Le projet « Qui suis-je?

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Le projet « Qui suis-je?
Le projet « Qui suis-je? »
Un projet annuel indépendant pour que les étudiants de 8 à 12 ans réfléchissent sur leur relation avec le
monde naturel qui les entoure.
par David Rude
Traduit par Jocelyne Dickey
J’avoue que je manque de mots quand il s’agit
de suggérer des changements dans notre
méthode d’enseignement. Je conseille aux
professeurs de privilégier l’ingéniosité. Je
suis certain qu’ils conserveront la grammaire,
la lecture, l’écriture et l’arithmétique dans cet
ordre; c’est simple et c’est sûrement ce qu’ils
feront. Mais qu’ils y incorporent discrètement
l’ingéniosité, l’imagination ou la pensée. Si un
enfant démontre qu’il sait quelque chose sur
l’astronomie, les plantes, les oiseaux, les roches
ou l’histoire, prêtez-lui attention et demandez à
toute la classe de se taire pour qu’il puisse
parler et être entendu. Vous aurez ainsi réussi à
rendre votre classe semblable au monde.
--Ralph Waldo Emerson, “Educación”, 1840.
lusieurs de nos étudiants manquent d’une
compréhension de base de l’environnement.
PDe nombreux enfants affirment qu’ils
préfèrent jouer à l’intérieur et ne pas participer
aux activités à l’extérieur, probablement à cause
de l’urbanisme croissant dans nos communautés
et de la prolifération d’ordinateurs et consoles
de jeux dans les foyers. Nous avons récemment
commencé à comprendre comment ceci les
affecte socialement, psychologiquement et
spirituellement. Les recherches dans le domaine
montrent un résultat commun : les activités à
l’extérieur jouent un rôle très important dans le
traitement du déficit de l’attention, l’obésité et
la dépression infantile1. Les études démontrent
qu’utiliser l’environnement comme contexte
dans l’apprentissage améliore les résultats des
examens, la solution des problèmes, la pensée
critique, la prise de décisions et le
comportement en général 2.
Lorsque j’étais directeur d’une école K-8
(De la maternelle à la 8e année), j’ai créé un
projet curriculaire appelé « Qui-Suis-je? »,
lequel consiste en tâches assignées à l’élève afin
d’enrichir la conscience et la compréhension du
monde naturel. Le projet intègre des éléments
d’éducation environnementale et est centré sur
l’élève, Gestalt et théories existentialistes. Je
crois qu’il n’augmente pas seulement les
connaissances académiques des étudiants mais
qu’il améliore aussi leurs habiletés à
communiquer, écrire, résoudre des problèmes
et appliquer un raisonnement déductif. Pendant
qu’ils complètent le travail et participent aux
débats qui surgissent, les étudiants développent
aussi des idées et créent des solutions aux
problèmes qu’ils perçoivent dans
l’environnement. Il cadre parfaitement avec les
standards de l’enseignement national des
sciences aux États-Unis, selon lesquels « Une
partie importante de l’enseignement des
sciences est de donner aux étudiants les moyens
nécessaires pour comprendre et agir sur des
thèmes personnels et sociaux ».
Ensuite nous débattons le terme environnement
et les idées qui y sont reliées et les étudiants
mentionnent des termes analogues que j’écris au
tableau pour ensuite les discuter. Le processus
peut durer quelques minutes ou le temps
nécessaire; d’un côté, je désire qu’ils
comprennent réellement ce que signifie
l’environnement, ce qu’il est; d’un autre côté, je
veux qu’ils créent une définition à partir du
débat, du
Tout
questionnement
enseignant
et des réflexions.
peut mettre
Cette activité
en
leur donne
application
confiance, savoir
ce
et préparation
programme
pour le projet
séquentiel et
final. En
curriculaire.
certaines
De plus, il
occasions, le
n’est pas
débat sur le
nécessaire de
terme
réviser au
environnement a
complet le
duré des
plan d’études
semaines. C’est un
Des élèves visitent le jardin de la communauté : augmenter le
existant
exercice très
niveau de participation sur des questions environnementales
puisque le
valable puisque les
locales est un des buts du projet.
projet « Qui
étudiants
suis-je » s’intègre facilement au cadre de
discutent, écrivent, résolvent des problèmes,
presque toutes les matières scolaires. L’idée de
synthétisent, analysent et par-dessus tout
départ visait des étudiants de la 4e à la 8e année,
s’impliquent. Tout au long du processus, les
mais elle peut être modifiée pour des élèves de
étudiants se montrent actifs et stimulés à
niveau secondaire. J’ai réussi le projet durant
poursuivre dans ce processus d’apprentissage.
