontière Est, sommes obligés
de les reporter sur la frontière Nord – Le général Joffre ne voulait pas entrer en Belgique pour
arrêter l’offensive Boche mais le ministre de la guerre de ce moment, Messimy, voulut que
nous nous portions au secours de la Belgique, ce fut une erreur terrible et Joffre à ce
moment voulait donner sa démission – Cette entrée en Belgique nous a valu la défaite de
Charleroi et la retraite magnifique conduite avec calme et sang-froid jusqu’à la Marne où
après avoir battu en retraite nous battions les Boches en les forçant de reculer de100
kilomètres – Malheureusement, nous n’avions plus de munitions et nos troupes depuis
Charleroi n’avaient pas soufflé une seconde – Si le général Joffre avait été écouté au début,
Charleroi n’aurait pas eu lieu, en admettant même que nous reculions un peu, le choc de la
Marne se serait produit dans le Nord ou ensuite la guerre de tranchées aurait eu lieu,
probablement du côté de St Quentin.
Jeudi 1 Avril – S.Hugues
Monte à la batterie d’avion. Hier j’ai reçu une lettre de mon Elise où il y avait quelques petites
branches de rameaux qui me porteront bonheur – Fais la promenade des chevaux, allons à
Haudiomont, achète des cigarettes – nous couchons et restons dans une cabane dans les bois –
Dis au revoir à Jules Gangand qui remonte aux tranchées ce soir. Constant Bacquenois vient
nous voir. Je l’accompagne jusqu’à sa tente dans les bois sur la tranchée de Calonne.
Vendredi 2 Avril – Vendredi Saint
Fais la promenade des chevaux à Haudiomont – Je vois le sergent Leroy de Pontgirard de la
section d’Emile Colin qui est tué – Emile Colin a eu une jambe de brisée par un éclat d’obus
dans une tranchée. Leroy lui a serré la cuisse avec une courroie, mais Emile Colin est mort le
soir (peut-être faute de soins) car à ce moment, l’attaque battait son plein. Il est enterré aux
Eparges – Le sergent Ponsinet de La Neuville est tué également (cousin des Thévenard).
Des renforts arrivent, on nous dit que le 2ème corps entier vient nous renforcer – Fais maigre :
morue, salade au lard, sardines, frites
Samedi 3 Avril – S.Richard
Il pleut – J’ai joué à la banque hier, j’ai gagné 5 x – Une surprise agréable, Pierre Pignolet est
venu me voir, suis très heureux, il m’accompagne à Monts. Son bataillon est dans les bois,
tout près de la ferme de Miranvaux, il est venu pour l’attaque. Je l’accompagne dans le bois,
nous nous quittons, espérons nous revoir demain – Je joue au poker – Vers 4h le soir, un coup
de téléphone à la Batterie nous enjoignant l’ordre de quitter les avions et d’aller reprendre aux
Hures nos anciennes positions – Tous, nous aurions mieux aimé rester là – apprêtons notre
paquetage – Apprenons que le 1er, 2ème, 3èmecorps sont arrivés nous renforcer – Certainement
il va se passer quelque chose de grave, peut-être attaque générale – Le soir, je joue encore au
poker – Le capitaine nous donne ses ordres pour demain.
Dimanche 4 Avril – Pâques
Réveil de bonne heure – Le 31ème vient nous remplacer – nous descendons à Monts, je fais
quelques provisions de conserves, et ensuite je vais à l’église car c’est la fête de Pâques. J’ai
la ferme résolution de mettre ma conscience en règle : je vais trouver un prêtre soldat, je lui
demande de bien vouloir me confesser et me donner la sainte communion. Je me confesse et
reçois quelques minutes plus tard mon créateur, je suis heureux car on ne sait ce qui peut
arriver – Nous montons aux Hures par une pluie battante, nous voyons à Monts de nouveaux
régiments d’artillerie – Il paraît que l’attaque est pour demain. Nous sommes en nage en
arrivant, complètement exténués et harassés de fatigue – Je couche dans un abri, serrés
comme des harengs, impossible de se coucher sur le dos, la pluie traverse et nous sommes
mouillés – reçois un mot de Lucien Vorth
Lundi 5 Avril – S.Vincent F.
Levons de bonne heure – l’attaque est pour aujourd’hui et cependant il pleut et le brouillard
est intense – On approvisionne les abris de pièces en obus – Le réglage de tir se fait aussitôt –
On nous monte la cuisine toute préparée, avec beaucoup d’eau de vie – Ce n’est pas une
attaque partielle mais générale, toute la 1ère armée prend l’offensive sur tout le front ayant
principalement comme objectif : Conflans – Jamyet – Chambley – Le temps s’éveille vers
midi – à Monts toutes les voitures sont chargées en vue de l’avance – Tous nous nous
regardons, on va encore une fois entendre siffler les marmites Boches. Une proclamation du
général commandant rappelle à tous de faire notre devoir jusqu’au bout – Il est exactement
2h40 quand l’attaque commence, les rimailhos du Bois-Haut tirent les premiers et aussitôt ce
n’est qu’un enfer épouvantable, pour parler à son voisin, il faut crier car le bruit est tellement
épouvantable que l’on est fou – Les premiers obus Boches rappliquent quelques minutes après
le commencement : ce sont beaucoup de fusants (105). A 3 heures, l’artillerie cesse 10
minutes de tirer pour permettre à l’Infanterie d’avancer – A 3h10, la canonnade reprend de
plus belle – Les Boches tirent avec leur artillerie sur les Eparges en quantité – Notre
canonnade ne cesse qu’à la nuit – nous apprenons que l’infanterie est avancée, le 106ème
principalement, qui était à la pointe Ouest avance sur le plateau et a pris trois tranchées, le
132ème a pris les points L, M, S, A, Z, de notre côté, nous n’avons pas de tués. De la plaine,
nous ne savons encore rien – Les pelotons de pièces descendent manger aux abris – Les
téléphonistes sont à leurs postes en vue d’une contre-attaque – Nous nous couchons. Dans la
nuit, les Boches ont contre-attaqué et nous ont repris une partie des gains d’hier, mais par
contre, dans la plaine, nos résultats sont bons, nos troupes ont pris Recquieville, au bois
d’Ouchy vers St Mihiel, progrès !
Vers Etain, nous avons progressé. Les prisonniers Boches que nous avons fait aux Eparges
(environ 250) sont amenés à Monts et expédiés sur Verdun, plusieurs officiers allemands sont
également prisonniers –
Deuxième jour : La pluie tombe toujours, le matin, canonnade de part et d’autre – A 3 heures
exactement, nous attaquons de nouveau. Vers St Mihiel l’attaque doit être commencée, car
c’est un roulement sourd, ininterrompu – Notre infanterie a repris en partie ce qu’elle avait
perdu hier ; nous avons eu quelques prisonniers au 132 – Par contre, du côté allemand, nous
leur en avons fait également. Sur les Hures, la position n’est presque plus tenable aujourd’hui,
nous recevons sans cesse du 150 allongé. Suis de garde cette nuit à la carrière, à chaque
moment nous craignons une contre-attaque Boche – les réflecteurs Boches fouillent toute la
nuit nos positions, les fusées éclairantes sur les Eparges se succèdent sans interruption – les
mitrailleuses n’arrêtent pas de tirer – La pluie tombe à torrents toute la nuit, je suis
complètement glacé – J’ai été obligé de dormir à même sur la terre gelée avec un téléphoniste
– Les Boches ont seulement envoyé des marmites sur nos tranchées, mais notre 220 du BoisHaut a répondu sur les tranchées Boches – Les Boches n’ont poussé aucune contre-attaque la
nuit – Je rentre à mon abri à 5 heures le matin avec le téléphoniste car le lieutenant Gusman
est venu nous remplacer. A peine avons nous fait 300 mètres, que nos pièces ouvrent le feu,
les Boches font une contre-attaque en masse, nos 75 tirent à pleine volée pendant une demiheure – Nous apprenons par téléphone que les Boches nous ont encore repris une partie de nos
gains.
Le temps est toujours à la pluie, nous sommes tous harassés de fatigue et remplis de boue des
pieds à la tête – De la plaine, nous avons de bonnes nouvelles : du côté de Pont-à-Mousson
nous avons avancé de 3 à 4 kilomètres, sur Etain cela marche très bien, ainsi que sur
Marcheville – La journée se passe en canonnade sans interruption. Je reçois des lettres de
Jussy, mes lettres à moi n’arrivent plus – Des prisonniers Boches de la plaine arrivent à
Monts.
Un ordre est également arrivé aux civils d’avoir à évacuer leurs villages (Mesnil, Monts,
Bonzée, Villers, Haudiomont etc..) mesure de juste précaution car beaucoup des habitants de
la Woëvre sont avec les Boches et pratiquent l’espionnage –
Troisième jour : Nous avons passé la nuit dans nos abris où il pleut comme à la rue, à peine
éveillés le matin que retentit le commandement : « A vos postes, nous allons attaquer de
bonne heure ! » - A 8h exactement, nous ouvrons le feu, notre tir est très précis, il paraît que
les Boches volent en l’air dans les tranchées.
L’artillerie allemande entre en scène et son tir est sur les Eparges et sur les Hures, les 150
allongés arrivent avec un sifflement sinistre. Un de ces obus est tombé sur un abri de pièces
de la 7ème Batterie, l’abri a cédé au milieu et a écrasé et réduit en miettes les roues et les
boucliers du canon, aucun servant n’est touché, tous étaient terrés dans un coin de leur abri
qui de ce côté ne s’est pas effondré – Notre infanterie a pu regagner les points perdus hier et
s’est avancée jusqu’à 15 mètres du point X et du point D. Le tir de notre artillerie diminue
vers 11h – Les grosses pièces du Bois-Haut, les 120, 90 des Hures, 155 Bonzée tirent – On
nous monte la soupe, à peine si nous mangeons – Il est exactement 2h de l’après-midi,
l’artillerie Boche ouvre le feu sur les Eparges et sur les Hures ; les 150 allongés rappliquent
sur la crête des Hures.
Les abris de pièces et de combats sont environnés de marmites sur la corne Est des Eparges –
2 compagnies Boches fortes chacune d’environ 400 hommes sortent des tranchées et foncent
sur les nôtres : au premier abord, les hommes du 132 reculent, beaucoup sont faits prisonniers,
mais les Boches, non contents de gagner la ligne de tranchées, poursuivent plus en avant, mais
l’artillerie qui a été prévenue à temps fait aussitôt un barrage qui par suite de l’avance des
Boches se trouve en arrière d’eux, ils sont donc pris entre deux feux, et la plupart sont tués ou
faits prisonniers par ceux qui avaient été faits prisonniers par eux ; les quelques-uns qui
avaient pu s’enfuir sont cueillis derrière la crête par nos obus à balles.
Le colonel Grammat et le commandant Hardy nous envoient par téléphone : « Très bien, très
bien, félicitations aux pointeurs ».
Nos officiers estiment que cette contre-attaque a coûté aux Boches 4 à 500 hommes.
Quatrième jour : A peine levés ce matin, les pelotons de pièces montent à leur poste, car le
lieutenant Jonenhaus nous annonce que l’attaque sera ce matin ; nous commençons à tirer vers
9h du matin, la pièce de Maurice Clerc, un de mes bons camarades, après avoir tiré pendant
près d’une heure, vient de céder : le tube est gonflé avec une grosse hernie à hauteur de la
jaquette, le pointeur et le tireur ont étés projetés de leurs pièces, mais par une veine ou plutôt
un miracle, aucun des hommes n’est touché –
L’attaque se poursuit avec rage : les fusils et les mitrailleuses crépitent, la voix du canon se
fait de plus en plus terrible sur le point D – Le 25ème bataillon de chasseurs à pieds est prêt à
s’élancer à l’assaut sur le point D – A l’heure voulue, l’artillerie allonge le tir et nos braves
chasseurs, dans une furie terrible, sortent de leurs tranchées et bondissent dans les tranchées
Boches, embrochant ceux qui y étaient restés ; eux ne font plus de prisonniers, car les Boches
leur ont joué de trop sales tours –
A midi, au moment où je distribuai la soupe, un 105 fusant éclate au-dessus de nous tous ;
d’un seul coup, nous sommes à plat ventre dans les bouteillons de soupe, mais Bah, nous nous
serrerons encore la ceinture d’un cran, nous y sommes habitués – Je descends à Monts,
rencontre des quantités de blessés qui reviennent. Vers le soir, 22 prisonniers Boches sont
amenés au poste, sur l’un on trouve plusieurs balles retournées, le général ordonne de le
fusiller.
Le lendemain, il est emmené au poteau d’exécution à 5 heures du matin, et quelques minutes
plus tard, justice est faite ; il appartenait au 50ème d’infanterie prussienne.
Je monte un canon aux Hures avec 14 chevaux et 2 à 4 en réserve – le canon arrive à bon port.
L’aspect des Hures a un aspect de vraie bataille, la plupart des arbres et des buissons sont
hachés par les obus, la crête n’est plus qu’une écumoire et cependant, il faut tirer. J’espère
qu’aujourd’hui nous aurons le fameux point X.
La 7ème a eu un tué, un cuisinier qui a été coupé en deux dans son abri par un 150 allongé – La
température est froide car les giboulées de mars tombent –
Cinquième jour : Nous attaquons vers 3h1/4, le bombardement ne cesse presque pas, le
temps est mauvais pour l’attaque mais l’ordre est donné – c’est le 132ème qui doit monter pour
prendre X – Vers 4h1/2, notre infanterie s’élance sur le point X, mais par 3 fois, elle est
obligée de céder, les allemands contre-attaquent aussitôt.
L’artillerie française tonne de plus en plus, notre infanterie s’élance encore une fois et
s’accroche définitivement au point X où nous tenons les deux extrémités et occupé au centre
par une centaine de Boches qui ne veulent pas se rendre. Ils sont tués un par un – A 6 heures
du soir le 9 avril nous avons la totalité de la crête des Eparges que les allemands avaient juré
de ne jamais nous céder. Cette crête leur a coûté des milliers d’hommes, nos pertes sont
également fortes – Vers le soir, le Bois-Haut tirait déjà sur Combres et le versant sud des
Eparges. A noter une chose qui nous étonne : toutes les grosses batteries allemandes se sont
tues aujourd’hui, nous croyons qu’ils ont reculé sur Hattonchâtel –
Sixième jour : La neige a encore tombé cette nuit, il fait très froid, les Boches n’ont pas
contre-attaqué cette nuit, et en ce moment, nous sommes en haut du plateau et eux en bas –
Dans une huitaine, nous espérons avoir le plateau de Combres et couper leur ravitaillement de
St Mihiel.
