petite histoire des jouets

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petite histoire des jouets
PETITE HISTOIRE DES JOUETS
Jeanne Damamme
C e t e x t e e s t e x t r a i t d e l ' o u v r a g e M é m o i r e s d e J o u e t s , pu bl i é pa r l e s éditions Hatier.
Les jouets présentés font partie de la collection du Musée du Jouet à Poissy.
Jeanne Damamme est conservateur du Musée du jouet de Poissy (78). Ce musée municipal,
ouvert en 1974s avec une centaine de jouets, conserve aujourd'hui plus de dix mille objets, jeux
et jouets d'enfants, mais aussi des albums, des livres et des chromos. Jeanne.Damamme y a
organisé de nombreuses expositions, illustrant la richesse et l'universalité du sujet.
Elle oriente actuellement ses recherches vers l'image de l'enfant avec ses jouets, dans la
peinture et la photographie. Elle a entrepris en outre, de développer les collections
antérieures au XIXe siècle en acquérant des objets des XVIle et XVIlle siècle.
Musée du jouet de Poissy
1 Enclos de l'Abbaye, Poissy (78) - Tél. : 01 39 65 06 06
Ouvert tous les jours (sauf lundi et fêtes)
de 9h30 à 12h et de 14h à 17h30
On n'a pas trace des jouets de l'époque préhistorique, mais nombreux sont les vestiges des
jouets des enfants de la Grèce classique, de Rome et de l'Égypte, surtout des poupées d'ivoire
et d'os articulés aux épaules, aux genoux, ou des poupées de chiffon, déjà, que l'on retrouve,
presque identiques et fabriquées selon un modèle très ancien, dans les banlieues du Caire
aujourd'hui.
Dans les tombes d'enfants de l'Antiquité se retrouvent aussi des dînettes en terre, des petits
animaux - tigre, cheval, chat - modelés dans l'argile ou taillés dans le bois, représentations
miniatures d'un monde animal proche de l'enfance. Enterrés avec l'enfant, ses jouets
l'accompagnent dans l'au-delà. En cela même ils acquièrent une fonction religieuse. Mais leur
appartenance au domaine du jouet est attestée par l'existence, en Grèce, à Rome, d'un artisanat
et d'un corps de métier, les coroplastes d'Athènes et de Corinthe, dont les poupées de terre
cuite étaient exportées jusqu'en mer Noire et en Afrique. Ces jouets faisaient donc l'objet d'un
commerce sur tout le pourtour méditerranéen.
Les jouets du Moyen Âge ont été moins bien conservés que ceux de l'Antiquité. Pourtant, c'est
à cette époque, qu'en Europe, s'est constitué un véritable artisanat du jouet. Au XVe siècle, en
Allemagne, des figurines animalières et des poupées de bois sont sculptées et tournées,
dans la région de Sonneberg. Il s'agit là, pour les paysans de cette région, d'une activité
saisonnière et d'appoint « gérée » en aval par les marchands allemands qui écoulent ces jouets
dans les foires de Nuremberg et de Leipzig. Comme pour les poupées de chiffon égyptiennes,
on constate une grande continuité dans la fabrication de ces jouets de bois, encore vendus
dans les marchés de Noël comme des produits de la tradition et du folklore allemands.
En France, des centres de pèlerinage, Saint-Claude dans le Jura, Notre-Dame-de-Liesse dans
l'Aisne, produisent, en même temps que les chapelets et figurines de saints, de petits jouets de
bois tourné pour les enfants des pèlerins. Ces matériaux sont sensibles aux parasites et fragiles
et, même s'ils sont toujours reproduits, les originaux de ces jouets ont, bien souvent, disparu.
Des miniatures en terre du Xllle siècle -dînettes, sifflets... - ont été retrouvées et étudiées, lors
de fouilles urbaines réalisées dans les années 30, à Strasbourg et à Lille. Notre connaissance
des jouets de cette époque vient surtout de la consultation des almanachs, manuels d'hygiène
et livres de comptes royaux qui décrivent et évaluent les jouets, hochets ou poupées vêtues de
soie, commandés pour les petits princes. Jouets de luxe menacés autant que d'autres, plus
modestes, par les matériaux précieux dont ils étaient faits, l'or, le corail, la nacre.
Au XVIe siècle, le peintre flamand Pierre Bruegel l'Ancien, dans une grande oeuvre
conservée aujourd'hui au Musée d'Art et d'Histoire de Vienne, en Autriche, nous décrit une
ville où les enfants-rois s'activent à plus de cent jeux différents pratiqués avec des jouets que
nous connaissons bien : cerceaux, chevaux, moulinets à vent, poupées, toupies, osselets...
Seuls les jouets les plus luxueux, les plus exceptionnels, des XVIIe et XVIIIe siècles sont
parvenus jusqu'à nous. Par exemple les maisons de poupées hollandaises et allemandes, dont
les premières sont plus des chefs-d'œuvre d'ébénisterie et d'orfèvrerie que des jouets: elles
sont habitées par des « poupées de mode » richement habillées, devenues jouets par leur
passage entre les mains des fillettes.
«Poupée triste-. Comment jouer avec cette poupée, lourde,
grande (85cm) et si fragile avec sa tète en biscuit de porcelaine?
Il s'agit d'un bel exemplaire issu de la fabrique d'Émile Jumeau
en 1890, dit «triste-. Dans le landau, un «bébé de caractère»
allemand (1910), ancêtre des baigneurs en celluloïd de l'entredeux guerres.
