EVI KELLER MATIÈRE
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EVI KELLER MATIÈRE
EVI KELLER MATIÈRE-LUMIÈRE LUMIÈRE, ESPACE, TEMPORALITÉ EVI KELLER MATIÈRE-LUMIÈRE LUMIÈRE, ESPACE, TEMPORALITÉ Introduction Prologue Matière-Lumière / Textes et visuels Expositions / Événements / 2014 - 2016 Biographie JEANNE BUCHER JAEGER 5 & 7, rue de Saintonge 75003 Paris T +33 (0) 1 42 72 60 42 F +33 (0) 1 42 72 60 49 [email protected] www.jeannebucherjaeger.com © EVI KELLER. ALL RIGHTS RESERVED. Unauthorized reproduction of any part of this document is prohibited by law. INTRODUCTION « À présent que la lumière est née de moi et moi de la lumière, celle-la me charge de parler pour elle, de travailler pour elle... On s’est rencontré, par là transformée en sorte que la lumière est bien en moi. » Inspiré d’un écrit de Shih T’ao, 1642 - 1707 LUMIÈRE, ESPACE, TEMPORALITÉ Evi Keller nous révèle dans ses espaces de transition, par un principe alchimique, un monde des éléments en devenir où s’amplifie et vibre la lumière transfigurant ses expériences vécues. Matière-Lumière cristallise des approches artistiques comme la photographie, la peinture, la sculpture et la création audiovisuelle, explicitant, entre autres, leur fusion et leurs rapports avec la lumière. Œuvres multiples et changeantes, partitions interprétées par la lumière, tels des voiles flottant hors cadres, elles se libèrent de l’espace et de leur environnement de création. Transmutées en voiles de guérison, pansements recouvrant les blessures et protégeant des formes abstraites, elles sont les mystères d’une matière magique, vivante qui se diversifie et s’affine en formes changeantes minérales, végétales, animales et humaines faisant naître les paysages explosifs, volcaniques d’un monde lointain et mystérieux. Regarder ses œuvres, c’est débuter un voyage entre l’intérieur et l’extérieur, entre infiniment petit et infiniment grand. C’est habiter un monde où chemine la lumière traversant de multiples couches de surfaces réfléchissantes jusqu’à une abstraction qui concentre et distille toutes les expériences vécues pour trouver l’équilibre dans un déséquilibre. C’est aussi recevoir une lumière manifestée par ses formes multiples dans un présent qui inclut tout passé et tout futur ... C’est enfin la voir, réfléchie, réfractée par des mondes opaques, translucides, dématérialisant l’espace et nous révélant au plus profond de nousmême. Son reflet dans les blessures du passé nous permet de percevoir le sens du chaos en gardant sa multiplicité et sa richesse. Poème sonore et visuel, Matière-Lumière s’élève dans un vertige où le jour succède à une longue nuit, et où la lumière, née doucement du silence, libère l’âme dans la transparence, éclatant le miroir. PROLOGUE MATIÈRE-LUMIÈRE Evi Keller n’est pas d’ici, elle a été puiser et forer là où personne n’avait jamais osé, elle a enfoui ses mains dans la matière du monde, elle a remonté le temps à pieds nus jusqu’au premier jour où tout a jailli, elle s’est défaite de toutes les contingences de notre temps tonitruant pour patiemment égrener nos origines, là où chacun a pris source de manière définitive. Evi Keller a marché jusqu’aux origines et est revenue à pas feutrés les bras chargés des trésors de la Terre. Elle a crée un monde avec les débris d’une lumière crue. Matière-Lumière lève le voile sur la vie cachée, nous tend le secret du monde, fait résonner en nous les murmures imperceptibles de la Création, nous réchauffe par sa lumière tremblante sous la glace. Les ondes ont les yeux clos tant la Beauté est vaste. Les forces telluriques ont bombardé les pierres et le soleil, le monde en a été renversé à jamais. Des oublieux se sont chargés de piétiner les restes. Mais Evi Keller a voulu approcher de ce Mystère qui a les traits de l’infinie