Vers le matin, une contre-attaque Boche a pu se maintenir dans un petit fortin sur le point X.
Nos fantassins ont été surpris par l’apparition soudaine des Boches de la bouche d’un tunnel
souterrain allant de Combres au point X….mais ils ne pourront tenir car deux de nos
tranchées sont de chaque côté et l’infanterie doit faire sauter ce tunnel à la métinite.
D’après un prisonnier Boche, il y a un autre tunnel Boche allant des bois d’Herbeuville aux
Eparges, les allemands pourraient donc amener des renforts sans être vus de la plaine.
De plus leur dépôt de torpilles était dans le caveau d’un cimetière de Combres.
Septième jour : Nuit assez calme, j’attrape un mal de reins de coucher sur le dur, nous
envoyons quelques obus aux Boches sur la petite partie du point X qu’ils occupent
encore…par contre les Boches envoient des obus très haut, probablement pour régler leurs tirs
des Batteries qu’ils ont du reculer.
Nous apprenons que du côté de Pont-à-Mousson, notre avance est très sensible : 1 à 2 kms de
profondeur sur un front de 20 kms.
Vers 4h30 de l’après-midi, les 150 allemands que nous avions cessés d’entendre, arrivent sur
les Hures ; les premiers coups tombent entre la carrière et les pièces. Nos pièces tirent de
temps en temps sur le fortin se trouvant sur X où les Boches sont encore.
La nuit des marmites arrivent assez souvent ; nous apprenons que plusieurs obus de 105 sont
tombés à Monts et ont tué deux pauvres chasseurs à pied du 25ème B
Huitième jour : gelée blanche le matin
Vers 8h l’attaque du côté de Marcheville commence : c’est un roulement ininterrompu, il
parait que Marcheville est entourée de réseaux de fil de fer de plusieurs centaines de mètres
en profondeur.
Quelques 150 arrivent sur la crête entre la carrière et les pièces. Je vais l’après-midi à la
carrière, vois le capitaine, un 150 tombe à 40 mètres de moi…dans la carrière nous nous
couchons tous et nous relevons sans aucun mal.
Plusieurs avions Français sont en évolution et règlent le tir de notre grosse artillerie. Vers 5h
le soir, la lutte du côté d’Etain semble se poursuivre avec acharnement.
J’apprends par téléphone que je suis de garde pour observation à la carrière ; je m’y rends
avec un téléphoniste. Je prends la première faction, de 7h à 9h.
Un 150 arrive à la pointe, et un gros éclat tombe entre le téléphoniste et moi. Je veux le
ramasser, mais l’éclat me brûle.
Le phare Boche du côté d’Herbeuville éclaire avec force les Eparges et surtout la corne Est et
le versant du côté de Combres…à peine si nous pouvons montrer notre tête, les balles sifflent
sans arrêt, 3 batteries allemandes - une à Herbeuville, la batterie 3 bis, et une batterie de 150
du côté de Dommartin – tirent fusants et percutants sur les Eparges, les phares français – un
dans le Bois Haut et 2 autres du côté d’Haudimont – projettent leur lumière.
La fusillade du côté de Marcheville est intense. Le lieutenant Guesman vient me remplacer. Je
reprends mon autre faction de 1h à 3h, rien de bien anormal.
Neuvième jour : nous apprenons que l’attaque dans la plaine n’a pas rendu ce que l’on
espérait ; nos 155 longs tirent sur Marcheville.
Une batterie de 105 est dans un champ près de Fresnes-en-Woèvre, le terrain est très
mauvais..
Je remplace un de nos camarades, Maurice Clerc, qui a mal à la gorge.
Vers 5h le soir, le draken Boche s’élève et règle un tir avec du 150 sur les Hures. Nous
sommes tous terrés dans les abris, un 150 arrive sur un abri de la 7ème pièce où se trouvait un
canon. Cette batterie n’avait plus que cette pièce, les autres avaient sauté.
Dixième jour : Belle journée, je vais avec les poilus de la 3ème pièce, nous tirons de temps en
temps, c’est un tir très précis.
Le lieutenant Guesman est venu nous photographier.
Les Boches ont encore envoyé des obus sur Monts.
J’ai une lettre de papa où l’on me dit qu’Alfred Bacquenois est mort.
Nos fantassins sur les Eparges reçoivent des obus en quantité et ont tous les jours des tués et
des blessés.
Nous touchons un litre de vin par homme et de l’eau-de-vie.
Vers 6h le soir, un aviatik survole les Hures, nous nous terrons dans les abris, les mitrailleuses
tirent dessus.
Onzième jour : toujours le beau temps, nos aéroplanes sortent nombreux, nous ne savons pas
ce qui se passe en plaine du côté de Marcheville, les obus et balles crépitent sans interruption.
Après-midi dans l’abri, je joue au poker avec mes camarades.
J’apprends par le Maréchal de Verzy qui est sous-chef et qui vient de recevoir une lettre, que
le maire de Wez (maure) est arrêté comme espion : il paraît qu’un certain jour, il a fait des
signaux aux Boches en faisant partir des fusées au moment où l’église de Wez était remplie de
soldats ; 4 obus seraient arrivés dessus…
Douzième jour : j’ai reçu une lettre d’Elise, de Thil et d’Henri Gaillet. Il fait une journée
superbe. Nos pièces tirent de temps en temps.
Quatre pièces de 155 long vont venir aux Hures. Je reçois l’ordre du capitaine de construire
un nouvel abri et de faire renforcer les autres. Les Boches tirent des explosifs fusants sur le
Bois Haut. Un peloton de pièce descend à Monts pour se nettoyer, car la plupart sont remplis
de poux, ils sont remplacés par un peloton de pièce de la 7ème batterie. Les Boches nous ont
éreintés : 2 pièces de grosse artillerie ont fait sauter un dépôt de munitions dans la plaine.
Nuit assez calme sur Monts. Les Boches envoient des marmites. Nous aspirons tous les jours
pour aller au repos.
Treizième jour : nous allons nous laver à la source dans le bois des Hures. Rien dans les
journaux ne nous fait encore prévoir la fin de cette terrible guerre, si seulement c’était bientôt
la fin !....Aux Eparges, c’est un spectacle d’horreur dans les tranchées : des cadavres Boches
et Français sont dans les tranchées et sont tout noirs, les fils de téléphone des Eparges à l’abri
du colonel Grammat aux Hures sont accrochés parfois au bras d’un des nôtres qui, tombé sur
la crête et n »étant pas encore mis dans la grande fosse commune, semble encore vouloir
prêter son bras à la France en soutenant les fils du téléphone pour envoyer tout à l’heure un
ordre qui le vengera - On monte de la chaux aux Eparges car les cadavres commencent à
dégager de mauvaises odeurs, peut-être dans quelques temps les épidémies vont arriver –
17 Avril – Temps très beau, nous construisons des souterrains, les Boches tirent des Monts
vers midi, mais les coups sont trop courts et tombent en avant du pays – Nous faisons la
chasse à l’écureuil et je le tue d’une balle de mousqueton au premier coup –
Des explosifs fusants tombent sur le Bois Haut et sur Mesnil Haut – Je reçois une carte de
Charles Gaillot qui vient d’arriver au feu, il est au 354ème d’Infanterie dans le Nord du côté
d’Arras – A 10 h du soir, on nous crie « A vos postes » et les pièces tirent l’une sur le phare
Boche qui se trouve dans la plaine du côté d’Herbeuville, et l’autre pièce sur les tranchées –
18 Avril : Beau temps – Les 105 Boches arrivent aux Hures vers 9 H du matin en grande
quantité ; un moment j’étais en train de relire la carte de Charles Gaillot à la porte de l’abri,
un éclat de 105 qui était arrivé sur le haut de la crête me passe tout près de la tête, je rentre
vivement à l’intérieur.
Notre artillerie répond aussitôt.
Nous manquons d’allumettes et impossible de nous procurer du tabac.
A l’heure de l’après-midi, la 2ème pièce de la Batterie saute au premier coup de canon ; de
chaque côté du tube, la pièce a cédé, heureusement personne n’est touché ; le peloton de
pièces de la 7ème Batterie qui remplaçait momentanément Hubler et ses hommes en est à sa
2ème pièce qui saute, le tireur avait déjà été blessé à la 6ème Batterie par un canon sauté.
Des 4 canons que nous avions, il ne nous en reste plus qu’un –
Les Hommes des pièces ont une véritable frayeur de leurs pièces, ils ont plus peur de leurs
pièces que des marmites – Les servants ne restent plus sur leurs sièges quand on tire, tous sont
à plat ventre en sortant de l’abri à l’exception du tireur – Les Boches envoient des quantités
d’obus sur les Eparges et beaucoup de grenades, vers 2 h nos fantassins sont obligés
d’évacuer la tranchée K, les Boches ne peuvent y prendre pied.
A 3 h de l’après-midi, nous sommes arrosés par des 105 percutants, un brancardier est tué à
30 mètres de moi, il est projeté en arrière avec une force terrible, les pieds sont arrachés – Il
est marié et père de deux enfants –
Un 105 tombe à côté de notre abri, nous nous faisons le plus petit possible, car les éclats
volent de toutes parts.
Un avion français est bombardé par les Boches. Nous regardons les éclatements, mais comme
ils sont juste au-dessus de nous, les schrapnels descendent en bourdonnant à nos oreilles, nous
rentrons en vitesse.
Le soir, nous apprenons que nos fantassins ont pu réoccuper la tranchée K, il y a eu un
commandant de tué, un lieutenant blessé et 80 hommes hors de combat – Le ravitaillement en
obus se fait de nuit.
19 Avril : Beau temps, allons nous laver à la source ; les 4 pièces de 155 long doivent être
installées pour le mercredi 21 Avril, un avion Boche vole au-dessus de nous, la Batterie
d’avion tire mais en retard, le service de cette batterie laisse beaucoup à désirer –
Quelques 105 tombent sur les Hures à l’heure de la soupe – Vers 2 h du soir, les Boches
envoient du 150 à gauche du Mesnil et sur le pays, le soir des 150 tombent sur Mesnil Haut et
arrivent par quatre en quantité, l’avion Boche qui nous avait survolé le matin a probablement
repéré la Batterie d’avion mais les coups sont beaucoup trop courts, la nuit arrive que les
marmites éclatent encore –
Les pièces doivent tirer cette nuit, les éléments sont placés d’avance de façon qu’au
commandement il n’y ait qu’à mettre le feu – Vers 9 h du soir, je reçois un colis de mon Elise,
et il y a du tabac. Quel bonheur, nous commencions à en manquer..
20 Avril : Temps superbe, nous allons couper des sapins pour faire une petite barrière en face
de notre abri, le matin je tue encore un écureuil à la 2ème balle – Quelques fusants arrivent sur
les Hures, nous faisons le lapin à chaque minute.
21 Avril : Temps très beau, je reçois une carte de Clovis Rothier qui est à Verdun, 166ème
d’Infanterie, 30ème Compagnie.
Vers 3h de l’après-midi, alors que la 3ème pièce tire, au 6ème coup de canon, alors qu’il y a 4
servants dans l’abri, la pièce saute et est complètement pulvérisée ; par un miracle, seul le
pointeur est touche, il a une plaie très grande à la tête, une au cou, et le petit doigt de la main
gauche brisé. Le pauvre Monneret perd son sang en abondance, et en sortant lui-même de
l’abri, il tient sa pauvre tête ensanglantée, c’est un triste tableau à voir…
A toute vitesse lorsque j’ai su par un téléphoniste que la pièce avait sautée, j’ai bondi au poste
des infirmiers et brancardiers qui accourent aussitôt.
Le major est prévenu par téléphone, on lui fait un pansement, le major Hoël arrive, on le
descend, le pauvre Monneret nous dit pourtant « Au revoir » et nous parle de sa pauvre
femme, tous nous avons les larmes aux yeux ; le major nous assure que sa vie n’est pas en
danger (sauf complications), les brancardiers le descendent sur un brancard.
Les autres servants ne sont pas atteints, mais tous ont leurs cheveux et leurs sourcils brûlés,
tous peuvent se vanter d’être revenus de loin, car dans l’abri le spectacle est lamentable.
De toutes les pièces que j’ai vu sauter, c’est la première que j’ai vue dans cet état : le tube est
sectionné, moitié a été projeté en avant et tout l’arrière git en arrière de la biche, le frein,
les….., appareils de pointage, tout est réduit en bouillie, une roue du côté du pointeur est
brisée comme de la paille hachée, en un mot la pièce est réduite comme une bouteille que l’on
brise contre un mur de pierre, heureusement qu’au départ du coup les servants étaient à plat
ventre, car c’est la 5ème pièce de la Batterie qui éclate et la 15ème pièce au groupe (12 pièces) –
Les servants ont maintenant une peur terrible de leurs canons, ils vont adopter un système
pour mettre le feu par une grande ficelle, en étant en-dehors de l’abri ; la cause de cela doit
être de ce fait que les obus étant faits très vivement et n’étant pas bien tournés au calibrage du
canon, au moment du départ du coup, le moindre choc qui se produit, fait armer la fusée qui
est très sensible, et fait éclater l’obus dans le tube . Etant donné la force de l’explosif, en
éclatant, n’importe quel canon ne peut résister.
Nous n’avons à 8ème Batterie en ce moment, qu’une seule pièce de canon.
22 Avril : le peloton de pièces de la troisième est descendu, seule la 5ème pièce et un peloton
de pièces sont restés aux Hures. Quelques fusants tombent en avant de la crête
23 Avril : le temps s’est refroidit dans la journée, rien d’anormal, mais vers le soir, nous
subissons un bombardement en règle, les 150 arrivent par quatre et cela dure pendant une
heure, la crête semble parfois s’ébranler quand les 150 tombent en percutant sur le sol.
A la nuit, les marmites cessent de tomber, le peloton de pièces qui est aux Hures doit tire un
coup à chaque d’heure toute la nuit, de façon à permettre à nos fantassins de travailler.
Pierre Machet est venu me voir, il est au 25ème d’artillerie.
24 Avril : Le temps est refroidi, nous jouons au poker le matin, allons prendre le café avec les
brancardiers.
L’après-midi, nous apprenons que nos 220 ont détruit une batterie Boche, l’église de St Remy
brûle, les Boches se vengent dessus.
25 Avril : La nuit que nous venons de passer a été terrible, les 150 allemands n’ont pas cessé
de tomber sur la crête – la pièce de 75 qui nous reste a tiré toute la nuit, un coup tous les ¼
d’heure ; le matin nous étions tous dans les abris et blottis tous là dedans nous subissons un
bombardement sans arrêt de 150 allongés…ils arrivent par 4, on en compte 24 arrivés en 5
minutes, le bombardement cesse vers midi.
