LE PASSAGE à L`âGE ADULTE : LES TRAJECTOIRES DES

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LE PASSAGE à L`âGE ADULTE : LES TRAJECTOIRES DES
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La persévérance et la réussite scolaires
résultats de recherche
le passage à l’âge adulte :
les trajectoires des jeunes ayant eu
des problèmes de comportement
chercheure principale
Julie Marcotte
Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
devenir adulte a toujours été une transition importante, pleine de
défis et parfois de rebondissements. Bien que cette étape de la vie soit
porteuse de possibilités nouvelles, elle représente un enjeu sur le plan
développemental qui n’est pas toujours vécu facilement. Devant les défis
inhérents à ce passage, comment les jeunes ayant présenté des difficultés
de comportement au secondaire s’ajustent-ils ? Y a-t-il des différences entre
les trajectoires des garçons et des filles lors de cette période ? Soucieuse de
mieux comprendre cette importante étape de la vie, Julie Marcotte, professeure
en psychoéducation à l’UQTR, a voulu approfondir ces questions. Parmi
les résultats les plus révélateurs de sa recherche, elle a constaté que les
filles ayant eu des problèmes de comportement lors de leurs études secondaires
connaissent un passage à l’âge adulte plus difficile et complexe, avec
davantage de symptômes de dépression et d’anxiété, que les garçons.
Selon la chercheure, même si elles sont moins nombreuses à présenter des
difficultés de comportement pendant leur parcours scolaire, les filles
devraient bénéficier d’une attention soutenue et différenciée.
Devenir adulte : tout un défi!
Les années entre la fin du secondaire et la mi-vingtaine (17-25 ans)
sont une période de possibilités, d’exploration identitaire et de centration
sur des projets de vie personnels. Cette période se caractérise aussi par
une certaine instabilité et, parfois, par un sentiment « d’être entre deux
chaises ». Depuis quelques années, les chercheurs ont aussi constaté que
la vie adulte émergente semblait se prolonger chez plusieurs jeunes comparativement aux générations précédentes.
« Le diplôme d’études secondaires n’est plus suffisant pour obtenir
un emploi, ce qui ralentit désormais la transition à la vie adulte, explique
Julie Marcotte. Aussi, plusieurs jeunes suspendent temporairement leurs
études et y retournent quelques mois ou quelques années plus tard. » La
durée plus longue des études et l’instabilité des parcours éducatifs au
cours de la vie adulte émergente pourraient expliquer en partie le fait que
les jeunes adultes repoussent le moment de prendre en charge des responsabilités financières et familiales. Du coup, les jeunes dépendent plus longtemps du soutien de leurs parents.
« Pour les jeunes à risque, les défis
« Pour les jeunes à
associés à la vie adulte émergente sont dérisque, les défis associés
cuplés », affirme Julie Marcotte. Ceux qui
à la vie adulte émergente
ont présenté des problèmes personnels,
sont décuplés. »
familiaux et sociaux ayant entravé leur
cheminement et leur réussite scolaire sont
particulièrement vulnérables lors de la transition. Plusieurs d’entre eux
proviennent de familles incapables de leur donner du soutien ou qui ne
veulent tout simplement plus les soutenir. Ils atteignent aussi un âge où
les services sociaux et scolaires offerts aux jeunes en difficulté à l’adolescence prennent brusquement fin.
Dans le but de mieux connaître leur trajectoire lors de cette période
critique, Julie Marcotte a exploré l’expérience de 93 jeunes (61 garçons et
32 filles) présentant des problèmes de comportement extériorisés tels que
perçus par les enseignants dans les régions de l’Estrie, de Québec et de TroisRivières. Âgés en moyenne de 17 ans et demi, ils ont été interrogés six ans
après le début de leur secondaire alors qu’ils entraient au collégial. Menée
dans le cadre d’une action concertée sur le thème de la persévérance et de
la réussite scolaires du Fonds québécois de la recherche sur la société et la
culture en collaboration avec le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport,
la recherche s’intéressait particulièrement aux expériences distinctes des
filles et des garçons. Un groupe témoin composé du même nombre de jeunes
a aussi été utilisé afin de comparer les trajectoires d’étudiants sans difficulté.
À l’instar du passage de l’enfance à l’adolescence, des études récentes
ont montré que la transition à la vie adulte est une période au cours de laquelle
les problèmes de santé mentale peuvent augmenter chez les jeunes ayant
connu des difficultés de développement. Les conduites antisociales sont parmi
les problèmes d’adaptation les plus communs vécus par les adolescents.
