La relation de la création picturale et de la création littéraire
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La relation de la création picturale et de la création littéraire
DES RELATIONS DE LA CREATION PICTURALE ET DE LA CREATION LITTERAIRE DANS L'ŒUVRE DE RENE CHAR Sous la direction de Monsieur Guy LAVOREL, Professeur émérite Fahimeh YASIN Dans une première partie nous étudions : « Les dépendances sensibles de la création chez Char », de quels attachements ses œuvres dépendent ? D’abord Char puise dans la nature, dans le paysage provençal qu’il affectionne, ses forces et ses appuis. C’est dans cette soif du natal que s’exprime sa poésie, l’origine du monde et la symbolique de ses quatre éléments fondateurs (eau, feu, terre, air), sa géologie qui inclue paroi et prairie, un monde à l’état brut, échos à la Grèce ancienne, à Héraclite, à la naissance de l’art pariétal, poésie de l’enfance, mais enfance de l’humanité en communion avec la nature. Un règne végétal et animal qui le fascine, fondement de sa métaphore poétique, ouverture à l’écoute d’autres voix : celle du peuple des prés, tout un bestiaire qu’illustrera Miró, une harmonie qu’il sait déjà menacée… Puis comme le disait Marcel Proust « ces gardiens des souvenirs de l’âge d’or »1 : sa famille son père surtout disparu, bien trop tôt, première épreuve de la mort, qu’on retrouve dans Courbet : « Les casseurs de cailloux ». Il apprend la nature, déteste l’école, se rebelle, ce sera auprès des gens simples qui deviendront ces héros du Soleil des eaux qu’il trouve l’asile d’une vraie vie qui le fait rêver hors de toutes conventions, au bord d’une rivière jaillie d’un trou inconnu. Ce butin qui s’amoncelle, c’est le réservoir des visions poétiques à venir. Enfin les amis : ceux de la résistance : guerre et résistance, il n’y a pas de double vie, Char ne fut le résistant qu’en absolue continuité avec le poète qu’il était. A tous ses amis combattants, il sut leur conférer la dignité à laquelle ils avaient droit. La reproduction du « Prisonnier » de Georges de la Tour, l’accompagnera comme l’espoir d’une autre aurore, et l’image de cette vision de l’humanité qui attend l’inespéré figurera toujours pour lui le modèle du poète. Ses amis peintres, ces Alliés Substantiels qui ne sont pas réunis par une esthétique quelconque, lui il les a élus, nommes, prêtés la parole. Ce qui les réunit surtout, c’est cette capacité qu’il sont tous à leur manière d’être réfractaires à toutes les modes, soucieux d’aller à contre-courant afin de savoir 1 Marcel Proust, Le coté de Guermantes, TI, Paris, Gallimard, 1954, p. 222. voir comme si c’était la première fois. Faire de l’objet plus que l’objet comme Braque le fait de sa « Sarcleuse ». L’influence de deux philosophes : Héraclite, où il va puiser à la fois la puissance prophétique des aphorismes, et cette pensée qui met au cœur du monde « l’alliance des contraire » : L’arc et la lyre. La vraie question qui est posée, c’est comment faire surgir du sens dans ces tensions qui s’opposent sans cesses. Heidegger dont il partage l’intérêt pour l’antiquité grecque et ses penseurs, la façon d’appréhender le temps, qu’il faut vivre dans son présent et dans sa spontanéité, le regard critique porté sur la technique, mais surtout la place qu’il confère à la poésie : la première, celle qui va de l’avant. Nous examinerons dans une deuxième partie : « Les dépendances scripturale et picturale » sous trois aspects. -Les théories artistiques en écriture et en peinture qui l’ont influencé -Leur mise en pratique -L’aphorisme, la métaphore et la gestion de l’espace en peinture et poésie Nous retiendrons en ce qui concerne l’aspect héritage artistique : Deux grands écrivains qui engagent avec le poète une conversation souveraine, astreignante Charles Baudelaire pour qui l’écriture sur la peinture devient écriture de la peinture, à la croisée de la création poétique et de la critique. Celui qui n’a jamais cessé d’avoir dans l’esprit et le regard de Delacroix. Merci dira-t-il à Baudelaire parce qu’il « sait ». Evidemment on pense à la modernité critique du Char de Recherche de la base et du sommet. Rimbaud, celui qu’il tutoie, celui qui ouvre une nouvelle ère poétique, l’halluciné des mots, celui à qui il « n’a rien manqué » et qui a su porter un regard neuf illuminé sur toutes choses. Char reprendra souvent son dialogue avec lui, celui de l’invention d’un langage nouveau. Du surréalisme dont il dissociera toujours les erreurs des hommes de la pureté du mouvement, il faut retenir cette volonté de conserver l’énergie originelle attribuée à un langage de vérité, et d’ancrer la poésie dans l’obscur et le clair. Mais c’est surtout grâce à sa proximité avec les peintres surréalistes qu’il engage une réflexion sur la signification de la beauté et donc de la mise en cause de la représentation. La méditation d’Heidegger sur l’œuvre d’art est intéressante, particulièrement pour le seul commentaire qu’il a fait sur un tableau, celui des « Vieux souliers aux lacets » de Vincent Van Gogh. L’art est pour lui le moment où la réalité disparait au profit d’une vérité qui dépasse l’objet banal et quotidien et lui donne une authentique présence, celle du labeur, de la fatigue et de la solitude. Char dans Les voisinages de Van Gogh marquera cette expérience profonde qui lie le peintre au poète, de la souffrance que signifie l’acte de créer avant la mort…Cette atmosphère pressante… Dans la mise