Le pneu fait sa révolution en roulant sur la Toile

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Le pneu fait sa révolution en roulant sur la Toile
Le pneu fait sa révolution
en roulant sur la Toile
Philippe Doucet
09/04/2009 | Mise à jour : 11:06
Face à la distribution classique du pneu, Internet agit comme un comparateur de prix. Le consommateur peut aussi saisir au vol des promotions. (DR)
Le commerce du pneumatique est mis à mal par Internet, qui remet en question la distribution traditionnelle, opaque et anarchique.
Le vainqueur, pour une fois, est l'automobiliste.
N'allons pas par quatre chemins : la véritable raison de l'explosion des tarifs des pneus que chaque automobiliste a constatée est l'anarchie et l'opacité de sa distribution. L'augmentation constante de la taille des enveloppes est un prétexte dont elle essaie de tirer parti. Certes, la grande CX de
Citroën chaussait des gommes de moins de 20 cm de large, pointure aujourd'hui devenue modeste pour certaines autos moyennes. Fatalement,
cette course à la taille se paie, mais l'arbre manque de feuillage pour cacher la forêt.
Après s'être livrée à une enquête téléphonique auprès de nombreux revendeurs traditionnels de pneumatiques, une société de conseil nous a fait
part de son étonnement face aux écarts de prix qu'elle avait constatés. En prenant pour référence les prix proposés par un site Internet
particulièrement compétitif, nous avons ainsi observé, sur une enveloppe de dimension courante (205/40 R 17), une différence allant de - 14 % à 228 % par rapport à la distribution classique. Et cela parfois à l'intérieur d'une même enseigne, d'un point de vente à un autre !
De tels écarts témoignent d'une foire d'empoigne dont le consommateur a longtemps été la victime. Le voilà désormais en meilleure posture grâce à
Internet. Mais il aura fallu pour cela que le géant Michelin lui-même finisse, devant l'ampleur du phénomène, par accorder sa confiance à la vente en
ligne. Il l'a fait à l'été 2008 en Espagne, puis à l'automne en France, en lançant popgom.fr, s'associant pour un tiers, et à égalité, avec
MisterGoodDeal, un acteur d'importance du commerce sur la Toile.
Rester vigilant à la pose
Acheter via Internet demeure néanmoins une vente à distance, et le consommateur est en droit de se poser des questions. Comment être sûr de la
qualité d'un élément qui est un produit de sécurité, et comment, une fois les gommes acquises, les faire monter sur les jantes de son véhicule ? Pour
le montage, les sites recommandent des listes de professionnels, lesquels sont en général heureux d'accueillir cette nouvelle clientèle apportée par le
Net. Ils pourront lui proposer de l'entretien classique, tel le remplacement de plaquettes de freins, d'échappements ou des vidanges. «Nous sommes
en symbiose avec les garages, il s'agit d'un schéma gagnant-gagnant », assure Rainer Binder, le président de Delticom (123pneus.com), l'un des
poids lourds du secteur.
Le consommateur devra toutefois veiller à ce que les prix convenus derrière le clavier soient respectés par le professionnel une fois l'auto sur le cric.
Le tarif convenu ne doit pas être dépassé au motif qu'«il y a encore un petit quelque chose à changer ». Certains sites proposent un package pneu et
montage. Il faudra enfin s'assurer de la compétence du monteur, en particulier s'il s'agit d'un runflat, type d'enveloppe qui permet de continuer sa
route après une crevaison.
Mais nous le savons tous, la Toile n'est pas - encore - un modèle total de transparence et d'honnêteté, et la prudence demeure de mise. Certains
sites livrent encore du second choix, réimportent des enveloppes des États-Unis ayant échappé au contrôle européen, ou encore proposent tout
simplement des produits de mauvaise qualité, comme ces pneus asiatiques si mal fabriqués qu'ils étaient impossibles à équilibrer. «Ces loupés
demeurent marginaux », relativise Pierre Guirard, directeur commercial de Continental France jusqu'au début de l'année et patron du nouveau site
pneu-wyz.com. Notre conseil : fuyez les marques inconnues et très bon marché.
«Le pneu reste un produit technique. En tant que tel, il doit être accompagné par une forte dose de service» , enchaîne ce professionnel.
Commander une enveloppe sur Internet reste encore un peu compliqué : il faut indiquer une dimension précise, un indice de vitesse et parfois de
charge, toutes mentions figurant sur les flancs du pneu à changer. «De quoi rebuter une clientèle - en particulier féminine - qui cherche à se
sécuriser», estime-t-il. Il reste sans doute là quelques progrès à accomplir.
Formules low-cost
Outre sa fonction de comparateur de prix, Internet permet aussi aux internautes un peu futés d'autres gains supplémentaires. Par exemple, comme
pour les voyages ou l'électronique, de saisir au vol des promotions.
Le virtuel est une fois de plus en train d'agir sur le réel. Voici la cascade de marges et la routine, dont la distribution automobile était coutumière,
remises en question. Ce mouvement n'a rien à voir dans sa force et son amplitude avec celui qui l'avait touchée lorsque des centres dédiés à la
voiture s'étaient installés non loin des parkings des hypermarchés. Net oblige, ceux-ci mettent maintenant en place des formules low-cost !
Ce rapprochement du fournisseur et du client est une des caractéristiques de l'e-business. Son impact est si fort dans le domaine du pneumatique
que l'on peut même imaginer un phénomène d'outsourcing du côté des professionnels. De peur d'être ringardisé par la vitrine électronique, les
garages traditionnels pourraient bien être tentés de passer eux aussi en direct par la Toile. Elle représente aussi une ouverture vers le grand public
pour des monteurs très qualifiés travaillant pour les mondes agraires ou industriels.
Un marché qui intéresse aussi l'entreprise
09/04/2009 | Mise à jour : 11:02
L'achat de pneus via Internet pourrait bien intéresser également l'entreprise. Ainsi, beaucoup de loueurs longue durée d'autos incluent l'entretien
dans leurs contrats. Déchargées de ce souci, les entreprises paient le remplacement des pneus au prix fort.
Le responsable d'un site spécialisé nous a confié avoir fait une proposition de 240 000 € pour le maintien en état, chaque année, des pneus des
1 300 voitures d'une grande société. Or, cette prestation est facturée actuellement 400 000 € par le loueur gérant son parc. «Et encore, précise le
patron de ce site, nous n'avons pas proposé de passer sur des marques moins connues que celles qui ont été retenues par cette société de location,
ce qui aurait permis une nouvelle économie de 5 à 10 %.»