plus de 6 ans. Les élèves y travaillent ardûment
Chaque semaine (le projet dure neuf
et s’y intéressent parce qu’il parle d’eux et de
semaines), j’apporte en classe un modèle du
leur monde.
projet « Qui suis-je? » que j’ai moi-même
complété; Ceci leur donne une idée de la
Description du projet
manière dont devrait se présenter la tâche. Je
Même s’il ne doit pas se rendre jusqu’au dernier
considère important de dire aux étudiants que
mois d’école, le projet « Qui suis-je? » est
les idées, les expériences et les sentiments que
présenté au début du cycle scolaire; je remets
je présente résultent de ma relation avec
une copie de l’activité aux étudiants et je leur
l’environnement. Leurs projets seront distincts,
explique ses neuf composantes (voir
de même que leurs idées, leurs expériences et
Composantes du projet « Qui suis-je? »).
leurs relations. Mes exemples servent de coup
Durant les semaines suivantes, nous discutons
de pouce pour que les étudiants pensent et aient
des termes importants, par exemple :
une idée de comment je suis.
environnement, interrelation, monde naturel,
J’ai l’habitude de conseiller aux étudiants de
communauté et buts.
travailler au projet tout au long de l’année. En
J’ai l’habitude de débuter une classe avec
plus de débattre chaque jour sur des termes
un débat sur un des termes; je peux par exemple
fondamentaux et des concepts reliés, les élèves
arriver et écrire au tableau le mot
travaillent à la maison. Je garde toujours une
environnement et lire un poème de Shelley ou
copie de mon projet dans la classe et dans la
deThoreau ou bien lire un article ou un passage
bibliothèque de l’école pour que les étudiants
sur des questions environnementales de
puissent y jeter un coup d’œil; j’encourage aussi
journaux comme Adbusters ou Orion ou d’un
la remise de brouillons durant l’année pour
journal local. Certaines classes débutent par une
pouvoir les lire et les réviser. Quand arrive le
chanson (Ani DiFranco, Sting et plusieurs
moment de la remise du projet, je leur donne le
autres ont écrit des chansons sur l’écologie) car
temps nécessaire pour le partager. Au lieu de
je suis arrivé à la conclusion que la lecture et la
présenter les neuf points du projet, ils en
musique stimulent les idées sur l’écologie,
choisissent trois; ceci leur laisse le temps
l’humanité et notre place dans le monde.
suffisant pour pouvoir s’étendre sur ce qu’ils
ont réalisé. Finalement, nous organisons une
présentation des projets dans la classe.
Le projet « Qui suis-je? » a pour but de
permettre aux étudiants de parler et d’apprendre
sur eux-mêmes et sur leur monde naturel.
L’idéal serait que ce projet les enrichisse
socialement et académiquement et les
conscientise sur l’environnement et ce qu’il
signifie pour eux. Le programme permet aux
étudiants d’interagir entre eux, avec leurs
familles, leurs professeurs et, dans certains cas,
avec des représentants de la communauté.
J’espère ainsi changer positivement les
étudiants afin qu’ils développent un intérêt vital
pour l’environnement.
Je crois que si nous leur donnons les outils
nécessaires, les étudiants feront de leur mieux
pour compléter les activités. Si nous mettons
l’emphase sur les apprenants et les tâches
d’apprentissage, les élèves réaliseront au-delà
de leurs attentes. Si nous les professeurs leur
apportons l’assistance appropriée, nos étudiants
compléteront par eux-mêmes des tâches qui
auparavant leur paraissaient impossibles. Quand
je leur présente pour la première fois le projet,
les élèves répondent toujours : « C’est trop » ou
« Nous ne pouvons pas faire tout cela », mais à
la fin de l’année, quand j’écoute les
présentations, je suis impressionné et très fier.
David Rude a été directeur d’école.
Présentement, il enseigne les Méthodes
éducatives à l’université nationale de La Jolla,
California, et donne des cours de psychologie à
l’université de Salt Lake City, à Salt Lake City,
Utah.
Traduit par Jocelyne Dickey, biologiste et
professeure de biologie et informatique à la
retraite, traductrice bénévole depuis 2004,
Québec.
Notes:
1-Kevin R. Fontaine, “Physical Activity
Improves Mental Health,” The Physician and
Sports medicine, 28:10, Octubre 2000.
2-Voir par exemple Gerald A. Lieberman and
Linda L. Hoody, State Education and
Environment Roundtable, “Closing the
Achievement Gap: Using the Environment as an
Integrating Context for Learning,” Poway, CA:
Science Wizards,
1998.
