Marques corporelles, tatouages et solutions subjectives à l

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Marques corporelles, tatouages et solutions subjectives à l
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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 62 (2014) 168–176
Article original
Marques corporelles, tatouages et solutions subjectives à l’adolescence
Body marks, tattoos and subjective solutions in adolescence
J.-L. Gaspard a,∗ , R. Hamon a , N. Da Silva Junior b , C. Doucet a
a
EA 4050, université Rennes 2, place Recteur-le-Moal, 35043 Rennes cedex, France
b Université de São Paulo, São Paulo, Brésil
Résumé
Introduction. – Les pratiques de marquage corporel sont aujourd’hui un phénomène courant dans toutes les strates de la société et à tous les âges.
Les motivations sont généralement associées à une démarche esthétique, une quête identitaire ou un intérêt pour les arts corporels. Ces références
sont cependant insuffisantes pour comprendre, dans le champ de la psychopathologie, la « face cachée » de ces pratiques de corps. En effet, nombre
de jeunes sont dans une recherche compulsive d’expériences de douleur faiblement fantasmées. Quand l’image joue aussi un rôle essentiel dans
les processus contemporains de subjectivation comme pour permettre une inscription dans le lien social.
Méthode. – Cet article rend compte des premiers résultats d’une recherche internationale sur les tatouages et scarifications dans la modernité. Il
offre une nouvelle appréhension des fonctions singulières que la marque corporelle peut remplir dans l’économie psychique chez une population
d’adolescents et de jeunes adultes participant à des conventions d’arts corporels ou rencontrés dans des centres de soins. Dans une orientation
psychodynamique, a été étudié l’impact de ces modes de pratiques de corps sur la subjectivité en référence aux différentes structures de personnalité
(notamment la symptomatologie limite du sujet). Dans un contexte où la passation de tests n’était pas possible, nous avons choisi d’étudier la
« position subjective » (en relation avec le corps, en rapport avec le roman familial, la sexualité, la loi et enfin la société de consommation). Trois
modes de recueil de données ont été choisis pour correspondre à des objectifs spécifiques : questionnaire (quantitatif), entretien semi-directif de
recherche (qualitatif), recherche extensive à partir du questionnaire en ligne (français, espagnol, portugais) et de blogs sur Internet.
Résultats. – Combinant une importante revue de littérature et trois présentations de cas, l’article montre comment cet usage du corps peut être le
support d’un important « travail sur soi » et, pour certains adolescents ou jeunes adultes, relever d’une solution subjective. La marque corporelle
ne peut être réduite à une fonction de représentation ou de distinction, mais peut aussi participer à l’intégration d’éléments conflictuels, restaurer
une homéostasie psychique et ouvrir la possibilité d’élaborations secondaires.
Discussions. – Cet article réfute toute analyse négative et déficitaire de ces pratiques de corps. Dans le cadre de la psychose comme d’un
fonctionnement limite, ce recours peut aboutir à un réaménagement subjectif profond et à un changement de la perception du corps propre,
notamment quand le corps devient le marqueur de la limite (sujet/social). C’est pourquoi, de nos jours, nombre de jeunes investissent les différentes
formes de marquage du corps, transformant ce dernier en une surface privilégiée pour supporter les insignes du sujet. Dans cette veine, cette
contribution est un complément essentiel aux approches psychologiques et sociologiques actuelles.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Adolescence ; Marque ; Narcissisme ; Scarification ; Solution subjective ; Tatouage
Abstract
Background. – The practices of body marking are today a current phenomenon found in all social strata, with broad inclusion in all age groups.
Motivations are usually associated with an aesthetic approach, a search for identity or an interest in body art. In the field of psychopathology,
these references, however, are insufficient to understand the “hidden face” of these body experiments. Indeed, many young people are looking for
compulsive and low fantasized experiences of pain. When the image also plays a key role in contemporary processes of subjectivation as to allow
a positive inclusion in the social link.
∗
Auteur correspondant.
Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (J.-L. Gaspard), [email protected] (R. Hamon), [email protected]
(N. Da Silva Junior), [email protected] (C. Doucet).
0222-9617/$ – see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.01.016
J.-L. Gaspard et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 62 (2014) 168–176
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Methods. – This article gives an account of the first results of an international research about the tattoos and scarifications in modernity. It allows a
new apprehension of the singular functions that the body mark fulfils in the psychic economy for a population of adolescents and young adults who
attend conventions and places of body art or also met in care centers. In a psychodynamic orientation, the impact of these modes of body practices
on subjectivity is studied with reference to different structures of personality (including borderline personality disorder). In a context where using
scales or tests were not possible, we chose to study the “subjective position” (relation with the body, the family system, the sexuality, the law and
finally with the consumer society). Three methods of data collection were chosen to correspond to specific objectives: questionnaire (quantitative
analysis), research interview (qualitative analysis), extensive research from an online questionnaire (French, Spanish, Portuguese) and blogs on
the Internet.
Results. – In three presentations of cases, this article shows how the uses of body can be the support of a deep “work on oneself” and lead to a
subjective solution for some teenagers or young grown ups. Marking the body cannot be reduced to the function of representation or distinction
but can also help to integrate some conflicting elements, to restore a psychic homeostasis and to open the possibility of secondary elaborations. It
may well have the function to crystallize and register an event or a turning point in personal life.
Discussions. – This article refutes negative and pathological studies of these body experiments. Above all, the specific use of the body may, in
certain circumstances, allow a change of the “subjective position” (relation with the body, the pain, the family system, the sexuality, the law and
finally with the consumer society). As part of psychosis or borderline personality disorder, the experience can lead to a deep psychic redevelopment
and change bodily perceptions, especially when the body is paradoxically useful for personal limit (subject/social). That is why, nowadays, many
young people invest different forms of marking the body, transforming this one into a privileged surface for insignia of the self. Therefore, this
contribution is an essential complement to the present psychological and sociological approaches.
© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Mark; Tattoo; Subjective solution; Narcissism; Scarification; Adolescence
1. Introduction
Les marques corporelles recouvrent un champ très étendu
allant du tatouage, des scarifications1 et autres techniques
d’entames de la peau2 aux piercings, stretchings3 et implants
sous-cutanés4 . Historiquement, ces pratiques très diverses ont
fait l’objet d’importants travaux en ethnologie [1,2], en anthropologie [3–6] et en sociologie [7,8]. De nos jours, leur développement [9–12] implique une nouvelle clinique du corps. En effet,
un ensemble si diversifié et varié de marquage corporel ne peut
plus se réduire aux seules pratiques culturelles historiquement
codées permettant d’inscrire le corps individuel dans le corps
social (rite d’initiation), ou encore être ravalé à un simple phénomène esthétique ou effet de « mode » (néo-communauté des
« percés », des « tatoués ») [13]. En augmentation au plan épidémiologique, variées au niveau phénoménologique, les marques
corporelles interrogent sur ce qu’il en est au plan individuel de
leur(s) fonction(s) psychique(s), mais aussi, du fait de leur collectivisation, du rapport du sujet aux discours actuels dominants.
Dans le contexte socio-économique déterminé par la culture
post-industrielle, s imposent en effet, d une part, le rôle de
l image dans les modes contemporains de subjectivation [14] et,
d’autre part, un nouveau rôle dévolu au surmoi, venant légitimer
des expériences de douleur qui réduisent ainsi l importance du
masochisme moral [15]. L’une des conséquences de ce tournant
1 Cicatrices ouvragées pour dessiner un signe en creux ou en relief sur la peau
avec un éventuel ajout d’encre.
2 Y figurent le peeling (qui consiste à enlever des surfaces de peau), le cutting
(inscription de figures géométriques ou de dessins à l’encre sur la peau sous
formes de cicatrices ouvragées grâce à des instruments tranchants), le branding
(cicatrice en relief dessinée sur la peau par l’application au fer rouge ou au laser
d’un motif), le burning (impression sur la peau d’une brûlure délibérée rehaussée
d’encre ou de pigment).
3 Élargissement du piercing pour y mettre une pièce plus volumineuse.
4 Incrustation de formes en relief sous la peau.
dans notre modernité est cette quête compensatoire des individus au travers notamment de comportements compulsifs ou
d’expériences à forte intensité sensorielle, mais peu fantasmées
[16]. D’où un intérêt marqué dans le champ de la psychopathologie pour l’étude des atteintes corporelles auto-infligées.
Ces manifestations apparaissent selon les auteurs sous différents
qualificatifs : automutilation [17], comportement auto-offensif
ou auto-induit, auto-agression ou blessure corporelle [18]. Elles
doivent être distinguées des pathologies factices [19–23], particulièrement des pathomimies cutanées provoquées par le patient
lui-même, mais dont il tente de dissimuler qu’il en est l’agent.
Cependant, en privilégiant les modes automutilatoires, la littérature psychopathologique sur le marquage corporel s’inscrit
classiquement dans une approche quelque peu « déficitaire » au
plan individuel. Sous cet angle, le marquage corporel n’est rien
de moins qu’un mode de réponse régressif face à un vécu de
discontinuité (carences et ruptures affectives précoces). Et les
auteurs de mettre en exergue la défaillance du processus de pensée, la carence d’élaboration psychique, la fragilité des assises
narcissiques, l’indifférenciation psychique soi/objet, la faillite
du passage au fantasme, l’impossibilité de perdre l’objet.
Au niveau collectif, alors que la sociologie contemporaine
souligne l’importance événementielle des marques corporelles,
parlant de « rite de passage auto-imposé » ou « d’actes de passage » [24], une majorité de cliniciens les reconnaissent plutôt
comme des tentatives de symbolisation ratées. Certes, par le
développement et la banalisation des marques corporelles, l’on
assiste à une inversion historique du montage et de l’usage sociopolitique du corps. Délaissant ce qui avait valeur d’introduction
dans le collectif (rite de passage) et de soumission au commun,
le phénomène actuel conduit toutes générations, conditions
sociales et sexes confondus, dans une individualisation toujours
plus poussée entre quête identitaire et expériences cathartiques.
À l’adolescence, le marquage corporel permet ainsi une prise
d’autonomie, une distanciation par rapport aux parents [25]. Certaines marques s’inscrivent dans la dissidence ou l’opposition
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aux codes, aux valeurs sociales et aux critères hygiénistes de
prévention. Sous des formules très diverses (dénonciation,
protestation, objection, refus, assimilation), les pratiques de
marquage corporel sont autant de prises de position du sujet
envisagées soit dans une logique d’« exclusion et affiliation » au
lien social [26], soit comme des expressions « symptomatiques »
(nouveaux symptômes) en lien avec le discours contemporain
[27–29]. Pour autant cette situation place désormais nombre
de professionnels de la santé et de cliniciens devant une
certaine difficulté : celle de séparer ce qui relève d’un procès
de subjectivation « normatif » ou d’une situation d’impasse
psychique. C’est pour tenter de répondre à cette aporie qu’une
recherche internationale franco-brésilienne a été lancée5 auprès
d’une population d’adolescents et de jeunes adultes. Il s’agissait
d’étudier dans une orientation psychodynamique l’impact de
ces modes de traitement du corps sur la subjectivité en référence
à une clinique différentielle des structurations psychiques
(notamment la symptomatologie limite du sujet). Dans un
contexte de recherche très original où il s’avérait par trop délicat de pouvoir évaluer (à l’aide d’échelles ou de tests projectifs),
la structure de personnalité des jeunes rencontrés, nous avons
choisi de prendre appui sur la notion de « position subjective »
déclinée dans l’analyse de contenu en six axes : rapport au corps,
à la douleur, au roman familial, au sexe, à la loi et enfin aux
logiques contemporaines du marché et de la consommation).
