cour suprême du canada mémoire de l`appelant

Transcription

cour suprême du canada mémoire de l`appelant
Numéro de dossier: 34881
COUR SUPRÊME DU CANADA
(EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC
DANS LE DOSSIER 500-10-004174-080)
ENTRE :
JEAN-PHILIPPE MAILHOT
APPELANT
(appelant)
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE
INTIMÉE
(intimée)
MÉMOIRE DE L’APPELANT
(Règles de la Cour suprême du Canada, art. 44)
Me Lida Sara Nouraie
Me Nicholas St-Jacques
Desrosiers, Joncas, Massicotte
480, boulevard St-Laurent
Bureau 503
Montréal (Qc)
H2Y 3Y7
Me Carole Lebeuf
Directeur des poursuites criminelles et
pénales
1 rue Notre-Dame Est
Bureau 4.100
Montréal (Qc)
H2Y 1B6
Téléphone : (514) 397-9284
Télécopieur : (514) 397-9922
[email protected]
[email protected]
Téléphone : (514) 393-2703 poste
52137
Télécopieur : (514) 873-9895
[email protected]
Procureurs de l’Appelant
Me Richard Gaudreau
Bergeron, Gaudreau
167, rue Notre Dame de l'Île
Gatineau, Québec
J8X 3T3
Téléphone : (819) 770-7928
Télécopieur : (819) 770-1424
[email protected]
Correspondant de l’Appelant
Procureure de l’Intimée
Me Jean Campeau
Directeur des poursuites criminelles
et pénales du Québec
17, rue Laurier, bureau 1.230
Gatineau, Québec
J8X 4C1
Téléphone : (819) 776-8111 poste
60416
Télécopieur : (819) 772-3986
[email protected]
Correspondant de l’Intimée
i
TABLE DES MATIÈRES
Page
PARTIE I
LES FAITS ET LA POSITION DE L’APPELANT
……………….
1
PARTIE II
LES QUESTIONS EN LITIGE
……………….
11
……………….
11
1. Les devoirs du juge lorsqu’il résume la thèse des
parties ou donne son opinion
……………….
11
1.1 Le résumé de la preuve et de la thèse des parties doit
être équitable
……………….
11
1.2 Le juge d’instance ne peut donner son opinion sur les
faits que dans des situations bien précises
……………….
13
1.2.1 Le juge d’instance peut émettre son opinion
uniquement lorsque cela est justifié
……………….
13
1.2.2 S’il choisit de donner son opinion, le juge doit agir de
manière équitable envers l’accusé
……………….
17
PARTIE III L’ARGUMENTATION
2. Les directives du juge d’instance ont compromis ……………….
l’équité du procès
20
2.1 Le juge d’instance n’était pas justifié de donner son
opinion
……………….
20
2.2 Le juge d’instance a altéré l’essence de la défense et a
incité le jury à la rejeter
……………….
21
2.2.1 Le témoignage du Dr. Morissette
……………….
21
2.2.2 Les tendances suicidaires de la défunte
……………….
25
2.2.3 La relation sexuelle entre l’Appelant et son
épouse, les tests sonores et le témoignage de la
voisine
……………….
27
2.2.4 Le comportement post-délictuel de l’Appelant
……………….
32
2.3 Conclusion sur le caractère équitable des directives
……………….
33
ii
3. La disposition réparatrice prévue à l’article 686 (1)
b) (iii) du Code criminel ne s’applique pas
……………….
37
PARTIE IV
ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS
……………….
40
PARTIE V
ORDONNANCES DEMANDÉES
……………….
40
PARTIE VI
TABLE DES SOURCES
……………….
41
i)
Législation
……………….
41
ii)
Jurisprudence
……………….
41
iii)
Doctrine
……………….
43
……………….
44
Charte canadienne des droits et libertés, partie I de
la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe
B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982,
c.11
……………….
44
Canadian Charter of Rights and Freedoms, Part I of
the Constitution Act, 1982, being Schedule B to the
Canada Act 1982 (U.K.), 1982, c. 11
……………….
44
PARTIE VII
I)
II)
EXTRAITS DE LOIS
III)
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46
……………….
45
IV)
Criminal Code, R.S.C., 1985, c. C-46
……………….
51
1
MÉMOIRE DE L’APPELANT
PARTIE I
[1]
Partie I – Les faits
LES FAITS ET LA POSITION DE L’APPELANT
Le 30 juin 2008, l’Appelant a été trouvé coupable par un jury du meurtre au
deuxième degré d’Anna-Maria Salinas Norbakk.
[2]
Sur recommandation du jury, le juge lui imposa la prison à perpétuité sans
possibilité de libération conditionnelle avant un minimum de 10 ans.
[3]
Le 23 mai 2012, la Cour d’appel du Québec a rejeté l’appel de l’Appelant dans un
jugement partagé. Tant les juges majoritaires, les honorables Nicole Duval Hesler
et Marc Beauregard, que minoritaire, l’honorable François Doyon, reconnaissaient
que le juge d’instance avait commis une erreur en altérant la position de la défense
dans ses directives. Selon eux, le juge d’instance avait erronément donné son
opinion sur la preuve.
[4]
Les juges majoritaires étaient toutefois d’avis que cette erreur était inoffensive et
donc sans conséquence sur le verdict. L’Appelant soumet respectueusement que
la majorité de la Cour d’appel a erré en droit en concluant ainsi.
[5]
À tous égards, ce dossier est
inusité et exceptionnel. Deux scénarios étaient
soumis au jury. Ou bien l’Appelant avait infligé à la défunte 34 coups de couteaux,
dont un premier coup mortel ayant sectionné la jugulaire et la carotide. Ou bien elle
voulait se suicider, s’était elle-même infligée ce premier coup et l’Appelant lui avait
alors assené les 33 coups subséquents afin d’abréger ses souffrances dues à la
première blessure dont la mort était inévitable et quasi-immédiate. S’il en venait à
la conclusion que l’Appelant n’avait pas porté le premier coup, le jury pouvait aussi
le déclarer non-criminellement responsable selon l’article 16 du Code criminel1 en
raison d’un état dissociatif survenu à partir des 7 e ou 8e coups ou encore l’acquitter
pour faute d’intention criminelle.
1
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46 (« C.cr. »).
2
MÉMOIRE DE L’APPELANT
[6]
Partie I – Les faits
À notre avis, la faiblesse apparente de la preuve circonstancielle, les
questionnements du jury sur l’application de la défense de troubles mentaux (qui
ne s’appliquait pas, rappelons-le, si l’Appelant avait porté le premier coup de
couteau), leur demande de réécouter le témoignage du psychiatre de la défense
ainsi que leur recommandation quant à la peine sont de forts indicateurs quant à
leur cheminement. D’ailleurs, le juge de première instance soulignait, au moment
de rendre une décision sur la peine, que la recommandation du jury permettait
d’avoir une indication sur cette démarche2.
[7]
Il y a une preuve non contredite que l’Appelant et la défunte étaient très amoureux.
L’Intimée a même concédé qu’elle n’avait aucune preuve de mobile : aucun
problème de couple, de jalousie, d’argent, de violence conjugale, etc. Rien dans la
preuve du ministère public ne vient contredire la version de l’Appelant à cet égard.
Par ailleurs, le juge de première instance faisait même valoir, dans ses directives,
qu’il y avait une preuve d’absence de mobile3.
[8]
La preuve révèle plutôt que les événements se sont produits dans le cadre d’un
pacte de suicide.
[9]
L’Appelant a rencontré la défunte via Internet en 2002, celle-ci vivant à l’époque au
Chili. Ils se sont mariés le 13 août 2004. La mère de la défunte a toujours vu sa
fille et l’Appelant très amoureux. L’Appelant a toujours été pour elle un
« gentilhomme »4.
[10] Par divers témoignages et admissions, la preuve révèle que la défunte présentait
des tendances suicidaires antérieures et des problèmes de santé mentale tels
qu’une personnalité « limite » (« borderline »), plusieurs épisodes d’automutilation
avec lames ou par brûlures et la dépression5. À cet égard, la mère de la défunte a
2
Jugement sur la peine, 16 juillet 2008, 2008 QCCS 3382, par. 9. Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 8.
Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 111 à 115.
4
Dossier de l’Appelant, Vol. III, p. 205.
5
Dossier de l’Appelant, Vol. XIII, p. 103 et s. et Vol. XIV, p. 2 à 114. Admissions D-1 à D-7.
3
3
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie I – Les faits
témoigné que sa fille avait eu une vie dramatique et chaotique 6. Le père de la
défunte s’était suicidé alors qu’elle était âgée de 10 ans, ce qui lui avait causé un
traumatisme important. Ce traumatisme est d’ailleurs confirmé par le journal intime
de la défunte7. Elle avait de plus été victime d’un viol à l’âge de 15 ans. Ajoutons à
cela une relation antérieure avec un conjoint violent ainsi que des épisodes de
dépression, de la psychothérapie, de la solitude et un problème d’estime de soi à
cause de son obésité.
[11] La mère de la défunte aurait parlé à cette dernière le jour des événements et tout
lui semblait normal. Néanmoins, à notre avis, cette affirmation a peu de valeur
probante puisqu’il faut noter que, dans son journal intime, la défunte insistait pour
ne pas parler de ses problèmes avec sa mère ou exprimait ses problèmes de
communication avec celle-ci8.
[12] Ses problèmes d’estime de soi et d’automutilation sont par ailleurs corroborés par
un ami chilien de la défunte, Angel Labarca, dont le témoignage a fait l’objet d’une
admission9 et par la propre opinion de la défunte sur elle-même, tel qu’exposée
dans son journal intime10. L’autopsie a aussi révélé des traces passées de brûlures
et de coupures sur le corps11.
[13] Certaines parties rendues publiques du journal intime de la défunte étaient
publiées sur le site web « Dead Journal » où elle se présentait sous le
pseudonyme de « Ladycrow », son nom d’utilisateur étant « The Death Crow »12. Il
s’agissait d’un site réunissant des individus aux pensées sombres et suicidaires.
L’image qu’elle utilisait pour symboliser ce pseudonyme est une femme nue
surmontée d’une tête de corneille qui s’enfonce elle-même une flèche dans la
6
Pour l’ensemble des problèmes relatés par la mère de la défunte : Dossier de l’Appelant, Vol. III, p. 164,
168, 181, 184, 204 et Vol. IV, p. 2.
7
D-2A, Dossier de l’Appelant, Vol. III, p. 107 et 111; D-3A, Vol. III, Vol. XIV, p. 2 à 89; D-4A, Vol. XIV, p.
91 à 105.
8
D-2A, Dossier de l’Appelant, Vol. VIII, p. 129 et 131, Vol. VIII, p. 130 et 131.
9
D-6, Dossier de l’Appelant, Vol. XIV, p. 108.
10
D-2, Dossier de l’Appelant, Vol. XIII, p.138, 157 et 159.
11
Dossier de l’Appelant, Vol. V, p. 52, 53, 56, 57 et 83.
12
D-1, Dossier de l’Appelant, Vol. XIII, p. 103 à 105.
4
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie I – Les faits
gorge exactement comme le couteau qui l’a tué13. Cette photo parle beaucoup
comme le veut le dicton.
[14] Par ailleurs, les extraits de son journal intime ou de clavardage14 permettent de
constater sa grande détresse, ses constantes idées suicidaires, son obsession
d’automutilation, sa haine d’elle-même, son désir de mourir et les efforts
considérables de l’Appelant pour la sortir de ce cercle vicieux et infernal. Si la
défunte avait cessé d’exposer publiquement des parties de son journal intime peu
avant les évènements, cela ne signifie pas pour autant qu’elle avait complètement
cessé d’y inscrire ses états d’âme.
[15] Ce journal, le clavardage et les blessures que s’infligeait régulièrement la défunte
sont une formidable corroboration de la version de l’Appelant et de la plausibilité
du pacte de suicide, surtout si l'on considère l’absence de preuve qui contredit
cette version. D’ailleurs, il est difficile de concevoir que l’Appelant ait pu inventer un
tel scénario devant l’absence de toute preuve de mobile ou de difficultés
conjugales, en gardant à l’esprit la personnalité pacifique de l’Appelant.
[16] Le pathologiste a témoigné de faits très importants sur le lien de causalité et le
déroulement des événements :

Le coup à la gorge a sectionné la carotide et la jugulaire et il est mortel à très
court terme, soit une à trois minutes15;

La blessure au cœur est potentiellement mortelle16;

Il est probable que le coup à la gorge était le premier et certainement antérieur au
coup au cœur, parce que cette blessure a très peu saigné, ce qui s’explique par
la faible pression sanguine d’une personne agonisante17;

Même s’il n’y avait eu aucune autre blessure, la défunte serait décédée dans
l’intervalle d’une à trois minutes18;
13
D-1, Dossier de l’Appelant, Vol. XIII, p. 103, par. 4 et D-5A, Vol. XIV, p. 107.
D-2A, D-3A et D-4A, Dossier de l’Appelant, Vol. XIII, p. 107 et s., Vol. XIV, p. 2 à 105.
15
Dossier de l’Appelant, Vol. V, p. 15 à 18 et p. 72.
16
Dossier de l’Appelant, Vol. V, p. 36.
17
Dossier de l’Appelant, Vol. V, p. 30, 36, 40, 41, 67, 68, 72 et 73.
14
5
MÉMOIRE DE L’APPELANT

Partie I – Les faits
Elle a observé quelques plaies superficielles qui peuvent être associées à des
plaies de défense. Toutefois, ceci est peu indicateur à notre avis puisque
l’Appelant a très bien pu accrocher la défunte dans l’emprise du moment,
d’autant plus qu’un grand nombre de coups ont été donnés.

