Version 2: novembre 24, 2000 1 Revue d`Économie Industrielle, N

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Revue d’Économie Industrielle, N° 74, 4° trim. 1995
N° Spécial: Renouveau des Politiques Industrielles dans le Contexte des Économies Globales
LES APPORTS DE L’ANALYSE ECONOMIQUE DES CONTRATS A LA MISE EN
OEUVRE DES POLITIQUES INDUSTRIELLES *
Éric Brousseau
Université de Nancy II & ATOM (Université de Paris I)
INTRODUCTION:
POLITIQUE INDUSTRIELLE, POLITIQUE DE LA CONCURRENCE ET
ANALYSE ECONOMIQUE DES CONTRATS
Depuis deux décennies, deux écoles — la théorie de l’agence et celle des coûts de transaction
— développent une analyse des dispositifs de coordination entre agents économiques à partir de la
notion de contrat. Un contrat est un accord (le plus souvent bilatéral) par lequel des agents
économiques se créent des obligations mutuelles qui bornent leurs interactions afin de les maîtriser.
Ces analyses économiques des contrats reposent sur des hypothèses différentes (Cf. Brousseau
[1993]) et débouchent sur des conceptions divergentes de la justification et des modalités
d’intervention de l’État dans l’économie (E.g. l’article de F. Lotter dans ce numéro). Toutefois, on
peut aussi insister sur leur complémentarité dans l’explication de la nature et les propriétés des
dispositifs de coordination mis en oeuvre au sein des systèmes économiques. Dans cet essai, nous
adopterons ce point de vue pour montrer comment la théorie de l’agence, d’une part, et celle des
coûts de transaction, d’autre part, peuvent éclairer la mise en oeuvre de politiques industrielles.
La notion de politique industrielle est fréquemment associée à l’usage par les pouvoirs
publics d’un certain nombre d’outils d’intervention directe sur les entreprises (prise de contrôle ou
de participation, subventions, commandes publiques, etc.) utilisés pour assurer le développement
d’une branche ou d’une «filière» particulière. De nombreuses analyses de la politique industrielle
(E.g. Morvan [1983], Delorme & André [1983], Johnson & alii [1984], Bellon [1986], Bellon & De
Bandt [1991]) ont souligné que cette conception étroite et purement instrumentale de la notion de
politique industrielle présente l’inconvénient, d’une part, de passer sous silence l’analyse des
motivations de l’intervention de l’État, d’autre part, d’ignorer une grande partie des autres mesures
dont il se sert pour intervenir sur l’appareil productif. C’est pourquoi dans cet essai nous définirons
de manière axiomatique la politique industrielle en fonction de ses objectifs. Pour nous, il s’agira de
l’ensemble des mesures prises par la puissance publique pour accroître la compétitivité ou favoriser
le développement des activités productives nationales ou effectuées sur le territoire national.
Une telle définition pose sans aucun doute le problème de la démarcation entre la politique
industrielle et les autres volets de la politique économique puisqu’on pourrait lui objecter que les
objectifs de stimulation de l’appareil productif national sont inhérents à la plupart des mesures de
politique économique et qu’en conséquence elles relèvent toutes de la politique industrielle. Ce serait
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oublier qu’il y a toujours hiérarchisation des objectifs et que nous nous référons ici à l’objectif
principal des politiques publiques. Par ailleurs, l’usage de définitions alternatives, c’est-à-dire
instrumentales, tend à gommer le fait que des outils relevant a priori d’autres champs que ceux de la
politique industrielle — telles la réglementation de la concurrence, ou la fiscalité — peuvent être
utilisés pour poursuivre des objectifs reconnus comme étant ceux de la politique industrielle (Cf.
Bellon [1986]). Ainsi, malgré ses ambiguïtés, une définition de la notion de politique industrielle
nous semble devoir se fonder sur les objectifs poursuivis par les Pouvoirs Publics.
La définition retenue a, par ailleurs, le mérite de permettre une distinction avec la notion de
politique de la concurrence telle que celle que Glais [1988] propose et qui repose elle aussi sur les
objectifs primordiaux des pouvoirs publics (Voir aussi Glais & Laurent [1983]). Qu’elles soient
focalisées sur la concentration du pouvoir économique ou l’abus de position dominante, Glais
souligne que les diverses politiques de la concurrence ont pour principale préoccupation de favoriser
la satisfaction des besoins des consommateurs compte tenu de l’existence de ressources productives
limitées. Cet objectif se traduit cependant par des objectifs intermédiaires sensiblement différents
selon que l’on se situe dans un cadre statique (dans lequel on mettra l’accent sur l’efficience de
l’allocation des ressources) ou dans un cadre dynamique (dans lequel on s’intéressera au risque de
blocage du processus concurrentiel par pérennisation de position dominantes).
Grâce à ces deux définitions, il est possible de distinguer les politiques industrielles —
tentant de favoriser le développement et la compétitivité du système productif — des politiques de la
concurrence — dont l’objectif est la satisfaction maximale des consommateurs — qui utilisent
pourtant des outils parfois identiques. Distinguer ne signifie cependant pas opposer car les deux
objectifs ne sont pas nécessairement antagoniques même si cela arrive parfois.
La définition de la notion de politique de la concurrence retenue nous conduit à ranger dans
cette catégorie les réglementations «économiques»1 . Ces dernières étant mises en oeuvre pour
empêcher les offreurs de capter l’intégralité de la rente des consommateurs lorsque la concurrence
est inefficace ou impraticable, elles ont bien un objectif correspondant à celui des politiques de la
concurrence2 .
Les analyses économiques des contrats, et notamment certaines de leurs applications sont,
selon nous, porteuses d’enseignements pour la politique industrielle. Il s’agit essentiellement:
— d’une part, de travaux portant sur les relations entre l’État et ses mandataires (entreprises
exerçant des activités réglementées, fournisseurs). Relevant essentiellement de la théorie de
l’agence — dénommée en la circonstance théorie des incitations — ils s’attachent à imaginer
des «contrats» destinés à amener ces mandataires à agir dans le sens de l’intérêt général ou
dans celui de l’État;
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— d’autre part, de recherches sur les relations interentreprises. Menées fréquemment dans la
perspective de l’économie des coûts de transaction, elles analysent l’efficacité et les
conséquences des dispositifs de coordination non purement marchands mis en place par les
firmes (franchise, sous-traitance, restrictions verticales, etc.). Elles étudient également les
dispositifs institutionnels supportant cette coordination.