2. Marques corporelles et psychopathologie : revue de
littérature
Les pratiques de marquage corporel ont toujours contribué à
placer le corps au devant de la scène [30,31]. Historiquement,
une somme de travaux en psychopathologie et en psychiatrie a
privilégié l’étude de l’automutilation pour en mettre en lumière
les ressorts psychiques [32], contextuels et inconscients [33]. Ce
type d’atteinte corporelle comporte indiscutablement une référence à l’altérité [34,35] et nombre d’auteurs lui confèrent un
statut nosographique au sein de la clinique de l’acte [17,36].
Dans la logique de l’acting out, l’acte automutilatoire est ainsi
sous-tendu par la volonté de mettre en évidence la souffrance
[37], d’infléchir ou d’entamer l’autre (partenaire, parent, professionnel, etc.), en vérifiant que le geste a un pouvoir d’alarme et
d’affliction. L’automutilation s’inscrit ici dans un contexte relationnel et revêt un autre sens dès lors que quelqu’un s’en affecte
ou y répond. Dans d’autres circonstances, rejetant tout appel à
autrui, le passage à l’acte est corrélé à une situation ou un sentiment de « laisser tomber ». C’est le cas de mutilations commises
sous le commandement d’hallucinations ou pour obtenir un
soulagement de l’angoisse [38]. Cependant, loin d’être un
« comportement parasuicidaire », l’automutilation n’exclut pas
tout risque éventuel de passage à l’acte [39]. Cette idée de
défense [40] est partagée par de nombreux auteurs. Elle suggère
5 Recherche internationale France-Brésil CAPES/COFECUB - N◦ Sh 609/08
(2008-2012) : étude comparative internationale des marques corporelles autoinfligées au regard du lien social contemporain. Fonctions des tatouages et
scarifications dans l’économie psychique : genèse, rapport au corps, solution
subjective [83,84].
– du fait de la défaillance de l’opération de séparation – la mise en
rapport du geste automutilatoire avec la fonction de la coupure,
de la marque (dans son caractère de bord). À l’extrême, le sujet
vient témoigner de la chosification du corps, qu’il s’agisse de le
maîtriser en absolu, de le réduire à l’état de cadavre, de le modifier pour l’inscrire dans une démarche de régénération délirante.
Expression de la destructivité et de la destruction, ces
conduites d’ « auto-offense » ou d’automutilation font parfois
suite à des conduites similaires dans l’enfance, qui s’aggravent
à l’adolescence [41,42]. Décrites comme des actes de rupture, « elles substituent l’acte à la parole ; elles sont impulsives
et violentes (raptus, crise) ; elles transgressent les limites (en
l’occurrence la peau) ; elles visent un apaisement immédiat et
correspondent à une recherche de contrôle » [46,p. 65]. Les
scarifications entrent dans un tel cadre où il s’agit soit de trouver un exutoire corporel à la douleur psychique, soit de faire
« consister » un corps vécu comme morcelé. Le recours aux
scarifications dans ses versions psychopathologiques renvoie
généralement à la clinique du réel et du trauma. La littérature,
s’intéressant plus particulièrement aux adolescents et jeunes
adultes6 , souligne l’association entre ces marques corporelles et
les conduites à risques [44–47], les troubles alimentaires [48],
les addictions [49], la violence [50], notamment dans le cadre
du trouble limite de la personnalité [51]. À l’adolescence, le
corps est non seulement le lieu du conflit interne, mais aussi le
support ou le témoin du conflit [52]. Le sentiment d’étrangeté
associé à la puberté comme la perte de repères et de limites qui
en découle conduisent l’adolescent à traiter son corps comme
un objet externe à sa vie psychique. Le corps peut alors être,
économiquement, le dépositaire de la haine, de l’agressivité, du
désir, c’est-à-dire de tous les affects menaçants pour son propre
psychisme, aussi bien que du mauvais, du sale, du laid, ce qui
peut protéger l’innocence de son monde interne [53,54]. Les
conduites impulsives (se couper, se brûler, se cogner. . .) surviennent généralement au cours d’épisodes émotionnels forts et
dans un contexte de perturbations graves de l’image de soi et/ou
de l’image de l’objet [55].
Comme pour nombre de conduites à risques, le recours aux
différentes formes de marquage corporel s’apparente alors à une
tentative auto-thérapeutique de première ligne. Il vise à courtcircuiter l’élaboration psychique de la tension interne dans une
esquive économique de la mentalisation [56]. Ce repli libidinal défensif touche au corps propre pour faire face au risque
d’une réactivation d’affects primaires comme d’un événement
traumatique à dimension sexuelle ou à coloration fortement
« incestuelle ». Par une pratique de la douleur, les adolescents
décrivent un soulagement de la tension psychique après s’être
scarifiés [57]. La marque semble alors une façon de re-sentir,
de se sentir exister à nouveau. D’autres jeunes décrivent une
absence de douleur au moment des scarifications. Distinguo clinique qui oblige à réinterroger la notion de masochisme dans
l’abord de ces phénomènes [58,59] comme à porter une attention
6 En quelques années, la prévalence dans ces populations a fortement augmenté pour osciller désormais entre 30 et près de 50% [85–87].
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particulière à l’économie pulsionnelle et à la conjoncture qui
conduit à l’agir (contexte ; contingence ; après-coup).
