numéro spécial la chouette déchaînée - Asko
Transcription
numéro spécial la chouette déchaînée - Asko
LA CHOUETTE DECHAÎNEE Un numéro exceptionnel rien que pour vous, afin de vous consoler de l’ennui que provoque l’éloignement des salles de classe !!! En cette période de consommation absolue et actualisée, la Rédaction vous propose, au vu de ses antécédents musicaux, une petite liste de morceaux inconnus au bataillon, voire oubliés, dont la qualité intrinsèque réelle mérite d’être révélée à vos délicates oreilles. Au milieu des ténèbres musicales actuelles la Chouette prend un nouvel envol loin du sol et du foie gras parfumé aux huîtres pour vous emmener là où sonne la révolte du son, si tant est que vous la vouliez vraiment. Au passage, on vous souhaite un heureux second gavage de tripes en cette fin d’année. Et rappelez-vous que Sylvestre n’est ni un défenseur central français ni même un chat plus ou moins volubile et encore moins la gueule asymétrique de Stallone chez les guignols mais un pape de Rome à l’origine, au IVème siècle, de l’arrêt des persécutions contre les chrétiens de l’Empire. Enfin qui sait… On vous chouette quand même une bonne fête… Let’s get ready to rumbbbbbbble!!!!!!! 1/Genre: Funk Artiste/Album: Sugar Hill Gang, 8th Wonder (1982) Apache (Jump On It) Sugar Hill Gang, très connu pour son morceau « Rapper’s Delight », est considéré pour celuici comme l’un des précurseurs du rap. Mais il reste un groupe de funk avec des cuivres qui se taillent la part du lion, même s’ils ne s’interdisent pas une p’tite folie avec une excursion au pays des serpents à sonnette dans le morceau « Apache ». Vous êtes dans un décor en carton-pâte vaguement saupoudré de poussière et de quelques cactus, et soudain une bande d’emplumés surexcités surgit en hululant comme si leur vie en dépendait, accompagnés de quelques types en costard qui portent d’étranges ustensiles brillants. Il ne s’agit pas de mes cousins (beaucoup plus dignes que ça), mais bien des farouches guerriers apaches, qui invitent leurs tambours parmi les gros cuivres du Sugar Hill Gang pour épicer la rythmique funk d’une touche western et produire un ensemble bien dynamique. 2/Genre : Classique Artiste : Pergolèse (1710-1736) Stabat Mater (1736) Connu uniquement pour ce chef d’œuvre écrit à la fin de sa (courte) vie alors qu’il s’était retiré, tuberculeux, dans un monastère, Pergolèse est un nom qui reste lié à un des plus beaux morceaux de musique religieuse. Alors sortez les mouchoirs, le Stabat Mater Lacrimosa est un des plus gros tubes chantés par les fossoyeurs un chrysanthème à la main ! Morceau cristallin tant par les voix que par l’harmonie instrumentale, il s’agit aussi d’un cas à part du genre puisque l’émotion fournie par les instruments est très présente et ceux-ci constituent un décor aux voix qui s’élèvent (ce qui n’est habituellement pas le cas dans une religieuse, cf. Miserere mei Deus, Gregorio Allegri, autre machine de guerre du genre). Contrastant à ces instants de cohabitation par leur tons plus graves, les instruments, lorsqu’ils se taisent, nous assistons au bon petit cri plaintif des voix qui enfin transforment nos oreilles et notre âme toute entière en madeleines. Artiste : Antonin Dvorak (1841-1904) Sérénade pour cordes B.52 (opus 22.2) : Tempo di Valse Compositeur tchèque, Dvorak c’est le gars à qui vous devez la symphonie du nouveau monde (si si, celle jouée au concert de demain à Vienne, surtout le mouvement 4 que vous connaissez tous pour sa délicatesse proche d’un 38 tonnes dans un magasin de faïence...), et puis aussi les danses slaves et…LA sérénade pour cordes le swag pileux… et son passage le plus célèbre : le tempo di valse. Rythmes rapides, moins rapides, puis rapides à nouveau, bonds émotionnels et repos délicats : ce morceau c’est le 3000 mètres steeple de la musique classique, une course dont il ne faut rien rater, un spectacle à tous les étages !! 