Au XVIIIe siècle, les jeux se diversifient. L'on apprend en s'amusant : la grammaire, la
morale, la géographie. Chardin, Boucher, entre autres, nous montrent des enfants en plein jeu,
plus naturels, ne posant pas, avec volant, petit cheval ou poupée. La figurine militaire n'est
plus en argent; comme l'armée commandée chez un sculpteur de Nancy pour le dauphin, futur
Louis XIV, mais en étain. On la fond en série, à Nuremberg, qui est déjà le centre européen
du jouet. Tambours, trompettes et poupées sont fabriqués et vendus à grande échelle.
Au XIXe siècle, le jouet devient, progressivement, un produit industriel. À la belle Époque, il
se fabrique par milliers d'exemplaires, dans des usines employant plusieurs centaines
d'ouvriers et d'ouvrières, pour les poupées et les jouets métalliques, qui travaillent à côté
d'ateliers n'employant que quelques personnes, pour les soldats de plomb et les jouets en
papier mâché. L'usage de la pierre lithographique se généralise : les coffrets de jeux de
société, de jeux en planche, de jeux éducatifs, sont vendus en grand nombre. Tous ces jouets
sont moins chers et accessibles à des bourses plus modestes. Mais ce sont encore les enfants
des villes, de la moyenne et petite bourgeoisie, qui les reçoivent en cadeau. Même un enfant
riche ne reçoit qu'exceptionnellement un beau jouet. Marguerite de Rosbourg, cousine des
Petites filles modèles, joue des après-midi entières avec la poupée de cire gagnée à la loterie
organisée par sa mère. Les enfants se consacrent à des « jeux tranquilles », à l'intérieur, ou
« gracieux », à l'extérieur. Aux garçons les jeux de force, et du jardin ! Mais, la vie reprenant
le dessus et les enfants étant turbulents par essence, si le jouet venait à se casser, on le
réparait, et cela plusieurs fois...
Le commerce des jouets change. Dans les villes, on les vend dans les grands magasins; des
camelots les proposent, pendant le mois des étrennes, en décembre, sur les trottoirs des grands
boulevards. En province, on les trouve dans les bazars. Au début du XXe siècle, Noël est déjà
une fête importante, fête sociale et familiale, celle des enfants et des jouets.
Ours Steiff
Affiche du magasin du Louvre
Les grandes inventions donnent lieu à des jouets spécifiques : locomotion à vapeur
cinématographe, enregistrement du son, animation de l'image... Pour vendre plus et mieux, les
artisans se transforment en inventeurs, ils déposent et achètent des brevets. La concurrence les
stimule. Des dynasties se constituent, dont quelques-unes subsistent : Steiff, le Jouet de Paris,
Hornby, Jumeau, Marklin.
Au début du XXe siècle se créent les premières collections privées de jouets. Celles
d'écrivains, de journalistes, de femmes du monde qui, d'abord, s'intéressent aux témoins
anciens de l'enfance : poupées de crèche ou de mode des XVIle et XVIIIe siècles, petits
mobiliers...
Henri-René d'Allemagne, conservateur de la Bibliothèque de l'Arsenal, rassemble, à cette
époque, une collection remarquable, dispersée après sa mort mais heureusement décrite et
analysée dans un ouvrage illustré de gravures publié au début du siècle. Une Société des
amateurs de jeux et jouets anciens regroupant ces personnalités est créée, à Paris, en 1905.
Elle publie un Bulletin bien documenté dont la Première Guerre interrompra la parution.
Ces amateurs et érudits ont donné la preuve de leur curiosité intellectuelle en se rapprochant,
déjà des fabricants. La Chambre syndicale des industriels du jouet était, en effet, représentée
parmi ses fondateurs. Produit industriel, le jouet devient, en cette période où l'Europe se
prépare à la guerre,objet d'un enjeu économique et d'une forte concurrence avec l'Allemagne
dont l'industrie est ancienne. Le jouet n'entre pas encore au musée de façon permanente,
malgré l'existence, dès le début du siècle, d'une collection de poupées habillées par les élèves
des écoles de France au Musée pédagogique, à Paris, noyau du futur Musée d'histoire de
l'Éducation, appartenant au ministère de l'Éducation nationale.
Il n'y trouvera place que plus tard, dans les années 60, à la suite, encore une fois, de la
formation de grandes collections privées, en France, en Allemagne, en Angleterre. C'est le
moment où l'introduction massive de la matière plastique dans la fabrication des jouets en a
radicalement changé les chiffres de production et l'esthétique.
Le jouet devient alors un objet de consommation courante. Il se banalise. On le jette
facilement après usage. C'est à cette époque que les premiers amateurs, puis les historiens et
les conservateurs de musée se sont inquiétés de tous ces objets « d'avant la matière
plastique »: jouets de fer blanc, de bois, de tôle, poupées de porcelaine... C'est l'époque des
premières expositions, à l'Institut pédagogique national, à Paris, en 1961, celle de la fondation
du musée Lydia Bayer, à Nuremberg, en 1967, des expositions sur ce thème au Musée des arts
décoratifs de Paris, puis, un peu plus tard, de la fondation du premier Musée public du jouet
en France, celui de Poissy, en 1974.
Ses collections illustrent un siècle de jouets et jeux d'enfants, de 1850 à 1950, période du
passage à un stade industriel de production de jouets diversifiés, avec beaucoup de nouveautés
et de créations originales.
Le musée de Poissy accueille maintenant les jouets des dernières années de notre siècle. Ainsi
peut-on prendre conscience, au travers de ses collections, non seulement de l'évolution rapide
de la production mais aussi de la pérennité extraordinaire des grands « modèles » : figurines
humaines et animalières, miniatures des moyens de locomotion,jouets d'exercice et de
motricité, modèles réduits des métiers...
Jeanne Damamme
L’épicerie, jouets SAM, 1940
Jeu de quilles bois tourné, 1950

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