La présence croissante de ces expériences chez de nombreux
jeunes patients pris en charge dans le champ médicopsychologique soulève ainsi la question d’une psychopathologie
particulière des divers modes d’entames corporelles. Pour
autant, et parce que de telles pratiques sont aussi attachées à
ce que l’on appelle les « arts corporels », le risque d’une pathologisation abusive est souvent renvoyée à la tête des cliniciens,
là où nombre de promoteurs font relever désormais les scarifications (comme les tatouages, les piercings et, plus récemment, les
implants) d’une clinique de l’identité [60]. Certes, une approche
différentielle pourrait être pensée entre l’acte auto-réalisé dans
l’anonymat et le fait d’en passer par l’autre (professionnel, lien
amical, scolaire ou familial). Cependant, cette découpe paraît
incertaine. En effet, n’assiste-t-on pas désormais – notamment
sous l’influence « normativante » des réseaux sociaux ou des
sites internet – à un glissement d’une pratique à l’autre ?
Le fait de se (faire) « scarifier », « percer » ou « tatouer » met
certes en avant la question d’une expérience de corps sous une
forme plus ou moins passive et douloureuse, parfois extatique
avec période d’euphorie. Mais pour une majorité d’adeptes,
les motivations profondes de cette démarche sont d’associer
l’esthétisation du corps au travers de traces comme d’ajouts artificiels (à caractères sexuels secondaires), le développement de
l’estime de soi, l’affirmation de l’identité personnelle, la réappropriation du corps propre. Dans cette veine, les scarifications
comme les tatouages participent d’une « fabrique de soi » [61],
d’une auto-production.
Ainsi, (se) marquer, se (faire) percer, graver son corps
deviendrait un geste de reconquête spéculaire, une forme
d’appropriation imaginaire du corps tel qu’il est mobilisé dans
le stade du miroir7 . Le rajout ou l’ornement du corps pourrait
en venir à faire identification symbolique. À ce titre, le tatouage
ou la scarification se ferait marque subjective [62]. En effet,
la marque corporelle, par la gravure ou l’entaille s’appréhende
également sur le versant d’une corporisation signifiante. Ce que
contestent d’autres auteurs qui opposent marque symbolique et
marque narcissique [63]. Si la marque symbolique donne au
sujet une identité et vient soutenir les identifications, c’est ici
l’imaginaire (par les formes, le trait, le dessin) qui est appelé à
soutenir le symbolique. Certes, la marque corporelle peut produire de la signification et peut être porteuse d’un faisceau de
significations (narration ou roman du sujet). Mais elle se présente aussi comme un avatar, un simulacre, une apparence sans
substance avec pour fonction de combler les lacunes identitaires.
En effet, la marque corporelle qui vient à la place de l’acte (ou
du sens) témoigne de l’illusion d’une jouissance qui ne serait
pas traversée par la castration. Dans cette veine, ces usages
7 L’unité imaginaire du moi se constitue dans le stade du miroir. Le sujet
se reconnaît comme unité par l’assomption visuelle de la forme de son corps.
Mais cette reconnaissance peut ne pas passer uniquement par l’identification
imaginaire à du semblable, sinon à en être capturé ou captif (mythe de narcisse).
D’où la nécessité structurale d’une identification symbolique qui – en prenant
appui sur la voix et la nomination d’un tiers (mère, père notamment) – permet
d’introduire le sujet à l’hétérogène [88,89].
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particuliers du corps se présenteraient « comme un rejet de
l’autre » [64]. Ainsi, l’entame comme le tatouage ne s’inscrirait
pas dans la soustraction et le prélèvement d’une livre de chair
pour solder quelque dette symbolique (exemple de la circoncision) mais dans l’addition d’une parure [65,66]. D’où, un ratage
fréquent au plan symbolique et la nécessité d’une répétition du
geste [67], la multiplication des entailles, des trous, des tatouages
jusqu’à parfois une couverture totale ou quasi totale du corps
[68].
3. Marques corporelles : au-delà des marqueurs intimes
et identitaires
Reprenant à notre compte ce débat, une recherche internationale a été lancée. Il s’agissait tout d’abord d’interroger
l’hypothèse actuelle qui situe le développement de ces pratiques
de marquage comme autant de réponses singulières (pouvant
néanmoins être collectivisées) à un malaise inédit dans notre
modernité [69]. En effet, les pratiques de marquage corporel
semblent relever d’un phénomène de construction et de dévoilement de soi qui s’est incontestablement accentué du fait des
modifications profondes entre espaces privé et public. Néanmoins, ce double mouvement de publicisation et de privatisation
du corps a-t-il eu des conséquences aussi inquiétantes que
l’énonçaient dès l’après-guerre certains penseurs [70], quand
la faillite des idéaux collectifs, l’hymne hédoniste au développement personnel semblaient aboutir à la chute de l’intimité
comme au rejet des choses du politique et du social [71] ? Pour
répondre à cette interrogation, nous avons choisi de réaliser une
étude auprès d’adolescents et de jeunes adultes s’adonnant à des
expériences de marquage corporel. Parmi celles-ci, nous avons
privilégié les scarifications et les tatouages en fonction à la fois
de leur importance quantitative et d’un accès facile à une population des deux sexes. Les adolescents et jeunes adultes rencontrés
étaient ceux fréquentant des lieux et conventions d’arts corporels, mais aussi une population prise en charge dans des centres
de soins. Une méthodologie a été conçue pour mettre en lumière
la structure de ce « recours » à la marque corporelle, sa logique
et sa portée. Trois modalités de recueil de données ont été choisies qui correspondent à des objectifs spécifiques : questionnaire
à visée quantitative, entretien qualitatif de recherche, enquête
extensive (questionnaire en français, portugais, espagnol mis en
ligne) et menée aussi à partir de blogs et de sites de discussions sur Internet. En effet, c’est bien souvent sur les réseaux
sociaux avec sa masse de témoins potentiels, que se prolonge
pour ces jeunes la quête de reconnaissance [72]. À l’issue de
ce travail de recension, de recueil et de dépouillement des données, il est intéressant de mettre en exergue certains éléments
théorico-cliniques.