Bibliografie et chansons suggérées :
The Black-eyed Peas, “Where is the Love?
(chanson)
Burnett, Francis Hodgson, Le jardin secret
(roman)
Carroll Lewis, « Les conseils d’une chenille »
(de « Alice au pays des merveilles »)
DiFranco, Ani, “Your Next Bold Move”
(chanson)
George, Jean Craighead, Ma montagne (roman)
Revue Orion (bonne source de lecture sur des
thèmes reliés à la nature)
Osburn, Weston, « Mon rêve américain »
(poème)
Paulsen, Gary, La hache (roman)
Prine, John, “Spanish Pipedream” (chanson)
Shelley, Percy Bysshe, « Hymne à la beauté
intellectuelle » (poème)
Thoreau, Henry David, « Sons » (essai
appartenant à Walden)
Tolkien, J.R.R., Le hobbit (roman)
Composantes du projet « Qui suis-je »
1.
Dessine une image ou choisis une de tes photos sur l’environnement (jardine, patio) pour placer sur la
couverture du projet. (5 points)
Pour cette partie du projet, les étudiants ont remis une grande variété d’images : par exemple, plusieurs utilisent la
photo de leur famille dans le jardin, d’autres optent pour des photos d’un environnement naturel lorsqu’ils réalisent
des activités à l’extérieur (pêche, camping, ski).
2.
Identifie et énumère cinq œuvres littéraires (poème, haïku, conte, roman, etc.) qui reflètent tes valeurs et tes
sentiments envers le monde naturel. Explique brièvement comment ces œuvres reflètent ces valeurs et ces
sentiments. (20 points)
Au début, cette tâche semble difficile à plusieurs étudiants. Cependant, quand ils commencent à investiguer à la
maison et à la bibliothèque, ils se rappellent des histoires qui ont déjà attiré leur attention car la nature joue un rôle
important pour eux. Plusieurs nomment des histoires comme Heidi de Johanna Spyri, Le Hobbit de J.R.R. Tolkien,
Ma Montagne de Jean Craighead George, Les légendes du roi Arthur, et aussi Le chemin le moins fréquenté de
Robert Frost et Sola Maya Angelou. Ci-dessous, l’explication d’un étudiant sur la façon dont Le Hobbit reflète ses
valeurs :
« Les meilleures chambres étaient toutes à la gauche de la porte principale,
car elles étaient les seules qui avaient des fenêtres, des fenêtres rondes,
creusées profondément, qui regardaient le jardin et les prairies au loin, sur le
chemin de la rivière » – Le Hobbit, de J.R.R. Tolkien
La description du foyer de Bilbo Bolsón décrit mes paysages favoris. À
mesure que nous lisons les livres de Tolkien, nous nous rendons compte que
les hobbits aiment la nature, les jardins et la beauté. En tenant compte de
ceci, si j’étais né hobbit, j’en aurais été un très bon. – Heidi, 8e année.
3.
Prends une photo ou fais un dessin de ton environnement (Tu peux utiliser ton jardin ou ta cour ou bien un
lac ou un parc connu). Écris une composition d’au moins 250 mots pour décrire la photo ou le dessin. (40
points)
Les étudiants sont emballés par cette tâche car tous ont une photo favorite de leurs vacances. Ils m’ont remis des
photos d’eux en train de naviguer, se promener, aller à vélo dans la montagne et lire sur les rives d’une lagune. Les
compositions remises sont très divertissantes étant donné qu’ils aiment raconter des histoires sur des lieux naturels
et expliquer pourquoi ils leur plaisent. En général ils décrivent les autres personnes sur les photos (grands-parents ou
parents). Certaines de ces compositions dépassent largement les 250 mots. C’est la partie du projet que les étudiants
préfèrent partager.
4.
Les gens recherchent fréquemment des lieux où ils se sentent à l’aise et en sécurité. Décris sous forme de
composition trois de tes souvenirs de la nature qui te permettent de te décrire toi-même et de décrire tes
sentiments dans ce contexte naturel. Détaille chaque souvenir. (10 points)
La clé est d’obtenir que les étudiants expliquent en détail au lieu de dire seulement comment ils se sentent. Par
exemple, ils ont l’habitude de dire que la nature « leur plaît » ou qu’elle leur paraît « géniale » ou « divertissante »
mais ils n’expliquent pas pourquoi.
Un étudiant de quatrième année peut s’exprimer assez bien, c’est pourquoi je demande qu’ils révisent leurs
compositions. C’est aussi une partie populaire du projet dans laquelle la majorité des étudiants incluent des photos,
des cartes ou un autre souvenir.