délicatesse, de l’effleurement de doigts d’enfants, et qui nous projette dans la mémoire du monde. Comme un sourcier, Evi Keller a recelé des Miraculés à l’allure de vastes drapés célestes. Auprès d’eux, on sent que la mort ne pourra jamais rien là où la lumière accumule ses pierres. Ces œuvres portent en elles une matière bouillonnante et indestructible, une marée de confiance capable de s’arracher au monde pour se hisser dans les hauteurs. Nous revient alors sous la peau, la force motrice ahurissante de cette lumière en nous et entre les hommes, et de ses vertigineuses poussées dans le noir. Avec Matière-Lumière, l’univers entier gagne soudainement en poids et en contours. La sève du monde atteint nos propres poignets. Ses couleurs fauves, ses étendues, ses révélations charnelles nous contaminent de l’intérieur et nous vivifient jusqu’à la pointe. Des drapés comme des danses à la beauté suffocante et originelle, à la nature archaïque et attirante agissent comme des révélateurs du monde. L’indicible, les territoires les plus profonds de notre existence trouvent leur langue de manière inespérée. Matière-Lumière est une œuvre de grands fonds, de suppliques, le récit à cru des combustions du monde et de nos âmes. Avec un goût de l’absolu chevillé au corps, Evi Keller nous taille une âme à la mesure du monde que nous avions cru perdu. Caroline Boidé Evi Keller dans son atelier, 2015, Paris. ŒUVRES MATIÈRE-LUMIÈRE / TEXTES ET VISUELS Matière-Lumière, sans titre, vue d’atelier, Paris, 2016. EVIDENCES Tout commence par une projection vers la lumière. Dans l’œuvre vidéo Towards the Light, qui a d’une certaine manière fait naître toutes les projections de matière qui vont suivre, Evi Keller nous invite à un envoûtant voyage au coeur d’un univers de nervures lumineuses, de respirations organiques, de boursouflures magmatiques faisant jaillir du plus profond de la lumière et de la matière ce qui pourrait être (ou avoir été), en parfaite synchronie, nos mondes utérin et cosmique. Confondant l’expérience primale de notre première existence et celle, plus lointaine, plus intuitive, de l’origine du monde, Evi Keller fait apparaître et disparaître au travers d’une méditation visuelle et sonore d’une dizaine de minutes l’évidence du mystère le plus complexe qu’est celui de l’origine de toute vie, de toute matière, c’est à dire qu’au commencement tout est lumière. De cet élan mystique, personnel et poignant, Evi Keller a extrait une série de photographies magnifiques, aux teintes sepia (dont on sait que c’est aussi un arbre aux vertus médicinales), précieux recueil d’arrêts sur image qui invitent dès lors à la contemplation, à ces «transformations silencieuses» dont la temporalité concentrée fait retour sur l’intime. Après l’expérience sidérale de l’œuvre vidéo, ces images-tableaux s’offrent à nous comme autant de méditations picturales, où la sombre lumière, du fond de la composition, fait vibrer les trois autres éléments—l’eau, l’air et la terre—à la manière d’un Turner, pour dire l’histoire intime de son rapport à la matière. C’est l’origine du monde, c’est celle aussi du travail de l’artiste, et ce qui frappe dans le parcours des différentes œuvres d’Evi Keller c’est sa proximité ontologique, éthique même, avec les entreprises de ces artistes—Le Caravage, Rembrandt, Chardin, Monet, Rothko, Soulages, Freud— qui ont choisi d’éliminer du tableau tout sujet apparent pour faire de cette recherche même de la matière-lumière le sujet de leur quête, et donc le sujet réel de l’œuvre, en suggérant que l’on touche là à l’essentiel. Nous sommes ici au coeur de l’Histoire, celle qui va du magma initial aux motifs les plus prégnants de la Nature, en particulier ces nombreuses évocations d’arbres frémissants, traits d’union reliant ciel et terre, dans une verticalité