Marquer son corps est, pour ces jeunes, au premier abord
comme une manière de se l’approprier, d’en prendre possession, de le faire irréductiblement sien. Mais la recherche permet
de souligner que c’est en fait de tout le contraire dont il s’agit :
si marquer son corps « marque » quelque chose, c’est plutôt, en
définitive, la distance irréductible, justement, qu’il y a à celui-ci.
C’est bien, d’une certaine façon, parce que le « mon » corps est
pour l’adolescent terre étrangère que ce dernier se préoccupe de
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le poinçonner, d’y planter drapeaux et fanions, d’y apposer ce
qui déclinent sa philosophie de la vie, de montrer au monde, et
de lui prouver ainsi, qu’il lui appartient. Mais avec quel résultat ?
La terra incognita en devient-elle plus familière pour autant ? À
entendre les témoignages de certains, le marquage n’aboutit souvent qu’à accentuer davantage encore l’impression d’unheimlich
(d’inquiétante étrangeté) inhérente à la structure de ce dernier.
Dès lors quel rapport, quelle incidence à la marque, au
« marquage corporel » ? On pense généralement que le marquage
du corps a pour autre fonction de se prêter à la vision, voire de
l’appeler, de la provoquer. Or il est assez aisé de saisir qu’il n’en
est rien. Si le corps ne se voit pas, qu’on le décore, ce que l’on
y appose ne le rendra pas plus « visible ». Si le corps ne peut se
concevoir qu’en référence à l’autre (le premier étant maternel),
et qu’il en est façonné et aussi pour une part le reste (de l’autre),
l’objet-reste, alors la marque n’est pas seulement l’assurance
de venir redoubler l’étrangeté du corps ; c’est aussi une façon
d’aveugler le regard, en lui donnant en pâture ce qui pourra
l’arrêter, de façon à ce que « Je » puisse s’éclipser, s’escamoter.
La marque en tant que piège-à-regard de l’autre peut se faire
donc (dans certaines structurations) défense pour le sujet.
Enfin, en tant que « montage subjectif », nous pouvons confirmer les travaux antérieurs où, dans sa fonction d’attache qui
instaure une limite au travers du corps propre, la marque peut
aussi permettre d’intégrer certains éléments psychiques conflictuels, rétablir, via le corporel, une homéostasie psychique [73]
et ouvrir la possibilité d’élaborations secondaires [74]. En effet,
la marque ne peut être réduite aux seules fonctions de représentation (dessin, trait, griffure) ou de distinction (poinçon, trace,
sceau). Comme une image qui se transformerait en écriture de soi
et sur soi, l’entame corporelle peut faire fonction d’idéogramme,
c’est-à-dire de création dans le symbolique (bien souvent à l’insu
du sujet) avec des effets psychiques d’après-coup. Le marquage
corporel, même s’il répond à une souffrance, peut servir tout
autant d’espace transitionnel (imaginaire), de condensateur de
jouissance (recherche d’un contrôle sur la douleur, la souffrance)
que de refuge symbolique. Surtout, participant d’un montage
subjectif, cette pratique peut permettre au sujet de répondre aux
limites érodées et à la fuite du sens (par exemple dans la psychose
en contre-point d’une élaboration délirante) ou venir border
la jouissance (dans une relation consommatoire et addictive
qui commande nombre de conduites dans la symptomatologie
limite du sujet). Cette expérience peut ainsi permettre de renouer
avec l’hétéronomie dans le lien social (réintroduire la place de
l’altérité dans l’échange comme la différence des sexes) quitte
à en passer, pour ce faire, par le jeu du « narcissisme de la petite
différence » dans la névrose, voire de subvertir celle-ci en la
haussant au statut d’exception. C’est à l’appui de ces propositions que l’analyse des témoignages8 d’Adrien, de Marion et de
Leonardo peut s’avérer riche d’enseignements : le premier en
usant principalement du piercing et du tatouage, la seconde, en
8 L’entretien semi-directif de recherche était enregistré, d’une durée de
45 minutes. Il s’appuyait sur une grille d’entretien constituée de cinq rubriques :
présentation et anamnèse – marques corporelles et conjoncture – fonctions des
marques corporelles – marques corporelles et rapport au savoir – symptôme et
lien social.
recourant exclusivement à ce dernier type de marquage du corps,
le troisième en usant des différents types de marque comme
d’une vêture pacificatrice au plan psychique.
3.1. Vignette clinique n◦ 1 : la marque du prestige
Adrien, est exclu temporairement de son collège pour divers
larcins. L’accompagnant dans un centre de consultation pour
adolescents, ses parents veulent qu’il réalise son méfait. Il pique
une crise lorsqu’ils lui demandent de retirer le « piercing de criminel » qu’il a à l’arcade sourcilière ; le « bijou de voyou » dont
ils ont, bien malgré eux, autorisé la pose. À l’acmé de sa fureur,
il vocifère : « on ne veut pas que j’ai “la classe” ». N’ayant pas
assez d’argent de poche, il rend son père responsable de ses
vols car il ne peut, entre autres, avoir « le dernier mobile, la
nouvelle console, etc. » dont il fait, à l’envi, la publicité ainsi
que celle d’autres objets : « sa montre dernière génération, son
blouson camouflage, son MP3 méga stockage ». En vantant les
avantages de ses objets, il tente alors de se magnifier, d’éblouir
l’autre pour en tirer prestige. Son piercing dit « spécial » comme
son tatouage ésotérique et ses scarifications sur les bras appartiennent à cette nuée d’objets par lesquels il se pense « très
estimé » au collège : soit, pour lui, ce qui le rend unique. Mais
tandis qu’il s’éprouve déprécié par notre absence d’éloge, il
va falloir nous montrer admiratif pour ne pas raviver un sentiment de persécution. Celui-ci se développe lorsqu’il s’affronte à
l’inconsistance de son savoir pour être. Cette situation de désêtre
paraît d’ailleurs pouvoir se situer lorsque le manque du repère
de sa singularisation s’est découvert à la perte du cadre que
constituait l’école primaire. Dès l’entrée au collège, le voici tel
qu’il se découvre « inexistant et pas de taille en sixième ». Lui
que l’on regarde désormais « de haut ». Disparition de son cartable, casier ouvert à plusieurs reprises, chutes dans l’escalier,
brimades diverses : il pense « qu’on le cherchait car il était
personne ». L’année suivante, il trouve refuge auprès d’un surveillant. En 3e , il se consacre aux 6e en prenant position d’être
« le grand qui les protège et les épate » avec ses piercings. Idem
pour les marques sur les bras, il en a voulu « pour s’affirmer » et
parce qu’avec on a « de la personnalité, une image de marque ». Il
peut ainsi appréhender l’image idéalisée qu’il se procure dans le
miroir de l’autre : « avec ma copine, je suis gangsta man percé ».
