Homélie Obsèques M Duhamel.

Transcription

Homélie Obsèques M Duhamel.
Cathédrale St Etienne de MEAUX, 19 mai 2015
Homélie pour les obsèques de M. le Chanoine Michel DUHAMEL
Monseigneur, chers frères prêtres et diacres, chers frères et sœurs,
Je ne vous étonnerai pas en vous disant que la Parole de Dieu tenait une place
centrale dans la vie de celui que nous accompagnons aujourd’hui de notre affection, de notre
amitié et de notre prière. Sa prière, sa prédication, les différents actes de son ministère, tout
partait pour lui de la Parole de Dieu et y conduisait.
Preuve en est encore la demande qu’il a faite, en exprimant ses dernières volontés,
que deux phrases du Nouveau testament soient commentées au cours de l’assemblée
eucharistique de ses funérailles. Ces messages, vous les avez entendus, et je les relis
maintenant :
Hébreux 13,8 : Jésus Christ, hier et aujourd’hui, est le même, il l’est pour l’éternité.
Jean 17,3 : La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui
que tu as envoyé, Jésus Christ.
Avec vous, je souhaite donc m’employer à y puiser l’enseignement de foi et
d’espérance que ces paroles comportent.
----Dans ces deux citations, vous l’aurez remarqué, c’est Jésus Christ qui compte. Depuis
son jeune âge, il avait fondé sa vie sur Celui qui est pour tous les hommes « le Chemin, la
Vérité et la Vie ». Et il déploya cet attachement au Christ de façon constante dans toutes les
circonstances de son ministère sacerdotal.
Aussi bien, en effet, au service de la formation des prêtres qu’au service de la
catéchèse des enfants et du catéchuménat des adulte, encore en germination, ou en
paroisse, le Père Duhamel eut le souci remarquable, voire exemplaire, de rendre compte
fidèlement de notre foi au Christ Jésus, dans l’Eglise –ce qu’accentua, bien sûr, l’évènement
du Concile Vatican II-. Il désirait ainsi profondément que la Bonne Nouvelle rejoigne ses
destinataires les plus variés. A titre d’exemple, rappelons-nous ses efforts assidus pour
apprendre la langue portugaise et se mettre ainsi davantage au service des fidèles de ce pays
présents dans nos communautés.
Dans la paroisse de Fontainebleau, où j’ai eu la joie de travailler avec lui au tout début
de mon ministère, quel n’était pas aussi son désir ardent que les « tout-petits » puissent
bénéficier d’un « éveil à la foi » ! Et dans ses contacts avec la Fraternité catholique des
malades et handicapés, comme auprès des associations caritatives, ne faisait-il pas preuve
d’une charité active ?
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Comme il l’écrira plus tard, y compris dans la presse seine-et-marnaise –par ses
communiqués courageux, mais jugés parfois téméraires- la réflexion rationnelle
accompagnait sa foi au Christ. Je le cite, dans un texte paru le 7 octobre 2005 : «Ma raison, je
dois la faire fonctionner, aussi bien et aussi loin que je le peux. Arrive un moment où elle est
débordée par tout ce qui, en Dieu, la dépasse. Au bout de son chemin, elle doit s’avouer
impuissante à le « comprendre » parfaitement. Elle n’a pas honte de l’avouer. Si elle avait la
prétention de le comprendre totalement, elle se tromperait, ce qu’elle affirmerait ne serait
pas Dieu, mais une idole. Elle se réjouit au contraire d’être dépassée, car elle sait qu’alors
elle atteint le vrai Dieu ». Et il terminait par la citation d’un père de l’Eglise : « O Toi, l’au-delà
de tout, n’est-ce pas tout ce que l’on peut dire de Toi ? »
En nous quittant à quelques heures de la fête de l’Ascension du Seigneur, le cher Père
Duhamel nous invite à unir plus étroitement son itinéraire personnel à celui du Christ, « qui
s’est assis à la droite de la Majesté divine dans les hauteurs de cieux », comme s’exprime la
Lettre aux Hébreux. Occasion pour nous tous, frères et sœurs, de prendre à nouveau
conscience qu’au long de notre existence temporelle, la foi est lumière de vie sur le chemin de
notre condition d’éternité. Il nous revient alors cette parole du Psaume 138 (139), v. 24 :
« Vois si je prends le chemin des idoles, et conduis-moi sur le chemin d’éternité ».