essentielle, dont les reflets dans l’eau soulignent la complétude autant qu’ils la fragilisent, prévenant ainsi toute certitude mystique. Triptyques / Triades / Trinités : troisième étape de cette sublime quête artistique, les œuvres rassemblées sous le titre Matière-Lumière travaillent à leur tour notre sens confus, élémentaire, de cette histoire «primordiale», en évoquant cette fois quelques traces de notre inscription humaine. Tour à tour vitrail, tapisserie, tapis d’Orient, manteau royal ou chasuble, chatoiements de teintes pourpres et noires, les voiles de lumière d’Evi Keller, dans leur émoi vital, convoquent les réminiscences les plus confuses, les plus affolantes et sans doute les plus oniriques de notre imaginaire, en triades constellées : Cluny, Holbein, Aubusson ; les palais persans, le Palais des Doges et celui des Papes ; la dague, l’anneau, le cachot ; la jugulaire, l’alchimie, la tombe ; l’éclosion, l’éclat, l’éclipse—la lumière noire. Et si les chatoiements laissent apparaître fugacement des lapis, des safrans, des rubis, des argents, on n’échappe pas longtemps à l’effet du triptyque chromatique essentiel, organique, par lequel Evi Keller travaille la « matière-lumière » et tente de donner forme au lien indissociable entre les deux : le rouge, l’or et le noir. En faisant dialoguer ces trois couleurs les plus denses en infinies variations sans cesse renouvelées, Evi Keller place son entreprise sous le triple signe du sang, de la lumière et de la mort. Car ce qui donne vie et mort à la matière, c’est bien la lumière, sans laquelle elle restera inerte. C’est bien là le travail vital de l’artiste et du poète, sans qui, jamais, nous ne pourrions nous rendre à cette « évidence ». Frédéric Ogée, exposition «Matière-Lumière», Galerie Jeanne Bucher Jaeger, 2015. (...) La nuit est noire et avancée. Il n’y a plus guère de queue pour entrer à l’église Saint-Etienne-du-Mont, place Sainte-Geneviève. La nef elle-même est plongée dans la pénombre. Une lumière tout au fond du transept lui donne une profondeur moyenâgeuse. Sur un écran géant disposé en son chœur, et prolongé sur les dalles centenaires par une bâche plastique, se déploient les visions minérales d’Evi Keller. Le lieu est propice à la mystique, ces images mouvantes ne le sont pas moins. Un Turner qui aurait manié la vidéo. Où bien est-ce nos yeux qui, hallucinés de sommeil, exacerbent la beauté spectrale de ces eaux, de ces ombres d’arbres, de cette lune, de ces déchirures de flocons ? Le plus étonné semble encore Samson, fils de Manoach, vainqueur des Philistins, qui, de sa force extraordinaire, porte pour l’heure l’énorme chaire en bois massif de l’église. Son regard insondable semble donner à tout ça, un sens inattendu : Une nuit blanche comme un défi à la nuit noire du temps. L’aube ne tardera plus. Laurent Carpentier, Le Monde. Nuit Blanche, 4 Octobre 2014, Paris. «Une nuit blanche à marquer d’un coup d’aérosol» Installation Matière-Lumière [Towards the Light - silent transformations], Nuit Blanche, 2014. © Evi Keller Matière-Lumière [Towards the Light - silent transformations], 2010, série de 19 photographies. © Evi Keller MATIÈRE-LUMIÈRE [TOWARDS THE LIGHT - silent transformations] Exposition «CONNECTED», Centrale for contemporary art, Bruxelles, Belgique, 24.03.2016 - 28.08.2016 Extraits d’un interview de l’artiste (...) La vidéo «Towards the Light - silent transformations», berceau véritable des Matière-Lumière, est née de ma fusion avec la Lumière qui dialogue avec l’eau, en change les états qui eux mêmes transforment la lumière par des réflexions multiples. Elle nous connecte à la vibration de la nuit, symbole de l’invisible, dans un univers mystérieux, qui se dévoile par les rayons d’un soleil immergé, émissaire de galaxies lointaines. C’est une rencontre de