La trajectoire de la plaie à la gorge est compatible avec le fait que la défunte était
assise et s’est enfoncé elle-même le couteau19.
[17] Les enregistrements de l’appel 911 que l’Appelant a fait le soir des événements
démontre son extrême agitation, sa panique et le fait qu’il n’était pas dans un état
normal20. D’ailleurs, à la question du répartiteur à savoir si sa conjointe avait des
idées suicidaires, il répond « [n]on, plus maintenant » suivi de « [m]a femme est
morte, appelez quelqu’un »21. Contrairement aux dires de la Cour d’appel22, cette
réponse ne suggère aucunement que la défunte n’avait plus d’idées suicidaires
peu avant son décès. Elle dénote plutôt une affirmation saugrenue (la défunte
étant décédée, elle ne pouvait manifestement plus avoir d’idées) dans un contexte
d’agitation intense et de camouflage.
[18] L’état de l’Appelant est corroboré par les policiers Décembre et Gingras qui ont
noté sa panique, qu’il se parlait tout seul, était en état de choc, pleurait et
gémissait23. Les policiers avaient de la difficulté à le comprendre; il était paniqué et
s’est effondré24. Ses vêtements, ses mains et ses pieds étaient tachés de sang25. Il
sera arrêté presqu’aussitôt.
[19] L’Intimée a aussi fait entendre Madame Lyne Saint-Arnaud, qui habitait
l’appartement au-dessus de celui du couple. Elle indique que, dans la vie de tous
les jours, elle n’entend rien en bas26. Toutefois, le matin du 13 octobre 2004, elle
18
Dossier de l’Appelant, Vol. V, p. 72 et 73.
Dossier de l’Appelant, Vol. V, p. 85.
20
P-1 B et P-2 B, Dossier de l’Appelant, Vol. XIII, p. 2 et 3.
21
P-2 B, Dossier de l’Appelant, Vol. XIII, p. 3.
22
Jugement de la Cour d’appel, Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 18, par. 49.
23
Dossier de l’Appelant, Vol. III, p. 109 et 110, 141 et 142, 148 et 150.
24
Dossier de l’Appelant, Vol. III, p. 161 et 162.
25
Dossier de l’Appelant, Vol. III, p. 106, 150 et 151. Voir aussi les photos, P-5, Vol. XIII, p. 19 à 28.
26
Dossier de l’Appelant, Vol. VII, p. 54.
19
6
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie I – Les faits
prétend avoir entendu des lamentations vers 4h00 comme si le couple était en
train de faire l’amour27. Notons que l’Appelant a admis avoir eu une relation
sexuelle intense avec sa conjointe cette nuit-là28. Madame Saint-Arnaud est allée à
la toilette et les sons continuèrent. Par après, elle dit avoir entendu comme un
dernier souffle, une lamentation vraiment forte29. Au même moment elle dit
entendre ce qui lui sembla être la tête de lit qui frappe sur le mur30. Elle admettra
qu’elle ne pouvait entendre la voix ou comprendre ce qui se disait31. Elle admettra
également qu’elle n’était pas suffisamment préoccupée pour appeler la police, ce
qu’elle n’a, d’ailleurs, pas fait32.
[20] Outre le fait qu’il est imprécis et très subjectif, ce témoignage est discrédité par les
tests réalisés par des policiers qui ont démontré qu’il était impossible d’entendre de
tels sons33.
[21] En défense, l’Appelant a témoigné de sa relation avec sa conjointe et de la journée
du 12 au 13 octobre 2004. Le témoignage doit s’apprécier en lien avec les extraits
du journal intime de la défunte qui, même si sa lecture est perturbante, constitue
un véritable témoignage sur sa vie, ses difficultés et éventuellement sur son désir
de mourir le 13 octobre 200434.
[22] L’Appelant a rencontré la défunte (sa première petite amie) par un jeu de rôle sur
Internet au début de 2002. Rapidement, ils ont commencé à communiquer
directement ensemble par Internet ou par téléphone et ont développé une relation
amoureuse très intense. Assez rapidement aussi, l’Appelant s’est rendu compte
des problèmes de celle-ci : épisodes de dépression, automutilation et même
tentative de suicide. À cet égard, l’Appelant essayait très fort de l’aider, de lui
27
Dossier de l’Appelant, Vol. VII, p. 59.
Dossier de l’Appelant, Vol. IX, p. 168 et 169.
29
Dossier de l’Appelant, Vol. VII, p. p. 60 et 71.
30
Dossier de l’Appelant, Vol. VII, p. 64 et 67.
31
Dossier de l’Appelant, Vol. VII, p. 68 et 69.
32
Dossier de l’Appelant, Vol. VII, p. 74.
33
Témoignages de Samuel Fournier et Jean-Marc Dextrase, Dossier de l’Appelant, Vol. VI, p. 142 à 194.
34
Dossier de l’Appelant, Vol. VIII, p. 85, 90, 94, 96, 98, 102, 106, 113, 115, 122, 123, 125, 127, 130, 131,
163 et 166. Voir également sur l’automutilation : Vol. VIII, p. 160, 169, 175, 182 et 183.
28
7
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie I – Les faits
remonter le moral et passait presque tout son temps libre avec elle. Il n’a parlé à
personne de son entourage de ces problèmes notamment parce que celle-ci ne le
voulait pas.
[23] L’Appelant est allé au Chili en 2003 et s’est fiancé à ce moment. Sa future épouse
viendra également un mois au Canada en août 2003. Ils décident éventuellement
de se marier et elle viendra s’établir au Québec en mai 2004. Entre temps, les
communications continuent tout comme les épisodes dépressifs. Ils emménagent
en appartement en juillet 2004 et se marieront un mois plus tard. L’Appelant est
alors à même de constater les mutilations par lames ou brûlures de la défunte. Elle
refusait malgré tout de consulter un spécialiste et ne voulait pas qu’il n’en parle à
personne.
[24] À partir de septembre, tout en travaillant plus de 30 heures par semaine, il est
inscrit à l’université en histoire, ce qui fait que son épouse était souvent seule et
isolée et a pour effet d’accroître de plus en plus les épisodes dépressifs et de
mutilation.
[25] La journée du 12 octobre, ils se rendent chez le médecin pour les migraines de
l’Appelant. Un somnifère, ayant aussi des propriétés antidépressives, lui est
prescrit. Durant le repas en soirée, la défunte annonce à l’Appelant son intention
de mourir ce soir-là, qu’elle ne peut plus continuer. Elle est calme et déterminée.
L’Appelant tentera pendant plusieurs heures de la dissuader en vain. Il décidera
alors de se suicider aussi puisqu’il ne pouvait vivre sans elle.
[26] L’Appelant et son épouse écrasent alors quelques somnifères pour les mélanger
au cidre de glace pour en voir l’effet. Par après, ils jouent au jeu de rôle qui les
avait réunis au début de leur rencontre et ont une relation sexuelle intense, ce qui
peut expliquer les bruits entendus par la voisine. Par la suite, elle s’installe devant
l’ordinateur, met de la musique, l’Appelant étant à ses côtés.
8
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie I – Les faits
[27] À ce moment, elle lui demande d’aller chercher son couteau ornemental et
l’Appelant lui apporte. Elle prend ce couteau, l’appuie sur sa gorge avec ses mains
et se l’enfonce dans le cou.
[28] Elle s’effondre par terre, mais bouge et semble souffrir. L’Appelant est en état de
choc devant cette agonie. Il entre dans un état difficile à expliquer, comme
engourdi, comme s’il se voyait agir, comme un robot. L’idée lui vient d’abréger ses
souffrances : il prend le couteau et lui donne des coups. Ses souvenirs sont
vagues au début et inexistants après quelques coups. Il arrête de donner des
coups lorsqu’il voit une substance jaune s’écouler de son corps.
[29] Il tente alors de se rentrer le couteau dans la gorge, mais il n’y arrive pas; il a peur
de mourir, il est traumatisé, il ne peut pas le faire. Toujours dans un état bizarre et
ne voulant pas que les gens sachent qu’elle vient de se suicider, il décide de
simuler un vol. Il ramasse quelques bijoux de pacotille, le couteau, place le tout
dans un sac qu’il va déposer dans le stationnement d’une épicerie située tout près
et revient à la maison. De retour à l’appartement, en la revoyant, il a un choc. Il
crie, il pleure et appelle le 911.
[30] Au 911, l’Appelant déclare qu’il a trouvé sa femme morte à son retour et qu’il a
rencontré un homme sur la rue qui lui a demandé de la monnaie tout en lui disant
qu’il était mieux de rentrer chez lui. Cette histoire ne dupe personne et les policiers
arrêtent l’Appelant six minutes après leur arrivée.
[31] La mère, la sœur et les amis de l’Appelant ont corroboré sa version selon laquelle
le couple n’avait pas de problèmes conjugaux et semblaient très amoureux. Ils ont
aussi corroboré les problèmes de comportements étranges de la défunte. La sœur
de l’Appelant avait même reçu certaines confidences de celle-ci sur ses pulsions
suicidaires35. Par ailleurs, son ami Dominique Prévost a témoigné qu’une journée
où il avait emmené seule la conjointe de l’Appelant au cinéma, après leur mariage
35
Dossier de l’Appelant, Vol. VIII, p. 68.
9
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie I – Les faits
à la mi-août, celle-ci lui a dit qu’elle se coupait et lui a montré des cicatrices sur
son bras36.
[32] Finalement, le psychiatre Morissette a témoigné. Son rapport a été produit de
consentement37 et donne un bon résumé de son témoignage 38. Son témoignage
peut se résumer comme suit :

L’Appelant a des traits de personnalité schizoïde, préférant être seul, en retrait et
tentant d’éviter les émotions fortes39;

Il n’a pas noté de problème d’alcool, de drogue, de violence, d’impulsivité 40.

Il avait une vie stable au travail, aux études, en milieu familial sans problèmes de
comportements41.

L’histoire de sa relation avec sa conjointe ne révèle pas de conflits, de violence,
de confrontation, de séparation, de jalousie42. Il s’agissait plutôt d’une relation
amoureuse très fusionnelle43.

Avec ce tableau en arrière-plan, il constate que les idées suicidaires de son
épouse étaient lourdes à porter pour l’Appelant qui était démuni pour y faire face
et identifie chez elle une organisation fragile de la personnalité de type
« borderline » (personnalité limite)44.

Les épisodes de mutilation sont typiques de ce genre de personnalité45. Le
suicide de son père combiné à une maladie dépressive fait qu’elle était à haut
risque de suicide46.
36
Dossier de l’Appelant, Vol. VIII, p. 27 et 28.
D-9, Dossier de l’Appelant, Vol. XIV, p. 116. Voir : Vol. XI, p. 127 et 128.
38
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 48 à 123.
39
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 55.
40
Idem.
41
Idem.
42
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 57.
43
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 102.
44
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 74 et 120.
45
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 73 et 74.
46
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 76 et 77.
37
10
MÉMOIRE DE L’APPELANT

Partie I – Les faits
Le calme et la détermination que la défunte affiche le 12 octobre 2004 de mettre
fin à ses jours est compatible avec les gens qui ont vraiment pris la décision de
se suicider, c’est une forme de quiétude et d’apaisement47.

Il n’est pas anormal que les conjoints aient eu une relation sexuelle avant le
suicide dans des circonstances particulières48.

L’Appelant a connu un épisode de dissociation progressif et complet49.

Les symptômes décrits par l’Appelant, mémoire imprécise ou absence de
mémoire, se décrivant comme un robot, hors de lui-même, au ralenti, sont
typiques d’un épisode de dissociation50.

Un tel épisode se déclenche souvent lors d’une situation traumatisante, une crise
psychologique intense. En l’espèce, il s’agissait du suicide de sa conjointe51.

Dans un état de dissociation, l’état mental est complètement perturbé. Les
capacités de jugement, de compréhension, d’analyse, de raisonnement sont
altérées. Il n’est pas en mesure d’exercer un jugement52.

Selon lui, la situation s’apparente à un fusible qui saute pour protéger l’individu
d’une surcharge émotionnelle53.

La capacité de juger la nature et la qualité de ses actes est altérée, il n’agit pas
consciemment ou rationnellement54. Les gestes ne sont pas au niveau de la
conscience55.
[33] Le juge d’instance avait une certaine appréhension concernant le témoignage du
Dr. Morissette, tel qu’il l’a lui-même indiqué aux parties56. Ceci s’est par ailleurs
reflété lors du témoignage de ce dernier, qui a été rendu dans des conditions
47
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 78.
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 79 et 80.
49
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 58 à 71 et 106 à 108.
50
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 58, 65 à 68 et 70.
51
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 59, 62 et 70.
52
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. p. 64.
53
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 65.
54
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 69.
55
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 113.
56
Dossier de l’Appelant, Vol. VII, p. 8, 31 et 32.
48
11
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie II – Les questions en litige
difficiles par les interventions du juge d’instance sans objection de l’Intimée et des
reproches injustifiés à l’interrogateur ou sur la façon de témoigner de l’expert 57.
[34] De plus, le juge d’instance ne permettra pas que l’expert donne son opinion sur
l’absence d’explication rationnelle aux gestes de l’Appelant58. De la même façon, il
refusera que l’expert donne son opinion sur l’état mental de l’Appelant et son
incapacité à mettre fin à ses jours après la mort de sa conjointe59.
[35] Le témoignage du Dr. Morissette n’a pas été contredit dans le cadre d’une contrepreuve.
PARTIE II
LES QUESTIONS EN LITIGE
[36] L’Appelant interjette appel pour la question suivante :