Continuité et complexité des problèmes
Julie Marcotte a constaté que les jeunes adultes de son échantillon
ayant eu des problèmes de comportement terminent en plus grand nombre
leurs études secondaires aux secteurs jeunes et adultes, alors que ceux n’ayant
pas connu ces difficultés accèdent directement au cégep avec leur diplôme
d’études secondaires complété. « Ce contraste est encore plus frappant chez les
filles, a noté la chercheure. Deux fois plus de filles sans problèmes que de filles
ayant présenté des problèmes de comportement sont inscrites au cégep. »
Une proportion plus grande de garçons aux prises avec des problèmes
de comportement occupe un emploi tout en poursuivant des études comparativement à ceux sans problèmes. De leur côté, les filles sont moins
susceptibles que les garçons de travailler tout en étudiant. « Les filles ayant
des problèmes de comportement bénéficient d’un engagement plus grand
de leurs parents au fil du secondaire comparativement aux garçons, a remarqué Julie Marcotte. Cet engagement plus intensif pourrait se traduire, à
l’âge adulte, par un soutien financier accru. »
« Sur le plan scolaire, les jeunes ayant connu des problèmes de comportement s’ajustent au collège de façon semblable aux jeunes sans difficulté
de comportement », affirme la chercheure. En revanche, leurs comportements
antisociaux perdurent, notamment en ce qui a trait à la consommation de
drogues et d’alcool, l’agression physique et la délinquance.
Sur le plan psychosocial toutefois, un portrait distinct se dégage entre
les garçons et les filles. « Les filles présentent davantage de symptômes
de dépression et d’anxiété, constate Julie Marcotte. Elles s’ajustent plus
difficilement sur le plan émotionnel lorsqu’elles accèdent au collège. » À cela
s’ajoutent, chez elles aussi, les
mêmes comportements antiso« Les filles présentent davantage
ciaux que chez les garçons.
de symptômes de dépression et d’anxiété.
Elles s’ajustent plus difficilement sur le
plan émotionnel lorsqu’elles accèdent
au collège. »
Peut-on parler d’aggravation des problèmes chez les filles ?
« Un fait ressort clairement de
notre étude : les filles présentent
un cumul de symptômes intériorisés et extériorisés, affirme la chercheure. Leur problématique est plus
complexe et distincte que celle des garçons. Lors du passage à l’âge adulte,
les filles semblent plus vulnérables. »
Une attention à déployer
Cette recherche soulève d’importantes questions quant à l’attention
accordée à l’expérience des filles ayant des problèmes de comportement
manifestes lors de leurs études secondaires. « Leur vulnérabilité étant accrue,
il est impératif de planifier des interventions adaptées à leurs besoins »,
précise la chercheure. Cette période du passage à l’âge adulte est particulièrement critique pour les problèmes de santé mentale, l’augmentation
des conduites à risque, la dépression, les grossesses précoces et la transmission intergénérationnelle des conduites agressives.
Les chercheurs en psychologie ont relevé à quel point la vie adulte
émergente représente une chance unique de se développer en dehors des
contextes associés à l’échec. L’inscription dans un milieu scolaire différent,
l’engagement civique, le mariage peuvent constituer des moments décisifs.
Que ce soit au collège, à l’éducation des adultes ou en formation professionnelle, il est possible de mettre en place des interventions significatives,
d’autant plus que cette étape de la vie peut aussi être une rampe de lancement propice à des changements positifs sur le plan développemental.
« Dans cette perspective, il est essentiel d’améliorer les politiques,
les programmes et les interventions qui s’adressent à ce groupe d’âge,
suggère Julie Marcotte. Il convient d’arrimer les services adressés aux
jeunes en difficulté entre le secondaire et le collégial afin de favoriser une
transition positive. »
La chercheure recommande également qu’une formation continue
sur les aspects développementaux des jeunes adultes soit envisagée pour
les intervenants œuvrant auprès de cette population. « Même si elles sont
moins nombreuses que les garçons à manifester des problèmes de comportement, il est impératif de mieux identifier les filles en difficulté au
primaire et au secondaire. Dans une perspective de persévérance et de
réussite scolaires, des interventions différenciées sont à privilégier »,
conclut-elle.
partenaires
Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport
référence
Les différentes trajectoires éducationnelles empruntées à l’émergence
de la vie adulte : identifier les facteurs personnels, sociaux et scolaires dans
une perspective développementale pour mieux comprendre et intervenir,
Julie Marcotte, Université du Québec à Trois-Rivières, 2007, 44 pages.
Une réalisation de :
• Fonds de recherche sur la société et la culture
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• Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport
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