la forme et la nature des «choses», du visible et de l’invisible, du manifesté et du mystère. (...) Cette rencontre de plusieurs années avec des lacs gelés en transformation, similaire à la traversée du miroir, m’a habitée et guidée de façon naturelle vers le cellophane. Artefact par essence contemporain, il renvoie le spectateur à l’Anthropocène. Le cellophane, matériau magique par sa fusion avec les matières qu’il recouvre, les couvrant de lumière, les transmutant, en un tout que je nomme «Matière-Lumière». On transfigure ainsi un produit jetable, utilisé de façon privilégiée comme protection et conservation dans la vie courante, en un bouclier de lumière, protection universelle participant au processus de création. Dans certaines créations Matière-Lumière j’utilise des superpositions d’encres, de pigments et de couches de cellophanes. Ici, l’expérience consiste à transmuter l’œuvre audiovisuelle en sorte de pigments qui se déposent sur le voile. Le voile Matière-Lumière ajoute en fait à l’œuvre projetée une infinité de regards possibles par la réflexion/réfraction de la lumière et, par sa géométrie singulière, comme sculpture unique, donne la signature de l’instant. Le phénomène est proche du pelliculage du film argentique photographique qui se transcrit dans les couches translucides des voiles MatièreLumière et également dans la superposition des captures photographiques de la vidéo «Towards the Light - silent transformations». (...) Dans un temps classique, «Towards the Light - silent transformations», fusionnant la photographie et la peinture a précédé l’éclosion des Matière-Lumière. En fait les liens entre «Towards the Light silent transformations» et les Matière-Lumière s’inscrivent plutôt dans des aller-retours entre elles, sorte de temps en spirale portant des transformations successives. (...) L’expérience du noir est consubstantielle à l’œuvre, conservant l’intéraction intime entre celle-ci, l’individu et la lumière. [vidéo: streaming version] http://www.evikeller.com/html/ek-ml-ttl.mp4 [vidéo: download version] http://www.evikeller.com/html/ek-ml-ttl.zip Portrait de l’artiste, Centrale for contemporary art, Bruxelles, 2016. « Osiris soleil de nuit » Extrait du poème de Zéno Bianu dédié à Evi Keller Osiris remonte vers la surface il écoute l’eau couler à travers son corps il va de l’outre-naissance à l’outre-mort dans le poème perpétuel de la vie inévitable Osiris remonte en ressac cadencé à l’écoute des pulsations émises par son étoile quel temps fait il en eau profonde c’est une apnée de diamant ( ... ) Projection de l’œuvre audiovisuelle Matière-Lumière [Towards the Light - silent transformations] sur un voile Matière-Lumière. Au sol figure un autre voile Matière-Lumière, noir charbon, survivant du feu, phénix renaissant de ses cendres. La vidéo a été acquise par la Maison Européenne de la Photographie. Exposition «Matière-Lumière», Galerie Jeanne Bucher Jaeger, Paris, 2015. http://evikeller.com/html/ek-ml-ttl-20160704.pdf Exposition «Matière-Lumière [Towards the Light - silent transformations]», Maison Européenne de la Photographie, Paris, 2015. © Evi Keller Matière-Lumière [Towards the Light - silent transformations], 2010, série de 19 photographies. © Evi Keller Vues rapprochées de voiles Matière-Lumière. Ces empreintes photographiques ne sont pas réalisées à partir du monde réel comme dans «Towards the Light - silent transformations» où l’œuvre transforme le monde en un univers imaginaire. Ici, accompagnant un rêve au plus profond de la création «Matière-Lumière», elles font naitre des matières multiples, bien réelles, créées par la lumière. Dans les paysages de l’œuvre, la matière devient forme, la forme devient matière. http://evikeller.com/html/ek-ml-empreintes.pdf Matière-Lumière, sans titre, détails. © Evi Keller