Agrandir ! n°7 - Fédération Nationale des Francas
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Agrandir ! n°7 - Fédération Nationale des Francas
SOMMAIRE F aire du centre de loisirs une vitrine des services éducatifs nécessaires au plan local est évidemment essentiel. Pour autant, il demeure difficile à imaginer de le contenir dans ce seul rôle. Bien souvent l’ambition du projet pédagogique lui-même, l’implication des équipes qui plus est, démontrent que le centre de loisirs ne constitue pas seulement une réponse en terme de service éducatif, mais constitue aussi un réel terrain d’engagement au service de l’éducation des enfants et des adolescents. C’est parce que les Francas considèrent que le centre de loisirs constitue un levier pour faire vivre l’éducation populaire sur un territoire, qu’ils souhaitent l’inscrire comme pierre angulaire du premier Forum éduquer pour demain !, prévu à Tours fin juin 2008. Ce grand rassemblement, qui vise à illustrer concrètement comment l’éducation populaire transforme la vie des enfants et des adolescents sur les territoires, se veut bien sûr avant tout, ouvert aux équipes des centres de loisirs. Ce sont elles qui, dans bien des cas, sont à l’avant-garde de cette réalité… C’est donc vous qui pouvez témoigner et écrire cette nouvelle page d’une reconnaissance accrue du temps libre des enfants et des adolescent ! De ce fait prenez date et… faites passer le mot ! Une galerie pas comme les autres L’éducatif en action Un groupe de travail artistique Mobiliser son équipe Se construire par les arts – Un monde coloré Agir pour demain Un projet pédagogique artistique 1 Au centre… et autour 2 3 4 agrandir ! poursuit la présentation de quelques-unes des situations sur lesquelles les Francas expérimentent leur « démarche nationale d’observation », avec un dossier consacré aux activités artistiques. Ce dossier est réalisé à partir de témoignages collectés dans les associations départementales de Haute-Garonne, du Jura et de l’Oise. Il s’agit bien de trois projets différents dans leur organisation mais relevant d’un même esprit : donner une place plus grande à l’expression artistique en centre de loisirs. Au centre… et autour Une galerie pas comme les autres Durant l’été 2006, les Francas de l’Oise ont proposé aux centres de loisirs du département, et accompagné, l’expérience « Du centre de loisirs à la galerie d’arts ». Le but était l’ouverture à de nouvelles pratiques, la découverte, la rencontre avec des artistes, l’enrichissement personnel et la production collective. La dimension transversale permettait de lier différents objectifs des projets pédagogiques des centres de loisirs participants. L ’ action s’est déroulée sur la commune de Saint-Maximin, territoire riche d’associations culturelles mais manquant d’une passerelle entre celles-ci et le centre de loisirs. Tout a commencé au mois de mai lorsque la mairie a amené sur la structure deux grandes baraques de chantier destinées à servir de locaux de rangement. De couleur grise, elles n’étaient pas très jolies sur la pelouse du centre. Les enfants ont alors eu envie de les peindre. Le groupe des 12-14 ans a décidé d’écrire des mots et de faire des empreintes de mains afin ● Philippe Deplanque Délégué général des Francas © AD 60 Entre nous La lettre des directeurs de centres de loisirs Francas ➜ numéro 7 ➜ Avr./juin 2007 1 n° 7 - Avr./juin 2007 de s’approprier le lieu. Ils l’ont euxmêmes baptisé lieu d’expression. Durant l’une des réunions d’animateurs, il a été proposé que ces deux locaux seraient destinés à l’art sous toutes ses formes. Mais lors de la rencontre avec les groupes d’enfants, ils ont suggéré que ce soit un atelier de création afin de changer la décoration du centre. Après réflexion, l’équipe d’animation a pensé que l’on pouvait aller plus loin que de la simple re-décoration : nous pouvions utiliser le centre comme lieu d’exposition et demander l’aide d’artistes et d’associations afin de mener à bien cette opération. C’est ainsi qu’est né notre projet pour le mois d’août. l’éducatif en action L’art par et pour tous L’idée a donc été de transformer le centre de loisirs en une galerie d’arts où les parents, les élus, les habitants pourraient voir les créations des enfants, qu’elles soient en cours ou finalisées. Différentes propositions ont vu le jour, en fonction des partenariats établis avec les associations locales : tailler la pierre (intervention des carrières locales), peindre (atelier Matisse et visite de musées), écrire (association « Plume libre » et médiathèque), modeler la terre (association « Créa max »). La réalisation de ce projet a permis au centre de loisirs d’illustrer de plusieurs façons la qualité de l’action éducative développée durant le séjour : en travaillant avec les associations locales, en investissant un lieu et en le transformant, en motivant les enfants sur les pratiques artistiques et en faisant participer les parents. Pour l’équipe d’encadrement du centre de loisirs, c’est