Avec la prière de Jésus au soir de la dernière Cène, qui correspond bien à la Liturgie de
ces jours-ci, nous avons l’assurance, dans l’Esprit-Saint, d’avoir été « donnés au Fils » par le
Père. Là encore, la « parole puissante » du Fils nous porte et nous élève au-dessus des anges
mêmes, car c’est dans l’humanité qu’Il s’est incarné, et du Père, dit-il en cette page de
l’Evangile de Jean, il a reçu « pouvoir sur tout être de chair » et « donnera la vie éternelle à
tous ceux que le Père lui a donnés » (Jn 17, 2).
Combien de fois les prêtres, dans l’exercice de leur ministère auprès des familles en
deuil, mais aussi tant de fidèles de nos paroisses si généreusement engagés, abordent-ils ce
mystère essentiel de notre vie ? Notre vie reçue du Père, nourrie dans la durée de la foi par la
Parole et appelée à une continuité impalpable, dans le passage avec le Fils à travers la mort
vers le Royaume des fils. Sans nul doute, Michel Duhamel était-il habité par cette conviction
profonde, qui n’empêchait pas, surtout dans les confidences des dernières années, certains
moments d’angoisse et de scrupule !
La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as
envoyé, Jésus Christ. Il ne s’agit pas d’une connaissance purement intellectuelle, mais d’une
relation indestructible, « à la vie à la mort », comme l’on dit, au-delà de ce que nous pouvons
énoncer et ressentir. Dès lors, s’applique pour chacun de nous la parole que Jésus adresse à
son Père : « Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi… » (Jn 17,10)
De par sa naissance sur le sol algérien, que nous avons foulé ensemble durant l’été
1979, et de par son amitié pour Christian de Chergé, ancien condisciple du Séminaire et prieur
du monastère de Tibhirine, comme pour Henri Teissier, maintenant archevêque émérite
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d’Alger, il avait au cœur la prière pour tous les musulmans et un réel souci d’établir un pont,
une rencontre avec eux, qui ne reconnaissent pas la divinité de Jésus. Avant même les
événements dramatiques qui ont frappé notre pays en janvier de cette année, il s’était
exprimé très clairement dans le « Pays briard » du 24 février 2006, à propos des « caricatures
de Mohammed », je le cite : « Il y avait deux principes à respecter dans cette affaire : la
liberté d’expression et le respect dû à tout homme. On peut en faire un usage responsable
ou un usage irresponsable… Quand est-ce que le monde comprendra ce que Jésus n’a cessé
de répéter depuis vingt siècles ? La seule solution, valable et durable, des conflits est le
dialogue, l’amour et le pardon. Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ».
De même, à la mort de Sœur Emmanuelle, il lui rendit un vibrant hommage : « L’éloge
du christianisme, c’est elle qui le fait infiniment mieux que moi ! Elle nous fait toucher du
doigt, par son exemple, l’originalité de la religion de Jésus-Christ par rapport à toutes les
religions… Il est le seul à avoir osé dire qu’au jugement dernier, Il n’accueillera dans son
royaume que ceux qui auront bien agi à l’égard des pauvres dont il est le représentant… » (411-2008)
Qu’il ait cherché à aimer les plus démunis, nous en avons de nombreux témoignages,
quelquefois même au-delà des recommandations de prudence que nous lui adressions. En
tout cas, s’applique pour lui comme pour d’autres frères ce que disait l’abbé Pierre : ‘quand
vous donnez, même si vous n’êtes pas sûr du bon usage qui sera fait de votre don, donnez’.
Cher Père Duhamel, depuis plusieurs mois, nous n’avions plus le bonheur de converser
avec vous, en bénéficiant de la finesse et de la profondeur de votre jugement ! Mais
l’essentiel demeurait votre sourire, marquant encore votre présence parmi nous. Désormais,
nous vous confions au Seigneur que vous avez aimé et servi en son Eglise. Nous le croyons, sa
gloire déjà vous illumine et près de Lui, « Rayonnement de la gloire de Dieu » (Héb.1, 3), la
tendresse et la joie de Marie emplissent votre âme, vous qui aimiez tant, à Lourdes, la prier
avec une fidèle affection filiale.
Soyez pour nous un relais auprès du Seigneur pour le diocèse de Meaux. Nous
garderons de vous ces trois idées, parues en 2012, avec quelques textes sur l’Histoire du
diocèse de Meaux :
1. L’Eglise a les promesses de la vie éternelle, elle tiendra le coup jusqu’au jugement
dernier.
2. Elle sera toujours un « petit troupeau » persécuté comme Jésus l’a été.
3. C’est par la grâce et non par ses capacités humaines qu’elle tient.
Que la paix de Dieu soit votre repos éternel ! Amen.
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