Bien que fréquemment marquées par des préoccupations relevant de la politique de la
concurrence, nous voudrions montrer que ces travaux débouchent sur certaines intuitions en matière
de politique industrielle. Autrement dit, il existe selon nous un lien entre politique industrielle et
politique de la concurrence, ce lien pouvant être pensé à partir des analyses économiques des
contrats. Pour développer ce point de vue, nous reviendrons d’abord sur la convergence actuelle entre
politiques industrielles et politiques de la concurrence. Dans un second temps, nous évoquerons les
enseignements des développements récents de l’analyse des relations entre l’État et ses mandataires.
Après quoi, nous aborderons les apports des recherches sur les relations interentreprises. Dans une
section conclusive, nous nous interrogerons sur la pertinence pour la politique industrielle des
différents apports analytiques que nous aurons évoqués.
1.
POLITIQUE INDUSTRIELLE ET POLITIQUE DE LA CONCURRENCE
DANS LE CONTEXTE DE LA GLOBALISATION
Définir la politique industrielle à partir de ses objectifs heurte les habitudes car celle-ci est
fréquemment confondue avec les outils privilégiés pour la mener dans le passé. Ces outils — les
«tactiques d’actions» de Morvan [1983]: i.e. subventions, prise de contrôle, barrières protectionnistes
spécifiques, commande publique, etc. — avaient pour caractéristiques essentielles d’être à la fois
directs et ciblés (i.e. destinés à produire des effets sur un champ restreint de l’appareil productif). De
la même façon, la notion de politique de la concurrence est souvent assimilée à certains outils
spécifiques: les lois et règlements définissant les règles du jeu concurrentiel. Pourtant, ces derniers
peuvent être utilisés pour poursuivre des objectifs conformes à ceux de la politique industrielle. Ils
ont même tendance à le devenir de plus en plus car, dans le contexte de la globalisation, l’utilisation
des «tactiques d’actions» est de moins en moins aisée. Ils le sont également car les fondements
analytiques des politiques concurrentielles se sont modifiés. Revenons sur ces deux points.
La globalisation a tendance à limiter les possibilités de recours aux mesures «traditionnelles»
de politique industrielle car elle résulte pour une large part d’un mouvement de libéralisation — qui
s’est traduit par le démantèlement de dispositifs anticoncurrentiels: zones de libre échange, espaces
économiques intégrés, déréglementation, etc. — qui a rendu la plupart des interventions directes et
ciblées incompatibles avec les engagements internationaux des États. De plus, dans le contexte d’une
large ouverture des économies nationales, ces mesures sont devenus moins efficaces qu’auparavant et
peuvent entraîner des représailles qui en limitent considérablement l’intérêt. A ces éléments
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expliquant en partie la désaffection pour les outils «traditionnels» de la politique industrielle, il
convient d’ajouter qu’ils ont perdu une part de leur crédibilité du fait de la mise en évidence, à la fois
aux plans théoriques et pratiques, d’un certain nombre d’effets pervers liés, notamment, à des défauts
d’incitation et à un certain manque de clairvoyance des pouvoirs publics dans la gestion de l’appareil
industriel (E.g. Morvan [1983], Ayres [1985], OCDE [1989], Bellon & De Bandt [1991], Taddéi &
Coriat [1993]). Enfin, les difficultés rencontrées dans la gestion des finances publiques ont aussi
joué un rôle dans le développement d’un certain scepticisme vis-à-vis de l’intervention directe de
l’État dans l’industrie.
Ainsi, s’est développée une certaine désaffection pour les outils traditionnels de la politique
industrielle, alors même que, dans le contexte très concurrentiel qu’impose la globalisation, l’intérêt
d’un appui à l’appareil productif national est rarement contesté (E.g. Grossman [1990]). C’est
pourquoi on a eu tendance à substituer aux mesures traditionnelles des mesures moins directes et
moins spécifiques telles que celles qui caractérisent l’»interventionnisme libéral» (Bellon [1986]).
Elles relèvent pour l’essentiel de ce que Morvan [1983]) qualifie de «tactiques d’environnement»
parce qu’elles visent à agir globalement sur les coûts, la disponibilité des facteurs, les débouchés,
(etc.) via des politiques très indirectes (fiscalité, aménagement du territoire, etc.) même si certaines
mesures génériques (aide à la R&D, réglementation de la concurrence, etc.) peuvent être plus ciblées
sectoriellement. De telles politiques sont indéniablement plus libérales — et moins visible — car
l’État n’intervient pas directement dans le processus de décision des firmes et ne bloque pas le
processus de sélection concurrentiel. Il agit sur certaines variables pouvant influencer les décisions
des entreprises en laissant au «marché» le soin de les inciter à être efficaces et performantes. C’est
dans un tel contexte que les enseignements des théories des contrats peuvent s’avérer utiles en
matière de politique industrielle.
Cette évolution de la conception que les théoriciens comme les praticiens peuvent avoir de la
politique industrielle a été concomitante d’une évolution de la perspective retenue pour élaborer les
politiques de la concurrence. Depuis quelques années, domine une vision selon laquelle les initiatives
des producteurs ne sont plus considérées comme systématiquement contraire aux intérêts des
consommateurs. Cela est mis en évidence par exemple par Glais [1990] ou Mueller [1994]. Jusqu’à
une période récente, les politiques de la concurrence découlaient de la conception néoclassique de la
concurrence dans laquelle la notion de structure de marché est essentielle: en statique, un marché trop
concentré conduit à l’adoption de comportements stratégiques contraires aux intérêts des
consommateurs; en dynamique, la grande taille permet aux entreprises de pérenniser ces situations
contraires à l’intérêt général. Cela justifiait les politiques s’opposant à toute forme de concentration.