Dans l’après-midi, il y a plus de calme.
Le soir, nous apprenons avec stupéfaction que les Boches ont percé notre front du côté de St
Rémy et fait un bond de 2 kilomètres du côté du Bois-Haut, nos 2 premières lignes de
tranchées sont prises…Nous ne savons que penser de l’avance allemande, peut-être ce n’est
pas vrai…Enfin, quelques minutes plus tard, nous savons la vérité sur ce qui se passe : entre
les villages de St Rémy et Mouilly, les Boches ont fait irruption sur notre première ligne de
tranchées et s’en sont emparée…nos fantassins étant surpris ont cédé et se sont replié en
vitesse…les Boches ont attaqué notre deuxième ligne de tranchées, s’en sont emparée et leur
infanterie s’est infiltrée sur la tranchée de Calonne…2 pièces de 90 qui se trouvaient avancées
sont prises par eux, les servants (7) sont tués sur leurs pièces avec une atrocité que les
Barbares Teutons sont seuls capables de faire…un de nos servants qui n’était que blessé est
achevé par eux, et chose ignoble, ces bandits le mutilent et lui coupent les parties…
Pendant ce temps, notre infanterie s’est ressaisie, nos fantassins contre-attaquent…les Boches
qui ont tué les servants des pièces sont entrés dans la cuisine abri des artilleurs et s’étaient mis
à boire le jus, quand tout à coup, les nôtres arrivent, font les Boches prisonniers et les
ramènent en arrière, mais leur compte est réglé d’avance…
Nous reprenons les pièces, seuls les appareils de pointage sont brisés, nous avons pu refouler
les Boches, mais ils ont pu conserver la côte 340 et notre première ligne de tranchées ; le 106
et le 132ème qui étaient au repos sont revenus en vitesse –
A Monts, les chevaux étaient garnis et prêts à partir, le train régimentaire n’est pas venu et de
ce fait, nous n’avons pas à manger.
Nous recevons des obus la nuit.
25 Avril : apprenons que des renforts d’Infanterie sont arrivés ; le matin se passe assez
calme…vers midi un roulement ininterrompu d’artillerie se fait entendre sur notre droite, du
côté de St Rémy…à midi nous n’avons pas mangé, nous n’avons touché aucune
nourriture…vers 1 heure de l’après-midi, nous subissons un bombardement que depuis que je
suis au feu nous n’en n’avons subi…car depuis leurs 77, 105, 130, 150, 210, 280, et même
305, la pauvre crête des Hures n’est qu’un nuage de fumée d’obus…nous sommes tous dans
l’abri et craignons qu’à chaque instant, une marmite arrive sur notre abri…
Un téléphoniste arrive, nous disant de faire monter tous les hommes disponibles pour sortir
une pièce de la 7ème de son abri, de façon à pouvoir tirer à 1200 millième à droite…tous, nous
avons la conviction que les Boches avancent du côté du Bois-Haut…vers 4 h du soir, une
marmite de 305 éclate à 5 mètres de notre abri…je sommeillai à ce moment, nous sommes
remués comme des plumes, je me trouve projeté sur les jambes d’un de mes camarades, les
éclats, les briques, la terre nous aveugle, nous sentons une odeur de carbure dégagée par la
poudre, les fusants se succèdent toujours sans interruption, nous sommes dans des nuages de
fumée…
La pièce que nous avons sortie de son abri tire sur des Boches qui venaient de St Rémy au
village des Eparges, les Boches ont pris des capotes françaises pour que nous les prenions
pour les nôtres et ont même un drapeau de la Croix Rouge, mais le commandant Hardy les a
vu le premier avec ses jumelles…nous ouvrons le feu et tirons par 4 à explosifs…Les Boches
se sauvent et rentrent au Bois-Haut…
Le soir, nous apprenons que les Boches tiennent toujours la côte 340, certainement demain il
y aura une forte attaque pour reprendre la côte 340.
Le soir, la fusillade crépite du côté de St Rémy…nous ne touchons rien ce soir pour manger,
seulement quelques biscuits et du singe…
De cette attaque allemande qui a réussi à crever notre ligne mais qui par contre a été
repoussée, sauf sur un point, il y a certainement une faute de notre part : notre Infanterie
n’était pas en force dans les tranchées de première ligne et peut-être y-a-t-il eu du relâchement
dans le commandement et le cran de nos fantassins a faibli…
Lorsque dans cette attaque, le commandant Hardy a vu les Boches arriver sur le pays des
Eparges, l’ordre était donné aux servants et gradés des Hures de se préparer à partir au cas où
nous serions forcés..la seule ressource qui nous restait était de faire sauter nos pièces et de
nous replier si nous pouvions…c’est une veine que nous n’avons pas été forcés…Dieu merci,
nous sommes sains et saufs, car après cela, je ne croyais pas revoir les miens…
La nuit de ce bombardement a été assez calme pour les Hures, mais du côté du Bois-Haut, la
fusillade est très vive, les fusées éclairantes projettent leurs lumières sur le bois.
La nuit se passe assez calme, en comparaison de la journée – à 1 h du matin, nous touchons
une bonbonne de vin que deux hommes nous amènent de Monts.
26 Avril : Le matin nous allons voir le trou creusé par le 305 qui est tombé à côté de notre
abri, ce trou est terrible : il a 10m de circonférence et 2m de profondeur ; les morceaux que
nous avons ramassé attestent de la grosseur du projectile –
Du côté du 120 dans le bas de la crête, les trous sont encore plus profonds, étant donné que le
terrain est plus mou – Me sentant malade le matin, je descends à Monts pour voir le Major. Je
donne la pièce à un homme pour me descendre mon paquetage ; à la visite le Major (Holl)
prend ma température qui est normale ; il me dit de me reposer aujourd’hui.
27 Avril : Je joue au poker avec Mangin, Didier toute la journée –
28 Avril : Les Boches bombardent Monts le matin, des renforts importants viennent nous
renforcer, 22 prisonniers Boches sont au poste, ils appartiennent aux 50ème, 73ème, 146ème
régiment…Aux divers interrogatoires qu’on leur fait subir, les Boches croient encore gagner –
29 Avril : Je reste à Monts ; nous apprenons que la division marocaine vient nous renforcer et
se trouve actuellement du côté de Sommedienne – Le 147ème d’Infanterie est venu nous
renforcer aussi – La nuit, la fusillade est très vive du côté de la tranchée de Calonne –
30 Avril : Je vais à Miranvaux où se trouve l’échelon et la 5ème pièce payer le prêt à nos
conducteurs. J’y vois Gonne qui est revenu de l’hôpital de Neufchâteau ; j’y vois aussi
G.Regnault qui a vu Emile Ponsinet qui est au 147ème d’Infanterie. Emile a déjà été blessé
d’une balle à la main, a été soigné à Nantes, est revenu au front et a paraît-il 2 doigts
d’estropiés…Georges Regnault doit me donner son adresse – Nous rentrons à Monts vers
9h1/2 du matin, il fait un temps superbe –
A 10 h , 2 marmites de 150 tombent sur le pays, une en avant et l’autre en arrière. Un
camarade m’appelle pour aller à la soupe, je m’apprête à traverser le coin de la mairie quand
tout à coup, un sifflement sinistre et en même temps l’éclatement d’un 150 allongé. Au même
moment (1/4 de seconde) dans mon esprit, sentant que la trajectoire baissait et que j’étais pris
dans l’éclatement de l’obus, une pensée me disait que c’était fini. Je suis enveloppé dans un
nuage noir de fumée, de poussière, un bruit épouvantable d’éclats de briques, de terre, vole en
tous sens. Les carreaux de la Mairie me tombent sur la tête avec les conduites d’eau, je n’ai
même pas eu la présence d’esprit de me coucher, j’ai seulement mis les bras sur ma tête, ayant
resté une minute ou deux immobile à la même place. Je rentre en courant à la Mairie, nous ne
savons où nous abriter, finalement nous ouvrons la cave et tous nous nous précipitons dedans.
Un instant après, je sens que j’ai la jambe fraîche, je tâte en dedans de ma culotte et je ramène
du sang. Je regarde et vois un petit trou où s’échappe un mince filet de sang, une brûlure se
fait sentir, mais ce n’est pas grave, c’est une légère blessure – Nous sortons au bout d’un ¼
d’heure et je remonte vers le haut du pays.
J’apprends à l’instant que l’obus qui a éclaté près de nous a tué un téléphoniste et blessé un
brigadier et un homme…c’est un vrai miracle que je ne sois pas atteint…
Bien nous a pris de remonter car les marmites tombent avec un fracas épouvantable – une
tombe chez Mme Bertin, tuant un homme, une autre à la grange de l’échelon, nous tuant 4
chevaux…et cela dure pendant une demi-heure, 17 chevaux sont tués – Les civils qui sont
encore à Monts évacuent.
Je monte aux Hures, je dois remplacer le sous-chef –
1er Mai : Journée assez calme sur les Hures, mais Monts est encore bombardé…7 soldats du
128ème d’Infanterie sont blessés, nous avons encore 7 chevaux tués à la Batterie.
L’ordre est alors donné aux soldats qui sont à Monts de partir –
2 Mai : Matinée assez calme – Vers 4h de l’après-midi, nous déclenchons subitement une
attaque, une Batterie du 17ème d’Artillerie se trouvant en position près des vergers de Mesnil,
se trouve encadrée de marmites…à un moment un obus tombe dans une soute à munitions et y
met le feu…une autre soute est également brûlée.
La Batterie est environnée d’une fumée atteignant plus de 30 mètres de haut.
Les Hures reçoivent des fusants – nuit assez calme
3 Mai : Levons de bonne heure, allons nous laver à la ….on nous monte la soupe pour la
journée : ce n’est guère appétissant.
Je vais avec Maurice Clère, de bon matin, faire une promenade sur le plateau des
Hures…c’est épouvantable de voir le désastre causé par les marmites – A 3 heures de l’aprèsmidi, nous envoyons quelques pruneaux aux Boches…à peine avions nous tiré qu’une
Batterie de 130 autrichienne située du côté de Dommartin et nous prenant sur notre flanc, est
réglée sur nous…les coups arrivent par deux et encadrent les pièces…un 130 arrive et percute
sur l’abri de la 3ème pièce (Clère)
Les éclats traversent la flèche comme une écumoire, 3 servants qui se trouvaient dans le
boyau souterrain qui donne sur l’abri sont enfumés…le premier qui se trouvait à l’écart est
légèrement blessé à la joue.
A 4 heures du soir, nous apprenons avec joie que nous allons au repos et que nous quittons la
position où nous sommes, et même la Meuse. Tous nous sautons de joie car n’importe quelle
position que nous prendrons ne sera plus terrible que les Hures !!!
Nous devons laisser les pièces de canon aux Batteries qui viennent nous remplacer.
Le soir, nous faisons…en dehors de notre abri –
4 Mai : On nous apporte la soupe à 3h du matin pour toute la journée…rien qu’à regarder la
marmite, on n’a plus faim…nous commençons à apprêter nos paquetages pour le soir quand
un ordre arrive par téléphone : le repos est supprimé…nous accueillons cet ordre en
murmurant…encore une fois, nous nous mettons une large ceinture pour le repos !!!
5 Mai : Je descends le soir à Monts pour quelques jours, nous couchons dans une maison
abandonnée, car tous les civils sont évacués. Nous levons à 4 h pour aller à Miranvaux –
Arrivons à l’échelon, je mange avec le fourrier et Charrier, me repose l’après-midi.
Vers le soir, de loin la fusillade : encore une attaque allemande –
6 Mai : Nous allons à Haudiomont avec 2 camarades, car les civils doivent partir. J’achète un
superbe … (4,50) du vin blanc, bordeaux, vieux marc et mirabelle, rentrons à l’échelon où
l’après-midi nous faisons la fête, il y a si longtemps que l’on n’a pas bu quelque chose d’aussi
bon !!!
7 Mai : affrète mon … pour remonter ce soir – une lettre d’Elise m’annonce la présence de
Louis Tosty à Paris…j’ai la bonne fortune d’aller jusqu’à Monts en voiture avec le
vaguemestre…passons par Mesnil, lorsque nous montons, les fusées éclairantes sillonnent la
nuit, on dirait un feu d’artifice, l’artillerie se met de la partie Arrivons à l’abri, nous remplaçons les camarades qui descendent – Je vais avec un camarade
porter un pli au commandant à l’abri carré, mais dans la nuit, nous nous perdons : les bois et
arbres hachés par les obus barrent à chaque instant le sentier, nous sommes obligés de revenir
et d’y aller par le plateau, pourvu que les balles ne nous touchent pas….nous arrivons sans
encombre et rentrons de même –
8 Mai : Journée assez calme…tous, nous désespérons d’aller au repos et pourtant l’état-major
et le 4ème groupe sont partis…
Hier, sur la tranchée de Calonne, 4 compagnies Boches étaient sorties de leurs tranchées en
levant les bras en l’air et en criant : « Kamarad Fransouz… », mais les marocains et les
chasseurs à pieds ne s’y sont pas laissés prendre, car la plupart des Boches avaient leurs
poches pleines de grenades, nos mitrailleuse les ont fauchés comme des lapins…
A 3h du soir, nos officiers aperçoivent sur la crête un officier Boche suivi d’un immense
drapeau blanc et d’une trompette qui joue en marchant : c’est un parlementaire qui vient
demander une armistice de 3h pour ramasser leurs blessés et enterrer leurs morts.
Le général français lui fait répondre qu’aucune armistice n’est accordée, le parlementaire
allemand est reconduit en avant de nos lignes par un capitaine français, c’était probablement
un coup de traîtrise de la part des Boches –
9 Mai : Il fait un temps splendide, l’après-midi, nous étions en route de jouer aux cartes
devant l’abri quand le sifflement d’un obus et en même temps l’éclatement d’un 150 à 25
mètres de l’endroit où nous étions…il était temps…à toute vitesse, nous avons fait un plat
ventre dans l’abri –
A 4h le soir, je vais porter un ordre en bas de la crête pour arrêter le tir du canon tronqué, car
les obus tombent dans nos lignes.