Et peu importe la labilité de ses identifications conformistes.
L’essentiel : ce sont les trips où il a « de la hauteur » où il
est en contact avec lui-même « en vivant complètement le film ».
Alors peut-il atteindre dans quelques excitations et élations une
image temporaire de complétude. Il s’éprouve ainsi redoutable :
« j’impressionne, je suis balèze ; j’en jette, j’en impose et on
baisse le regard ». En revanche, dès que les autres sur lesquels il
se branche manquent de soutenir l’image exaltée dans laquelle il
a le sentiment de faire un avec lui-même, il redevient l’objet de
la malveillance panoptique de l’autre. Il s’éprouve alors « bidon
et pas de couille ». Et il n’est pas rare alors qu’il insulte et se
batte. Mieux, pour se venger de ses railleurs, il les dépossède
de l’objet qui fait pour lui l’insigne imaginaire de leur grandeur
respective, la marque de leur prestige. Ainsi, le crayon de correction qu’il subtilise au professeur principal qui l’avait jugé « trop
superficiel », le maillot de bain d’une élève nageuse émérite, le
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cartable d’un surdoué de la classe, l’argent d’un fils de riche.
Autant de trophées dont la possession l’a mené au comble d’une
exultation où il s’est éprouvé « gigantesque ». Petits larcins qui
montrent son souci permanent de se bâtir une réputation et dont
il a ensuite tiré gloriole ; et ce d’autant plus qu’il fut ravi d’être
pris par ses parents pour un « grand criminel ».
Dans la ligne de mire de l’autre, Adrien paraît rechercher
par ses marques à devenir le point de vue panoramique du
monde ; celui vers lequel tous les regards se tournent. L’un de
l’autre du regard qu’il tente d’incarner pour s’assurer d’une
saisie unitaire de son être en essayant d’en « foutre plein les
yeux », mais aussi afin de battre en brèche le mauvais œil dont
il peut être l’objet. L’image de marque par laquelle il triomphe
de faire corps avec lui-même ne compense pour l’heure que
partiellement la marque différentielle du sujet qui semble lui
faire radicalement défaut. Son cas éclaire une des formes que
la clinique du conformisme peut emprunter dans l’ordinaire de
certains développements psychotiques. La clinique des as if,
mise en valeur par Hélène Deutsch en 1942, est à ce titre une
contribution précieuse pour cerner ce mode de compensation
[75]. Par celui-ci, le sujet s’assure d’une consistance valorisée de lui-même en dépendance anaclitique avec l’autre ou une
communauté. Cette orthopédie peut cependant s’effondrer dès
lors qu’elle n’est plus soutenue, voire trouver à se maintenir
en se déplaçant dans un autre milieu – cas notamment de la clinique des imposteurs [76]. Dans cette traversée de l’adolescence,
englué dans l’imaginaire pour rechercher le repère de sa singularisation, Adrien n’entre dans le jeu du signifiant lui aussi que
par une sorte d’imitation extérieure. Pour celui-ci, le manque de
constance, de cohérence et d’ancrage de ses identifications le
mène à passer pour l’heure de l’une à l’autre sans parvenir à s’y
astreindre et à trouver compensation par l’élection d’un principe
organisateur et l’incarnation d’un type de personae.
3.2. Vignette clinique n◦ 2 : la marque d’une infamie
salvatrice
En permanence « branchée sur la planète gothique », Marion
partage cet univers avec quelques personnes. Elle s’éprouve « à
l’aise et considérée » dans les soirées qu’ils organisent entre eux
car elle y est « la plus horrible ». Les autres le lui confirment à
partir du double tatouage qui édicte littéralement son abjection.
« 6,6,6 » est d’ailleurs ce signifiant par lequel elle se représente
et s’avère appelée. Bien qu’elle signe et révèle son infamie, cette
marque est désormais valorisée et valorisante. Par son entremise,
Marion s’assure désormais d’un statut dans le milieu gothique lui
permettant d’être l’unique, la seule qui atteint le plus l’horreur
absolue sur une scène qui s’en passionne. Estimant « pourrir la
vie » de sa mère, Marion pensait sauter d’un pont pour restaurer,
par sa perte, un monde de toute beauté. In extremis, une amie l’en
a dissuadée et l’a convaincue de l’accompagner quelques jours
en province. Lors de ce séjour, elle rencontre Gilles, gothique.
Suggérant sa séropositivité, le tatouage de Gilles la fascine.