Cette conception réductrice de la concurrence, et les politiques qui en découlent, ont été sévèrement
critiquées en particulier par l’école de Chicago qui, d’une part insiste sur les raisons pour lesquelles
la recherche d’une efficience accrue dans la production (au sens large) peut justifier la concentration,
d’autre part, souligne que si la libre entrée est garantie sur les marchés, alors les firmes ne sont pas
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en mesure d’extraire des rentes aux consommateurs. Développées au départ par Stigler [1957, 1968],
cette conception de la concurrence a été systématisée par Baumol, Panzar et Willig [1982]. Ce
renouvellement théorique a été concomitant d’une perception nouvelle des relations interentreprises
ne passant pas uniquement par le mécanisme des prix. Il a été mise en évidence que les contrats
stipulant des conditions particulières d’échange et de prestation de service (E.g. sous-traitance,
contrat de long terme, franchise, etc...) ou même l’intégration verticale se justifient souvent par la
recherche d’une efficience accrue qui bénéficie à la collectivité. Les travaux menés par Williamson à
partir de 1975 — bien que reposant sur des hypothèses bien différentes de celles de la Nouvelle
Économie Industrielle — appartiennent évidemment à cette perspective3 . Ces relectures, d’une part,
de la nature concurrentielle de certaines situations, d’autre part, de l’efficience des dispositifs de
coordination non purement marchands ont contribué à l’inflexion sensible des doctrines et
jurisprudences concurrentielles observées depuis la fin des années soixante-dix.
Ainsi, sur un plan pratique comme sur un plan théorique, les notions de politique industrielle
et de politique de la concurrence paraissent aujourd’hui moins opposées que par le passé. D’un côté,
il apparaît plus clairement que les objectifs de promotion du dynamisme et de la compétitivité du
système productif national peuvent être poursuivis grâce à des outils plus incitatifs que prescriptifs et
s’appuyant sur la concurrence plutôt que la limitant. D’un autre côté, les politiques visant à satisfaire
les besoins des consommateurs intègrent plus aisément les contraintes des producteurs... et les
objectifs des uns et des autres apparaissent moins antagoniques. C’est dans un tel contexte que les
théories des contrats peuvent permettre d’établir un lien entre les deux catégories de politique car,
reposant sur une analyse des dispositifs de coordination et des réactions des acteurs vis-à-vis des
règles qui leur sont imposées, elles peuvent apporter des éléments à la mise en oeuvre de politiques
d’environnement visant à promouvoir la compétitivité et le dynamisme de l’appareil productif
national.
Il convient cependant de signaler que jusqu’à présent, les théories des contrats ont peu été
utilisées pour analyser la poursuite d’objectifs de politique industrielle par les pouvoirs publics. Ce
sont principalement des travaux menés dans la perspective des politiques concurrentielles qui révèlent
la manière dont certains enseignements des théories des contrats pourraient être utilisés pour
imaginer des mesures de politique industrielle. Ils permettent en effet de mieux cerner les
conséquences de certaines interventions de l’État vis-à-vis des entreprises avec lesquelles il est amené
à avoir des relations directes (§ 2) ou vis-à-vis de l’ensemble du tissu industriel (§ 3).
2.
DE NOUVELLES TACTIQUES D’INTERVENTION: L’ETAT COMME
CONTRACTANT
L’analyse des rapports entre l’État et les entreprises a été considérablement développée ces
dernières années, en grande partie à l’occasion des débats engendrés par le mouvement bien mal
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dénommé de déréglementation. Elle s’est appuyée notamment sur un examen des effets pervers des
réglementations antérieures basées soit sur le contrôle du taux de profit, soit sur la tarification
Ramsey-Boiteux (Cf. Averch & Johnson [1962], Encaoua [1988], Braeutigam [1989], Joskow &
Rose[1989], Laffont [1991]). Ces réglementations ignoraient très largement les conséquences des
asymétries d’information entre entreprises réglementées et institutions de tutelle. Or, les
développements de l’économie de l’information, à la suite des travaux de Arrow [1963] et Akerlof
[1970], ont conduit à mettre l’accent sur les comportements stratégiques des entreprises qui, dans ce
type de situation, utilisent leur connaissance des conditions technico-économiques de la production
ou de la demande pour détourner de leur esprit les règles auxquelles elles sont soumises. Les
nouvelles théories de la réglementation tentent de remédier à ce problème en mettant au centre de
leurs préoccupations la résolution des problèmes d’anti-sélection — l’agent dispose d’un avantage
informationnel concernant une variable (exogène) sur laquelle il n’a pas de marge de manoeuvre —
et de risque moral — l’agent dispose d’un avantage informationnel sur une variable endogène qu’il
maîtrise — (Sur ces notions, Cf Perrot [1992], Brousseau [1993]). Le développement de la théorie
des incitations (Cf. Laffont & Maskin [1982], Caillaud & alii [1988], Baron [1989], Laffont &
Tirole [1993]) a conduit à proposer de nouvelles réglementations basées sur l’idée que l’État, en
échange de l’abandon d’une «rente informationnelle», peut inciter les entreprises qu’il réglemente à
lui révéler la vérité et à maximiser leur effort. Ce faisant, l’objectif de l’État — maximiser l’intérêt
collectif — est approché au mieux, mais pas atteint (optimum de second rang) car il doit consentir à
dépenser des ressources pour réduire ce «gap» informationnel. Concrètement, cela passe par la mise
au point de schémas de rémunération qui conduisent les entreprises à annoncer à l’avance la vérité
sur leurs coûts, leur technologie, etc. (Cf. encadré 1). L’usage de ces mécanismes peut s’étendre à
des situations d’asymétrie d’information comparables comme celles qu’on rencontre sur les marchés
publics (i.e. dans les relations entre l’État et ses fournisseurs; Cf. Mougeot [1989]).
Traditionnellement analysés dans l’optique de la maximisation de l’intérêt des consommateurs, ces
mécanismes de révélation d’information et d’incitation peuvent aussi être conçus comme des
instruments d’une politique de compétitivité de l’industrie nationale.
Encadré 1: Les Principaux Modèles d’Incitation
Trois modèles canoniques sont à la base de la nouvelle théorie de la réglementation.