10 Mai : Je descends pour aller passer 4 jours à Miranvaux, il est 6h du matin…je descends
les Hures, et rencontre l’aspirant qui m’offre son cheval qui s’en retourne…je traverse la
plaine en allant sur Bonzée, un 105 fusant tombe à 200m en avant de moi, j’oblique sur la
gauche, un deuxième arrive à 30m sur ma droite, il était temps que je me déplace, nous
partons avec le planton de l’aspirant au galop, arrivons à l’entrée de Bonzée où je suis obligé
de re-seller mon cheval jusqu’à Miranvaux…nous arrivons sans trop d’encombres…je
roupille jusqu’au soir…
11 Mai : Encore fatigué, je ne fais que roupiller et vers le soir je vais me nettoyer
12 Mai : Je vais me promener dans le bois, c’est magnifique…
13 et 14 Mai : nous allons à la promenade des chevaux à Sommedienne, nous en profitons
avec Maurice Clère pour faire des provisions avant de remonter aux Hures, nous nous faisons
faire une bonne omelette au jambon et buvons une paire de bonnes bouteilles de
Champagne…Avec quel plaisir nous digérons tout cela –
En revenant je vois un champ de seigle…je suis tout étonné de voir la végétation avancée, il y
a une année que je n’ai pas vu cela…
15 Mai : Fais mes préparatifs pour remonter le soir ; du côté d’Arras, cela marche très bien,
nous avons pris 20 canons – Ce jour, je reçois une grande lettre de mon Elise qui me donne
des nouvelles sur Dontrien…nous allons peut-être revoir les nôtres bientôt – De Dontrien, il
reste la ruine – Nous passons par la tranchée de Calonne, j’en profite pour voir Constant
Bacquenois…arrivant à sa tente, un camarade me dit qu’il vient de sortir…je continue mon
chemin quand je m’entends appeler : c’est Constant qui crie après moi…je lui montre la lettre
d’Anaïs au sujet des nouvelles de Dontrien, il m’accompagne jusque Mesnil en passant par les
trois juris…je dois le revoir quand je redescendrai – En arrivant à Mesnil, un incendie achève
de se consumer, je constate que l’église est encore plus abîmée qu’avant –
Nous passons la pause dans les pruniers au-dessus de Mesnil en attendant la voiture qui nous
amène nos fourbis – Sommes obligés d’attendre plus de 2 heures, les fusées éclairantes
sillonnent le ciel du côté du Bois-Haut – La voiture arrive enfin, nous montons avec notre
fourbi sur le dos. Arrivés à la source dans le bas des Hures, nous buvons nombre de quarts
d’eau – Arrivons en haut, remplaçons les camarades, il est minuit – Dormons à poings fermés.
16 Mai : Temps splendide, je prends la consigne du matériel ; le sous-chef descend, la journée
se passe assez calme, les grosses pièces tirent de temps en temps – L’Italie n’a pas l’air de
marcher avec nous – Nous allons faire notre cuisine aux Hures, car nous mangeons trop
mal…Le soir, quelques hommes descendent à Mesnil, et rapportent une cuisinière pour faire
notre popote, le soir nous faisons concert jusque 11 heures.
17 Mai : Journée assez calme, quelques 150 tombent sur le plateau en avant des pièces,
Mesnil brûle encore – D’après renseignements par Constant Bacquenois, le jour où les Boches
nous ont percés par la tranchée de Calonne, nous avons eu 15 pièces de démolies, dont 2
mortiers de 220, modèle tout récent qui n’avait pas encore tiré Le soir, nous étions partis avec un homme pour ramasser des escargots, mais arrivés sur la
ligne des pièces, une Batterie de 105 nous tire, les coups tombent sur le chemin du 120 à la
9ème, nous ne pouvons y aller.
18 Mai : Matinée assez calme, à midi comme maintenant, nous faisons la cuisine sur la
position, nous mangeons une soupe délicieuse, quelques fusants passent au-dessus de nous –
Après-midi assez calme, vers 4h, le 155 de Bonzée a fait du bon travail en faisant sauter un
dépôt de munitions Boche, les étincelles montent en l’air à plusieurs centaines de mètres –
Sur la situation générale, malgré la démission du cabinet italien Salandra qui est revenu au
pouvoir, nous croyons tous que cette puissance va se joindre à nous.
19 Mai : Un coup de téléphone m’appelle de bonne heure pour donner à la ca…les matricules
et freins des canons – Le capitaine Heuche descend à Miranvaux…nous apprenons par un
caporal du Génie qu’il doit y avoir une attaque le soir…nous n’avons aucun ordre le matin –
20 Mai : Nous apprenons que nous allons céder la position des Hures, les échelons se
préparent à quitter Miranvaux.
Je reçois un gros colis avec un litre de marc qui est accueilli avec enthousiasme – Nous ne
savons pas où nous devons aller, nous savons seulement que c’est le deuxième corps qui nous
remplace –
Vendredi 21 Mai – S.Hospice
Suis chargé par le capitaine de prendre le matériel en consigne pour le passer au régiment qui
va nous remplacer – Le général de Guitant commandant le 2ème corps d’Artillerie est arrivé
aux Hures – Nous comptons les obus, je prends les numéros des tubes et des freins – Dans
l’après-midi, les Boches tirent sur Mesnil – Il fait une chaleur atroce – Il paraît que nous
devons toucher de nouvelles pièces – L’échelons et la Batterie de tir doivent partir ce matin,
seule la section qui est aux Hures reste en attendant la Batterie qui la remplacera.
Samedi 22 Mai – Ste Julie
Le capitaine Heuche est parti, le lieutenant Josnenhaus reste avec nous.
A 8 h du matin, le 29ème d’Artillerie, 6ème Batterie doit venir nous remplacer, les chefs de
pièces et pointeurs sont seuls arrivés…ils prennent la consigne du matériel…en allant à la
carrière, les officiers craignent une attaque des allemands sur Combres – Nous avons l’ordre
de redescendre demain soir à 8 h –
Dimanche 23 Mai – Pentecôte
Il fait une forte chaleur – Le 29ème d’Artillerie signe le bon de décharge du matériel – Les
officiers du 46ème font tirer pour montrer à ceux du 29ème les éléments de tit – Je descends des
Hures à 1 h de l’après-midi, avec quelle joie je quitte cette crête !!!je passe par Bonzée et
gagne Monts en tachant de me défiler du bois de Combres – Entre ces deux pays, suis forcé de
m’arrêter, je n’en peux plus, encore bon que mon bidon est plein d’eau et que j’ai de l’alcool
de menthe – Arrive à Monts, entre à l’église où un spectacle épouvantable s’offre à mes
yeux….tout est détruit à l’intérieur…je gagne l’échelon par les bois, je suis en nage…
Nous partons à 11h du soir, la 2ème section descend à 10h – Montons à cheval, il fait un temps
splendide – passons par Sommedienne, Dienne, Ancermont, Villers/Meuse, les Monthairous,
Tilly-sur-Meuse…nous passons au trot, car nous sommes en vue des Boches, passons à
Bouquemont, arrivons à Woimberg à 3h1/4 du matin – Je croyais trouver un village détruit,
aucune maison n’est détruite, et chose étonnante, les cafés vendent à boire…nous trouvons du
vin et de la bière – Prenons nos cantonnements, je me tape une bonne omelette et me couche
car je suis éreinté, je n’en peux plus – Sommes tout à côté du fort de Troyon –
Mardi 25 Mai S. Urbain
Vais à la promenade des chevaux, allons dans le bois de Marcoulieu, les champs sont
ensemencés, quelle différence avec le coin que nous venons de quitter – Presque tous les
hommes fêtent Bacchus, il y a si longtemps que nous n’avons pas été comme cela – Les gens
sont assez aimables – Je vais à la pêche à la mannecute après-midi mais revient bredouille.
Mercredi 26 Mai – S.Phil.de N.
5h promenade des chevaux, allons jusque Lahayneix, il paraît qu’il y a beaucoup de sangliers
dans la forêt de Marcoulieu – Quelle différence de nourriture avec les Hures, nous mangeons
chaud, avec nous dans le pays, des fusilliers marins et de la forteresse.
Jeudi 27 Mai – S.Ildevert
5h promenade des chevaux – Passons des revues cet après-midi – Pouvons avoir du tabac –
Journée se passe calme –
Vendredi 28 Mai – S.Olivier
Même programme que la veille
Samedi 29 Mai – S.Maximin
Suis commandé pour être observateur et je pars le soir avec 3 hommes – avons 8 kms à faire
dans la forêt, arrivons à 7h le soir, sommes en pleine forêt…
L’échelle a 25 mètres de haut, elle est au carré…je monte en haut où je m’assieds et
m’attache…il y a le téléphone, triangle de visée, télémètre, chronomètre et un croquis du
secteur…je prends la faction de 9h à 11h – Il fait froid en haut, repère lueurs départ du côté du
camp des Romains, fusées éclairantes du côté des Paroches –
Dimanche 30 Mai – Trinité
Le commandant de vaisseau est venu observer à notre échelle
Le téléphone, qui se trouve aussi dans l’abri où nous couchons, nous réveille souvent la
nuit…nous sommes reliés avec Woimbey, les Paroches et la côte 329 – En haut, nous
découvrons le camp des Romains , fort de Siouville, le bois d’Ailly, fort des Paroches,
chapelle Ste Marie, Maizey, chapelle St Nicolas, Moulin Haut, Bel Air, La Croix/Meuse,
Bannoncourt, Bois des Chevaliers, Spada, derrière une crête, fort de Troyon – Nous dominons
les tranchées allemandes – A 5h du soir, la 9ème Batterie ouvre le feu, le 1er coup tombe juste
dans la tranchée Boche se trouvant à droite du bois rectangulaire, les coups suivants sont
courts et tombent en avant – sommes remplacés par une équipe de la 9ème et rentrons à la nuit.
Lundi 31 Mai – Ste Pétronille
Je dois faire le service d’observation tous les 3 jours – Vers midi, nous apprenons que le
lieutenant Josnenhaus est blessé à la Batterie d’avion…il a paraît-il 2 éclats dans le bras et un
à la fesse – Une heure plus tard, nous apprenons qu’un 150 était tombé à 10 m en avant de la
3ème pièce, le lieutenant étant sorti pour voir si les hommes étaient touchés, fut blessé en
sortant – Un avion allemand était juste au-dessus des pièces et réglait le tir – La section a
épuisé ses munitions.
Mardi 1er Juin – S.Pamphile
Je dois remonter ce soir pour l’échelle observatoire – Fais quelques provisions à Woimbey, je
monte avec de nouveaux hommes – Nous partons à 5h et arrivons à 6h1/2 – Je prends la
faction de 9h à 11h – Les fusées allemandes se succèdent sans interruption de la direction du
camp des Romains. J’en compte 119 de 9h25 à 9h55 – je repère une lueur départ du côté du
bois triangulaire – je descends à 11h, le téléphone nous embête dans la nuit –
Mercredi 2 Juin – Ste Eulalie
Allons chercher de l’eau, il faut faire 2 kms pour aller à la source – J’observe de 10h à midi,
nos pièces tirent sur la Selouze et Dompierre, les Batteries allemandes répondent sur La
Croix/Meuse et nos tranchées se trouvent sur la gauche de la chapelle Ste Marie – Il fait un
temps sombre qui gêne beaucoup l’observation – Rien de nouveau l’après-midi, la relève
s’amène à 7hg – Repartons à Woimbey, j’arrive à 9h.
Jeudi 3 Juin – Fête-Dieu
Me lève tard – Je vais me nettoyer au ruisseau – Le soir, je mange avec Médard au café :
omelette, salade, desserts – sortons avec les sous-officiers
Vendredi 4 Juin – S.Optat.
Apprête mon…pour ce soir – On décore de la croix de guerre 2 sous-officiers : Clerc –
Herbillon, et 2 pointeurs : Dimi – Martinet
Je pars à cheval sur le bourrin du lieutenant aviateur qui est à l’échelle avec nous – Faisons un
poker avec le lieutenant Dechere
Je prends la faction de 3h à 5h
Samedi 5 Juin – Ste Valérie
3h du matin, je monte à l’échelle – Brouillard intense, impossible d’observer, je ne vois même
pas la bordure de la forêt. Je fume quelques cigarettes en haut.
Je remonte de 9h à 11h le matin, il y a encore de la brume. Les Boches tirent sur Bel Air et sur
nos tranchées au nord de la côte Ste Marie – crois percevoir les départs d’une Batterie Boche
dans les bois de la côte Ste Marie – Nous étudions la carte et l’emplacement des batteries
allemandes – Quittons l’échelle pour rentrer à Woimbey – je dors comme un loir.
Dimanche 6 Juin –S.Claude
Enfin je vais pouvoir assister à la messe, il y a si longtemps que je n’ai pu le faire, c’est la
Fête-Dieu, l’église est très belle et remplie de monde – Nous savons que le général Roques,
commandant d’armée doit venir cet après-midi – A 3h, les autos traversent Woimbey sans
s’arrêter pour aller aux positions…dans la deuxième auto il y a un civil, c’est Poincaré, il est
coiffé d’une casquette – C’est avec regret hier que nous avons appris la chute et reprise de
Trzemyls par les austro-boches.
Lundi 7 Juin – S.Lié
Je dois remonter ce soir, je me fais faire une petite omelette pour déjeuner – Hier, j’ai reçu la
lettre d’Anaïs me donnant de nouveaux détails sur Dontrien –
Nous partons à 5h1/2 à pied pour l’échelle, il fait une chaleur torride, arrivons en nage à 7h –
je dois prendre la faction de 3h à 5h – Le soir le téléphone nous embête un peu mais nous
dormons bien quand même.
Mardi 8 Juin – S.Médard
J’écris du haut de l’échelle .
3h du matin, le camarade qui a pris la faction avant me réveille, avec un peu de tiraillement je
me lève et monte à mon poste – Il y a de la brume – Derrière moi le bruit d’un moteur : c’est
un français, , un autre biplan survient et entre dans les lignes allemandes, il n’est pas inquiété
– A 5h, il y a encore du brouillard – La journée se passe assez calme, le matin avons eu la
visite du commandant Baumann et du lieutenant conseil – A 6h du soir, je remonte à l’échelle
avec le lieutenant, nous avons une vue superbe, découvrons St Mihiel, sur la hauteur on voit
les casernes de Chauvoncourt démolies. Découvrons Lowigneville –
Un draken Boche se trouve très loin derrière le bois de Narmont, nous le télémétrons , il se
trouve à 13 kms – Revenons le soir à Woimbey, sommes obligés de nous arrêter à la côte 329
au poste téléphonique, car des 105 tombent entre nous et la Batterie d’avion – arrivons à 9h le
soir à Woimbey.
Mercredi 9 juin – S.Félicien
Me lève de la grange assez tard – Profite du repos que j’ai pour faire laver mon linge à une
bonne femme – Rien de bien important aujourd’hui – Le soir nous mangeons une bonne
omelette avec 3 de mes camarades, G.Regnault est avec nous.