La majorité de la Cour d’appel a-t-elle erré en droit en ne concluant pas que le
juge d’instance avait altéré l’essence de la défense de l’Appelant dans son
résumé de sa thèse et erronément incité le jury à la rejeter en donnant son
opinion sur la culpabilité de l’Appelant?
PARTIE III
1.
1.1
L’ARGUMENTATION
Les devoirs du juge lorsqu’il résume la thèse des parties ou donne son
opinion
Le résumé de la preuve et de la thèse des parties doit être équitable
[37] Dans l’arrêt R. c. Daley60, cette honorable Cour a fait le point sur ce que doit
contenir les directives au jury. La Cour dresse une liste de huit éléments devant y
figurer, dont « une explication de la thèse de chaque partie » et « une
récapitulation des faits saillants à l'appui des prétentions et de la thèse de chaque
57
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 59 à 61, 71, 81 et 82 à 100.
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 82 à 85, 87 et 94.
59
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 99 à 100.
60
R. c. Daley, [2007] 3 R.C.S. 523, onglet 5.
58
12
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
partie » [Nous soulignons]61. La nécessité d’inclure ces deux éléments avait par
ailleurs été soulignée dans l’exposé classique de l’affaire Azoulay. v. R:
« The rule which has been laid down, and consistently followed
is that in a jury trial the presiding judge must, except in rare
cases where it would be needless to do so, review the
substantial parts of the evidence, and give the jury the theory of
the defence, so that they may appreciate the value and effect of
that evidence, and how the law is to be applied to the facts as
they find them.» 62
[38] Dans le cadre de ses directives, le critère devant guider le juge est l’équité. Ainsi,
le résumé de la preuve et l’exposé de la thèse des parties doivent être présentés
de manière équitable. Comme le rappelait le juge Fish dans Daley :
« Depuis plus de cent ans, il est établi en droit que
[TRADUCTION] "[c]haque partie à un procès devant jury a un
droit constitutionnel et reconnu par la loi de voir la preuve qu'elle
a soumise, soit en poursuite, soit en défense, présentée
équitablement à ce tribunal" (Bray c. Ford, [1896] A.C. 44 (H.L.),
p. 49 (je souligne), approuvé par le juge Nesbitt dans Spencer c.
Alaska Packers Association (1904), 35 R.C.S. 362, p. 367, et
confirmé dans Azoulay c. The Queen, [1952] 2 R.C.S. 495, p.
497-498). »63
[39] Bref, lorsqu’il expose la thèse de l’accusé, le juge doit s’assurer de présenter « une
image juste de la défense »64. Ainsi, le juge d’instance doit soumettre au jury la
thèse de la défense en entier65. Dans la même veine :
« […] lorsqu'il récapitule la preuve, le juge doit s'efforcer d'éviter
la présentation inexacte ou l'omission d'un fait pertinent, les
erreurs d'interprétation de la preuve et les observations
inopportunes sur les faits. »66
61
R. c. Daley, supra note 60, onglet 5, par. 29 et 114.
[1952] 2 R.C.S. 495, onglet 2, p. 497 et 498. Cité dans Daley, supra note 60, onglet 5, par. 54.
63
R. c. Daley, supra note 60, onglet 5, par. 117. Voir également le par. 116.
64
Kelsey v. The Queen, [1953] 1 R.C.S. 220, onglet 15, p. 227. Ces mots sont une traduction adoptée par
le juge Fish dans R. c. Daley, supra note 60, onglet 5, par. 121.
65
Pappajohn c. R., [1980] 2 R.C.S. 120, onglet 22, p. 126.
66
R. c. Daley, supra note 60, onglet 5, par. 124.
62
13
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
[40] C’est dans ce contexte que doit s’examiner le pouvoir du juge de commenter et
donner son opinion sur la preuve.
1.2 Le juge d’instance ne peut donner son opinion sur les faits que dans
des situations bien précises
[41] Nous soumettons respectueusement que deux conditions sont requises pour que
le juge puisse donner son opinion quant à la preuve. D’une part, les circonstances
doivent justifier le juge d’intervenir de la sorte. D’autre part, si le juge décide de
commenter la preuve, il doit le faire équitablement et sans commettre d’erreur
d’interprétation. Afin de ce faire, il doit, entre autres, émettre et répéter au besoin
une mise en garde au jury visant à s’assurer que celui-ci ne se sente pas lié par
son opinion. Afin de respecter l’équité du procès, nous soumettons que le juge
devrait en tout temps s’abstenir de donner son opinion au moment où il résume la
thèse de la défense. Il ne devrait également jamais émettre d’opinion sur le
témoignage de l’accusé.
1.2.1 Le juge d’instance peut émettre son opinion uniquement lorsque cela
est justifié
[42] Le droit au procès devant un jury est protégé à la fois par le Code criminel67 et la
Charte canadienne des droits et libertés68. Le corollaire de ce droit est que le juge
ne doit pas statuer sur les faits ni même influencer la décision du jury, qui demeure
le maître des faits et de la décision ultime à savoir si l’accusé est coupable ou non.
[43] Toutefois, la common law canadienne reconnaît depuis fort longtemps que le juge
d’instance peut donner son opinion sur des faits présentés lors du procès, à
condition qu’il mentionne clairement au jury qu’il ne s’agit que d’une opinion et que
ce dernier ne doit pas se sentir lié par celle-ci69.
67
Art. 469 a) et 473 (1) C.cr.
Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant
l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c.11, Art. 11 f) (la « Charte »).
69
R. v. Swyryda (1909), 15 C.C.C. 138, onglet 28; R. v. Newell (1942), 77 C.C.C. 81, onglet 21.
68
14
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
[44] Dans R. c. Gunning, cette honorable Cour a réitéré que le juge peut donner son
opinion relativement aux faits de la cause. L’honorable juge Charron précisait
cependant ce qui suit :
« […] Dans la mesure où cela est nécessaire, le juge a aussi
l'obligation d'aider le jury en passant en revue la preuve qui se
rapporte aux questions en litige. Le juge a également le droit
d'exprimer une opinion sur une question de fait et de le faire aussi
fermement que le permettent les circonstances, à la condition de
dire clairement au jury qu'il s'agit seulement d'un conseil et non
d'une directive.
[…]
Ainsi, dans un procès avec jury, il n'appartient jamais au juge
d'apprécier la preuve et de décider si le ministère public a prouvé
l'un ou plusieurs éléments essentiels de l'infraction, pour ensuite
donner des directives en conséquence au jury. Il n'importe pas de
savoir jusqu'à quel point la réponse peut paraître évidente au juge.
Il est également sans importance que le juge puisse être d'avis
que toute autre conclusion serait contraire à la preuve. Le juge du
procès peut exprimer une opinion sur la question lorsque cela est
justifié, mais il ne peut jamais donner des directives à cet
égard. »70
[45] Suite à l’arrêt Gunning, la Cour d’appel de l’Ontario a reconnu dans R. c. Lawes71
que la discrétion du juge d’instance de commenter les faits n’est pas contraire à
l’article 11 f) de la Charte. Toutefois, la Cour s’empressait de mentionner que cette
discrétion est limitée72. Comme le juge Doyon le mentionne relativement à l’arrêt
Gunning:
« Ces précisions ne sont pas anodines. Le juge peut donner son
opinion lorsque cela est justifié, en exprimant son point de vue à
hauteur de ce que les circonstances permettent. En d'autres mots,
il peut s'exprimer aussi fermement que les circonstances le
permettent, mais pas plus. »73
70
R. c. Gunning, [2005] 1 R.C.S. 627, onglet 11, par. 27 et 31.
R. v. Lawes (2006), 206 C.C.C. (3d) 15 (C.A. Ont.), onglet 18. Demande d’autorisation d’appel à la
Cour suprême refusée, [2006] S.C.C.A. No. 175.
72
R. v. Lawes, supra note 71, onglet 18, par. 20.
73
Jugement de la Cour d’appel, Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 41, par. 190.
71
15
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
[46] Afin de parfaire son rôle, le juge ne peut réellement éviter de transmettre au jury
une certaine opinion quant à la preuve. Cette opinion peut s’inscrire, par exemple,
dans le cadre d’une directive visant à instruire le jury sur les dangers de
l’identification visuelle74 ou encore lorsque le juge sélectionne les faits qu’il
considère importants pour résumer la preuve ou la position d’une partie. Ce
faisant, il met nécessairement une certaine emphase sur des parties de la
preuve75. Interprété largement, le juge communique ainsi une certaine opinion au
jury en ce qui a trait à l’importance des éléments de preuve. Ces commentaires
sont toutefois justifiés puisqu’ils sont nécessaires afin d’éclairer le jury sur certains
concepts ou sur l’application du droit aux faits.
[47] Le juge d’instance peut aussi, lorsque cela est nécessaire, commenter la preuve
afin de diriger le jury sur les parties importantes du procès. Ainsi, il peut préciser
les éléments de preuve qui s’opposent et ceux qui se corroborent, tout en laissant
au jury le soin d’en tirer ses propres conclusions. Ces interventions, quoique plus
délicates, sont donc également souhaitables puisqu’elles se limitent à assister le
jury. Ces indications ne nécessitent certainement pas que le juge d’instance aille
plus loin et mentionne son opinion quant à la force probante des éléments de
preuve.
[48] Afin de préserver l’équité du procès, un juge devrait, en règle générale, s’abstenir
d’afficher son opinion quant à l’évaluation de la preuve, à savoir si celle-ci est
crédible ou si le jury devrait ou non en tirer des inférences76. Ces interventions ne
sont ni nécessaires ni souhaitables, d’autant plus qu’un jury est présumé
compétent. Elles sont de plus risquées, comme le rappelait le juge Proulx dans R.
c. Aflalo77. Il est évidemment possible que le juge donne une opinion erronée ou
74
R. v. Wristen, 47 O.R. (3d) 66 (C.A. Ont.), onglet 32.
R. v. Lawes, supra note 71, onglet 18, par. 33.
76
Michael Hall, “Judicial Comment and the Jury's Role in the Criminal Trial”, (2007) 11 Can. Crim. L. Rev.
247, onglet 33.
77
R. c. Aflalo, 69 C.C.C. (3d) 230 (C.A.Q.), onglet 1.
75
16
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
trop forte dont le jury ne pourra se départir. Le juge peut aussi tout simplement
omettre de donner ou de répéter la mise en garde conventionnelle.
[49] Le juge, par sa notoriété vis-à-vis le jury, est susceptible de l’influencer, même si
cela n’est pas son intention. La Cour d’appel du Québec rappelait cette
constatation à l’occasion de l’arrêt R. c. Imbeault:
« Un jury, même bien informé qu'il est le maître des faits et de
l'appréciation de la preuve, n'est pas insensible à l'opinion du juge,
dont l'autorité de la fonction et la position de prestige ne sont pas
négligeables. »78
[50] Dans ces circonstances, en donnant son opinion sur la preuve, le juge ne peut que
menacer ou éroder le rôle du jury. Une opinion sur les faits peut très facilement se
transformer en une opinion sur la culpabilité. Ceci est encore plus vrai dans le cas
où l’accusé témoigne ou présente une défense.
[51] Il s’avère également difficile pour une cour d’appel de tenter de déterminer, post
facto, si les commentaires du juge ont eu un impact quelconque sur la décision du
jury.
[52] Dans Caron c. R., le juge Hilton mentionnait ce qui suit :
« Un accusé qui subit un procès devant jury doit pouvoir avoir un
procès équitable qui lui permette de répondre aux arguments du
ministère public et de se défendre. Il ne peut par ailleurs répondre
aux opinions du juge puisqu'une fois les directives données, il n'a
pas le droit de s'adresser à nouveau au jury. Dans ces
circonstances, il est généralement souhaitable pour l'administration
de la justice que les juges s'abstiennent de donner leur opinion
personnelle à l'égard de la preuve. Leur rôle se limite à signaler au
jury les aspects de la preuve qu'il devrait prendre en compte pour
en arriver à un verdict et les principes juridiques applicables à
cette preuve. Pourquoi le juge donnerait-il aux jurés son
interprétation de la preuve pour ensuite leur dire qu'ils ne sont pas
obligés d'en tenir compte? Malgré qu'un juge puisse en avoir le
droit en certaines circonstances, il demeure néanmoins préférable
78
R. c. Imbeault, 2006 QCCA 1559 (C.A.Q.), onglet 12, par. 16. Voir également Caron c. R., 2007 QCCA
1569 (C.A.Q.), onglet 4, par. 95.
17
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
qu'il se limite à faire une narration indépendante et neutre de la
preuve sans se prononcer sur sa valeur ou d'exprimer directement
son opinion, ce qui d'ailleurs les aide peu dans leur évaluation
personnelle. »79
[53] Ainsi, à notre avis, le juge devrait agir avec parcimonie et donner son opinion sur la
force probante de la preuve que dans de rares cas où cela est absolument
nécessaire pour assister le processus délibératoire. Par exemple, l’opinion du juge
sur la preuve pourrait être d’une certaine aide dans le cas où une preuve
volumineuse et complexe est présentée au jury et dans laquelle il s’avère peut-être
utile de faire un certain débroussaillage ou dans le cas de verdict dirigé
d’acquittement, comme le suggère le juge Beauregard80.
[54] À tout évènement, nous soumettons que lorsque vient le temps pour le juge de
résumer la thèse des parties, le juge ne devrait jamais exposer son opinion
personnelle. Dans ce cas, il est difficile de concevoir comment l’opinion du juge
pourrait réellement assister le jury, qui devrait déjà avoir entendu le résumé de la
preuve effectué par le juge ou être sur le point de l’entendre. L’intervention du juge
est encore moins désirable lorsqu’on considère que son opinion touchera
nécessairement à la position et aux arguments des parties, et donc directement au
bien-fondé de la défense.
1.2.2
S’il choisit de donner son opinion, le juge doit agir de manière
équitable envers l’accusé
[55] Le juge d’instance est le gardien de l’équité du procès. À ce titre, il va de soi qu’il
ne doit pas lui-même causer des sources d’iniquité.
[56] La jurisprudence a développé certains critères au fil des ans visant à préciser les
cas où le juge outrepasse ses pouvoirs et compromet l’indépendance du jury.
Dans R. v. Garofoli, la Cour d’appel de l’Ontario mentionnait ce qui suit :
79
Caron c. R., supra note 78, onglet 4, par. 104.
Voir l’opinion du juge Beauregard à cet égard. Jugement de la Cour d’appel, Dossier de l’Appelant, Vol.
I, p. 27, par. 105.
80
18
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
« Even though the trial judge has properly instructed the jury that
they are not bound by his views on the evidence, an appellate
court may, nonetheless, intervene if the opinion expressed by the
judge is far stronger than the facts warrant, or where the judge has
expressed his opinion so strongly that there is a likelihood of the
jury being overawed by them: see R. v. Ruddick (1980), 57 C.C.C.
(2d) 421 at 435 (Ont. C.A.), leave to appeal to the Supreme Court
of Canada refused April 6, 1981; R. v. Yanover and Gerol (1985),
20 C.C.C. (3d) 300 at 319-20 (Ont C.A.). »81
[57] Le juge Proulx, dans R. c. Aflalo, précisait ce qui suit :
« 1. il est inacceptable qu'un juge, dans ses directives au jury,
exprime sa conviction personnelle quant à la culpabilité de
l'accusé, même s'il a mis les jurés en garde qu'ils ne sont pas liés
par son opinion;
2. il en résultera un vice fondamental qui vicie le processus si,
considérées dans l'ensemble des directives, les opinions du juge,
i)
sont formulées avec force et présentent ainsi un risque
que le jury soit influencé par ces opinions, ou
ii) sont imposées au jury ou ont un effet dominant dans le
contexte des directives, ou