C’est, lui confie-t-il, un « tatouage de malheur, un bras d’honneur
au commun des mortels ». Estimant que c’est une manière de
faire « peur aux autres en montrant qu’il est malade », elle le
considère comme son « alter ego maudit » et décide de se tatouer
173
afin de « donner forme à son malheur » par une marque apte à
l’évoquer : 666 qu’elle prononce « six, six, six ». Elle le fera à
deux reprises. Elle s’inflige d’abord ce « nombre de la bête »,
de « l’horreur, du malheur, de l’infection », à l’époque où, toute
à sa « mélancolie », sa faute tend à la démesure et qu’elle est
en rapport avec un corps dont la purulence en est, selon elle,
conséquente. Convaincue d’être « infectée par des virus » qui
la font « pourrir », de se décomposer « comme les zombies »,
Marion, durant cet épisode d’hypocondrie quelque peu délirant,
pense avoir vécu ce que les psychologues disent de l’influence
de l’esprit sur le corps : « je pourrissais la vie des autres par mes
pensées. J’étais une horreur et je le sentais. 6,6,6 c’est le nombre
de ça. Je me le suis fait faire. C’est normal ».
En se le tatouant sur le bas-ventre, elle se résigne ainsi à porter le décret qui fait sa condamnation au champ de l’autre. Elle
s’inflige en guise de peine et de châtiment cette marque qui signe
son être de déchet. Après cette autopunition, la pacification de
la jouissance ne se réalise qu’à partir de ses élaborations au sein
de la mouvance gothique et des liens qu’elle y tisse. Deux ans
plus tard, elle conforte sa philosophie en se tatouant à nouveau
6,6,6 sur l’épaule. Désormais, cette marque n’est plus seulement
le sceau de son infamie, mais est devenue le blason de son
identité. Ceux qui, parmi les gothiques, la complimentent pour
ses tatouages et les insanités qu’elle profère à l’égard de son
être, soutiennent, en la glorifiant, la radicalisation de sa position.
Ils légitiment l’exception horrifique qu’elle tente d’incarner et à
partir de laquelle dans le petit monde gothique elle réussit à faire
autorité. Cette soumission possède une efficacité thérapeutique.
Elle lui permet de se faire l’organisatrice de la jouissance
délétère qui s’exerce sur son être passivé en développant des
scènes et des narrations qui peuvent accueillir et soutenir
l’invention de sens. À cet effet, Marion paraît construire une
compensation de type perverse, en prenant appui sur sa position
radicale pour angoisser l’autre. L’une de ses « blagues » le
suggère. Elle confie collectionner divers objets morbides dans
du formol et, pour ne pas « horrifier », préfère en épargner
l’énumération. La messagerie de son téléphone l’illustre
également. Elle y a feint son agression qui, avant le « bip », se
clôt par un bruit sec donnant l’affolante impression d’un corps
qui s’écroule. Les « scénarios gores » qu’elle écrit, filme et
dans lesquels elle joue avec ses amis confirment plus encore la
possibilité d’une telle compensation. Elle y tient « le bon rôle » ;
celui, précise-t-elle, « des macchabées horribles dont la mise
en pièces peut faire très peur au spectateur ». Marion dispose
ainsi par « 6,6,6 » d’un tenant-lieu d’Idéal du moi qui leste son
identité au-delà de la facticité et de la dérive des images. Ce
nombre organise en outre toute sa « philosophie ». Alors qu’il
s’agissait, par son premier tatouage, d’être telle que l’autre la
désignait dans sa déchéance objectale, Marion a décidé d’en
faire sa cause pour être au monde, et incarner l’abjection même
qui manque à l’univers du discours. C’est cette posture de l’un
que son second tatouage est venu sceller et célébrer. Dans une
dynamique qui combine le style vestimentaire, les marques
corporelles et divers objets indexant son rang et tout un procès
d’élaborations créatives, cette solution auto-thérapeutique, dans
la norme de la société scopique, lui permet de se « faire être »
par l’image.
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3.3. Vignette clinique n◦ 3 : aveugler le regard
Léonardo est attiré par l’infini de la mer. Plutôt du genre nerveux, il devient calme et contemplatif face aux premiers rayons
de soleil qui, à l’horizon, annoncent l’heure de sa première
plongée avec des touristes. Pourtant, en enfilant sa combinaison, il ne peut faire abstraction de son corps malade : corps qui
l’insupporte avec toutes ses rougeurs. Léonardo se sent comme
« un écorché vif » et dit avoir essayé les traitements les plus
divers (médicaux, alternatifs, spirituels, voire miraculeux) pour
tenter de guérir de sa maladie de peau. C’est ainsi que Leonardo
se présente : par la description de ses marques. Ses lésions sur
tout le corps forment une sorte de dessin étonnant, selon lui
comme « un film d’horreur ». Sa « blessure » est venue quand il
était encore un enfant, vers 6 ans. À cette époque, il était très
querelleur et considéré comme une tête brûlée. C’est elle qu’il
a commencé à gratter constamment et le cuir chevelu s’en est
trouvé blessé. Léonardo se rappelle une anecdote : sa tête était
devenue très chaude à la suite d’une mauvaise note obtenue à un
examen à l’école. Comme remède à cet échauffement du crâne,
sa mère très protectrice lui avait conseillé d’éviter de penser et
de faire refroidir sa tête en la plongeant dans une eau glacée.
Les démangeaisons et la desquamation avaient alors nettement
diminué puis cessé. À 15 ans, après avoir fumé du cannabis, le
voici qui renverse une personne sur une bicyclette. Ne sachant
pas comment se sortir de ce méfait, il s’enfuit pour éviter toute
sanction. C’est alors qu’il sentit son corps s’échauffer, comme
s’il était « en flammes », comme si « la combustion » s’était attachée à certaines parties de son corps. Quelques jours seulement
après l’incident, des plaques ont recommencé à apparaître. Autre
épisode survenu cette fois-ci l’année de sa majorité : alors qu’il
vit avec une copine, Léonardo rencontre par hasard dans une
station service une jeune femme. Dès le premier échange de
regards, il se sent attiré par elle. Ils se retrouvent dans un motel
où ils ont des rapports sexuels. L’échauffement dans l’acte de
certaines parties de son corps est le support de démangeaisons
intermittentes qui vont gagner et léser de vastes parties de son
corps. Désormais, il le sait : « psoriasis » est le nom de la maladie qui « le punit pour ses mauvaises actions ». Depuis qu’il a
entendu parler de « ce nom imprononçable », sa vie est bouleversée. D’autant qu’il se rend compte que la même séquence semble
se répéter systématiquement. Lors des trois épisodes dans lesquels il estime avoir fauté, la sanction a été sans appel : un corps
en feu et une peau écailleuse.
