Le clip de la chanson Carmen (2015)

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Le clip de la chanson Carmen (2015)
Fiche HIDA
Le clip de la chanson Carmen (2015)
I - Présentation des artistes
Le clip de la chanson « Carmen » a été réalisé en 2015 par un artiste français :
Sylvain Chomet qui est connu pour avoir réalisé des films d'animation comme Les Triplettes
de Belleville.
Le clip illustre parfaitement la chanson écrite et interprétée par Stromae, le célèbre
chanteur de hip hop belge. La musique reprend le plus célèbre thème de l'opéra Carmen
(1875) de Georges Bizet (célèbre compositeur français du 19ème siècle). Cet opéra est luimême inspiré d'une nouvelle d'un auteur romantique français du même siècle : Prosper
Mérimée.
Stromae est un jeune artiste qui est à la fois auteur, compositeur et interpréte. Il est né
en 1985 en Belgique. Il est devenu célèbre avec la chanson « Alors on danse » puis avec
plusieurs singles extraits de son album « Racine carrée » qui s'est vendu à plus de 3 millions
d'exemplaires : Papaoutai, Formidable, Tous les mêmes...
Sylvain Chomet est un dessinateur et scénariste de bandes dessinées et aussi un
réalisateur de films d'animation français. Il est né en 1963 dans les Yvelines en France. Ses
plus célèbres œuvres sont : Les Triplettes de Belleville ou encore L'illusionniste (2010),
d'après un scénario inédit de Jacques Tati, le célèbre réalisateur français de films
burlesques.
Le rappeur Orelsan (qui est né à Alençon en 1982) a également participé à l'écriture
de ce clip et à la composition de la musique de la chanson.
II – Présentation et description de l’œuvre
Le clip de Carmen est sorti en mars 2015. C'est un clip sous forme de dessins
animés. Il dure environ 4 minutes. Au début on voit Stromae petit, avec son portable et qui
est sur Twitter. Les années passent et il y est encore. Il prend sa nourriture en photo, ou se
prend lui-même à son anniversaire (même s'il est seul !) ou encore au cinéma... et il poste
tout sur Twitter.
Avec lui il y a l'oiseau de Twitter qui grossit petit à petit et prend de plus en plus de
place au fur et à mesure que Stromae grandit. L'oiseau finit par devenir si gros qu'il porte
Stromae sur son dos comme d'autres célébrités : Justin Bieber, Lady Gaga, Beyonce,
Barack Obama ou encore la reine d'Angleterre... ce qui peut signifier que Twitter prend le
contrôle de toutes ces personnes et que cela est tragique puisqu'il les emmène vers un
gouffre qu'elles ne semblaient pas avoir vu venir.
En bas de cette falaise se trouve un autre oiseau de Twitter devenu immense et
monstrueux avec un bec denté et sanglant qui gobe ses proies pour les expulser aussitôt
après les avoir digérées.
Stromae subit donc ce sort dans une scène apocalyptique et se retrouve dans un tas
d'immondices, trouvant encore des forces pour prendre des photos avec son smartphone.
On suit ensuite l'un des oiseaux bleus après qu'il a lâché sa proie. Le ciel s'éclaircit et
il redevient un petit oiseau adorable qui vient se poser à la fenêtre d'une petite fille seule
dans sa chambre avec son smartphone, rappelant l'image du début du clip où l'on voyait
Stromae enfant également seul dans sa chambre. La boucle est bouclée et l'histoire semble
destinée à se répéter éternellement.
III – Interprétation
L'artiste veut sans doute nous faire comprendre en nous montrant l'oiseau bleu
représentant Twitter suivre Stromae partout et grossir au fur et à mesure qu'il acquiert de
nouveaux followers que l'on devient vite accros aux réseaux sociaux au point d'en oublier les
gens qui nous entourent. Et que cela mène l'humanité à la catastrophe.
