STRASBOURG VILLE RHÉNANE
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STRASBOURG VILLE RHÉNANE
STRASBOURG VILLE RHÉNANE À gauche, la flèche de la cathédrale Notre-Dame dominant le palais Rohan. Ci-dessous, la cour du Parlement européen. a grande île de Strasbourg, enlacée par deux bras de L l’Ill, qui se jette dans le Rhin proche, est le cœur historique de la ville, inscrit au patrimoine mondial depuis 1988. À la ALSACE Bas-Rhin (67) Ville d’art et d’histoire (1986) Deux secteurs sauvegardés (1964, 1994) Inscrite au patrimoine mondial par l’Unesco (1988) 274 000 Strasbourgeois 7 827 hectares charnière entre la France et le monde rhénan, la ville est le creuset d’une riche création architecturale et urbanistique qui garde la trace de ces influences croisées, françaises et germaniques : chaque modification du statut politique de la cité a entraîné des modifications de son espace urbain. Mais grâce à la force de son site, marqué par l’eau, et à la continuité des préoccupations en matière de défense et de circulation, la ville a su conserver une forte cohérence. UN DÉVELOPPEMENT CONSTANT Vers 12 av. J.-C., un îlot du domaine alluvial du Rhin, de l’Ill et de la Bruche est choisi par le général Drusus, frère de Tibère, pour y installer un des fortins du limes du Rhin. À partir du castrum romain établi sur une légère éminence protégée des inondations, la ville se déploye le long de la ligne de crête et sur des remblais progressifs. La cité médiévale se débarrasse LA CATHÉDRALE de la tutelle de l’évêque en 1262 et engage son développement DE LA VILLE LIBRE le long de l’Ill. Après son rattachement à la France en 1681, L’achèvement de la l’espace urbain se transforme avec la construction d’hôtels flèche de Notre-Dame particuliers classiques. L’annexion allemande en 1871 fait de en 1439 révèle Strasbourg la capitale du Reichsland Elsass-Lothringen (Alsacel’apogée de la ville Lorraine) et entraîne une modification majeure du paysage libre. En 40 ans, la façade de la cathédrale urbain avec l’édification d’une «ville nouvelle» triplant a doublé de hauteur la surface de la ville ancienne. En 1949, Strasbourg retrouve (142 m). Strasbourg, un statut de capitale en y installant le Conseil de l’Europe. alors à la pointe de la création architecturale en Occident, avait pu affirmer ses intentions, grâce à l’Œuvre Notre-Dame, la fabrique paroissiale gérant le chantier dès le début du XIIIe siècle et dont elle avait pris le contrôle en 1395. 220 INFLUENCES CROISÉES PLACE GUTENBERG, UN CONDENSÉ D’HISTOIRE URBAINE. Située sur la crête du premier remblai, à la limite de l’ancien castrum romain, l’ancienne place du Marché-aux-Herbes, carrefour à la croisée des axes majeurs, devient le cœur politique de Strasbourg, dont le nouveau statut de république se traduit par la construction de l’hôtel de ville (la Pfalz) en 1321. En 1525, la démolition de l’église Saint-Martin et la suppression de son cimetière permettent d’aménager une place. Mais la première opération d’embellissement de la ville se situe en 1582, lorsqu’on élève sur cette place le Neubau (actuelle chambre de commerce), dont la façade en pierre de taille ennoblit l’espace. En 1767, dans le cadre de son projet de rationalisation urbaine, l’architecte Jacques François Blondel souhaite en faire la place Royale. Jugé trop gothique, l’hôtel de ville est détruit en 1781, dégageant la partie nord et améliorant la circulation urbaine. La statue de Gutenberg, par David d’Angers, est érigée en 1840 sur la place ; celle-ci prend alors le nom du célèbre imprimeur, qui inventa la typographie à Strasbourg vers 1440, puis regagna Mayence pour la mettre au point. LA MARQUE DU POUVOIR ROYAL. Il veut imposer à Strasbourg, ville trop rhénane, un nouveau cadre urbain. L’installation d’un patriciat regroupant la noblesse régionale et des aristocrates allemands possédant des terres en Alsace nécessite la construction d’hôtels particuliers dès 1730. Ils se concentrent à la limite nord et est de l’ancien castrum, préfigurant le déplacement vers la place Broglie du nouveau centre politique. Des quartiers entiers sont ainsi restructurés. L’EMPREINTE DU POUVOIR IMPÉRIAL. Ce dernier décide la réalisation d’une nouvelle place, siège des pouvoirs, le Kaisersplatz (actuelle place de la République). Situé sur l’emprise de la fortification de Vauban, en contact direct avec la ville ancienne, ce lieu constitue l’extrémité ouest d’un axe monumental. La palais de l’Empereur (aujourd’hui palais du Rhin), inauguré en 1889, fait face au palais universitaire, mettant en scène les deux pouvoirs de la ville nouvelle. À L’HEURE DE L’EUROPE. Dans le nord-est de la ville, l’ancienne ceinture du glacis de la fortification de 1885 accueille depuis 1949 les différentes institutions européennes. Le premier palais de l’Europe, dessiné par Bernard