3/Genre : Rock Artiste/Album: Noir Désir, Des visages des figures (2001) Des Armes On ne les présente plus. Les mecs trimbalent leurs amplis à travers la France depuis déjà bien 15 ans quand ils sortent Des visages des figures, album d’anthologie. Mais le 4e morceau reste un peu à part entre ces titres que même ta petite sœur connait sur le bout de mes doigts… Il commence, on l’entend à peine, par une petite instru toute discrète, soutenant à bout de bras le texte de Léo Ferré qui lance ses traits. Même la grosse batterie des Lyonnais, qui d’ordinaire piétine allégrement les plates-bandes de la délicatesse, ose à peine poser les pieds dans ce jardin secret que seuls les vrais connaissent. Artiste/album : Noir Désir, Veuillez rendre l’âme (à qui elle appartient) (1989) Apprends à dormir On ne vous les présente toujours pas vu que ce sont les mêmes qu’avant, avec juste un peu moins de poil au menton puisque nous revenons à leurs sources. Ce morceau sent bon la poussière de la cave dans laquelle il a été répété, avant l’arrivée du succès, et un peu aussi l’énervement des voisins que l’harmonica empêche de dormir. Bah ouais, parce qu’il ne faut pas se faire d’illusions, Noir Dés’ ça s’écoute en versant la goutte de whisky dans le 8e café en hochant la tête sur les temps, pas en cherchant le sommeil. T’as qu’à essayer mon pote, le mec te dit juste de te démerder. Artiste/album : Free, Fire and Water (1970) All Right Now Ce supergroupe aurait foutrement pu sortir du bayou US pour aller tirer la bourre aux bluesy Creedence Clearwater Revival et autres, mais non. Ces types se sont dit, un jour autour d’une tasse de thé façon Earl Grey dans un cottage : « Hé les mecs, si on faisait v’là le gros blues-rock bien de derrière les fagots histoire de faire croire qu’on est des Ricains, et en plus qu’on soit meilleurs ? » Bah c’est passé, All Right Now, comme une lettre à la poste, on a rien vu. Ils nous ramonent les conduits auditifs avec du bon gros riff, reléguant les types comme les Guns ‘n’ Roses au rang de vagues agitateurs de micros, et se paient le luxe de se vanter, dans la plus grande sérénité (le « flegme anglais », qu’ils appellent ça). Comme quoi les punks ne sont pas les seuls Rosbeefs à avoir des sachets de thé dans le pantalon, le hard rock était là pour que Led Zeppelin et compagnie puissent poser leur boudin de plomb sur la scène. Ozzy et Slash en pleine messe noire 4/Genre: Soul Artiste/Album: Charles Bradley, No Time For Dreaming (2011) The World (Is Going Up In Flames) Artiste de toujours mais star sur le tard, Charles Bradley est l’image même du soulman né dans la pauvreté, ayant grandi dans la misère et la douleur de l’Amérique désœuvrée et prolétaire. A 63 ans il sort son premier album studio et les perles qui le constituent. The World est son titre phare, et plus qu’un morceau c’est une définition de la soul comme on l’avait perdue depuis les années 70. La puissance d’un personnage, l’implacable harmonie des cuivres et du mot : ça messieurs dames c’est l’eldorado retrouvé de la musique !! 5/Genre: Rap Artiste/Album: Soklak, 1977 After ‘L’ Artiste total, Soklak est rappeur mais avant tout grapheur. Avec son premier album en 2006, il insuffle un nouvel air dans les bronches silicosées du rap français. El Gato c’est une plume ironique derrière un pinceau et un vocabulaire très riches. Et il ne se limite pas à ça le garçon, puisque musicalement il sait choisir son décor. After ‘L’ c’est la puissance du verbe sur fond jazzy, un jazz qui reprend la symphonie numéro 3 de Brahms (un autre barbu de compétition). Cette puissance du verbe, on la retrouve dans la transcription de l’engagement pseudo-anarchique de Soklak, sous la forme d’un vocabulaire allant de l’argot au langage soutenu mais toujours parfaitement maîtrisé (il pèse le petit). Bref, beaucoup de mots pour dire que chez lui, y’a pas rien : y’a de l’âme, de la culture,… et du talent bordel ! Artiste/Album: Soklak, 1977 Libre Style Toujours le « maquisard d’la plume en herbe », qu’on ne présente plus. Alors After ‘L’ c’est beau, c’est intelligent et bien construit, mais là on touche à une démonstration de force. Ce morceau fait moins de deux minutes, mais en terme de flow et de difficulté sur le fond et la forme, c’est un coup de fusil à pompe façon Rambo dans une porte en céramique suivi d’un high-kick made in JCVD sur les pommettes saillantes de l’imbécilité de la richesse du rap français, le tout dissimulé derrière cet engagement politique et social qui lui est cher. Peintre des mots à la Horace, ça sent bon la street et l’humain quand on l’écoute ! 