Chapitre 4. Fondements économiques de la demande d`assurance

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Chapitre 4. Fondements économiques de la demande d`assurance
L3 MASS, économie de l'incertain
Chapitre 4. Fondements économiques
de la demande d'assurance
Laurent Denant Boemont
octobre 2008
Chapitre 4. Fondements économiques de la demande d'assurance
2
J. Hamburg (2005) Along came Polly
1 Introduction
situation dans laquelle un individu est exposé à un risque. Est-il disposé à payer pour
se protéger de ce risque ?
D'après les chapitres précédents (EU) un individu sera prêt à payer s'il est averse
au risque dans la mesure où sa prime de risque est positive,
la question est : comment la nature de l'assurance est-elle affectée par le type de
l'individu (ie son attitude vis à vis du risque) ?
cette demande existe, pour preuve l'existence d'un système d'assurance privée
parallélement à un système d'assurance sociale dans la plupart des économies
développées
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par ailleurs, ce chapitre ne traite pas des problèmes d'asymétrie informationnelle...(hypoth
implicite de symétrie informationnelle entre assureur et assuré)
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2 Le modèle de base : le choix du niveau
d'assurance optimale
Le modèle de base décrit les fondamentaux concernant l'arbitrage de l'agent entre
couverture du risque compte tenu des probabilités de dommage et le paiement d'une
police d'assurance.
2.1 Hypothèses
soit un individu dont la richesse initiale est w0.Il possède un bien dont la valeur par
hypothèse est inférieure à w0.:(une maison par exemple),
posons que le dommage au bien (par exemple une inondation) cause une perte de
valeur égale à x
L'agent est donc face à une loterie caractérisée l par :
l = (w0; 1
Où p est la probabilité du dommage.
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p; w0
x; p)
(1)
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Soit alors une police d'assurance caractérisée par un niveau de prime d'assurance
et par le niveau de l'indemnité I en cas d'occurence du dommage.
De manière générale, on peut supposer que la détermination de la prime d'assurance
par la compagnie d'assurance obéit à la rêgle suivante :
= bpI + a
(2)
Le paramètre b
1 peut s'assimiler à un facteur de charge (un coût variable unitaire
proportionnel à l'importance de l'indemnité), et le paramètre a 0 représente un coût
xe. Pour simpli er, on pourra supposer ce paramètre égal à 0.
Par dé nition, on dira qu'une police d'assurance est "équitable" (traduction de fair en
anglais) si :
= pI
(3)
Basiquement, une police d'assurance est simplement un transfert de revenu du bon
état de la Nature (pas d'inondation) vers le mauvais état de la Nature (inondation).
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2.2 Modèle d'optimisation de la demande individuelle
d'assurance
2.2.1 Déterminants de l'arbitrage individuel
l'agent doit arbitrer entre une situation dans laquelle il n'a pas de police d'assurance et
une situation dans laquelle il accepte une police d'assurance caractérisée par ( ; I).
Concernant la situation dans laquelle il accepte la police d'assurance, on peut déterminer les coûts qu'il subit et les avantages qu'il obtient en contrepartie :
Si le dommage ne survient pas, il subit un coût de et n'obtient pas d'avantage,
si le dommage survient, il subit un coût de
avantage net de (I
).
et obtient un avantage de I , soit un
Pour l'assureur, coûts et avantages sont parfaitement symétriques, i.e. :
si le dommage ne survient pas, il obtient un avantage de et ne subit pas de coût
lié à la survenue du dommage,
si le dommage survient, il subit un coût de I et obtient un avantage de
avantage net (
I).
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, soit un
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Par la suite, nous supposerons que l'agent est averse au risque, ie que sa fonction
d'utilité est concave.
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2.2.2 Détermination de la demande optimale d'assurance
L'individu doit choisir entre deux loteries, la loterie l caractérisée précedemment et la
loterie l0 qui s'écrit :
l0 = (w0
;1
p; w0
x+I
(4)
; p)
Le programme d'optimisation de l'agent s'écrit au regard des variables qu'il cherche à
maximiser / minimiser soit respectivement I et sous contrainte de l'équation qui xe
la prime d'assurance par l'assureur:
M ax [(1
I;
p) u (w0
s:c:
) + pu (w0
x+I
)]
(5)
= bpI + a
Il est possible d'intégrer la contrainte dans la fonction objectif, et, si on suppose par
ailleurs que a = 0, le programme s'écrit alors :
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M ax [(1
I
p) u (w0
9
pbI) + pu (w0
x+I
pbI)]
(6)
x + (1
pb) I)]
(7)
Ce qui est équivalent à :
M ax [(1
I
p) u (w0
pbI) + pu (w0
Pour déterminer les solutions, on écrit les conditions de 1er et de 2d ordre soit :
la dérivée première de la fonction objectif s'écrit (en se souvenant que (f
f 0 g g 0 ))
(1
p) u0 (w0
pbI) ( pb) + pu0 (w0
g)0 =
x + (1
pb) I) (1
pb))
(8)
x + (1
pb) I) (1
pb)2
(9)
la dérivée seconde de la fonction objectif s'écrit
(1
00
p) u (w0
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00
pbI) ( pb)2 + pu (w0
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Cette expression est négative, car si l'agent est averse au risque, la dérivée seconde
de la fonction d'utilité est négative (voir chap. 2) ce que l'on peut aisément véri er :
00
00
(1 p)u (w0 pbI)( pb)2 + |{z}
p u (w0
|
| {z }|
{z
}| {z }
+
+
+
x + (1
{z
pb) I)(1 pb)2< 0
}| {z }
+
Donc c'est bien un maximum que l'on aura en déterminant la condition de 1er ordre.