Monnet en 1951, est remplacé en 1977 par l’actuel bâtiment monumental affecté au Conseil de l’Europe, conçu par Henry Bernard. Depuis les années 1990, l’Europe a gagné en visibilité dans le paysage, et le quartier s’est enrichi de nombreux édifices ; son élément majeur : le bâtiment Louise-Weiss (1999), qui abrite l’hémicycle du Parlement. LES GRANDES SIGNATURES DU XXE SIÈCLE Dans le centre-ville, la Grande Percée reprend magnifiquement le modèle pittoresque de l’architecte viennois Camillo Sitte (1843-1903). Strasbourg s’ouvre également aux courants extérieurs et avant-gardistes : immeubles Jugendstil ou Art déco, décoration (1928) des salles de la brasserie L’Aubette par Sophie TaeuberArp, Jean Arp et Theo Van Doesburg. La ville se relèvera des bombardements et en profitera pour aérer son tissu et offrir de nouveaux espaces publics autour de la cathédrale. DÉAMBULER Depuis 1994, le tramway qui sillonne le centre-ville a rendu l’espace public de la Grande Île aux piétons et aux cyclistes. 221 STRASBOURG UNE VILLE SUR L’EAU Ci-dessous, plan du réseau hydrographique de Strasbourg. À droite, maisons à colombages de la Petite-France. L’eau joue un rôle déterminant dans la formation de la ville : à la fois contrainte et richesse, danger et protection. Sa présence a déterminé la forme urbaine : premières implantations humaines, dès l’âge du bronze ancien, entre des bras d’eau, sur un des îlots du Rhin anastomosé. Au milieu de ce secteur marécageux, l’extension urbaine se fait progressivement. L’essor commercial de la cité repose sur sa situation géographique privilégiée : la ville reste pendant longtemps la limite du Rhin navigable, et à partir de 1388 jusqu’au XVIIe siècle, elle en contrôle le dernier pont avant l’embouchure, barrière autant que lieux de passage. Aujourd’hui, la voie d’eau favorise une visite de la ville pleine de charme. LA PETITE-FRANCE INDUSTRIELLE. Delta à l’entrée de la ville historique, le quartier de la Petite-France était déjà, dès la période médiévale, un site privilégié pour les moulins et tanneries. L’implantation d’activités industrielles s’est faite après 1870 sur les chutes d’eau de trois de ses bras d’eau, le quatrième étant réservé à la navigation. Les moulins, dans un premier temps polyvalents, se spécialisent par la suite : chocolaterie sur la Würtzmühle, glacière sur la Spitzmühle. Laveries, bateaux-lavoirs et bains s’installent dans les interstices. On contemple avec plaisir l’alignement de ses maisons à colombages des XVIe et XVIIe siècles, qui ont fait l’objet de restaurations attentives. la Porte-des-Bouchers, le «Metzgertorhafen», actuel bassin d’Austerlitz, pour accueillir les péniches rhénanes. Le contournement de la circulation fluviale oblige à une relocalisation des activités liées au transit fluvial : la construction du port moderne est amorcée. DU PORT D’AUSTERLITZ À LA PRESQU’ILE ANDRÉ-MALRAUX. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la circulation commerciale ville-Rhin emprunte l’Ill et de nombreux fossés. Pour des raisons militaires, leur tracé est d’une complexité invraisemblable. En 1882, pour permettre un passage entre le canal du Rhône 222 au Rhin et le canal de la Marne au Rhin, l’Administration impériale construit le «canal de jonction». Le premier bassin «de la porte de l’hôpital», accessible aux seules péniches fluviales (à gauche), est rapidement obsolète. À peine dix ans plus tard, la ville doit entreprendre la construction du port de LE JARDIN DES DEUX RIVES. Trait d’union entre la France et l’Allemagne, ce vaste parc de 150 ha s’étendant de part et d’autre du Rhin, a été réalisé par l’architecte-paysagiste Rüdiger Brosk à l’issue d’un concours international. Élément central de la composition, l’élégante passerelle dessinée par Marc Mimram lie Strasbourg à Kehl et offre un magnifique panorama. Le parc a suscité l’organisation, en 2004, d’un premier festival transfrontalier des jardins ; il est depuis un lieu de détente et d’animations. LE BARRAGE VAUBAN STRATÉGIQUE Cet ouvrage (ci-dessus) est conçu en 1682 par Vauban, commissaire général des fortifications de Louis XIV, pour conforter le système défensif de Strasbourg : des herses s’abaissaient pour empêcher l’accès à la cité par voie d’eau. Toutefois, son objectif principal était de rétablir le caractère insulaire de la ville : ses flancs sud, est et nord, compris entre l’Ill et le Rhin, pouvaient être inondés sous plus de deux mètres d’eau lors de la fermeture des vannes barrant ainsi les eaux de l’Ill. Cette manœuvre stratégique sera utilisée en 1870 pour tenter de contrer le siège des armées impériales. Le barrage, remanié à plusieurs reprises, est utilisé aujourd’hui par les piétons pour franchir la rivière. La terrasse panoramique qui le couronne offre un beau point de vue sur le quartier de la Petite-France. 223