Jeudi 10 Juin – S.Landry
Doit monter ce soir à l’échelle
A 5h du soir, recevons l’ordre de préparer nos paquetages, de façon à nous tenir prêts à
partir…aucun de nous ne s’attendait à cela, nous roulons manteaux et couvertures, il paraît
que nous allons à Troyon, mais rien n’est sûr…
Je monte quand même à l’échelle, la nuit se passe assez calme – Je prends la faction de 4h à
6h le matin, tout est bien tranquille…à la jumelle, je distingue très bien St Mihiel – Le soir,
nous avons joué au poker avec le lieutenant – Aujourd’hui, nous n’avons pas eu de lettres,
nous ne savons pas pourquoi.
Vendredi 11 Juin – S.Barnabé
Le matin, le lieutenant conseil avec un officier du 57ème d’Artillerie vient reconnaître les
positions et postes d’observation car c’est ce régiment quoi est à Troyon qui vient nous
remplacer et nous, nous allons à Troyon…les Batteries doivent partir cette nuit à 2h, nous
serons sans doute relevés ce soir par une équipe du 57ème d’Artillerie – La 9ème Batterie vient
nous remplacer encore ce soir – Nous rentrons à Woimbey à 9h1/2, les chevaux sont sellés, et
beaucoup fêtent le départ de Woimbey…A 11h, nous montons à cheval et à 11h45 le groupe
traverse Woimbey, se dirigeant sur Bournemont que nous traversons, passant à Tilly/Meuse –
Le temps est calme et la chaleur ne nous incommode pas
Minuit – Passons à Villers/Meuse, où nous obliquons à droite…nous traversons la ligne de
chemin de fer, et ensuite la Meuse avec un pont de bois construit par le Génie, car le pont de
pierre a sauté au mois de septembre.
A Villers, se trouve un hôpital d’évacuation.
Arrivons à Ambly, où nous croisons le 57ème qui va nous remplacer à Woimbey – Arrivons à
2h du matin à l’entrée de Troyon, le brouillard est très fort le long de la Meuse, nous faisons
halte dans un terrain sur la droite de la route –A 4h, prenons possession de notre
cantonnement, ce sont des cabanes couvertes en chaume, assez bien aménagées, derrière ce
sont les cuisines et écuries –
J’ai omis de dire qu’après avoir traversé la Meuse, nous avons passé le canal latéral au fleuve
– Je me jette sur la paille en arrivant, voilà 72 heures que je n’ai pas fermé l’œil.
Dimanche 13 Juin – S.Ant. de P.
Achevons de nous installer. Je couche avec mes servants, les conducteurs couchent dans un
gourbi à côté des écuries – allons faire notre toilette au canal qui est à 200m de nous – nous
sommes sections contre avions, nos pièces se trouvent à côté du fort de Troyon, des hommes
sont montés hier pour 3 jours.
Le soir, je vais à Troyon même, je vois beaucoup de mes copains du 4ème groupe, en revenant
je rencontre Collard de Cauroy, il est au 5ème à pied et avec une Batterie de 120 long au bois
de la Gauffière – En rentrant à la Batterie, le chef me dit de me tenir prêt pour 3h15 du matin,
avec 12 hommes en tenue de campagne et avec des balles –
A force de presser le chef de questions, j’apprends qu’une fraction de toutes les armes du
secteur assiste le matin à l’exécution d’un homme condamné à mort – A peine si je dors en
pensant au tableau que je vais voir tout à l’heure –
1h du matin, réveil…nous apprêtons…je descends au bureau de la place où j’arrive à 2h1/2,
me présente à un officier qui me dit d’attendre et de me mettre à la suite de l’Infanterie –
3h…les troupes s’amènent, je pars derrière l’Infanterie avec le 4ème groupe (11ème
Batterie)…un lieutenant nous commande…Traversons Troyon au pas cadencé, à la sortie
nous obliquons à gauche, des sentinelles sont placés tous les 4 mètres, des gendarmes à cheval
gardent les crêtes…nous faisons 200m sur le chemin et les troupes se massent à droite dans un
vallon…nous formons le carré, nous l’artillerie nous en sommes l’extrême droite, à côté de
nous l’intendance, les infirmiers, les chasseurs et tranglots, ensuite l’infanterie, le 211ème, le
220ème, le 302ème…nous sommes environ1000 à 1500 hommes ;
A 50 mètres de nous, en avant, nous voyons un petit piquet haut de 1m20 qui va servir tout à
l’heure de poteau d’exécution…en face, à 40 pas, 12 hommes d’Infanterie et un officier avec
un adjudant : c’est le peloton d’exécution, un commandant du 211ème nous
commande : « Baïonnette au canon !… »
A 3h45 une voiture d’ambulance derrière 40 hommes baïonnette au canon…un
commandement retentit : « Présentez armes !… »
Nous voyons défiler devant nous ces 40 hommes où en tête se trouve un homme sans arme,
c’est celui qui va être fusillé…il n’a plus de boutons à sa capote, sans doute il a été dégradé
avant…2 prêtres l’accompagnent, il marche très vite en fumant une cigarette…A ce moment,
les tambours et les clairons sonnent aux champs, un frisson vous passe dans les
veines….Celui qui va être fusillé est de taille moyenne et assez trapu, il a 28 ans, le teint
bronzé et la barbe noire…en passant près du peloton d’exécution, il jette son briquet en
disant : « voilà pour le meilleur tireur »…il se dirige lui-même sur le poteau où en même
temps on lui lie les mains et lui place un bandeau, en se séparant un prêtre lui a donné une
poignée de main, il fume toujours sa cigarette…pendant ce temps, sur un signe, le peloton
d’exécution vient se placer à 6 pas de lui…
Un officier lit la condamnation : « Le soldat Verner du 302ème régiment d’Infanterie, pour
voies de fait et outrages envers un supérieur, a été condamné à la peine de mort. »
A peine lecture finie, au milieu d’un silence impressionnant pour tous, l’officier commandant
le peloton lève son épée et commande : « Joue, feu ! »
Les fusils s’abaissent, les 12 coups partent, confondus en un seul, son corps reste un instant
droit, incline légèrement en avant, mais étant attaché par les mains, tombe sur le côté droit du
poteau…Au même moment, un adjudant arrive près de son corps et lui donne le coup de grâce
en lui logeant une balle dans la tête.
Les balles l’ont traversé de part en part, car sa chemise et sa capote formaient des lambeaux
d’étoffe derrière son dos.
Ensuite, on nous fit défiler devant son corps, l’arme sur l’épaule…le poteau d’exécution était
couvert de sang…
D’après ce que j’ai pu avoir de détails sur ce soldat, il paraît qu’étant ivre, il s’est jeté sur son
commandant avec sa baïonnette et son fusil chargé, il voulait le tuer…mené au poste, a eu des
voies de fait envers les supérieurs…son carnet civil avait de nombreuses condamnations – En
ne tenant aucun compte de ce que ce militaire avait fait, il ne portait pas sur la figure une mine
sympathique.
Nous sommes rentrés à la Batterie à 4h1/2 du matin.
15 Juin :
Dors jusqu’à 10h, Collard est venu me voir, l’après-midi avons douches.
16 Juin :
Des avions Boches se font canarder et rentrent dans leurs lignes
Ce soir, suis de garde à Troyon, au poste de la route d’Ambly, prends la consigne et ma feuille
au bureau de la place.
Je reçois sur carte postale la photo d’Elise et de Marie-Thérèse : je trouve qu’elle me
ressemble énormément.
Des journalistes français et anglais visitent le front où nous sommes – La 12ème Batterie part
cette nuit pour Monts (paraît-il).
Il est impossible d’acheter du vin à Troyon… beaucoup de civils ont déjà eu de nombreuses
condamnations pour vendre aux soldats. Il y a un général du 15ème corps du midi,
commandant de place, qui s’occupe probablement plus de cela que de la guerre – Je dois aller
aussitôt relevé de ma garde reconnaître les positions de batteries comme éclaireurs.
Suis relevé de garde à 5 heures, j’ai porté mon rapport à la place de Troyon – Je remonte avec
mes hommes à la Batterie.
17 Juin :
Je vais à la promenade des chevaux, nous passons à Ambly, Villers et Ricourt – Je rassemble
les éclaireurs pour aller le soir à 5h reconnaître les positions – Mangeons de bonne heure et
partons avec Médard et le brigadier Martin à 5h – Traversons Troyon et allons à la position
d’avion qui se trouve près du fort de Troyon, revenons près du chemin de halage, le long du
canal, de façon à être défilé, nous arrivons à La Croix/Meuse que nous traversons. Ce village
est occupé par de l’infanterie, le 211ème…la partie de village du côté de Troyon n’est pas
démolie, mais lorsqu’on a fait 400 ou 500 mètres, l’on a sous les yeux le plus beau tableau de
désastre et de destruction qui puisse exister…bien que La Croix soit bombardé tous les jours,
sa démolition date du mois de septembre 1914, lors du terrible bombardement du fort de
Troyon –
Des rues entières ne sont plus que des tas de pierres…passons à côté de l’église qui est en
partie démolie, nous voyons qu’à l’intérieur tout le mobilier, statues etc… git pêle-mêle et à
moitié brisé…nous attachons nos chevaux à une grille à la sortie du village et allons à pied
reconnaître la position de la 7ème Batterie qui se trouve entre le canal et la route de St Mihiel.
Nous ne sommes qu’à 9 kms de cette ville.
Etant à côté des abris de pièces, nous sommes obligés de nous abriter, car un avion allemand
survole nos lignes…attendons ¼ d’heure, revenons à nos chevaux en passant à côté de
l’église….je donne mon cheval à Médard et j’entre pour voir le désastre : tout est brisé, les
chaises forment un tas au milieu, des pierres de la voûte gisent en tas, l’autel est brisé, le
pignon du mur du côté nord est effondré, des statues de la Vierge et des saints sont encore sur
leurs socles et semblent contempler l’œuvre des barbares…
Nous allons au bois de Gauffière où se trouve la 9ème Batterie, nous la reconnaissons et
revenons par le canal, quelques grosses marmites arrivent à l’est de La Croix – Nous essayons
d’aller à Woimbey, mais il faut traverser la Meuse, nous cherchons un gué mais n’en trouvons
pas et rentrons au cantonnement à 8h1/2 du soir.
Je suis accroché par un de mes copains de la 9ème Batterie pour faire un pocker, nous jouons
jusqu’à 2h du matin, j’ai perdu 9.50
18 Juin : Vais à la promenade des chevaux, la 12ème Batterie est partie entre Rupt et Mouilly,
nous nous attendons à une attaque sous peu, les nouvelles des journaux sur le front nous font
plaisir –
Le soir, je joue aux cartes avec l’adjudant, toute la nuit nous entendons passer des voitures
sans discontinuer, des voitures pour lancer du pétrole enflammé partent pour les tranchées.
19 Juin : Dimanche - Le vétérinaire vaccine tous nos chevaux à la paupière inférieure de
l’œil, on appelle cela : malleini – La matinée se passe calme – A 1h30 de l’après-midi, notre
artillerie ouvre le feu brusquement, ce n’est qu’un roulement sans fin…Les Bois Haut ne sont
plus qu’un nuage de fumée – Les Boches répondent par quelques marmites, bnos avions font
de la bonne besogne, bien que se faisant canarder – Le bombardement s’arrête de temps en
temps, mais pour reprendre aussitôt – L’Infanterie qui était descendue des tranchées, est en
cantonnement d’alerte – L’action se passe du côté de Mouilly, côte 340, et les Eparges – La
nuit se passe au son du canon et des mitrailleuses.
20 Juin : Le bombardement continue sans interruption, nos avions survolent constamment les
lignes Boches – Le capitaine visite nos cantonnements – Aujourd’hui, on nous a distribué la
citation de la division, ceux qui ont assisté aux attaques des Eparges en ont une, j’envoie cette
feuille chez moi – J’apprends par l’adjudant, que je dois retourner à l’échelle de Marcanlieu à
mon poste d’observation…je suis très content d’y retourner, nous devons y rester 2 jours.
21 Juin : Reçois l’ordre de partir à 9h le soir pour aller à l’échelle, je prends 6 chevaux de ma
pièce et un avant train pour mener les 3 servants, nous passons par Ambly, passons le
canal…mon cheval a peur sur le pont et recule, je veux sauter, et en sautant je m’accroche à
mon sabre et arrache ma culotte de haut en bas, je roule par terre mais je n’ai aucun mal…la
bourrique prend la purge pour la peine…un peu )plus loin, traversons la Meuse sur un pont en
bois fait par le Génie, passons à Villers/Meuse, à Tilly/Meuse, Boucquemont et Woimbey où
nous nous arrêtons…là, nous trouvons de la bière et du vin, nous faisons force provisions :
nous achetons de la salade, huile, vinaigre, oignons, homard, nous disons bonjour aux
personnes chez qui ma pièce était – Nous nous dirigeons vers l’échelle observatoire…en
passant près d’une section d’artillerie occupée par le 57ème, un avion Boche survole nos
lignes, cette section lui envoie seulement 2 coups de canon, c’est honteux de voir ça…avec les
corps du midi c’est toujours la même chose, ils sont froussards et peureux au dernier degré, ils
ont seulement de la g….. et c’est tout, aussi nous ne pouvons pas les voir –
Arrivons à l’échelle à 6h30 – Le lieutenant Pelissier qui est avec nous est arrivé…les hommes
que nous relevons repartent avec l’avant-train Je prends ma faction de 8 à 10h – Beaucoup de
fusées éclairantes du côté des Paroches, par contre à ma gauche sur Mouilly, l’artillerie donne
toujours et les fusées se succèdent sans arrêt – Je reprends de 4h à 6h le matin, à 5h1/2 une
contre attaque Boche se déchaîne, les mitrailleuses donnent sans interruption, le calme ne
renaît qu’au bout d’une heure – Nous faisons des frites pour déjeuner.