6/Genre: Variété Artiste: Jean-Roger Caussimon, Musique Légère (1974) Trois mots Comédien, poète, acteur, dramaturge, etc. Au cours de sa vie JeanRoger Caussimon a tout fait, mais il est resté dans l’ombre, et l’on retient en particulier de lui des morceaux interprétés par son ami Léo Ferré (plutôt lourd non ?). Trois mots, c’est une pépite parmi les pépites, un piano qui envoie tout ce qu’il a de plus beau sur un poème qui chante la modernité mais refuse le modernisme. Il n’y a pas grandchose à dire dessus, il dit tout lui-même, donc stop à la variété actuelle aussi poétique qu’un nettoyage de latrines, place à ce qui se fait de mieux. Artiste: Georgius (1891-1970) Au lycée Papillon (1936) Si vos grands-parents le connaissent par cœur, peu d’entre vous savent ce qu’a chanté « l’Amuseur public numéro 1 », chansonnier parmi d’autres activités. Parodie du système scolaire d’époque, Au lycée Papillon c’est un petit air bien niais qui va vous rentrer dans la caboche et que vos voisins vont exécrer quand vous le siffloterez pendant 6 heures en devoir. Jetez un coup d’œil circulaire en cours et vous trouverez certainement des descendants spirituels aux élèves auxquels Georgius prête sa voix ! 7/Genre: Electro Artiste/Album: The Toxic Avenger, Angst (2011) Angst One Disc-Jokey à la carrière encore peu récompensée, Toxic Avenger est français, Parisien pour être encore plus précis. Simon Delacroix est un visage d’avenir pour la house et l’électro house qui patinent depuis les années 80-90 et la Belgique où, sur du bon son bien destroy vos parents avec des mulets sur le tard gueulaient « Aciiiiide »tout en descendant cul sec une cannette de Ricqles… Le choix est ici porté sur Angst One mais cela n’est qu’une incitation à déguster les tout aussi bons Angst Two et Angst Three (enfin tout ce qu’il mijote), parce que le « Vengeur Vénéneux » (ouais c’est un peu moins stylé, et puis on perd le lien au film…) c’est un pro du son qui te décoince l’auriculaire du… tympan ! A noter aussi cette utilisation des onomatopées comme refrains ou éléments structurants du morceau, comme on le voyait déjà en 2010 sur N’importe Comment, la collaboration avec le plus baptou des rappeurs français, Orelsan. Artiste/Album : Visage, Visage (1980) Fade To Grey Groupe de New Wave britannique, on ne retiendra ici qu’un seul morceau de Visage, même si celui-ci continue encore d’être remixé à tout va (cf. Junior Caldera, It’s On Tonight). Propre à sa période carrément barrée (ouais la New Wave c’est assez étrange parfois, du genre à faire passer Casimir pour un taciturne… La drogue c’est mal les enfants), le morceau mélange riffs électro bien saturés, refrain bien entêtant et ….discours en français. Oui y’a une donzelle qui parle et dit à peu près n’importe quoi, et le résultat final messieurs dames, vos parents plein d’acné l’ont rongé jusqu’à la moelle le peu de temps que le succès fut au rendez-vous pour le groupe. Tout cela pour vous dire que c’est tout à fait le genre de morceau qui aujourd’hui sorti de son contexte d’effet de mode se réécoute sans problèmes, même pour les non-initiés à l’époque que nous sommes. Alors n’hésitez pas, sortez le maquillage le plus étrange possible et rendez-vous au prochain Top 50. « Un homme, dans une gare, isolé… » Artiste/Album: Massappeals, Baws E.P (2014) I Do Aujourd'hui, ça va pas. On vous traite de hipster, on critique votre sweat univers (qui est pourtant über-swaggé), votre voisin gueule à cause de la musique (par ailleurs assez spéciale) que vous écoutez à des heures indues, et le concierge vous menace de mort si vous continuez à faire du skate avec vos potos devant l'immeuble. Mais qu'est-ce que tous ces gens vous reprochent ? On a plus le droit de boutonner ses chemises jusqu'en haut et de porter des baskets orange dans ce pays maintenant ? Rassurez-vous, nous avons de quoi vous détendre (rangez cette seringue tout de suite bande de malappris !). Quand le monde vous en veut, au lieu de bosser la philo jusqu'à la mort pour oublier (ça ne marche pas non plus), asseyez-vous par terre, « posey », et écoutez ce son tout droit sorti d'un club lounge martien histoire de vous vider la tête de ces basses considérations matérielles. 