iii) font pencher la balance en faveur de la poursuite et
déprécient ainsi la thèse de la défense. »82
[58] Dans R. v. Lawes, le juge Rouleau exprime que le principe directeur est l’équité du
procès:
« […] What can be drawn from all of these cases is that, in this
area, everything is a question of degree. The overarching principle
is fairness. Within this principle of fairness is the recognition that
the jury must remain the arbiter of the facts and that any comments
made by the trial judge cannot amount to a rebuttal of the defence
81
R. v. Garofoli, 41 C.C.C. (3d) 97 (C.A. Ont.), onglet 9, p. 132. Approuvé dans R. v. Muchikekwanape,
166 C.C.C. (3d) 144 (C.A. Man.), onglet 20, par. 26. Voir également R. v. Ruddick, 57 C.C.C. (2d) 421
(C.A, Ont.), onglet 26, par. 36.
82
R. c. Aflalo, supra note 77, onglet 1, p. 2153 et 2154. Cité avec approbation dans R. v. Valentini, 132
C.C.C. (3d) 262 (C.A. Ont.), onglet 30, par. 34. Voir aussi R. v. Dove, 2004 BCCA 338, 187 C.C.C. (3d)
506, par. 25 à 48.
19
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
address to the jury or unfairly denigrate or undermine the position
of the defence. »83
[59] L’équité nécessite indéniablement que le juge émette une mise garde spécifiant
aux jurés que l’opinion qu’il transmet ne les lie pas d’aucune manière. La
jurisprudence reconnait au surplus que certains cas nécessiteront une répétition de
cette mise en garde84. En tout état de cause, lorsque le juge émet une opinion, la
transparence est de mise. Le juge doit absolument éviter de faire des suggestions
voilées sur la culpabilité de l’accusé. Comme le juge Doyon le mentionne :
« Cette question d'équité est éminemment importante et le danger
demeure lorsque le juge, sans exprimer directement et clairement
son opinion, la transmet néanmoins de manière implicite. Et le
dommage est encore plus grand s'il ne répète pas à ce moment la
mise en garde. »85
[60] Le juge Beauregard est du même avis :
« À mon avis, si le juge choisit de donner son avis sur une
question qui n'est pas une pure question de droit, il devrait le faire
en toute transparence et non de façon voilée et surtout en ne
suggérant pas au jury (après lui avoir dit qu'il n'est pas obligé
d'être d'accord avec lui) qu'il serait presque difficile de conclure
autrement. »86
[61] Ce type d’adresse au jury peut être en effet très dommageable puisque le jury peut
y voir une directive sur la manière de trancher une question de fait et, ultimement,
l’issue du procès.
[62] Dans cette optique, et au risque de se répéter, nous voyons difficilement comment
un juge pourrait agir de manière équitable envers l’accusé en donnant une opinion
au moment où il expose la thèse de la défense. Nous soumettons donc que ce
type d’intervention ne devrait pas être permis.
83
R. v. Lawes, supra note 71, onglet 18, par. 23. Voir également R. c. Daley, supra note 60, onglet 5, par.
57.
84
Caron c. R., supra note 78, onglet 4; R. c. Imbeault, supra note 78, onglet 12, par. 15.
85
Jugement de la Cour d’appel, Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 42, par. 199.
86
Jugement de la Cour d’appel, Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 26, par. 96.
20
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
[63] Enfin, rappelons qu’à notre avis, la frontière entre l’opinion sur la preuve et celle
sur la culpabilité est particulièrement ténue lorsque l’accusé témoigne. Cela ne
veut pas dire que le juge devrait se priver d’exposer la preuve contredisant le
témoignage de l’accusé dans le résumé de la preuve ou celui de la thèse du
ministère public. Néanmoins, nous soumettons que l’équité du procès exige que le
juge n’exprime pas ce qu’il pense de la crédibilité de l’accusé.
2. Les directives du juge d’instance ont compromis l’équité du procès
2.1
Le juge d’instance n’était pas justifié de donner son opinion
[64] Nous soumettons respectueusement qu’il n’était pas justifié pour le juge d’instance
de donner son opinion comme il l’a fait.
[65] Effectivement, le présent dossier, bien qu’atypique et complexe en droit, était
relativement simple au niveau des faits. Le jury n’avait certainement pas besoin
d’aide pour évaluer la crédibilité de l’Appelant ou celle du Dr. Morissette ou encore
pour évaluer ces témoignages au regard de l’ensemble de la preuve. Par exemple,
il est difficile de concevoir comment les commentaires personnels du juge
d’instance relativement à plausibilité d’une relation sexuelle entre l’Appelant et son
épouse le soir des évènements ou de la justesse du test de son effectué par les
policiers pouvait aider le jury dans son appréciation de la preuve.
[66] Le jury avait entendu la preuve présentée lors du procès et il n’était certainement
pas nécessaire pour le jury d’obtenir l’opinion du juge quant à sa force probante.
La grande partie des interventions du juge d’instance ont de plus été faites alors
qu’il prétendait résumer la thèse de la défense. Ce type d’intervention, à notre avis,
n’a pas de raison d’être.
21
MÉMOIRE DE L’APPELANT
2.2
Partie III – L’argumentation
Le juge d’instance a altéré l’essence de la défense et a incité le jury à
la rejeter
[67] Comme déjà dit, le juge d’instance, en traitant de la preuve et en résumant la thèse
des parties, se doit d’être équitable. Il doit également l’être lorsqu’il émet des
commentaires ou son opinion.
[68] En l’espèce, nous soumettons respectueusement que le juge d’instance a
systématiquement démoli la défense de l’Appelant en mettant continuellement en
doute la vraisemblance de celle-ci et en faisant des liens avec son interprétation
biaisée et inexacte de la preuve87. Au lieu de résumer la thèse de la défense, le
juge d’instance s’est servi de ce moment pour en démontrer l’invraisemblance.
[69] L’avocat de l’Appelant, immédiatement, s’en est vigoureusement plaint, mais le
juge d’instance a refusé de corriger la situation88.
[70] Via le résumé de la preuve (le témoignage du Dr. Morissette) et le résumé de la
thèse de la défense, le juge d’instance attaque tous les éléments de preuve
essentiels présentés par l’Appelant ainsi que tous ses arguments principaux, sans
exception.
2.2.1
Le témoignage du Dr. Morissette
[71] Il va sans dire que le témoignage du Dr. Morissette était crucial pour la défense
pour plusieurs raisons. D’abord, il constituait le fondement de la défense de
troubles mentaux selon l’article 16 C.cr. Si le jury rejetait la défense de troubles
mentaux, le témoignage servait d’assise pour invoquer qu’en raison du trait
schizoïde et de l’état de dissociation, l’Appelant n’avait pas l’intention spécifique
requise pour commettre un meurtre89. Par ailleurs, durant son délibéré, le jury avait
demandé de réécouter le témoignage du Dr. Morissette, ce qui démontre qu’il y
attachait une importance.
87
Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 137 à 139 et Vol. II, p. 28 à 42.
Dossier de l’Appelant, Vol. II, p. 50 à 53.
89
R. c. Laflamme, 65 Q.A.C. 148 (C.A.Q.), onglet 17.
88
22
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
[72] Outre le fait d’avoir traité cavalièrement le Dr. Morissette durant son témoignage,
en intervenant sans raison et sans objection de l’intimée90, le juge d’instance
résumera son témoignage en une vingtaine de lignes91. Il se livrera ensuite à une
véritable destruction de son témoignage92.
[73] À cet égard, les commentaires du juge d’instance doivent s’évaluer à la lumière de
ses interventions antérieures lors du témoignage du Dr. Morissette, ce qui a
renforci ou confirmé aux yeux du jury l’opinion négative qu’avait le juge d’instance
à l’égard de l’expert.
[74] Notons également que le procureur de l’Appelant avait demandé au juge
d’instance de corriger ses directives à cet égard, ce que le juge refusa93.
[75] Le Dr. Morissette soutenait que l’Appelant a subi un état de dissociation partiel
(débutant au moment où il voit son épouse s’enfoncer le couteau dans la gorge et
agoniser) et complet (débutant vers le 7e ou 8e coup de couteau). Ceci étant dit,
l’état de dissociation se serait estompé après le dernier coup de couteau au
moment où l’Appelant a vu une substance jaunâtre s’écouler du corps de son
épouse. C’est à ce moment qu’il est revenu à lui-même.
[76] Or, le juge d’instance mentionne ce qui suit :
« Est-ce que c'est vraisemblable que l'accusé, à ce moment-là,
était incapable de juger de la nature et de la qualité de l'acte qu'il
posait ou des actes qu'il posait, parce qu’il y a au moins 7 ou 8
coups de couteau dont il se souvient, ou de savoir que c’était
mauvais? Est-ce que c’est vraisemblable?
Et pour répondre à cette question-là, vous devez quand même
examiner une partie importante de la preuve. Notamment, son
comportement, est-ce que c'est vraisemblable que les, qu'une
personne dans un tel état de dissociation, simule une scène de
crime pour laisser croire que c'est l'œuvre d'un intrus?
90
Dossier de l’Appelant, Vol. XI, p. 50, 59 à 61, 71 et 82 à 101.
Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 135 à 136.
92
Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 137 à 139.
93
Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 150 et 151.
91
23
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
Est-ce que c'est vraisemblable que, dans une telle condition
pathologique, l'accusé passe le couteau dans l'eau, ramasse les
bijoux et aille les dissimuler dans un buisson d'un stationnement
tout près, pour laisser croire à un vol par effraction?
Est-ce que c'est également vraisemblable, est-ce que vous pouvez
réconcilier cet état de dissociation avec les propos qu'il tient
lorsqu'il appelle 9-1-1? Je ne vous dis pas que c'est irréconciliable,
je vous dis simplement vous devez vous poser comme question
est-ce vraisemblable, compte tenu de la preuve qui a été faite? »94
[77] À notre avis, la nature, le nombre et le ton des questionnements suggérés au jury,
en sus des multiples interventions durant le témoignage de l’expert, laissent
clairement transparaître l’opinion du juge d’instance, qui ne croit pas du tout dans
cette défense. Ces commentaires n’ont par ailleurs pas trait uniquement à
l’évaluation de la preuve, et en questionnant la vraisemblance d’un moyen de
défense, touchent directement à la question de la culpabilité.
[78] Dans R. v. Baltovitch, les honorables juges Moldaver, Sharpe et Gillese
mentionnaient que les questions rhétoriques de ce type par un juge lors de
l’exposé au jury peuvent s’avérer dommageables et devraient être évitées :
« The tone and content of the rhetorical questions leave little doubt
as to where the trial judge stood on the matter. Not only did he
hold the defence of suicide up to contempt and ridicule, he also
conveyed a less than subtle message to the jury that the appellant
was "promoting the idea" to throw the police off track and shield
himself from detection. […]
[…]
Rhetorical questions of that nature may have a place in the
Crown's closing address. They should be avoided in the jury
charge, lest the trial judge be seen as taking up the Crown's cause
and casting off the mantle of objectivity. »95
[79] Une remarque similaire était faite par le juge Rouleau dans R. v. Lawes :
94
Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 137 à 139.
R. v. Baltovich, 73 O.R. (3d) 481 (C.A. Ont.), onglet 3, par. 126 et 146. Voir également R. v. Dunham,
11 O.A.C. 374 [1986] O.J. No. 23 (C.A. Ont.), onglet. 7.
95
24
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
« Clearly rhetorical questions and comments that might be taken to
unfairly denigrate the defence position ought to be avoided. They
make a trial judge's charge vulnerable and may result in the charge
not being fair and balanced. »96 [Nous soulignons.]
[80] De surcroît, ces questions ou commentaires voilés du juge d’instance attaquent
indûment le témoignage de l’expert et par le fait même celui de l’Appelant. Le juge
d’instance questionne la compatibilité du comportement post-délictuel avec l’état
de dissociation de l’Appelant, suggérant qu’une personne dans un tel état ne peut
avoir agi de la sorte. Or, l’expert a témoigné que l’état de dissociation était terminé
avant que l’Appelant ne s’engage dans ce comportement post-délictuel. L’Appelant
a lui aussi témoigné qu’il avait alors repris ses esprits, quoiqu’il se sentait encore
« bizarre », au moment où il a décidé de camoufler la scène.
[81] Bref, puisque l’état de dissociation n’existait plus à ce moment, le comportement
post-délictuel de l’Appelant pouvait très bien s’expliquer par ce qu’il venait de
constater, soit la mort de sa conjointe et les nombreux coups de couteaux. Un tel
comportement ne contredit pas du tout l’état de dissociation antérieur. Toutefois,
dans son explication de l’évaluation du témoignage de l’expert, le juge d’instance
passe sous silence cette importante explication de l’Appelant97.
[82] Dans ces circonstances, ces questionnements, déjà inappropriés, devenaient
encore plus dommageables pour l’Appelant puisque le jury risquait aussi
d’analyser négativement le témoignage du psychiatre et même celui de l’Appelant
à partir d’une information incomplète et inexacte.
[83] Comme le résume le juge Beauregard :
« C'est un fait que […] bien qu'il s'en défende, le juge donne en
pratique son opinion en suggérant que la défense fondée sur
l'article 16 n'est pas vraisemblable. […]
96
R. v. Lawes, supra note 71, onglet 18, par. 64.
L’explication avait été soulignée lors du résumé de la preuve, mais, à notre avis, elle devait être répétée
étant donné la manière dont le juge d’instance résumait la thèse de la défense. Dossier de l’Appelant, Vol.
I, p. 99 et 100.
97
25
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
[…]
Mais, où l'appelant a raison de faire grief au juge, c'est lorsque
celui-ci exprime un avis sur une question litigieuse et que le rappel
de la directive était alors approprié, il ne la répète pas, mais
suggère que la réponse à la question posée est plutôt évidente.
[…]
En suggérant au jury que la défense fondée sur l'article 16 n'était
pas vraisemblable, le juge a renvoyé spécialement à des éléments
de preuve qui n'appuyaient pas la défense, mais il n'a pas
mentionné les éléments de preuve qui l'appuyaient. Le juge aurait
négligé de rappeler le témoignage de l'appelant selon lequel il
n'était plus dans un état de dissociation lorsqu'il a tenté de
camoufler la situation […] et le juge se serait fondé sur la tentative
intentionnelle de camouflage pour faire voir qu'il n'était pas
vraisemblable que l'appelant eût été dans un état de dissociation à
ce moment-là, ni, en conséquence, lors des coups de couteau.
C'est un fait. […] Le juge n'a pas l'obligation de refaire les
plaidoiries des parties, mais, s'il le fait en faveur d'une partie, il
devrait le faire aussi en faveur de l'autre. »98
[84] À tout évènement, de tels questionnements pouvaient au mieux être appropriés
dans l’adresse au jury par l’Intimée. Ils n’avaient certainement pas leur place dans
l’évaluation du témoignage de l’expert.
2.2.2
Les tendances suicidaires de la défunte
[85] Toute la thèse de la défense reposait sur le suicide de la conjointe de l’Appelant.
Ce suicide constituait la pierre angulaire de la défense fondée sur l’article 16 C.cr.,
l’absence d’intention criminelle ou l’absence du lien de causalité entre les gestes
de l’Appelant et la mort. À vrai dire, si l’Appelant avait donné le premier coup de
couteau, il n’avait pas de défense à présenter.
[86] D’entrée de jeu, le juge d’instance explique rapidement que la défense a passé
beaucoup de temps à démontrer que la défunte avait un état mental fragile et des
