miam-miam 27 [01/01/96]

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gauffre à la vanille
Â
 Presque six mois, donc… Il s’en est passé des choses ! Ce qui d’ailleurs motive cette rubrique unique. Et j’en
raconter ! À tel point que je ne sais vraiment par où commencer. Dans le dernier numéro, daté de la mi-juin, j’annonç
que je reviendrais sur ce que d’autres ont appelé “la guerre des chefs―, ce manifeste publié par certains pour faire
promotion des activités de Monsieur Champérard et les répliques que cela a entraîné de la part de ceux qui se
sentaient attaqués. Entre temps, Marc Veyrat a été sur le point de cesser ses activités, certains en ont profité pour le
couvrir si ce n’est d’injures, tout au moins de sarcasmes, Alain Ducasse reprend les rênes de l’ancienne maison
Robuchon, celui-ci nous joue les Maïté sur TF1 —“hmmm, ça a l’air bon… Alors, bon appétit !― — le chroni
hebdomadaire qui parait le jeudi déverse chaque semaine un tombereau d’ordures… Comme vous pouvez le voir, on
rigole bien du côté des casseroles ! Tout ceci est plutôt lamentable. Pour se remettre les idées en place, deux lectures
indispensables : L’AMATEUR DE CUISINE de Jean-Philippe Derenne, paru avant l’été et qui aborde la cuisine de fa
proprement encyclopédique. L’auteur, quand il n’est ni aux fourneaux, ni dans son jardin, est professeur de médecin
c’est peut-être ce qui l’a conduit à analyser si précisément toutes les composantes de la cuisine, de la forme des
casseroles aux produits, de certaines façons de faire chinoise à la façon d’organiser son réfrigérateur… Ajoutons qu
aborde le domaine de la cuisine proprement dit, l’immense univers des recettes, sous un angle tout à fait inédit, remettant
en cause le découpage classique en “poissons―, “viandes―, “légumes―, “desserts― pour privilégier
l’amène à faire se côtoyer un potage avec un poisson ou un dessert, puisqu’ils mettent en jeu un même principe. Inu
de dire que cela stimule très nettement l’intelligence et que ces rapprochements inhabituels vous incitent Ã
l’expérimentation et à faire des découvertes. Conclusion c’est un (très) bon livre… Mais si j’en parle ici c’e
parce que j’y ai découvert quelque chose de très intéressant quant à l’être même de la cuisine française (en ar
parler d’ontologie à propos de cuisine… vraiment, on aura tout vu) et qui vient justement éclairer un peu la guerre
picrocholine qui se livre au bord des pianos. Ici même il avait été question de cette faculté bien française de s’appro
les boulingrin et Picasso, Lully et le foie gras. Jean-Philippe Derenne fait un parallèle intéressant entre cette capacité et
la loi fondamentale qui régissait jusqu’à récemment la nationalité, ce fameux droit du sol qui prévalait chez nous sur
du sang. Il constate de façon tout à fait pertinente que cela a été la règle dans la cuisine française, pris au sens le plus
large. C’est ainsi que nous bénéficions du calvados et du foie gras déjà cité, exemples qui me ravissent puisque le
premier est le mariage en Normandie entre l’art de la greffe des jardiniers arabes et l’alambic mis au point par leurs
physiciens, et le second, devenu le parangon du bon goût français, nous est arrivé par les Juifs, pour l’oie, et par les
Arabes, encore eux ! Pour le canard… Mais aussi des gnocchis à la parisienne ou du service “à la russe― dont person
peut penser qu’il n’ait pas toujours existé. J’en passe, bien entendu, et certainement des meilleures. L’autre o
je voudrais également parler ici, justement, est aussi une sorte de somme : il s’agit de L’HISTOIRE DE L’ALIMENT
publiée sous la direction de Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari. Tout à fait remarquable également et se lisant, au
moins pour ceux qui s’intéressent à l’alimentation ou tout simplement à l’histoire des comportements, “comm
mieux, comme un recueil de nouvelles car il est divisé en chapitres indépendants, tous traités par des auteurs différents â
“Nourritures et boissons de l’Egypte ancienne―, “L’alimentation des Etrusques―, “Les débuts de l’h
“Imprimer la cuisine : les livres de cuisine en France entre le XVe et le XIXe siècle―, “La «macdo-nalisation» de
l’alimentation―, etc. — et rassemblés par grandes périodes historiques. En tous cas on ne peut qu’en recommand
à tous les hérauts du retour au terroir qui confondent allègrement cuisines et produits et qui voudraient réduire la cuisine
française au seul répertoire des recettes de nos belles provinces. Pour clore ce chapitre, bonne nouvelle pour tous ceux
qui vivent au nord de la Loire : la météo est moins souriante mais on pourra profiter davantage de PIERRE GAGNAIRE
qui s’installe à Paris. Son restaurant, installé dans l’HOTEL BALZAC, rue Balzac, près de l’Etoile, ouvre cette se
y court. D’autant plus qu’il annonce des prix des plus alléchants… Sinon, qu’ai-je donc bien fait de gourmand et
d’intéressant depuis tout ce temps? Le rentrée fut pour moi Lilloise : je devais faire un reportage sur la PATISSERIE
