Les plafonds peints à Paris : Étude et préservation

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Les plafonds peints à Paris : Étude et préservation
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Sandrine GACHENOT, doctorante à Paris 1
Les plafonds peints à Paris : Étude et préservation
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omme toujours en restauration, toutes les thématiques seraient un choix
judicieux… Celle principalement abordée ici concerne cependant « le devenir de
l’œuvre ». Le sujet de recherche abordé Les plafonds peints à Paris, étude et préservation
s’étend chronologiquement du Moyen-Age au Second Empire. Associant peintures,
moulures et dorures, ces éléments décoratifs sont fréquents dans le paysage urbain parisien
et participent au charme de la capitale, que ce soient dans les immeubles des grandes
avenues ou les boutiques en rez-de-chaussée ayant conservées leur décoration d’autrefois.
Cette particularité décorative, découlant des grands décors de palais comme la galerie des
glaces du château de Versailles ou la galerie d’Apollon du musée du Louvre, valorise à la
fois le patrimoine collectif et personnel et mérite toute notre attention pour sa
conservation. Quelque peu oubliés aujourd’hui, les situations sont variables : les uns ont
malheureusement été détruits, recouverts de ciment ou simplement dissimulés par de faux
plafonds pour accueillir câbles électriques et climatisation et permettre l’installation de
bureaux. D’autres, peut-être plus chanceux, ont vu simplement leurs couleurs se ternir ou
une couche supplémentaire de peinture blanche protectrice accueillir le nouveau locataire
ou propriétaire.
Ce premier regard sur le patrimoine parisien amène évidement à s’interroger sur
l’artiste auteur de telles œuvres, pour la plupart, anonymes. Des ouvrages sur le sujet précis
manquent. Seuls quelques passages au travers d’une bibliographie à constituer permettent
d’apporter une première réponse. Le rôle des ornemanistes et des architectes de décors
intérieurs est alors incontournable. Leurs publications, les dessins et estampes qui peuvent
circuler par feuille et les ouvrages plus importants sont présents et une source précieuse.
Au-delà des mouvements artistiques qui segmentent les différentes périodes considérées, un
extraordinaire foisonnement voit le jour avec le style Régence et Rocaille, le style Louis
XV puis le style transition avec le néo Louis XIV et le goût à la grecque. On est alors tenté
de s’interroger sur les pratiques de travail : l’avant et l’après Académie royale de peinture,
architecture et sculpture (1648-1783) puis le rôle contesté des écoles de Beaux-arts. Que ce
soit un travail en solo ou en atelier avec différentes personnes, le rôle des écoles et des
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mouvements avec leur influence réciproque est aussi à considérer. Le goût et son évolution
sont alors pleinement présents et d’autant plus visible qu’il s’agit d’art décoratif où parfois
une mode s’avère très éphémère même si la mise en œuvre de l’objet est longue et complexe.
L’archéologie peut ainsi être comme l’Antiquité une source précieuse d’inspiration. Citons à
cet effet Herculanum et Pompéi, leur redécouverte et leur influence sur le répertoire
décoratif dans les années suivantes ou auparavant l’influence de visiteurs étrangers à la
Cour de France relayées par Les lettres persanes de Montesquieu et des décors de
chinoiseries. La présence de signature est également un élément précieux et permet de
constater des techniques multiples pour un même artiste : marouflage ou fixé sous verre.
