Pourquoi s`embarquent-ils dans de si longues études

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Pourquoi s`embarquent-ils dans de si longues études
Pourquoi s'embarquent-ils dans de si longues études ? - ouest-france.fr
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mercredi 03 octobre 2012
Pourquoi s'embarquent-ils dans de si longues études ?
De gauche à droite. Johan Decelle, 28 ans : « Il y a tellement de micro-organismes à découvrir. » / Jeanne Vauloup, 27 ans : «
La littérature, c'est notre patrimoine. » / David Le Roux, 34 ans : « Il y a tant à faire pour que les hommes se comprennent. »
Ouest-France
Il faut au moins sept ans d'études après le bac pour décrocher un titre de ' docteur ', le plus haut grade de l'université...
Mais pourquoi des étudiants se lancent-ils un tel défi ? Et quel est l'intérêt pour l'ensemble de la société ? Réponse
avec trois jeunes qui ont choisi de plancher dans des domaines aussi variés que la biologie marine, les langues, la
littérature française...
Johan Decelle s'efface pour vous faire entrer dans la bibliothèque du laboratoire de biologie marine, à Roscoff. Des centaines
de livres reliés plein cuir s'alignent sur les rayonnages. On se croirait dans un film américain.
L'étudiant angevin de 28 ans prépare sa thèse sur « un plancton unicellulaire qui vit très loin des côtes, donc loin des
sources de nourriture. Il vit en symbiose avec des micro-algues. Les algues réalisent la photosynthèse avec la
lumière, ce qui donne de l'énergie au plancton ! » Il y a de la passion dans la voix, passion qui le tient depuis longtemps...
« J'ai toujours été fasciné par la mer, le voyage... » Johan a fait « une licence de science, un master de biologie
marine à Paris-VI Pierre et Marie Curie ». Puis une pause de deux ans.
« C'est mal vu, parfois. J'ai trouvé des petits boulots, ici, à Roscoff. En 2011, j'ai embarqué à bord du voilier de
l'expédition Tara. J'ai traversé le Pacifique, entre les îles Galapagos et la Polynésie française. Je faisais des
échantillonnages de plancton. » Il a mûri, rencontré des profs, trouvé son thème d'étude... et a obtenu une bourse de la
Région Bretagne. Il ne roule pas sur l'or mais vit avec l'équivalent d'un smic.
Après ? « Je présente ma thèse en décembre. Dans le jury, il y aura un universitaire américain. J'espère décrocher un
contrat dans un laboratoire à l'étranger. Il y a tellement d'espèces de micro-organismes à découvrir. » Mieux les
connaître ouvrira des champs pour l'alimentation des poissons. Et donc celle des sept milliards de Terriens que nous sommes...
David Le Roux, lui, est inscrit à l'université de Bretagne-Sud, à Lorient. Première surprise en le rencontrant : son âge... « J'ai
34 ans. » Ce n'est pas un âge d'étudiant... mais David a un pied dans la vie active depuis douze ans.
Après son diplôme de traducteur en anglais, espagnol et allemand, obtenu à l'université catholique d'Angers, il s'est installé à
son compte. Il propose ses services de traducteur indépendant à des éditeurs, des sociétés, tout en préparant une thèse sur
« les enjeux de la traduction dans une Europe plurilingue ».
Le sujet n'a rien d'anecdotique. Car l'Europe des 27, dans ses traités, a prévu que « si la loi n'est pas rédigée dans une
langue compréhensible, elle n'est pas applicable ». Comment s'en sortir ? « Si on ne traduit pas, on doit apprendre la
langue dominante », note-t-il.
L'étudiant a observé le système espagnol. « Il y a plusieurs langues officielles. L'État doit traduire ses textes écrits en
castillan, en catalan, en basque... 600 fonctionnaires assurent toutes ces traductions. »
Qu'attend-il de son diplôme ? « Une valorisation de mon parcours et de mes compétences. » Après, il enseignera,
proposera des missions aux États, aux collectivités publiques... Il y a tant à faire pour que les hommes se comprennent.
Exemple : « Après le naufrage du paquebot Costa Concordia, j'aurais bien proposé une étude sur la compréhension
des consignes de sécurité, à bord des navires. »
03/10/2012 10:15
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Jeanne Vauloup, la benjamine, vient de la Sarthe. Elle a 27 ans. Partie pour des études économiques, elle a bifurqué vers les
lettres. Après son master, elle a obtenu son Capes pour être prof de collège ou de lycée. Oui mais non, car « en 1re année de
master, je suis partie à Athènes, dans le cadre d'Erasmus ». Au retour, elle s'est plongée dans les deux récits de voyage en
Grèce de Chateaubriand et d'Edgar Quinet et en a fait le sujet de la thèse qu'elle prépare à Rennes II.
Mais au fait, dans la vraie vie de l'Europe en crise, à quoi ça sert tout ça ? « Quand Chateaubriand va en Grèce, le pays est
encore sous la domination des Turcs. En 1825, il crée un comité pour les droits politiques de l'indépendance grecque.
Cela fait écho à la situation actuelle de ce pays. » Évident. « La littérature, c'est notre patrimoine. Si on ne fait plus de
recherches, on perd nos bases. » Elle le voit déjà : « Au Mexique, les guides des sites touristiques constatent qu'ils ne
reçoivent plus aucun visiteur mexicain. Pareil en Grèce. »
Difficulté majeure sur le chemin d'une thèse ? La solitude. « Aux États-Unis ou au Canada, les étudiants travaillent dans
des laboratoires. Les profs sont présents. » Pas question de lâcher pour autant. Jeanne estime qu'elle le doit à la
collectivité. « Je suis payée avec de l'argent public. » Son doctorat en poche, elle aimerait bien enseigner en fac. Mais les
budgets sont rares. Alors, « beaucoup de doctorants partent aux États-Unis ou au Québec. Là-bas, il y a de l'argent... »
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