La valeur optimale de I pour l'assuré est déterminée par :
(1
p) u0 (w0
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pbI) ( pb) + pu0 (w0
x + (1
pb) I) (1
pb)) = 0
(10)
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2.2.3 Assurance équitable
Supposons dans un 1er temps que b = 1 et que a = 0, càd que la police d'assurance
soit juste (ie que la prime soit juste égale à la valeur espérée de l'indemnité pour
l'assureur, sans pro t pour lui). Dans ce cas, l'assureur ne peut faire de pro t sur
le long terme. Cela implique que, si on veut un système d'assurance parfaitement
équitable dans une société, les pouvoirs publics doivent alors subventionner les entreprises d'assurance ou assurer eux même les dommages.
Theorem 1 Si l'assurance juste est possible pour l'agent (ie a=0 et b=1), alors chaque
agent averse au risque s'assurera en totalité, ie demandera une police tq I = x.
Preuve. Si b = 1, alors on peut écrire la condition de 1er ordre comme
(1
p) u0 (w0
pI) ( p) + pu0 (w0
cette expression est équivalente à
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x + (1
p) I) (1
p)) = 0
(11)
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u0 (w0 x + (1 p) I)
=
u0 (w0 pI)
(1
(1
12
u0 (w0 x + (1 p) I) (1
p) p
,
=
(1
p) p
u0 (w0 pI)
p) p
=1
p) p
(12)
Pour avoir un ratio égal à 1 pour le terme de gauche, il faut nécessairement que
la valeur de l'argument de la fonction u0 (:) au numérateur soit égal à la valeur de
l'argument de u0 (:) au dénominateur soit
w0
x + (1
p) I = w0
pI () I = x
(13)
Ce qui signi e que l'indemnité optimale demandée par l'agent est égale à la valeur du
dommage potentiel.
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2.2.4 Assurance inéquitable
Dans cette situation, la valeur du paramètre b est supérieure à 1, ce qui permet aux
entreprises d'assurance d'accumuler du pro t dans le temps. La conséquence négative va être que l'agent ne va pas s'assurer en totalité, même si on suppose que l'agent
est averse au risque.
Cette situation correspond beaucoup plus à la réalité, dans la mesure où on constate
empiriquement que le marché de l'assurance tel qu'il est organisé n'implique pas un
choix de couverture totale pour les individus. Par exemple, dans le cas de l'assurance
auto, la plupart des compagnies n'assure les dommages qu'à concurrence d'une valeur
f . En dessous de cette valeur f , les dommages sont à la charge de l'assuré, au-delà
de cette valeur f , ils sont à la charge de l'assureur.Cette valeur représente la franchise
qui est déterminée dans les contrats d'assurance.
Theorem 2 Si les assurances disponibles sont telles que a = 0 et b > 1, alors chaque
individu averse au risque décidera d'acquérir un contrat d'assurance tel que I < x.
Pour mettre en évidence ce résultat, il suf t de reprendre la condition de 1er ordre
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donnée par l'équation déterminée précédemment :
(1
p) u0 (w0
pbI) ( pb) + pu0 (w0
x + (1
pb) I) (1
pb)) = 0
(14)
si on divise cette expression par p, on obtient :
b (1
p) u0 (w0
pbI) + (1
() (1
pb) u0(w0
x + (1
Comme on a nécessairement (1
1 bp)
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pb) u0w0
pb) I)
pb) < b (1
b > 1 () b (1
b (1
x + (1
pb) I) = 0
p) u0 (w0
pbI) = 0
p) puisque b > 1 (b (1
p) > 1
pb
p) = b
(15)
(16)
bp >
(17)
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Dès lors, pour satisfaire la condition de 1er ordre, on doit nécessairement avoir :
u0(w0
x + (1
pb) I) > u0 (w0
pbI)
(18)
Comme on suppose que l'agent est averse au risque, la fonction u(:) est concave, ce
qui signi e que la valeur de la pentedans le terme de gauche est forçément supérieure
à la valeur de la pente dans le terme de droite. Ceci implique nécessairement que
(w0
x + (1
pb) I) < (w0
pbI) () I < x
(19)
CQFD.
Dans un système d'assurance inéquitable, la demande optimale d'un agent averse au
risque correspond à une couverture incomplète. Il est possible de démontrer que ce
caractère incomplet de la couverture s'accroit avec le niveau de richesse initiale si
on suppose que l'aversion absolue au risque de l'individu décroit avec le revenu (Hill,
2005).
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