Philippe Chevilley, Les Echos, 19 juin 2015
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Philippe Chevilley, Les Echos, 19 juin 2015
LES ECHOS SUPPLEMENT WEEK END Date : 19/20 JUIN 15 Page de l'article : p.7 Journaliste : Philippe Chevilley Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Page 1/1 THÉÂTRE Fines « Trahisons » de ts STAN Sur le plateau nu éclaire aux néons, les vestiges éparts d'une vie conjugale dans les seventies : un lit au fond, une table au milieu, une cuisinière côté cour, un magnéto-stéréo côté jardin et des lampes qui vont s'éclairer d'une mélancolique lumièrejaune au fil des neuf scènes. Au théâtre de la Bastille, le cadre bourgeois de « Trahisons » (1978), pièce emblématique d'Harold Pinter, est explosé par tg STAN. Ramené aux trois personnages de ce vaudeville à rebours - commençant par la fin - le collectif belge crée un espace troublant et mouvant, où se déploient faux semblants et mensonges. La fin de l'amour a des allures de fin du monde. Les illusions dopées à l'alcool échouent lamentablement, tels ces verres vides qui s'accumulent de tableau en tableau au bord de la scène. Cruauté désespérée Jolente de Keersmaeker (la femme), Robby Cleiren (l'amant), Frank Vercruyssen (le mari) ont pris à la gorge le texte de Pinter pour en faire jaillir toute l'ironie noire et la cruauté désespérée. Leur théâtre déglingué (côté décor), distance (côté jeu) rend justice à l'œuvre du prix Nobel, en évitant toute dérive boulevardière. Pas d'effets spectaculaires, pas de délire trash. Leur approche est humble, retenue, presque classique - ne serait-ce leur phrasé décalé, aux airs d'impro. Les trois comédiens respectent avec soin les pauses et silences, ils sont concentrés, appliques, leurs effusions et colères paraissent presque feutrées. Partant de l'implosion du triangle amoureux, on remonte la « love affair » pas à pas, on Tous droits réservés à l'éditeur « Trahisons » d'Harold Pinter. Mise en scène de tg STAN. Paris, Théâtre de la Bastille (OI 43 57 42 14). Jusqu'au 5 juillet. I h 30. Photo Paul De Malsche voit se renouer les fils amoureux, de la dernière caresse aux premières étreintes passionnées. Le tout rythmé par une bande-son d'enfer, un flot de nostalgie - en mineur (« Aguas de Marco »/ Jobim) ou en majeur (« All Along The Watchtower »/Hendrix). L'amour, l'amitié, l'honneur trahis éclatent a la figure du spectateur ; le drame conjugal devient tragi-comédie existentielle, tableau d'une vie pour rien. Un tableau des maîtres tg STAN. —Philippe Chevîlley BASTILLE2 2848634400524