Dans le domaine des boutiques et commerces la conservation de nombreux almanachs
permet de connaître l’usage réservé à ces locaux commerciaux et d’envisager peut-être une
étude iconographique particulière. Ces commanditaires de plafonds peuvent être des
personnes fortunées ou l’Etat et donc des créations destinées à de grands édifices publics,
des hôtels particuliers prestigieux ou des simples plafonds de commerce à la mode. Pour une
même période, il est alors intéressant de connaître les influences qui s’exercent et qui font la
mode. Les particuliers peuvent ainsi être très actifs dans certains quartiers de Paris ou à
l’inverse le roi et l’empereur avec un groupe d’artistes. L’évolution du goût et de la
construction permet aussi de constater l’adaptation de pièces à des modes changeantes et la
présence de plafonds d’époque différentes dans une construction plus ancienne. Des poutres
d’époque Renaissance peuvent ainsi laisser la place à un plafond à moulures XVIIIème
siècle. Une étude de l’évolution du plan de Paris avec ses nouvelles constructions permet
également de comprendre l’implantation de ces plafonds lorsqu’ils ont été conservés dans
des immeubles peu modifiés et très caractéristiques d’une période donnée. Un décor
rechampis peut alors être potentiellement identifié en fonction de ses caractéristiques
encore apparentes : forme générale et détails des moulures, motif central en relief,
corniche… La destruction de nombreux couvents pendant la période révolutionnaire et les
années qui vont suivre est aussi l’occasion de voir l’intégration potentielle de vestiges
conservés et leur cohabitation avec de nouveaux décors peints. Parallèlement, la
destruction actuelle de plafonds d’hôtels prestigieux pour des raisons de modernisation
comme la mise en place d’ascenseur est également un réel sujet d’interrogation sur le
devenir d’édifices d’exception…
Les techniques mises en œuvre pour la création de ces plafonds au cours des siècles
peuvent être étudiées lors de constats d’état, étape préalable et indispensable à toute
restauration. Elles peuvent aussi avoir fait l’objet de publications ou d’écrits et permettre
de retrouver de vieilles recettes comme celles des cartons pâte et des cartons pierre, deux
techniques permettant de fabriquer des moulures et des éléments de décor rapportés. Les
supports peuvent être variés : voute de pierre, poutre de bois, plâtre, toile, verre… Toutes
demandent de sérieuses connaissances techniques en peinture pour résister aux lois de la
pesanteur et être mises en place selon le projet établi sur papier… : mise en œuvre en
atelier puis marouflage, carreau, pochoir, poncif… Des techniques variées peuvent
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cohabiter sur un même plafond. Les motifs et les iconographies possibles sont multiples :
chiffre d’une famille, sujet allégorique ou mythologique, cieux peuplés de personnages,
oiseaux ou végétaux, motifs antiques. Chaque période a ses caractéristiques et permet
d’effectuer une datation à première vue relativement précise, notamment en fonction des
publications d’ouvrage ou de la création d’un décor précis influençant d’autres créations. Il
existe clairement en matière de plafond une mode répondant à des goûts précis et à des
choix d’artistes. La gravure et les publications d’architectes et d’ornemanistes jouent un
rôle essentiel dans la diffusion des modèles par les marchands d’images et les écoles d’art.
Lorsque le corpus de ces plafonds est établi, le groupe d’artistes identifié, le procédé
technique explicité, il est alors possible d’envisager des constats d’état pour comprendre les
altérations, les interventions à effectuer en vue d’une restauration et les tests de
dégagements à effectuer. Il est indéniable que dégager des couches de rechampis successives
sur des peintures peut-être fragilisées par différents facteurs environnants n’est pas à
premier abord une tâche aisée. Une réelle réflexion est à mettre en œuvre au préalable pour
éviter la disparition d’éléments rajoutés sur un fond de nuages ou de retirer trop
rapidement une couche faisant partie intégrante du décor considéré. Les propositions de
traitement doivent également obligatoirement s’accompagner d’une étude visant à
préserver la santé des restaurateurs : qualité de l’air à préserver, protections, choix
judicieux de solvants… Des stages en chantier voire en atelier au contact de restaurateurs
diplômés et expérimentés seront aussi l’occasion d’envisager de façon concrète les réalités
du terrain tout en menant en parallèle des recherches en bibliothèque et sur site. Le but est
d’aboutir à des propositions de chiffrage concrètes définissant le coût de telles interventions
de restaurations. Revenir à la couleur et à la finesse des ornements est-il un rêve réellement
accessible à tous ? Temps et argent sont à mettre en équation pour envisager sereinement
des propositions chiffrées à proposer à des propriétaires réellement intéressés par la mise en
valeur de leur patrimoine immobilier : cadre de vie plus agréable, commerces valorisés, plus
value immobilière… Bien que ces plafonds soient de petite taille si on les compare à ceux
peints par Le Brun ou Lemoyne par exemple, le temps consacré à leur restauration n’est
pas négligeable et relève du cas par cas, la vitesse de dégagement n’étant pas forcément
identique selon les cas rencontrés. Ces restaurations soulèvent aussi la question de la mise à
jour d’un plafond particulièrement dégradé : nouveau rechampi ou création
contemporaine ? Cette dernière est à ce jour très peu présente à première vue voire
quasiment inexistante.
Cette recherche, outre son apport à un sujet quelque peu oublié pour son côté à la fois
privé et modeste, est aussi une volonté de transmettre aux générations futures un
patrimoine particulier dont une partie a malheureusement disparu…
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