98
Jugement de la Cour d’appel, Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 26 et 27, par. 95, 98 et 99.
26
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
idées suicidaires, idées qu’elle exprimait sur un site Internet99. Toutefois, il
s’empresse de suggérer au jury que plusieurs éléments de preuve contredisent la
thèse de la défense. Il prend alors plus de temps pour réfuter la thèse de la
défense que pour l’expliquer100.
[87] Non seulement cette réfutation n’était pas souhaitable dans cette partie des
directives, mais le juge d’instance omet au surplus de mentionner les faiblesses de
la preuve qui contredisent supposément la thèse de la défense.
[88] Notamment, il traite du témoignage de la mère de la défunte, qui dit ne pas avoir
perçu les idées suicidaires de sa fille et que celle-ci lui paraissait heureuse au
téléphone la veille des évènements101. Le juge d’instance ne mentionne pas,
toutefois, qu’il y avait des problèmes de communication entre la mère et la défunte,
ce qui était par ailleurs exprimé par la défunte elle-même dans son journal intime.
[89] Le juge d’instance mentionne aussi que les amis de l’Appelant n’avaient pas noté
ces problèmes chez la défunte. Encore une fois, ceci n’est pas exact. Les
problèmes d’estime de soi et d’automutilation sont corroborés par un ami chilien de
la défunte, Angel Labarca102. Par ailleurs, l’ami de l’Appelant, Dominique Prévost,
a témoigné qu’après leur mariage (le 13 août 2004), il avait été au cinéma avec la
défunte. Celle-ci lui avait alors dit qu’elle se coupait et lui avait montré des
cicatrices sur l’un de ses bras103. Le juge d’instance n’en fait pas état.
[90] Le juge suggère aussi que la défunte avait cessé de participer sur le site Internet
« Dead Journal » en date du 17 juillet 2004 alors que les évènements étaient
survenus le 13 octobre 2004. Or, cette suggestion n’était pas tout à fait vraie. La
preuve présentée au jury relativement à la participation de la défunte à ce site
Internet correspondait uniquement à celle ayant été rendue publique et où la
défunte écrivait. Bref, elle pouvait toujours consulter ce site Internet en date des
99
Dossier de l’Appelant, vol. II, p. 31 et 32.
Dossier de l’Appelant, vol. II, p. 32 à 34.
101
Dossier de l’Appelant, vol. II, p. 32 et 33.
102
D-6, Dossier de l’Appelant, Vol. XIV, p. 108.
103
Dossier de l’Appelant, Vol. VIII, p. 27 à 29.
100
27
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
évènements et pouvait même communiquer avec d’autres internautes ou écrire sur
sa vie dans des sections privées du site Internet. Tout ce que la preuve présentée
suggérait était que les derniers écrits publics de la défunte sur ce site Internet
dataient du 17 juillet 2004. L’inférence suggérée par le juge d’instance allait
beaucoup plus loin et indiquait même au jury implicitement que la thèse de la
défense était erronée, que les problèmes de la défunte étaient probablement
résolus.
[91] Enfin, la mère et la sœur de l’Appelant témoignèrent que la défunte avait des
sautes d’humeur incompréhensibles et semblait manifester le comportement d’une
personne bipolaire. Elles ajoutèrent que la défunte portait des vêtements longs et
ne venait pas à la piscine. Le juge d’instance mentionne ces parties de leur
témoignage, mais ajoute aussitôt que des photos prouvent le contraire, affectant
ainsi directement la valeur probante de leur témoignage. Or, une seule photo
montre la défunte en costume de bain à la piscine avec sa fille, et n’est pas mise
en contexte dans la preuve; on ne sait pas à quel moment et dans quelles
circonstances elle aurait été prise. Encore une fois, l’affirmation du juge d’instance
est non seulement déplacée, mais suggère beaucoup plus que ce que la preuve
dévoile. De surcroît, ces commentaires ont pu avoir pour effet de mettre en doute
l’ensemble du témoignage de la mère et la sœur de l’Appelant.
[92] En somme, le juge d’instance, après avoir brièvement décrit le pivot de la défense,
soulève tous les éléments de preuve qui de son avis contredisent la thèse de la
défense. Nous soumettons que ce type d’exposé n’est pas équitable.
2.2.3
La relation sexuelle entre l’Appelant et son épouse, les tests
sonores et le témoignage de la voisine
[93] Dans le cadre de son témoignage, l’Appelant mentionne qu’il a eu une relation
sexuelle avec son épouse un peu avant que celle-ci ne s’enfonce le couteau dans
la gorge. Le juge d’instance, après avoir récité la version des faits de l’Appelant,
s’arrête sur cette partie et fait grand état de l’invraisemblance qu’une relation
28
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
sexuelle ait eu lieu104. En suggérant cela, le juge d’instance soumet implicitement
que les bruits et cris entendus par la voisine doivent être dus à autre chose qu’une
relation sexuelle, voire une agression ou une chicane.
[94] D’emblée, il y va d’une remarque personnelle déplacée, non fondée sur la preuve
ou le bon sens et tout à fait non pertinente :
« […] malgré la tristesse du moment et puis la lourdeur du
moment, la victime aurait eu des jouissances orgasmiques très
sonores parce que la voisine d'en haut a été réveillée par ces
choses-là.
La première question à se poser c'est est-il vraisemblable que,
dans un contexte aussi chargé d'émotions, aussi triste, finalement,
votre conjointe dit : « Je mets fin à mes jours, c'est irrévocable, je
ne veux pas que tu m'accompagnes, continue de vivre, c'est notre
dernier soir ensemble, et cætera ». Est-ce vraisemblable que la
victime puisse avoir une jouissance orgasmique aussi sonore,
aussi fortement sonore? »105
[95] Comme l’indique l’honorable juge Doyon :
« Comment ne pas y percevoir l'opinion du juge selon laquelle
l'explication ne peut tenir, une suggestion à peine voilée qu'il serait
ridicule de répondre à la question en faveur de l'accusé? »106
[96] À notre avis, ce commentaire compromettait l’équité du procès, puisque le juge
d’instance s’attaquait directement à la crédibilité de l’Appelant. Le juge d’instance
va plus loin encore, et continue de suggérer que la version de l’Appelant n’est pas
crédible.
[97] Il reprend alors le témoignage de la voisine, qui prétend avoir entendu des
lamentations très intenses d’une femme, des coups dans les murs et une voix
d’homme qui crie107. Le juge d’instance prend soin de préciser que la voisine
104
Voir les commentaires du juge Doyon sur ce sujet : Jugement de la Cour d’appel, Dossier de
l’Appelant, Vol. I, p. 45 et 46, par. 212 à 215.
105
Dossier de l’Appelant, Vol. II, p. 36 et 37.
106
Jugement de la Cour d’appel, Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 45, par. 213.
107
Dossier de l’Appelant, Vol. II, p. 37 et 38.
29
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
mentionne avoir entendu, à la fin, un bruit sourd provenant de l’homme et un
« dernier soupir » de la femme.
[98] Or, les tests de son effectués par les policiers démontraient que ces bruits
n’avaient pas pu être entendus par la voisine. Toutefois, le juge signifie clairement
au jury que ces tests sont sans valeur selon lui puisqu’ils ont été réalisés durant le
jour alors que les bruits sont survenus pendant la nuit :
« Sans qu'il soit besoin d'avoir un expert, il tombe sous le sens
qu'on a une meilleure perception des bruits la nuit que dans
l'après-midi. J'en veux pour exemple ceux parmi vous qui avez le
bonheur de vivre à la campagne, si vous souffrez d'insomnie, vous
devez vous rendre compte, n'est-ce pas, que le merle commence
à chanter vers trois heures et demie, quatre heures moins quart,
que le cardinal commence à se faire entendre vers quatre heures
du matin, que vous entendez tous les bruits de chicane de matous
la nuit, et ce sont des bruits qui ne sont pas toujours perceptibles
le jour. Ça ne veut pas dire que la nuit, c'est parce qu'il y a moins
de bruits environnants. Alors, donc, il faut tenir ça pour compte.
Que les policiers aient agi de la sorte, je ne pense pas que ce soit
par, comment dirais-je, par mauvaise foi ou malhonnêteté. C'est
strictement de l'incompétence ou de l'ineptie, point, pour appeler
les choses par leur nom, mais c'est quand même un élément de
preuve dont il faut tenir compte. »108
[99] Ce passage appelle à plusieurs commentaires. Encore une fois, le juge donne son
opinion, tout à fait gratuite, sur les faits de la cause et laisse transparaître ce qu’il
pense de la thèse de la défense. L’interprétation qu’il propose des tests de sons
est tout à fait excessive, disproportionnée et non fondée sur la preuve. Les jurés
n’avaient certainement pas besoin de connaître l’opinion du juge d’instance, basée
sur ses expériences personnelles, pour s’acquitter de leur tâche.
[100] D’ailleurs, ces propos du juge d’instance rehaussaient la crédibilité à accorder à la
voisine. Le juge usurpait certainement le rôle du jury en lui suggérant d’apprécier
ce témoignage à la hausse.
108
Dossier de l’Appelant, Vol. II, p. 38 et 39.
30
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
[101] Le juge d’instance renchérit en opposant la version de l’Appelant à l’opinion de la
biologiste judiciaire109. Notons que le juge d’instance avait terminé le chapitre des
bruits constatés par la voisine et la relation sexuelle. Il s’engageait dans la portion
du comportement post-délictuel de l’Appelant, mais a décidé de revenir à la
charge en ce qui concerne l’invraisemblance de la relation sexuelle. Le juge
d’instance n’avait aucune raison de traiter de ce point dans la thèse de la défense.
À notre avis, ceci ne peut que démontrer que le juge d’instance s’était donné pour
cause de faire passer son message, à savoir que la défense ne tenait pas la route.
[102] Le juge d’instance explique qu’il n’y avait aucune trace de sperme dans le condom
retrouvé, que celui-ci semblait utilisé puisqu’on y avait trouvé des substances
biologiques appartenant à la fois à la défunte et à l’Appelant, et que les
prélèvements faits dans la cavité vaginale de la défunte démontraient la présence
de sperme de l’Appelant. Toutefois, comme le juge d’instance le précise, les
flagelles étaient absents selon les observations de la biologiste. À cet égard, il
mentionne au jury que celle-ci a expliqué qu’un phénomène de rejet féminin
élimine les spermatozoïdes après environ 3 jours. Il n’en dit pas plus.
[103] Au risque de se répéter, l’allusion au témoignage de la biologiste dans le cadre de
l’exposé de la thèse de la défense n’était pas appropriée. Le juge proposait à
nouveau que le témoignage de l’Appelant n’était pas crédible puisque la relation
sexuelle n’aurait pas eu lieu peu de temps avant que sa conjointe ne perde la
vie. De plus, les indications du juge d’instance étaient incomplètes et pouvaient
laisser croire que le témoignage de la biologiste s’opposait nécessairement à la
version de l’Appelant, ce qui n’était pas le cas.
[104] Il était possible d’inférer que l’Appelant avait eu une relation sexuelle relativement
récente avec le condom. Notons toutefois que l’Appelant ne mentionne pas dans
son témoignage si un ou plusieurs condoms ont été utilisés, s’il a éjaculé dans un
condom et, si c’est le cas, ce qui est advenu de ce condom. La preuve à cet égard
est pour le moins parcellaire. Mais comme le condom ne contenait pas de sperme
109
Dossier de l’Appelant, Vol. II, p. 41 et 42.
31
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
et que l’Appelant a admis avoir éjaculé en son épouse, il fallait examiner le
sperme trouvé dans la cavité vaginale de la défunte.
[105] Ce que le juge d’instance ne dit pas, c’est que les conclusions de la biologiste sont
uniquement applicables à un homme ayant une éjaculation normale. Si la
biologiste mentionne que la situation ne s’apparente pas à une relation sexuelle
survenue en-deçà de 12 heures, elle prend cependant le soin de préciser que
cette conclusion est d’ordre général. Elle mentionne ce qui suit:
« Bien, ça serait le plus normal, oui. Sauf que la biologie étant la
biologie et la science de l'humain, la personne qui a éjaculé, si elle
a éjaculé souvent ou fréquemment dans les heures ou dans les
jours, ou que la quantité de spermatozoïdes de cette personne-là
n'est pas très grande, on va en voir moins, puis on va en voir
moins avec des queues aussi. Donc, on n'est pas dans une
situation, ce que je vois dans la cavité vaginale, où on a une
relation sexuelle récente d'une personne qui aurait une éjaculation,
une éjaculation normale, remplie de spermatozoïdes avec des
queues fraîches de quelques heures. On n'est pas dans cette
situation-là. » 110
[106] En somme, à la lecture des directives du juge concernant ce chapitre, il est clair
que celui-ci voulait transmettre son opinion. Toutefois, en aucun temps durant le
résumé de la thèse de la défense le juge n’émet de mise en garde selon laquelle le
jury n’est pas obligé de suivre son opinion. Le juge Beauregard mentionne résume
très bien la situation :
« […] Ceci est singulièrement vrai lorsque le juge dénigre le test
fait par la police qui laissait un doute sur la véracité du témoignage
de la voisine et surtout lorsqu'il suggère qu'il est ridicule de penser
que, dans les circonstances décrites par l'appelant, le couple aurait
eu une relation sexuelle cette nuit-là. Donc le juge enlève toute
valeur à ce test de la police, avance une opinion gratuite sur le fait
que, dans les circonstances de cette nuit-là, il n'était pas
raisonnable de croire que le couple aurait eu une relation intime,
donne de la valeur au témoignage de la voisine et, par le fait
même, dénigre et détruit la défense de l'appelant. […] »111 [Nous
soulignons.]
110
111
Dossier de l’Appelant, Vol. VI, p. 70 et 71.
Jugement de la Cour d’appel, Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 26, par. 101.
32
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
[107] En effet, les commentaires du juge touchaient non seulement à la preuve de
manière générale, mais aussi directement la question de la culpabilité. D’une part,
les commentaires suggéraient qu’il n’y avait pas eu de relation sexuelle telle que
décrite par l’Appelant et que des bruits dans l’appartement étaient dus à une autre
cause, avec tout ce qu’implique une telle suggestion. D’autre part, ces affirmations
et questionnements attaquaient la crédibilité de l’Appelant, puisqu’ils dénigraient
directement le témoignage de ce dernier ou tendaient à renforcir certains éléments
de preuve le contredisant. Or, ce témoignage était une pièce fondamentale de la
défense et au centre de l’équité du procès.
2.2.4
Le comportement post-délictuel de l’Appelant
[108] Tel que mentionné ci-haut, le comportement post-délictuel de l’Appelant avait déjà
été utilisé par le juge d’instance afin de démontrer l’invraisemblance de l’état de
dissociation. Le juge d’instance fait également d’autres commentaires concernant
ce comportement. Concernant l’appel au 911 logé par l’Appelant et la version qu’il
aurait donné à un certain Monsieur Hamelin, le juge d’instance mentionne ce qui
suit :
« Vous constatez qu'il donne une version tout à fait mensongère
des événements tels que survenus. […] Alors, ce sont des facteurs
dont vous devez tenir compte pour déterminer s'il y a dans votre
esprit un doute raisonnable que les événements sont survenus
comme le décrit l'accusé. Si oui, vous devez nécessairement
rejeter la thèse de la couronne et, j'oubliais, vous avez également
le témoignage de monsieur Hamelin, qui vous relate une version
que l'accusé lui aurait donnée, qui n'est pas conforme aux