Matière-Lumière, sans titre, détail. © Evi Keller Matière-Lumière, sans titre, détails. © Evi Keller (...) Je souhaiterai aborder à présent la question difficile de la présentation en plans fixes des MatièreLumière alors que les lumières changeantes créent des œuvres multiples. Pour cela, j’ai choisi de présenter une œuvre documentaire qui illustre comment les variations de lumière modifient la perception de l’œuvre et in fine la créent. Dans cette vidéo, le mouvement du voile crée une lumière complexe dont la direction des rayons réfléchis varie de place en place, jouant une partition qui fait de Matière-Lumière une infinité d’œuvres. [vidéo: streaming version] http://www.evikeller.com/html/ek-ml-hk.mp4 [vidéo: download version] http://www.evikeller.com/html/ek-ml-hk.zip Extraits de la conférence « LA MATIÈRE AU-DELÀ DU VISIBLE: JEAN DUBUFFET / EVI KELLER », Musée des Arts Décoratifs, Paris, Juin 2016. L’artiste devant Matière-Lumière, sans titre, ML-V-15-0921, 2015, 400 cm x 1160 cm. Matière-Lumière, sans titre, détail. © Evi Keller Matière-Lumière, sans titre, ML-V-16-0205, 2016, 300 cm x 930 cm. Expositon «Question de peinture», Galerie Jeanne Bucher Jaeger, Paris, 2016. Matière-Lumière, sans titre, détail. © Evi Keller Matière-Lumière, sans titre, ML-V-14-0910, 2014, 134 cm x 224 cm. Expositon «Matière-Lumière», Galerie Jeanne Bucher Jaeger, Paris, 2015. Matière-Lumière, sans titre, détail. © Evi Keller Lorsqu’un voile est plus ou moins transparent, la projection de la lumière permet une vision quasi cosmique par sa projection sur le mur en transparence. Le mouvement du voile, la lumière changeante, font émerger des galaxies lointaines, les sortant de leur sommeil. Extraits de la conférence « LA MATIÈRE AU-DELÀ DU VISIBLE: JEAN DUBUFFET / EVI KELLER », Musée des Arts Décoratifs, Paris, Juin 2016. Matière-Lumière, sans titre, ML-V-14-0621, 2014, 360 cm x 423 cm. Exposition «Matière-Lumière», Galerie Jeanne Bucher Jaeger, Paris, 2015. Matière-Lumière, sans titre, ML-V-13-0707, 2013, 134 cm x 224 cm x 10 cm, Socle : 40 cm x 225 cm x 25 cm Expositon «Le contemporain dessiné», Musée des Arts décoratifs, Paris, 2016. © Evi Keller Matière-Lumière, sans titre, détail. © Evi Keller Matière-Lumière, sans titre, ML-V-13-0504, 2013, 230 cm x 320 cm. Expositon «Matière-Lumière», Galerie Jeanne Bucher Jaeger, Paris, 2015. Matière-Lumière, sans titre, ML-V-14-0120, 2014, 133 cm x 73 cm. Matière-Lumière, sans titre, détail. © Evi Keller Expositon «Matière-Lumière», Galerie Jeanne Bucher Jaeger, Paris, 2015. EVI KELLER, LA PHOTOGRAPHE QUI MÉTAMORPHOSE LA LUMIÈRE Agathe Lautréamont , Exponaute / Entrer dans l’œuvre, 4 juillet 2016 Extrait de l’article Imaginez une artiste, qui aurait décidé de coupler plusieurs approches artistiques à son monde intérieur, fait de contemplation, de songes et de mysticisme. Vous obtiendrez une tentative de description du travail d’Evi Keller, créatrice qui n’a qu’un seul rêve : divulguer tous les secrets de la lumière via sa pratique, onirique et délicate, de la photographie. Découverte d’une œuvre époustouflante entre peinture, gravure et tirages argentiques… Matière-Lumière. C’est là le titre qu’Evi Keller donne à son travail photographique. Un nom qui sonne comme un oxymore, puisque la lumière n’est précisément pas de la matière, mais un simple transport d’énergie. Par le seul pouvoir de son imaginaire, l’artiste d’origine allemande (mais installée depuis 1994 à Paris) peut-elle parvenir à transcender ces bornes scientifiques, pour obtenir une nouvelle approche artistique ? On a envie d’y croire, tant le travail photographique qu’elle livre a ce pouvoir, presque magique, de bouleverser nos sens et nous amener à nous poser sincèrement la question : que voit-on ? L’artiste, qui est représentée par la galerie