Malgré les avertissements de ses proches (« prends garde à toi ! ») et l'impression
qu'il a de tout contrôler quand il dit à sa petite amie « Cet oiseau de malheur je l'mets en
cage, je l'fais chanter moi », Stromae n'échappe pas au destin commun et se retrouve
dépossédé de sa liberté de penser et d'agir. Il devient comme les autres un automate qui suit
le troupeau au destin funeste.
Ce clip est très pessimiste car il semble suggérer que c'est un cycle infernal auquel
personne ne peut échapper. Certaines images sont effrayantes et ne sont pas sans rappeler
les prédictions apocalyptiques de la Bible sauf qu'ici le Léviathan est un avatar monstrueux
du logo en apparence si inoffensif de Twitter.
L'idée géniale de ce clip est d'avoir représenté notre dépendance aux réseaux
sociaux avec l'allégorie ironique de l'oiseau qui grossit toujours plus et envahit les aspects
les plus privés de notre existence au point de prendre le contrôle de nos vies.
Les images grises et pluvieuses sont là pour nous montrer l'envers de la publicité tout
comme la métamorphose de l'oiseau bleu en monstre glouton. Cela doit nous conduire à
réfléchir sur nos désirs et nos comportements dans nos sociétés capitalistes. La montagne
d'immondices dans laquelle tombe Stromae après avoir été digéré par le monstre Twitter
peut évoquer le gaspillage et la pollution qu'engendrent nos comportements consuméristes
ou alors de manière métaphorique le manque d'amour et de générosité dans nos sociétés
où l'individualisme est favorisé par les progrès techniques au détriment de la solidarité.
IV – Comparaison avec d'autres œuvres.
On peut comparer cette chanson et ce clip au roman Tout doit disparaître (publié en
2007) de Mikaël Ollivier car lui aussi dénonce dans son roman la société de consommation,
notre besoin compulsif d'acheter sous pretexte que l'on manque toujours de quelque chose.
Mais à la différence de ce clip, il propose une issue moins pessimiste puisque le héros
du roman, Hugo, finit par tomber amoureux d'une jeune militante anti-pub qui l'initie à la
désobéissance civile en menant des actions contre les publicités.
Le ton du roman est également moins ironique même s'il y a aussi un peu d'humour
(par exemple avec le cadeau des chaussures Blackspot). L'ironie de la chanson se
manifeste aussi par la reprise parodique du fameux air de l'opéra de Bizet « L'amour est
enfant de bohème... » sur une musique électronique surprenante et décalée, une façon
amusante de nous faire comprendre que les relations amoureuses ne sont plus les mêmes
depuis l'apparition de la société de consommation (les sentiments passants après le confort
matériel), ce que Boris Vian avait déjà dénoncé sur le même ton ironique avec sa
Complainte du progrès en 1955. Quant à la boîte à rythme, elle évoque les roulements de
tambour de la musique militaire, ce qui peut aussi être une manière ironique de suggérer
que nous marchons au pas comme des petits soldats tous semblables, dans la même
direction...
Autres ouvertures possibles :
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La Complainte du progrès (1955) de Boris Vian (1920-1959)
Supermarket Lady (1969) de Duane Hanson
Summertime (2011) de Mattew Gordon / Colorama de Kodak (le rêve américain)
Mad men série américaine de Mathew Weiner de 92 épisodes, commencée en 2007. Cette
série décrit le monde de la publicité dans les années 60 aux USA.
J'accuse (2010), chanson de Damien Saez
Foule sentimentale (1993) d'Alain Souchon
L'homme pressé (1998) de Noir désir
99F (2000) roman de Frédéric Beigbeder qui dénonce les dérapages cyniques du monde de
la publicité. Ce roman a été adapté au cinéma avec Jean Dujardin dans le rôle principal (un
film de Jan Kounen sorti en 2007).
Her (2013) film de SF de Spike Jonze

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