8/ Genre : Jazz Artiste/album : Ray Collins' Hot Club, Honk My Horn (2003) (le morceau date des années 1940) Out Of My Mind Ah, un bon vieux jazz de big band. Avec un petit on the rocks et un cigare, vous vous installez dans votre fauteuil en vache morte véritable après avoir mis en marche le tourne-disque, vous fermez les yeux et vous voilà replongé dans l'époque des grands transatlantiques, de leurs bars enfumés, des crooners et des chanteuses qui vous lancent des regards sans nom tout en susurrant des mots doux à leur micro toute la nuit durant (fort longue pour qui croise à travers l'océan). Mais peut-être que c'était votre voisin de gauche qu'elle regardait, enfin c'est pas ça qui compte. Difficile de s’en rappeler de cette époque, mais c’était sans compter sur le Ray Collins' Hot Club, qui existe encore aujourd’hui, comme une institution bien que ses membres aient changé. Le chant tient la barre de ce voyage dans le passé dans son uniforme blanc de capitaine , alors que la rythmique travaille à un rythme d'enfer en salle des machines, basse-batterie sur lesquelles trépide la guitare, le tout mené avec une main de fer dans un costume croisé de velours par les cuivres qui ne se lassent pas de reprendre et de varier les thèmes au comptoir de la réception. Bref, le morceau parfait pour accompagner une charmante créature sur la piste de danse de cette gigantesque cathédrale métallique tant que celle-ci flotte encore. Artiste/album : Palatino, Palatino - Chap. 3 (2001) Sud-Ouest Jump Le Palatino, c'est le vieux train qui fait l'aller-retour entre Paris et Rome, mais c'est aussi un super groupe du jazz, parmi les meilleurs que comptent la Botte et l'Hexagone. Ces types-là ne sont pas là pour rigoler, ils sont là pour montrer qu'il n'y a pas que ces foutus Amerloques qui savent jazzer, on se débrouille très bien sans eux sur notre vieux continent, non mais sans rire. Et pour preuve, les quatre larrons s'inscrivent dans un style très différent, qu’on appellera « à l'italienne ». Et ils te prennent un thème vaguement jazzy, le triturent, le fouillent, l'avalent pour le recracher par les conduits cuivrés de leurs instruments ; ils lui font sortir les tripes avant que n'arrive pour le malaxer plus avant la batterie du gaucher, appuyée discrètement par la basse qui ne prend pas part au festin mais le couvre, pendant que les trois autres construisent leur impro tranquillement, rassérénés par leur épluchage en règle des gammes, ils se font des petits signes de tête, balancent encore deux-trois phrases pour finir de se mettre en jambe et préparer la conclusion qui arrive déjà, le sifflet retentit lors de l'entrée en gare, eh bien messieurs, c'est ici que je descends, ce fut un plaisir : arrivederci. Ouf, mais ce train est en retard dites-moi, enfin bon on n’est pas à ça près. Flash News : Décédé il y a peu, l’homme qui nous incitait à transgresser les règles, à nous lâcher (qui sait découvrirait-on de nouvelles sensations) a refait parler de lui lors des débats post-mortem quant au don de ses organes. Au final, le foie du chanteur ira bien garnir vos toasts en cette soirée du 31. Un comité municipal de Jérusalem a approuvé mercredi la construction de près de 400 nouveaux logements dans les colonies juives sur les territoires annexés par Israël pendant la guerre de 1967. Ce quartier sera de couleur rouge et se situera semble-t-il non loin de la case Chance aux couleurs des EtatsUnis, et ce malgré la volonté de certains dirigeants de vouloir la mettre, comme un symbole, en violet juste après la case prison identifiable par sa svastika modèle janvier 1942.