MÉERT, rue Esquermoise. La maison, qui est l’une des plus anciennes de France à la même place (1761) et une des pl
belles, sans doute — le décor, vraiment incroyable, mélange entre style Troubadour italianisant et fantaisies néoclassiques, date de 1839 et fut conçu par Benvignat, très important architecte local du siècle dernier, qui s’entoura des
meilleurs artistes pour construire ce palais de Dame Tartine — s’était un peu endormie sur ses lauriers et coulait des jour
tranquilles sans trop chercher à briller. Changement de propriétaire, changement d’ambiance. Si le personnel est
conservé, garantie de la continuité, l’esprit qui souffle dans la maison n’est plus vraiment le même : il s’agit de r
lustre d’antan et les activités que pouvait avoir un pareil établissement encore entre les deux guerres. En tous cas, en
attendant que la maison ait retrouvé ce lustre qui fit sa gloire, on peut toujours commander les gaufres fourrées à la
vanille qui sont une pure merveille. Fabriquées entièrement à la main dans un petit gaufrier deux places, façon coupésport (juste ce qu’il faut pour faire un gâteau), tartinées d’une purée de vanille au sucre (on voit quasiment les grain
en redemande! Tout autre chose : dans le courant du mois de Septembre, s’est tenue à l’Hotel Lutetia à Paris, la journ
des “produits espagnols de qualité―. Enfin, l’on s’intéresse à ces pauvres méconnus. Mal aimés, ils ne le
de certains, mais vraiment trop peu diffusés ayant longtemps souffert des normes hyper contraignantes de l’Europe du
Nord. Et c’est très très dommage. Non seulement les Espagnols font une charcuterie exceptionnelle (une des toutes
premières en Europe, loin devant la France, notre fierté devrait-elle en souffrir) mais ils fabriquent des fromages très
intéressants aussi et surtout, surtout, des produits de la mer extraordinaires. Le thon germon (bonito del norte, à ne pas
confondre avec l’atùn claro, le thon albacore), tout particulièrement — à l’huile d’olive[1], bien entendu : la seule
façon d’apprêter le thon pour la conserve ; j’avais dit une autre fois qu’en cuisine le thon appelait le lard, c’e
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pendant quand on le met en boîte — mais aussi les anchois qui, eux, sont réellement parfaits. Pas forts, goûteux,
charnus. Elégants? Dieu sait pourtant si l’anchois, surtout au sel, n’est pas à proprement parler un produit “élé
Malheureusement, tous ces produits sont encore mal distribués mais, s’il y en a bien entendu de meilleurs que d’autre
les anchois ORMAZA, ou ceux de chez YURRITA & FILS, le thon de chez ORMAZA encore, ou celui de chez ORTIZ, ils
méritent tous, à l’occasion de rencontres de hasard, notre intérêt. À acheter donc, pour l’instant, sans discerneme
Revenons un peu à la charcuterie : le fleuron absolu de celle-ci est le jambon jabugo[2] (à ne pas confondre avec le
serrano, beaucoup plus commun et aussi, beaucoup moins cher, donc beaucoup plus répandu). Le jabugo est la patte
entière (on garde même le pied et le sabot) du porco iberico, un petit cochon noir, appelé aussi pata negra, à la cuisse
particulièrement fine et allongée, élevé en liberté dans des chênaies d’altitude où il se nourrit de glands (bellotas).
ça, les glands de chênes verts, la montagne et ses herbes, lui donne un parfum inimitable. Ajoutons qu’il s’affine
pendant deux à trois ans et l’on comprend que l’on ait une chair aussi savoureuse. Très finement persillée, ce qui fai
servi “chambré―, aux alentours de 20°, il fond littéralement entre les doigts, d’abord, dans la bouche ensuite. Un v
fino ou de manzanilla pour l’accompagner (j’aime particulièrement ceux, en vente chez les bons cavistes, les CAVES
AUGÉ, par exemple, de la maison BOBADILLA : “Victoria―, pour le fino — le xérès, comme nous disons en France â
extra sec, et “Carmen―, évidemment, pour la manzanille, moins marquée ; mais j’ai découvert au cours de cette j
produits de la maison HIJOS DE RAINERA PEREZ MARIN, manzanille “La Guita― et fino “Luque―, tout à fait intér
l’on est au paradis. Du moins celui des gourmands… On peut également se régaler avec les chorizos, souvent coupé
gros, appelés alors cular — à mon avis les meilleurs : on profite parfaitement de la saveur de la chair et du parfum du
piment — ou des lomos, une sorte de “bacon― aux épices, absolument délicieux. Quand il est bon, bien entendu. Tout
faut pour se faire un festival de tapas, ou quelques recettes au goût d’ailleurs. Je sais : il n’y a pas de recettes cette foi
ci… Mais pour ces retrouvailles la place me manque. Dans le prochain numéro il sera question d’Italie, du Piémont très
précisément, où les aventuriers du goût sont allés à la chasse à la truffe blanche… Et de livres. Encore et toujours !
[1]             A propos d’elle justement : j’ai oublié d’en parler. De plus en plus de choses q
attarde, surtout si on l’aime (très) fruitée
[2]Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Â Vaut environ 350 F le kilo pour un jambon entie
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