événements. L'accusé aurait dit qu'il était allé au dépanneur et
qu'à son retour il a constaté que sa femme était en train de se
suicider.»112 [Nous soulignons.]
[109] Non seulement ce passage suppose-t-il un comportement répréhensible de la part
de l’Appelant, mais le juge d’instance ne mentionne aucunement que l’Appelant
avait mentionné avoir agi de la sorte pour s’assurer que l’entourage de la défunte
112
Dossier de l’Appelant, Vol. II, p. 40.
33
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
ne sache pas qu’elle s’était suicidée. Considérant le ton des propos du juge
d’instance et le contexte dans lequel ils ont été prononcés, il était primordial, afin
de préserver l’équité, qu’il répète les explications de l’Appelant à cet égard.
[110] À notre avis, ce commentaire s’inscrit dans le cadre d’une longue série de paroles
visant à démontrer que la défense ne devrait pas être acceptée par le jury. Ce qui
est encore plus important est que ce passage est l’un des derniers commentaires
du juge d’instance sur la thèse de la défense. Pendant plus du deux tiers de son
résumé, le juge d’instance détruit successivement les éléments de la défense de
l’Appelant. Il termine pratiquement sur cette note, en mentionnant que l’Appelant a
tenu des propos mensongers. Le jury est laissé sur une image négative et
incomplète de l’Appelant. À notre avis, cette façon d’instruire le jury a
sérieusement endommagé l’équité du procès.
2.3 Conclusion sur le caractère équitable des directives
[111] Tant les juges majoritaires que le juge minoritaire de la Cour d’appel sont d’avis
que le juge d’instance a commis des erreurs en commentant la preuve et en
exposant la thèse de la défense.
[112] À la lecture des directives, force est de constater qu’elles sont totalement
déséquilibrées : le juge d’instance n’expose pratiquement pas la thèse de la
défense et les éléments de preuve qui la confirment, et passe plutôt la majeure
partie de son temps à la discréditer. Ajoutons à cela le résumé de la preuve fort
inadéquat du témoignage de l’expert de la défense. De plus, en émettant ses
commentaires, le juge d’instance s’attaque directement et indirectement à la
crédibilité de l’Appelant, qui avait témoigné. Ce n’est donc pas uniquement la thèse
générale de la défense qui en souffre, mais aussi la crédibilité de l’Appelant.
[113] En diminuant ici et là le témoignage de l’Appelant, le jury pouvait conclure que sa
crédibilité générale était entachée. Par exemple, si le jury a considéré que
l’Appelant n’était pas sincère relativement à l’épisode de la relation sexuelle, le jury
pourrait avoir conclu que si l’Appelant ne disait pas la vérité pour cela, il ne la disait
34
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
probablement pas ailleurs. Ses explications relativement à son état dissociatif, par
exemple, ont pu en être affectées. Le juge Doyon exprime bien la situation :
« Sans le déclarer explicitement, le juge laissera clairement
entendre, par ses questions, que ces éléments de défense n'ont
pas de valeur. […]
[…]
Résumer la thèse de la défense est un exercice qui doit être fait
avec objectivité et qui ne doit pas, en toute équité, être un prétexte
pour la démolir en mettant systématiquement en doute la
vraisemblance de ses éléments constitutifs, soit en laissant
entendre qu'ils sont invraisemblables, soit en insistant sur d'autres
éléments de preuve qui les contredisent.
[…]
[…] Si l'on affirme résumer la thèse de la défense, encore faut-il
éviter d'insister uniquement sur les éléments de preuve qui la
contredisent, de passer sous silence ceux qui la confirment, et de
transformer l'exercice en un résumé de la thèse de la
poursuite. »113
[114] De fait, tous ces commentaires dommageables se succèdent sans arrêt dans ce
qui devait être un exposé de la thèse de la défense et ses points forts.
[115] Dans l’affaire Aflalo, le juge Proulx, de la Cour d’appel du Québec, disait ceci:
« Je ne connais pas de précédent jurisprudentiel où l’on ait
approuvé cette méthode qui consiste pour un juge, après la
plaidoirie de la défense, à critiquer en quelque sorte chacun des
arguments de la défense. Cela me paraît incompatible avec le
caractère équitable que doit revêtir l’exposé du juge. »114
[116] Dans R. c. Scott, la Cour d’appel mentionnait ce qui suit :
« Le juge a le pouvoir, sinon le devoir, d'aider le jury dans sa
détermination des faits, mais il ne doit pas, lorsqu'il expose la
théorie de la défense, et justement, sous prétexte d'exposer la
113
114
Jugement de la Cour d’appel, Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 44 et 46, par. 209 et 219.
R. c. Aflalo, supra note 77, onglet 1, p. 24.
35
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
théorie de la défense, ridiculiser cette théorie au point de laisser
croire à des jurés que ce serait peine perdue que de s'y arrêter.
Bref, l'avocat de l'appelant propose que la présentation de la
théorie de la défense devrait être la présentation de la théorie de la
défense et non pas l'occasion de faire une suggestion voilée de
déclarer l'accusé coupable.
Une telle conduite de la part du juge n'assurerait pas à l'accusé un
procès équitable malgré des remarques théoriques données par le
juge à l'effet que le jury est maître des faits et qu'il ne devrait se
sentir aucunement lié par l'opinion du juge sur ces faits. »115
[117] À notre avis, au niveau de l’évaluation du préjudice, la situation diffère de bien des
cas dans la jurisprudence où le juge avait émis un seul commentaire dans le cadre
de l’explication de la preuve116. En l’occurrence, une myriade de commentaires
dommageables a été émise dans le cadre du résumé de la thèse de la défense. Et
ce résumé, faut-il le préciser, a été effectué à la toute fin des directives. Le juge
d’instance devait donc doubler de précautions afin de ne pas laisser le jury sur
l’impression que le verdict devait aller dans un sens.
[118] Toutefois, après avoir passé en revue les responsabilités du jury, le résumé de la
preuve et du droit applicable, le juge d’instance laisse sous-entendre au jury que
l’ensemble de la défense n’est pas valable et ce, tout juste avant le délibéré. À
notre avis, le moment était particulièrement mal choisi.
[119] De surcroît, il faut mettre en relief que le juge avait pour le moins dire déformé la
théorie de l’Intimée en mentionnant, tout au long des directives, que l’Intimée était
uniquement d’avis que l’Appelant avait assené le premier coup de couteau, point à
la ligne. Or, la théorie de l’Intimée était beaucoup plus nuancée que cela et
admettait la plausibilité du scénario proposé par l’Appelant. Alors qu’il avait
annoncé de le faire, le juge d’instance ne présentera pas la thèse de l’Intimée à la
fin des directives. À la fin de l’exposé, le jury avait entre ses mains une théorie du
115
116
R. c. Scott, jugement inédit, 28 février 1991, 200-10-000091-897 (C.A.Q.).
R. c. Mayuran, 2012 CSC 31.
36
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
ministère public sans aucune nuance (alors que ces nuances avantageaient
l’Appelant) et une théorie de la défense sérieusement amochée.
[120] Par ailleurs, tous ces commentaires se font alors qu’aucune mise en garde n’est
répétée au jury selon laquelle ce dernier n’est pas lié par les opinions du juge.
Dans Caron c. R., le juge de première instance avait émis une mise en garde
générale relativement à l’opinion qu’il pourrait exprimer dans les directives. La
Cour d’appel du Québec avait malgré tout ordonné un nouveau procès.
L’honorable juge Hilton mentionnait ce qui suit :
« À mon avis, cette mise en garde générale ne saurait pallier au
tort causé à l'appelant. La première juge, en résumant les faits, a
exprimé son opinion à quelques reprises, d'une manière plus ou
moins subtile selon le cas, sans jamais indiquer clairement qu'il
s'agissait de son opinion. Or, dans les circonstances propres à
l'espèce, de telles mises en garde s'avéraient nécessaires. En
commentant la crédibilité de la thèse de l'appelant et en faisant
part de sa conviction en sa culpabilité, la première juge a dépassé
les limites de l'acceptable. À sa décharge, soulignons qu'elle ne
bénéficiait pas des enseignements de l'arrêt Gunning au moment
du procès. »117
[121] La Cour d’appel de l’Ontario avait exprimé une opinion semblable dans l’affaire
Lawes118.
[122] Il est vrai de dire que le juge d’instance avait émis une mise en garde au tout début
de son exposé, le matin. Il l’avait fait alors qu’il venait de donner une opinion sur un
point mineur qui était plutôt évident. À notre avis, il se devait de répéter cette
consigne lors du résumé du témoignage de l’expert et de la thèse de la défense,
vers la fin de l’après-midi, étant donné la manière singulière dont il en traitait le
contenu. Afin de préserver l’équité du procès, une telle mise en garde était
nécessaire, d’autant plus que ce résumé constituait sa dernière adresse au jury
relativement à la preuve119.
117
Caron c. R., supra note 78, onglet 4, par. 103. Voir : R. c. Guimond, 2005 QCCA 790, onglet 10.
R. v. Lawes, supra note 71, onglet 18, par. 20 et 22.
119
Jugement de la Cour d’appel, Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 44, par. 209.
118
37
MÉMOIRE DE L’APPELANT
3
Partie III – L’argumentation
La disposition réparatrice prévue à l’article 686 (1) b) (iii) du Code
criminel ne s’applique pas
[123] Cette honorable Cour a cerné le champ d’application de cette disposition à
plusieurs reprises. Seules deux situations permettent son application : si l’erreur
est inoffensive ou mineure de sorte qu’elle ne peut avoir eu d’impact sur le verdict
ou si la preuve est tellement accablante que le verdict aurait été le même n’eût été
l’erreur commise120. Nous soumettons respectueusement que ces situations ne
sont pas présentes et que la majorité de la Cour d’appel erre en appliquant la
disposition réparatrice.
[124] Pour les raisons mentionnées ci-haut, les commentaires émis par le juge
d’instance, majoritairement en fin d’adresse au jury, ont eu pour effet de
transmettre son opinion sur les moyens de défense de l’Appelant et,
conséquemment, sur le verdict. Dans de telles circonstances, la jurisprudence a
constamment soutenu que l’erreur porte atteinte à l’équité du procès. Or, une telle
atteinte constitue une erreur judiciaire, comme cette Cour l’a mentionné par le
passé. Dans R. c. Pouliot, le juge Fish, alors de la Cour d’appel, s’exprimait
comme suit:
« With deference for those who are of a different view, I am unable
to find that this error is curable under section 686 (1) (a) (iii) of the
Criminal Code: a miscarriage of justice, within the meaning of that
proviso, occurs where there is an appearance of unfairness in the
trial of the accused, even without any showing of actual prejudice:
[…]. »121
[125] Cette honorable Cour avait entériné ce raisonnement122. Dans R. c. Fanjoy, un
jugement unanime, le juge McIntyre soulignait ce qui suit:
« J'estime qu'il est impossible de conclure que le contreinterrogatoire de l'appelant n'a entraîné aucune erreur judiciaire.
120
R. c. Van, [2009] 1 R.C.S. 716, onglet 31, par. 34; R. c. Trochym, [2007] 1 R.C.S. 239, onglet 29, par.
81; R. c. Khan, [2001] 3 R.C.S. 823, onglet 16, par. 26.
121
R. c. Pouliot, 74 C.C.C. (3d) 428 (C.A.Q.), onglet 24.
122
R. c. Pouliot, [1993] 1 R.C.S. 456, onglet 23.
38
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
Une personne qui est accusée d'un crime a droit à un procès
équitable selon la loi. Toute erreur qui se produit au cours du
procès et qui prive l'accusé de ce droit constitue une erreur
judiciaire[…] À mon avis, la Cour d'appel ayant conclu comme elle
l'a fait aurait dû accueillir l'appel en vertu du sous-al. 613 (1) a) (iii)
du Code criminel. Pour ces motifs, le sous-al. 613 (1) b) (iii) du
Code ne peut pas avoir d'effet sur la décision et il est inutile
d'examiner plus avant cet article dans le contexte du second
argument de l'appelant ou argument subsidiaire. »123 [Nous
soulignons.]
[126] La situation diffère aussi des cas où l’avocat de la défense n’a aucunement
souligné la déficience des directives lors du procès124. L’importance de cette erreur
avait été soulignée par le procureur de l’Appelant à la suite des directives, ce à
quoi le juge d’instance répondra que cela est noté au procès-verbal. D’ailleurs, le
juge d’instance refusera de corriger la moindre partie de ses directives malgré les
nombreuses suggestions du procureur de l’Appelant. Relativement au résumé de
la thèse des parties, ce dernier s’empresse d’indiquer au juge d’instance la gravité
de l’erreur :
« Maintenant, quand vous avez exposé la position des parties,
monsieur le Juge, la position de l’avocat de la défense, ce n’est
pas que le témoignage de l’accusé est invraisemblable, monsieur
le Juge. Alors, vous avez passé beaucoup de temps à démontrer
que cette version est invraisemblable. Alors, ça ne m’apparaît pas
quelque chose qui est nécessairement la position de la défense,
Votre Seigneurie. »125
[127] Quant à la preuve, nous sommes d’avis qu’elle n’est pas du tout accablante. Même
le procureur de l’Intimée le mentionne lors de son adresse au jury. Relativement à
la théorie que le demandeur ait pu infliger tous les coups de couteaux, il dit :
123
R. c. Fanjoy, [1985] 2 R.C.S. 233, onglet 8, par. 11. Voir aussi : R. c. Guimond, supra note 117, onglet
10. R. c. Ritchie, [2004] J.Q. no 11876 (QL) (C.A.Q.).
124
R. c. Jaw, [2009] 3 R.C.S. 26, onglet 14, par. 44; R. c. Van, supra note 120, onglet 31, par. 43; R. c.
Jacquard, [1997] 1 R.C.S. 314, onglet 13, par. 38.
125
Dossier de l’Appelant, Vol. II, p. 50 et 51.
39
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie III – L’argumentation
« Cependant, il reste que dans cette preuve-là, il manque des
choses importantes. Il y a des questions qui sont posées et qui
sont sans réponse et qui nous laissent songeurs. »126
[128] L’Appelant avait plusieurs moyens de défense sérieux à soumettre au jury et la
preuve ne menait pas à l’inéluctable conclusion qu’il était coupable de meurtre au
deuxième degré. Comme le juge Doyon le mentionne :
« On ne saura jamais l'impact véritable des directives du juge de
première instance, mais l'on ne peut affirmer qu'elles n'ont eu
qu'une incidence mineure, d'autant qu'elles sont « au cœur de la
décision globale sur la culpabilité ou l’innocence », comme le dit le
juge LeBel dans Van. De plus, la preuve n'est pas accablante au
point où on peut conclure qu'aucun tort important ou erreur
judiciaire ne s'est produit. Le témoignage du Dr Morissette, jumelé
au reste de la preuve, notamment le témoignage de l'appelant,
l'absence de preuve de mobile et le comportement antérieur de la
victime, constitue une défense qui doit être analysée à son mérite,
qu'on l'aborde sous l'angle des troubles mentaux ou sous celui de
l'intention. »127
[129] Pour ces raisons, nous sommes d’avis que la disposition réparatrice prévue à
l’article 686 (1) b) iii) C.cr. ne devrait pas s’appliquer en l’espèce.
126
127
Dossier de l’Appelant, Vol. XII, p. 56.
Jugement de la Cour d’appel, Dossier de l’Appelant, Vol. I, p. 49, par. 228.
40
Partie IV – Dépens / Partie V - Ordonnances
MÉMOIRE DE L’APPELANT
PARTIE IV
ARGUMENTS AU SUJET DES DÉPENS
[130] L’Appelant ne demande aucune ordonnance quant aux dépens.
PARTIE V
ORDONNANCES DEMANDÉES
[131] Pour les raisons mentionnées ci-haut, l’Appelant demande respectueusement à
cette honorable Cour l’ordonnance d’un nouveau procès.
[132] Le tout respectueusement soumis.
MONTRÉAL, le 26 octobre 2012