un « souffle d’air » qui se concrétise par les rencontres avec des artistes ou des gens passionnés, les créations, la réalisation de la galerie d’arts ouverte à tous et dans laquelle on trouve des œuvres individuelles, mais surtout des créations collectives. C’est aussi l’enthousiasme des enfants et des animateurs. Un pari un peu fou qui a réuni plus de 70 enfants pour le mois d’août, au lieu des vingt ou trente des années précédentes ! ● Pascal Mouton Délégué au développement départemental, Francas de l’Oise Un groupe de travail artistique En septembre 2006, les Francas de Haute-Garonne ont choisi de développer la pratique des arts scéniques (musique, chant, théâtre, arts du cirque) avec leurs associations adhérentes. Après sensibilisation des directeurs, un groupe de huit animateurs de sept associations est aujourd’hui impliqué dans la démarche. Les structures se sont engagées à laisser un de leurs animateurs participer aux réunions au moins deux heures par mois. L es objectifs ont été finalisés, une démarche de travail mise au point et un calendrier arrêté. L’ambition est de permettre d’inscrire cette pratique artistique dans chaque projet pédagogique, et de créer un festival permettant de regrouper les enfants et de valoriser leurs créations. Après identification des associations intéressées, ce premier noyau s’est retrouvé six fois entre septembre et février. Les compétences des animateurs référents dans chaque structure ont alors été identifiées. Chacun a pu mieux préciser ses attentes, mais aussi les formes d’intervention qu’il envisageait de mettre en place. Les échanges Les échanges nombreux ont permis de traiter des aspects non seulement artistiques (le champ des arts scéniques, la complémentarité entre les disciplines), mais aussi techniques (comment mettre en place une séquence avec des enfants, comment la valoriser, comment éviter la production pour la production…), éducatifs (l’intérêt éducatif de cette pratique, la relation avec les enseignants…) et sociaux (quel rôle dans un quartier, une commune, le partenariat avec des associations spécialisées…). n° 7 - Avr./juin 2007 2 nombreux ont permis de traiter des aspects non seulement artistiques (le champ des arts scéniques, la complémentarité entre les disciplines), mais aussi techniques (comment mettre en place une séquence avec des enfants, comment la valoriser, comment éviter la production pour la production…), éducatifs (l’intérêt éducatif de cette pratique, la relation avec les enseignants…) et sociaux (quel rôle dans un quartier, une commune, le partenariat avec des associations spécialisées…). Les animateurs ont réussi à faire clairement identifier la place des arts scéniques dans le projet de chaque structure et ont su mobiliser d’autres animateurs en fonction des séquences. Il a fallu trouver les temps et espaces d’intervention pour animer les ateliers. Valoriser les enfants Les arts scéniques sont faits pour être vus. C’est pourquoi le groupe s’est engagé dans la préparation du festival « Tous en scène », qui a regroupé plus de 200 enfants, une dizaine de centres de loisirs et des intervenants du spectacle le samedi 28 avril à Gagnac-sur-Garonne. Ce festival a été l’occasion pour d’autres associations du département de rejoindre le groupe de travail initial. Cette manifestation n’est pas une fin en soi, l’objectif étant d’abord de sensibiliser et former des équipes au sein des structures, pour que la pratique puisse se développer sur le centre en améliorant la qualité de l’action éducative. Cependant la dynamique lancée par le festival a permis de rendre plus concrète au sein de chaque structure cette pratique des arts scéniques, et d’élargir ainsi ce réseau. ● Coralie Bitène Amicale laïque Buffon Lafourguette mobiliser son équipe 1 L Se construire par les arts Le centre de loisirs se trouve au carrefour de la famille, de l’école, et du temps libre. Cette originalité en fait le lieu privilégié pour développer des actions d’ouverture et de sensibilisation à l’art de manière générale. Et les approches sont multiples pour donner à l’enfant ouverture d’esprit, émancipation, capacité d’analyse, énergie créatrice, respect de l’autre dans son originalité... es activités artistiques, en dehors de tout contexte scolaire d’apprentissage codifié et évalué, permettent à l’enfant de construire sa culture et ainsi de s’inscrire dans un processus social de communication et d’échange. Les interventions d’artistes sont des moments privilégiés, non seulement pour transmettre des techniques, des savoir-faire, mais aussi pour mettre l’enfant en situation, souvent inhabituelle voire déstructurante, de sortir des conventions et des schémas quotidiens relayés par des médias peu sou- 2 cieux d’éducation. C’est permettre à l’enfant de construire sa personnalité, ses repères émotionnels et sociaux. Être au croisement L’environnement artistique, l’aménagement des espaces, le spectacle vivant, les visites d’ateliers, de musées sont autant de leviers avec