dis-moi comment tu pars… je te dirai qui tu es
Transcription
dis-moi comment tu pars… je te dirai qui tu es
Psycho À l’aventure, en éternelle baroudeuse L’hôtel-club à l’étranger, un plan inimaginable pour vous. Vous ne concevez de voyager qu’avec un sac sur le dos, en logeant chez l’habitant ou dans des petites pensions familiales, au contact direct de la population locale. C’est comme ça depuis que vous avez 20 ans et le temps ne change rien à l’affaire ! Ce que ça dit de vous Non seulement votre âge n’affaiblit en rien vos ardeurs de baroudeuse mais peut-être même qu’il les exacerbe. « Cela peut correspondre au moment où les enfants quittent la maison. On sent alors souffler sur sa vie un vent de liberté qui peut pousser à en rajouter dans le côté Indiana Jones ! Peut-être aussi est-on dans le désir plus ou moins conscient d’effectuer un retour à la case jeunesse en choisissant de voyager à la dure, en tournant délibérément le dos au confort », note Jean-Didier Urbain, sociologue (1). autant que Notre style, nos lectures et nos goûts musicaux, nos vacances révèlent notre personnalité. À l’aventure sac au dos, avec LA FIDèLE BANDE DE COPAINS, DANS LA famille OU LA sacro-sainte maison de campagne… quatre profils à la loupe. Par Isabelle Gravillon En bonne baroudeuse que vous êtes, le voyage rime pour vous avec une certaine simplicité, voire une forme d’ascétisme. Vous ne partez pas au loin pour vous empiffrer au buffet d’un hôtel à touristes ! « Vous êtes animée par un réel désir de découvertes, une appétence pour l’imprévu et les rencontres authentiques. Vous êtes profondément convaincue que la fonction d’un voyage est de vous mettre en contact avec la réalité de ce que vivent les gens sur place, vous voulez aller plus loin que les vitrines des touropérateurs », remarque Martine Teillac, psychanalyste (2). Sans doute aussi avez-vous appris à apprécier les vertus d’un voyage itinérant. « Avec ce genre d’escapade sac au dos, on est dans le registre du pèlerinage. Pas forcément au sens religieux ou spirituel, mais au sens du cheminement personnel, de la réflexion sur soi. En allant de village en village à pied, on prend le temps de penser, on fait des rencontres, on expérimente la solidarité de route, à nulle autre pareille. On est au cœur de l’humain », décrit Jean-Didier Urbain. Mais ne nous cachons pas derrière notre petit doigt et ne passons pas sous silence d’autres motivations, un peu ZIR / SIGNATURES dis-moi comment tu pars… je te dirai qui tu es moins élevées… « Ce type de voyage peut être aussi très narcissique. On cherche à susciter l’admiration autour de soi, à passer pour une originale qui sort des sentiers battus et ose tout », souligne Martine Teillac. Avouez, n’adorez-vous pas être celle qui a des choses à raconter dans les dîners ? mon père, ma mère, mes frères et mes sœurs… Même si vous n’y passez pas toute la durée de vos vacances, le séjour dans la maison de famille figure toujours au programme. Pas comme une obligation mais comme un vrai plaisir. L’occasion de retrouver vos frères et sœurs, vos parents, vos neveux et nièces, dans un lieu rempli des souvenirs de votre enfance. Ce que ça dit de vous Certains paieraient pour ne pas avoir à y mettre les pieds, fuyant à l’idée du pathos familial qui ne manquera pas de ressurgir. Vous, vous y allez de votre plein gré ! Sans doute y trouvez-vous votre compte… « Ce bain familial estival peut se révéler extrêmement rassurant. Cela permet de resserrer les liens qui se distendent au cours de l’année du fait de l’éloignement géographique des membres de la famille, de venir se réenraciner dans ce groupe auquel on appartient et qui peut nous apporter du soutien, nous entourer. On en a d’autant plus besoin que l’on traverse une période difficile : le départ des enfants, un divorce, le chômage, la maladie grave d’un ami, le décès du père, de la mère », explique Jean-Didier Urbain. Pour peu que cette maison soit dans la famille depuis longtemps et qu’on y ait passé des vacances étant enfant, on s’offrira un vrai bain de jouvence ! « Ce sera un temps régressif, on fera N o15 ✦ j u i l l e t - a o û t 2013 ✽ FemmeMajuscule 67 Psycho ZIR / SIGNATURES Mais parfois, le scénario n’est pas aussi idyllique qu’on voudrait bien s’en persuader et peut virer au syndrome Petits Mouchoirs, film dans lequel les certitudes d’une bande de copains volent en éclat lors de leurs vacances. « Parce que ces amis ont beaucoup compté pour nous, parce qu’avoir des amis est bien vu dans notre société, on peut se fourvoyer totalement. Et ne pas vouloir reconnaître qu’on a tous changé, évolué différemment au fil des ans, que les affinités n’existent plus vraiment. On s’accroche au fantasme d’une amitié collective qui n’est plus », note Jean-Didier Urbain. Tous les ingrédients sont alors réunis pour qu’émergent de petits règlements de comptes lamentables, souvent d’ailleurs autour de l’argent. Par exemple, les plus