abcdr-du-son

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Nemir
Ailleurs
Si cela fait longtemps qu’il en rit, cela fait
aussi longtemps que Nemir traine ses
guêtres dans le rap hexagonal. Avec le
collectif Unité de Valeur puis en solo,
avec deux gros EP (les Next Level) dans
les bagages, Nemir a du passif et une
discographie en construction. Ces
premiers
tremplins
sont
venus
accompagner une montée en puissante
progressive, une affirmation enrichie par
une occupation grandissante de la
scène. Jusqu’à devenir une figure pas
seulement récurrente… mais marquante. Du Buzz Booster àEnd of the
Weak jusqu’à Can I kick it, Nemir était partout ces deux dernières années pour mieux
prendre à contre-pied l’axe Paris-banlieue parisienne et rappeler son origine
perpignanaise.
La sortie de Ailleurs, son premier dix titres, s’avère donc tout sauf un acte isolé. Elle
vient concrétiser ce travail de fond et révèle un personnage truculent, parfois
nonchalant, avec un sourire quasi-constant même s’il prend parfois des reflets
jaunes. Un mec attachant qui a le recul de celui qui a bourlingué et pris de la
hauteur. Pas porté sur la surenchère, ni dans la violence, ni dans le
misérabilisme, Ailleurs déborde avant tout d’égotrip. Mais en quelques mots, Nemir
dresse par instants des portraits éclairs qui en disent plus long que bien des
engagements éphémères.
"Pendant que les condés se demandent seulement ce qu’ont les vrais jeunes, sous
le manque eux ne pensent qu'à s'enfumer comme des vrais junks, Le mot violence
sur les lèvres, la plupart n'ont pas de vrais guns." ("Wake up")
À l’image du clip de "Wake up", Nemir lève tout voile grisâtre pour dérouler avec
nonchalance un univers ensoleillé et porté par une bande-son qui laisserait divaguer
vers la Californie. Entièrement assurée par le seul En’Zoo, elle ne manque ni de
chaleur, ni de cohérence pour accompagner justement le verbe. Entre boucles
cuivrées, breaks qui claquent et basses imposantes, le méconnu En’Zoo dévoile une
belle palette d’inspirations et d’influences éparses. Le cumul des écoutes renforce un
peu plus cette étrange impression de fusion, voire d’évidence, comme si le duo
Nemir-En’Zoo avait déjà des millions de kilomètres au compteur. La réussite
de Ailleurs tient aussi à cette alchimie qui laisse transparaitre ce sentiment de
facilité.
L’autoproclamé impertinent de Perpignan glisse sans effort apparent avec une
maîtrise de vieux briscard. Maîtrise dans les placements et le phrasé, il étoffe sa
panoplie de rimeur d’une kyrielle de gimmicks bien sentis avec des jeux récurrents
sur les assonances. Et pour achever la démonstration, il joue à volonté avec la
pédale d’accélérateur, étoffant le laid back de quelques montées en pression
impeccables sur des productions synthétiques potentiellement tirées d’un marécage
du Mississipi ("Ratatatat"). Condensé, cohérent tout en étant varié dans les
thématiques et ambiances, Ailleurs flirte avec le quasi sans-faute. Le seul bémol tient
dans les quelques invités venus accompagner son auteur, parfois branchés sur
courant alternatif. S’ils alternent le très haut (Alpha Wann sur "Wake up") et le plutôt
solide (Deen Burbigo sur "Ailleurs"), on touche de très près le tout à fait dispensable
(Gros Mo sur "Ratatatat").
Ni vraie surprise, ni véritable révélation, Ailleurs n’est pas non plus un
aboutissement. Il s’affirme par contre comme une incontestable réussite et un vrai
grand pas en avant pour Nemir. À la fois pour ce qu’il est et confirme, mais aussi
pour ce qu’il laisse présager.
— Nicobbl, 18/01/2013

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