1) Le modèle de Baron & Myerson [1982] illustre la manière dont l’État peut résoudre
un problème d’anti-sélection s’il n’a pas de possibilité d’observation ex-post de la
variable faisant l’objet d’une asymétrie d’information. La solution consiste à adopter un
système de rémunération dans lequel des primes sont octroyées à l’entreprise en
fonction du dépassement d’un plan de production minimal; ces primes étant plus fortes
si l’entreprise annonce au départ le plan de production qui sera effectivement réalisé que
si elle ne le divulgue pas.
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2) Ce modèle a été enrichi notamment par le modèle de Baron & Besanko [1984] qui
tient compte des capacités de l’État à observer ex-post — en menant des audits — les
informations qu’il ne connaissait pas ex-ante, ce qui améliore ses possibilités (en
punissant les menteurs) de se voir révéler la vérité. Le mécanisme optimal doit donc
réaliser un arbitrage entre le coût des audits, la probabilité de fraude et le montant des
pénalités en cas de fraude avérée... de manière à rendre dominante la stratégie de
révélation de la vérité.
3) Enfin, le modèle de Laffont & Tirole [1986-1990-1993] traite un cas plus général où
à l’anti-sélection s’ajoute un problème de risque moral (l’entreprise peut annoncer des
plans de production dans lesquels elle ne maximise pas son effort). L’État doit alors
mettre au point un mécanisme par lequel il rembourse ex-post à l’entreprise une partie de
ses dépenses en fonction des annonces qu’elle a fait ex-ante. Ce remboursement est un
arbitrage entre un remboursement forfaitaire — qui présente l’avantage d’inciter à
l’effort (puisque l’entreprise peut accaparer le différentiel entre le forfait et les dépenses
effectives) mais abandonne une forte rente à l’entreprise — et le remboursement des
coûts effectifs; qui est moins incitatif mais permet à l’État de ne pas abandonner de rente
à l’entreprise.
On peut souligner qu’en dynamique, ces problèmes se compliquent du fait de
l’amélioration des capacités d’information de l’État (observation des résultats du passé)
et de l’augmentation des possibilités de comportements stratégiques de l’entreprise.
L’essentiel des difficultés d’habitude rencontrées dans la mise au point d’un mécanisme
incitatif provient du fait qu’on considère que les pouvoirs publics poursuivent l’objectif propre aux
politiques concurrentielles de maximisation de l’intérêt des consommateurs. En effet, Loeb et Magat
[1979] ont démontré que le monopoleur réglementé maximise le bien être social si on lui attribue la
valeur totale du surplus des consommateurs. Ils ont ainsi souligné que la difficulté de la
réglementation des monopoles publics tient essentiellement au refus d’abandonner au producteur la
rente des consommateurs. Cette contribution suggère qu’une politique de promotion de la
compétitivité de l’industrie nationale peut s’appuyer sur des mécanismes soumettant les entreprises
réglementées (ainsi que les fournisseurs de l’État) à une plus grande pression incitative, gage d’une
plus grande efficacité, mais leur permettant néanmoins de s’approprier des rentes leur permettant de
financer leur développement. Une telle politique — qui s’inscrit dans la perspective d’une politique
de promotion de «champions nationaux» — favorise le dynamisme des entreprises en statique
(minimisation des coûts) comme en dynamique (innovation), tout en leur permettant de s’accaparer
les fruits de ce dernier, leur octroyant ainsi les moyens de leur développement. Elle présente, en outre,
l’intérêt d’être plus facile à mettre en oeuvre que les réglementations poursuivant les objectifs
«traditionnels» car les intérêts du réglementeur sont moins divergents de ceux du réglementé. Au
total, une réglementation incitative construite en fonction d’objectifs de politique industrielle parait
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appropriée à un contexte dans lequel la taille minimale optimale tant au plan technologique,
qu’industriel et commercial tend à s’accroître et à obliger les entreprises à exercer leurs activités sur
des marchés globalisés sur lesquels elles doivent être suffisamment affûtées pour affronter la
concurrence.
Dans cette perspective, il semble que les réglementations de type «Plafonds de Prix» (Price
Cap) aient des propriétés tout à fait intéressantes. Elles consistent à imposer au monopole des prix
plafonds, éventuellement dégressifs (ce qui correspond à des engagements de gains de productivité
minimaux), pour une période donnée; ces prix étant périodiquement révisés en fonction des résultats
du monopole, de ceux des entreprises comparables, des éventuels gains de productivité exogènes
(progrès technique), etc. De telles réglementations sont fortement incitatives car l’entreprise peut,
entre deux tours de négociation, s’accaparer les gains de productivité qu’elle réalise au-delà de ces
objectifs (i.e. le différentiel entre l’évolution réglementée de ses tarifs et l’évolution de ses coûts);
l’idéal étant qu’elle s’en serve pour financer une politique d’expansion internationale.4
Si soumettre les entreprises réglementées ou les fournisseurs de l’État à une plus forte
pression incitative constitue une forme minimaliste de politique industrielle, on peut aussi considérer
d’autres aspects de la théorie de l’agence qui mettent l’accent sur les moyens dont peut se doter un
principal pour contrôler l’action d’un agent. L’idée, ici, est que lorsque l’État se fait prescripteur, il
peut intégrer des considérations de politique industrielle dans ses objectifs et les théories des contrats
apportent des éclairages sur les moyens dont il peut se doter pour s’assurer que ses objectifs seront
réalisés. En effet, puisque le risque est grand de voir les agents se comporter de manière opportuniste
vis-à-vis des dispositifs auxquels ils sont soumis, il importe de configurer ces mécanismes de
manière à minimiser, à un coût acceptable, leurs possibilités de tels comportements. La théorie
s’attache à systématiser l’analyse des dispositifs qui permettent de résoudre ces problèmes de
coordination.
Contrairement au cas d’une réglementation incitative stricto-sensu dans laquelle l’État
cherche à maximiser le surplus collectif puis le répartit en fonction d’objectifs de politique
industrielle, l’État cherche ici à influencer plus directement le comportement des entreprises en les
incitants à poursuivre des objectifs plus précis que la maximisation du surplus collectif. Il se fait plus
interventionniste car il choisit de faire réaliser des projets précis, la théorie de l’agence pouvant lui
indiquer comment s’assurer que ses mandataires réaliseront les objectifs qui leur sont assignés. Il
serait trop long de revenir sur les propriétés des différentes catégories de dispositifs contractuels.