22 Juin : La journée se passe assez calme ; au loin, sur notre gauche, un grondement sourd se
fait entendre…je prends le soir de faction de 8 à 10h, à 8h45 une contre attaque Boche se
déchaîne avec une fureur du côté de Vaux-les-Talameix, l’Infanterie française demande le tir
de barrage de l’Artillerie par 4 fusées rouges qui retombent en pluie d’étoiles…les
mitrailleuses donnent avec violence…quelques minutes après, l’artillerie entre en scène, je
vois du haut de mon observatoire les lueurs de départ de nos pièces, les fusées éclairantes de
part et d’autre se succèdent sans interruption…à 9h45, le calme renaît peu à peu. Du côté du
bois d’Ailly, les troupes des deux côtés paraissent énervées, je repère plusieurs lueurs de
départ dans les bois de Gilaumont, Narmont et les capucins –
Un téléphoniste me remplace à 10h, nous sommes réveillés par le téléphone constamment – A
10h1/2 une autre contre attaque très violente se fait entendre –
23 Juin : Je monte à l’échelle vers 9h du matin, avec les jumelles je repère une pièce de 15
cm se trouvant derrière le bois triangulaire, les coups de cette pièce tombent sur Woimbey. Le
lieutenant signale cette pièce à l’artillerie de Troyon – Je remonte à l’échelle à 1h de l’aprèsmidi. Vers 1h1/2, le draken Boche s’élève, mais il est très loin – A 2h, une pièce de 130 tire
sur Tilly, on nous la signale, à force de regarder avec la jumelle je finis par le repérer. Cette
pièce se trouve à 675 millièmes à droite du clocher de Bannoncourt ; nous la signalons sur le
champ à Troyon artillerie – Peu après, un nouveau draken s’élève derrière le bois de
Gilaumont, puis un 3ème très loin sur Vigneules Hattanchâtel – La pièce de 130 ne cesse de
tirer, réglée par les ballons – La relève arrive à 6h, nous repartons…Le lieutenant nous félicite
pour l’observation…Arrivons à Woimbey à 7h1/2, nous arrêtons pour attendre la nuit, on ne
laisse plus sortir de voitures de jour. Je vais chercher le mot de passe à la salle de service à
Woimbey, le bombardement a tué un jeune homme, blessé un jeune fils et 3 soldats, dont deux
grièvement –
Tous les pays de la vallée ont été bombardés : Boucquemont, Tilly, Villers/Meuse dont on a
été forcé de faire évacuer les blessés de l’hôpital –
Nous rentrons à 10h, 3 lettres de mon Elise m’attendent, je les lis et me couche.
23 Juin : Je me lève à 9h, car aujourd’hui nous avons repos ; la Batterie qui a tiré hier sur les
pays de la vallée tire encore aujourd’hui…les obus passent au-dessus de nos huttes, Villers
semble particulièrement visé…les trains qui y venaient ne viennent plus que jusqu’à
Ancermont – J’ai reçu un gros colis où un vieux litre de marc s’y trouvait…avec les
camarades nous le goûtons, il est excellent et malheureusement bientôt se vide…
24 Juin : Vais à la promenade des chevaux, passons par Genicourt et revenons par Ambly, un
orage nous surprend en route et nous sauce comme des lapins.
A 1h de l’après-midi, un planton cycliste de l’état-major me donne l’ordre de me rendre au
bureau du colonel, c’est sans doute au sujet de la Batterie qui tire sur la vallée…j’y descends
sur le champ…Le commandant Wassmann et le lieutenant Demoncin travaillent sur la carte
pour avoir l’emplacement exact de la pièce ; je suis interrogé sur ce que j’ai vu, je donne les
détails que je connais.
Le soir, je vais à la pêche mais ne prends rien.
25 Juin : Promenade des chevaux…en chemin, je trouve un très beau cheval, je le ramène à la
Batterie, mais 2h plus tard, on est venu le rechercher - suis retourné à la pêche l’après-midi et
rentre encore bredouille.
Aujourd’hui, veille de l’anniversaire de ma fille, j’ai envoyé une carte à cette occasion –
Georges Regnault m’annonce la mort à Carency (Nord d’Arras), du premier fils de Thiebault,
charcutier à Vaudesincourt – Si je ne me trompe, Maillard de St Souplet, facteur à
Jonchery/Vesle et que j’avais rencontré l’hiver dernier à Monts au poste de secours du 106ème
d’Infanterie, doit être tué aussi.
26 Juin : Promenade des chevaux le matin
Les pays de la vallée sont encore bombardés, des obus tombent en avant de Génicourt ; l’étatmajor n’est pas d’accord pour déterminer l’e mplacement exact de la pièce, des avions
survolant le bois de Narmont et prenant des photographies n’ont rien découvert.
27 Juin : Je dois partir aujourd’hui pour l’échelle observatoire, nous apprêtons notre
paquetage…le matin, 4 obus tombent sur Villers – Nous partons à 2h après-midi, passons à
Ambly, le pont de la Meuse, Villers qui est évacué…quelques vieilles femmes y sont
encore…une maison sur laquelle est tombé un 150, est démolie ; le feu y a été communiqué
par l’obus…passons à Tilly, Boucquement où nous laissons souffler nos chevaux 5
minutes…arrivons à Woimbey, je crains d’être attrapé en passant de jour, mais cela se passe
bien, nous garons l’avant-train à côté de l’église et allons prendre un verre, nous achetons de
la salade, huile, vinaigre, oignons et 5 litres de vin – Quittons Woimbey à 5h30, arrivons à
l’échelle à 6h30 – La nuit se passe calme, je prends ma faction le matin où rien d’anormal ne
se passe.
28 Juin : Le lieutenant De Pelissier est remplacé par l’aspirant de la 8ème Batterie, Mr Suquet
– le temps n’est pas observable, il y a beaucoup de brume, le soir nous faisons une partie de
pocker…je remonte à l’échelle de 11h à 1h du matin, quelques fusées sur le Bois des
Chevaliers et le camp des Romains, parfois on voit les éclatements de grenades d’une
tranchée à l’autre ; ce que l’on distingue très bien à l’oreille, c’est le roulement des voitures
du ravitaillement Boche arrivant dans la nuit sur St Mihiel.
29 Juin : Je remonte à l’échelle le matin : le brouillard n’est pas encore levé – 9h du matin, la
pièce de 130 tire un coup, je le signale à l’état-major de Troyon artillerie , en même temps je
reçois l’ordre de faire tirer sur la Batterie 777 Boche…lorsqu’elle tirera, c’est la Batterie n°1
de 120 long qui doit tirer dessus…Troyon me demande des détails sur la position de cette
pièce…une Batterie de 15 se trouvant un peu plus sur la droite tire sur La Croix – La Batterie
777 Boche ayant tiré deux fusants sur Rouvrois, le 120 long tire dessus pour lui faire fermer
sa bouche.
L’après-midi, la pièce de 130 tire à nouveau…un capitaine du 4ème lourd vient nous demander
des détails sur ce que nous avons vu au sujet de cette pièce – La relève arrive à 6h, repassons
par un autre chemin pour gagner Woimbey où nous cassons la croûte en arrivant…repassons
par les pays de vallée et arrivons au cantonnement à 10h du soir – La pièce de 130 a tiré sur
Ricourt – J’ai une lettre de mon Elise qui m’attend – Nous couchons tous dans des hamacs, je
dors mal, n’étant pas habitué – Demain, nous avons repos.
30 Juin : Je vais à Troyon le matin, j’achète deux lignes pour pêcher dans le canal l’aprèsmidi…nous attrapons de petits vairons pour aller au brochet dans la Meuse ; j’y vais tou
l’après-midi, mais je rentre bredouille –
Le service de la Batterie est devenu pire qu’au quartier, les hommes et en particulier les
conducteurs passent revues sur revues, jusqu’à 3 et même 3 par jour – D’après l’opinion des
hommes, ils trouvent cela exagéré, les réservistes sont traités parfois un peu trop à la légère –
Le moral des hommes s’aigrit plutôt qu’il ne s’améliore ; beaucoup demande la fin à grands
cris – Si un homme se rebiffe un peu fort, on l’envoie aux Batteries de 58, c’est-à-dire aux
fameux crapouillots dans les tranchées…les conducteurs font parfois 6 et 7h de pansage par
jour, beaucoup sont découragés et pourtant tous sans exception ne demandent qu’à marcher de
l’avant sur l’ennemi…mais qu’on ne les embête pas avec des revues et toujours des
revues…et si encore c’étaient les officiers ou le capitaine qui passaient les revues, mais non,
c’est tout bonnement l’adjudant, un aspirant (classe 1914), ou même un sous-off rengagé qui
souvent se croit plus qu’un général…
S ces chefs ci-dessus ne fortifient pas le moral et le courage des hommes, qui donc est-ce qui
s’en occupera ?…
Ce n’est pas en passant des revues sans fin qu’on obtiendra quelque chose des hommes, au
contraire, c’est par le douceur, c’est en parlant avec eux de la guerre, de leur pays et de leur
famille…le temps passe plus vite pour eux et ils prennent goût à ce qu’ils font.
Jeudi 1er Juillet – S.Martial
Je vais à la promenade des chevaux, tous les jours, nous avons appel à 5h30, allons sur la
route de Rupt-en-Woëvre, passons par Genicourt et rentrons à 8h – A 11h, je vais à la pêche
dans le canal – Le soir j’y retourne, je prends quelques ablettes…des avions français se font
canarder mais ne sont pas atteints.
Vendredi 2 Juillet – Visitation N.-D.
Appel 5h30 – Promenade des chevaux – Un nouvel aspirant est venu à la Batterie – Vais
encore à la pêche après la soupe, prends quelques poissons…Dans le cantonnement de la 7ème
Batterie, 3 baraques couvertes en chaume brûlent – Je sors à Troyon le soir, nous parvenons à
boire une bonne bouteille – Je fais connaissance avec un homme Montbré de Pouillon qui est
établi maçon, il est à l’ambulance n° 8 et fait partie du train – Je vais au Salut le soir avec
G.Regnault et 4 de mes hommes…Dans l’église de Troyon, beaucoup de monde…Le
lieutenant Noir (prêtre) de l’état-major du 46ème d’Artillerie nous dit quelques mots…me
promets d’y retourner quand je pourrais.
Samedi 3 Juillet – S.Anatole
Promenade des chevaux
Nous devons remonter à l’échelle aujourd’hui – nous partons à 3h de l’après-midi de la
Batterie, passons à Ambly, Villers, Tilly, Boucquement et Woimbey où nous nous arrêtons
pour prendre un verre, acheter des provisions (vin, salade, oignons, conserves, persil, œufs,
pommes nouvelles etc…) et laissons souffler nos chevaux car il fait une chaleur accablante –
Repartons à 5h30, et arrivons à l’échelle à 6h20 – Nos chevaux repartent avec la relève
descendante – Nous mangeons une bonne salade avec des œufs durs, du homard, maquereaux
au vin blanc – Je dois prendre la faction de 3h à 5h le matin – Dans la nuit, vers 1h du matin,
une ou plusieurs escadrilles d’avions français repassant les lignes Boches se font canarder, ils
venaient sans doute de jeter des bombes sur une ville quelconque allemande.
Dimanche 4 Juillet – Ste Berthe
La nuit a été assez calme ; le matin je monte à l’échelle, mais on ne peut rien voir rapport au
brouillard – Vers 10h le matin le temps est plus clair, un avion allemand apparaît, une section
du 57ème d’artillerie ouvre le feu, mais les coups sont trop courts…on téléphone aussitôt
d’allonger les coups de 500 mètres, l’avion fait demi-tour pour revenir ensuite, et cela pendant
¼ d’heure – A midi une Batterie de 150 Boche tire sur La Croix, cette Batterie se trouve à
côté de Geuzey – Les derniers coups tirés par cette Batterie tombent en plein dans La Croix –
L’après-midi nous apercevons les départs d’une Batterie allemande se trouvant du côté du
bois Gobelard – Le soir, le monte à l’échelle pour prendre la faction de 9h à 11h…l’aspirant
monte avec moi, du côté du bois d’Ailly, de Regniville en Haye, les Boches attaquent…leur
artillerie tire à pleine volée – A 10h, nous apercevons des signaux avec une lumière du côté
du camp des Romains…la nature de ces signaux montre que c’est du Morse – Une autre
lumière apparaît du côté de Rouvrois et répond à la première…nous téléphonons aussitôt à
l’état-major : peut-être est-ce de l’espionnage…
Je repère quelques lueurs départs du côté de St Mihiel – Le reste de la nuit se passe calme –
Le matin, il y a toujours du brouillard qui nous empêche d’observer.
Deux officiers du 288ème d’Infanterie passent près de l’échelle, et se trouvent égarés…je leur
montre la carte…A un moment donné, un de ces officiers se trouve mal…Je lui fais boire
quelques gouttes d’alcool de menthe qui lui font du bien –
L’après-midi se passe assez calme.
La relève arrive à 6h, le lieutenant Boutry nous explique son ascension en aéro pour repérer la
pièce de 130 Boche qui tirait sur Villers…etc…
Nous repassons par Woimbey, traversons la prairie et la Meuse sur un espèce de chaland qui
n’est pas très confortable, ni sûr.
Mardi 6 Juillet - Ste Angèle
De nombreuses lettres m’attendent en rentrant – me couche et me lève tard, car nous avons
repos aujourd’hui – on commence à parler des permissions pour le front – nous n’avons aucun
doute, si l’on nous donne des permissions, une nouvelle campagne d’hiver se prépare, les
journaux préparent l’opinion pour cela – La Batterie se trouve consignée pour aller à Troyon
et sortir du cantonnement, rapport à 2 hommes qui se sont fait prendre à Woimbey…tous nous
en subissons les conséquences, cela n’est pas juste, aussi le moral des hommes est toujours
très tendu envers ceux qui font des décisions – Le service est pire qu’au quartier, et cela pour
des futilités de rien du tout…parfois je me demande si certains chefs, officiers ou adjudants et
sous-officiers rengagés, se croient en guerre et pensent à refouler les Boches, on croirait
vraiment qu’ils prennent plaisir à eng…les hommes, aussi bien réservistes que pères de
famille, occupant une situation dans le civil supérieure à eux, plutôt qu’à faire la
guerre…quelques-uns de ceux-là, sous-off rengagés, ne vont jamais aux positions et sont nuls
en artillerie et sont juste bons à faire sortir le crottin des écuries…parfois, cela est
répugnant…les postes les plus dangereux ont toujours été tenus par des sous-off non rengagés
et réservistes : les sous-off envoyés au canon de 58 (crapouillots) ont toujours été des
réservistes ou de la classe , et pourtant cela n’était pas juste… car celui qui en fait sa carrière
devrait avoir à cœur de faire son devoir et même plus… en résumé, ils sont justes bons pour
passer des revues ou moucharder leurs camarades.
Jeudi 8 Juillet – S. Procope
Je vais à la promenade des chevaux – Collard vient me voir à 9h du matin – La conversation
de la Batterie roule sur les permissions, tous aspirent à revoir les leurs.
La Batterie d’avion reçoit des marmites de 150 le soir, jusqu’à présent elle n’était pas repérée.