_____________________________________
Lida Sara Nouraie, avocate
Nicholas St-Jacques, avocat
DESROSIERS, JONCAS, MASSICOTTE
Procureurs de l’Appelant
41
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VI – Table des sources
PARTIE VI – TABLE DES SOURCES
Législation
Paragraphes
Charte canadienne des droits et libertés, Annexe B
de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.)
 Art. 11 f)
……………………
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46
 Art. 16
 Art. 469
 Art. 473 (1)
 Art. 686
……………………
……………………
……………………
……………………
42, 45
5, 71
42
42
123, 124,
129
Jurisprudence
R. c. Aflalo, 69 C.C.C. (3d) 230 (C.A.Q.)
…………………… 48,
115
Azoulay v. R, [1952] 2 S.C.R. 495
…………………… 37
R. v. Baltovich, 73 O.R. (3d) 481 (C.A. Ont.)
…………………… 78
Caron c. R., 2007 QCCA 1569 (C.A.Q.)
…………………… 49,
52,
59, 120
R. c. Daley, [2007] 3 R.C.S. 523
…………………… 37,
38,
39, 58
R. v. Dove, 187 C.C.C. (3d) 506 (C.A. B.-C.)
…………………… 57
R. v. Dunham, 11 O.A.C. 374 (C.A. Ont.)
…………………… 78
R. c. Fanjoy, [1985] 2 R.C.S. 233
…………………… 125
R. v. Garofoli, 41 C.C.C. (3d) 97 (C.A. Ont.)
…………………… 56
R. c. Guimond, 2005 QCCA 790 (C.A.Q.)
…………………… 120, 125
R. c. Gunning, [2005] 1 R.C.S. 627
…………………… 44, 45,
57,
42
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VI – Table des sources
R. c. Imbeault, 2006 QCCA 1559 (C.A.Q.)
…………………… 49, 59
R. c. Jacquard, [1997] 1 R.C.S. 314
…………………… 126
R. c. Jaw, [2009] 3 R.C.S. 26
…………………… 126
Kelsey v. R., [1953] 1 S.C.R. 220
…………………… 39
R. c. Khan, [2001] 3 R.C.S. 823
…………………… 123
R. c. Laflamme, 65 Q.A.C. 148 (C.A.Q.)
…………………… 71
R. v. Lawes, 206 C.C.C. (3d) 15
…………………… 45,
46,
58 , 79,
121
R. c. Mayuran, 2012 CSC 31
…………………… 117
R. v. Muchikekwanape, 166 C.C.C. (3d) 144 (C.A.
Man.)
…………………… 56
R. v. Newell, 77 C.C.C. 81 (C.A. Ont.)
…………………… 43
R. c. Pappajohn, [1980] 2 R.C.S. 120, p. 120
…………………… 39
R. c. Pouliot, [1993] 1 R.C.S. 456, par. 1
…………………… 125
R. c. Pouliot, 74 C.C.C. (3d) 428 (C.A.Q.)
…………………… 124
R. c. Ritchie, [2004] J.Q. no 11876 (QL) (C.A.Q.)
…………………… 125
R. v. Ruddick, 57 C.C.C. (2d) 421 (C.A. Ont.)
…………………… 56
R. c. Scott, jugement inédit, 200-10-000091-897
(C.A.Q.)
…………………… 116
R. v. Swyryda, 15 C.C.C. 138 (Ont. High C.J.)
…………………… 43
R. c. Trochym, [2007] 1 R.C.S. 239
…………………… 123
R. v. Valentini, 132 C.C.C. (3d) 262 (C.A. Ont.)
…………………… 57
R. c. Van, [2009] 1 R.C.S. 716
…………………… 123
R. v. Wristen, 47 O.R. (3d) 66 (C.A. Ont.)
…………………… 46
43
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VI – Table des sources
Doctrine
Hall, M., “Judicial Comment and the Jury's Role in
the Criminal Trial”, (2007) 11 Can. Crim. L. Rev. 247
…………………… 48
44
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
PARTIE VII EXTRAITS DE LOIS
i)
Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le
Canada (R.-U.), 1982, c.11
Affaires criminelles et pénales
11. Tout inculpé a le droit :
a) d’être informé sans délai anormal de l’infraction précise qu’on lui reproche;
b) d’être jugé dans un délai raisonnable;
c) de ne pas être contraint de témoigner contre lui-même dans toute poursuite intentée
contre lui pour l’infraction qu’on lui reproche;
d) d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi,
par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable;
e) de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un
cautionnement raisonnable;
f) sauf s’il s’agit d’une infraction relevant de la justice militaire, de bénéficier d’un procès
avec jury lorsque la peine maximale prévue pour l’infraction dont il est accusé est un
emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave;
g) de ne pas être déclaré coupable en raison d’une action ou d’une omission qui, au
moment où elle est survenue, ne constituait pas une infraction d’après le droit interne du
Canada ou le droit international et n’avait pas de caractère criminel d’après les principes
généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations;
h) d’une part de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a été
définitivement acquitté, d’autre part de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une
infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni;
i) de bénéficier de la peine la moins sévère, lorsque la peine qui sanctionne l’infraction
dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de
l’infraction et celui de la sentence.
ii)
Canadian Charter of Rights and Freedoms, Part I of the Constitution Act,
1982, being Schedule B to the Canada Act 1982 (U.K.), 1982, c. 11
Proceedings in criminal and penal matters
11. Any person charged with an offence has the right
45
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
(a) to be informed without unreasonable delay of the specific offence;
(b) to be tried within a reasonable time;
(c) not to be compelled to be a witness in proceedings against that person in respect of
the offence;
(d) to be presumed innocent until proven guilty according to law in a fair and public
hearing by an independent and impartial tribunal;
(e) not to be denied reasonable bail without just cause;
(f) except in the case of an offence under military law tried before a military tribunal, to
the benefit of trial by jury where the maximum punishment for the offence is
imprisonment for five years or a more severe punishment;
(g) not to be found guilty on account of any act or omission unless, at the time of the act
or omission, it constituted an offence under Canadian or international law or was
criminal according to the general principles of law recognized by the community of
nations;
(h) if finally acquitted of the offence, not to be tried for it again and, if finally found guilty
and punished for the offence, not to be tried or punished for it again; and
(i) if found guilty of the offence and if the punishment for the offence has been varied
between the time of commission and the time of sentencing, to the benefit of the lesser
punishment.
iii)
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46
Troubles mentaux
16. (1) La responsabilité criminelle d’une personne n’est pas engagée à l’égard d’un
acte ou d’une omission de sa part survenu alors qu’elle était atteinte de troubles
mentaux qui la rendaient incapable de juger de la nature et de la qualité de l’acte ou de
l’omission, ou de savoir que l’acte ou l’omission était mauvais.
Note marginale : Présomption
(2) Chacun est présumé ne pas avoir été atteint de troubles mentaux de nature à ne pas
engager sa responsabilité criminelle sous le régime du paragraphe (1); cette
présomption peut toutefois être renversée, la preuve des troubles mentaux se faisant
par prépondérance des probabilités.
Note marginale : Charge de la preuve
46
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
_________________________________
Cour de juridiction criminelle
469. Toute cour de juridiction criminelle est compétente pour juger un acte criminel autre
:
a) qu’une infraction visée par l’un des articles suivants :
(i) l’article 47 (trahison),
(ii) l’article 49 (alarmer Sa Majesté),
(iii) l’article 51 (intimider le Parlement ou une législature),
(iv) l’article 53 (incitation à la mutinerie),
(v) l’article 61 (infractions séditieuses),
(vi) l’article 74 (piraterie),
(vii) l’article 75 (actes de piraterie),
(viii) l’article 235 (meurtre);
Note marginale :Complicité
b) que l’infraction d’être complice après le fait d’une haute trahison, d’une trahison ou
d’un meurtre;
c) qu’une infraction aux termes de l’article 119 (corruption) par le détenteur de fonctions
judiciaires;
Note marginale :Crimes contre l’humanité
c.1) qu’une infraction visée à l’un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre
l’humanité et les crimes de guerre;
Note marginale :Tentatives
d) que l’infraction de tentative de commettre une infraction mentionnée aux sous-alinéas
a)(i) à (vii);
Note marginale :Complot
47
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
e) que l’infraction de comploter en vue de commettre une infraction mentionnée à
l’alinéa a).
(3) La partie qui entend démontrer que l’accusé était affecté de troubles mentaux de
nature à ne pas engager sa responsabilité criminelle a la charge de le prouver.
L.R. (1985), ch. C-46, art. 16;
L.R. (1985), ch. 27 (1er suppl.), art. 185(F);
1991, ch. 43, art. 2.
__________________________________
Procès sans jury
473. (1) Nonobstant toute autre disposition de la présente loi, une personne accusée
d’une infraction visée à l’article 469 peut être jugée sans jury par un juge d’une cour
supérieure de juridiction criminelle si elle-même et le procureur général y consentent.
Note marginale :Ordonnance pour réunir plusieurs infractions en un même procès
(1.1) Le juge d’une cour supérieure de juridiction criminelle qui préside un procès pour
une infraction prévue à l’article 469 peut, si les parties y consentent conformément au
paragraphe (1), ordonner que l’accusé subisse son procès devant lui à l’égard de toute
autre infraction.
Note marginale :Retrait du consentement
(2) Nonobstant toute autre disposition de la présente loi, le consentement accordé par le
procureur général et l’accusé conformément au paragraphe (1) ne peut être retiré que si
l’accusé et le procureur général y consentent tous deux.
L.R. (1985), ch. C-46, art. 473;
L.R. (1985), ch. 27 (1er suppl.), art. 63;
1994, ch. 44, art. 30.
_________________________________________
Pouvoirs de la cour d’appel
Note marginale :Pouvoir
686. (1) Lors de l’audition d’un appel d’une déclaration de culpabilité ou d’un verdict
d’inaptitude à subir son procès ou de non-responsabilité criminelle pour cause de
troubles mentaux, la cour d’appel :
48
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
a) peut admettre l’appel, si elle est d’avis, selon le cas :
(i) que le verdict devrait être rejeté pour le motif qu’il est déraisonnable ou ne peut pas
s’appuyer sur la preuve,
(ii) que le jugement du tribunal de première instance devrait être écarté pour le motif
qu’il constitue une décision erronée sur une question de droit,
(iii) que, pour un motif quelconque, il y a eu erreur judiciaire;
b) peut rejeter l’appel, dans l’un ou l’autre des cas suivants :
(i) elle est d’avis que l’appelant, bien qu’il n’ait pas été régulièrement déclaré coupable
sur un chef d’accusation ou une partie de l’acte d’accusation, a été régulièrement
déclaré coupable sur un autre chef ou une autre partie de l’acte d’accusation,
(ii) l’appel n’est pas décidé en faveur de l’appelant pour l’un des motifs mentionnés à
l’alinéa a),
(iii) bien qu’elle estime que, pour un motif mentionné au sous-alinéa a)(ii), l’appel
pourrait être décidé en faveur de l’appelant, elle est d’avis qu’aucun tort important ou
aucune erreur judiciaire grave ne s’est produit,
(iv) nonobstant une irrégularité de procédure au procès, le tribunal de première instance
était compétent à l’égard de la catégorie d’infractions dont fait partie celle dont l’appelant
a été déclaré coupable et elle est d’avis qu’aucun préjudice n’a été causé à celui-ci par
cette irrégularité;
c) peut refuser d’admettre l’appel lorsqu’elle est d’avis que le tribunal de première
instance en est venu à une conclusion erronée quant à l’effet d’un verdict spécial, et elle
peut ordonner l’inscription de la conclusion que lui semble exiger le verdict et prononcer,
en remplacement de la sentence rendue par le tribunal de première instance, une
sentence justifiée en droit;
d) peut écarter une déclaration de culpabilité et déclarer l’appelant inapte à subir son
procès ou non responsable criminellement pour cause de troubles mentaux et peut
exercer les pouvoirs d’un tribunal de première instance que l’article 672.45 accorde à
celui-ci ou auxquels il fait renvoi, de la façon qu’elle juge indiquée dans les
circonstances.
e) [Abrogé, 1991, ch. 43, art. 9]
Note marginale :Ordonnance à rendre
(2) Lorsqu’une cour d’appel admet un appel en vertu de l’alinéa (1)a), elle annule la
condamnation et, selon le cas :
49
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
a) ordonne l’inscription d’un jugement ou verdict d’acquittement;
b) ordonne un nouveau procès.
Note marginale :Substitution de verdict
(3) Lorsqu’une cour d’appel rejette un appel aux termes du sous-alinéa (1)b)(i), elle peut
substituer le verdict qui, à son avis, aurait dû être rendu et :
a) soit confirmer la peine prononcée par le tribunal de première instance;
b) soit imposer une peine justifiée en droit ou renvoyer l’affaire au tribunal de première
instance en lui ordonnant d’infliger une peine justifiée en droit.
Note marginale :Appel d’un acquittement
(4) Lorsqu’un appel est interjeté d’un acquittement ou d’un verdict d’inaptitude à subir un
procès ou de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux rendu à
l’égard de l’appelant ou l’intimé, la cour d’appel peut :
a) rejeter l’appel;
b) admettre l’appel, écarter le verdict et, selon le cas :
(i) ordonner un nouveau procès,
(ii) sauf dans le cas d’un verdict rendu par un tribunal composé d’un juge et d’un jury,
consigner un verdict de culpabilité à l’égard de l’infraction dont, à son avis, l’accusé
aurait dû être déclaré coupable, et prononcer une peine justifiée en droit ou renvoyer
l’affaire au tribunal de première instance en lui ordonnant d’infliger une peine justifiée en
droit.
Note marginale :Procès aux termes de la partie XIX
(5) Sous réserve du paragraphe (5.01), lorsqu’un appel est porté à l’égard de
procédures prévues par la partie XIX et que la cour d’appel ordonne un nouveau procès
aux termes de la présente partie, les dispositions suivantes s’appliquent :
a) si l’accusé, dans son avis d’appel ou avis de demande d’autorisation d’appel, a
demandé que le nouveau procès, s’il est ordonné, soit instruit devant un tribunal
composé d’un juge et d’un jury, le nouveau procès s’instruit en conséquence;
b) si l’accusé, dans son avis d’appel ou avis de demande d’autorisation d’appel, n’a pas
demandé que le nouveau procès, s’il est ordonné, soit instruit devant un tribunal
composé d’un juge et d’un jury, le nouveau procès s’instruit, sans nouveau choix par
50
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
l’accusé, devant un juge ou juge de la cour provinciale, selon le cas, agissant en vertu
de la partie XIX, autre qu’un juge ou juge de la cour provinciale qui a jugé l’accusé en
première instance, à moins que la cour d’appel n’ordonne que le nouveau procès ait lieu
devant le juge ou juge de la cour provinciale qui a jugé l’accusé en première instance;
c) si la cour d’appel ordonne que le nouveau procès soit instruit devant un tribunal
composé d’un juge et d’un jury, le nouveau procès doit commencer par un acte
d’accusation écrit énonçant l’infraction à l’égard de laquelle le nouveau procès a été
ordonné;
d) nonobstant l’alinéa a), si la déclaration de culpabilité dont l’accusé a interjeté appel
visait une infraction mentionnée à l’article 553 et a été prononcée par un juge de la cour
provinciale, le nouveau procès s’instruit devant un juge de la cour provinciale agissant
en vertu de la partie XIX, autre que celui qui a jugé l’accusé en première instance, sauf
si la cour d’appel ordonne que le nouveau procès s’instruise devant le juge de la cour
provinciale qui a jugé l’accusé en première instance.
Note marginale :Nunavut
(5.01) S’agissant de procédures criminelles au Nunavut, lorsqu’un appel est porté à
l’égard de procédures prévues par la partie XIX et que la Cour d’appel du Nunavut
ordonne un nouveau procès aux termes de la partie XXI, les dispositions suivantes
s’appliquent :