Signalons cependant que la théorie s’est attachée à analyser les effets bénéfiques et pervers des
différents dispositifs d’incitation, de coercition, de supervision. Elle pourrait ainsi contribuer à
éclairer les choix que fait l’État en la matière dans ses politiques d’achat public, de R&D, de soutien
sectoriel, (etc.) afin de renforcer l’efficacité des sommes dépensées. Le lecteur intéressé pourra se
reporter aux survey présentants l’essentiel de ces dispositifs et leurs propriétés (E.g. Hart &
Holmstrom [1987], Brousseau [1993], Salanié [1994]). Cela dit, il convient de souligner que peu de
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travaux appliqués spécifiquement à la politique industrielle existent. Nous signalons ici un champ
d’application «naturel» de la théorie et non une série de résultats de recherches.
Ainsi, appliquée aux relations de mandat entre l’État et les entreprises dont il réglemente
l’activité ou dont il est le client, la théorie de l’agence débouche sur l’idée que, d’une part, l’État peut
stimuler la compétitivité des entreprises en les incitant à améliorer leur efficacité tout en leur
permettant de capter les gains qui en résulte, d’autre part, il peut mettre en oeuvre des dispositifs de
pilotage, d’incitation, et de contrôle qui lui permettent de s’assurer que ses mandataires ne détournent
pas de leur objet les mesures qu’il prend. Toutefois, dans l’état actuel des recherches, peu de travaux
spécifiques ont conduit à élaborer de telles solutions.
3.
DE NOUVEAUX CHAMPS D’INTERVENTION: L’ETAT COMME
AMENAGEUR DU CADRE INSTITUTIONNEL
Les acquis des théories des contrats ne sont pas porteurs d’enseignements uniquement dans
le cas où l’État est en position de mandant. Appliquées à l’analyse des relations interentreprises, la
théorie de l’agence, et surtout celle des coûts de transaction, suggèrent d’autres catégories de
mesures qui peuvent être conformes à des objectifs de politique industrielle:
— les travaux portant sur les relations interentreprises — i.e. les systèmes de distribution
exclusive, les alliances entre producteurs, les politiques de partenariat, les contrats de long
terme, etc. — ont permis de mieux comprendre leurs propriétés individuelles et collectives. Ils
soulignent qu’en favorisant ou interdisant telle ou telle forme d’arrangement contractuel, les
pouvoirs publics peuvent influer sur l’efficacité du système productif.
— D’autres travaux soulignent l’influence du cadre institutionnel sur la résolution privée des
problèmes de coordination. Ils suggèrent par conséquent que le cadre institutionnel est un
champ d’intervention possible d’une politique industrielle.
Revenons sur ces deux éléments.
C’est un des enseignements importants de la théorie de l’agence et de celle des coûts de
transaction que d’avoir souligné que les dispositifs de coordination mis en oeuvre par les agents
économiques ne procèdent pas seulement de la volonté de capter des rentes, mais également de la
recherche d’une plus grande efficacité5 . Cela a d’ailleurs conduit, en matière de politique antitrust, à
renverser la charge de la preuve au cours des dernières années. Désormais, on ne demande plus aux
partenaires de faire la preuve que l’accord qu’ils passent n’est pas anticoncurrentiel. On présume
l’efficacité et on demande aux plaignants de faire la preuve qu’il y a atteinte au processus
concurrentiel (Mueller [1994]). Ces retournements de la politique concurrentielle et de la vision qui la
sous-tend découlent très largement des très nombreux travaux menés sur les propriétés individuelles
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et collectives des mécanismes de coordination interentreprises. Ils ont porté sur les relations de soustraitance, les contrats de fourniture de long-terme, les accords de coopération en R&D, etc. (Cf. Katz
[1989], Williamson [1987], Joskow [1991) Ne pouvant pas revenir ici sur tous les aspects de ces
travaux, nous donnerons un aperçu de leurs conclusions à travers l’exemple des pratiques verticales
restrictives (vertical restraints).
Cette notion désigne toutes les formes de contrats entre un producteur et un distributeur dans
lequel soit la tarification est non uniforme (tarif non linéaire, tarif dégressif, etc.) soit des conditions
particulières d’acquisition ou de fournitures des marchandises sont imposées (comme l’obligation
pour le distributeur de se soumettre à un cahier des charges). Les tenants de la théorie des coûts de
transaction comme ceux de la théorie de l’agence ont essayé de dépasser la perception standard des
conséquences de telles pratiques.
La théorie des coûts de transaction a insisté sur leurs effets bénéfiques tant en ce qui
concerne les producteurs que les consommateurs. L’analyse des contrats de franchise de Williamson
[1985] relève typiquement de cette approche. L’argument peut se résumer comme suit. Pour certains
produits, le service associé à la vente, et notamment le service après-vente, constitue un élément
essentiel du panier de caractéristiques achetées par les consommateurs. Or, un distributeur
indépendant n’a pas intérêt à assurer correctement ce service car, d’une part, il est coûteux, d’autre
part, il peut s’arranger pour ne pas supporter les conséquences d’une telle attitude (notamment en
rejetant sur le produit la responsabilité de la mauvaise qualité). Un tel comportement est nuisible à la
fois à l’industriel et aux autres distributeurs dans la mesure où l’image de marque du produit se
dégrade alors même qu’elle constitue un signal essentiel pour le consommateur qui n’achète pas
seulement le produit mais le service garanti par cette image de marque. Dans ces conditions, il est de
l’intérêt de tous que l’industriel se dote d’un réseau de distributeurs exclusifs qui sont
individuellement incités à offrir une prestation de bonne qualité car, d’une part, l’industriel aménage
un système d’audit, d’incitation et de sanction , d’autre part, les profits du distributeur dépendent de
la qualité de l’image de marque du réseau auquel il appartient et dont il ne peut sortir sans coûts
(parce que l’industriel le contraint à des investissements spécifiques, lui octroie certains avantages
comme une limitation de la concurrence intramarque, etc.).