en pratique du travail poétique : « poème en prose, poème en vers, alternance poésie ou peinture et illustrations », nous montrerons combien un temps de maturation est nécessaire pour faire de la poésie, il faut faire œuvre d’artisan, faire preuve de précision donc éjecter l’imaginaire. Nous indiquerons quelques aspects techniques de sa langue, son goût de l’étymologie, de l’archaïsme. Nous soulignerons dans ses poèmes en prose combien il s’est donné une langue au style orné qui n’appartient qu’à lui. Comment il utilise tous les éléments narratifs du discours ou du récit pour atteindre ou chercher avec une exigence « incorruptible » cette vérité toujours naissante qu’il faut lancer « à la gueule répugnante de la mort »2 . Nous questionnerons dans la Recherche de la base et du sommet le lien entre Char et les peintres, quelle est l’originalité de ce recueil dans sa manière d’inviter le lecteur à réapprendre à voir les tableaux de ses amis peintres sans les mentionner directement ou même les résumer. Que cherche-t-il à faire et à nous faire comprendre ? Nous terminerons cette partie sur « l’aphorisme, la métaphore et la gestion de l’espace en peinture et poésie ». A partir des critères formels qui permettent de différencier l’aphorisme d’autres formes brèves, nous montrerons les caractéristiques et les intérêts de l’aphorisme charien, de quoi il-est le résultat et la force ; puis nous nous interrogerons sur le rôle de la métaphore, ce qui la rendre inévitable, ce qu’elle produit, par quel procédé elle opère un effet. Nous aborderons son importance et sa fonction dans l’œuvre de Char, comment par la distance qu’elle provoque elle permet de dire plus, d’être au plus près du réel dans cette connaissance productive qu’il recherche. Si la gestion de l’espace fut toujours pour les peintres quelque chose à construire, puis à défaire quand il leur a fallu dépasser la littéralité de la forme, sa poésie va chercher à donner à voir autant qu’à lire. Comment l’espace poétique va-t-il permettre au lecteur de devenir spectateur de la page ? Nous recenserons quelques formes spatiales caractérisables 2 « Le Rempart de Brindilles», in La Parole en archipel, O.C., p. 359. depuis Apollinaire pour aboutir avec Char au travail à quatre mains qu’il a mené avec ses amis peintres et éditeurs. Dans la dernière partie : il s’agit de réfléchir sur l’accomplissement de la création chez René Char. Quelle vision du monde veut-il nous transmettre ? Ce qu’il cherche à nous faire voir ? Dans un premier temps, en partant de sa double expérience poétique et picturale nous montrerons à partir de son recueil de La Nuit Talismanique où s’exprime son travail de poète et de peintre, comment on n’est pas dans l’ordre de la préférence, mais en quoi la peinture est le prolongement de son écriture et en quoi leur lien en est l’aboutissement poétique. Puis dans un deuxième temps : dans « vérité et signification » nous examinerons ce qu’est la vérité en poésie et en peinture. Quelles sont pour René Char les deux conditions nécessaires pour atteindre cette vérité : l’indifférence, à l’histoire et l’obsession de la moisson. Quel est son rapport avec l’imaginaire, comment alors trouver cette signification dans le réel, au-delà du réel, et dans la vraie perception du réel. Comment et avec quels signes Miró, Picasso, Braque font surgir une représentation du monde qui transcendant la réalité atteint une vérité. Enfin se pose la question de l’horizon en écriture et en peinture qu’appuie cet aphorisme de Moulin premier : « A partir de la courge l’horizon s’élargit »3. Quel est l’horizon pour le poète, toute chose peut-elle être poétique et nous faire dépasser notre territoire mental? Quels sont les horizons de l’expérience artistique nous aborderons la question de l’horizon en peinture et du regard des peintres dans l’historicité de cet art. -Le dépassement, la mise à distance en poésie et en peinture, c’est la question de la limite. Jusqu’où aller ? Comment l’aphorisme chez Char permet d’aller plus au « large ». On présentera un exemple de métaphore en lien avec la peinture, celle de René Magritte et la métaphore transfigurée, comment le peintre transfigure l’image verbale et visuelle dans ses tableaux. -Le problème de la beauté, Char poète héraclitéen de l’harmonie des contraires : l’équilibre vient-il de l’amour qui permet de résoudre les contraires? En quoi la beauté chez Char est un horizon qui s’élargit? Comment caractériser pour Char ce qu’il y a « au-delà » ? 3 Moulin premier LVIII, in Le Marteau sans maître, O.C., p. 77. PLAN GENERAL I) Première partie : Les dépendances sensibles de la création A) Chapitre I : La création dépend de valeurs attachées à la nature, plus spécialement provençale B) Chapitre II : La création dépend de valeurs attachées à sa famille C) Chapitre III : La création dépend de valeurs attachées à certains amis II) Deuxième partie : Les dépendances scripturale et picturale A) Chapitre I : L’influence de la théorie artistique dans la peinture et l’écriture B) Chapitre II : Mise en pratique: poème en vers, poème en prose, alternance poésie ou peinture et illustrations C) Chapitre III: Aphorismes et gestion de l’espace III) Troisième partie : L’accomplissement de la création A) Chapitre I : Expérience poétique et picturale B) Chapitre II : Vérité et signification C) Chapitre III : « A partir de la courge l’horizon s’élargit » : l’écriture et la peinture face à l’horizon