Beaucoup d’hommes sont malades en ce moment, beaucoup se plaignent de coliques ; la
ration de viande est diminuée de 100 grammes, nous touchons du singe à la place et du
corned-beef, les pommes de terre que nous touchons sont pourries…Quelques symptômes de
typhoïde à la 7ème Batterie se sont révélés – on achève de vacciner les hommes contre cela…
Des obus sont tombés sur Ranzières. A Troyon, tout est hors de prix, c’est dégoûtant,
jusqu’aux journaux que nous payons 0,10 F, pourquoi ne pas mettre le holà à ce vol ?…
Vendredi 9 Juillet – S. Cyrille
Le capitaine doit partir en permission ce soir.
Nous partons à 9h pour l’échelle, passons par Ambly, Villers, Tilly, Boucquemont où nous
achetons de la salade et du vin, passons à Woimbey et arrivons à l’échelle à 6h1/2.
Je monte à l’échelle avec l’aspirant pendant que les hommes font la croûte. Un biplan français
est en l’air ; bientôt apparaît un avion Boche, type (aviatick), le biplan français fonce sur le
Boche, pendant un moment les deux appareils marchent l’un contre l’autre, mais le Boche
semble changer de direction et fuit dans ses lignes.
Sur la route d’Hattonchâtel, à Chaillon, j’aperçois des mouvements de troupes en convois,
nous les signalons aussitôt à Troyon artillerie.
Nous mangeons une bonne salade – A 8h45, la canonnade et la fusillade crépitent du côté
d’Ailly, Apremont…nous ne savons pas si c’est les Boches ou nous qui attaquons. Vers 10h,
du côté de Mouilly, c’est la même chose – Le frère de Julien Arnoult est venu me voir
aujourd’hui avec G.Regnault ; il est au 28ème d’Artillerie à Rupt-en-Woëvre – Le reste de la
nuit se passe calme –
Samedi 10 Juillet – Ste Félicité
Le temps est brumeux ce matin, on ne peut guère observer – un de mes hommes est malade.
Je monte le matin avec l’aspirant, nous repérons certaines choses – A midi nous mangeons
quelques légumes nouveaux pour la première fois.
Le fort des Paroches nous signale une Batterie Boche de gros calibre tirant sur le 8ème corps
qui occupe le bois d’Ailly, nous ne pouvons la voir, le temps est trop brumeux – Je monte à
l’échelle à 4h, une maison de St Mihiel brûle, sans doute par nos obus…
Le draken est derrière le bois, face à Gilaumont – Les tranchées Boches sur le camp des
Romains face au bois d’Ailly reçoivent de gros obus de nos pièces – A 6h, un monoplan
français dénommé avion de chasse (morane), passe au-dessus de moi, allant vers le camp des
Romains, un autre biplan ayant 3 drapeaux français le suit peu après – Le draken Boche est
toujours en l’air – Un avion Boche apparaît dans l’air, se dirigeant du côté du camp des
Romains, probablement pour repérer les grosses pièces françaises qui tirent dessus - Je
signale vers 7h un convoi de voitures passant sur la route d’Hattonchatel-Chaillon – Quelques
Boches sur un chemin qui aboutit vers St Mihiel à la route de Nancy, mais ils disparaissent
aussitôt.
Dimanche 11 Juillet – S. Benoît
La nuit, rien d’anormal, le 288ème d’Infanterie passe au pied de l’échelle, c’est la relève – Je
monte à l’échelle à 9h du matin, il fait un grand vent, et il y a du tangage en haut…J’aperçois
à 10h des voitures que je suppose être des automobiles sur la route de Hattonchatel à Chaillon,
quelques-unes de ces voitures prennent un chemin longeant la ligne de crêtes et allant vers le
Nord – Nous les signalons de suite à l’état-major – L’après-midi le village de La Croix reçoit
des obus de 150, il nous est impossible vu le grand vent qu’il fait de voir les départs ; nos
tranchées au-dessus de Rouvrois et Lannonville sont bombardées – Un draken s’élève dans la
direction du bois de Gilaumont – Quelques avions sont en l’air vers 5h – La relève 7ème
Batterie arrive à 6h – Repassons par Woimbey, Boucquemont où nous pouvons nous arrêter et
casser la croûte – Nous arrivons au cantonnement de la Batterie à 9h30 où je lis en rentrant les
lettres de mon Elise Lundi 12 Juillet – S. Gualbert
Me lève tard, car nous avons repos aujourd’hui – J’établis la liste des permissions pour ma
pièce, mais il paraît qu’il va falloir un nombre de jours d’environ 300 pour permettre à toute
la Batterie d’y aller, que c’est long tout cela…
Rien de bien anormal pour le reste de la journée, le village de Troyon nous est toujours
consigné…le lieutenant Dienne commande la Batterie provisoirement, en attendant la rentrée
du capitaine de permission – Nous avons fabriqué une porte à notre cagna, car la nuit il n’y
fait pas chaud, surtout en couchant dans des hamacs – J’ai reçu aujourd’hui une carte de mon
cousin Tritant, actuellement à Châlons à l’intendance, une de Jules Gangand – Dans les pays
de la région où nous sommes sont placés sur la grand route de grands tonneaux qui
contiennent de l’eau stérilisée, de façon à avoir une boisson saine.
Mardi 13 Juillet – S. Eugène
Mercredi 14 Juillet – Fête Nationale
Hier vers 8h du soir, nous entendions une canonnade du côté de l’Argonne, nous n’y avions
prêté aucune attention – Vers 1h du matin, nous sommes presque tous réveillés par un terrible
bruit lointain de sourde canonnade, toujours dans l’Argonne…le matin à 5h, cela redouble de
violence, nous nous demandons ce qui va se passer par là…A la même heure, plusieurs
escadrilles de nos avions tiennent l’air pour surveiller les mouvements de l’ennemi, le bruit du
canon redouble de plus en plus – En rentrant de la promenade des chevaux, un ordre arrive de
se tenir en cantonnement d’alerte : nous sellons nos chevaux et les avant-trains sont chargés,
tout est prêt pour partir au premier ordre…et toujours du côté de l’Argonne le bruit infernal
du canon continue sans cesse, nous ne savons exactement si c’est nous ou les Boches qui
attaquent – Ne notre côté, du côté de Vaux –les- Talameix, un corps d’armée Boche est
signalé…en cas d’attaque et de repli pour nous, nous devons atteler les grosses pièces de 1555
pour les sauver et passer la Meuse…les chevaux restent sellés toute la journée…la Batterie
doit se tenir prête à partir au moindre appel – Cet ordre d’alerte est arrivé à l’Artillerie de
corps du 6ème, à 1h du matin, par un motocycliste.
Vers 6h du soir, la voix du canon de l’Argonne paraît se ralentir un peu – Nous avons l’ordre
de ne pas retirer nos souliers pour nous coucher – La nuit se passe assez calme, mais par
contre, la pluie tombe à torrents, quelques-uns de mes hommes sont noyés dans leur
hamac…le matin, faisons boire nos chevaux tout harnachés…Hier pour le 14 juillet, nous
avons seulement un cigare de l’intendance et un du capitaine, il me semble que c’est un peu
maigre – Nous apprenons que les avions que nous avons vus hier matin venaient de
bombarder la gare de Vigneulles- les- Hattonchâtel – En Argonne, il paraît que les Boches ont
eu des pertes très importantes, et n’ont pas gagné de terrain – A 1h, l’adjudant rassemble la
Batterie pour lui faire chanter La Marseillaise. Je trouve drôle que l’on n’ait pas offert 1/4 de
vin en plus à ce moment – Comme c’est ma fête demain, nos hommes me présentent un
bouquet…je leur paie un seau de pinard
Le soir, nous allons à Troyon avec quelques-uns de mes camarades et nous dégustons 4
bonnes bouteilles de Mercier – Les permissions sont suspendues momentanément rapport à
l’affaire de l’Argonne .
Jeudi 15 Juillet – S. Henri
La pluie n’a pas cessé de tomber toute la nuit, je joue au poker avec mes camarades – Nous
organisons un petit déjeuner au bureau avec les sous-off – A 3h partons pour l’échelle, nous
passons la Meuse par le radeau, tout se passe bien…nous arrêtons à Woimbey où nous
achetons de la salade, des œufs, des petits pois et un poulet…arrivons à l’échelle à 6h1/4 – Il
y a encore deux nouvelles lignes téléphoniques : Batterie 4 et 5 et Batterie 23 – Nous faisons
un poker dans la casba de l’aspirant…du côté du bois d’Ailly, une violente canonnade se fait
entendre…je monte le matin à l’échelle où rien d’anormal ne se produit.
J’ai reçu une carte de Marcel où il me dit qu’il est passé infirmier et en ce moment son
régiment est au repos à Ste Menehould – G.Regnault a vu le fils de Mr Thiebault de
Sommepy qui est au 12ème chasseurs à cheval…il partait dans l’Argonne, et aurait bien voulu
me voir.
Vendredi 16 Juillet – N.D. du M.C.
A 7h30 le matin, étant en haut de l’échelle, je découvre 3 draken, un au-dessus de la route de
Hattonchâtel, et les deux autres derrière les bois de Gilaumont…un 4ème apparaît bientôt du
côté de St Mihiel – La Croix reçoit une dizaine de 150 qui semblent provenir des bois de
Gilaumont – Un avion français se fait canarder, mais n’est pas atteint – Une Batterie Boche,
probablement la Batterie 777, tire des fusants sur nos tranchées du côté de la chapelle Ste
Marie – Je signale tout cela à l’état-major – La canonnade du côté de l’Argonne redouble de
plus belle, sans doute les Boches essaient d’atteindre la voie ferrée Châlons-Verdun…Dans
l’après-midi, je compte 7 draken, de notre côté nous avons seulement un ballon captif du côté
d’Apremont – Une Batterie française de 155 tire dans les bois de Lanonville, j’aperçois 2
cavaliers qui se dirigent vers les bois de Gilaumont – Le soir, je prends la première faction de
8h à 10h – Je note quelques lueurs départs sur Ailly – A part les fusées qui sillonnent le ciel,
rien d’anormal ne se produit.
Samedi 17 Juillet – S. Espérat.
Mes hommes qui m’ont succédé à l’échelle le reste de la nuit n’ont rien vu d’anormal – Dans
la matinée, nos tranchées de première ligne sur la Selouze, Rouvrois et la chapelle Ste Marie
reçoivent quelques obus – Un e Batterie allemande du côté de St Mihiel se fait canarder – La
relève arrive à 6h1/4, suis obligé de monter sur l’avant-train car je n’ai pas de cheval pour
repartir…tant bien que mal nous repartons, passons par Woimbey et Boucquement où nous
nous arrêtons ; nous avons la chance de dégoter des œufs et nous nous faisons faire une bonne
omelette – Entre temps, un orage se déchaîne, la pluie tombe à torrents, nous attendons que
cela passe…au bout d’un quart d’heure, nous partons en passant par Tilly, Villers et Ambly –
Nous arrivons au cantonnement à 10h1/4 du soir – Aussitôt mes lettres lues, je m’endors dans
mon hamac.
Dimanche 18 Juillet – S.Camille
Aujourd’hui, nous avons repos ; nous apprenons qu’un arrêté militaire vient de donner l’ordre
de rouvrir les cafés – Enfin l’autorité militaire a vu clair, nous n’allons plus avoir à nos
trousses les fameux pandores du midi, pour qui l’achat d’un litre de vin est plus punissable
qu’un soldat qui tremble devant l’ennemi.
Certainement il y aura moins d’hommes saouls, car ils n’iront plus boire un litre de « cassepattes » en cachette dans une écurie et de ce fait sortent gris comme des polonais – Je sors le
soir avec mes camarades. Un groupe de permissionnaires est parti de la Batterie – Le
capitaine est rentré de permission – A Troyon, nous payons les journaux 0F10
Lundi 19 Juillet – S.Vinc. de P.
Je vais à la promenade des chevaux – Cet après-midi, les hommes vont aux douches dans
Troyon – Nous allons construire des écuries pour l’hiver – Le tour des permissionnaires n’est
pas établi à la Batterie d’une façon impartiale, par exemple les hommes mariés et pères de
famille ne partent pas les premiers et pourtant, ceux-là ont des enfants et une femme qu’ils
n’ont pas vus depuis un an, c’est honteux de voir ça – On voit à la Batterie des réservistes
pères de famille, à la Batterie de tir et des hommes de l’active à l’échelon ou même au train
régimentaire. C’est répugnant de voir cela –
Ils partent toujours des hommes pour les camps de 58 (crapouillots).
Mardi 20 Juillet – Ste Marguerite
Promenade des chevaux, nous allons jusqu’à Monthairons où il y a un gué superbe pour faire
boire nos chevaux – Le 171ème d’Infanterie occupe ce village – A Ambly, il y a le 172ème – Le
commandant et le capitaine visitent les cantonnements l’après-midi – La 12ème Batterie est
revenue de Mouilly et de la tranchée de Calonne – J’ai vu Denisme de Villers-Franqueux et
Liesch de Warmeriville – J’ai rencontré également le fils Thiébault de Sommepy qui est au
12ème chasseurs, ils construisent tous les 4 jours des tranchées à la Gauffière et ensuite vont au
repos à Dienne, ses parents sont émigrés dans l’Yonne.
Nous allons toucher des masques contre les gaz asphyxiants, c’est un espèce de tampon de
ouate avec un tissu qui se met devant la bouche et le nez.
Mercredi 21 Juillet – S. Victor
Allons à la promenade des chevaux à Monthairons – Je dois monter à l’échelle à 3h – Le
capitaine rassemble les gradés à 2h et nous fait un laïus – Je pars une heure en retard, nous
passons par le radeau, les chevaux ne bougent pas trop, arrivons à Woimbey où nous faisons
quelques provisions – Sommes à l’échelle à 6h1/4 – Je monte pendant que les hommes
préparent la croûte – Beaucoup de nos avions sont en l’air – Une Batterie française de 155 du
bois des Charmes tire dans St Mihiel et sur un petit bois près des Capucins où doit se trouver
une Batterie Boche – Le lieutenant de Bienval de la 9ème a installé la T.S.F . où nous sommes
– La nuit se passe assez tranquille, à part les fusées éclairantes, rien à signaler.
Jeudi 22 Juillet – Ste Madeleine
Le matin, je raidis les cordes qui tiennent l’échelle. Je monte, il y a encore de la brume,
j’aperçois d’abord le draken derrière le bois de Gilaumont – Deux de nos avions volent audessus des lignes Boches et se font canarder – A 10h, nos tranchées de la Selouze reçoivent
du 150mm – A 3h1/2, Maizy reçoit du 105 percutant, à chaque coup que nous verrons, je
constate que ce village est détruit de plus en plus – La Gauffière reçoit également des grosses
marmites –
Le soir, je prends la faction de 9h à 11h – Quelques fusées du côté du camp des Romains, bois
d’Ailly, bois des Chevaliers et tranchée de Calonne, au loin dans la nuit, les projecteurs
Boches…les nôtres sont à ma gauche – Vers 10h1/2, nos pièces de la Gauffière tirent
quelques coups – Je descends me coucher à 11h.