Jeanne Bucher Jaeger et dont le travail a été mis à l’honneur à la Maison Européenne de la Photographie ou à l’Abbaye d’Auberive, n’aime rien de moins que solliciter notre sens de la vue, perturber notre perception de l’espace, pour nous faire pénétrer dans un autre monde : le sien, où plus rien n’est certain. Dans ses photographies au parfum d’irréel, Evi Keller nous place en suspens, face à une œuvre que l’on peine de prime abord à définir. S’agit-il d’une œuvre abstraite exécutée sur un support de cuivre ? Est-ce plutôt une gravure ? Une peinture à l’huile peut-être, fourmillant de détails ? Rien de tout cela. Le secret de l’artiste réside dans le choix original de ses sujets, et de sa façon plus surprenante encore de les traiter. Équipée de son appareil photo argentique, Keller s’aventure tout au bord de ruisseaux, lacs et étangs, en plein cœur de l’hiver. Puis, elle dirige son objectif sur l’eau figée dans la glace, afin de saisir le reflet du paysage au-dessus d’elle dans le givre. Le résultat offre une structure inversée, dans une composition morcelée faite comme de mille éclats de cristal, le tout représenté dans des tons sépia. On peut y voir une glace brisée par un poing rageur ou une métaphore des rides qui recouvrent peu à peu les visages, au fil du temps tandis que le reste du monde, lui, demeure immuable autour de nous, indifférent à nos tragédies. Evi Keller est véritablement fascinée par ces jeux d’ombre et de lumière que l’argentique révèle avec sensibilité. Elle bâtit autour de ce jeu de perception un monde empreint de beaucoup de mystère et de charme, pour un univers qui nous pousse à l’introspection. On glisse dans une rêverie en même temps que l’on cherche à détailler les branches d’un arbre nu, ou à définir où se termine la glace et où commence la surface de l’eau. La série de compositions Matière-Lumière associe vérité et fantasme, matière et immatériel. Dans ses photographies, Evi Keller cherche à rendre compte de sa passion dévorante pour la nature. Elle est de ses artistes qui se sentent profondément attachés à la terre, au minéral, au végétal, aux déchaînements comme aux délicatesses des parties de ce monde qui sont encore préservées des folies destructrices humaines. (…) Tout le tour de passe-passe résulte dans la bouleversante gestion de la lumière par l’artiste. Elle s’en imprègne, elle prend le temps de laisser filer les heures afin de voir comment la lumière du jour interagit avec la glace, pour mieux composer la photo qui révélera un autre monde, chimérique et instable, dans lequel on a envie de plonger. Notre imagination ne tarde pas à se mettre en branle et comme invités par le talent d’Evi Keller, on se met à voir au-delà de ce qui est montré. (…) Matière-Lumière [Towards the Light - silent transformations], série de 19 photographies. Exposition «Courbet et la nature. Regards croisés». Centre d’art contemporain Abbaye Auberive, 2016. © Evi Keller Matière-Lumière [Towards the Light - silent transformations], série de 19 photographies. Exposition «Courbet et la nature. Regards croisés», Centre d’art contemporain Abbaye Auberive, 2016. © Evi Keller Installation Matière-Lumière, Yia Art Fair, Hors Les Murs, Paris, 2014. Matière-Lumière, sans titre, ML-V-14-1004, 2014, 850 cm x 850 cm, Evi Keller dans son atelier, Paris, 2014. Matière-Lumière, sans titre, ML-V-13-0504, 2013, 230 cm x 320 cm, détail. Exposition «Quinte-Essence», Galerie Jeanne Bucher Jaeger, 2015. Matière-Lumière, sans titre, ML-SC-13-0321, 2013, sculpture, 150 cm de hauteur. Une fois la substance brute réduite à son essence, elle devient le matériau de notre propre création... Matière-Lumière, sans titre, ML-V-15-0921, 2015, détail © Evi Keller Matière-Lumière, sans titre, ML‐V‐15‐0502, 2015 Une création Matière-Lumière, est installée par