5.
Écris une composition d’au moins 250 mots qui décrit tes buts pour améliorer l’environnement. (Encore une
fois, tu peux utiliser ton jardin ou ta cour ou bien un lac ou un parc connu). Prends en compte les exemples
suivants : diminuer le bruit dans le voisinage, diminuer la dépendance à l’eau des jardins, ramasser les
déchets ou décontaminer une lagune d’un parc dans les environs. (20 points)
Dans ce cas, la tâche demande souvent que les étudiants parlent avec leurs parents et qu’ils les incitent à
s’intéresser au monde hors de la maison et de la classe. Au début, quelques étudiants ne veulent pas s’engager à
réaliser des tâches en dehors de l’horaire scolaire, c’est pourquoi je leur explique que ce sont des buts qui ne
demandent pas d’actions concrètes. Différents étudiants des classes plus avancées ont une opinion déjà arrêtée sur
ce qui devrait se faire pour améliorer l’environnement, tout comme les étudiants qui ont participé à des tâches
communautaires comme par exemple les scouts.
6.
Écris une composition d’au moins 250 mots sur ta plus grande préoccupation au sujet d’un problème
environnemental qui est en train de se produire dans ta maison, ton voisinage, un parc etc. (20 points)
Les parents ont l’habitude d’aider dans cette tâche même si plusieurs ont des idées personnelles. Dans plusieurs
villes et villages, la construction de maisons et de routes augmente sans cesse, occupant des champs et affectant
des étangs et des ruisseaux. Plusieurs étudiants connaissent le milieu qu’ils utilisent pour aller et venir de l’école ou
pour jouer à l’extérieur. Ils sont affectés lorsqu’ils voient que leur étang favori est maintenant fermé à la pêche parce
que l’eau est contaminée ou lorsqu’on leur conseille de ne pas jouer à l’extérieur à cause de la pollution de l’air.
L’invasion des escargots dans les bois voisins de l’école, par exemple, intéressa plusieurs de mes étudiants. C’est
une partie importante du projet qui conduit à la réflexion.
7.
Écris une composition d’au moins 250 mots sur les objectifs pour augmenter le niveau de participation sur
les questions environnementales qui se produisent chez toi, dans ton voisinage, etc. Peut-être voudras-tu
ramasser les déchets de la route qui conduit à ta maison ou tout simplement passer plus de temps à
l’extérieur. (20 points)
Cette tâche se distingue de la Nº 5 puisqu’elle propose des actions concrètes. J’explique aux parents que s’engager
dans des questions environnementales n’implique pas nécessairement perdre du temps ou de l’argent. Ramasser les
déchets de l’autoroute ou d’un ruisseau proche ne prend pas beaucoup de temps et ne coûte rien. Quelques
étudiants auront à certains moments des objectifs en commun et travailleront ensemble.
8.
Écris une composition d’au moins 250 mots qui décrit ta vision du panorama idéal pour le futur de ton
environnement. Ton environnement est le lieu où tu vis et interagis. (20 points)
Nous sommes arrivés à la partie finale du projet. Les étudiants ont déjà discuté longtemps sur leur environnement et
leurs communautés et nous devons maintenant commencer à penser à long terme. Que désirez-vous pour le futur de
votre communauté? Comment espérez-vous que soit votre entourage environnemental quand vous aurez l’âge de
vos parents? J’ai déjà invité une indienne américaine qui avait vécu dans la communauté durant plus de soixante-dix
ans. Les étudiants ont écouté attentivement pendant qu’elle contait comment la communauté avait changé avec le
temps. Elle a joué un rôle fondamental pour obtenir que les étudiants réfléchissent sur leur futur en relation avec leur
milieu.
9.
Crée quelque chose qui, avec le passage du temps, expliquera ta relation avec l’environnement. (20 points)
Je préfère laisser une fin ouverte à cette tâche parce que j’espère ainsi stimuler la pensée libre des étudiants. Ils ont
l’habitude d’investir beaucoup de temps et d’énergie dans cette partie du projet. Certains ont conçu des pages web,
des jeux de table, de courts métrages sur la communauté et les besoins de leur milieu et des guides graphiques. Un
étudiant a créé un terrarium avec une seule plante de bégonia, il l’a fermé hermétiquement et m’a demandé de la
laisser dans la bibliothèque du collège durant cinquante ans; un autre élève a filmé la croissance des plantes de son
jardin durant plusieurs semaines.
Pointage maximum : 175 points.