aisés payant pour les plus modestes avec ostentation, ces derniers vivant ces largesses un peu 68 FemmeMajuscule ✽ j u i l l e t - a o û t 2013 ✦ N o15 core et encore pour gratter ses plaies tout en espérant les cicatriser. Soit on est trop angoissé pour s’aventurer à l’extérieur, on ne se sent en sécurité qu’en son sein », analyse la psychanalyste. Loin de nous l’idée de vous conseiller de vous précipiter sur le divan mais tout de même, si vous vous reconnaissez, cela mérite peut-être que vous y réfléchissiez… avec ma bande, encore et toujours Chaque été, une semaine ou quinze jours sont réservés aux copains. Les mêmes depuis vingt ou trente ans, avec seulement quelques nouveaux conjoints au gré des divorces et des recompositions. Vous louez une grande bâtisse avec piscine dans un coin sympa, différent chaque année, et tout le monde s’y retrouve. Ce que ça dit de vous Fidélité en amitié, voilà bien une qualité que l’on peut vous reconnaître. « Avec les amis historiques, il existe toujours des liens très forts. Ils sont le fil d’Ariane de notre existence. Ils ont été les témoins des grands événements de notre vie, on a partagé avec eux le meilleur et le pire. En leur présence, on peut être authentique, tomber le masque : on n’a rien à leur prouver, ils nous connaissent trop bien », constate Martine Teillac. Ne plus avoir un rôle à tenir, idéal pour se reposer vraiment ! Patrick Tourneboeuf / TENDANCE FLOUE revivre le passé en évoquant des s ouvenirs et en les racontant aux plus jeunes. La maison de famille est un lieu qui incite à la transmission de la mémoire familiale, qui vient nous rappeler à cette responsabilité », note Martine Teillac. Rien de plus valorisant que de se sentir un maillon important dans une chaîne générationnelle ! Alors vive les vacances dans la maison de famille… à condition toutefois qu’elles ne soient pas le seul projet de votre été. « Si l’on se révèle incapable de partir ailleurs, il y a sans doute un petit souci. Soit on entretient avec sa famille une relation totalement névrotique : on n’a pas réglé les frustrations et souffrances de l’enfance et l’on y revient en- trop démonstratives comme des insultes, des blessures. Et puis vous avez aussi le droit de vous sentir un peu à l’étroit au sein de ce rituel amical immuable. Un été de temps en temps, vous êtes autorisée à ne pas y sacrifier ! « Ce ne sera pas une trahison mais tout simplement un arbitrage, à expliquer aux autres : cette année, j’ai envie de visiter tel pays, je dois aussi voir mes enfants, mes parents, mon temps de vacances n’étant pas extensible, je ne pourrai pas venir vous retrouver », suggère Martine Teillac. Personne n’en mourra et vous, vous soufflerez. bien à l’abri dans mon cocon douillet Vous avez mis des années à retaper cette vieille ferme avec votre homme. Alors maintenant qu’elle est terminée et à l’image du cocon douillet dont vous aviez rêvé, vous y passez le plus de temps possible. En l’occurrence, toutes vos vacances. Pas question ne serait-ce que d’imaginer une autre destination ! Ce que ça dit de vous Pour vous, cette résidence n’a absolument rien de secondaire. Elle est au contraire essentielle dans votre vie ! « Elle est porteuse d’une très forte valeur symbolique. Elle représente bien plus que quatre murs et un toit : elle est censée incarner la réussite de votre couple, de votre famille. Vous avez tellement investi affectivement cette maison qu’elle en est presque devenue une personne », observe Martine Teillac. Du coup, vous auriez l’impression de la trahir, de renier tous les efforts que vous avez faits pour elle, tous les investissements financiers consentis si vous ne l’honoriez pas de votre présence à toutes les vacances. Dommage de vous laisser enfermer dans une telle prison… si dorée soitelle ! « C’est aussi une question d’époque. Du fait de la crise, il existe chez beaucoup une vraie psychose du dehors. La résidence secondaire représente ce bonheur de l’entre-soi. On est tranquille dans sa petite maison cosy à l’abri du monde », remarque Jean-Didier Urbain. Mais se retrouver chaque année au même endroit, où l’on va croiser les mêmes personnes, contempler les mêmes paysages, faire ses courses chez les mêmes commerçants, c’est vraiment ça, les vacances ? « Pour des personnes un peu obsessionnelles qui ont besoin de repères intangibles, peut-être. Ou alors si vous êtes vraiment épuisée et avez besoin de repos avant tout. Sinon, cela risque d’être un peu sclérosant et frustrant », estime la psychanalyste. Vous rêvez d’horizons plus vastes, vous n’en pouvez plus des apéros avec les voisins sur la terrasse de votre maison de campagne ? Osez dire stop à votre conjoint ! Qui sait, peut-être est-il exactement dans le même état d’esprit que vous sans trouver le courage de bousculer votre mythe commun… ✦ 1. Auteur de L’Envie du monde, éd. Bréal, et des Paradis verts, éd. Payot. 2. Auteur de Vaincre sa culpabilité, éd. du Toucan.