lesquels on peut agir. Mais, le moment essentiel reste celui où l’enfant est acteur, car c’est en étant confronté à la nécessité de montrer et transmettre, qu’il évaluera lui-même la pertinence du message artistique qu’il souhaite faire ressentir. La finalité ne sera pas de produire mais de découvrir des modes d’expression divers. Acteur dans ses choix, acteur dans l’aménagement de ses espaces, acteur dans l’œuvre collective, l’enfant s’affirme comme personnalité unique, mais aussi comme personnalité sociale qui apporte aux autres sa vision, et participe ainsi à la construction de l’avenir : le sien et celui de la société de demain. ● Anne-Lyse Sanchez Déléguée au développement départemental, Francas du Jura Un monde coloré Le projet « L’art s’invite au centre de loisirs » réalisé par l’association départementale des Francas du Jura comporte une dimension importante de mixité sociale. L’objectif d’offrir au plus grand nombre l’accès à des pratiques culturelles et de fédérer des enfants de milieu rural et de quartiers classés en Zone Urbaine Sensible autour d’un projet culturel explique l’origine diverse des structures : Arinthod, Moirans, Poligny, Mont-sous-Vaudrey, Vaudrey, et Lons-le-Saunier. L e concept est simple. Par quinzaine, un artiste intervient sur chacun des centres de loisirs à raison de deux demies journées par semaine. Le but est de faire partager aux enfants le savoir-faire d’artistes locaux. Le vendredi est réservé aux sorties culturelles, visites de musées, festival pour enfants… Afin de valoriser les productions des enfants et de partager avec un public des moments privilégiés, une exposition itinérante, enrichie au fil des semaines, est installée dans une vraie salle d’exposition dans chaque ville partenaire. Elle associe les œuvres des enfants et celles des artistes. La difficulté réside dans la mobilisation de six accueils de loisirs d’horizons différents autour d’une même action. En choisissant une thématique commune, « Le monde en couleurs », la démarche a été simplifiée. et surtout une envie de faire et une volonté de s’investir toujours plus pour les enfants. En faisant le choix de faire des recherches, d’expérimenter des matières, des couleurs différentes, les animateurs ont pu développer leur créativité, leur imagination et ainsi transmettre aux enfants de nouveaux savoirs. Je dirais que c’est bénéfique pour la structure et positif pour les enfants. Véronique Lambert, coordinatrice du projet « l'Art s'invite au centre de loisirs », a rencontré Patricia Becquet, directrice de l’accueil de loisirs de Poligny. V.L. : Quelles ont été les incidences sur l’organisation du centre de loisirs ? P.B. : Le travail en amont permet d’appréhender de façon plus sereine et avec efficacité la vie du projet. La coordination de l’ensemble a une importance capitale et représente un gros travail qui contribue largement à la réussite. La planification a permis à tous de trouver sa place et de vivre V.L. : Qu’est ce que le projet apporte à votre équipe d’animation ? P.B. : Une méthode de travail plus précise, une recherche artistique plus approfondie V.L. : Que pouvez- vous dire de la relation artistes/animateurs ? P.B. : Pour certains ce fut une complicité, une envie de vivre ensemble un projet, tout en étant chacun à sa place et en tenant compte de leurs particularités. Artistes et animateurs ont largement contribué à la réussite du projet. Cette alchimie a permis aux animateurs de s’ouvrir davantage sur le monde. pleinement l’aventure. L’organisation du centre de loisirs n’a absolument pas été perturbée par cette action, bien au contraire. VL : Impliquée dans le projet dès le début comment l’avez-vous vécu ? P.B. : Je suis complètement investie dans et pour le projet ! J’aimerai que cela dure toute l’année. C’est un enrichissement permanent, à toutes les phases, grâce aux échanges, aux rencontres, à la mise en place des expositions, à la valorisation du projet avec à chaque étape, des protagonistes différents. Je me sens un peu comme un moteur d’une machine infernale qui entraîne, motive son équipe, qui elle-même alimente à son tour les rouages de la machine. V.L. : Comment les enfants ont ils vécu la rencontre avec les artistes ? PB : Nous avons suscité chez eux des envies et des vocations. Certains de nos artistes ont participé au projet depuis sa création. Leur capacité d’adaptation aux différentes tranches d’âge, leur pédagogie et leur compétence, ont contribué à créer des liens forts avec les enfants. Par leurs méthodes et leurs techniques nouvelles ils ont su développer curiosité, imagination et créativité. ● 3 n° 7 - Avr./juin 2007 agir pour demain Un projet pédagogique artistique L es pratiques développées par les centres de loisirs s’inscrivent dans une démarche éducative se référant à l’éducation populaire ; elles participent à l’émancipation des individus et répondent à un besoin d’expression des enfants et des adolescents dans différents domaines artistiques. Ces pratiques participent