l’artiste dans un processus de fusion de l’œuvre et d’un arbre centenaire, arbre de vie, nous reliant à la lumière, au ciel et à la terre. Animée et habitée par la lumière et le vent, l’installation nous invite à s’y immerger et à poursuivre le processus de création confié par l’artiste aux quatre éléments de la Nature. (...) Matière-Lumière, née de la Nature, cette installation incarne pour l’artiste un don vital à sa source initiatique d’inspiration. Ainsi s’unissent le reel et l’imaginaire, les mondes extérieurs et intérieurs jusqu’à la dissolution de la matière et du temps. [vidéo: streaming version] http://www.evikeller.com/html/ek-sevres-outdoors.mp4 [vidéo: download version] http://www.evikeller.com/html/ek-sevres-outdoors.zip « SÈVRES OUTDOORS 2016 », Cité de la Céramique Matière-Lumière, sans titre, ML-V-15-0502, 2015, 430 cm x 420 cm, Sèvres Outdoors 2016. L’artiste devant Matière-Lumière, sans titre, ML-V-15-0502, 2015, 430 cm x 420 cm, Sèvres Outdoors 2016. Matière-Lumière, sans titre, ML-V-15-0502, 2015, 430 cm x 420 cm, Sèvres Outdoors 2016. © Evi Keller EXPOSITIONS / EVENEMENTS / 2014 - 2016 2014 2016 NUIT BLANCHE Saint Etienne du Mont, octobre 2014, Paris http://www.evikeller.com/html/ek-ml-ttl.mp4 QUESTION DE PEINTURE Galerie Jeanne Bucher Jaeger, exposition collective, 13 février 2016 - 16 avril 2016, Paris http://evikeller.com/html/question-de-peinture-2016-fr.pdf YIA ART FAIR HORS LES MURS Saint Denys du Saint Sacrement, octobre 2014, Paris ART DUBAI 2016 Galerie Jeanne Bucher Jaeger, stand D4 / Johara Ballroom 16 mars 2016 - 19 mars 2016, Dubai, Émirats arabes unis 2015 ART DUBAI 2015 Galerie Jeanne Bucher Jaeger, stand D4 / Johara Ballroom 18 mars 2015 - 21 mars 2015, Dubai, Émirats arabes unis ART BRUSSELS 2015 Galerie Jeanne Bucher Jaeger, stand 1B-21, Hall 1 24 avril - 27 avril 2015, Bruxelles, Belgique CHOICES COLLECTORS WEEKEND Ecole Nationale des Beaux Arts, exposition collective, 29 mai 2015 - 31 mai 2015, Paris MATIERE-LUMIERE Galerie Jeanne Bucher Jaeger, exposition personnelle, 30 mai 2015 - 27 septembre 2015, Paris http://evikeller.com/html/ek-ml-exposition.pdf JOSEPH MALLORD WILLIAM TURNER / EVI KELLER Cycle de conférences «Les Lumières de la Vie» Université Paris Diderot, septembre 2015, Paris YIA ART FAIR HORS LES MURS Maison Européenne de la Photographie, 9 septembre 2015 - 31 octobre 2015, Paris http://www.mep-fr.org/evenement/matiere-lumiere/ FIAC 2015 Galerie Jeanne Bucher Jaeger, stand E36 / Grand Palais 22 octobre 2015 - 25 octobre 2015, Paris QUINTE-ESSENCE Galerie Jeanne Bucher Jaeger, exposition collective, 17 octobre 2015 - 30 janvier 2016, Paris http://evikeller.com/html/quinte-essence-2015-fr.pdf LE CONTEMPORAIN DESSINÉ, Drawing Now Paris Hors Les Murs Musée des Arts Décoratifs, exposition collective, 17 mars 2016 - 26 juin 2016, Paris http://evikeller.com/html/le-contemporain-dessine-2016-cp.pdf CONNECTED Centrale for contemporary art, exposition collective, 24 mars 2016 - 28 août 2016, Bruxelles, Belgique http://www.centrale.brussels/expos/connected/ COURBET ET LA NATURE. REGARDS CROISÉS Centre d’art contemporain Abbaye Auberive, exposition collective, 5 juin 2016 - 25 septembre 2016, Auberive, France http://evikeller.com/html/ek-ml-ttl-20160704.pdf LA MATIÈRE AU-DELÀ DU VISIBLE: JEAN DUBUFFET/EVI KELLER Musée des Arts Décoratifs, conférence, 16 juin 2016, Paris http://evikeller.com/html/ek-conference-jd-ek-2016-cp.pdf SÈVRES OUTDOORS 2016 Jardins de la Cité de la céramique à Sèvres, exposition collective, 10 juin 2016 - 23 octobre 2016, Sèvres, France http://evikeller.com/html/ek-sevres-outdoors-2016-cp.pdf FIAC 2016 Galerie Jeanne Bucher Jaeger, stand O.E34 / Grand Palais 20 octobre 2016 - 23 octobre 2016, Paris http://www.fiac.com/fr/Paris/Galerie/Jeanne+Bucher+Jaeger-1092 BIOGRAPHIE