Vendredi 23 Juillet – S. Apollinaire
Un téléphoniste me remplace à 11h, rien de bien important à signaler pour le reste de la nuit –
le matin, dans notre gourbi, nous constatons que la pluie tombe à torrents, aussi la matinée,
nous ne pouvons observer. La pluie cesse vers midi. Je vais me laver à la petite source qui se
trouve dans le ravin de Dompavrin – A 3 heures, je repère l’emplacement d’une Batterie
Boche, désignée sous le N° 846 – Le lieutenant Boutry (7ème) avec 3 téléphonistes, vient nous
remplacer à 6h. Je repars sur l’avant-train, passons à Woimbey et rentrons à Troyon après
avoir traversé la Meuse sur le radeau – En rentrant au cantonnement, nous apprenons que des
bruits de départ circulent, les 2 groupes du 46ème doivent partir dans quelques jours.
Samedi 24 Juillet – Ste Christine
Je me lève tard car aujourd’hui je suis de repos – La pluie continue toujours de tomber
presque toute la journée – Les bruits de départ prennent de l’extension, il paraît que tout le
corps d’armée doit changer et se diriger sur Bar-le-Duc, pour aller je ne sais où ensuite – Le
soir, je sors à Troyon avec 2 copains, il y a toujours beaucoup de troupes, du 211ème, du
220ème, du 304ème, du 12ème chasseurs à cheval.
Dans une maison, nous avons demandé un Dubonnet, on voulait nous le faire payer 0,40 le
verre, et un verre de la grosseur d’un dé…nous sommes partis en ne buvant pas, c’est honteux
de voir cela…pour ces gens-là, je voudrais que les Boches leur brûlent leurs baraques, et on
ne fait rien pour empêcher cela.
Dimanche 25 Juillet – S. Jacq. Le M.
Vais à la promenade des chevaux. Georges Regnault et Chauvet partent en permission
aujourd’hui – J’ai vu à Troyon l’aîné des Arnoult – La première portion des permissionnaires
est rentrée ce matin, d’après la généralité qui sont allés à Paris, les civils dans cette ville n’ont
pas l’air de se soucier de la guerre…ils croient que sur le front on a tout ce qu’on veut, la vie à
Paris est très gaie et mouvementée, c’est pourquoi ceux qui viennent du front en permission
sont écoeurés de voir cela…aussi les parisiens qui rentrent à la Batterie prononcent-ils ces
paroles : « Si seulement les marmites Boches arrivaient dans Paris, peut-être cela les
ramèneraient-ils à la réalité !.. »
Lundi 26 Juillet – Ste Anne
Promenade des chevaux
Les Boches ont lancé des marmites en avant du bois de la Gauffière, à l’endroit où le 12ème
chasseurs à cheval creusait des tranchées, 6 hommes sont blessés – je note quelques réflexions
au hasard :
- des employés du gouvernement sont payés intégralement comme en temps de paix, et en
plus touchent un solde militaire – Pourquoi ?…
- Pourquoi les sous-officiers rengagés partent-ils en permission avant les réservistes qui, pour
beaucoup sont mariés et pères de famille ?…
- Les engagés eux font seulement leur métier et sont payés plus qu’en temps de paix tandis
que les réservistes ne sont presque pas payés, font un sacrifice plus grand que les autres et
beaucoup ont leurs pays envahis….
- Pourquoi les officiers sont-ils payés si cher ?…
Mardi 27 Juillet – Ste Nathalie
Il pleut le matin, nous ne faisons pas de promenade des chevaux – Je prépare mon paquetage
pour aller à l’échelle et dans le cas où nous partirions après-demain – Nous partons à 4h ,
traversons la Meuse en radeau, passons à Woimbey où nous faisons des provisions pour
emporter – Arrivons à l’échelle à 6h1/2, les chevaux n’ont pas de pied et glissent à chaque pas
– Je ne monte pas à l’échelle cette nuit, 2 téléphonistes me remplacent – Dans la cabane où
nous couchons, il n’y a plus de paille, aussi le matin on a les reins en pomme cuite, les poux
nous ont encore rendu visite une fois…aussi pour la nuit prochaine je me suis construit un
hamac dehors avec mes toiles de tente, comme cela je serai toujours garanti contre ces
animaux – La nuit s’est passée calme.
Mercredi 28 Juillet – S. Nazaire
Le matin, nous avons la visite d’un colonel d’Artillerie du 42ème, il visite les postes
d’observation du secteur – Vers midi, un officier de marine monte à l’échelle pendant ¼
d’heure – Dans l’après-midi, nos grosses pièces tirent sur les tranchées Boches du côté du
camp des Romains – Nous voyons sans cesse passer des ravitaillements sur la route
d’Hattonchâtel – Chaillon – Quelques-uns de nos avions passent au-dessus de nous vers 6h –
2 draken sont repérés derrière Gilaumont – Je me couche dans mon hamac en plein-air, la nuit
se passe calme, et je dors éclairé par la lune.
Jeudi 29 Juillet – Ste Marthe
4h du matin, nos avions tiennent l’air – de 9h à 10h je signale à Troyon Artillerie un
bombardement de nos tranchées de Spada, Rouvrois, et Lannonville…ces coups semblent
provenir de la Batterie 777 – Le camp des Romains reçoit quelques obus de 155 – un draken
se trouve derrière les Bois-Hauts – Des convois Boches passent sans cesse sur la route
Hattonchâtel-Chaillon – La relève arrive vers 6h1/2, nous partons en passant par Woimbey,
traversons la Meuse en radeau, et rentrons à Troyon.
Vendredi 30 Juillet – S.Germain
Me lève tard, car je suis de repos aujourd’hui, un de mes copains du dépôt, Guimard, est venu
amener un détachement d’hommes au front, j’en profite pour déguster avec lui mon litre de
marc de Bourgogne, le soir nous mangeons à Troyon avec des copains, Denisme et Liesch de
Warmeriville sont avec nous.
Samedi 31 Juillet – S. Ignace de L.
Vais à la promenade des chevaux, je rencontre le fils Gobron de Rethel, il me dit que le
106ème doit partir le 3 Août du côté de Bar-le-Duc – Les bruits de départ se précisent de plus
en plus, il est certain que tout le 6ème corps doit aller se reformer en arrière et ensuite aller du
côté de l’Alsace.
Dimanche 1er Août – Ste Sophie
Je peux aller à la messe à Troyon. Ce matin, G.Regnault est revenu de permission, il
m’annonce la mort de Mazeret, de Ponsinet Fleury de St Martin – La femme de Raphaël
Gaillot est paraît-il très malade – Les sections de munitions viennent nous ravitailler en obus –
C’est le 2ème corps qui doit venir nous remplacer, il paraît que nous allons être corps de
marche.
Lundi 2 Août – S. Alphonse
Promenade des chevaux le matin, ensuite je prépare mon paquetage pour aller à l’échelle…en
partant, un orage éclate, la pluie tombe à torrents, nous nous arrêtons un moment, traversons
la Meuse en radeau, passons à Woimbey où nous faisons quelques provisions, nous arrivons
une heure en retard à l’échelle car les chemins dans la forêt de Marcanlieu ne sont pas
praticables, ils tombent à chaque moment – Vers 9h du soir, nous apercevons une grosse
lumière Boche ayant la forme d’une grosse étoile et qui se trouve derrière le bois de Marmont
– Nous la signalons à Troyon, la pluie continue à tomber de nouveau, et la lumière disparaît.
Mardi 3 Août – S. Etienne
Toujours de la pluie sans arrêt – A 9h du matin, je monte à l’échelle et j’aperçois un énorme
observatoire Boche dans la forêt de Dommartin-la-Montagne, il a la forme d’une énorme tour
ronde, construite en briques et en ciment, au ¾ de hauteur se trouve une plate-forme pour
l’observation – Nous la signalons à l’état-major – Sommes obligés de faire notre popote dans
la cahute, car il pleut à torrents – Les Boches, depuis la dernière relève, ont beaucoup
travaillé, nous constatons qu’une nouvelle tranchée allant vers le bois triangulaire est établie,
un long boyau va aussi du bois de Gilaumont à Spada – En arrière, dans Gilaumont, Marmont
et Bois-Haut, de nouveaux abris sont construits – La nuit se passe calme, nous recevons
toujours de l’eau, les pièces de 455 du bois des Charmes tirent quelques obus.
Mercredi 4 Août – S. Dominique
Le matin, je vais me laver à la petite source se trouvant dans le ravin de Domprevin – A midi,
nos tranchées de la Selouze reçoivent quelques 105 – St Mihiel reçoit des obus de 155 ou 120,
le feu y est mis par nos obus – A l’instant où j’écris, du haut de l’échelle, je vois la flamme
même du feu, une Batterie Boche prise sous notre feu, avec nos pièces de 120 et 155, se fait
purger de se trouver légèrement à droite de la ville – Une Batterie allemande, sur la lisière du
bois de la Pitancerie tire sur les bois des Charmes, ce sont des 77, mais beaucoup n’éclatent
pas et sont trop courts – ½ heure après, nos grosses pièces changeant d’objectif tirent sur cette
batterie qui se tait – La relève arrive à 6h1/2, nous arrivons à Troyon à 9h du soir.
Jeudi 5 Août – S.Felix
Le matin, nous attelons toutes nos voitures pour faire rouler le matériel – Du côté des Russes,
nous nous attendons à la chute de Varsovie – Le général Renault, qui commande toute
l’artillerie du 6ème corps reste avec le général Heer au 2éme corps – Les troupes du 2ème corps
commencent à arriver dans notre secteur – e 51ème d’Infanterie arrive à Ambly pour remplacer
le 172ème.
Vendredi 6 Août – Transfig. N.-S.
Allons à la promenade des chevaux à Monthairons – Le 25ème d’artillerie est parti du côté de
Bar-le-Duc – La poste du 6ème corps est partie à Vavincourt aussi aujourd’hui : nous n’avons
pas de lettres…il n’y a plus que l’artillerie de corps du 6ème qui n’est pas partie.
Samedi 7 Août – S. Gaëtan
Attelons nos caissons avec nos couvertures roulées – Les sections de munitions du 6ème
corps nous croisent et s’en vont à l’arrière – Médard le trompette qui était à ma pièce, part à
Paris pour aller fabriquer des obus – Nous n’avons encore aucun ordre pour partir, pourvu que
le général Heer ne nous garde pas avec lui et nous renvoie ensuite aux Eparges.
Dimanche 8 Août – S. Justin
Vais à la promenade des chevaux, en revenant je rencontre Bertrand de Betheniville, je parle
avec lui un moment, il est toujours au fort d’Houdainville avec Maurice Ticot – Etant rentré
au cantonnement, Pierre Machet est venu me voir, il est adjudant au 220ème d’Infanterie et
proposé comme sous-lieutenant. Pierre s’est déjà fait remarquer pour sa bravoure et son
mépris de la mort – Le 4ème groupe (10ème, 11ème, 12ème Batteries) partent cette nuit et sont
remplacées par un groupe du 29ème d’Artillerie, un groupe du 27ème est remplacé par un du
29ème…Pourvu que le 3ème groupe ne reste pas – Marcel est au camp de Châlons – Nous
montons à l’échelle, nous repérons la nuit quelques départs Boches.
Lundi 9 Août – S. Vitrice
Rien de bien intéressant pour l’observation, nous constatons toujours de nouvelles tranchées
et de nouveaux travaux chez les Boches – On nous donne l’ordre de ne plus envoyer de
correspondances cachetées, les lettres doivent être remises au bureau et ensuite lues par un
officier censeur.
Mardi 10 Août – S. Laurent
La nuit à l’échelle se passe assez calme bien que le temps soit chargé d’orage – Les
projecteurs de Verdun fouillent le ciel de leurs feux, j’en compte jusqu’à 13 de notre côté,
chez les Boches 4 ou 5 projecteurs sont en action du côté du bois,
Le …..nos tirs de barrages empêche les Boches d’avancer – Sommes remplacés le soir.
Mercredi 11 Août – Ste Suzanne
Ayant repos aujourd’hui, je me lève tard – Chaque Batterie a touché une cuisine roulante –
Tous les jours, nous avons de la pluie par orage.
Jeudi 12 Août – Ste Claire
Le matin, nous allons à la traction du matériel – Dans le courant de la matinée, nous
apprenons que nous allons partir pour rejoindre le 4ème groupe qui est à 4kms de Bar-le-Duc,
l’état-major est avec lui en ce moment – Nous sommes contents de quitter ce pays de Meuse Le soir, un orage ou plutôt une trombe d’eau inonde nos gourbis, nos paquetages s’en vont à
la flotte, il nous faut déménager en toute hâte – Je suis forcé cette nuit, d’aller coucher au
bureau – Nous sortons le soir pour le dernier coup à Troyon – Un mot en passant : je souhaite
que tous ceux de la Meuse qui ont estampé ou volé le soldat d’une façon dégoûtante en
vendant leurs marchandises hors de prix soient envoyés au bagne….
Vendredi 13 Août – S. Hippolyte
Dès le matin, les hommes apprêtent leurs paquetages – Une corvée va l’après-midi chercher
les caissons et les canons sur la position, la Batterie du 29ème d’Artillerie est venue avec son
matériel – Le chargement des voitures se fait l’après-midi – A la nuit, il nous est donné ordre
de réveiller les hommes à 11h et d’être prêts à partir pour 12h30 – De 8h à 10h, la pluie ne
cesse de tomber à torrents, heureusement que cela cesse pour partir – Il fait très noir, nous
partons à 1h du matin, passons par Gerricourt, Villers et arrivons à l’entrée de Recourt à 2h1/2
le matin, je dors ou plutôt sommeille comme je peux sur un caisson.
Samedi 14 Août – S. Eusèbe
Arrivons à l’entrée de Recourt où nous nous arrêtons, la cuisine roulante est mise en action
pour nous faire le jus…2 Batteries lourdes du 26ème d’Artillerie 120 long nous croisent sur la
route – A 5h du matin, nous entrons dans Recourt, nous formons le bivouac à la sortie du pays
dans une prairie, les chevaux sont à la corde – Je suis commandé de garde, le poste se trouve à
200 mètres du parc – Le poste d’Infanterie se trouve avec moi.

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