à la construction du goût, de l’esthétique, elles fonctionnent sur des ressorts profonds de l’humain, mettent en lumière des émotions, des sentiments et autorisent la communication, le partage de points de vue. Cependant, ces actions possèdent des exigences que les enfants et les animateurs doivent accepter plutôt que de laisser leur choix s’orienter sur le seul critère de facilité. En conséquence, le projet pédagogique doit aider à distinguer les situations relevant de la liberté de choix « faire ou ne pas faire », et les situations dans lesquelles l’exigence du processus de création artistique nécessite une concentration, un effort. Une autre difficulté réside dans la représentation que nous pouvons avoir des activités artistiques en centre de loisirs. Souvent considérées comme vecteurs de transmission d’une compétence de l’animateur au travers Malgré toutes les initiatives visant à l’ouverture des lieux de culture, les pratiques artistiques servent encore trop souvent de marqueur des territoires et des groupes. Les programmes d’éducation artistique, valorisés dans le monde scolaire depuis quelques années, sauraient-ils s’adapter aux structures de loisirs ? Les centres de loisirs pourraient-ils tenir un rôle dans le rapprochement entre éducation populaire et éducation artistique ? de séances calibrées, elles peuvent constituer une façon d’occuper le temps de manière équilibrée tout en permettant des échanges relationnels positifs. Facilement acceptées par les enfants et des adolescents, ces activités, présentées par des équipes pédagogiques qu’ils connaissent, suscitent rarement des réactions de rejet. Cependant, cette acceptation peut ne constituer qu’une forme de consommation d’animation, de recherche de relation dans le groupe, face à l’animateur. Nous pensons qu’en centre de loisirs, les pratiques artistiques constituent à la fois un processus et une résultante. Il convient de quitter l’image un peu stéréotypée d’activités qui n’amèneraient qu’à survoler des situations pré-mâchées, n’entretenant que peu de rapport entre elles pour démontrer, en particulier aux parents, qu’il existe un lien entre la réalisation artistique en tant qu’aboutissement, et les actions qui en constituent les différentes composantes. Un accompagnement collectif Au sein des équipes pédagogiques la diversité règne. L’action des directeurs consiste à favoriser de fréquents échanges qui génèrent un rapprochement des conceptions. Ces discussions permettent de construire des réponses collectives aux questions de pratiques, d’actions éducatives, de développer une forme de sensibilité artistique commune, de s’autoriser à réaliser une démarche d’équipe. Cette approche permet au directeur de créer des espaces de partage, d’action collective, de décloisonnement, de construction et d’évaluation de projets. Dans ce contexte, certains animateurs n’hésitent pas à saisir l’occasion de découvrir ou redécouvrir une pratique artistique inconnue ou non maîtrisée, parfois rejetée comme mauvais souvenir d’école. Cette prise de risque accompagnée doit cependant être replacée dans le contexte particulier de chaque projet, en constituer un élément accessoire ne mettant pas en déséquilibre l’ensemble. La pratique artistique ne se fait pas par hasard dans les centres de loisirs. Pour que cela tienne, il faut vouloir faire autre chose qu’une garderie améliorée et savoir construire de réelles démarches de projets. Ce savoirfaire existe ; les directeurs qui ont su le mettre en œuvre revendiquent sa légitimité. Certes il demeure difficile à porter vers l’environnement, à pérenniser, s’il n’est pas inscrit dans un projet territorial plus vaste, dans une dynamique partagée avec les familles et le monde scolaire. Mais pour les centres de loisirs, cette compétence constitue la condition nécessaire pour partager l’action éducative avec les artistes, pour s’inscrire dans des dynamiques de décloisonnement, dans la résistance à la construction de ghettos culturels, en un mot dans les perspectives émancipatrices de l’éducation populaire. © Xavier Renoux ● Michel Cassé Délégué national Action éducative locale un autre regard sur les centres de loisirs – la lettre des directeurs de centres de loisirs Francas – N° 7 – Avril/juin 2007 – Trimestriel – N° ISSN 1778-9885 – Directeur de la publication : Philippe Deplanque – Responsable de la lettre : Didier Jacquemain ([email protected]) – Animatrice de la rédaction : Nadia Astruc ([email protected]) – Ont contribué à ce numéro : Patricia Becquet, Coralie Bitène, Michel Cassé, Philippe Deplanque, Véronique Lambert, Pascal Mouton, Anne-Lyse Sanchez – Maquette : – Impression : Paton Imprimeur – 71, av. du Maréchal Leclerc – 10120 Saint-André-les-Vergers – Les Francas : 10-14, rue Tolain – 75980 Paris Cedex 20 – Tél : 01 44 64 21 53 – Fax : 01 44 64 21 11 – www.francas.asso.fr Ce supplément accompagne la lettre loisirs éducatifs & territoires et est distribué aux organisateurs locaux d’activités. n° 7 - Avr./juin 2007 4