Evi Keller est née en 1968 à Bad Kissingen, Allemagne. Après des études d’histoire de l’art, de photographie et de graphisme à Munich dans les années 90, Evi Keller s’installe à Paris en travaillant en tant que photographe. L’artiste crée son atelier en 2000 et depuis lors, se consacre exclusivement à son art, collaborant régulièrement avec des danseurs et des musiciens contemporains. En 2001 elle débute le cycle d’installations The Worlds In Between qui présente un voyage initiatique dans le monde des éléments en devenir. Les empreintes de l’instant [sculptures, photographies, vidéos, sons et peintures] témoignent d’un processus de transformation qui s’incarne et se transfigure progressivement dans des installations que l’artiste désigne espaces de transition. Lors du passage dans ces espaces vers la dissolution du temps, une conception dynamique de la métamorphose se dévoile et donne matière à des expériences abstraites dégagées du quotidien et du réel. The Worlds In Between révèle un devenir en perpetuelle évolution où les aspects visibles semblent respirer et ne sont jamais immobiles. L’œuvre évolue à travers ses expériences vécues. Dans la transformation des formes naissent d’autres vibrations. Ses créations actuelles, qu’elle nomme Matière-Lumière, sont l’accomplissement de ce premier cycle et annoncent le début d’une nouvelle forme d’art. Née de la Nature, Matière-Lumière cristallise des approches artistiques comme la photographie, la peinture, la sculpture et la création audiovisuelle, explicitant, entre autres, leur fusion et leurs rapports avec la lumière. Œuvres contemporaines et universelles, elles n’ont ni références, ni appartenance et émergent à présent tout naturellement de ce voyage. Son être s’y reflète, ouvrant un nouveau cycle de création. Matière-Lumière sont des œuvres multiples et changeantes, partitions interprétées par la lumière, tels des voiles flottant hors cadres, elles se libérent de l’espace et de leur environnement de création. Une transformation par un processus alchimique fait apparaitre les paysages explosifs et volcaniques d’un monde lointain et mysterieux, où s’amplifie et vibre la lumière. Regarder ses œuvres, c’est débuter un voyage entre l’intérieur et l’extérieur, entre infiniment petit et infiniment grand. C’est habiter un monde où chemine la lumière traversant de multiples couches de surfaces réfléchissantes jusqu’à une abstraction qui concentre et distille toutes les expériences vécues pour trouver l’équilibre dans un déséquilibre. C’est aussi recevoir une lumière manifestée par ses formes multiples dans un présent qui inclut tout passé et tout futur ... C’est enfin la voir, réfléchie, réfractée par des mondes opaques, translucides, dématérialisant l’espace et nous révélant au plus profond de nous-même. Matière-Lumière a été devoilée lors de la Nuit Blanche 2014 ainsi qu’au Hors les Murs de la YIA Art Fair en 2014. L’œuvre d’Evi Keller est représentée par la Galerie Jeanne Bucher Jaeger. Une exposition personnelle Evi Keller / Matière-Lumière a été organisée dans son espace du Marais du 30 Mai 2015 jusqu’ au 27 septembre 2015. La Maison Européenne de la Photographie a présenté la même année les photographies et l’œuvre audiovisuelle Matière-Lumière [Towards the light - silent transformations], l’œuvre a intégré la collection d’art vidéo de l’institution en mai 2016. Une installation Matière-Lumière a été également présentée à la Centrale for contemporary art à Bruxelles (mars-août 2016) et au Musée des Arts Décoratifs (mars-juin 2016) où a eu lieu une conférence autour de la matière au-delà du visible dans les œuvres de Jean Dubuffet et Evi Keller. Une œuvre Matière-Lumière monumentale est actuellement installée dans le cadre de Sèvres Outdoors à la Cité de la céramique (juin-octobre 2016).