Reconnu sportif de haut niveau à l’adolescence, Léonardo
va participer à plusieurs championnats de jiu-jitsu et de surf.
Cette période lui permet de voyager et de multiplier les rencontres avec beaucoup de consommation de drogues. C’est à
cette époque qu’il a décidé de se faire tatouer sur la peau : la mer
et aussi un combattant de jiu-jitsu. Il y voyait ainsi le moyen de
perpétuer à même la chair, son amour pour ces deux sports. Puis,
avec le développement de sa maladie, il a décidé de les recouvrir
de nouveaux dessins. Il s’est ainsi fait tatouer un paysage marin
sur le dos et sur les zones de bord différentes espèces de poissons ainsi qu’un décor de végétation : tel un cocotier dessiné sur
une jambe et là, sur l’autre, un soleil. Là où des scarifications
ont servi d’encadrement et de cloisonnement, les tatouages ont
recouvert la surface de la peau lésée pour composer un scénario
imaginatif ou fantasmatique. Cependant, « à cause d’elle » (c est
ainsi que Léonardo parle de sa maladie de peau), le psoriasis, tel
un fléau inextinguible, s’est développé, débordant les contours
de ses marques. Désormais, il est bien difficile visuellement de
savoir où commencent les tatouages, les scarifications et où finit
le psoriasis. Les zones frontalières se sont mélangées les unes
aux autres pour produire une fusion indifférenciée. Malgré tous
les traitements, les lésions n’ont pas diminué et le psoriasis est
toujours plus enclin à étendre ses douleurs dans les articulations.
Étonnant paradoxe : même si Léonardo n’est plus en mesure de
faire des combats ou de participer à des championnats, ce travail
d’inscription à même le corps semble avoir porté ses fruits. En
effet, selon ses dires, cette « fusion » de marques, de couleurs
et de traces s’accompagnent au plan psychique d’une certaine
pacification.
4. Conclusion
Les différents types de modifications corporelles (tatouage,
scarifications, piercing, etc.) sont indiscutablement porteurs
de représentations symboliques sur la façon dont l’adolescent
ou le jeune adulte perçoit son rapport au genre (acceptation,
rejet, répulsion), c’est-à-dire son sentiment d’appartenance à
son sexe et dont il construit à la fois son corps sexué et son
parcours dans le lien social (identité de groupe, de bande, socioprofessionnelle, etc.). Par cette manière originale d’échapper à
l’homogénéisation promue par les discours ambiants, les pratiques de marquage corporel peuvent participer d’une tentative
d’inscription dans un lien social et renouvellent des dimensions du rite et de l’initiation dans notre modernité [77,78].
Comme le relève fort justement Le Breton, « le corps est une
matière d’identité qui permet de trouver sa place dans le tissu du
monde, mais parfois non sans turbulence et non sans l’avoir malmené. La peau est le détour chaotique qui mène à une insertion
enfin propice dans le lien social » [79], p.104. Surtout, à travers l’expérience et l’usage spécifique du corps, elles peuvent,
dans certaines circonstances, devenir de véritables opérateurs
de mutation (ou de changement) de position subjective. La
marque corporelle peut ainsi avoir pour fonction de cristalliser et d’inscrire corporellement un événement ou changement
de vie en un moment charnière [80]. De même, cette expérience peut aboutir à un réaménagement subjectif profond et
à un changement de la perception du corps propre, notamment quand l’entame corporelle vient paradoxalement servir
de marqueur intime de la limite (sujet/autre ; corps/organisme).
C’est pourquoi, de nos jours, nombre de jeunes investissent les
différentes formes de marquage du corps, transformant ce dernier en une surface privilégiée pour supporter les insignes du
sujet.
Dans le cadre de la psychose comme d’un fonctionnement
limite, ce recours est toujours plus fréquent. Les adolescents
et jeunes adultes s’y adonnent pour insérer dans leur chair une
signification personnelle censée l’érotiser, la vitaliser, en subjectiver l’altérité inquiétante. Mais aussi pour traiter la jouissance
du corps non civilisée et chiffrée par le signifiant avec laquelle
ils sont en rapport et dont l’invasion, selon leur interprétation,
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les parasite, les persécute, les exalte, les accable, etc. [81]. Ils
tentent également de se faire un corps en le configurant tel qu’il
puisse les représenter. De la sorte, ils essaient – parfois sur fond
de d’ésotérisme ou en référence au sport, voire au mysticisme
chrétien [82] – d’écrire à même leur chair la marque symbolique
ininscriptible pour eux. Seule contrainte de ce vaste mouvement
de restauration subjective et d’accroche minimale au lien social :
la néo-identité ainsi obtenue peut venir à se figer. Ce semblant
de métaphore est restauré au prix d’une stase de l’être dans une
identification idéale où le sujet s’infatue : « Je suis ça » et rien
d’autre.
Les cas présentés en témoignent. Le marquage corporel peut
servir de « centre de gravité » aux assises narcissiques, donner
corps au signifiant sous lequel le sujet va se placer pour obtenir un certain apaisement. Restent les difficultés auxquelles doit
faire face le clinicien lorsque la rencontre est autorisée9 : celle
de réintroduire le sujet à la considération des lois de la parole, là
où le marquage corporel peut servir d’obturateur. Celle enfin
de soutenir le sujet et l’accompagner alors même qu’il peut
avoir « choisi sa cause » ou sa « philosophie », au risque d’une
véritable inertie dialectique.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
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