a) si l’accusé, dans son avis d’appel ou de demande d’autorisation d’appel, a demandé
que le nouveau procès, s’il est ordonné, soit instruit devant un tribunal composé d’un
juge et d’un jury, le nouveau procès s’instruit en conséquence;
b) sauf ordonnance contraire de la cour d’appel, si l’accusé, dans son avis d’appel ou de
demande d’autorisation d’appel, n’a pas demandé que le nouveau procès, s’il est
ordonné, soit instruit par un tribunal composé d’un juge et d’un jury, le nouveau procès
s’instruit, sans possibilité d’autre choix ni enquête préliminaire, devant un juge agissant
en vertu de la partie XIX autre que celui de première instance;
c) si la Cour d’appel ordonne que le nouveau procès soit instruit devant un tribunal
composé d’un juge et d’un jury, le nouveau procès doit commencer par un acte
d’accusation écrit énonçant l’infraction à l’égard de laquelle le nouveau procès a été
ordonné;
d) malgré l’alinéa a), si la déclaration de culpabilité attaquée visait un acte criminel
mentionné à l’article 553, le nouveau procès s’instruit, sauf ordonnance contraire de la
Cour d’appel, devant un juge agissant en vertu de la partie XIX autre que celui de
première instance.
Note marginale :Nouveau choix pour nouveau procès
51
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
(5.1) Sous réserve du paragraphe (5.2), l’accusé à qui la Cour d’appel ordonne de subir
un nouveau procès devant juge et jury peut néanmoins, avec le consentement du
poursuivant, choisir d’être jugé par un juge sans jury ou un juge. Son choix est réputé
être un nouveau choix au sens du paragraphe 561(5), lequel s’applique avec les
adaptations nécessaires.
Note marginale :Procès : Nunavut
(5.2) L’accusé à qui la Cour d’appel ordonne de subir un nouveau procès devant juge et
jury peut néanmoins, avec le consentement du poursuivant, choisir d’être jugé par un
juge sans jury. Son choix est réputé être un nouveau choix au sens du paragraphe
561.1(1), le paragraphe 561.1(6) s’appliquant avec les adaptations nécessaires.
Note marginale :Admission de l’appel d’un verdict d’inaptitude à subir son procès
(6) Lorsqu’une cour d’appel admet un appel d’un verdict d’inaptitude à subir son procès,
elle ordonne un nouveau procès, sous réserve du paragraphe (7).
Note marginale :Annulation du verdict et acquittement
(7) Lorsque le verdict portant que l’accusé est inapte à subir son procès a été prononcé
après que la poursuite a terminé son exposé, la cour d’appel peut, bien que le verdict
soit indiqué, si elle est d’avis que l’accusé aurait dû être acquitté au terme de l’exposé
de la poursuite, admettre l’appel, annuler le verdict et ordonner de consigner un
jugement ou un verdict d’acquittement.
Note marginale :Pouvoirs supplémentaires
(8) Lorsqu’une cour d’appel exerce des pouvoirs conférés par le paragraphe (2), (4), (6)
ou (7), elle peut en outre rendre toute ordonnance que la justice exige.
L.R. (1985), ch. C-46, art. 686;
L.R. (1985), ch. 27 (1er suppl.), art. 145 et 203;
1991, ch. 43, art. 9;
1997, ch. 18, art. 98;
1999, ch. 3, art. 52, ch. 5, art. 26.
iv)
Criminal Code, R.S.C., 1985, c. C-46
Defence of mental disorder
16. (1) No person is criminally responsible for an act committed or an omission made
while suffering from a mental disorder that rendered the person incapable of
52
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
appreciating the nature and quality of the act or omission or of knowing that it was
wrong.
Marginal note: Presumption
(2) Every person is presumed not to suffer from a mental disorder so as to be exempt
from criminal responsibility by virtue of subsection (1), until the contrary is proved on the
balance of probabilities.
Marginal note: Burden of proof
(3) The burden of proof that an accused was suffering from a mental disorder so as to
be exempt from criminal responsibility is on the party that raises the issue.
R.S., 1985, c. C-46, s. 16;
R.S., 1985, c. 27 (1st Supp.), s. 185(F);
1991, c. 43, s. 2.
___________________________________
Court of criminal jurisdiction
469. Every court of criminal jurisdiction has jurisdiction to try an indictable offence other
than
(a) an offence under any of the following sections:
(i) section 47 (treason),
(ii) section 49 (alarming Her Majesty),
(iii) section 51 (intimidating Parliament or a legislature),
(iv) section 53 (inciting to mutiny),
(v) section 61 (seditious offences),
(vi) section 74 (piracy),
(vii) section 75 (piratical acts), or
(viii) section 235 (murder);
Marginal note: Accessories
(b) the offence of being an accessory after the fact to high treason or treason or murder;
(c) an offence under section 119 (bribery) by the holder of a judicial office;
53
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
Marginal note: Crimes against humanity
(c.1) an offence under any of sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War
Crimes Act;
Marginal note: Attempts
(d) the offence of attempting to commit any offence mentioned in subparagraphs (a)(i) to
(vii); or
Marginal note: Conspiracy
(e) the offence of conspiring to commit any offence mentioned in paragraph (a).
R.S., 1985, c. C-46, s. 469;
R.S., 1985, c. 27 (1st Supp.), s. 62;
2000, c. 24, s. 44.
________________________________
Trial without jury
473. (1) Notwithstanding anything in this Act, an accused charged with an offence listed
in section 469 may, with the consent of the accused and the Attorney General, be tried
without a jury by a judge of a superior court of criminal jurisdiction.
Marginal note: Joinder of other offences
(1.1) Where the consent of the accused and the Attorney General is given in accordance
with subsection (1), the judge of the superior court of criminal jurisdiction may order that
any offence be tried by that judge in conjunction with the offence listed in section 469.
Marginal note: Withdrawal of consent
(2) Notwithstanding anything in this Act, where the consent of an accused and the
Attorney General is given in accordance with subsection (1), that consent shall not be
withdrawn unless both the accused and the Attorney General agree to the withdrawal.
R.S., 1985, c. C-46, s. 473;
R.S., 1985, c. 27 (1st Supp.), s. 63;
1994, c. 44, s. 30.
_______________________________________
54
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
Powers of the Court of Appeal
Marginal note:Powers
686. (1) On the hearing of an appeal against a conviction or against a verdict that the
appellant is unfit to stand trial or not criminally responsible on account of mental
disorder, the court of appeal
(a) may allow the appeal where it is of the opinion that
(i) the verdict should be set aside on the ground that it is unreasonable or cannot be
supported by the evidence,
(ii) the judgment of the trial court should be set aside on the ground of a wrong decision
on a question of law, or
(iii) on any ground there was a miscarriage of justice;
(b) may dismiss the appeal where
(i) the court is of the opinion that the appellant, although he was not properly convicted
on a count or part of the indictment, was properly convicted on another count or part of
the indictment,
(ii) the appeal is not decided in favour of the appellant on any ground mentioned in
paragraph (a),
(iii) notwithstanding that the court is of the opinion that on any ground mentioned in
subparagraph (a)(ii) the appeal might be decided in favour of the appellant, it is of the
opinion that no substantial wrong or miscarriage of justice has occurred, or
(iv) notwithstanding any procedural irregularity at trial, the trial court had jurisdiction over
the class of offence of which the appellant was convicted and the court of appeal is of
the opinion that the appellant suffered no prejudice thereby;
(c) may refuse to allow the appeal where it is of the opinion that the trial court arrived at
a wrong conclusion respecting the effect of a special verdict, may order the conclusion
to be recorded that appears to the court to be required by the verdict and may pass a
sentence that is warranted in law in substitution for the sentence passed by the trial
court; or
(d) may set aside a conviction and find the appellant unfit to stand trial or not criminally
responsible on account of mental disorder and may exercise any of the powers of the
trial court conferred by or referred to in section 672.45 in any manner deemed
appropriate to the court of appeal in the circumstances.
55
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
(e) [Repealed, 1991, c. 43, s. 9]
Marginal note:Order to be made
(2) Where a court of appeal allows an appeal under paragraph (1)(a), it shall quash the
conviction and
(a) direct a judgment or verdict of acquittal to be entered; or
(b) order a new trial.
Marginal note:Substituting verdict
(3) Where a court of appeal dismisses an appeal under subparagraph (1)(b)(i), it may
substitute the verdict that in its opinion should have been found and
(a) affirm the sentence passed by the trial court; or
(b) impose a sentence that is warranted in law or remit the matter to the trial court and
direct the trial court to impose a sentence that is warranted in law.
Marginal note:Appeal from acquittal
(4) If an appeal is from an acquittal or verdict that the appellant or respondent was unfit
to stand trial or not criminally responsible on account of mental disorder, the court of
appeal may
(a) dismiss the appeal; or
(b) allow the appeal, set aside the verdict and
(i) order a new trial, or
(ii) except where the verdict is that of a court composed of a judge and jury, enter a
verdict of guilty with respect to the offence of which, in its opinion, the accused should
have been found guilty but for the error in law, and pass a sentence that is warranted in
law, or remit the matter to the trial court and direct the trial court to impose a sentence
that is warranted in law.
Marginal note:New trial under Part XIX
(5) Subject to subsection (5.01), if an appeal is taken in respect of proceedings under
Part XIX and the court of appeal orders a new trial under this Part, the following
provisions apply:
56
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
(a) if the accused, in his notice of appeal or notice of application for leave to appeal,
requested that the new trial, if ordered, should be held before a court composed of a
judge and jury, the new trial shall be held accordingly;
(b) if the accused, in his notice of appeal or notice of application for leave to appeal, did
not request that the new trial, if ordered, should be held before a court composed of a
judge and jury, the new trial shall, without further election by the accused, be held before
a judge or provincial court judge, as the case may be, acting under Part XIX, other than
a judge or provincial court judge who tried the accused in the first instance, unless the
court of appeal directs that the new trial be held before the judge or provincial court
judge who tried the accused in the first instance;
(c) if the court of appeal orders that the new trial shall be held before a court composed
of a judge and jury, the new trial shall be commenced by an indictment in writing setting
forth the offence in respect of which the new trial was ordered; and
(d) notwithstanding paragraph (a), if the conviction against which the accused appealed
was for an offence mentioned in section 553 and was made by a provincial court judge,
the new trial shall be held before a provincial court judge acting under Part XIX, other
than the provincial court judge who tried the accused in the first instance, unless the
court of appeal directs that the new trial be held before the provincial court judge who
tried the accused in the first instance.
Marginal note:New trial under Part XIX — Nunavut
(5.01) If an appeal is taken in respect of proceedings under Part XIX and the Court of
Appeal of Nunavut orders a new trial under Part XXI, the following provisions apply:
(a) if the accused, in the notice of appeal or notice of application for leave to appeal,
requested that the new trial, if ordered, should be held before a court composed of a
judge and jury, the new trial shall be held accordingly;
(b) if the accused, in the notice of appeal or notice of application for leave to appeal, did
not request that the new trial, if ordered, should be held before a court composed of a
judge and jury, the new trial shall, without further election by the accused, and without a
further preliminary inquiry, be held before a judge, acting under Part XIX, other than a
judge who tried the accused in the first instance, unless the Court of Appeal of Nunavut
directs that the new trial be held before the judge who tried the accused in the first
instance;
(c) if the Court of Appeal of Nunavut orders that the new trial shall be held before a court
composed of a judge and jury, the new trial shall be commenced by an indictment in
writing setting forth the offence in respect of which the new trial was ordered; and
57
MÉMOIRE DE L’APPELANT
Partie VII – Extraits de lois
(d) despite paragraph (a), if the conviction against which the accused appealed was for
an indictable offence mentioned in section 553, the new trial shall be held before a judge
acting under Part XIX, other than the judge who tried the accused in the first instance,
unless the Court of Appeal of Nunavut directs that the new trial be held before the judge
who tried the accused in the first instance.
Marginal note:Election if new trial a jury trial
(5.1) Subject to subsection (5.2), if a new trial ordered by the court of appeal is to be
held before a court composed of a judge and jury,
(a) the accused may, with the consent of the prosecutor, elect to have the trial heard
before a judge without a jury or a provincial court judge;
(b) the election shall be deemed to be a re-election within the meaning of subsection
561(5); and
(c) subsection 561(5) applies, with such modifications as the circumstances require, to
the election.
Marginal note:Election if new trial a jury trial — Nunavut
(5.2) If a new trial ordered by the Court of Appeal of Nunavut is to be held before a court
composed of a judge and jury, the accused may, with the consent of the prosecutor,
elect to have the trial heard before a judge without a jury. The election shall be deemed
to be a re-election within the meaning of subsection 561.1(1), and subsection 561.1(6)
applies, with any modifications that the circumstances require, to the election.
Marginal note:Where appeal allowed against verdict of unfit to stand trial
(6) Where a court of appeal allows an appeal against a verdict that the accused is unfit
to stand trial, it shall, subject to subsection (7), order a new trial.
Marginal note:Appeal court may set aside verdict of unfit to stand trial
(7) Where the verdict that the accused is unfit to stand trial was returned after the close
of the case for the prosecution, the court of appeal may, notwithstanding that the verdict
is proper, if it is of the opinion that the accused should have been acquitted at the close
of the case for the prosecution, allow the appeal, set aside the verdict and direct a
judgment or verdict of acquittal to be entered.
Marginal note:Additional powers
(8) Where a court of appeal exercises any of the powers conferred by subsection (2),
(4), (6) or (7), it may make any order, in addition, that justice requires.
58
MÉMOIRE DE L’APPELANT
R.S., 1985, c. C-46, s. 686;
R.S., 1985, c. 27 (1st Supp.), ss. 145, 203;
1991, c. 43, s. 9;
1997, c. 18, s. 98;
1999, c. 3, s. 52, c. 5, s. 26.
Partie VII – Extraits de lois