Ce type d’analyse a été cependant nuancé par des travaux relevant à la fois de la théorie de
l’agence et de la Nouvelle Économie Industrielle. Dans le cadre de raisonnements essentiellement
hypothético-déductifs, les conséquences des diverses catégories de pratiques restrictives ont été
systématiquement analysées (Cf. Mathewson & Winter [1983], Scherer [1983], Comanor & Frech
[1985], Rey & Tirole [1986], Rey & Stiglitz [1988], Katz [1989]). D’une manière générale, ces
travaux soulignent que le bilan des pratiques restrictives doit être nuancé. Si elles s’avèrent presque
toujours conformes aux intérêts des producteurs, elles le sont moins systématiquement à ceux des
distributeurs, et encore mois souvent à ceux des consommateurs. En fait, le bilan collectif dépend
largement de la concentration de l’offre. Plus elle est forte, plus les pratiques restrictives facilitent les
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ententes, sont utilisées pour adoucir la concurrence, servent à ériger des barrières à l’entrée... et
contribuent donc à distordre l’allocation des ressources en faveur des producteurs et au détriment des
consommateurs ou à bloquer le processus concurrentiel.
En matière de politique de la concurrence, de tels résultats s’opposent à l’édiction de
principes généraux puisque les propriétés des accords interfirmes dépendent en grande partie de leur
environnement et pas seulement de leur contenu. Ils poussent à examiner au cas par cas les accords
interfirmes et plaident en faveur d’une politique de surveillance de la concurrence (par opposition à
une réglementation a priori de celle-ci). Dans une optique de politique industrielle, ces travaux
montrent que les accords interfirmes sont en général conformes à l’intérêt de ces dernières et
suggèrent que pour favoriser le dynamisme de la sphère productive, l’État adopte une politique de
laisser faire en la matière. Ce type de conclusion, valable pour les relations entre distributeurs et
producteurs, peut en partie s’étendre à d’autres relations. Toutefois, il convient de signaler que les
autres catégories d’accords (hormis les contrats de long terme et les accords de coopération en
R&D) ayant jusqu’ici moins attiré l’attention des autorités de la concurrence, les travaux les
concernant ont été moins systématiques.
L’analyse des conséquences des contrats interentreprises n’épuise pas les apports de
l’analyse de ces relations à la politique industrielle. La théorie des coûts de transaction insiste sur
l’importance du cadre institutionnel dans lequel se déroulent les transactions. Williamson a mis
l’accent — même si c’est pour en souligner les lacunes — sur le rôle du système judiciaire dans la
régulation des contrats (Williamson [1985 & 1991]). Alors que la théorie de l’agence met surtout
l’accent sur des dispositifs interindividuels de coordination qui se suffisent à eux-mêmes, la théorie
des coûts de transaction prend ainsi explicitement en compte le rôle que joue le système judiciaire
dans la garantie et l’exécution des contrats. North, quant à lui, insiste sur le rôle des institutions au
sens large dans leurs capacités à faciliter les problèmes de coordination entre individus. Dans son
ouvrage de 1990, il développe notamment l’idée que l’efficacité de la coordination interindividuelle
dépend du cadre institutionnel que les hommes construisent collectivement6 .
Ces travaux suggèrent trois catégories de mesures dans le cadre d’une politique visant à
favoriser le dynamisme du système productif. Dans les trois cas, il s’agit de développer des outils
permettant aux acteurs de diminuer le coût de la résolution de leurs problèmes de coordination:
— la première catégorie réside en un renforcement de l’efficacité du système judiciaire: sa
lenteur et son incompétence amenant les agents économiques à recourir à des mécanismes
privés de règlement des conflits et de garantie d’exécution des contrats (Williamson [1985]),
l’amélioration de ses performances devrait permettre aux agents d’alléger la complexité et le
coût de ces dispositifs privés7 ;
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— la deuxième catégorie de mesures consiste à abaisser les coûts de conception des contrats en
aménageant le cadre juridique: en mettant à la disposition des agents des outils facilitant la
mise au point de leurs contrats privés — comme des clauses «types» —, on abaisse les coûts
de conception des contrats privés et on en renforce l’efficacité (car ces contrats bénéficient de
l’expérience accumulée et sont mieux observables par le système judiciaire)8 ;
— Troisième catégorie de mesures: les pouvoirs publics peuvent être amenés à créer des
institutions qui assurent la coordination, comme par exemple des institutions de marché
(Bourses de valeur, marchés de gros, etc.). De tels des dispositifs collectifs peuvent leur
permettre de se coordonner sans concevoir et mettre en oeuvre une multitude de dispositifs
individuels de coordination.
Ainsi, les théories des contrats suggèrent des principes selon lesquels les pouvoirs publics
pourraient intervenir sur le cadre institutionnel dans la perspective de promouvoir l’efficacité du
système productif national. D’une part, l’État doit laisser une grande liberté de manoeuvre en matière
d’arrangements interentreprises en se gardant d’interdire a priori telle ou telle pratique (mais en se
réservant le droit de les interdire éventuellement a posteriori si elles sont trop manifestement
contraires aux intérêts collectifs). D’autre part, l’État doit faciliter le recours à des dispositifs
collectifs moins coûteux pour les acteurs en favorisant l’efficacité du système judiciaire, en
enrichissant le droit des contrats, en créant, le cas échéant, des institutions de coordination.
4.
LA PERTINENCE LIMITEE DES NOUVEAUX INSTRUMENTS DE
POLITIQUE INDUSTRIELLE
Jusqu’à présent, la théorie de l’agence et celle des coûts de transaction ont peu été utilisées
pour concevoir des mesures de politique industrielle. Nous nous sommes efforcé de montrer
comment certaines analyses, essentiellement développées dans la perspective des politiques de la
concurrence, pouvaient déboucher sur certaines intuitions en matière de politique industrielle. Nous
avons aussi souligné comment, d’une manière plus générale, les problématiques de la théorie de
l’agence et la théorie des coûts de transaction pouvaient s’accorder avec des préoccupations de
politique industrielle. Ce faisant, nous avons surtout mis en évidence l’existence d’un programme de
recherche. Des enseignements plus précis ne pourront venir qu’avec le développement d’analyses
plus spécifiques.
Cela dit, les instruments et politiques suggérées par les théories des contrats et des incitations
présentent certaines limites potentielles. Nous reviendrons d’abord sur les conséquences des
difficultés, soulignées notamment par la théorie de l’agence, de concevoir des dispositifs incitatifs
efficaces. Puis nous nous interrogerons sur les limites d’une politique d’interventionnisme libéral.
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Enfin, nous évoquerons les possibilités de mener des politiques autonomes, quelles que soient leur
forme, dans le contexte de la globalisation.
En premier lieu, il convient de noter que la conception d’un contrat incitatif s’avère
extrêmement délicate. La théorie de l’agence souligne que pour résoudre des problèmes
d’incitation dans un cadre relativement simple (information complète, absence d’incertitude, etc.), il
est nécessaire de mobiliser de manière extrême le postulat de rationalité. Par ailleurs, plus on adopte
des hypothèses réalistes (coûts de décision et de rédaction des contrats, information incomplète,
incertitude, etc.), plus les optima de second-rang que les contrats permettent d’atteindre sont éloignés
de l’optimum de premier rang. Enfin, l’introduction de la dynamique complexifie encore le jeu entre
contractants et rend sa solution encore moins conforme à l’optimum. En fait, plus on s’éloigne du
cadre néoclassique standard, moins les contrats incitatifs sont concevables et efficaces (Arrow
[1985]). Cela débouche sur la thèse de Williamson [1985] selon laquelle l’intégration verticale est
nécessaire dans certaines situations du fait des difficultés à contrôler contractuellement les
comportements dans un monde de rationalité limitée et d’incertitude. Lorsqu’on s’intéresse à des
situations réelles, la conception de mécanismes d’incitation efficaces apparaît encore plus délicate. Il
s’avère notamment que les domaines dans lesquels des problèmes d’asymétrie d’information se
posent — telles que l’intensité de l’effort, les coûts, la technologie etc. — se traduisent concrètement
par des ensembles extrêmement complexes de variables à partir desquelles les jeux stratégiques de
révélation/dissimulation sont beaucoup plus délicats à résoudre que dans la théorie. Au total, la
capacité de l’État à utiliser des dispositifs contractuels ou incitatifs pour poursuivre des politiques
industrielles est plus réduite qu’une lecture naïve des théories des contrats pourrait amener à le
penser.
En deuxième lieu, la technique consistant à favoriser la compétitivité de champions nationaux
en les soumettant sur leur marché national à des incitations accrues (§ 2) ou les politiques de «laisser
faire éclairé» en matière institutionnelle (§ 3) posent un problème inhérent à la conception que
l’on peut avoir de l’efficacité du processus concurrentiel. Dans les deux cas, on suppose que
l’aiguillon de la concurrence sera suffisant pour obliger les entreprises à ne pas utiliser de manière
opportuniste les marges de manoeuvre qu’on leur accorde. En effet, dans la perspective d’une
politique industrielle, on peut accepter d’abandonner des rentes aux producteurs s’ils s’en servent
pour favoriser leur développement à long terme. Or, rien ne les empêche soit de redistribuer ces
ressources supplémentaires, soit de les gaspiller. Historiquement, c’est fréquemment parce que ce
processus d’incitation par la concurrence s’est révélé imparfait que l’État a été amené à réduire la
marge de manoeuvre des acteurs. En effet, des positions dominantes ou certains dispositifs de
coordination non marchands ont été utilisés pour pérenniser des situations de captation indue de
rentes qui, finalement, nuisent à l’efficacité à long terme des organisations qui les mettent en oeuvre.
Ainsi, c’est précisément parce que le marché s’avère défaillant dans certaines circonstances que l’on
justifie l’intervention d’un acteur capable — en théorie du moins — de représenter les intérêts
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collectifs et de les opposer à ceux d’acteurs dont le comportement n’est plus borné par le mécanisme
de régulation que constitue la concurrence. Pour ces raisons, on peut s’interroger sur la pertinence de
politiques de laisser-faire, à moins d’admettre que les défaillances de l’État sont systématiquement
plus graves que celles du marché.
En troisième lieu, il faut revenir sur les véritables marges de manoeuvre de l’État dans le
contexte de la globalisation. Primo, même si elles sont moins visibles que les interventions
directes, les tactiques d’incitations n’en constituent pas moins des politiques interventionnistes qui,
au titre du dogme de la concurrence loyale, pourraient être interdites par les autorités ou les accords
commerciaux internationaux ou faire l’objet de représailles. Secundo, dans le contexte de la
globalisation, on peut s’interroger sur le degré réel d’autonomie institutionnelle des États. Comme
nous l’avons rappelé plus haut, l’une des modalités essentielles de la globalisation consiste en la
création d’espaces économiques intégrés. Cela passe notamment par la standardisation des espaces
juridiques, voire la création d’espaces juridiques communautaires, consacrés par des engagements
internationaux et des abandons de souveraineté de la part des États. Dans ces conditions, il devient
très difficile aux États de mener des politiques réellement autonomes en matière institutionnelle.
Tertio, l’efficacité de pures tactiques d’environnement pose problème. Deux raisons l’expliquent.
Premièrement, l’activité des entreprises est de plus en plus internationalisée. Les dispositifs de
coordination mis à leur disposition par un État particulier ne concernent donc qu’une fraction de leur
activité. Leur impact sur leur efficacité s’en trouve atténué9 . Deuxièmement, si les entreprises utilisent
les dispositifs de coordination mis en place par l’État, les concurrentes étrangères implantées dans le
pays en bénéficient aussi. Bien que, dans ce cas, une partie des objectifs d’une politique industrielle
soient remplis — les entreprises étrangères sont incitées à localiser leurs activités dans le pays en
question —, l’objectif consistant à favoriser la compétitivité des entreprises nationales ne l’est pas.
***
Dans cet essai, nous nous sommes efforcé de souligner comment, dans un contexte de
globalisation construite autour du modèle libéral, les développements de l’économie des contrats
pouvaient enrichir la «boite à outils» des promoteurs des politiques industrielles. Ce faisant, nous
nous sommes heurté à une difficulté qui tient, d’une part, à ce que ni la théorie de l’agence, ni celle
des coûts de transactions ne sont directement destinées à penser en tant que telle la politique
industrielle, d’autre part, au fait qu’elles sont empreintes d’une forte connotation libérale — au sens
où elles expriment une grande confiance dans l’efficacité du processus de sélection concurrentiel —
qui les amène à préconiser des interventions publiques relativement limitées dont l’efficacité peut
l’être aussi.
Cela dit, la «nouvelle» vision des problèmes de coordination engendrée par ces deux théories
devrait permettre, nous semble-t-il, de prendre en compte des problèmes auxquels toute politique
industrielle est confrontée et qui étaient auparavant sous-estimés, notamment les conséquences des
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asymétries d’information et des coûts de coordination. Cela conduit à signaler aux pouvoirs publics
des tactiques et des champs d’intervention autrefois négligés par de telles politiques.
Cependant, les promoteurs des analyses économiques des contrats s’étant jusqu’ici peu
penché sur leurs applications au domaine des politiques industrielles, nous avons surtout dressé les
contours d’un champ de recherche qui reste pour une large part à explorer.
*
La présente version de ce texte a été enrichie à partir des remarques des participants au séminaire du Centre
ATOM, et notamment Emmanuel Raynaud et Claude Ménard. Alain Rallet m’a également fait des suggestions utiles.
Je les en remercie. Naturellement, je reste seul responsable des lacunes de ce texte.
1
Encaoua [1988] distingue les réglementations «économiques» — qui se justifient dans certaines activités du
fait de l’impraticabilité de la concurrence (monopole naturel) ou de son caractère destructeur — des réglementations
«sociales» — qui découlent de l’existence d’externalités (comme la pollution) qu’elles visent à réinternaliser —. Les
premières se traduisent par la fixation de règles du jeu concurrentiel qui tiennent pour l’essentiel à une limitation de
l’entrée sur un marché et au contrôle des comportements des offreurs (en matière de quantité, qualité et tarif), les
secondes par des règles fixant des «cahiers des charges» à satisfaire pour exercer certaines activités.
2
La contribution de Baumol, Panzar et Willig [1982] au débat sur la réglementation souligne cette
«gémellité» entre politiques se concentrant sur les règles de fonctionnement du marché — i.e. la politique de la
concurrence au sens «traditionnel» — et les politiques visant à contrôler le comportement des acteurs présents sur un
marché — i.e. les réglementations «économiques» —. En effet, la notion de contestabilité souligne que le contrôle du
fonctionnement aboutit à celui des comportements. C’est la raison pour laquelle Baumol, Panzar et Willig proposent
de substituer une politique de contrôle des règles du jeu — reposant sur la suppression totale des barrières à la mobilité
— à toute forme de réglementation «économique».
3
Les hypothèses williamsoniennes (incertitude radicale, rationalité limitée) sont fort éloignées de celles de la
Nouvelle Économie Industrielle (E.g. Tirole [1988], Schmalensee & Willig [1989]) plus proches du cadre néoclassique
(rationalité parfaite, risque). En conséquence, les recommandations en matière de politique de la concurrence issues des
deux théories peuvent diverger. Cela dit, la Théorie des Coûts de Transaction demeure profondément marquée par une
perspective libérale confiante dans l’efficacité du processus de sélection marchand (Cf. Brousseau [1989]).
4
Il faut, cependant, que lors des renégociations périodiques des plafonds, les Pouvoirs Publics ne cherchent pas
à recapturer l’essentiel de la rente accordée au monopoleur (en imposant de nouveaux plafonds de prix très proches des
nouveaux coûts). On observe sinon un effet pervers: l’effet cliquet (Ratchet Effect; Cf. Weitzman [1980], Baron &
Besanko [1984], Freixas, Guesnerie & Tirole [1985], Laffont & Tirole [1988]). Si l’entreprise réglementée sait que ses
bonnes performances du passé risquent d’augmenter les exigences de l’autorité de tutelle (par alignement systématique
des tarifs sur ses coûts lors des renégociations), elle ne sera jamais incitée à réaliser des gains de productivité. Par
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16
conséquent il faut que l’autorité de tutelle, parce qu’elle poursuit des objectifs de politique industrielle, admette qu’une
partie des rentes doivent être définitivement abandonnées à l’entreprise réglementée.
5
L’hypothèse centrale étant que le processus de sélection concurrentielle, dont les agents sont conscients, les
pousse à faire des choix efficaces... et élimine de toute façon ceux qui ne le sont pas. Il convient par ailleurs de
souligner que le concept d’efficacité n’est pas strictement équivalent dans la théorie de l’agence — où il reste défini
conformément aux critères walrasso-parétiens — et dans la théorie des coûts de transaction — où il s’agit de minimiser
les coûts de transaction en statique et en dynamique —. Cf. l’article de F. Lotter.
6
On doit noter que cette attention au rôle du cadre institutionnel n’est pas nouvelle en économie. On pense à
l’historicisme allemand et à l’institutionnalisme américain, mais surtout, en relation de paternité plus directe, avec les
analyses dont il est question ici, à la théorie des droits de propriété (Cf. Furubotn & Pejovitch [1974]) et à l’Économie
du Droit (Cf. Posner [1986])
7
On peut même espérer une amélioration globale de l’efficacité de la coordination. En effet, lorsque les
dispositifs de contrôle et de garantie sont coûteux à mettre en oeuvre, les déviations mineures par rapport aux
engagements ne sont pas réprimées car ce n’est pas rentable. Si le coût de ces dispositifs s’abaisse, alors le champ des
comportements opportunistes non réprimés se rétrécit et la coordination devient plus efficace.
8
En la matière, la politique de l’État ne peut être que propositionnelle. Il ne peut s’agir pour lui de concevoir
des «contrats types» à utiliser impérativement. Face à des problèmes de coordination spécifiques, seuls les acteurs sont
capables de définir les modes de coordination efficaces, de déterminer s’ils ont intérêt à utiliser les moyens mis à leur
disposition par les pouvoirs publics, d’évaluer les coûts et les difficultés des changements organisationnels requis.
9
De plus, les entreprises plurinationales n’ont pas nécessairement intérêt à utiliser les dispositifs particuliers
mis à leur disposition par chacun des pays où elles exercent leurs activités car cela accroît la complexité de leur
gestion. Elles peuvent préférer «normaliser» à un niveau mondial leurs relations avec leurs partenaires économiques.
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